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Comprendre et maitriser les risques techniques et environnementaux : aller au-delà du risque ?

Vulnérabilité, risques et environnement : l’itinéraire chaotique d’un paradigme sociologique contemporain

Sylvia Becerra

Abstracts

Abstract : Vulnerability is a polysemous, multiscalar, multidimensional notion (Nathan, 2009 ; Janin, 2008 ; Léone, 2007 ; Bogardi, 2004 ; Bohle, 2002 ; Fabiani, Theys, 1987), far from the simple identification of the social traditional criteria as the age, the gender, the social status or the level of income (Birkmann, on 2006). In France, it is not yet a sociological concept applied to environmental issues, whereas somewhere else the researchers, in particular American or Latin American, work on this problem since around thirty years. This article clarifies the route of paradigm of the social vulnerability in the study of the environmental risks. It presents first a review of its definitions and uses by the social sciences. It secondly exposes some scientific questions for which the notion was mobilized by sociologists. Lastly, we analyze the stakes and the challenges of this new paradigm for the contemporary sociology.

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Full text

Introduction

1Inondations, tempêtes, tremblements de terre, accidents technologiques ont en commun leur potentiel de pertes humaines ou matérielles et de profondes perturbations de l’organisation socioéconomique et politique d’un territoire. En dépit d’une évidente prise de conscience d’une responsabilité sociale dans la genèse des dérèglements de l’environnement et des risques naturels (Fischer, 1998 ; Beck, 2001 ; PNUE, 2002 ; Gilbert, 2006 ; IPCC, 2007) et du développement exponentiel des connaissances et des dispositifs censés nous protéger des risques, le sentiment d’insécurité et la demande sociale de protection vont croissant (White et al. 2001 ; Castel, 2003 ; Leone, 2007).

2La vulnérabilité polymorphe des communautés et activités humaines aux aléas naturels ou problèmes environnementaux est un phénomène significatif de ce que l’on reconnaît aujourd’hui comme étant une « société du risque » (Beck, 2001) ou une société vulnérable (Fabiani, Theys, 1987). Il est admis que, si l’on ne peut prévoir ou maîtriser ces évènements, on peut toutefois agir pour réduire les dommages ou les pertes directes ou indirectes liées à leur occurrence, autrement dit agir sur la vulnérabilité ou renforcer notre capacité de faire face et de résilience (Maskrey, 1993 ; Wisner et al., 1994, 2004).

3Ce paradigme de la vulnérabilité, ni tout à fait nouveau ni tout à fait classique, permet de prendre en compte les relations société/environnement à des échelles spatiales et temporelles relativement longues et diversifiées. Il implique de s’intéresser à la capacité plus ou moins importante de la société à « encaisser » l’évènement (résistance), à gérer l’éventuelle crise qui en découle et à retrouver un fonctionnement « normal », relativement proche de son état initial (résilience). Mais il suggère aussi de prendre en compte des situations plus ordinaires (Gaillard, 2006, 2007) -usages et gestion de l’espace, politiques ou prises de décision- influençant la gestion des risques (Becerra et Roussary, 2008 ; Cartier, 2002).

4Vulnérabilité est une notion dont l’usage en sociologie est controversé : polysémique, multiscalaire, multidimensionnelle (Bohle, 2002 ; Bogardi, 2004 ; Léone, 2007 ; Janin, 2006, 2008) la notion dépasse la simple identification des critères sociaux traditionnels de vulnérabilité sociale comme l’âge, le genre, la classe sociale, l’instabilité de l’emploi, le niveau des revenus (Cutter et al., 2003 ; Birkmann, 2006 ; Cutter et Emrich, 2006). La complexité des processus sociaux politiques et territoriaux qui la définissent est avérée (Becerra, Peltier, 2009), tout comme celle des méthodes pour l’évaluer.

5Dans ce contexte, et pour dépasser la simple intuition de l’intérêt d’une telle approche pour l’analyse des interactions entre sociétés et environnements, nous retraçons dans cet article l’itinéraire théorique de la notion en sciences sociales (sans toutefois chercher l’exhaustivité). Le propos n’est pas ici de comprendre le lien avec d’autres notions proches comme résilience ou adaptation, mais de comprendre dans quel contexte et quelles directions cette notion s’est développée et enrichie depuis les années 80. Nous revenons ensuite sur quelques grandes questions scientifiques que la notion a permis d’aborder, notamment autour des problématiques de catastrophes, de risques et d’environnement pour tenter d’en dégager les principaux apports. Nous interrogeons plus particulièrement son usage et son développement en sociologie. Enfin, nous ferons un tour d’horizon méthodologique de son évaluation pour finir sur la question de son opérationnalisation à des fins d’aide à l’action publique.

Définir la vulnérabilité sociale : des accords instables

6De nombreuses définitions de la vulnérabilité sociétale ont vu le jour depuis 30 ans (Villagrán de León, 2006 ; Birkmann, 2006), le plus souvent dans le cadre de commandes opérationnelles sur la réduction des risques. Birkmann (2006) recense à ce titre quelque 25 définitions différentes de la vulnérabilité, ainsi que six écoles théoriques, une vingtaine de manuels et plusieurs guides concernant son évaluation. Aussi, il semble illusoire de vouloir en faire la synthèse ; nous rappellerons donc plutôt quelques travaux marquants.

Une tradition de recherche ancienne outre-Atlantique

7De nombreuses approches de la vulnérabilité sociétale aux aléas naturels se sont développées à partir des années 90 autour, par exemple, des processus d’endommagement physiques, d’exposition de certains enjeux matériels ou humains plus ou moins stratégiques pour la sortie de crise (immeubles, centres de décision, hôpitaux, réseaux d’eau potable, etc.), mais aussi plus largement des causes sociales profondes (root causes) des risques et catastrophes (Maskrey, 1993 ; Wisner et al., 1994).

  • 1  Réseau en sciences sociales pour la prévention des désastres.

8En Europe et dans certains pays en développement, les chercheurs en sciences sociales suggèrent ainsi que les impacts à long terme des pertes et dommages liés à l’occurrence d’un risque naturel peuvent être tout à fait différents entre des pays pauvres et développés, grands ou petits, entre milieux urbains ou zones rurales (Cardona, 2003). En Amérique latine un réseau scientifique appelé la RED1, a été créé à partir de l’idée que les catastrophes ne sont pas « naturelles » (Maskrey, 1993), mais plutôt le résultat de conditions socioéconomiques vulnérables (Blaickie et al., 1996). La RED considère ainsi la vulnérabilité comme une construction sociale ; pour la définir, elle prend en compte à côté des aspects physiques et matériels, des dimensions sociales comme la fragilité de la cellule familiale, l’accès à la propriété ou au crédit, les discriminations politiques ou sociales, l’absence d’occasion d’éducation, etc. (Cardona, 1999).

9Dans les années 90, apparaissent aussi les premières recherches interrogeant les capacités sociales à faire face (coping capacities), à côté des analyses portant strictement sur la vulnérabilité : les « vulnérables » ne sont pas juste des acteurs passifs attendant l’impact d’une catastrophe. Ils disposent de certaines ressources qu’ils peuvent mobiliser pour diminuer leur niveau de risque ou les effets potentiels d’un aléa (UN/ISDR, 2002 ; D’Ercole, 1994 ; Wisner et al., 2004).

10Déclinée de manière sectorielle ou systémique elle est ensuite appréhendée à des échelles territoriales et temporelles très diverses dans les années 2000. Les relations sociales et les modèles historiquement enracinés de discrimination, d’inégalités sociales ou d’accès aux ressources (au sens général) et de déséquilibre des pouvoirs sont clairement abordés comme des déterminants importants de vulnérabilité sociétale (Wisner et al., 2004 ; Birkmann, Wisner, 2006 ; Becerra et al., 2011, soumis). Cannon et al. (2003) analysent par exemple la vulnérabilité sociale comme l’ensemble de caractéristiques initiales d’une personne ou d’un groupe (santé mentale et physique, biens de subsistance, protection sociale, capital social (réseaux), capacité d’auto-protection, etc.). Pour Wisner et al. (2004), ces caractéristiques influencent à la fois l’anticipation, l’aptitude à faire face à un aléa naturel ou environnemental tout comme la capacité à se remettre de ses impacts (Wisner et al., 2004).

