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Proximité au trafic routier et pollution de l’air en Ile-de-France

Cécile Honoré, Fabrice Dugay and Pierre Pernot

Abstracts

In the Ile-de-France region, air pollution in the vicinity of road traffic is a crucial issue, particularly in the city center. Airparif, the association in charge of air quality monitoring in Ile-de-France, monitors regulated pollutants - on a daily basis and on the long run - thanks to a measurement network consisting of background and traffic stations. To fulfill their mission, Airparif also relies on a pollutant emission inventory, with specific treatment of road traffic emissions; air quality models and mapping systems that integrate road traffic.

Among the pollutants highly emitted by road traffic, benzene and CO are no longer problematic in Ile-de-France. In contrast, nitrogen dioxide (NO2) and particles reach very intense levels and exceed the regulatory limit values in the vicinity of road traffic. Concerning NO2, exceedance also occurs in the background areas. Moreover, since several years, levels have been stable in the vicinity of road traffic. This stability leads repeatedly to over three million people potentially exposed to critical levels of air pollution.

One future challenge for air quality monitoring is the detailed characterization of pollutant levels, including in the vicinity of road traffic. Developments are currently being achieved, regarding high-resolution modeling and mapping of model outputs together with observations. The aim is to improve the assessment of population exposure for environmental health studies conducted by health actors and to strengthen support to public authorities for the management of air quality.

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Full text

Introduction : les problématiques de pollution atmosphérique en Ile-de-France

1Les niveaux de pollution en un territoire donné résultent de plusieurs facteurs qui sont : 1) des sources multiples sont à l’origine d’émissions de polluants : industries, chauffages, décharges, incinérateurs; trafic routier, ferroviaire, fluvial, aérien; 2) les polluants produits à l’extérieur du territoire sont transportés par le vent, et transitent sur le territoire; 3) les masses d’air subissent un mélange vertical plus ou moins important qui dilue ou au contraire concentre les polluants dans les basses couches de l’atmosphère; 4) des réactions chimiques se produisent, augmentent ou diminuent les niveaux des composés; 5) enfin, les phénomènes de dépôt et de lessivage contribuent à éliminer les polluants des basses couches de l’atmosphère; 6) enfin, pour les polluants particulaires, d’autres phénomènes physiques et thermodynamiques s’ajoutent aux précédents et jouent sur la granulométrie des particules dans l’air : nucléation, coagulation, changements de phase.

Figure 1. Les facteurs d’influence et les échelles spatiales de la qualité de l’air

Figure 1. Les facteurs d’influence et les échelles spatiales de la qualité de l’air
  • 1 On distingue les particules de diamètre aérodynamique inférieur à 10 microns (PM10) et les particul (...)

2De manière classique, on distingue les polluants primaires (benzène, monoxyde de carbone), directement émis dans l’atmosphère, des polluants secondaires (ozone O3) produits à partir d’autres espèces via des réactions chimiques. Certains polluants secondaires peuvent également être émis directement dans l’atmosphère : c’est le cas du dioxyde d’azote (NO2) et des particules1 , émis notamment par le transport routier; mais le NO2 est également produit dans l’atmosphère à partir des émissions des véhicules (monoxyde d’azote, NO), via la réaction chimique NO + O3  NO2 + O2 . Les processus de formation du NO2 sont ainsi étroitement liés à la présence d’ozone dans l’air. Quant aux particules, elles sont aussi produites via des réactions chimiques ou des processus thermodynamiques.

3La gestion de la qualité de l’air sur un territoire dépend du polluant considéré et de l’échelle spatiale à laquelle on se place (figure 1). Un point clé est la part que représente la contribution de l’import par rapport à celle des émissions locales dans les concentrations : un polluant dont les niveaux sont influencés de manière importante par les imports depuis l’extérieur du domaine sera moins facilement maîtrisable à l’échelle de ce domaine qu’un polluant dont les niveaux dépendent uniquement des émissions locales. Dans le même ordre d’idée, le lien entre émissions et niveaux de concentration est plus direct pour les polluants primaires que pour les polluants secondaires; pour ces derniers, la relation entre émissions et niveaux ambiants peut être non linéaire, ce qui rend compliquée l’estimation a priori de l’impact de mesures de réduction.

  • 2 Fond : zone en dehors de l’influence dominante ou prépondérante d’une source industrielle ou des vo (...)

4La mission de surveillance régionale de la qualité de l’air des Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA) est relative à des problématiques de pollution variées : pollution à proximité des sources, en fond2 urbain, à l’échelle régionale et planétaire avec le changement climatique, via la contribution des sources émettrices régionales à ce phénomène.

  • 3 Kilométrage issu du réseau routier principal pris en compte dans les systèmes de modélisation à Air (...)
  • 4 Chiffres-Clés de la région Ile-de-France CRCI Ile-de-France en partenariat avec l’IAU et l’INSEE — (...)
  • 5 DRIRE – L’industrie en Ile-de-France — www.industrie-iledefrance.org

5La région Ile-de-France concentre sur 2 % du territoire national près de 20 % de la population française. Elle se caractérise par l’importance de son réseau routier avec plus de 10 000 km d’axes dont 10 % sous forme d’autoroutes ou de voies rapides3. C’est une région économique et industrielle de premier ordre : elle contribue à hauteur de 29 % au PIB de la métropole4 et concentre près de 15 % des emplois salariés de l’industrie française; en 2006, l'Ile-de-France est la première région industrielle5. En ce qui concerne sa situation géographique, l’Ile-de-France n’est pas isolée de l’extérieur : c’est une plaine généralement sous influence océanique et plus rarement continentale; elle peut aussi se trouver sous l’influence d’une pollution à plus grande échelle.

6L’importance de la population, de l’activité économique, de l’attractivité et des infrastructures fait de l’agglomération parisienne une mégapole mondiale, confrontée à ce titre aux problèmes classiques de maîtrise de la mobilité, de qualité de l’air... Néanmoins, une singularité de l’agglomération parisienne provient de la très forte densité du réseau routier et de la population au voisinage de celui-ci : la problématique de la pollution en proximité au trafic routier se pose de manière cruciale en Ile-de-France, et plus particulièrement en cœur d’agglomération. Le Tableau 1 indique si, en 2010, les normes de qualité de l'air sont respectées ou dépassées en Ile-de-France pour les différents polluants réglementés et les différents environnements (Airparif, 2011). Parmi les polluants fortement émis par le trafic routier, on trouve le dioxyde d’azote NO2, les particules PM10 et PM2.5, le benzène et le CO.

