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Pollution atmosphérique en milieu urbain : de sa régulation à sa surveillance

Laurence Lestel

Abstracts

In the early nineteenth century, denounced pollution is visible and from industrial origin. Despite the effort to measure the quality of indoor air, there was neither measurement nor a definition of air quality for outdoor air. The given answers were technical (decrease of smoke emission) and regulations. Pollution from other sectors (urban uses, transport) due to the increased use of coal was not taken into account. In France, the first systematic analyses of atmospheric air are those of the Montsouris Observatory since 1876. Gradually, the regulation incorporates discharge limits, primarily for industrial black smoke (1934 in the department of the Seine) and for discharges of motor vehicles (Decrees of 1969). Episodes of increased mortality resulting from the combination of weather events and gas emissions lead to the establishment of monitoring networks in 1954 in Paris through the efforts of the Laboratory of Hygiene of the city of Paris, and the central Laboratory of the Préfecture de Police, and in all major cities and industrial areas of France since 1973. The organization of these monitoring networks was strengthened by the Air Act of 1996.

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Full text

Introduction

1Odorante ou visible, la pollution atmosphérique est dénoncée depuis toujours et nombreuses sont les études sur l’histoire de la pollution atmosphérique depuis le Moyen Âge (Brimblecombe, 1987 ; Te Brake, 1975). Elles débordent le strict cadre de la dénonciation de ce type de pollution pour aborder le champ de la reconstitution des pollutions passées (Hipkins et Watts, 1996 ; Brimblecombe, 1977).

2Les pollutions atmosphériques changent de registre selon les époques. Au XVIIIe siècle, Lavoisier s’inquiète de la respirabilité de l’air (Beretta, 2000). Puis seront dénoncées les fumées des foyers domestiques au XIXe siècle (Mosley, 2001). L’usage de plus en plus répandu du charbon induira ensuite des plaintes contre les fumées industrielles qui seront à l’origine de tentatives de régulation de ces nuisances (Flick, 1980). La plupart de ces études concernent le monde anglo-saxon (Uekoetter, 1999 ; Meisner Rosen, 1997), mais ces nuisances ont également été décrites en France (Corbin, 1986). Ce n’est qu’assez tardivement, d’abord avec les locomotives à vapeur puis avec l’extension de l’usage de l’automobile que les pollutions atmosphériques liées aux transports seront dénoncées (Tarr et Koons, 1982). Cependant, la prise de conscience accrue au XXe siècle des effets néfastes sur la santé de cette pollution permettra de passer de la dénonciation de ces nuisances à la surveillance atmosphérique. Ce sont ces différentes étapes que l’on se propose de retracer ici, en s’attachant plus particulièrement au cas parisien.

La viciation de l’air confiné

3Ce sont bien évidemment les progrès de la chimie à la fin du XVIIIe siècle qui permettent le renouveau des interrogations concernant la composition, et donc la qualité, de l’air. Longtemps, la salubrité de l’air a été définie par ses miasmes, les exhalaisons ou les vapeurs méphitiques (Barles, 1999). En cette fin du XVIIIe, la découverte de l’oxygène permet de s’interroger sur la partie respirable de l’air. De nouvelles techniques d’analyse sont développées comme l’eudiomètre, pour mesurer la « bonté de l’air » (bontà dell’aria) (Beretta, 2000). Les nombreuses mesures effectuées montrent que le rapport oxygène/azote dans l’air extérieur est le même quel que soit l’endroit de la planète (Regnault, 1852). Mais ce rapport peut changer dans les endroits confinés et diminuer de 21 à 18 ou 19 % (Becquerel, 1877 p.215). Le complément est alors composé d’« acide carbonique » selon des proportions de 1,5 à 2 % d’après Lavoisier (Lavoisier, 1862). Cette proportion paraît excessive aux nombreux analystes du XIXe siècle, dont les mesures sont plutôt de l’ordre de 3 à 8 ‰ et dépendent du lieu de prélèvement (partie inférieure ou supérieure de la pièce, dans les hôpitaux, à l’Opéra-Comique, dans un amphithéâtre) (Lassaigne, 1846 ; Leblanc, 1842). Cet acide carbonique contribue à la viciation de l’air. Pour l’air intérieur de l’habitat privé, les différents traités d’hygiène du XIXe siècle recommandent d’aérer les lieux. Pour les bâtiments publics, et notamment les hôpitaux où il convient d’éviter la stagnation et l’accumulation d’air nuisible, des propositions ont été faites quant à leur organisation spatiale (Lavoisier, 1865).

