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Comprendre et maitriser les risques techniques et environnementaux : aller au-delà du risque ?

Dénombrer pour maitriser les dommages des catastrophes naturelles

Cloé Vallette and Stéphane Cartier

Abstracts

To provide information and record natural disaster, communication medium technical strength offers new opportunities. In spite of this high number production to facilitate disaster reduction, paradox is that danger exposure constantly raises in ours societies. Illustrated trough cases studies, relation between damage assessment and beneficiary’s list conditions count socio-political uses. Recorded on databases for decision-making, this number seems reaching impartiality. Nevertheless, methodology heterogeneity between two databases, EM-DAT (The International Disaster Database) and DesInventar, shows different conceptual positions. If number is an indicator, the management is liberal. If number is an evidence, management is prescriptive.

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Introduction : de l’obscurité à l’aveuglement

1Face au coût exponentiel des catastrophes naturelles, l’ONU appelle à adapter les politiques de prévention à chaque pays (SIPC, 2011). Opérationnelle, la puissance technique des moyens de communication offre l’opportunité inédite de documenter et d’enregistrer systématiquement les catastrophes. La vitesse de communication est une ressource cruciale de secours, tant pour l’alerte que pour la solidarité. Démultipliée par l’informatisation planétaire, la croissance des capacités de communication et d’enregistrement amplifie la force d’observation, de monitoring et de calcul. Le paradoxe réside dans l’exposition croissante au danger alors que nos sociétés dépensent une énergie considérable à produire des indices chiffrés pour réduire les catastrophes naturelles. Une première explication serait de considérer que ce paradoxe n’est qu’apparent, lié une impression croissante de menace issue d’une meilleure connaissance des risques. Une deuxième piste peut considérer que meilleure est la connaissance des aléas, plus forte est la tendance prométhéenne à prendre des risques supplémentaires. Enfin, une troisième nuance est de reconsidérer les sources d’expression du danger pour en comprendre les tenants et aboutissants. Il s’agit en particulier d’examiner les préalables sociaux prédéterminants qui orientent la constitution et l’interprétation des connaissances sur les risques.

2L’article porte en particulier sur le chiffrage des impacts des catastrophes de petite, moyenne et grande ampleur. Décompter les sinistres suppose une délimitation concentrée selon des types de phénomènes et des seuils de détection. La capacité de détection croissante et l’augmentation des moyens d’enregistrement configurent l’extension et le degré de raffinement des outils de référencement. Leur pertinence est aussi totalement indexée sur leur vocation et leur usage. Pratiquement, le décompte des dommages précède l’établissement de liste de besoins et de bénéficiaires. En établissant l’ampleur du drame, il annonce les besoins de la reconstruction. Enregistré dans des bases de données, ce chiffrage contribue à des observations statistiques justifiant une action raisonnée. En favorisant une prévisibilité, ils autorisent une projection politique des nécessités et opportunités locales. D’une apparente neutralité, ces chiffres sont des outils sociaux et politiques favorisant le déblocage de fonds, la visibilité politique, la légitimité de l’action. Fruits de rapports de pouvoirs structurants, ce langage des chiffres est donc primordial dans les jeux d’intérêts entre habitants, secteur privé, gouvernement ou instances internationales.

  • 1  Cette enquête a été réalisée dans le cadre d’une thèse en sociologie d’octobre 2008 à septembre 20 (...)

3D’abord, dans la lignée d’Alain Desrosières (1993), nous abordons les conditions de production et les usages sociopolitiques du chiffrage à partir d’études de cas publiées et de deux enquêtes qualitatives réalisées en Algérie et au Costa Rica. Après le séisme de Boumerdès (Algérie, 2003), l’enquête (Cartier et al., 2003) passe par des observations oculaires, l’analyse de documentations, l’observation de réunions de gestion de crise et de multiples interviews. Sur le bassin versant de la rivière Burío-Quebrada Seca de la Grande Aire Métropolitaine de San José au Costa Rica1, les inondations, l’érosion des berges et la pollution mobilisent les riverains et les gestionnaires. Pour comprendre l’organisation de la prévention, les entretiens semi-directifs et informels auprès des acteurs sont associés aux archives municipales de Belén (1907-2009), commune de l’aval du bassin versant. Prolifique, le décompte des pertes est à chaque fois polémique. Les débats varient selon les intérêts économiques, politiques et sociaux des élus, des experts, des sinistrés, des organismes de secours et des chercheurs. Suite au séisme de Boumerdès, les controverses autour du chiffrage s’expriment pour accéder aux ressources et imputer des responsabilités. Sur les rives de la rivière Burío-Quebrada Seca, les discussions sur la liste des bénéficiaires du relogement permettent d’identifier deux registres de légitimation fonction de modes de gestion distincts. Les chiffres sont utilisés, soient comme des indicateurs pour légitimer un mode de gestion libéral, soient comme des preuves pour légitimer un mode de gestion prescriptif. Cette ultime remarque interroge la relation entre producteur de chiffre et choix de gestion.

4Dans un second temps, l’article aborde cette question, classique des analyses d’institutions, à la manière dont François Ewald (1986) décortique l’État Providence. EM-DAT (The International Disaster Database) et DesInventar sont des bases de données qui référencent les impacts de catastrophe. Outils d’aide à la décision, proposés par des experts pour piloter les politiques publiques en matière de risque (Borraz, 2008), elles héritent des efforts d’objectivisation du risque par la mesure des phénomènes, tant météorologiques que telluriques, et l’archivage des dégâts. Les travaux de Gregory Quenet (2005) soulignent d’ailleurs le renforcement mutuel entre structuration de l’État et organisation des secours : la mesure du phénomène physique et l’administration de secours aux sinistrés concourent à légitimer la puissance d’un pouvoir central savant et efficace.

5En globalisant les informations locales et nationales, EM-DAT et DesInventar participent à l’investissement international croissant dans la réduction des risques et des catastrophes (Revet, 2009b). Dans des contextes où les données sont rares, la production de statistiques géoréfencées sur les catastrophes et leurs effets sont des références signifiantes. Le dilemme devient alors de comprendre si les populations subissent plus de sinistres, hypothèse d’autant plus plausible que la vulnérabilité augmente avec la croissance de densité, ou si les sinistres s’archivent mieux, au point de saturer les capacités d’analyse. La discrimination selon des critères stables devient alors l’enjeu d’une pertinence utilitariste efficace. Le sens donné aux informations pléthoriques suppose une orientation de l’archivage et de l’interprétation selon les priorités politiques : observations scientifiques, besoins des populations, calcul des assurances, investissement public, réflexions savantes. Malgré leur technicité, ces outils ne sont neutres, ni par les choix méthodologiques qui les structurent, ni par les objectifs qu´ils poursuivent. Se pencher sur leur histoire institutionnelle et leur méthodologie illustre des débats de fond sur la gestion des risques.

Le décompte des pertes

Du constat à la légitimité

6Le constat des dommages (nombre de morts et de sinistrés, pertes économiques, impact sur le PIB) est une activité prolifique pour cerner l’ampleur du désastre.

« Pour penser la catastrophe il est d’abord nécessaire de la mesurer. C’est à cette opération que travaillent l’ensemble des bilans, rapports, documents techniques qui sont produits après le désastre. Nombre de maisons détruites, liste des édifices publics touchés, longueur des voies de communication endommagées, hectares de terres cultivables abîmées, métrages de conduites d’eau arrachées, liste des monuments touchés, estimation du coût des pertes matérielles sont autant d’« indicateurs » de la catastrophe. » (Revet, 2007 : 267)

7Quantifier des impacts a un lourd poids social. Or, malgré les efforts d’homogénéisation, d’une source à l’autre, il existe encore des écarts d’informations importants. Allan Lavell (2002) signale des différences d’évaluation des pertes économiques dans le cas du séisme de Telire-Limón (1991, Costa Rica) : le gouvernement enregistre 140 millions de dollars de dommages, contre 50 millions selon le Centre de Coordination pour la Prévention des Catastrophes Naturelles en Amérique Centrale (CEPREDENAC) ou encore 1000 millions dans le cas de la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL).