Tableau 1. Situation en Ile-de-France en 2010 des différents polluants réglementés par rapport aux normes françaises et européennes de qualité de l’air

  • 6 Valeur limite : niveau à atteindre dans un délai donné et à ne pas dépasser, et fixé sur la base de (...)

Polluants

Valeur limite6

Fond

Proximité au trafic

Arsenic

Cadmium

Benzène

Respectée

Respectée

Benzo(a)pyrène

Monoxyde de carbone CO

Respectée

Respectée

Nickel

Dioxyde d’azote NO2

Dépassée

Dépassée

Oxydes d’azote NOx

Respectée

Ozone O3

PM10

Respectée

Dépassée

PM2.5

Respectée

Dépassée

Plomb

Respectée

Respectée

Dioxyde de soufre SO2

Respectée

Respectée

7En 2010, en ce qui concerne le dioxyde d’azote, les dépassements des valeurs limites (VL) réglementaires se produisent en fond et de façon très intense en proximité au trafic routier; on observe une stabilité des niveaux en proximité au trafic, et une tendance à la baisse des niveaux de fond, qui s’atténue sur les dernières années. Pour les particules fines PM10 et PM2.5,, on observe également des dépassements en situation de proximité du trafic routier, et une stabilité des niveaux observés sur les dernières années. Enfin, les niveaux de benzène et de CO se situent en dessous des VL réglementaires en proximité au trafic routier comme en fond; les niveaux sont à la baisse. Dans la suite, notre analyse des niveaux de polluants concernera essentiellement les NOx, le NO2 et les PM.

8Dans ce contexte, la mission assurée en Ile-de-France par Airparif a pour objectif de :

  • surveiller la qualité de l'air grâce à un dispositif de mesure et à des outils de simulation informatique et contribuer ainsi à l'évaluation des risques sanitaires et des effets sur l'environnement et le bâti;

  • informer les citoyens, les médias, les autorités et les décideurs, en prévoyant et en diffusant chaque jour la qualité de l'air pour le jour même et le lendemain; en participant au dispositif opérationnel d'alerte mis en place par les préfets d'Ile-de-France en cas d'épisode de pollution atmosphérique (…);

  • comprendre les phénomènes de pollution et évaluer, grâce à l'utilisation d'outils de modélisation, l'efficacité conjointe des stratégies proposées pour lutter contre la pollution atmosphérique et le changement climatique.

9L’objectif de cet article est tout d’abord (première partie) de faire un tour d’horizon des moyens qui sont mis en œuvre aujourd’hui par Airparif pour remplir tous les aspects de sa mission; on présente ensuite (dans une deuxième partie) l’état de la qualité de l’air en Ile-de-France en mettant l’accent sur la problématique de pollution en proximité au trafic routier. On termine (troisième partie) en donnant quelques pistes sur les évolutions à venir et perspectives.

Caractérisation de la qualité de l’air à l’échelle régionale et en proximité au trafic

10Historiquement, les mesures ont été utilisées par les réseaux de surveillance de la qualité de l’air pour caractériser celle-ci, par exemple à proximité des installations industrielles potentiellement polluantes. Au fil des décennies, au fur et à mesure que les problématiques de qualité de l’air se sont enrichies et complexifiées, c’est tout un dispositif qui a été développé.

11Le dispositif de surveillance et de gestion de la qualité de l’air d’Airparif est aujourd’hui constitué d’un ensemble d’outils — réseau de mesures, campagnes spécifiques, inventaire des émissions polluantes, outils de modélisation de la qualité de l’air. Il a vocation à caractériser de façon pérenne la qualité de l’air en Ile-de-France; il permet de délimiter les zones de dépassement des valeurs limites réglementaires et la population potentiellement exposée; il permet également d’aider à la gestion de la qualité de l’air et au suivi de l’impact des diverses mesures prises pour lutter contre la pollution de l’air. Ce dispositif couvre une multiplicité de polluants et de sources à des échelles variées, depuis l’échelle régionale jusqu’à l’échelle locale et la proximité au trafic.

Le réseau de mesures fixes et les campagnes spécifiques

12Historiquement, les mesures ont été l’instrument privilégié du suivi de la pollution atmosphérique; aujourd’hui encore, Airparif s’appuie sur un important réseau de mesure d’une cinquantaine de stations automatiques permanentes et une quinzaine de stations semi-permanentes à proximité du trafic, réparties sur un rayon de 100 km autour de Paris.

13Il existe en Île-de-France différents types de stations et d'analyses, définies selon des préoccupations de santé publique et en fonction des outils de mesure existants. Les stations automatiques permettent un suivi continu des concentrations, à une résolution temporelle horaire. Le choix de leur localisation et des polluants mesurés répond en priorité à une préoccupation de santé publique et à la réglementation. Il existe deux types de stations : les stations de fond, éloignées des voies de circulation et des sources industrielles, et les stations à proximité au trafic. Cette classification répond à des critères européens et nationaux. Les stations semi-permanentes placées le long des voies de circulation renforcent le réseau automatique; les mesures sur ces stations concernent le NO2 et le benzène; elles sont discontinues, et réalisées au moyen de tubes passifs. Cette approche garantit à moindre coût un suivi régulier et permet de calculer une moyenne annuelle des niveaux de ces deux polluants.

14Le réseau de mesure d’Airparif est en perpétuelle évolution afin de suivre l’évolution des problématiques de qualité de l’air. Ainsi, entre 2000 et 2010, 9 stations urbaines et périurbaines ont été ouvertes pour mieux décrire les variations spatiales des niveaux, ainsi que 3 stations de proximité au trafic (RN2 Pantin, RN6 Melun et Boulevard Haussmann à Paris). En 2011, une nouvelle station trafic a également été ouverte place de l’Opéra à Paris (9e). La feuille de route d’Airparif d’ici à 2014 prévoit une réorientation du réseau de mesure vers la caractérisation des situations de proximité au trafic, et le développement des mesures de particules, en particulier des PM2.5.

15À titre d’exemple, le réseau des stations permanentes surveillant le NO2 est présenté en figure 2.

Figure 2. Localisation des stations de mesure du NO2 en Ile-de-France au 31/12/2010

Figure 2. Localisation des stations de mesure du NO2 en Ile-de-France au 31/12/2010

16Certains composés (métaux, Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques) ne peuvent être mesurés de façon automatique et en continu par les stations. Leur analyse fait appel à un échantillonnage et à des techniques de laboratoires spécifiques; des campagnes de mesure spécifiques sont alors réalisées. Un suivi périodique est réalisé également sur certains composés non réglementés, mais potentiellement problématiques (dioxines, pesticides).