Développement industriel et altération de l’air

4Le développement industriel de la fin du XVIIIe siècle conduit à de nouvelles nuisances, fumées, odeurs ou émanations insalubres. La question de savoir si les manufactures qui exhalent une odeur désagréable peuvent être nuisibles à la santé fait l’objet d’un rapport dès 1804, rédigé par les deux chimistes Guyton de Morveau, alors vice-président de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, et Chaptal, ministre de l’Intérieur. Ce rapport est à l’origine du décret-loi du 15 octobre 1810, où les industries nouvelles sont classées en trois catégories selon l’importance de leurs nuisances (Barles et al., 2009). La figure 1 reproduit le début de la nomenclature de 1826 des activités industrielles associée à cette loi. On y voit l’importance des nuisances olfactives. C’est la cause principale des plaintes formulées contre la pollution industrielle.

  • 1 Créé en 1802, il s’empare de la question des établissements insalubres dès 1806. Ses comptes rendus (...)

5Face à ces nuisances, les réponses sont techniques. La création des Conseils d’hygiène départementaux (à partir de 1848) est l’occasion pour le Ministère de l’Intérieur de rappeler dans une circulaire du 15 octobre 1852 les instructions à insérer dans les arrêtés d’autorisation des établissements relevant de la première classe. Ces instructions correspondent à celles usuellement préconisées par le Conseil d’hygiène du département de la Seine.1 Il est recommandé de construire des murs pour confiner les nuisances dans l’espace industriel, d’élever des cheminées les plus hautes possible – au moins trois mètres au-dessus des toits voisins — et de condenser les gaz et vapeurs, de laver puis de brûler les fumées résiduelles dans des fourneaux fumivores (Guillerme et al, 2004 ; Le Roux, 2011). Le (non)-respect de telles préconisations a été discuté dans de nombreux ouvrages récents (Le Roux, 2011, Massard-Guilbaud, 2010), mais ce qu’il convient de relever ici est que ces instructions techniques et ces réglementations ne sont pas accompagnées de campagnes de mesure ni d’indications chiffrées sur une qualité de l’air à respecter.

Figure 1. Liste d’activités relevant du décret-loi de 1810 (extrait)
List of activities governed by the Legislative Decree of 1810

Figure 1. Liste d’activités relevant du décret-loi de 1810 (extrait) List of activities governed by the Legislative Decree of 1810

Source : Taillandier, 1826

6Il en va de même pour la lutte contre les fumées noires provoquées par l’usage croissant du charbon au cours du XIXe siècle. La dégradation de la qualité de l’air urbain qui en résulte conduit les autorités à réglementer leurs rejets dans l’industrie : ainsi de l’ordonnance de police du 11 novembre 1854 pour le département de la Seine, qui enjoint les industriels à brûler complètement les fumées produites par les fourneaux des appareils à vapeur ou d’employer des combustibles qui ne répandent pas plus de fumée que le coke ou le bois. Cette ordonnance est étendue à l’ensemble de la France le 25 janvier 1863. Une deuxième ordonnance interdisant la production de « fumées noires, épaisses et prolongées » est prise le 22 juin 1898. Huit ans plus tard, le Préfet de la Seine édite une circulaire, le 6 août 1906, où il insiste vivement pour que les maires qui n'ont pas encore pris d'arrêté permettant l’application de cette ordonnance de 1898 prennent cette mesure le plus tôt possible (Adam, 1906). La Figure 2 indique les dates des arrêtés pris par les municipalités du département de la Seine avant 1912. Moins de la moitié des communes ont répondu à cette vive incitation (36 communes sur 80). En 1907, on dénombre 326 cheminées industrielles à Paris même, dont la plupart rejettent les émanations de la combustion du charbon et non pas de coke (Figure 3). Ces réglementations ne sont accompagnées ni d’échelles ni de normes d’aucune sorte.