8Lors du séisme de Boumerdès, le coût économique fluctue au gré des institutions et des unités de comptes, ce qui comprend un taux de change variable entre dinar et dollar (Cartier, 2004). Même dans ce pays très administré, faute de préciser s’il s’agit des victimes de la seule préfecture de Boumerdès ou de l’ensemble des sites touchés (préfectures de Boumerdès, Alger, Tizi Ouzou et Blida), sans intégrer précisément les décès liés aux séquelles (répliques sismiques, blessés), le nombre de morts varie selon les interlocuteurs (chiffres du ministère de la Santé, compilation des avis de décès par le ministère de l’Intérieur, estimations scientifiques, projections médiatiques), les circonstances (médiatisation, réunions d’experts, procès) et les stratégies (besoin de minimiser l’ampleur de la catastrophe ou besoin de dramatiser la situation). Le décompte des sinistrés hésite pendant des semaines entre victimes (morts et éventuellement blessés), milliers de familles à reloger (mais avec une difficulté à exprimer un nombre de personnes), nombre de logements à reconstruire ou renforcer et centaines de milliers de familles à abriter provisoirement dans les campements durant les répliques. La création d’une cellule conjointe entre ministère de l’Habitat et ministère de l’Intérieur vise à dénombrer les sinistrés. Mais, outre les nombreuses difficultés familiales et administratives liées au statut incertain des disparus, la minutieuse bureaucratie officielle souffre, à la marge, des lacunes préalables à la catastrophe liée à un recensement encore approximatif en 2003 : sous estimation des naissances, occultation des disparitions liées au terrorisme, migrations clandestines. Longtemps estimée à 29 millions de personnes, la population algérienne est décomptée en 2010 à 36 millions de membres. La crise sismique ne remet pas les compteurs à zéro. Elle révèle les lacunes et approximations ordinaires. À l’échelle de la région touchée par le séisme, l’écart n’est pas anodin puisqu’il s’agit d’une zone d’urbanisation forcenée où l’exode rural et la crainte du terrorisme ont aggloméré des millions de personnes non recensées, ce qui explique en partie le décalage persistant entre offre publique et besoins de logements et d’équipements (mosquées, stades, prisons et éventuellement écoles, hôpitaux, transports).

9Les approximations sont souvent liées à des négligences, des erreurs ou un manque de précision dans les critères de décompte, mais peuvent parfois relever d’une volonté délibérée de porter l’éclairage sur certains points noirs. Éternelle ambiguïté familiale et juridique, les disparus peuvent ainsi servir de variable d’ajustement pour déplacer le curseur vers la minimisation ou la maximisation. Faute de clarté sur les composantes agrégées, ces écarts d’information engendrent des polémiques. Ces dernières culminent autour du nombre des décès. Dans le cas des coulées de boue de l’État de Vargas (Venezuela, 1999), le nombre des victimes passe de l’ordre des centaines à celui des milliers suivant les sources médiatiques, les déclarations publiques et les institutions internationales (Revet, 2007). Dans une moindre mesure, le nombre officiel de victimes de la tempête Xynthia (France, 2010) est sujet à caution pendant les six mois suivant l’événement (De Vanssay et al., 2011). Cette instabilité des données est régulièrement associée à une défiance vis-à-vis des chiffres officiels ou de leur capacité à intégrer les décès « indirects » liés aux infarctus, dépressions, suicides ou encore épidémies. Après les inondations du Var (France, 2010), ces inconsistances laissent cours aux rumeurs sur l’intérêt politico-économique d’occulter le nombre des victimes (Vinet et al., 2011).

10Premièrement, nous dirons, avec Sandrine Revet, que « l’importance du nombre […] prédomine » (Revet, 2007 : 270) pour rendre le chaos intelligible. Deuxièmement, plus qu’une lisibilité, le chiffrage offre une légitimité aux acteurs. Sa démesure justifie l’expression publique d’une souffrance individuelle et collective. Elle autorise l’offre ou l’appel à l’aide internationale dans des contextes géopolitiques divers. Suite au séisme de Van (Turquie, 2011), le gouvernement turc accepte le secours proposé par Israël et l’Arménie (L’Express.fr, 30/10/2011). Le chiffrage conforte les discours politiques, médiatiques, administratifs ou scientifiques sur l’évènement. Ainsi, même si les velléités d’exactitude sont parfois vaines, comme dans le cas du Cyclone Nargis (Birmanie, 2008), donner un ordre de mesure justifie l’intérêt :

« Le cyclone frappe de plein fouet un rivage que rien ne protège, et il est suivi d’une vague non moins dévastatrice. Le chiffre des pertes est impossible à établir exactement. Il faudra s’en tenir aux estimations officielles, fixées plus de trois semaines après : 183 373 morts et disparus, selon le bilan officiel. Il s’agit d’une catastrophe naturelle majeure. » (Brac de la Perrière, 2010 : 67).

11Le constat des dégâts d’un événement dommageable est pluriel. Sa qualité et son contenu varient en fonction des objectifs des acteurs : médias, associations, habitants, assurances, autorités publiques, experts, élus. Les écarts observés renvoient à différents besoins qui se confrontent ou se superposent : rendre intelligible l’événement, offrir une légitimité aux acteurs, dédommager pour reconstruire, accéder aux aides, assurer la pérennité des aménagements humains et des investissements, hiérarchiser des décisions. La puissance symbolique du langage des chiffres le place au cœur d’enjeux sociopolitiques.

Torsions successives des chiffres de l’expertise

12Si socialement, la reconnaissance et la légitimité de l’événement peuvent se passer d’exactitude, les secours et la reconstruction nécessitent des ordres de grandeur pour programmer des opérations et des investissements. Étant donnés les enjeux de sûreté et les enjeux financiers, des experts engagent leur responsabilité pour assurer la sécurité des personnes et procéder au dédommagement des biens. Ils évaluent des besoins, des biens publics et privés et des situations socioéconomiques en produisant des listes. Suivant les échelles, ces listes conditionnent l’accès et le montant des aides internationales, des fonds nationaux, locaux ou régionaux et des assurances. Ces listes concernent tous les secteurs affectés : infrastructures publiques, entreprises privées ou habitants. Les secours, le dédommagement, l’imputation judiciaire de responsabilités sont trois moments polémiques. Le lien entre connaissance, accès aux ressources et responsabilité déclenche des controverses autour de l’expertise.

13L’organisation des secours s’appuie sur le chiffrage des impacts. Pour s’assurer des moyens en contexte de pénurie, les chiffres peuvent être orientés par les professionnels. Après le séisme de Boumerdès, les médecins des centres de soin élaborent des stratégies d’urgence. Confrontés à un manque préalable de structures hospitalières dans la région, ils forcent le nombre de sinistrés pris en charge afin de s’assurer d’un approvisionnement plus régulier en médicaments. En œuvre à chaque niveau de distribution pharmaceutique, ce sur-stockage de précaution provoque des accumulations. Les cadres du ministère de la Santé doivent alors reprendre la cartographie des besoins pour détecter des endroits négligés, car trop isolés des flux ordinaires et donc, des stratégies d’accumulation de l’urgence.