    • 2  http://www.tdcat.cesca.es/TESIS_UPC/AVAILABLE/TDX-0416102-075520/08Capitulo6.PDF

    Le Modèle holistique de Cardona (2001) analyse pour sa part la vulnérabilité à l’aune d’un défaut de développement2 : dans des conditions de vie extrêmes, les activités de subsistance de certains groupes sociaux deviennent extrêmement fragiles et les entraînent dans des « cercles vicieux » de vulnérabilité. Cardona propose ainsi une vision pluridisciplinaire et systémique de la vulnérabilité, produit d’une exposition ou fragilité physique (susceptibilité aux phénomènes dangereux des implantations humaines du fait de leur localisation dans les aires d’influence du phénomène et de leur faible résistance physique) ;

  • d’une fragilité socio-économique (prédisposition à subir un dommage du fait de la marginalité, de la ségrégation sociale, ou de conditions de vie liées difficiles) ;

  • du manque de résilience entendue comme l’expression des contraintes à l’accès et à la mobilisation des ressources permettant l’installation humaine et l’incapacité conséquente à résister à l’impact d’un aléa.

11Le cadre conceptuel évolue avec les travaux de Bogardi et Birkmann (2004) et Cardona (1999-2001). Deux points centraux sont à retenir. Le premier : la vulnérabilité doit être analysée comme un processus évoluant sur trois échelles, piliers du développement durable : sociale, économique et environnementale. Le second point : l’analyse part de l’estimation des défaillances et des impacts des catastrophes dans le passé pour observer la vulnérabilité présente d’un élément, individu, groupe ou société (dans ces trois domaines) définie à la fois comme la susceptibilité physique, la fragilité socio-économique et le manque de résilience (Birkmann, 2006). Le cadre conceptuel est donc fortement ancré sur la problématique du développement durable et donne une place majeure au contexte environnemental dont les sociétés dépendent (Turner et al., 2003).

12La synthèse des multiples approches et échelles d’analyse de la vulnérabilité proposée par Birkman et Wisner (2006) montre toute la complexité de cette notion qui permet de saisir des processus eux-mêmes complexes et imbriqués :

  • la vulnérabilité est la caractéristique intrinsèque d’un élément ou système (Cardona, 2004) ;

  • elle rend compte de la probabilité de subir une blessure voire la mort, la détérioration voire la perte des biens de subsistance (Wisner et al. 2004) ;

  • la vulnérabilité a une face externe -exposition au danger- et une face interne -difficultés à faire face ou à récupérer suite à un choc- (Bohle, 2001 ; Wisner, 2002) ;

  • enfin, c’est un processus pluriel et multiscalaire : il englobe à la fois la susceptibilité, les capacités à faire face, mais aussi l’adaptation (Turner et al., 2003) et l’exposition physique à différentes échelles spatiotemporelles et dans différents domaines –société, environnement, économie.

13Comme le souligne Warner (2007) la vulnérabilité sociale n’est finalement qu’un des aspects de la vulnérabilité qu’une société peut avoir face à des stress ou chocs parmi lesquels on trouve les aléas environnementaux. Le terme désigne ainsi les impacts subis du fait de l’incapacité d’une société à les réduire en raison des caractéristiques inhérentes aux interactions sociales (rapports de pouvoir), institutions et valeurs culturelles de cette même société.

En France : la difficile percée du paradigme de la vulnérabilité sociale dans les recherches sur les risques et l’environnement

14Les recherches françaises en sciences sociales, en particulier en sociologie, sur la vulnérabilité aux risques environnementaux restent pour leur part relativement limitées. Gilbert constate d’ailleurs la difficulté à donner un contenu et, surtout, un véritable poids à cette notion dans la définition actuelle des risques (Gilbert, 2009).

La question de la vulnérabilité sociale en sociologie

15L’idée d’individus ou de groupes vulnérables dans des situations menaçantes n’est pas vraiment nouvelle. Ce terme « prêt-à-porter » de la sociologie classique traverse en effet les recherches sur les politiques sociales, le chômage, la santé, etc. Dans ses dimensions économiques et relationnelles, elle représente par exemple « une zone intermédiaire », située entre l’intégration et la désaffiliation (Cohen, 1997, p 2) ou entre l’intégration et l’exclusion (Castel, 2003). La vulnérabilité renvoie aussi à une situation globale d’« insécurité sociale » des individus face à l’avenir (Castel, 2003) dans un contexte de multiplication des incertitudes et menaces en tous genres et de mise en cause croissante de l’efficacité des dispositifs de protection censés les juguler (Borraz, 2008). Elle permet d’appréhender les conditions ordinaires de fragilité d’une société ou d’un groupe social (pauvreté, précarité, rupture du lien social, solidarité en situation de crise, « mal-intégration », domination, souffrance sociale, etc.) de nature à augmenter les impacts potentiels d’un aléa naturel ou d’un changement environnemental (Blaickie et al., 1996). Les messages d’exclusion, de marginalisation, d’insécurité ou d’inégalités qu’elle véhicule font de la vulnérabilité une notion globale pouvant être appropriée par les sociologues dans des champs thématiques très différents. Pour Juan, elle désigne un champ de problèmes sociaux qui n’exige « aucune approche théorique particulière ou aucune perspective d’école ou de pensée spécifique » et qui peut être analysé avec les concepts usuels de la sociologie (Juan, 2008). Il n’est finalement pas étonnant que la notion de vulnérabilité ait encore aujourd’hui du mal à acquérir le statut de concept dans le cadre d’une théorie sociologique identifiée (Becerra et Peltier, 2011).

Itinéraire d’un objet de recherche sociologique

16À la fin des années 80, avec l’idée de vulnérabilité sociétale imposée par les évènements apparaissent les premières recherches françaises sur la vulnérabilité sociale liées à des phénomènes dommageables. À partir d’une série d’études de cas sur des risques propres aux années 1980, « La Société Vulnérable » (Fabiani et Theys, 1987) s’attache à montrer la vulnérabilité des sociétés industrielles et urbaines complexes à l’accident et à la panne et leur installation dans un régime quasi permanent de crise. Définissant la vulnérabilité comme une « mesure [de] la capacité de systèmes interdépendants à fonctionner sans accroc en absorbant les perturbations extérieures, même les plus imprévisibles » (p. 21), l’ouvrage de Fabiani et Theys souligne trois facteurs de vulnérabilité centraux (p. 23) : l’évènement (déstabilisateur), l’homme (erreur humaine, acceptabilité sociale des contraintes sécuritaires, responsabilité, expérience, rôle des médias, etc.) et les structures (effets domino, organisation, marginalisation, communication au sein de systèmes interdépendants de plus en complexes, etc.). L’ouvrage de Beck publié à la même époque (1986) n’aborde pas directement la question de la vulnérabilité : c’est aux lecteurs d’en extraire le sens. Les risques étant pour Beck le produit des modes de développement, on en déduira ici que les sociétés génèrent leurs propres vulnérabilités. Mais en contre-pied de l’analyse de Beck qui dénonce le rôle du fonctionnement des institutions dans la production des risques, les « désordres » institutionnels et sociétaux apparaissaient dans l’ouvrage de Fabiani et Theys comme des conséquences (et non comme les causes) de la réalisation des aléas (Rudolf, 2009) : « L’ouvrage s’organise autour d’une collection de textes qui procède à l’objectivation des pannes et des accidents technologiques qui ponctuent l’actualité des années 1980. Cette orchestration n’exclut pas l’étude des « désordres » institutionnels et sociétaux susceptibles de les accompagner sous la forme de crises notamment, mais au titre de conséquences et non de causes principales de ces aléas qualifiés de « nouveaux » risques. » (Rudolf, 2009, p 43). Ces constats font dire à Rudolf que l’approche par la vulnérabilité sociale implique une perspective plus propice à une certaine « victimisation » de la société : « Il semblerait que le cadrage construit autour des risques soit plus propice au « procès » de la modernité et à une dénonciation du fonctionnement de ses institutions que la perspective centrée sur la vulnérabilité qui s’avère, quant à elle, plus propice à une « victimisation » de la société. » (Rudolf, 2009, p 50).

17Malgré son importante contribution à la recherche sur la vulnérabilité sociale, l’ouvrage de Fabiani et Theys ne génère pas de mobilisation durable de la communauté scientifique ; le courant français de recherches sociologiques sur la thèse de la société vulnérable reste à l’état d’ébauche.

  • 3  Construits, eux, à partir de la géographie humaine (November, 2002).

18Dans les années 90, les géographes français, plus familiers avec les questions de risques naturels et d’environnement, s’emparent de la question. La prise de conscience progressive des limites d’une approche jusque-là trop « aléa-centrée » dans la lignée des travaux anglo-saxons3, se traduit par un virage épistémologique d’un certain nombre de chercheurs qui les conduit à donner la priorité à une approche sociale du risque (Becerra, Peltier, 2009). Sur les traces des travaux précurseurs de Robert D’Ercole (D’Ercole, 1991 ; D’Ercole et al. 1994) les recherches interrogent la préparation sociale aux catastrophes et l’aptitude à s’en défendre et s’en relever, dans des villes latino-américaines telles que Quito ou Manizales (Chardon, 1994).