Figure 2. Date de prise des arrêtés de l’ordonnance de 1898 concernant les fumées noires dans les communes de l’ancien département de la Seine
Black smoke regulation in the former department of the Seine : order of 1898

Figure 2. Date de prise des arrêtés de l’ordonnance de 1898 concernant les fumées noires dans les communes de l’ancien département de la Seine Black smoke regulation in the former department of the Seine : order of 1898

Source : Adam, 1906

Figure 3. Carte des cheminées industrielles de Paris en 1907
Map of the industrial chimneys of Paris in 1907

Figure 3. Carte des cheminées industrielles de Paris en 1907 Map of the industrial chimneys of Paris in 1907

Source : Mougin, 1929

Le début des analyses

Les premières analyses systématiques de l’air à l’Observatoire de Montsouris

  • 2 En 1900, cette revue devient les Annales de l’Observatoire municipal. Observatoire de Montsouris. (...)

7Mais les pollutions ne sont pas qu’industrielles. Dans leur composante urbaine, un intermède intéressant est constitué par les mesures effectuées par l’Observatoire de Montsouris. Ce nouvel établissement de l’Observatoire de Paris est créé en 1870 sous la direction de Charles Sainte-Claire Deville. En 1876, l’administration municipale le charge de développer un réseau de mesures dans différents quartiers de Paris (Annuaire, 1886). Les prélèvements de l’air, effectués chaque midi, sont analysés dans le service des analyses chimiques dirigé par Albert Lévy, et les premiers résultats paraissent dans l’Annuaire de l’Observatoire municipal de Paris, dit Observatoire de Montsouris dès l’édition de 18772. Les substances régulièrement dosées sont l’ozone (1876-1883), l’azote ammoniacal (1876-1882), et l’acide carbonique (1876-1910) (Alary et Le Moullec, 2003). Ces chroniques longues sont l’occasion d’essayer de corréler ces mesures à des phénomènes météorologiques (Marié-Davy, 1880), mais n’étaient finalement que difficilement interprétées en terme de qualité de l’air. Par contre, issues de protocoles d’analyses rigoureux, elles constituent une source de comparaison avec des données contemporaines (Anfossi et Sandroni, 1997 ; Volz et Kley, 1988). Ces chroniques journalières s’arrêtent en 1910, après la fin d’activité d’Albert Lévy. La réorganisation de l’Observatoire donne alors naissance au Laboratoire d’hygiène de la Ville de Paris (LHVP), qui continuera cependant à effectuer quelques analyses régulières de l’atmosphère en différents points de Paris (Kohn-Abrest, 1927).

Les premières échelles de pollution

8À la suite de l’ordonnance de 1898, d’autres ordonnances sont prises dans le département de la Seine les 8 juin 1911, 1er août 1928 et 1er juillet 1930. L’aboutissement de cet effort réglementaire est la loi Morizet du 20 avril 1932. Cette première loi générale sur la pollution atmosphérique interdisant les fumées, poussières et gaz toxiques émis par les foyers des établissements industriels, commerciaux et administratifs, n’a pour ainsi dire pas été appliquée, de l’avis général des commentateurs. Seul l’ancien département de la Seine en tire les conséquences et édicte une ordonnance le 25 janvier 1934 où les rejets des foyers industriels des établissements classés (selon la loi de 1917) brûlant plus de 20 kilogrammes de combustible par heure sont encadrés. Pour la première fois apparaissent des échelles et des limites à ne pas dépasser (Rivière, 1958) :

  1. Au cours du travail normal, la densité des fumées ne doit pas dépasser le n° 1 de l’échelle de Ringelmann. Une tolérance est laissée au moment de la charge et de l’allumage, à condition que la durée de l’émission exceptionnelle de fumées sombres ne dépasse pas 10 % du temps de la marche normale. En cas de déchargements périodiques, ceux-ci ne doivent pas excéder 5 % du temps de chauffe.