Figure 1. Tableau de dénombrement des dégâts par niveau et fonction des bâtiments, Cellule de crise de Boumerdès (Algérie), mai 2003.Damages count table by building level and function, Boumerdès Emergency Unit Response (Algeria), may of 2003.

Figure 1. Tableau de dénombrement des dégâts par niveau et fonction des bâtiments, Cellule de crise de Boumerdès (Algérie), mai 2003.Damages count table by building level and function, Boumerdès Emergency Unit Response (Algeria), may of 2003.

Source : Association Française de Génie Parasismique

14Pour accéder aux ressources de l’indemnisation et de la reconstruction, le recensement des dommages est discuté. Après Boumerdès, administrer le relogement passe par une longue étape de dénombrement déterminante pour les indemnisations, les subventions et les droits à relogements (cf. Photo 1). Progressivement, le reclassement des logements sinistrés entre vert (habitable), orange (dangereux) et rouge (strictement évacués) obéit à une logique plus socio-économique que strictement architecturale. Le reclassement des bâtiments orange conjugue deux tendances contradictoires fortement marquées par le statut des occupants. Les locataires ont intérêt à obtenir un déclassement en rouge, qui entraîne un éventuel relogement dans des bâtiments neufs. Les propriétaires préfèrent un reclassement en vert, qui permet de récupérer l’ouvrage et éventuellement une subvention de réparation. Ces enjeux sociaux du décompte persistent aussi longtemps que les sinistrés peuvent obtenir des tentes, puis des chalets, puis des logements (cf. Tableau 1).

Tableau 1. État prévisionnel de réception de logements établi par le Ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, Cellule nationale de gestion de crise à Alger (Algérie), point de situation du 23 juillet 2003. Temporary housing delivery by Settlement and Town-Planning Ministry, National Emergency Unit Response in Alger (Alegria), 23 July of 2003 situation point.

Parc de logements disponibles

Livraison prévisionnelle

Total des logements début janvier 2004

Boumerdès

1 492

504

1996

Dar El Beïda

(wilaya d’Alger)

919

727

1 646

Hussein Dey (Alger)

183

947

1 130

B.M. Raïs (Alger)

148

1 258

1 406

Blida

1 594

1 157

2 751

Tipaza

481

2 261

2 742

Médéa

51

927

978

Bouira

382

4 043

4 425

TOTAL

5 250

11 824

17 074

Source : Stéphane Cartier, mission au Centre de Génie Parasismique d’Alger en juillet 2003

15Pour identifier des responsabilités humaines dans l’occurrence du sinistre, tant pour le déclenchement de l’aléa que pour le développement de la vulnérabilité, une recherche de responsabilité s’opère judiciairement, du moins dans les sociétés démocratiques. D’une part, l’imputation de responsabilité offre aux sinistrés une reconnaissance juridique et morale de leur préjudice. D’autre part, le gouvernement, compromis par le sinistre, justifie son autorité. Le système judiciaire œuvre à partir du nombre de victimes et de l’ampleur des dommages. Le décompte permet de déterminer des réparations civiles, d’éventuelles pénalités publiques et parfois des corrections administratives. L’alliance entre chiffre et responsabilité peut parfois aboutir à une simplification excessive des catégorisations et des dénombrements. Lors des deux procès liés au séisme de Boumerdès, en 2007 (condamnation générale des inculpés) et 2008 (relaxe générale des inculpés en appel), le nombre de victimes sert souvent de justification per se à la procédure. Le paradoxe chiffré est toutefois patent à propos du forçage judiciaire admis dans la convocation des cas éligibles à examen judiciaire. En effet, la procédure d’instruction et de jugement inculpe des entrepreneurs durant cinq ans pour « homicide involontaire » à propos d’un bâtiment vide (cité universitaire de Corso). Cette même procédure ignore subtilement le cas tragique de l’effondrement d’une tour à Réghaya (plus de 600 morts) au prétexte de la délimitation des aires judiciaires et du décès de la personne soupçonnée d’avoir tronçonné les piliers de la tour. Dans ce dernier cas, l’ampleur du sinistre, plusieurs centaines de morts, engloutis ensemble victimes et potentiel coupable, sans examen du rôle du maître d’ouvrage ni du rôle des administrations de contrôle.

Le chiffre comme indicateur ou comme preuve : deux registres de légitimation

16Outils précieux pour organiser, dédommager et juger, les chiffres sont incessamment sollicités. La profusion des enjeux et des débats qu’ils soulèvent occulte deux registres distincts de légitimation des revendications et décisions des acteurs par les chiffres. Ainsi, pour déterminer les bénéficiaires du relogement face au risque d’inondation de la rivière Burío-Quebrada Seca, la liste des sinistrés est, soit un indicateur négociable, soit une preuve inaliénable.

17Suite aux ondées tropicales des 13 et 16 juin 2007 au Costa Rica, le gouvernement décrète l’état d’urgence (n° 33834-MP, le 20 juin 2007). L’institution chargée de la gestion de crise, la Commission Nationale de l’Urgence (CNE), débloque ainsi des fonds. À l’occasion de ces ondées tropicales, Belén est sinistrée par le débordement de la rivière Burío-Quebrada Seca : 211 familles, soit 757 personnes affectées, 49 maisons déclarées inhabitables par le Ministère de la Santé dont sept démolies (Arguedas et Vilaboa, 2008). Rapidement, certains sinistrés refusent de déménager et négocient avec les autorités pour éviter la déclaration d’interdiction d’habiter. D’autre part, la municipalité, en collaboration avec la CNE, annonce le financement du relogement définitif des sinistrés (Acte Municipal de Belén n° 49, 14 août 2007 : article 28). En 2010, soit trois ans et demi après les inondations, le relogement définitif est encore en attente. Les élus municipaux, de partis politiques différents, ambitionnent de résoudre le dilemme du relogement, s’adjoignant un électorat potentiel. Le relogement devient un enjeu dans la campagne d’élection du maire en décembre 2010 (Parti Indépendant Belemita, 2010).

  • 2  Nationalement, l’Institut Mixte d’Aide Sociale dispense une aide de trois mois de loyer aux famill (...)

18Dans ce laps de temps, les sinistrés dont la maison est déclarée inhabitable ont différents parcours. Une minorité de familles accepte le rachat de leur terrain à bas prix par la municipalité. La majorité des familles reviennent vivre dans leur maison au fur et à mesure que les aides à la location s’amenuisent2. Le nombre de famille recevant cette aide mensuelle diminue au fil des années avec le durcissement des critères socio-économiques. L’attente du relogement devient critique quand cette aide municipale mensuelle finit en 2009. Pour y faire face, l’une des stratégies des sinistrés est de demander la levée de la déclaration d’interdiction d’habiter. Cette dernière rend leur terrain inconstructible, empêche la reconstruction in situ, l’amélioration ou la rénovation du logement, ou encore l’édification de protection dans un cadre légal :

  • 3 “Mi familia ha decidido buscar un préstamo para reconstruir, ya tenemos un plano y nos están hacien (...)