19En dehors de quelques écrits ponctuels décrits plus avant, les sociologues (en particulier ceux de l’environnement ou des risques) restent peu investis sur cette question jusqu’aux années 2000 sans doute parce que la question des risques environnementaux en particulier naturels reste jusque-là la « chasse gardée » des géosciences. Sans doute aussi parce que la mise au jour des vulnérabilités soulève des questions politiquement peu correctes notamment celle de la responsabilité politique dans la gestion des risques, crises et catastrophes. Cartier (2005) souligne à ce propos que le contrôle de la vulnérabilité est une affaire d’autant plus délicate que, économiquement, nombre d’activités profitent implicitement de leur exposition au risque, soit pour des raisons techniques (agriculture sur cendres volcaniques, industries ripuaires), soit pour des raisons économiques (moindre coût foncier des zones inondables par exemple), soit pour des raisons hédoniques (sport, panorama). Comme le souligne Gilbert (2006), l’imprévisibilité de l’aléa devient alors un « alibi commode » pour les autorités : « Le changement climatique actuel constitue, pour beaucoup de gouvernements et d’institutions internationales, un alibi facile qui leur permet d’échapper à leur responsabilité dans la « vulnérabilisation » de la planète. La hausse du nombre de catastrophes est en effet liée à des contraintes démographiques, historico-culturelles et politico-économiques qui s’entremêlent » (page 118). Dans le même article, Gilbert propose de dépasser la définition géographique de la vulnérabilité sociétale (comme ensemble des dommages matériels ou pertes humaines potentielles à la suite d’une catastrophe) en tenant compte des capacités des collectivités à se soustraire ou à résister aux effets des phénomènes naturels à travers les actions et les politiques engagées, tant en matière de prévention que de gestion de crise, voire de réparation post-catastrophe (Gilbert, 2006).

20En mai 2008, lors du colloque de Toulouse « Vulnérabilités, risques et Environnement : comprendre, évaluer, réduire », la présence des sociologues est avérée en dépit de leur faiblesse numéraire par rapport aux géographes. Si leurs communications ont des apports indéniables sur le plan théorique ou empirique, la question du transfert des connaissances aux acteurs opérationnels reste posée, constat qui concerne d’ailleurs la plupart des présentations. Avec ce colloque et l’ouvrage qui en découle (Becerra, Peltier, 2009), c’est pourtant bien le « deuxième âge des études sur la vulnérabilité [en France] : plus réflexif, plus interdisciplinaire et, on peut l’espérer, plus opérationnel » qui devient visible (Fabiani, 2010, p 481).

21En somme, en dépit d’un itinéraire chaotique, les sociologues se mobilisent ces dernières années pour comprendre sociologiquement la vulnérabilité des sociétés, en particulier soumises aux risques environnementaux. Certains des apports les plus significatifs de ces recherches sont synthétisés en suivant.

Vulnérabilité et questions sociologiques

Catastrophes : la question de la sécurité humaine

22Avec la « laïcisation du danger » au XVIIIe siècle, l’étude des catastrophes dites naturelles est dominée par le paradigme techniciste fondé sur l’idée que la compréhension de l’aléa grâce aux sciences physiques et sa maîtrise grâce aux progrès techniques permettraient de protéger les sociétés (Fabiani et Theys, 1987 ; Reghezza, 2006).

23Pourtant, née du constat de l’incapacité des seules approches scientifiques et techniques à en rendre compte, la sociologie des catastrophes (Clausen et al., 1978 ; Quarantelli, 1978, 1988b ; Fischer, 1998, 2003 ; Cardona, 2003 ; De Vanssay, 2006) émerge à partir des années 1970 au fil des désastres qui ont émaillé la fin du siècle (De Vanssay, 2006). Proche de la géographie, ce courant sociologique s’est intéressé aux fondements sociaux des catastrophes, reflets de l’organisation et du niveau de développement d’une société. Sur le terrain, les recherches en sociologie et en géographie se rejoignent sur l’idée que l’occurrence des désastres dépend de l’interaction entre le système social et l’environnement, mais surtout de la « réponse sociale », de la « capacité à faire face » ou encore de la « capacité d’adaptation » des communautés qui les affrontent, capacités elles-mêmes fonction de certains déterminants sociaux comme le niveau de développement (White et Haas, 1975 ; Quarantelli, 1978, 1988 ; Cardona, 2003 ; Reghezza, 2006).

24Malgré ces avancées, le développement des recherches sur la vulnérabilité à partir de l’étude des catastrophes ne prend réellement son essor que durant la Décennie Internationale pour la Réduction des Catastrophes Naturelles : « International Decade for Natural Disaster Reduction » (IDNDR), instaurée en 1990 par l’ONU. Le modèle PAR, « Pressure And Release » (Blaikie et al., 1996, 2004) émerge dans ce contexte pour répondre à la question : comment surviennent les catastrophes ? Fondé sur l’équation classique « Risque = aléa x vulnérabilités », le modèle propose une analyse des désastres comme résultat de l’occurrence d’un aléa dont les impacts sont aggravés par divers processus de vulnérabilité. Il distingue les causes profondes (root causes) de vulnérabilité (accès limité aux pouvoirs, aux ressources, idéologies), les pressions dynamiques (marché, institutions, formation, etc.) qui influencent ces vulnérabilités « initiales » et des conditions d’insécurité environnementales, économiques ou sociopolitiques (relations sociales, action publique). Le caractère « normal » des catastrophes a depuis fort long été souligné par la sociologie (Clausen et al., 1978 ; Perrow, 1984 ; Gilbert, 2006) et à ce titre la vulnérabilité peut être analysée comme une caractéristique elle aussi « normale » des sociétés et des organisations complexes (Portal, 2009).

25Comme moment de rupture pour les systèmes sociaux (Lagadec, 2000, 2002, 2003 ; Bogardi, 2004), plus ou moins long et plus ou moins réversible, les « évènements » catastrophiques créent parfois des crises. Certaines crises franchissent certains seuils en termes de complexité, d’expertise, de vitesse, comme l’a démontré récemment la catastrophe de Fukushima (11 mars 2011). Comme le soulignait Lagadec (2007) :

« Les niveaux de gravité sont pulvérisés, les théâtres d’opérations plus larges que jamais, les cartes d’acteurs foisonnantes et illisibles, les outils de référence ne sont plus guère pertinents quand on doit traiter de véritables mutations. Les institutions, les organisations, arrivent en limite de compétence – placées de plus en plus souvent hors domaine de pilotabilité comme on le dirait d’un avion sorti de son domaine de vol » (Lagadec, 2007, p 10).

26La vulnérabilité se confondrait ainsi avec un état d’insécurité, non pas tant dû à une menace extérieure qu’à des conditions inhérentes aux systèmes sociaux étudiés, mais aussi aux individus, aux groupes sociaux et organisations. Pour Robert Castel (2003) par exemple la notion de Vulnérabilité sociale apparaît dans un contexte de fragilisation des individus à partir du milieu des années 70 (accident, maladie, vieillesse, etc.) pour rendre compte de la crise des systèmes de protection sociale classiques dont l’épicentre est situé dans le champ du travail. État intermédiaire entre l’intégration et l’exclusion, la vulnérabilité sociale est caractérisée par la précarité de l’emploi et la fragilité des supports relationnels. Ainsi, paradoxalement c’est au sein des sociétés les plus sécurisées que naît le plus fort sentiment d’insécurité. À l’insécurité sociale, se superposent en effet une insécurité civile et de nouveaux risques (santé, environnement) notamment liés au développement des sciences et technologies.

27La notion de vulnérabilité a aussi permis de renouveler les approches classiques de la sécurité alimentaire centrées sur la question de la pauvreté, en amenant les chercheurs à s’intéresser aux stratégies de survie (Boidin et Lallau, 2007), aux moyens de subsistance (Wisner et al., 2004 ; Obrist, 2006 ; Bohle, 2007 ; Bidou et Droy, 2007), à l’accès aux ressources, aux capacités d’action (Wisner et al., 2004 ; Janin, 2006, 2008) et à l’évolution des conditions de vie et des « trajectoires de pauvreté », ou à la transmission des situations de pauvreté (Sirven, 2007).