  2. Les gaz en combustion ne doivent pas contenir plus de 1 % en volume de CO et 2 % de SO2.

  3. Les gaz sortants des cheminées ne doivent pas contenir plus de 1,5 g de poussière par m3 à la température de 0° et à la pression de 760 mm Hg. Le poids total de poussière permis est de 300kg/heure.

  4. Les cheminées doivent avoir une hauteur suffisante pour que les gaz et les poussières se diluent ou restent en suspension dans l’atmosphère

  • 3 A. Gérardin (1828-1911), inspecteur des établissements classés du département de la Seine. M. Ringe (...)

9L’outil de mesure des fumées est alors assez rudimentaire : il s’agit de feuilles de papier plus ou moins noircies au noir de carbone, étalonnées de 0 (papier blanc) à 5 (papier noir), auxquelles on compare la noirceur des fumées observées. Cette échelle, dite de Ringelmann, résulte des travaux qu’Auguste Gérardin a menés avec Maximilien Ringelmann pour réduire les fumées industrielles3. Ces travaux ont valu à Gérardin le prix Montyon des arts insalubres de l’Académie des sciences en 1895 (Gautier, 1895). Ringelmann est plus connu pour ses travaux sur les machines agricoles, mais ses travaux sur les fumées avec Gérardin l’ont conduit à déposer des brevets sur des machines réduisant les fumées industrielles par précipitation des particules des fumées à l’aide d’eau vaporisée (Brevet n° 242,461 du 29 octobre 1894), et à la proposition de cette échelle de fumée au devenir international (Uekoetter, 2005). Des mesures de fumées selon cette échelle sont retrouvées dans les dossiers administratifs des établissements classés (Figure 4).

Figure 4. Observations de fumées d’une usine de la Plaine Saint-Denis en 1952
Observations of smoke from a factory in the Plaine Saint-Denis in 1952

Figure 4. Observations de fumées d’une usine de la Plaine Saint-Denis en 1952Observations of smoke from a factory in the Plaine Saint-Denis in 1952

10Une autre conséquence de l’usage du charbon est la production et le dépôt de poussières que l’on commence également à mesurer. Ces dépôts de poussière peuvent être assez considérables dans les villes où la consommation de charbon est importante, comme à Vitry, où, en février 1925, a été enregistré un dépôt de 1,592 kg/m2 de poussière (d’Arsonval et Bordas, 1927).

Pollution industrielle vs pollution automobile

11Les fumées noires ne provenaient pas exclusivement des activités industrielles, mais aussi des foyers domestiques et du secteur des transports : locomotives à vapeur, bateaux et remorqueurs (Kling et Florentin, 1929). Mais le développement de la combustion automobile conduit à une requalification des problèmes atmosphériques dans les années 1920 : l’accent est cette fois mis sur les concentrations anormales en gaz carbonique dans les zones de forte circulation automobile (Kohn-Abrest, 1927 ; Florentin, 1927). Quelques conclusions se dessinent :

  • La principale cause de pollution réside dans l’apport d’anhydride carbonique (CO2) et d’oxyde de carbone contenus dans les gaz d’échappement des moteurs automobiles

  • La pollution de l’air des rues diminue assez rapidement avec la hauteur (par exemple en haut de la Tour Eiffel)

  • L’air des quartiers périphériques et de la banlieue est nettement moins pollué que celui du centre-ville, ce qui est en accord avec la plus faible circulation automobile dans ces quartiers (Florentin, 1927).