« Ma famille a décidé de chercher un prêt pour reconstruire, nous avons déjà un plan et ils sont en train de faire le devis correspondant, mais nous avons besoin de savoir si on peut revenir vivre là. […] nous avons aussi été au Ministère de la Santé et R. nous a dit que vous pouviez nous donner le nom de la personne avec qui je dois parler à la Commission [Nationale] d’Urgence, pour pouvoir enlever la déclaration d’interdiction d’habiter. Espérant une réponse à cette demande, je vous rappelle que nous avons déjà passé un an et sept mois en dehors de notre maison en payant un loyer plus élevé que l’aide donnée par la municipalité. »3(Acte Municipal de Belén n° 11, 17 février 2009 : article 15)

19La CNE ignore ces demandes d’inspection. Les fonctionnaires municipaux et du Ministère de la Santé ne délivrent pas de permis, refusant d’engager leur responsabilité. Certains élus municipaux forcent alors les procédures en autorisant des constructions, notamment de protection ou de rénovation. De plus, le relogement définitif continue à être envisagé. Mais, devant le coût du foncier et le manque de disponibilité financière de la municipalité, la liste des bénéficiaires est discutée par certains acteurs :

  • 4 “[Un regidor] Se dio a la tarea también de obtener la lista de las famosas 50 familias que estarían (...)

« [Un conseiller municipal] s’est donné pour tâche d’obtenir la liste des fameuses 50 familles qui seraient impliquées dans cette construction. Il insiste sur ces 50 familles supposées alors que les familles que l’on aide sont au nombre de 14, non pas 50. Celles-là sont celles qui nous intéressent […]. De plus, parmi ces 50 familles, il y a madame X, à laquelle on a acheté la propriété et des familles n’ayant pas demandé le relogement, même si elles ont été affectées […]. »4 (Acte Municipal de Belén n° 27, 7 mai 2009 : article 1)

20Afin de faire valoir leur droit au relogement, un groupe d’habitant organisé milite pour que la déclaration d’interdiction d’habiter soit un critère électif :

  • 5  “El comité de vecinos [Comité Pro-Vivienda y Damnificados del Río Quebrada Seca] trabaja por todos (...)

« Le comité de voisins [Comité Pro-logement et sinistrés de la Rivière Quebrada Seca] travaille pour que tous les sinistrés qui ont en leur possession une déclaration d’interdiction d’habiter, et qui en total s’élève à 42 (excluant les cas que la municipalité a déjà résolus au préalable 8), donc ce ne sont pas 50 et encore moins 15 […]. Le Président Municipal […] déclare que c’est un thème très discuté, si se sont 15, 30 ou 50 familles, il lui paraît que l’Administration doit définir le nombre en vertu du fait que les études socioéconomiques ont été réalisé, on ne doit pas créer tant de polémique pour continuer à travailler avec les dossiers respectifs et arriver à obtenir officiellement une liste du nombre de personnes qui sont celles affectées. […] Le conseiller suppléant […] informe que l’on a toujours parlé de 50 logements, mais le Comité doit hiérarchiser et donner des logements aux familles qui n’ont pas de logement. »5 (Acte Municipal de Belén n° 56, 22 septembre 2009 : article 16)

21L’instabilité du financement pour le relogement interroge les critères de la liste des sinistrés. Les habitants et gestionnaires proposent des gestions différentes. Certains cherchent à lever ou négocier l’expertise, réifiée par la déclaration d’interdiction d’habiter. D’autres se saisissent de cette déclaration comme argument inaliénable. Nourris par des enjeux économiques, des conflits politiques locaux et l’engagement de la responsabilité des acteurs, ces modes de gestion sont légitimés par des chiffres. Les polémiques permettent de discerner deux registres de légitimation correspondant à deux modes de gestion.

22Dans le premier cas, le nombre des familles sinistrées est relativisé en fonction de leur situation socioéconomique et de leur retour dans leur maison. Indicatifs, les chiffres légitiment une gestion libérale, où des seuils de sécurité et d’investissement sont négociés selon des critères sociaux, politiques ou économiques. L’expertise accompagne les décisions sans les déterminer. Le risque est pesé avec une pluralité d’enjeux individuels et collectifs : accès au travail, accès à la propriété, cadre de vie, développement économique, indépendance nationale. Une crise économique, le changement d’occupation des sols ou encore une catastrophe inadmissible peuvent entraîner la révision des seuils fixés par cette gestion souple, voire la remettre en question. Dans le second cas, le nombre des familles sinistrées détermine le relogement. Comme preuves, les chiffres légitiment un mode de gestion prescriptif, qui engage à maîtriser les conditions de vulnérabilité selon l’exposition au risque. Face aux intérêts contradictoires des acteurs, l’expertise détermine les décisions. Le risque est placé au centre des enjeux sociaux, économiques (notamment fonciers) et politiques. Renforcée par chaque sinistre, cette gestion prescriptive est perçue comme une nécessité vitale dans un système d’interdépendance. Contraignant pour les initiatives privées, il est confronté au braconnage et à la ruse des libertés individuelles.

23Le point commun de ces modes de gestion, pourtant très contrastés, est la légitimation par les chiffres. Or, si habitants et gestionnaires saisissent le pouvoir symbolique et pratique du chiffrage, dans des calculs à multiples variables, à quel point les experts producteurs de chiffres participent à la cristallisation de ces deux modes de gestion ?

Sérialiser les risques et catastrophes

24Des années 1970 aux années 1990, la reconnaissance internationale de la thématique de la gestion des risques et catastrophes s’est progressivement institutionnalisée (Revet, 2009b). Les acteurs de ce secteur d’activité se saisissent eux aussi du langage chiffré. Ainsi, le second axe prioritaire du Cadre d’Action de Hyōgo (ONU, 2005) comprend la mise en évidence, l’évaluation et la veille des risques. Cet axe suppose la création et la diffusion de cartes, d’informations statistiques, d’indicateurs de risques et de vulnérabilités. Il passe par l’appui à : « […] la création de bases de données pertinentes et l’amélioration de celles qui existent déjà ainsi que l’échange et la diffusion, sans restriction ni contrepartie, des données aux fins de l’évaluation, de la surveillance et de l’alerte rapide, selon qu’il convient, aux niveaux international, régional, national et local ; » (ONU, 2005 : 14). Cette amélioration des connaissances comprend le soutien à des bases de données telles que EM-DAT et DesInventar.

25Ces instruments proposent un inventaire historique des catastrophes. Cependant, leurs méthodes et objectifs sont distincts. Depuis 1988, le Centre de Recherche sur l’Épidémiologie des Désastres (CRED) de l’Université Catholique de Louvain (UCL) en Belgique développe et maintient une base de données appelée EM-DAT. Celle-ci recense les catastrophes à travers le monde depuis 1900. Cet outil d’aide à la décision internationale permet de hiérarchiser les besoins d’assistance et de préparer la gestion de crise. La résolution de cette base de données est nationale. Ses critères d’enregistrement dénombrent les catastrophes de grande ampleur. Dix ans après la création d´EM-DAT, le Réseau d’Études sociales sur la prévention des Catastrophes en Amérique Latine (LA RED) met en ligne le logiciel DesInventar. Il définit une méthodologie pour inventorier de manière homogène les évènements dommageables et offre un logiciel de consultation, DesConsultar. Cet outil d’aide à la décision locale permet d’identifier des conditions de vulnérabilité et les interventions pour les transformer (LA RED / Corporación OSSO, 2002). La résolution de ce logiciel est locale. Ses critères d’enregistrement recensent les catastrophes de grandes, moyennes et petites ampleurs. En matière d’échelle de décision et de résolution, les différences entre EM-DAT et DesInventar sont importantes. La seule comparaison de leur résultat est problématique (LA RED / Corporación OSSO, 2002).

26Cet écart peut s’expliquer par la complexité des choix techniques (Guha-Sapir et Below, 2002 ; Lavell, 2002 ; Below et al., 2009 ; Giulani et Peduzzi, 2011) imposés par le référencement des catastrophes : définition et typologie, géo-référencement des phénomènes dépassant les frontières administratives, choix des laps de temps, méthodologie, diversité et exactitude des sources, interopérabilité des données (Guha-Sapir et Below, 2006). Mais, au-delà de leur complexité technique, ces choix traduisent des positionnements conceptuels dans des contextes historiques particuliers. Explorer leur hétérogénéité permet d’y accéder.