28L’insuffisance de capacités à faire face cumulée à une forte densité démographique (PNUE, 2003) fait ainsi les catastrophes : pour un nombre plus faible d’évènements dangereux qu’aux États-Unis, l’Inde et le Bangladesh comptent un nombre supérieur de pertes humaines lors de catastrophes naturelles. La capacité sociale différenciée à répondre à l’inhabituel, à l’anormal, aux situations défavorables y est conditionnée par le revenu disponible, la technologie, le niveau et la qualité des infrastructures, les moyens opérationnels de réponses, bref les ressources mobilisables, tant à l’échelle individuelle que collective.

  • 4  R. Virchow est le père de la « médecine sociale » ; médecin pathologiste et homme politique allema (...)

29L’idée d’une influence des conditions sociales sur la capacité humaine à faire face aux aléas environnementaux n’est cela dit pas nouvelle puisqu’en 1848, Rudolf Virchow4 expliquait déjà ainsi une épidémie de Typhus en Allemagne :

  • 5  Cité et traduit par Lanteigne, cet extrait est tiré de : Erwin H. Ackerknecht, 1953, Rudolf Vircho (...)

« Les maladies qui atteignent la masse des gens ne sont-elles pas le signe certain des déficiences de la société ? On peut accuser les facteurs atmosphériques ou cosmiques, mais ceux-ci ne produisent jamais l’épidémie à eux seuls. Ils ne la produisent que là où les gens vivent dans des conditions sociales déplorables… » (Lanteigne, 2000)5.

30En somme, quelle que soit leur ampleur ou même leur origine, les désastres ont en commun d’être le théâtre où sont révélées les vulnérabilités sociales de différents ordres (institutionnelles, psychologiques, physiques, économiques, etc.) qui caractérisent un système social (Fabiani et Theys, 1987 ; Bogardi, 2004 ; Lagadec, 2007 ; Gilbert, 2009) : manque de préparation à la situation d’urgence (comme durant la canicule de 2003 en France), discriminations liées à la race, au sexe, à l’âge, ou aux maladies, dysfonctionnements dans le système d’alerte, représentations erronées du niveau de risque, etc. La gestion des catastrophes est donc une occasion pour le sociologue d’identifier ces vulnérabilités.

Précarité, pauvreté et moyens de subsistance

31La vulnérabilité sociale rend compte pour beaucoup de sociologues de situations de précarité qui peuvent conduire à la disqualification sociale voire à l’exclusion (Paugam, 1991). Pour Roy (2008) la vulnérabilité sociale désigne plutôt des expériences de souffrance, de dépendance qui peuvent entrainer la « paralysie de l’action au regard de ses propres scénarios de vie » ; elle traduit l’insuffisance des rapports sociaux et personnels.

32La pauvreté a quant à elle souvent été appréhendée comme un facteur aggravant la vulnérabilité sociale aux risques de catastrophes ou aux changements environnementaux (Hewitt, 1983 ; Cardona, 2003 ; Wisner et al., 2004 ; Léone, Vinet, 2007). Mais tout comme la marginalité, la pauvreté a également été utilisée, à tort, comme un synonyme de vulnérabilité. Or, si les pauvres sont souvent plus vulnérables, les vulnérables ne sont pas toujours pauvres, notamment ceux exposés à des aléas naturels et/ou des problèmes environnementaux. En 1989, Chambers exprime clairement cette différence : vulnérabilité renvoie à une faiblesse, à l’insécurité ou à l’exposition à des chocs ou des stress (une situation mouvante), tandis que pauvreté signifie un état de manque (Chambers, 1989). La définition conventionnelle de la pauvreté ne permet donc pas de rendre compte de la vie quotidienne des populations, et de leur capacité avérée de faire face à l’occurrence d’un évènement dangereux. On peut donc être riche et vulnérable dans une situation qu’on n’avait pas prévue.

  • 6  Sen (1992) évoquait l’idée que les personnes ont certaines capabilités, c’est-à dire à la fois cer (...)

33À l’échelle nationale par exemple, la France, incomparablement mieux outillée que des pays pauvres pour faire face aux aléas environnementaux, a été hautement vulnérable à la canicule de 2003, faute de préparation et non pas faute de moyens de se préparer. De même à l’échelle individuelle, selon Lallau et Rousseau (2009) plus un individu a de capabilités6, moins il est vulnérable, car il peut, au travers de ces capabilités, trouver des stratégies pour se protéger du risque. Wisner et ses collègues (2004) s’intéressent plus spécifiquement aux livelihoods (moyens d’existence) qu’ils définissent comme l’ensemble des revenus, ressources, biens et activités qu’un individu, une communauté ou un groupe social maîtrisent et qui peuvent être utilisés ou échangés pour satisfaire des besoins (par exemple des informations, des réseaux sociaux, des droits légaux ou des ressources naturelles).

34Le paradigme de la vulnérabilité permet finalement de dépasser la simple analyse des conditions de pauvreté des populations pour comprendre les régulations ordinaires qui leur permettent d’assurer leur sécurité dans leur vie quotidienne ; il permet de sortir ainsi du présupposé de vulnérabilité qui accompagne trop souvent les recherches dans les pays en développement.

Changements environnementaux : vulnérabilité sociale versus résilience et adaptation des socioécosystèmes

35Les changements environnementaux et climatiques posent avec une égale acuité la question de la vulnérabilité et celle des capacités de résilience voire d’adaptation, comme en témoigne l’abondante littérature scientifique disponible. Si les sociétés humaines sont vulnérables aux changements de leur environnement, celui-ci est également affecté par les activités humaines. Cette interdépendance largement reconnue reste relativement complexe à étudier : comme le soulignent Fraser et al. (2003), les changements environnementaux peuvent prendre des années à se révéler, la population qui affecte l’environnement n’est pas forcément celle qui en subit les changements et enfin toutes les communautés n’ont pas les mêmes capacités d’adaptation.

36La question de la résilience trouve ses origines en Écologie dans les années 70 alors définie comme la capacité d’un système écologique à absorber des changements et à se maintenir. La variabilité du contexte est alors le point nodal de l’analyse : une condition d’existence, d’apprentissage et de survie du système écologique plus qu’une menace pour lui ; autrement dit plus un système est complexe, plus il est variable et plus il est résilient aux perturbations (Holling, 1973). Les sciences humaines et sociales apportent les mêmes types de résultats en montrant par exemple la plus grande résilience des systèmes sociaux fortement interconnectés via leurs réseaux énergétiques (Bouchon, 2009) ou des communautés caractérisées par la densité et la complexité des liens sociaux entre les individus (Revet, 2009). Mais elles ont aussi montré qu’un système complexe peut également être plus vulnérable du fait de la difficulté à protéger toutes ses composantes en raison de vulnérabilités « cachées » (Pigeon, 2009 ; Boudières et Marcelpoil, 2009), héritées du passé (Labeur et Allard, 2009) ou de l’échelle d’intervention supposée nécessaire (Bouchon, 2009).

37En dépit de certaines difficultés, les sociétés ont développé des stratégies et mesures d’action sociale ou politique face aux changements environnementaux sinon pour s’y adapter au moins pour en réduire les conséquences. Ainsi l’adaptation peut être évaluée à partir des principes génériques de l’évaluation des politiques publiques (Adger et al. 2007) : 1/l’effectivité ou la capacité d’une action publique à réduire l’exposition des populations et les impacts du changement climatique ; 2/ l’efficience des actions adaptatives c’est-à-dire le rapport coûts-bénéfices de ces actions dans une temporalité donnée ; et 3/l’équité comme la légitimité de la prise de décision concernant les stratégies d’adaptation (le manque de légitimité d’une action fait qu’elle aura moins de chance d’être réellement mise en œuvre).

38D’autres travaux s’intéressent plutôt aux raisons de l’échec de ces adaptations. Il est admis que certaines sociétés dépendantes des ressources naturelles (comme dans beaucoup de pays africains) se sont adaptées dans l’histoire aux modifications du climat ou de leur environnement (Aubréville, 1949 ; Boserup, 1965 ; Boulier et Jouve, 1990 ; Jouve, 1991) ; d’autres se sont au contraire effondrées (Diamond, 2005). Dans le futur, les changements vont montrer les limites de certaines formes d’adaptations reposant sur des capacités sociales directement conditionnées par le niveau de développement économique et la sensibilité des ressources par rapport au climat - weather sensitive resources - (Adger et al., 2005). La notion de « crise écologique » (Platteau, 2009) rend compte de cette idée que la dégradation des services rendus par les écosystèmes ou la diminution des ressources naturelles peuvent nuire au bien-être social et à la sécurité humaine (Schroeter et al., 2005). La perte de capacité de l’environnement à satisfaire les besoins humains est alors considérée comme un facteur de vulnérabilité sociale (Renaud, 2006).