17Par ailleurs, des campagnes de mesure spécifiques sont régulièrement lancées afin de répondre à des problématiques posées dans le cadre d’études particulières. C’est le cas par exemple pour l’étude de cartographie fine des niveaux de dioxyde d’azote dans le cœur dense de l’agglomération parisienne (Airparif, janvier 2012). Dix ans après Life « Résolution », projet qui faisait un point détaillé sur les niveaux de dioxyde d’azote dans l’agglomération parisienne, une nouvelle campagne de mesure de grande ampleur a été réalisée en 2010 dans le cœur dense de l’agglomération parisienne.

L’inventaire des émissions polluantes

18Un inventaire des émissions fournit des informations qualitatives et quantitatives sur les sources d'émissions et leur contribution respective. Il permet :

  • de disposer d'un diagnostic, de l'échelle régionale à communale, des responsabilités des différents secteurs émetteurs de polluants;

  • de suivre les évolutions des émissions de polluants dans le temps et selon les zones géographiques;

  • d'asseoir la construction de scénarii prospectifs concernant l'évolution de ces émissions;

  • d'alimenter des systèmes de modélisation et de cartographie;

  • de contribuer à la validation d'emplacements pressentis pour implanter des stations de mesure de la qualité de l'air.

19Ainsi, l’inventaire des émissions polluantes est un outil de gestion de la qualité de l’air, de suivi et d’interprétation des motifs de pollution, de leur évolution, d’aide à la décision et de suivi de l’impact de mesures prises pour lutter contre la pollution de l’air. Depuis quelques années, Airparif réalise et met à jour l'inventaire des émissions de polluants en Ile-de-France, avec le souci de faire évoluer les méthodologies selon l’état de l’art, et de constituer un historique rétrospectif (2000, 2005, 2007, 2008) et prospectif (à l’horizon 2020 pour les plans tels que le Plan de Déplacements Urbains d’Ile-de-France ou le Plan de Protection de l’Atmosphère).

20Les émissions prises en compte sont liées aux activités humaines et naturelles :

  • le secteur résidentiel et tertiaire correspond notamment aux émissions liées au chauffage;

  • le transport routier (incluant les émissions de tout type de véhicules, mais aussi d'hydrocarbures par évaporation au niveau des stations services);

  • le transport aérien (incluant les émissions des avions, mais aussi celles des activités sur les plateformes aéroportuaires);

  • les autres transports (ferroviaire et fluvial);

  • la production d'énergie (incluant les émissions des centrales thermiques et raffineries);

  • le traitement des déchets (incluant les émissions des décharges et des usines d'incinération);

  • les autres secteurs industriels;

  • l'agriculture;

  • les sources biogéniques (émissions de certains composés par la végétation par exemple).

21Les polluants recensés sont ceux faisant l'objet d'une surveillance permanente et leurs précurseurs : NOx, CO, SO2, Composés organiques volatils non méthaniques (COVNM), PM10 et PM2.5. De plus, les principaux gaz à effet de serre sont recensés.

  • 7 http://www.airparif.asso.fr/etat-air/air-et-climat-emissions-heaven (...)

22Les émissions du trafic routier font l’objet d’un traitement spécifique, via le système HEAVEN7. Les données d’émissions du trafic routier produites à Airparif sont issues d’une chaîne de calcul développée dans le cadre du projet européen HEAVEN en collaboration avec la Direction de la Voirie et des Déplacements de la Ville de Paris et la Direction Régionale et Interdépartementale de l’Équipement et de l’Aménagement en Ile-de-France. Les émissions sont évaluées en combinant :

  • les sorties horaires d’un modèle de trafic qui fournit sur chaque brin d’un réseau routier francilien modèle : le flux de véhicules roulants, la vitesse moyenne, le pourcentage de véhicules circulant avec un moteur froid; les sorties du modèle de trafic sont corrigées par des comptages transmis en temps quasi réel par la Ville de Paris et la Direction des Routes d’Ile-de-France.

  • les facteurs d’émissions issus la méthodologie COPERT, dépendant du type de véhicule, de la vitesse, du fait que les véhicules circulent « à froid » ou non, de la température ambiante.

23La Figure 3 présente le schéma d’évaluation des émissions routières, liées à la combustion, l’évaporation des carburants, l’abrasion des routes, des pneus et des freins (émettrice de particules).

Figure 3. Schéma de principe de l’évaluation des émissions routières dans le système HEAVEN

Figure 3. Schéma de principe de l’évaluation des émissions routières dans le système HEAVEN

Les outils de modélisation, de cartographie, d’assimilation de données

24Depuis une quinzaine d’années, les outils de modélisation font partie intégrante du dispositif de surveillance de la qualité de l’air des AASQA, pour la prévision à court terme, l’analyse a posteriori de situations intéressantes ou, plus récemment, l’évaluation de scénarios prospectifs dans le cadre de l’appui aux pouvoirs publics pour la conception des plans réglementaires.

  • 8 http://www.esmeralda-web.fr/ (...)

25Ces outils ont évolué au fil du temps, avec l’enrichissement et la complexification des problématiques de qualité de l’air : de la modélisation statistique des niveaux de pollution aux stations de mesure, jusqu’aux outils actuels de modélisation régionale en lien avec les problématiques ozone puis plus récemment particules. Ces modèles sont utilisés à l’échelle de l’Ile-de-France et des régions limitrophes au sein de la plate-forme ESMERALDA8, qui délivre quotidiennement des prévisions à 72 heures pour l’ozone, le NO2 et les particules.

26Il y a un besoin crucial aujourd’hui de déploiement des outils de modélisation de la qualité de l’air en situation de proximité au trafic et influencée, à l’échelle de l’agglomération parisienne. Les cartographies dites « prox-fond » annuelles répondent — partiellement – à ce besoin, en renseignant les concentrations moyennes annuelles de polluants sur toute l’Ile-de-France, à très haute résolution spatiale.

27L’approche adoptée repose sur la mise en œuvre du logiciel STREET; il permet d’évaluer les « sur concentrations » dues aux émissions du trafic routier des polluants « locaux » (typiquement NOx, PM2.5 et PM10) « au droit des axes routiers ». La concentration moyenne annuelle est estimée comme la somme de la concentration moyenne annuelle évaluée via la plate-forme de modélisation régionale ESMERALDA et des sur concentrations liées au trafic routier.

28Les concentrations calculées par ESMERALDA sont corrigées par les observations disponibles aux stations de fond : on parle d’assimilation de données. Cette technique consiste à « fusionner » sur une même cartographie les résultats de la modélisation déterministe et les mesures disponibles, en tenant compte des incertitudes de chaque type de données. Cette technique permet de tirer bénéfice des deux approches de surveillance de la qualité de l’air que sont les mesures et la modélisation.