Généalogie institutionnelle

27Créé en 1973 comme institution à but non lucratif au sein de la Faculté de Médecine de l’UCL, le CRED collabore dès 1980 avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le cadre du Programme mondial à la Préparation et à l’Intervention en cas d’Urgence (Guha-Sapir et al., 2010). Ce centre s’inscrit dans un paradigme de recherche sur les risques et catastrophes en lien avec l’assistance, l’aide humanitaire et la gestion de crise. Ce paradigme, dit aléas-centré (Revet, 2011), se développe en sciences humaines comme un complément aux recherches en sciences physiques. Durant la guerre froide, les conséquences sociales des catastrophes (perception du danger, réaction en période de crise) sont enquêtées puis se structurent au cours des années 1960 autour du Centre de Recherche sur les Catastrophes (Université d’État de l’Ohio puis Université du Delaware) (Revet, 2011). Ces recherches (Kates, 1971 ; Quarantelli, 1978 ; Burton et al., 1978) favorisent dans les années 1970 et 1980 la mobilisation internationale autour de l’amélioration des secours. En 1990, l’ONU ouvre la Décennie Internationale pour la Prévention des Catastrophes Naturelles (DIPCN) sous la pression de chercheurs valorisant l’utilisation de la technologie pour prévenir les catastrophes et soulignant l’importance de la formation (Revet, 2011).

  • 6 “[…] to provide rapid and accurate information to serve purposes of humanitarian action at national (...)
  • 7  L’UNDRO (United Nation Disaster Relief Coordination Office) créée en 1971 est absorbée par le Dépa (...)

28En phase avec cette approche, le CRED conçoit EM-DAT en 1988 : « […] pour fournir rapidement des informations précises afin de servir les desseins de l’action humanitaire aux échelles nationale et internationale. »6(Guha-Sapir et Below, 2006 : 9). Créée un an après la première notification de l’ONU (ONU, 1987 : Résolution 42/169) sur l’organisation de la DIPCN, EM-DAT reçoit tout au long de son histoire le soutien d’agences internationales, gouvernementales et non gouvernementales, dont la particularité est d’être spécialisées dans la gestion de crise et l’alerte rapide. Lancée par le Bureau de la Coordination des Nations Unies pour les Secours en cas de Catastrophe (UNDRO7), l’OMS et le gouvernement belge (Guha-Sapir et Below, 2006), elle commence par regrouper des références bibliographiques en lien avec les catastrophes à travers le monde (CRED/OFDA, 2004) : documents publiés ou non, livres, chapitres de livres, articles de journaux, rapports et comptes-rendus de conférence. À partir de 1999, cette base de données est accessible en ligne en libre accès avec le soutien du Bureau des États-Unis pour l’Assistance au Catastrophe Etrangère de l’Agence des États-Unis pour le Développement Internationale (OFDA/USAID) (Guha-Sapir et al., 2010). À la même période (1999-2001), les premières initiatives de géoréférencement des données d’EM-DAT sont promues par le Système Mondial d’Information et d’Alerte Rapide sur Alimentation et Agriculture Global (SMIAR), unité de l’Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO) (CRED/OFDA, 2004). EM-DAT est devenue une référence mondiale (Guha-Sapir et Below, 2006). En 2003, le CRED signe un accord de collaboration avec la Stratégie Internationale pour la Prévention des Catastrophes (SIPC) (CRED/OFDA, 2004). Cette collaboration concerne la gestion de l’information et des données. Elle passe par des publications, des conférences de presse annuelles, des statistiques et des analyses thématiques du CRED.

  • 8 Groupe de Technologie intermédiaire pour le Développement du Pérou, Compagnons des Amériques d’Équa (...)
  • 9 OFDA/AID, OPS, Département de Développement régional et de l’Environnement de la OEA, Secrétariat r (...)

29Initiée par LA RED, la base de données DesInventar se construit autour d’une posture critique, dite radicale. Cette posture naît dans les années 1970 de chercheurs en sciences humaines travaillant dans les pays du Sud. En opposition à l’approche aléas-centrée, ils critiquent les facteurs sociaux et historiques entraînant les évènements dommageables (O’Keefe et al., 1976) et propose de considérer les catastrophes comme les produits de l’ordre social (Hewitt, 1983). Cette approche introduit la notion de vulnérabilité (Wilches-Chaux 1993 ; Wisner et al, 1994), résultant d’option de « développement » qui renforce les inégalités (Hewitt, 1995). Dans cette perspective, la « construction sociale du risque » un processus historique et dynamique de création et de reproduction de la vulnérabilité et des inégalités face aux aléas (Garcia Acosta, 2005). Dans les années 1990, cette posture radicale se déploie à la faveur de la DIPCN, et est progressivement représentée dans les instances internationales. Ces chercheurs s’engagent dans l’amélioration des connaissances en s’appuyant sur une approche sociale, et non technologique, de la réduction des risques (Revet, 2011). Dans cette perspective, LA RED est formée en 1992 lors d’une réunion organisée au Costa Rica par le secrétariat général de la Faculté Latino-américaine de Sciences Sociales (FLACSO) concernant la recherche sur les risques et catastrophes en Amérique latine depuis une perspective sociale rassemblant dix institutions8 de recherche et des observateurs internationaux9. Cette initiative de collaboration interinstitutionnelle et multidisciplinaire se pose comme alternative à la prépondérance des sciences de la nature et de l’ingénieur, notamment dans le cadre de DIPCN (LA RED, 1992). En effet, pour LA RED, les catastrophes sont un problème non résolu du développement, tension entre le milieu physique et l’organisation sociale (LA RED, 1992). Ce réseau défend la recherche appliquée, la diffusion des idées et des formations.

  • 10  desinventar.net, consulté le 30 mai 2012
  • 11  Argentine, Bolivie, Chili, Colombie, Costa Rica, République Dominicaine, Équateur, El Salvador, Gu (...)
  • 12  Inde, Indonésie, Laos, Maldives, Népal, Îles Salomon, Sri Lanka, Timor-Oriental, Vietnam, Jordanie (...)
  • 13  Djibouti, Égypte, Mali, Maroc, Mozambique

30Inscrit dans cette démarche, un projet de recensement des catastrophes en Amérique latine est engagé en 1993 (LA RED, 1996). Il aboutit en ligne en 1998 avec le logiciel DesInventar et ses dispositifs associés (méthodologie et logiciel de consultation DesConsultar). Il est mis à jour en 2003 et 2011. Cet outil s’oppose au recensement classique des catastrophes à partir d’un certain seuil d’impact. Il propose un recensement systématique de tout sinistre, qu’ils soient de petite, moyenne ou grande ampleur. Cette différence d’échelle marque un choix conceptuel. Pour un même type de phénomène, elle permet de signaler des différences selon les conditions de vulnérabilité des territoires. Ce logiciel est dédié aux acteurs impliqués dans la prévention et la réduction des catastrophes : gouvernements, organismes nationaux de secours, organismes régionaux et locaux de prévention, organismes d’assistance, agences internationales et bilatérales, assurances, société civile organisée, médias et chercheurs (LA RED / Corporación OSSO, 2009). Son objectif est d’amener les décideurs à transformer les conditions de vulnérabilités. Ce logiciel a été adopté par CEPREDENAC, l’organisme centraméricain de prévention des catastrophes naturelles (Lavell, 2005). Soutenu par la SIPC, DesInventar continue d’étendre ses espaces géographiques d’application. En 201210, la base de données affiche la contribution de 19 pays latino-américains11, 13 pays moyen-orientaux et asiatiques12 et 5 pays africains13.