  • 7  Mais aussi à d’autres perturbations sociales, économiques ou politiques, voir par exemple Brooks e (...)

39Dans les pays en développement particulièrement, les populations subissent de nombreux aléas (sécheresses, péjoration pluviométrique, maladies des cultures, etc.) ; les adaptations sociales (migrations, intensification agricole, diversification des activités, etc.) à ces variations ou à des changements environnementaux plus durables7 ont des impacts importants sur les ressources naturelles (sols, forêts, eau) et compromettent par là les capacités d’adaptation futures (Paavola, 2008). Diamond (2005) affirme à partir d’analyses historiques et comparatives (certaines contestées par des ethnologues et archéologues) que les sociétés qui dégradent leur environnement créent les conditions de leur propre disparition. Il soutient que l’ignorance des facteurs environnementaux ainsi que le faible engagement des pouvoirs publics dans la résorption de la crise écologique (engagement qui heurte leurs intérêts individuels) sont des processus de vulnérabilisation d’une société jusqu’à son effondrement.

40Moins alarmistes, d’autres travaux mettent au jour les effets pervers des interdépendances entre conditions de vulnérabilité environnementale et sociale. Plusieurs travaux ont montré que la gestion publique de la vulnérabilité écologique ne mobilise les acteurs concernés que lorsque le risque « s’inverse » (Roqueplo, 1987 ; Cartier, 2002 ; Becerra et Roussary, 2008) : lorsque de nouvelles incertitudes (économiques, sociales, médiatiques, politiques) sont générées par la mise en œuvre de mesures censées résorber le risque écologique de départ (telles que la limitation de vitesse pour lutter contre la pollution atmosphérique ou les périmètres de protection des captages pour protéger les ressources en eau pour la consommation humaine). La vulnérabilité « sociologique » est donc celle d’une prise de décision dont la rationalité est moins liée à une définition objective des problèmes (réalité et durabilité de la pollution, dépassement des normes autorisées) qu’à une rationalité cognitive : la représentation que s’en font les décideurs (les élus locaux) et les usagers mis en cause (les agriculteurs).

  • 8  Decamps insiste par exemple sur la préparation des populations comme condition majeure de leur rés (...)

41Cercle vicieux de vulnérabilité, les interactions et coévolutions sociétés-environnement contraignent finalement les scientifiques à sortir de leur cadre disciplinaire pour envisager de nouveaux cadres conceptuels. Peu de travaux scientifiques proposent cependant une analyse couplée de la vulnérabilité des systèmes sociaux et des systèmes environnementaux, aussi appelés systèmes « socio-écologiques » (Walker et al., 2002 ; Descamps, 2007 ; Renaud, 2006). Les travaux de Turner et ses collègues (2003) sont une des références connues. Ils présentent la vulnérabilité comme étant le résultat de l’exposition, de la sensibilité et de la résilience du système, tout trois produits des interactions entre ses composantes sociale et environnementale. Il est par ailleurs intéressant de remarquer que des écologues8 (Decamps, 2007) ou des géochimistes (Munoz et Courjaul-Radé, 2009) adhèrent à une vision sociologique des changements environnementaux dans une perspective de connaissance interdisciplinaire.

Vulnérabilité versus robustesse organisationnelle : une approche de la sociologie des organisations

  • 9  La conjonction des conditions naturelles locales, de l’intensification agricole et de la densifica (...)

42La sociologie des organisations n’est pas en reste dans les travaux existant sur la vulnérabilité ; mais peu d’entre eux portent sur les problématiques de risques naturels ou environnementaux. Cartier (2002) s’intéresse à l’organisation collective face au ruissellement érosif (ravines agricoles, inondations boueuses, turbidité de l’eau potable) en Pays de Caux9. Pour lui, la fragilité humaine impose une organisation sociale spécifique pour limiter les amplifications artificielles des contraintes naturelles. Il montre la difficulté à transformer l’élan de solidarité lors des catastrophes en mobilisation durable. La faible concertation des agriculteurs limite la maîtrise du ruissellement à l’échelle des bassins versants élémentaires. Ceci s’explique par l’indifférence aux interdépendances vicinales, la fragmentation parcellaire du bassin-versant et la faible cohésion sociale au sein du voisinage. Les sinistrés externalisent les causes de leur vulnérabilité sans interroger leurs pratiques et décisions propres. Ils reportent la responsabilité sur les municipalités et administrations. Ceci se traduit par une position attentiste de réponses institutionnelles face au risque collectif. Or, les élus sont impuissants face au ruissellement, ce qui fragilise leur engagement dans une politique préventive ingrate.

43Sur un autre sujet, Boissières (2005, p 134) s’intéresse moins à la vulnérabilité organisationnelle qu’à la question de la robustesse pour comprendre ce qui permet d’assurer la sécurité face à des crises. Il identifie trois sources « suspectées » d’être à l’origine de la vulnérabilité d’une organisation (France Télecom) :

  • l’homme : les erreurs ou les comportements contre-performants qui découlent de la responsabilité d’un opérateur ou d’un collectif, mais aussi des négligences et des pratiques informelles s’écartant des procédures sécuritaires.

  • la technologie : la dépendance des systèmes automatisés vis-à-vis des agents chargés d’en assurer la surveillance et le pilotage (de Terssac et Leplat, 1990 ; Amalberti, 1996) ; les conditions d’occurrence des pannes qui surviennent malgré tous les efforts menés pour assurer la sécurité.

  • l’organisation : la sociologie a déjà bien alimenté les constats empiriques d’effets pervers et de dysfonctionnements des organisations malgré les dispositifs censés les encadrer (Boissières, 2005 ; Gilbert, 2005). À « l’approche prospective » centrée sur les vulnérabilités organisationnelles, Boissières (2005, p 139) préfère une analyse des crises en termes de robustesse organisationnelle : en partant des perturbations, l’analyse n’est plus centrée sur l’identification des risques à travers la mise au jour des vulnérabilités de l’organisation, mais sur les débordements que celle-ci subit effectivement et les régulations qui permettent au système socio-technique d’éviter de basculer dans l’accident. Cette approche s’éloigne aussi d’une approche rétrospective visant à analyser les organisations sous la focale des accidents majeurs (considérés comme finalement assez rares par rapport au niveau de vulnérabilité), en se centrant sur le fonctionnement ordinaire et quotidien des organisations qui leur permet de préserver un certain niveau de fiabilité.

44Dans un autre contexte, Bohle (2007) propose un cadre d’analyse organisationnelle de la vulnérabilité selon 4 axes : les acteurs vulnérables (marginaux, dépossédés de droits, défavorisés), les arènes de jeu (de vulnérabilité ou de subsistance), les agendas des vulnérables et leurs activités pour réduire la vulnérabilité (négociation, lutte, adaptations) ou subsister -coping stratégies- (2007). Les « arènes » de vulnérabilité sociale peuvent être tout à la fois des environnements dangereux, violents ou politisés ; la vulnérabilité à alors un lien avec la répartition des pouvoirs, les processus de conflits, les mécanismes de marginalisation socio-spatiale, de privation, d’impuissance, de perte de droits. L’intérêt de l’approche de Bohle est de proposer une « sociogéographie » de la vulnérabilité permettant de comprendre comment les individus et groupes sociaux « vivent avec » sur un territoire spécifique.

45Plus récemment encore, Créton-Cazanave et al. (2009) font une analyse de sociologie pragmatique de la vulnérabilité du système d’alerte aux crues rapides dans le Gard : une vulnérabilité structurelle (organisation bureaucratique, redondance de l’information, imbrication des enjeux et des compétences des acteurs), mais aussi conjoncturelle liée aux défaillances dans la mise en œuvre du système d’alerte (défaillances des réseaux de communication, des instruments de mesure météo/hydrologiques, et de l’action en contexte incertain). Les auteurs montrent ainsi que l’organisation de l’alerte aux crues peut générer de la vulnérabilité pour les populations, mais que le processus d’alerte est lui-même vulnérable aux défaillances techniques et organisationnelles. Ils soulignent toutefois que l’approche par la vulnérabilité « conduit à masquer une part du processus d’alerte : les innombrables rattrapages, ajustements, anticipations, ou corrections effectués par les acteurs dans le cours de l’action » (p. 488) et qu’il faut y combiner la question de la résilience pour avoir une vision moins tronquée des dynamiques organisationnelles.