29Les concentrations de polluants des zones influencées, c'est-à-dire entre la proximité immédiate au trafic routier et le fond urbain, sont calculées par modélisation empirique de la décroissance des niveaux. Les lois de décroissance ont été déterminées notamment sur la base de campagnes de mesures temporaires (Airparif, 2004 ; Airparif, 2006 ; Airparif, 2008).

30L’approche cartographique a été évaluée en comparant les niveaux calculés en proximité au trafic ou en zone influencée avec les mesures disponibles. Malgré les limites du logiciel STREET (pas de description fine des phénomènes locaux, pas de prise en compte du transfert des polluants d’un axe à un autre, ni des réactions chimiques) et à l’approche mise en œuvre (additivité des niveaux), les résultats sont satisfaisants et répondent aux exigences de la réglementation européenne en ce qui concerne les incertitudes des sorties de modélisation (cf. Directive 2008/50/CE).

  • 9 http://www.obsairvatoire-a86ouest.fr/ (...)
  • 10 Votre Air est un prototype qui a été développé dans le cadre du festival Futur en Seine 2011, en pa (...)

31Plus récemment, des systèmes de modélisation de la qualité de l’air à haute résolution spatiale (quelques dizaines de mètres) et temporelle (horaire) ont été développés sur des « points chauds » en l’Ile-de-France : l’observatoire A86 ouest9, conformément aux engagements pris par l’État et COFIROUTE (exploitant du tunnel), permet l’évaluation de l’impact du Duplex A86 sur la qualité de l’air tout au long de son exploitation; le système Votre Air10 délivre en quasi temps réel des cartographies de polluants sur un quartier de Paris (cf. Figure 4), afin d'apporter une information sur les niveaux de pollution rencontrés par un piéton ou un cycliste le long de son trajet; le projet SURVOL (en cours) a pour objectif de réaliser en quasi temps réel une surveillance de la qualité de l’air au voisinage des aéroports franciliens.

Figure 4. Indice global de pollution établi pour le vendredi 10 février 2012, 7h00 TU sur le centre de Paris (système Votre Air)

Figure 4. Indice global de pollution établi pour le vendredi 10 février 2012, 7h00 TU sur le centre de Paris (système Votre Air)

Niveaux de pollution dans ces environnements, tendances et facteurs d’influence

Ce que nous disent les mesures

32Les éléments qui suivent sont tirés du Bilan 2010 de la Qualité de l’Air en Ile-de-France (Airparif, mars 2011), produit annuellement et disponible en ligne sur le site d’Airparif.

Le dioxyde d’azote

33Pour le NO2, à l’échelle de l’agglomération parisienne, les niveaux moyens triannuels observés en situation urbaine de fond sont en baisse depuis la fin des années 1990. Les améliorations technologiques des véhicules, notamment la généralisation progressive des pots catalytiques, expliquent cette baisse. De 2000 à 2006, la baisse annuelle moyenne est de 4 %. Entre 2006 et 2010, le rythme de baisse moyenne annuelle est atténué (— 1 %).

Figure 5. Évolution, à échantillon constant de six stations urbaines de fond, de la concentration en moyennes sur 3 ans en NO2 dans l’agglomération parisienne de 1992-1994 à 2008-2010

Figure 5. Évolution, à échantillon constant de six stations urbaines de fond, de la concentration en moyennes sur 3 ans en NO2 dans l’agglomération parisienne de 1992-1994 à 2008-2010

Évolutions : 2000 à 2010 : -27 %; 2000 à 2006 : -4 % en moyenne par an; 2006 à 2010 : -1 % en moyenne par an

34En moyenne annuelle sur la dernière décennie, une variabilité interannuelle est observée du fait des variations météorologiques : 2003 marque une hausse sensible par rapport à 2002, se distinguant dans une série de baisses systématique les années antérieures; 2008 marque la plus faible concentration historique du fait de conditions météorologiques très favorables à de faibles niveaux de pollution; 2010 est une année dans la moyenne de la période 2004-2009. Au-delà des variations météorologiques, il semble que la baisse des niveaux de fond de dioxyde d'azote soit de plus en plus réduite dans l'agglomération. Les exigences croissantes en matière de véhicules moins polluants constituent certes un facteur favorable. Mais les normes à l'émission sont basées sur les NOx et non sur le NO2. Il est aujourd'hui certain que la part du NO2 dans les émissions de NOx des véhicules est en régulière augmentation (voir ci-après), ce phénomène pouvant expliquer que les niveaux de fond de NO2 ne diminuent plus aussi rapidement et soient assez stables ces dernières années.

35La situation en proximité au trafic routier est stable sur l'historique de mesure (figure 6). Les moyennes annuelles de 1996 à 2010 présentent de légères fluctuations interannuelles attribuables aux fluctuations météorologiques. 2010 est une des plus fortes années de l'historique.

Figure 6. Évolution, à échantillon constant de cinq stations trafic, de la concentration moyenne sur 3 ans en NO2 en situation de proximité au trafic dans l’agglomération parisienne de 1996-1998 à 2008-2010

Figure 6. Évolution, à échantillon constant de cinq stations trafic, de la concentration moyenne sur 3 ans en NO2 en situation de proximité au trafic dans l’agglomération parisienne de 1996-1998 à 2008-2010

Évolution : 1998 à 2010 : + 1 %

36Les teneurs élevées en NO, polluant émis par les véhicules routiers, en bordure de voies de circulation, associées à un niveau de fond d’ozone soutenu, conduisent au maintien de niveaux soutenus de NO2 le long des grands axes de circulation.

37Un autre facteur est défavorable pour le NO2 en proximité au trafic routier : d’après de nombreuses études, la majorité des filtres à particules équipant les véhicules diesel particuliers ou utilitaires les plus récents diminuent les émissions de particules, mais augmentent en revanche la part de NO2 dans les émissions d’oxydes d’azote (AFSSET, août 2009). Ces véhicules représentent encore une part minoritaire du parc roulant, mais elle augmente d'année en année. D'autres agglomérations européennes ont observé en quelques années des hausses sensibles de la part du dioxyde d’azote dans les émissions d’oxydes d'azote du trafic routier (c’est le cas de Londres), et une stabilisation voire une augmentation des niveaux de NO2 en situation de proximité au trafic (cas de l’Allemagne et de l’Autriche; DEFRA, mars 2011). La méthodologie de calcul des émissions COPERT 4 publiée en août 2007 mentionne une fraction de NO2 dans les émissions de NOx croissante pour les véhicules les plus récents. Par exemple, la fraction NO2 des émissions de NOx d'un véhicule utilitaire léger diesel ou d'un véhicule particulier diesel à la norme Euro 3 est estimée à 25 %. Elle est estimée à 55 % pour un véhicule diesel Euro 4. Les estimations pour les véhicules diesel Euro 5 et 6 sont très incertaines, une étude mentionnant une fraction pouvant atteindre 70 % pour ce type de véhicules. Comparativement, un véhicule plus ancien conforme à la norme Euro 1 ou Euro 2, a une fraction moyenne NO2 de 11 % « seulement ». Les véhicules à motorisation essence, quels que soient leur norme Euro et leur type, émettent entre 2 et 6 % des oxydes d'azote sous forme de NO2.