12La plupart de ces analyses sont effectuées par les scientifiques du Laboratoire municipal de Paris (LMP), qui deviendra en 1968 le laboratoire central de la Préfecture de police de Paris (LCPP) : les chimistes André Kling, directeur du Laboratoire, et Daniel Florentin, le toxicologue Emile Kohn-Abrest, qui contribuent au perfectionnement des méthodes d’analyse des gaz (Kohn-Abrest, 1928).

L’après-guerre : de la régulation à la surveillance

13Les brouillards mortels de la Meuse (décembre 1930) puis de Donora, Pennsylvanie (octobre 1948) et de Londres (décembre 1952) conduisent à une prise de conscience qu’il convient de réguler non seulement les fumées des installations industrielles, mais aussi les émissions de gaz que des effets météorologiques particuliers peuvent piéger de manière mortelle. Cette prise de conscience est favorisée par les brouillards parisiens qui provoquent, eux aussi, des hausses de mortalité (épisode du 10 au 22 décembre 1951). Elle débouche sur la création de commissions (comme celle des pollutions d’atmosphère crée en 1954 au sein du Ministère de la Santé), et d’associations : l’Association pour la prévention des pollutions atmosphériques, APPA, créée en 1958 par des hygiénistes et des médecins, dont la revue devient vite une référence en matière de pollution atmosphérique ; la CATPA, plus proche du Ministère de l’Industrie, dont émane le Centre interprofessionnel technique d’étude de la pollution atmosphérique (CITEPA, créé en 1961) ; le comité national d’action pour l’amélioration de la carburation, aussi appelé comité d’action pour l’assainissement de l’atmosphère, le CAPA, représentant l’industrie automobile, créé en 1961 (Boullet, 2007). La coordination des mesures de lutte contre la pollution atmosphérique est confiée au Ministère de la Santé (décret 60-789 du 28 juillet 1960) et aboutit à la loi du 2 août 1961 relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs. Cette loi concerne les établissements industriels et les véhicules, mais ne porte concrètement que sur les premiers. Les décrets d’applications concernant les véhicules automobiles ne paraîtront que le 31 mars 1969, fixant, pour la première fois en ce qui les concerne, les valeurs limites à ne pas dépasser en matière de rejets gazeux (4,5 % en volume en monoxyde de carbone).

14Deux organismes se distinguent à Paris : le Laboratoire municipal de Paris sous la direction d’Henri Moureu (depuis 1941) puis de Paul Chovin, qui se spécialise dans l’étude de la pollution par les gaz d’échappement des véhicules automobiles. Quatre prélèvements sont effectués chaque mois en 317 endroits de la capitale, grâce à la camionnette-laboratoire que ce laboratoire a mise au point, ce qui représente plus de 15 200 échantillons à analyser chaque année (Chovin et Roussel, 1968 ; Chovin et Lebbe, 1966). D’autre part, le Laboratoire d’hygiène de la ville de Paris étudie particulièrement la pollution particulaire et la pollution sulfureuse et s’efforce depuis 1954 de systématiser les mesures grâce à l’extension de son réseau de mesures de trois en 1956 à 100 en 1967 (Alary et Le Moullec, 2003). De tels réseaux de surveillance sont ensuite étendus à toutes les grandes villes de France à la suite d’une décision du Conseil Ministériel du 7 janvier 1972. En 1973, une trentaine de villes et une quarantaine de zones industrielles étaient équipées d’appareils « SF » (Soufre Fumées), d’analyseurs automatiques d’acidité forte et de quelques capteurs d’autres polluants (Challemel du Rozier, 1973). Nombreuses seront ensuite les avancées techniques (automatisation des mesures, nouveaux procédés analytiques), et en nombre d’éléments chimiques mesurés. Les changements sont aussi institutionnels. À Paris, la rationalisation et la modernisation des outils de mesures passent par une mutualisation des compétences au sein d’AIRPARIF (Association Interdépartementale pour la gestion du Réseau automatique de surveillance de la Pollution Atmosphérique et d’Alerte en Région d’Ile-de-France), association créée en 1979 à l’initiative conjointe du ministère chargé de l’environnement et de la Direction interdépartementale de l’industrie d’Ile-de-France. La montée en puissance d’AIRPARIF, et de manière générale des Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA), a été facilitée par la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE) du 30 décembre 1996.