Vulnérabilité sanitaire : l’apport des sociologues de la santé

46Dans le domaine de la santé, les « vulnérables » sont souvent pré-identifiés : enfants, femmes enceintes, personnes âgées, groupes marginalisés. La vulnérabilité est appréhendée comme étant une prédisposition de ces individus ou groupes à être affectés par une maladie et étroitement liée à la question des inégalités sociales comme à celle de la pauvreté. Elle permet de poser la question des déterminants sociaux de la santé que les approches classiques en termes de politiques sanitaires ou d’indicateurs de risques tendent à délaisser (Obrist et Wyss, 2006 ; Obrist, 2006 ; Wyss, 2006).

47Les sociologues de la santé ont mobilisé le concept de vulnérabilité par exemple concernant le risque de contraction du VIH/SIDA. Dans un contexte de banalisation du virus et de baisse de la vigilance et de la prévention, l’enjeu n’est plus d’éradiquer le risque, mais plutôt de le réduire en identifiant et en agissant sur la vulnérabilité de certaines populations (Delor et Hubert, 2000). Dans la construction sociale du risque de contracter le virus, ce type d’étude est relativement récent. Ce ne sont plus les comportements individuels, les pratiques sexuelles ou les caractéristiques du groupe qui sont au centre des programmes d’action et des recherches, mais les relations sociales et les interactions qui configurent le risque. Delor et Hubert (2000) proposent d’étudier trois dimensions pouvant augmenter la vulnérabilité des personnes vivant avec le VIH/SIDA, dimensions qui permettent par ailleurs d’opérationnaliser un concept qui reste flou : la trajectoire sociale du malade (fragilité biographique), les interactions (influences entre deux ou plusieurs trajectoires sociales) et le contexte social (qui influence le moment et les formes de ces interactions).

48Comme le montrent certains travaux sur la santé urbaine en Afrique, plusieurs facteurs (sociaux, économiques et politiques) en interaction expliquent la susceptibilité de certains groupes sociaux à certaines infections dans la mesure où ils limitent leurs possibilités d’éviter certaines « maladies de la pauvreté » comme la tuberculose ou le paludisme (Obrist, 2006). À partir du cadre conceptuel de Moser (1998), la notion de vulnérabilité traitée dans ces travaux renvoie plus spécifiquement (1) aux processus de marchandisation de l’accès à certains biens nécessaires à l’existence (eau, abri, nourriture) (2) aux risques environnementaux « immédiats » (accès à l’eau et à l’assainissement, qualité de l’habitat) et (3) à la fragmentation sociale (l’hétérogénéité sociale et économique pouvant affaiblir les mécanismes de confiance et de solidarités intracommunautaires ou intrafamiliales).

  • 10  Ces résultats sont apportés par le travail de thèse d’Aude Sturma doctorante CNRS (GET/LissT, Toul (...)

49À ce cadre, il convient d’ajouter un 4e élément, tiré de nos propres travaux à Mayotte (Sturma et Becerra, 2012) : des mécanismes politico-institutionnels participent également à la vulnérabilisation des populations. Celles-ci ne sont pas d’emblée considérées comme vulnérables, mais plutôt comme étant sur un « itinéraire de vulnérabilité ». Les politiques d’assainissement à Mayotte censées réduire leur exposition aux risques sanitaires environnementaux de pollution des ressources peuvent, dans la pratique, les rendre plus vulnérables sur le plan socioéconomique. En augmentant le prix de l’eau, le Syndicat Intercommunal des Eaux et de l’Assainissement de Mayotte cherche à équilibrer son budget, comme l’y contraint le processus de départementalisation ; mais il initie également, insidieusement, la disparition des solidarités familiales et villageoises qui permettaient jusque-là à des familles pauvres de payer leur facture d’eau tous les mois10.

La vulnérabilité comme concept interdisciplinaire

50Au-delà des frontières géographiques, les travaux sociologiques notamment ceux dans le champ des risques environnementaux, certes peu nombreux et hétérogènes, ont participé à construire le paradigme de la vulnérabilité sociétale, en dépassant les cloisons artificiellement bâties entre les différentes approches des risques soient-ils naturels, sociaux, technologiques ou géostratégiques (Lagadec, 2002). Mais quelles dimensions conceptuelles font consensus autour de la compréhension de la vulnérabilité au-delà de l’éclatement des objets de recherche ? Quels points communs se dégagent de la variété des questions de recherches traitées ? Nous proposons plusieurs éléments de réponses.

Les dispositions sociales face aux risques environnementaux

51La vulnérabilité sociétale apparaît comme un processus dynamique :

« Résultat de l’action dans le temps et l’espace d’une conjonction de situations (parmi lesquelles les inégalités territoriales dans l’exposition à une source de danger) et de mécanismes propres au système social : exclusion sociale, représentations sociales et politisation du risque, jeux politiques, choix économiques, degré de contrôle de l’application des réglementations, défaillances organisationnelles, etc. » (Becerra et Peltier, 2009, p. 552).

52Ce processus repose sur trois catégories de « dispositions sociales » qui conditionnent la fragilité des individus, groupes ou communautés considérés tout comme leur capacité de réponse tant à l’imprévu (crise) qu’aux difficultés quotidiennes (ordinaire) :

  • Une organisation socio-spatiale (vulnérabilité territoriale ; exposition à certains risques due à l’implantation spatiale, mais aussi à des processus de ségrégation ou d’exclusion sociale),

  • Des « manières d’être disposé » (représentations du risque ; valeurs et visions du monde ; attitudes ; comportements) qui peuvent être étudiés à l’échelle individuelle ou collective.

  • Des modes de régulations à l’échelle individuelle comme collective pour régler le problème : des décisions, des ressources, des dispositifs socio-techniques ou institutionnels, des mesures d’action dont la mise en Å“uvre ou l’usage qui n’ont de sens que replacés dans les autres formes de régulations inhérentes à la vie quotidienne ordinaire de la communauté. Le contexte politique des décisions ou les normes sociales du lieu où elles prennent corps sont des aspects particulièrement importants.

53À Hombori dans le Gourma malien (Becerra et al., 2012, en révision), les ressources en eau son mal réparties dans l’espace et dans le temps et le cumul de pluie n’excède guère 300mm/an. Les populations sont inégalement vulnérables en raison de leur distance aux points d’eau, de la géomorphologie des terrains qui rend l’accès aux puits plus ou moins difficile, mais aussi du réseau familial permettant le partage des tâches quotidiennes ou l’entraide et de l’idée qu’ils se font de leur vulnérabilité hydrique. Dans une situation que l’on qualifie volontiers de « crise de l’eau », les populations ne se perçoivent pas comme « définitivement » vulnérables dans la mesure où elles peuvent accéder la plupart de l’année (juillet-mars) aux eaux de surface et puits traditionnels afin de répondre à leurs besoins quotidiens. La pénurie d’eau est pourtant frappante au quotidien pour l’observateur extérieur, il est vrai surtout à la saison sèche : entre mars et juin les autorités mobilisent même la population pour remettre en eau des puis abandonnés le reste de l’année. Cet abandon est justifié par le goût de l’eau ou l’usage différencié qui en est fait (bains) comme le signe de cette capacité des populations à « vivre avec ». Peu d’initiatives proactives pour améliorer l’accès à l’eau le reste de l’année ou pour réduire les impacts de la saison sèche sont identifiables ; seules des pratiques de résistances ont cours. Par exemple, ceux qui ont les moyens financiers peuvent réduire la corvée d’eau (attente aux puits durant des heures pour un seul seau d’eau) en achetant l’eau à des « porteuses » qui la vendent alors au prix fort (quatre fois plus cher qu’en saison des pluies), mais cet argent investi dans l’eau ne l’est pas dans la nourriture. La capacité de faire face diffère d’une famille à l’autre, mais aussi d’un individu à l’autre. L’action collective (la mobilisation des jeunes en particulier) est quant à elle freinée par les normes sociales (droit d’ainesse) et les rapports de pouvoir au niveau local (répartition des fonctions politiques entre les familles).

54Comme d’autres ont pu l’identifier concernant la vulnérabilité (Birkmann, 2006 ; Wisner, 2002 ; Bohle, 2001 ; Chambers, 1989), les dispositions sociales face aux risques environnementaux renvoient donc simultanément à des caractéristiques extrinsèques (exposition aux conditions dangereuses), mais aussi intrinsèques (capacités de faire face) d’un système social soumis au risque.