38La figure 7 présente l'évolution du ratio des concentrations de NO2 sur les concentrations de NOx relevées sur les stations trafic en Ile-de-France, après avoir retranché les teneurs de fond pour se rapprocher le plus possible du ratio NO2/NOx à l'émission. Ce ratio en proximité au trafic représentait moins de 10 % en 1998; il a plus que doublé en 10 ans (23,4 % en 2010).

Figure 7. Ratio des concentrations NO2/NOx, une fois les teneurs de fond retranchées, en moyenne sur les stations de proximité au trafic routier en Ile-de-France de 1998 à 2010

Figure 7. Ratio des concentrations NO2/NOx, une fois les teneurs de fond retranchées, en moyenne sur les stations de proximité au trafic routier en Ile-de-France de 1998 à 2010

39La figure 8 met en évidence, via les observations aux stations de mesure du réseau permanent d’Airparif, la gradation des niveaux depuis le fond hors agglomération jusqu’aux zones impactées par le trafic routier.

Figure 8. Concentration moyenne annuelle de NO2 pour les stations de mesure en Ile-de-France en 2010

Figure 8. Concentration moyenne annuelle de NO2 pour les stations de mesure en Ile-de-France en 2010

40La valeur limite annuelle (VL) du NO2 applicable depuis 2010 (40 µg/m3) est matérialisée sur la figure par la barre rouge. Trois stations urbaines de fond (en bleu clair) ont des niveaux de NO2 supérieurs ou égaux à cette VL : Paris 18e, Paris 7e et Paris 12e. Pour Paris 18e, la VL annuelle était également dépassée en 2003, 2007 et 2009.

41Les stations de proximité au trafic ont des moyennes très variables d'un site à un autre (en bleu foncé), mais dépassent toutes très largement la VL. Les plus fortes moyennes sont relevées sur les autoroutes et les rocades, pour lesquelles le nombre élevé de véhicules et la vitesse de circulation engendrent de fortes émissions de NOx. Sur ces sites, les teneurs moyennes sont 2 à 2.5 fois supérieures aux stations de fond les plus proches.

42Pour les axes parisiens de plus faible gabarit ou à conditions locales de dispersion généralement favorables (Quai des Célestins, Boulevard Haussmann et Avenue des Champs-Élysées) les niveaux restent 1.5 à 2 fois supérieurs en moyenne au fond environnant. Pour la station de la Rue Bonaparte, le débit faible de circulation de cette rue en sens unique est compensé par une configuration de type rue canyon, propice à l’accumulation locale de la pollution. La Place Victor Basch associe un débit de circulation élevé du fait du cumul de circulation de plusieurs axes convergeant vers la place, à un positionnement du point de mesure au cœur du trafic sur un îlot piétonnier.

43La station RN6 Melun relève 51 µg/m3, sensiblement plus faible que sur certains axes parisiens. Cela n’est pas dû à un trafic moins important, mais à un niveau de fond plus faible du fait de l'éloignement du centre de l'agglomération. Alors que le niveau de fond parisien en NO2 se situe autour de 40 µg/m3, le niveau en grande couronne est compris entre 20 et 25 µg/m3. Si l'on ajoute cet écart de 15-20 µg/m3, on retrouve un niveau identique à celui d'un axe de circulation comparable en proche couronne (RN2 Pantin).

44Le niveau de fond régional moyen est estimé à environ 10 µg/m3, la station rurale située à l'extrémité de Fontainebleau, relevant 11 µg/m3 en 2010.

Les particules PM10 et PM2.5

45En situation urbaine de fond, les teneurs annuelles de PM10 fluctuent essentiellement du fait des conditions météorologiques (figure 9). Les années 2007 et 2009 ont connu des situations défavorables conduisant à de forts niveaux de particules en hiver et au printemps. A contrario, 2008 et 2010 ont connu une météorologie sensiblement plus favorable. Ces variations importantes sont liées à l'occurrence plus ou moins fréquente de situations météorologiques. Celles-ci peuvent conduire à des transferts à longue distance, induisant une forte proportion de particules semi-volatiles dans les PM10. Aux fluctuations météorologiques interannuelles près, les teneurs de PM10 sont globalement stables au cours des dernières années.

Figure 9. Évolution de la concentration moyenne annuelle de fond en PM10 de 1999 à 2010 dans l’agglomération parisienne, intégrant la hausse induite par le changement de méthode de mesure en 2007, TEOM échantillon constant de 3 stations, TEOM-FDMS échantillon évolutif de stations

Figure 9. Évolution de la concentration moyenne annuelle de fond en PM10 de 1999 à 2010 dans l’agglomération parisienne, intégrant la hausse induite par le changement de méthode de mesure en 2007, TEOM échantillon constant de 3 stations, TEOM-FDMS échantillon évolutif de stations

46Les teneurs annuelles de PM2.5 fluctuent elles aussi essentiellement du fait des conditions météorologiques. Les épisodes de pollution répétés et de forte intensité durant les périodes hivernales de 2007 et 2009 ont eu un impact important sur les teneurs annuelles de ces deux années.

47En proximité au trafic routier, la station trafic du boulevard périphérique mesure les PM10 depuis 1998. La figure 10 montre une baisse en début d'historique, suivie d’une situation plutôt stable. Hormis l’année 2008, les teneurs sont globalement stables depuis 2007.

Figure 10. Évolution de la concentration moyenne annuelle de PM10 sur la station trafic du boulevard périphérique à la Porte d’Auteuil à Paris de 1998 à 2010, intégrant la hausse induite par le changement de méthode de mesure en 2007

Figure 10. Évolution de la concentration moyenne annuelle de PM10 sur la station trafic du boulevard périphérique à la Porte d’Auteuil à Paris de 1998 à 2010, intégrant la hausse induite par le changement de méthode de mesure en 2007

48Pour les PM2.5 sur la station trafic du boulevard périphérique, la forte année 2007 s’explique par les épisodes de pollution particulaire répétés au printemps. Les teneurs sont stables au cours des dernières années.