  • 14 “ This is where high quality historical data is required to justify resource allocation, establish (...)

31Reconnues par les mêmes institutions internationales (SIPC, 2009 ; SIPC, 2011), ces deux bases de données orientent la décision, avec cependant des arguments différents pour justifier la production de chiffres. Dans le cas d’EM-DAT, l’accumulation des pertes humaines et économiques causées par les catastrophes amène les décideurs politiques à améliorer la préparation et la gestion de crise alors que les ressources sont limitées : « Dans ce contexte, des données historiques de haute qualité sont requises pour justifier l’allocation de ressources, établir le risque et la vulnérabilité et entreprendre des analyses comparatives entre les régions. »14 (Guha-Sapir et Below, 2002 : 14-15). Dans le cas de DesInventar, l’accumulation des effets négatifs de petites et moyennes catastrophes illustre la variation des conditions de vulnérabilité des communautés sur leur territoire. Il s’agit alors de comprendre les facteurs sociaux, économiques et environnementaux de vulnérabilité afin d’intervenir (LA RED, 1996). La différence de justification correspond aux matrices intellectuelles de ces dispositifs : l’épidémiologie pour EM-DAT et les sciences sociales pour DesInventar. De plus, chronologiquement, elles accompagnent un glissement de perspective internationale en matière de gestion des risques. Les méthodologies développées traduisent ces différences et, à terme, conditionnent des politiques distinctes.

Méthodologies

32La liste des catastrophes de EM-DAT procède de la définition fixée par le CRED :

  • 15 “« a situation or event which overwhelms local capacity, necessitating a request to a national or i (...)

« Une situation ou un évènement qui dépasse les capacités locales, nécessitant le recours à l’échelle nationale ou internationale pour une aide externe ; un évènement imprévu et souvent brusque causant d’importants dommages, des destructions et des souffrances humaines. » Pour qu’une catastrophe soit entrée dans la base de données, au moins un des critères suivants doit être rempli : 10 décès rapportés ou plus ; et/ou 100 sinistrés rapportés ou plus ; et/ou une déclaration de l’état d’Urgence ; et/ou un appel à l’assistance internationale »15(Below et al., 2009 : Annex II).

33Pour chaque événement important, certaines informations sur ses impacts sont renseignées (cf. Tableau 2).

Tableau 2. Caractérisation des évènements enregistrés et de leurs impacts dans la base de données EM-DAT.

Caption : Event and damage characterization in EM-DAT database.

Caractérisation de l’évènement

Caractérisation des impacts de l’évènement

Numéro d’identification unique

Décès : mort, personne disparue, mort présumé

Pays concernés

Blessé : blessé physique, traumatisme, maladie requérant un traitement médical

Date

Sans-abri

Choisir entre :

- Catastrophe naturelle

- Catastrophe technologique

- Urgence complexe

Affecté : personnes nécessitant une assistance durant la période de crise

Caractériser l’évènement en fonction d’une liste pré-établie (sécheresse, inondation ou encore feu de forêt)

Total des blessés, sans-abri et affecté

Estimation des dommages directs en dollars US

Estimation des dommages indirects en dollars US

Source : d’après Guha-Sapir et Below (2002)

34L’accent est clairement mis sur les impacts des catastrophes et les besoins afin d’optimiser les secours. Or, les organismes destinataires des statistiques EM-DAT sont aussi les sources de la base de données : agences des Nations Unies, gouvernements, Organisations non gouvernementales (ONG), compagnies d’assurance, instituts de recherche et agences de presse (Guha-Sapir et al., 2010). Cette relation est d’autant plus forte, qu’étant donné les contradictions entre les sources, le CRED les a hiérarchisées en fonction de leur exactitude et leur exhaustivité. La force de cette relation et les écarts d’information entre les sources conduisent le CRED à les hiérarchiser selon leur exactitude et exhaustivité : les Agences onusiennes, suivies de l’OFDA/USAID, puis les gouvernements et enfin la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant rouge (Guha-Sapir et al., 2010). Or, ces sources considérées plus fiables sont aussi les principaux financeurs :

« Le « grand récit » produit par les organisations internationales insiste à l’envi sur la « nécessité », l’« urgence », voir le « caractère dramatique » — chiffre à l’appui — des catastrophes « naturelles ». Le « nombre croissant » de catastrophes depuis une trentaine d’années et la quantité de victimes touchées servent généralement d’introduction et de première légitimation à l’intervention des organisations internationales. […] Autrement dit, pour fonctionner et légitimer son intervention, le « système » a besoin de chiffres, qu’il contribue par conséquent à produire. » (Revet, 2009a : 16)

35LA RED a réfléchi la méthodologie DesInventar pour que les gestionnaires nationaux ou locaux construisent une base de données et mesurent l’impact des catastrophes. Associée à un SIG, elle permet une capture homogène des données à l’échelle de la plus petite unité géographique de gestion administrative (LA RED, 1996). Grâce à sa structure, DesInventar s’intéresse moins aux impacts d’une catastrophe, qu’à la vulnérabilité des territoires révélée par ces impacts. En effet, cette base de données est construite par des couches d’unités géographiques superposées, la plus grande échelle incluant les données des échelles subordonnées. Cette structure s’adapte aux besoins des utilisateurs, qui, dans la première étape, choisissent l’échelle de départ en fonction de l’organisation politique et administrative locale (municipalité, block, district) (LA RED / Corporación OSSO, 2009 : 8). La seconde étape est d’enregistrer les évènements selon une liste préalable :

  • 16 “(…) a phenomenon -natural, socio-natural or technological- which acts as a detonator of adverse ef (...)

« […] un phénomène -naturel, socio-naturel ou technologique- qui agit comme un détonateur d’effets négatifs sur les vies humaines, la santé, et/ou les infrastructures économiques ou sociales d’une communauté. […] Rappelez-vous que dans DesInventar, un événement est différent d’une catastrophe. Un événement peut déclencher plusieurs catastrophes tout comme il peut endommager différentes unités géographiques. »16 (LA RED / Corporación OSSO, 2009 : 8)

36Les impacts de chaque évènement sont classés par groupes, impacts sur les personnes, sur les maisons ou sur les infrastructures et pertes économiques. L’accumulation de pertes sur une unité géographique témoigne de la vulnérabilité des populations sur ces territoires. La troisième étape recense les causes des évènements en fonction d’une liste prédéfinie (condition atmosphérique, pollution, déforestation, négligence, ou encore raz-de-marée). Ces informations peuvent être reliées à des variables sociales, économiques et environnementales. Ce procédé permet de tester des hypothèses sur la relation entre le processus historique de vulnérabilité et les impacts (Lavell, 2005). De telles informations amènent à reconsidérer des politiques et envisager des transformations sociales et économiques radicales selon les besoins.

L’utilisateur des bases de données

37Entre audit et prescription, ces inventaires reflètent leurs matrices institutionnelles et correspondent à une évolution de paradigme. EM-DAT ausculte les impacts, cas par cas, pour améliorer les secours. Elle dessine des tendances nationales sur la base des données historiques recensées. DesInventar insiste sur la récurrence des dommages pour révéler des vulnérabilités, interroger la gestion par la crise et provoquer un changement politique. Ces objectifs, traduits dans le langage des chiffres, impliquent des décisions distinctes.