55Ainsi posée, la problématique nous amène à combiner l’analyse des situations critiques et celle des processus ordinaires ayant court dans la vie quotidienne des individus, groupes, organisations ou communautés étudiés sur un territoire donné. Elle suppose aussi d’étudier le lien entre vulnérabilités (y compris stratégies d’adaptation) passées, présentes et futures. Ce cadre théorique implique une vision holistique et diachronique qui ne se borne pas à une seule de ses dimensions ou échelles spatiotemporelles, d’où la complexité de son évaluation et le caractère nécessairement interdisciplinaire des recherches.

Évaluer la vulnérabilité : un défi interdisciplinaire

56Si les dimensions conceptuelles de la vulnérabilité sont aujourd’hui globalement reconnues (Becerra, Peltier, 2009 ; Janin, 2006, 2008, 2006 ; Turner, 2003 ; Cardona, 2003, 2001), il n’y a pas de consensus méthodologique sur la manière d’évaluer la vulnérabilité, que ce soit sur la collecte de données comme à propos de leur agrégation dans un index synthétique. Plus encore que l’aléa, la vulnérabilité sociale est difficilement quantifiable et encore moins modélisable (Léone, Vinet, 2007).

Comment mesurer « l’immesurable » ?

57Dans un récent ouvrage intitulé « Measuring Vulnerability to natural hazards. Toward disaster resilient societies », Birkmann (2006) propose une revue critique des méthodologies de mesure et d’évaluation existantes depuis celles proposant des indicateurs à l’échelle globale jusqu’aux expériences d’auto-évaluation locales. À partir de la contribution d’une quarantaine d’auteurs issus des quatre coins du monde, il montre qu’il reste un long chemin à faire entre les concepts scientifiques et expériences d’évaluation/mesure de la vulnérabilité et leur usage opérationnel. Un autre défi pour les recherches futures est d’articuler et d’intégrer différentes approches (quantitatives et qualitatives, traditionnelles et participatives, spécifiques à un aléa en particulier ou génériques), à différentes échelles d’analyse (locale à globale) pour améliorer l’évaluation et la compréhension de la vulnérabilité sociétale, et ainsi, comme le souligne Roy (2008), participer à développer et stabiliser le potentiel explicatif de la notion.

58À partir d’une synthèse des recherches antérieures, Cutter et ses collègues (2003, 2006) proposent un index de vulnérabilité sociale basé sur 42 variables géographiques, environnementales et démographiques destinées à saisir le degré de résilience de certaines villes exposées aux ouragans, particulièrement en Louisiane. Ils montrent en particulier que race, genre et classe sont des variables discriminantes auxquelles s’ajoutent des variables économiques telles que le niveau de revenus et la dépendance à un unique secteur économique (l’agriculture) qui empêche les sinistrés de trouver une alternative pour leur subsistance. Ce résultat souligne la force des facteurs sociaux de vulnérabilité traditionnels et l’importance de leur prise en compte dans l’évaluation globale.

59En France, les géographes sont les premiers à s’être interrogés sur ces problèmes de mesure de la vulnérabilité. Léone et Vinet (2007) proposent de faire de la notion « d’acceptabilité du risque » peu débattue chez les géographes une « mesure en creux » de la vulnérabilité, sorte de variable d’ajustement du seuil de réduction des risques. La vulnérabilité est alors définie comme un niveau d’aléa acceptable exprimé en intensité et période de retour de chaque type d’enjeu (Gendreau, 1999). L’influence de facteurs sociologiques et psychologiques, difficilement quantifiables, sur l’acceptabilité du risque est toutefois soulignée, par exemple l’idée de « contrôle personnel » réel ou perçu du risque (Fabiani et Theys, 1987 ; Dauphiné, 2001 ; Peretti-Watel, 2000 ; Léone et Vinet, 2007). 

60Pour Nathan (2009) qui s’intéresse aux glissements de terrain à La Paz (Bolivie), la vulnérabilité sociétale doit être évaluée comme le résultat de différents facteurs dont la combinaison, sur un territoire spécifique, limite les capacités sociales à faire face au danger et à s’en remettre. Seule une analyse combinant différents aspects peut rendre compte de la complexité du processus de construction sociale de la vulnérabilité : physiques (degré de résistance d’un enjeu matériel), juridiques (état insatisfaisant des régulations législatives et judiciaires), institutionnels (état insatisfaisant des dispositifs institutionnels à tous les niveaux pour prévenir, atténuer, se préparer et faire face aux aléas et aux catastrophes), techniques (savoirs inadéquats ou mauvaise utilisation des techniques de gestion du risque), politiques (politiques publiques ; jeux de pouvoir ; clientélisme), socio-économique (facteurs sociaux ou économiques qui augmentent la susceptibilité aux catastrophes et réduisent les capacités d’autoprotection), mais aussi psychologiques et culturels (rationalités d’action, croyances, représentations du risque, etc.).

Méthodologies

61Du point de vue méthodologique, les méthodologies classiques d’entretiens, de focus group ou de recherches documentaires restent privilégiées du côté des chercheurs en sociologie (Delor et Hubert, 2000 ; Brooks et al., 2005 ; Becerra et Roussary, 2008 ; Rudolf, 2009 ; Riaux et al., 2009). En outre, l’analyse spatiale et la cartographie semblent offrir de plus en plus de possibilités en matière d’estimation des dommages structuraux et environnementaux pour l’une et de communication –sensibilisation pour l’autre, de même que la méthodologie d’enquête par questionnaires (Beck et Glatron, 2009). Les méthodologies participatives ont quant à elle de plus en plus de succès dans l’évaluation des aspects immatériels de la vulnérabilité (facteurs d’ordre perceptifs, comportementaux, ou cognitifs). On associe les personnes enquêtées à l’évaluation de leur vulnérabilité avec l’idée que les représentations sociales ainsi dégagées peuvent renseigner sur la conscience du risque et la capacité de réponse à l’imprévu (Wisner, 2006 ; Ziervogel et al., 2006 ; Di Mauro, Bouchon, 2009). Notre propre expérience interdisciplinaire (en cours) montre les réticences à sortir des méthodes d’analyse que l’on maîtrise pour s’intéresser à celles des disciplines partenaires ainsi que la difficulté à converger vers la mise en commun, voire l’intégration des résultats disciplinaires. Si le dialogue interdisciplinaire est devenu une des conditions d’efficacité de la recherche (Fabiani, 2010), du chemin reste à faire pour proposer une méthodologie elle-même interdisciplinaire qui dépasse la juxtaposition des connaissances sectorielles.

Réduire la vulnérabilité : enjeux pour une opérationnalisation de la recherche

62Du point de vue opérationnel, bien des efforts restent cependant à faire pour que les recherches scientifiques contribuent effectivement à réduire la vulnérabilité du socioécosystème. Deux défis doivent être relevés.

63Le premier défi est de dépasser les carcans disciplinaires (Becerra et Peltier, 2009) et d’aller vers des recherches interdisciplinaires dont l’évidence (Gilbert, 2006) n’est pas toujours partagée. D’un côté, les sciences sociales ont fait des catastrophes et des risques, des constructions sociales, à étudier dans les perceptions, les interactions entre acteurs et leur subjectivité, les modes d’organisation et de prise de décision. Mais plusieurs problèmes se posent : sur le plan thématique, elles s’intéressent peu au lien entre situations ordinaires et crises, sur le plan pratique, elles ont du mal à rendre leurs recherches opérationnelles et sur le plan méthodologique, elles boudent les approches quantitatives. De l’autre côté, les sciences de l’ingénieur, de la terre et de la vie traduisent la vulnérabilité en entités mesurables. Elle peut donc être objectivement évalué, parfois jusqu’à confondre le risque et l’aléa ou à le réduire à l’occurrence possible de cet aléa. Souvent, cette vision étroite du risque a conduit à évacuer de l’évaluation, sa dimension sociale, économique et politique (Cardona, 2003). Plus récemment, certaines approches de la vulnérabilité sociale ont eu tendance à négliger l’impact environnemental ou les dommages physiques potentiels permettant d’estimer le risque, parfois même jusqu’à revendiquer l’étude de la vulnérabilité sociale sans considération de l’aléa (Cartier et al, 2009).

64Le deuxième défi consiste à créer des passerelles entre chercheurs et opérateurs des politiques publiques sur la question de la réduction de la vulnérabilité (Becerra et Peltier, 2010) et mieux les impliquer dans la formulation des questions de recherche (Warner, 2007). D’un côté les acteurs de terrain (opérateurs de politiques publiques, élus, consultants, gestionnaires de risques) restent dans l’attente sceptique d’approches plus opérationnelles en sciences sociales. De l’autre côté, le faible nombre de travaux ayant une portée opérationnelle d’aide aux politiques publiques est significatif de la difficulté pour les chercheurs à sortir de leur posture d’analystes. Cette difficulté dans l’opérationnalisation des connaissances est sans doute due également aux impacts potentiels des recherches sur la vulnérabilité sociale en termes de responsabilité, de prise de décision politique et d’action collective déjà évoqué plus haut. Un vide reste donc à combler entre recherche et action.