49La figure 11 présente la concentration moyenne annuelle de l'ensemble des stations de mesure des PM10 en Ile-de-France. Les niveaux sont assez homogènes en situation de fond, avec un léger gradient entre le cœur dense de l'agglomération (Paris, Gennevilliers, Bobigny) et la périphérie (Gonesse, Cergy-Pontoise…). La différence entre l'agglomération et la zone rurale est d'environ 5 µg/m3 pour la concentration moyenne annuelle. À proximité du trafic routier, les concentrations peuvent être jusqu'à deux fois supérieures à celles relevées en situation de fond. Les niveaux moyens de toutes les stations de mesure sont légèrement inférieurs à ceux élevés en 2009, en moyenne de 7 % pour les stations de fond dans l’agglomération comme pour les stations trafic. Cette figure met bien en évidence la gradation des niveaux de PM10 depuis le fond hors agglomération jusqu’aux zones impactées par le trafic routier.

Figure 11. Concentrations moyennes annuelles de PM10 en Ile-de-France en 2010

Figure 11. Concentrations moyennes annuelles de PM10 en Ile-de-France en 2010

50Pour les PM2.5, les teneurs journalières maximales fluctuent sensiblement d'une année à une autre avec la survenue d'épisodes de pollution plus ou moins intenses. En 2007, l'épisode de pollution intervenu à Noël avait conduit à des niveaux record de particules fines en Ile-de-France (jusqu'à 135 µg/m3 en moyenne journalière). Un épisode de pollution courant janvier 2009 avait engendré des teneurs maximales journalières proches de celles enregistrées en décembre 2007 : jusqu'à 130 µg/m3 en situation de fond dans l'agglomération. L'absence d'épisode de pollution important en 2008 et 2010 a conduit à des teneurs journalières maximales de PM2.5 inférieures à 90 µg/m3.

Le poids du trafic routier dans les émissions de NOx et de particules

51Les figures suivantes présentent les contributions des différents types de sources aux émissions de NOx (figure 12a) et de PM10 (figure 13a), et les cartographies des émissions polluantes (figure 12b et figure 13b).

Figure 12. (a) Émissions de NOx en Ile-de-France en 2008; (b) Cartographie (résolution 1km²) (Airparif, février 2012)

Figure 12. (a) Émissions de NOx en Ile-de-France en 2008; (b) Cartographie (résolution 1km²) (Airparif, février 2012)

52Les émissions de NOx en Ile-de-France en 2008 représentent 100 kt. Le trafic routier est le principal contributeur avec 50 % des émissions franciliennes. Les Véhicules Particuliers (VP) représentent 45 % des émissions de ce secteur (dont 33 % dues aux VP diesel), soit 23 % des émissions franciliennes. Les Poids Lourds (PL) sont le deuxième contributeur du secteur transport routier avec 27 % des émissions de ce secteur. Les émissions de NOx du trafic routier sont particulièrement importantes dans le cœur dense de l’Ile-de-France avec une contribution de 30 % de la zone intra A86 aux émissions régionales de NOx de ce secteur. Le périphérique parisien et l’A86 sont responsables de 10 % des émissions du trafic routier. La cartographie fait apparaître la contribution importante des grands axes routiers et autoroutiers de la région.

Figure 13. (a) Émissions de PM10 en Ile-de-France en 2008 et (b) Cartographie (résolution 1km²) (Airparif, février 2012)

Figure 13. (a) Émissions de PM10 en Ile-de-France en 2008 et (b) Cartographie (résolution 1km²) (Airparif, février 2012)

53Les émissions franciliennes de PM10 s’élèvent à 18 kt en 2008. Le trafic routier est un des principaux contributeurs avec 25 % des émissions (après l’industrie manufacturière (29 %) et le secteur résidentiel et tertiaire (27 %). Les VP contribuent pour 8 % aux émissions franciliennes (35 % des émissions du secteur du transport routier), les véhicules utilitaires légers et les PL pour respectivement 6 % et 2 % (soit 25 % et 6 % des émissions du secteur du transport routier). L’usure des routes, des pneus et plaquettes de freins sont responsables de 7 % des émissions franciliennes (29 % des émissions du secteur du transport routier). L’agglomération parisienne contribue à 62 % des émissions de PM10 franciliennes. Le trafic routier et le secteur résidentiel et tertiaire (notamment chauffage au bois) contribuent à eux deux pour plus de 70 % des émissions de PM10 de l’agglomération.

54Les polluants NO2 et PM10 constituent deux problématiques différentes en termes de gestion de la qualité de l’air : la part du secteur routier dans les émissions est bien plus importante pour les NOx que pour les particules; de plus, les mesures présentées au paragraphe précédent montrent que l’incrément entre le fond régional et la proximité au trafic est bien plus important pour le NO2 que pour les particules, à la fois en absolu et en relatif (l’on passe de 11 à 77 µg/m3 pour le NO2; de 21 à 42 µg/m3 pour les PM10). Néanmoins, il serait abusif de mettre ces chiffres directement en relation avec la part de l’import dans les concentrations : les niveaux de NO2 en proximité au trafic résultent non seulement des imports, mais aussi de transformations chimiques, notamment celle du NO en NO2 en réaction avec l’ozone.

55À ce sujet, l’étude menée par Airparif — en partenariat avec le LSCE (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, CNRS-CEA), avec le soutien financier de l’État, de la Région Île-de-France et de la Ville de Paris — sur l’origine des particules en Ile-de-France (Airparif, septembre 2011) a permis de quantifier la part de particules produite en Île-de-France de celle provenant des régions avoisinantes, ainsi que les principales activités contributrices. Cette étude de grande ampleur s’est déroulée de 2009 à 2011 et a nécessité près de 90 000 analyses chimiques. Elle a mis en évidence qu’à proximité d’un axe routier comme le boulevard périphérique parisien, les particules fines sont produites localement à près de 60 %, avec une contribution importante et stable du trafic routier (44 %) tandis que dans l’agglomération parisienne, en situation éloignée du trafic, les particules proviennent à près de 70 % d’import de pollution en provenance d’autres régions françaises, voire européennes. Parmi les 30 % de particules produites localement, la contribution du trafic et du chauffage au bois résidentiel est importante et identique.