38Concentrées sur les besoins humains, les statistiques d’EM-DAT n’ambitionnent pas de modifier les conditions de la crise. Il s’agit plutôt de renforcer les capacités de résistance ou de récupération des populations sinistrées, sans interroger leurs choix de développement. Les chiffres légitiment des priorités d’investissement, soit par l’ampleur des impacts, soit via une analyse coûts/avantages. Cet outil renvoie donc au mode de gestion libéral, construit selon une pluralité d’enjeux techniques, sociaux, politiques, économiques ou culturels. Ces enjeux varient dans le temps et l’espace. Un exemple classique de cette variabilité est le choix britannique de protection de Londres contre les marées de la Tamise. Dans les années 1970, un barrage au coût extrêmement élevé est construit en cas de raz-de-marée : « […] le risque d’inondation, tout en étant minime, était tel qu’un gouvernement responsable ne pouvait l’ignorer » (Horner, 1987 : 321). L’expertise est convoquée en fonction de seuils préalablement négociés.

  • 17  Cet engagement passe par la recherche appliquée. DesInventar en est l’un des fruits. D’autres init (...)

39Guidé par l’engagement17 des chercheurs de LA RED, le lien entre catastrophes et choix de développement conduit à transformer la gestion des risques. La multiplication des impacts prouve la nécessité d’agir sur la vulnérabilité. Cet outil renvoie à une gestion prescriptive proportionnée à l’exposition au risque. Plus qu’une analyse coût/avantage, la comparaison entre coût de reconstruction et coût de prévention démontre que la gestion radicale du risque (Wilches-Chaux, 2007) est bénéfique socialement, politiquement et économiquement. Dans cette perspective, le Ministère costaricien de la Planification a produit en 2010 un document intitulé « L’impact économique des évènements naturels et anthropiques extrêmes au Costa Rica, 1998-2009 » (Flores Verdejo et al. 2010). À la même époque, l’ONG DARA propose un indice d’évaluation des politiques de gestion du risque (DARA, 2011).

Conclusion

40Les chiffres expriment des sommes de problèmes et orientent des solutions. Ils favorisent la visibilité en agrégeant une multitude de faits épars. Ils relativisent les évènements en indiquant un dénominateur commun : la vulnérabilité. Les graduations servent aussi de critère à l’action. Statistiques et probabilités légitiment des politiques en dessinant l’ampleur, la diversité, le profil des spécificités et les priorités à cibler. La pertinence des nombres dépend du degré de résolution adopté : à l’échelle planétaire du travail des agences de l’ONU, la signification des vulnérabilités a pour but de classer les nations, fixer des priorités d’interventions et surtout prescrire la nécessaire organisation de la prévention. Les dénombrements effectués à l’occasion de catastrophes ponctuelles ont une vocation immédiatement opérationnelle : prendre l’ampleur des besoins et paramétrer les solutions en conséquence. Le degré de résolution permet de repérer les imprécisions et incohérences avec évidence, mais une tolérance s’impose pour traiter des situations chaotiques de terrains ravagés par le sinistre. Le cas algérien montre surtout combien tout l’effort intellectuel a d’abord porté sur le rétablissement d’une bonne administration des secours immédiats (tentes, alimentation, médicaments) et de longs termes (relogement, effort parasismique pour diminuer la vulnérabilité). Comme pour les cas costariciens, la torsion des chiffres apparaît avec leur adéquation à des statuts et l’accès aux ressources, qui poussent les acteurs à exagérer ou minorer leurs besoins selon leurs intérêts à court terme dans des circonstances chaotiques. Outre les éternels jeux d’identité et de nombre des sinistrés pour bénéficier d’aides, les administrations jouent aussi des chiffres pour proclamer leur efficacité ou exiger plus de moyens. L’expression du nombre est d’abord un argument dans une concurrence d’accès à des moyens rares et vitaux. Ainsi, même polémique, les décideurs, experts, habitants, secouristes ou scientifiques s’accordent sur le principe de cette gestion chiffrée. D’ailleurs, malgré leur différence, les gestions libérales et prescriptives sont engagées dans une surenchère de production de chiffres, voués à l’autolégitimation des solutions proposées.

41Dans une gestion libérale, l’amélioration des secours, la réduction des marges d’incertitude et la pertinence des investissements ne réduisent pas les vulnérabilités. Régulièrement remis en cause, ce modèle reste dominant par la souplesse offerte aux initiatives privées, quitte à éviter d’être autoritaire dans le contrôle de la vulnérabilité. Au contraire, la gestion prescriptive, soucieuse de réduire la vulnérabilité, justifie de contraindre les activités (permis de construire, interdiction d’exploiter, restriction des usages) par le risque. Cette gestion peut évoluer vers un autoritarisme administratif. En effet, une fois les chiffres produits puis diffusés, l’accès à des ressources peut être conditionné par l’adhésion à cette gestion préétablie. En faveur de ce mode de gestion, le dernier bilan mondial sur la réduction des risques de catastrophes (SIPC, 2011) spécifie :

42« Cette invisibilité [des pertes considérables de biens publics] représente un important obstacle politique à l’investissement dans la GRC [Gestion du Risque de Catastrophe]. Le fait de révéler ces impacts ne débouchera pas systématiquement sur des investissements accrus, mais si les gouvernements devaient rendre des comptes sur ces pertes récurrentes et leurs responsabilités futures, ils commenceraient peut-être à prendre des décisions plus réfléchies basées sur des évaluations des coûts, avantages et concessions intégrés dans les investissements publics. (SIPC, 2011 : 109)

43Les outils prescriptifs se développent en passant d’une maîtrise communautaire du territoire et des comportements à un contrôle planétaire croissant. Ainsi, la Banque Mondiale propose des « crédits pour imprévus » dont l’octroi est conditionné par l’existence de politique de gestion des risques suffisante (SIPC, 2011 : 117-118). Fondé sur l’évaluation, le reporting et le classement, ce type d’outil laisse présager un essor pour la bureaucratie de contrôle de ces politiques.

44Dans des sociétés administrées selon des principes rationnels légaux, l’expression du nombre est un argument dans un ordre de grandeur qui mesure autant l’étendue des actions que la valeur sociale des actions. À l’aune bureaucratique, efficacité signifie démonstration chiffrée sans attention à la nuance des valeurs symboliques des personnes et des lieux pour les sociétés perturbées. Or, sans partage de valeurs communautaires ritualisées, prescrire des remèdes chiffrés désincarnés au nom des équilibres des statistiques est localement inadmissible. Utiles à la compréhension, à l’explication et au choix d’objectifs communs, les statistiques doivent composer avec la compréhension des attentes et possibilités des populations concernées sous peine de former un corpus bureaucratique. Loin d’être objectivement résumable à des colonnes de chiffres, la reconstruction n’est envisageable qu’en subjectivant les rôles sociaux des membres de la communauté, villageoise ou nationale, ce qui explique que la puissance du verbe l’emporte en définitive sur la rationalité relative du chiffre. Conjuguer amélioration des secours et réduction de vulnérabilités est désormais possible grâce à des indicateurs disponibles à des échelles aussi complémentaires que la municipalité et le continent. Reste cependant à redonner du sens à ces tendances chiffrées pour réinscrire l’interprétation et l’action dans les revendications de sécurité des populations.

Remerciements

45Les auteurs remercient leurs partenaires en Algérie (Centre de Génie ParaSismique) et au Costa Rica (Faculté Latino-Américaine de Sciences Sociales de San José).