Conclusion

15Si la qualité de l’air est étudiée à Paris depuis la fin du XVIIIe siècle, grâce aux avancées de la science, le moteur de l’étude et de la réglementation des pollutions atmosphériques est plutôt la pollution industrielle, et notamment les fumées noires dues à l’usage croissant du charbon. Puis furent dénoncées les pollutions dues aux gaz d’échappement de l’automobile. Les laboratoires d’analyses de l’air atmosphérique de Paris, le Laboratoire Municipal et le Laboratoire d’hygiène de la Ville de Paris, se spécialisent d’ailleurs dans l’étude de l’une ou de l’autre de ces pollutions.

16Deux périodes se distinguent nettement : l’avant-Seconde Guerre mondiale où la réglementation a pour but d’obliger à réduire les émissions, sans pour autant proposer de valeurs limites d’émission. Le développement des techniques d’analyse et la multiplication des accidents sanitaires induisent une nouvelle période caractérisée par le développement de réseaux de surveillance, d’abord à Paris, puis dans le reste de la France à partir des années 1970.

17Beaucoup des exemples donnés ici concernent Paris, car les experts de cette capitale en pleine expansion démographique et souvent pionnière dans le domaine industriel (Guillerme, 2007, Lestel, 2011) s’expriment dans les journaux nationaux, devenant ainsi, la plupart du temps, le modèle à suivre. La qualité et la rigueur de leurs protocoles de mesures, dès l’Observatoire de Montsouris, autorisent une comparaison de leurs mesures avec les données actuelles, ce que nous n’avons pas entrepris ici, mais qui a déjà été réalisé par certains auteurs (Alary et Le Moullec, 2003 ; Anfossi et Sandroni, 1997 ; Volz et Kley, 1988).

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Notes

1 Créé en 1802, il s’empare de la question des établissements insalubres dès 1806. Ses comptes rendus sont une précieuse source d’information quant aux nuisances de ces établissements et quant aux solutions préconisées.

2 En 1900, cette revue devient les Annales de l’Observatoire municipal. Observatoire de Montsouris.

3 A. Gérardin (1828-1911), inspecteur des établissements classés du département de la Seine. M. Ringelmann (1861-1931), professeur à l’Institut national agronomique.

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List of illustrations

Title Figure 1. Liste d’activités relevant du décret-loi de 1810 (extrait) List of activities governed by the Legislative Decree of 1810
Credits Source : Taillandier, 1826
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/12826/img-1.png
File image/png, 362k
Title Figure 2. Date de prise des arrêtés de l’ordonnance de 1898 concernant les fumées noires dans les communes de l’ancien département de la Seine Black smoke regulation in the former department of the Seine : order of 1898
Credits Source : Adam, 1906
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/12826/img-2.png
File image/png, 101k
Title Figure 3. Carte des cheminées industrielles de Paris en 1907 Map of the industrial chimneys of Paris in 1907
Credits Source : Mougin, 1929
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/12826/img-3.jpg
File image/jpeg, 244k
Title Figure 4. Observations de fumées d’une usine de la Plaine Saint-Denis en 1952Observations of smoke from a factory in the Plaine Saint-Denis in 1952
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/12826/img-4.jpg
File image/jpeg, 40k
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References

Electronic reference

Laurence Lestel, « Pollution atmosphérique en milieu urbain : de sa régulation à sa surveillance Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Hors-série 15 | février 2013, Online since 18 October 2012, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/12826 ; DOI : 10.4000/vertigo.12826

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Laurence Lestel

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