Les apports de la modélisation et de la cartographie fine des niveaux

56La figure suivante présente les concentrations moyennes triannuelles de NO2 calculées pour les périodes 2000-2002 et 2008-2010. Elles sont présentées sous forme de cartographies en zoomant sur l’agglomération parisienne. Cette figure est extraite de l’étude Airparif réalisée en 2010 et portant sur la cartographie fine des niveaux de dioxyde d’azote dans le cœur dense de l’agglomération parisienne (Airparif, janvier 2012). Les paramètres météorologiques sur les deux périodes étant comparables, l’évolution des concentrations s’explique essentiellement par une diminution des émissions.

Figure 14. Concentration moyenne en NO2 pour (a) la période 2000-2002 et (b) la période 2008-2010 sur l’agglomération parisienne

Figure 14. Concentration moyenne en NO2 pour (a) la période 2000-2002 et (b) la période 2008-2010 sur l’agglomération parisienne

57Ces cartographies mettent en évidence une diminution de la pollution ambiante au fur et à mesure que l’on s’éloigne du cœur de l’agglomération où les émissions sont les plus intenses; le gradient entre le cœur de l’agglomération et la périphérie s’atténue. Près du trafic, les concentrations de NO2 relevées sur un axe routier sont 2 à 4 fois plus élevées que la pollution ambiante du secteur, avec un écart plus important en été; en moyenne, les mesures montrent que les niveaux diminuent de 25 à 45 % en s’éloignant de 15 à 40 m de l’axe.

58Selon ces cartographies, durant la décennie, les concentrations de fond ont diminué de l’ordre de 13 %, avec une diminution plus importante dans le cœur dense de 17 % en moyenne et de 15 % en élargissant aux départements de la petite couronne. Les mesures réalisées lors des deux études (moyennes annuelles évaluées à partir des campagnes de mesure 2000-2001 et 2010) traduisent les mêmes tendances avec une diminution de 17 %, relevée en moyenne sur les 16 sites identiques de fond de la Petite Couronne, et de 21 % sur les trois sites parisiens. Ce résultat est cohérent avec l’évolution renseignée sur la base d’un échantillon constant de six stations urbaines de fond entre les périodes 2000-02 et 2008-10 (cf. figure 5).

59En revanche, en proximité au trafic routier, on observe depuis 10 ans un dépassement franc des VL avec une stagnation des concentrations sur les axes les plus chargés. La part directe du trafic routier sur les niveaux en proximité est, par contraste, de plus en plus importante.

Figure 15. Évolution (a) du kilométrage cumulé de voiries dépassant la VL annuelle en NO2 ; (b) de la superficie cumulée concernée par un dépassement de la VL annuelle; (c) du nombre d’habitants concernés par un dépassement de la VL annuelle en Ile-de-France de 2007 à 2010

60(a)

61(b)

62(c)

63Ces cartographies, déclinées chaque année pour le bilan de la qualité de l’air réalisé par Airparif, sont utilisées à des fins de suivi de la qualité de l’air. Des indicateurs précieux sont établis, notamment le kilométrage de voirie et la superficie, qui dépassent les seuils réglementaires (figures 15a et b). Croisées avec des données finement géolocalisées de population, elles permettent aussi de renseigner le nombre d’habitants potentiellement exposés à des niveaux critiques de pollution atmosphérique, et de suivre l’évolution de cet indicateur (figure 15c).

Perspectives de la surveillance de la qualité de l’air; évolutions attendues des outils

64Ces dernières années ont été marquées par une stabilité des niveaux de pollution chronique pour les particules et le dioxyde d’azote, dans l'agglomération parisienne, tant en fond qu'en proximité au trafic, avec de légères baisses ponctuelles liées à une météorologie plus favorable certaines années. Les particules et le dioxyde d’azote restent problématiques en Ile-de-France avec des dépassements fréquents et importants des valeurs limites. Ces deux polluants sont fortement émis par le trafic routier, ce sont des polluants de proximité au trafic routier.

65Un des enjeux majeurs des évolutions futures des niveaux de dioxyde d'azote, tant en situation de fond qu'en proximité au trafic routier, est probablement lié aux émissions primaires de NO2 des véhicules diesel. Si les filtres à particules catalysés, qui équipent aujourd'hui la grande majorité des nouveaux véhicules diesel, contribuent à une diminution des émissions de particules, ils conduisent en revanche à une augmentation sensible des émissions de NO2.

66Des évolutions sont attendues à l’avenir en ce qui concerne la surveillance de niveaux de PM2.5. De nouveaux sites doivent être déployés, en particulier en proximité au trafic routier. Le développement des connaissances assuré via la mesure sera associé à des travaux visant l’amélioration de la modélisation des niveaux de particules – qui est encore délicate.

67Le suivi de composés traceurs de sources d’émissions spécifiques, telles que le trafic routier ou la combustion du bois, est aussi un sujet de réflexion pour l’avenir : il s’agit de se doter de moyens fins de suivi au fil du temps des impacts sur la qualité de l’air de mesures de réduction des émissions de certaines sources spécifiques. Ainsi, le carbone-suie, composé traceur du trafic routier, est étudié dans le cadre du projet PRIMEQUAL PREQUALIF.

68Le prochain défi concernant la surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France est la modélisation à haute résolution spatiale (quelques dizaines de mètres) et temporelle (horaire) des niveaux de pollution, en fond à l’échelle régionale, mais aussi en proximité au trafic et en zone influencée, à l’échelle de l’agglomération parisienne. Les outils de modélisation de la qualité de l’air à l’échelle urbaine existent, mais leur utilisation opérationnelle sur une région aussi fortement urbanisée que la région parisienne est complexe. Les travaux de développement d’une telle plate-forme de modélisation à l’échelle de la région francilienne toute entière sont actuellement en cours.

69Comme dans toute approche de modélisation, la précision de la modélisation des niveaux de pollution à haute résolution spatio-temporelle est conditionnée par les données d’entrée; pour la proximité au trafic routier, la qualité des émissions du trafic routier est déterminante. La validation de ces émissions et la caractérisation des incertitudes qui leur sont associées constituent un problème ardu. L’alternative à la recherche de toujours plus de précision sur les données d’entrée est sans doute l’assimilation de données, c’est-à-dire la fusion sur une même cartographie des résultats issus de la modélisation déterministe et des mesures disponibles, en tenant compte des incertitudes de chaque type de données. Une perspective est l’approche prometteuse testée dans le cadre du projet Votre Air (cf. note 10) : les gradients de pollution à l’échelle urbaine étant fortement structurés par le réseau routier, des techniques spécifiques de correction des sorties de modélisation ont été développées.