Note biographique

46Doctorante au Centre d’ Études et de Recherche sur les Risques et Vulnérabilités à l’Université de Caen Basse-Normandie, Cloé Vallette s’intéresse à l’institutionnalisation de la gestion des risques et catastrophes. Son terrain de thèse se situe dans l’Aire Métropolitaine de San José au Costa Rica. Sa participation à différents programmes de recherche, concernant notamment le risque sismique, la tempête Xynthia ou encore la gestion des déchets (comparaison France-Espagne), l’encourage à interroger les formes pratiques et politiques d’adaptation des sociétés aux enjeux environnementaux.

47Chercheur CNRS à PACTE, Stéphane Cartier analyse les politiques de prévention des risques naturels. Ses investigations sur la gestion du risque sismique l’orientent vers les enjeux du développement urbain durable et les questions du rôle de l’expertise en situation de forte incertitude. Il contribue à la définition de protocoles interdisciplinaires d’observation et d’enquête pour les problèmes environnementaux. Il poursuit ses investigations internationales sur la gestion de la sécurité urbaine des situations sismiques françaises (vallées alpines, Antilles), européennes (Suisse, Italie) et méditerranéennes (Algérie, Turquie, Liban). À travers les réponses aux appels d’offres scientifiques, la coopération internationale et la participation aux réflexions de sociétés savantes, ses travaux contribuent à éclaircir les conditions de réduction de la vulnérabilité sismique par les pouvoirs publics. La récente publication de l’ouvrage sur « La sécurité scolaire à l’épreuve du risque sismique » par la Documentation Française et le Ministère de l’Environnement témoigne de cet effort de partage public des contraintes territoriales et solutions politiques.

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Notes

1  Cette enquête a été réalisée dans le cadre d’une thèse en sociologie d’octobre 2008 à septembre 2009 puis en novembre et décembre 2010.

2  Nationalement, l’Institut Mixte d’Aide Sociale dispense une aide de trois mois de loyer aux familles sinistrées. Localement et de manière exceptionnelle, une aide municipale mensuelle est allouée à l’échéance de ces trois mois.

3 “Mi familia ha decidido buscar un préstamo para reconstruir, ya tenemos un plano y nos están haciendo el presupuesto correspondiente, pero necesitamos saber si se puede volver vivir allí. […] también fuimos al Ministerio de Salud y R., nos dijo que usted nos podía facilitar el nombre de la persona con la que tengo que hablar en la Comisión de Emergencias, para poder quitar la declaratoria de inhabitable. Esperando una respuesta a esta solicitud, recuerda que llevamos ya año y 7 meses fuera de nuestra casa y pagando un alquiler mas alto de lo que la Municipalidad nos ayuda.”

4 “[Un regidor] Se dio a la tarea también de obtener la lista de las famosas 50 familias que estarían implicadas en este desarrollo, porque insiste que son 50 supuestas familias, pero a las familias que se les ayuda son 14, no son 50, esas son las que nos interesan, […] además dentro de las 50 familias esta X que le compraron la propiedad y familias que no requirieron una reubicación, aunque fueron afectados […].”

5  “El comité de vecinos [Comité Pro-Vivienda y Damnificados del Río Quebrada Seca] trabaja por todos los damnificados que tienen en su poder una declaratoria de inhabitabilidad y que en total suman 42 (descartando los casos que la municipalidad previamente ya soluciono (8) por eso no son 50 y menos aún 15 (…). El Presidente Municipal (…) manifiesta que es un tema que se habla mucho si son 15, 30 o 50 familias, le parece que la Administración defina el numero en virtud de que ya se realizaron los estudios socioeconómicos, no se debe crear tanta polémica, para seguir trabajando, con los expedientes respectivos, y logra obtener oficialmente la lista de cuantas Familias son las afectadas.(…) El Regidor Suplente (…) informa que siempre se ha hablado que son 50 viviendas, pero el Comité debe priorizar y darle viviendas a las familias que no tienen vivienda.”

6 “[…] to provide rapid and accurate information to serve purposes of humanitarian action at national and international levels.”

7  L’UNDRO (United Nation Disaster Relief Coordination Office) créée en 1971 est absorbée par le Département des Affaires humanitaires lors de sa création en 1992. Ce dernier devient le Bureau de Coordination des Affaires humanitaires (OCHA, Office for coordination of Humanitarian affairs) en 1998.

8 Groupe de Technologie intermédiaire pour le Développement du Pérou, Compagnons des Amériques d’Équateur, Observatoire sismologique Sud occidental de la CAUCA de Colombie, La Fondation pour la Communication populaire de Colombie, le Secrétariat général de la Faculté Latino-américaine de Sciences sociales du Costa Rica, Le Conseil des Églises pour les Crises et la Reconstruction du Costa Rica, Le Conseil Mexicain de Sciences sociales du Mexique, l’Unité de Recherche sur les Catastrophes du Manitoba du Canada, l’Université de Paraiba du Brésil et le Centre International de Recherches pour le Développement du Canada.

9 OFDA/AID, OPS, Département de Développement régional et de l’Environnement de la OEA, Secrétariat régional de la DIPCN, British Geological Survey

10  desinventar.net, consulté le 30 mai 2012

11  Argentine, Bolivie, Chili, Colombie, Costa Rica, République Dominicaine, Équateur, El Salvador, Guatemala, Guyane, Honduras, Jamaïque, Mexique, Nicaragua, Trinité et Tobago, Panama, Pérou, Uruguay, Venezuela.

12  Inde, Indonésie, Laos, Maldives, Népal, Îles Salomon, Sri Lanka, Timor-Oriental, Vietnam, Jordanie, Liban, Syrie, Yémen

13  Djibouti, Égypte, Mali, Maroc, Mozambique

14 “ This is where high quality historical data is required to justify resource allocation, establish risk and vulnerability and undertake comparative analyses between regions.”

15 “« a situation or event which overwhelms local capacity, necessitating a request to a national or international level for external assistance; an unforeseen and often sudden event that causes great damage, destruction and human suffering. » For a disaster to be entered into the database at least one of the following criteria must be fulfilled: 10 or more people reported killed; 100 or more people reported affected; declaration of a state of emergency; call for international assistance.”

16 “(…) a phenomenon -natural, socio-natural or technological- which acts as a detonator of adverse effects on human lives, health, and/or economic or social infrastructure in a community. (…) Remember that in DesInventar, an event is different from a disaster. An event may trigger multiple disasters as well as affecting different geographical units.”

17  Cet engagement passe par la recherche appliquée. DesInventar en est l’un des fruits. D’autres initiatives participent à la diffusion de ce positionnement conceptuel : guide à l’intention des gestionnaires (Wilches-Chaux, 2007), participation des membres de LA RED aux activités de la SIPC (SIPC, 2011).

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List of illustrations

Title Figure 1. Tableau de dénombrement des dégâts par niveau et fonction des bâtiments, Cellule de crise de Boumerdès (Algérie), mai 2003.Damages count table by building level and function, Boumerdès Emergency Unit Response (Algeria), may of 2003.
Credits Source : Association Française de Génie Parasismique
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/12138/img-1.png
File image/png, 427k
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References

Electronic reference

Cloé Vallette and Stéphane Cartier, « Dénombrer pour maitriser les dommages des catastrophes naturelles », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 12 Numéro 1 | mai 2012, Online since 21 June 2012, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/12138 ; DOI : 10.4000/vertigo.12138

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About the authors

Cloé Vallette

Doctorante en Sociologie, Centre d’Études et de Recherches sur les Risques et Vulnérabilité (MRSH), Esplanade de la paix, Université de Caen Basse-Normandie, 14 000 Caen, Courriel : cloe.vallette@hotmail.fr

Stéphane Cartier

Sociologue, CNRS PACTE, Institut de Géographie Alpine 14 rue Marie Reynoard 38100 Grenoble, Courriel : scartier@obs.ujf-grenoble.fr

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