Conclusion : sociologie de la vulnérabilité, enjeux et perspectives

65Dans le cadre des changements globaux qui défraient la chronique scientifique et politique, la question des perspectives à venir (« à quoi peut-on s’attendre ? ») face aux risques et crises de et pour l’environnement, est une question fondamentale. L’enjeu est celui de la sécurité humaine, voire même, dans des environnements risqués, celui de la survie (Bohle, 2007 ; ISDR, 2009 ; IPCC, 2007).

66La synthèse des recherches sur la vulnérabilité sociale et notamment en rapport aux aléas naturels et problèmes d’environnement, développées autour d’objets et de questionnements toujours spécifiques, est un travail titanesque. La diversité des champs d’application, des définitions et usages de la notion de vulnérabilité sociale en France comme outre-Atlantique est en fait le reflet de la complexité et de la variété des situations vulnérables et des conditions de leur genèse, de l’échelle individuelle à l’échelle planétaire (PNUE, 2002 ; UNDP, 2004) en passant par les échelles communautaires, régionales, nationales et locales. Elle exprime certainement aussi la diversité des objets de recherche et des modes de production de connaissances à la fois par les universitaires et par les agences de gestion ou de développement (Villagran de Léon, 2006).

67En l’absence de remise en cause radicale de modèles de développement, l’intérêt d’une analyse sociologique de la vulnérabilité est alors sans doute moins de la réduire que de mieux comprendre comment « vivre avec » elle (Bohle, 2007 ; Merino Saum, 2009). Convenant que l’occurrence de certains dérèglements environnementaux et risques modernes ne peut pas -ou plus- être maîtrisée, gouvernements et institutions scientifiques s’accordent sur le paradigme déjà ancien (Quarantelli, 1988a, 1988b) de la préparation comme la meilleure des formes de prévention. Dans un contexte d’incertitudes scientifiques, « il ne s’agit pas de prévoir l’imprévisible, mais de s’entraîner à lui faire face », comme le souligne Lagadec (2003).

68Cette préparation ne va pourtant pas de soi. Elle engage d’une part les institutions et les individus à se projeter dans un univers de risques très variés qui « donne le vertige » (Peretti-Watel, 2000), à imaginer une scène de catastrophe dont on pense souvent qu’elle « n’arrive qu’aux autres », à modifier des comportements et activités ordinaires et à accepter les coûts de ces changements. D’autre part, elle diffère selon le type de risque. Si le grand public est familier des risques d’inondation ou de tempête, il est moins au fait de ceux à occurrence lente ou dont la diffusion est le plus souvent invisible et silencieuse comme les risques diffus liés aux pesticides ou aux contaminations (plomb, mercure, etc.) de l’environnement. Enfin, elle diffère aussi en fonction des ressources disponibles à l’échelle individuelle (financières, matérielles, réseaux sociaux, informations, etc.).

69Dans une perspective d’appui à l’action publique, l’enjeu sociologique est alors de changer de perspective : plutôt qu’étudier la catastrophe (et les crises qui en découlent) comme révélatrice de vulnérabilités sociales, il doit considérer les vulnérabilités ordinaires pouvant conduire à des catastrophes (Wisner, 1993 ; Juan, 2008), sans doute moins aisément décelables. Une des stratégies de recherche consiste sans doute à identifier les éléments perturbateurs des systèmes sociaux étudiés, leurs effets et les régulations qui émergent pour y répondre.

70Pour apprivoiser une notion qui reste vulnérable (Gilbert, 2009), la recherche doit aller plus loin, tâche des plus urgentes en particulier pour la sociologie (Juan, 2008). Comme le suggère Gilbert (2009), les futurs programmes peuvent porter par exemple sur les dommages « immatériels » qui font les désastres. Trop peu considérée, la perte de sens, de valeurs, de cohésion sociale, etc. vient souvent s’ajouter aux dommages matériels et plus largement aux pertes « quantifiables » en termes de coûts économiques ou de vies humaines. En outre, le sentiment de vulnérabilité (la perception de sa propre vulnérabilité) et son impact sur les comportements restent peu explorés par les chercheurs alors même que cette connaissance pourrait permettre aux décideurs d’adapter leurs stratégies de prévention et d’information sur les risques. Enfin, les futurs programmes doivent, non faire écho aux attentes des acteurs opérationnels, mais bien être formulés à l’interface avec leurs préoccupations. L’efficacité mitigée des stratégies actuelles de réduction des risques rappelle en effet l’importance de créer des passerelles entre les chercheurs et les praticiens des risques. Certes la mise en place d’approches et de méthodes scientifiques intégrées permettant de saisir la complexité des processus en jeu (Cardona, 2003 ; Wisner et al., 2004 ; Birkmann, 2006) est une première étape. Mais c’est sans doute le dépassement des frontières professionnelles pour co-construire des connaissances dans ce domaine qui reste le défi majeur des années à venir.

Remerciements

71Cet article est rédigé dans le cadre de deux projets en cours financés par l’Agence Nationale de la Recherche : Améliorer l’alerte aux crues (AMAC- ANR Risknat) et Élevage Climat Sociétés (ECLIS- ANR Vulnérabilité Milieux Climat Sociétés). Merci à Anne Peltier maître de conférences à l’Université de Toulouse (GEODE), Aude Sturma doctorante en sociologie au GET-CNRS, Michel Grossetti, directeur de recherche CNRS au laboratoire LISST (Université de Toulouse) et Stéphane Cartier, chargé de recherche CNRS au PACTE (Grenoble) pour leur relecture et commentaires avisés.

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Notes

1  Réseau en sciences sociales pour la prévention des désastres.

2  http://www.tdcat.cesca.es/TESIS_UPC/AVAILABLE/TDX-0416102-075520/08Capitulo6.PDF

2003 ; en version espagnole sur http://www.desenredando.org/public/articulos/2003/rmhcvr/rmhcvr_may-08-2003.pdf

3  Construits, eux, à partir de la géographie humaine (November, 2002).

4  R. Virchow est le père de la « médecine sociale » ; médecin pathologiste et homme politique allemand, il adopte une approche sociologique pour identifier les causes des maladies et des épidémies. Il s'occupait également des questions d'anthropologie, d'ethnologie et d'archéologie. Il fonda en novembre 1869 la "Société d'Anthropologie de Berlin", plus tard rebaptisée "Société d'Anthropologie, d'Ethnologie et de Préhistoire de Berlin".

5  Cité et traduit par Lanteigne, cet extrait est tiré de : Erwin H. Ackerknecht, 1953, Rudolf Virchow, Doctor, Statesman, Anthropologist, Madison, The University of Wisconsin Press, p. 126. Pour d’autres compléments, se référer aussi à Taylor R., Rieger A., 1984.

6  Sen (1992) évoquait l’idée que les personnes ont certaines capabilités, c’est-à dire à la fois certaines potentialités (ressources matérielles et physiques) et certaines capacités de les réaliser (caractéristiques immatérielles et personnelles) qu’ils choisissent ou pas de mobiliser.

7  Mais aussi à d’autres perturbations sociales, économiques ou politiques, voir par exemple Brooks et al, 2005.

8  Decamps insiste par exemple sur la préparation des populations comme condition majeure de leur résilience face à des aléas naturels et autres évènements extrêmes.

9  La conjonction des conditions naturelles locales, de l’intensification agricole et de la densification rurbaine crée une vulnérabilité collective au ruissellement. Celui-ci entraine la création de ravines dans les champs cultivés, des phénomènes de turbidité dans les captages d’eau potable, phénomène aggravé par les inondations boueuses.

10  Ces résultats sont apportés par le travail de thèse d’Aude Sturma doctorante CNRS (GET/LissT, Toulouse), en cours de rédaction.

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References

Electronic reference

Sylvia Becerra, « Vulnérabilité, risques et environnement : l’itinéraire chaotique d’un paradigme sociologique contemporain Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 12 Numéro 1 | mai 2012, Online since 29 May 2012, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/11988 ; DOI : 10.4000/vertigo.11988

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About the author

Sylvia Becerra

Sociologue, Laboratoire Géosciences Environnement Toulouse –GET- (CNRS/IRD/UPS). Observatoire Midi-Pyrénées, 14 avenue Edouard Belin, 31400 Toulouse, France. Courriel : sylvia.becerra@get.obs-mip.fr

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