70L’enjeu de ces développements à venir est, in fine, la caractérisation fine de l’exposition de la population en général et des populations sensibles en particulier, et des impacts de la pollution sur l’environnement et sur le bâti. Cela permettra de nouer des collaborations avec les acteurs du monde de la santé pour alimenter des études santé environnement. Cela permettra aussi de renforcer l’appui d’Airparif aux pouvoirs publics pour la gestion de la qualité de l’air – y compris en mode prospectif — et le suivi de cette gestion.

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Bibliography

ADEME, 2002, Classification et critères d’implantation des stations de surveillance de la qualité de l’air

AFSSET, 2009, Impact des technologies de post-traitement sur les émissions de dioxyde d’azote de véhicules diesel et aspects sanitaires associés

Airparif, 2011, Origine des particules en Ile-de-France

Airparif, 2011, Bilan 2010 de la Qualité de l’Air en Ile-de-France

Airparif, 2012, Cartographie fine des niveaux de dioxyde d’azote dans le cœur dense de l’agglomération parisienne

Airparif, 2012, Inventaire régional des émissions en Ile-de-France — Année de référence 2008 -Quelques éléments synthétiques

Airparif, 2004, Caractérisation de la qualité de l’air au voisinage d’un échangeur autoroutier urbain : l’échangeur entre le boulevard périphérique et l’autoroute A3 au niveau de la Porte de Bagnolet

Airparif, 2006, Étude de la qualité de l’air au voisinage des grands axes routiers essonniens

Airparif, 2008, Caractérisation de la qualité de l’air à proximité des voies à grande circulation – premier volet – Campagne de mesure portant sur le boulevard périphérique au niveau de la porte de Gentilly

DEFRA, 2011, Trends in NOx and NO2 emissions and ambient measurements in the UK

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Notes

1 On distingue les particules de diamètre aérodynamique inférieur à 10 microns (PM10) et les particules de diamètre aérodynamique inférieur à 2.5 microns (PM2.5).

2 Fond : zone en dehors de l’influence dominante ou prépondérante d’une source industrielle ou des voies de circulation routière. Par exemple, une station de mesure est située en fond urbain si elle se trouve à 200 mètres et au-delà d’un axe de Trafic Moyen Journalier Annuel (TMJA) ≥ 70000 véhicules/jour (ADEME, 2002)

3 Kilométrage issu du réseau routier principal pris en compte dans les systèmes de modélisation à Airparif

4 Chiffres-Clés de la région Ile-de-France CRCI Ile-de-France en partenariat avec l’IAU et l’INSEE — 2009

5 DRIRE – L’industrie en Ile-de-France — www.industrie-iledefrance.org

6 Valeur limite : niveau à atteindre dans un délai donné et à ne pas dépasser, et fixé sur la base des connaissances scientifiques afin d'éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine ou sur l'environnement dans son ensemble.

7 http://www.airparif.asso.fr/etat-air/air-et-climat-emissions-heaven

8 http://www.esmeralda-web.fr/

9 http://www.obsairvatoire-a86ouest.fr/

10 Votre Air est un prototype qui a été développé dans le cadre du festival Futur en Seine 2011, en partenariat avec la société Numtech et l’INRIA (Institut National de la Recherche en Informatique et en Automatique).

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List of illustrations

Title Figure 1. Les facteurs d’influence et les échelles spatiales de la qualité de l’air
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Title Figure 2. Localisation des stations de mesure du NO2 en Ile-de-France au 31/12/2010
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Title Figure 3. Schéma de principe de l’évaluation des émissions routières dans le système HEAVEN
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Title Figure 4. Indice global de pollution établi pour le vendredi 10 février 2012, 7h00 TU sur le centre de Paris (système Votre Air)
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/12805/img-4.jpg
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Title Figure 5. Évolution, à échantillon constant de six stations urbaines de fond, de la concentration en moyennes sur 3 ans en NO2 dans l’agglomération parisienne de 1992-1994 à 2008-2010
Caption Évolutions : 2000 à 2010 : -27 %; 2000 à 2006 : -4 % en moyenne par an; 2006 à 2010 : -1 % en moyenne par an
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Title Figure 6. Évolution, à échantillon constant de cinq stations trafic, de la concentration moyenne sur 3 ans en NO2 en situation de proximité au trafic dans l’agglomération parisienne de 1996-1998 à 2008-2010
Caption Évolution : 1998 à 2010 : + 1 %
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Title Figure 7. Ratio des concentrations NO2/NOx, une fois les teneurs de fond retranchées, en moyenne sur les stations de proximité au trafic routier en Ile-de-France de 1998 à 2010
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Title Figure 8. Concentration moyenne annuelle de NO2 pour les stations de mesure en Ile-de-France en 2010
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Title Figure 9. Évolution de la concentration moyenne annuelle de fond en PM10 de 1999 à 2010 dans l’agglomération parisienne, intégrant la hausse induite par le changement de méthode de mesure en 2007, TEOM échantillon constant de 3 stations, TEOM-FDMS échantillon évolutif de stations
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Title Figure 10. Évolution de la concentration moyenne annuelle de PM10 sur la station trafic du boulevard périphérique à la Porte d’Auteuil à Paris de 1998 à 2010, intégrant la hausse induite par le changement de méthode de mesure en 2007
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Title Figure 11. Concentrations moyennes annuelles de PM10 en Ile-de-France en 2010
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Title Figure 12. (a) Émissions de NOx en Ile-de-France en 2008; (b) Cartographie (résolution 1km²) (Airparif, février 2012)
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Title Figure 13. (a) Émissions de PM10 en Ile-de-France en 2008 et (b) Cartographie (résolution 1km²) (Airparif, février 2012)
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Title Figure 14. Concentration moyenne en NO2 pour (a) la période 2000-2002 et (b) la période 2008-2010 sur l’agglomération parisienne
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References

Electronic reference

Cécile Honoré, Fabrice Dugay and Pierre Pernot, « Proximité au trafic routier et pollution de l’air en Ile-de-France Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Hors-série 15 | février 2013, Online since 18 October 2012, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/12805 ; DOI : 10.4000/vertigo.12805

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About the authors

Cécile Honoré

Ingénieur d’études, Airparif – Surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France, 7, rue Crillon 75004 Paris, Courriel : cecile.honore@airparif.asso.fr

Fabrice Dugay

Ingénieur d’études, Airparif – Surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France, 7, rue Crillon 75004 Paris, Courriel : fabrice.dugay@airparif.asso.fr

Pierre Pernot

Ingénieur d’études, Airparif – Surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France, 7, rue Crillon 75004 Paris, Courriel : pierre.pernot@airparif.asso.fr

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