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Renouveler la gestion du risque par l’ouverture à un système de vigilance ?

Le cas de la fièvre catarrhale ovine
Catherine Fallon, Grégory Piet, Étienne Thiry, Fabiana Dal Pozzo et Catherine Zwetkoff

Résumés

Cet article rédigé par un groupe multidisciplinaire de vétérinaires et de politologues propose une analyse contextualisée des transformations à l’œuvre dans le réseau de surveillance des maladies animales face aux menaces nouvelles dites « émergentes » suite aux changements globaux, en l’inscrivant dans le cadre de la gestion des risques. Le travail se base sur une présentation d’une émergence récente, celle de la fièvre catarrhale ovine due au Bluetongue virus serotype 8 (BTV-8) en 2006 en Belgique. Celle-ci permet de mettre en contexte les enseignements d’une enquête récente de type Delphi organisée auprès des responsables administratifs et des scientifiques concernés, qui a montré que la plupart des moyens proposés par les autorités reposent sur une logique de gestion des risques connus. On observe néanmoins des tentatives de renouvellement et d’ouverture, par la mise en place de nouveaux instruments de vigilance : s’appuyant sur une double logique de prévention et d’anticipation de la catastrophe, ils tentent d’adapter les structures de surveillance et d’alerte pour améliorer leur réactivité face aux évènements non prévus. Une double remise en cause se dessine, qui pousse à admettre la permanence d’une incertitude irréductible et à reconnaître le nécessaire décloisonnement des savoirs experts.

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Texte intégral

« Le chien est l’animal le plus vigilant ;
pourtant, il dort toute la journée »
(Lichtenberg, "La mémoire de l'âme", 1997)

Introduction

1Le processus de formation sociopolitique des États peut être analysé par le prisme de la notion de sécurité et plus particulièrement par celui fourni par la notion de risque. La formation et la pérennité de l’État reposent surtout sur ses capacités à maîtriser les risques, quelle que soit leur origine, naturelle, humaine, voire hybride (Fallon et al., 2008). Dans nos sociétés occidentales, ces risques font partie de la gestion publique quotidienne. Cette gestion se décline en une série de mesures qui tendent à maîtriser le risque associé à une activité donnée : l’acceptation, la précaution, la prévention, la protection et la dérogation (Desroches et al., 2003). Dans le cadre de la gestion sanitaire d’une population sur un territoire donné, le développement des outils d’analyses épidémiologiques a permis aux États de mettre en place des dispositifs spécialisés, les réseaux d’épidémio-surveillance, pour asseoir une action politique de police sanitaire capable de gérer les risques identifiés (Barbier, 2006).

2Mais des crises d’un nouveau genre émergent, capables de bousculer des pays entiers, voire tout un continent en construction, comme ce fut le cas pour l’épidémie de l’ESB en Europe. Pour gérer ces risques émergents que certains qualifient de modernes parce que chargés d’incertitude, des nouvelles instances publiques de régulation sont mises en place, construisant des dispositifs institutionnels capables de rencontrer les contraintes particulières de la gestion des risques modernes (Callon et al., 2001).

3Le système de surveillance, ses dynamiques, les instruments de connaissance et les moyens d’action qu’il déploie et leur complémentarité dépendent de l’objectif d’une politique. Les systèmes intégrés d’épidémio-surveillance adaptent leurs activités en fonction du projet d’intervention qui justifie cet effort de surveillance : mise en visibilité et police sanitaire sont étroitement liées (Barbier, 2006). Dans ce cas, le risque est envisagé en tant que construction politique et les modalités concrètes de connaissance et d’action dépendent de l’objectif politique que les autorités publiques visent à travers le dispositif mobilisé et de leur activation par les gestionnaires concernés.

4C’est dans ce cadre que le concept de « vigilance » a fait l’objet d’une nouvelle lecture enrichissant les outils conceptuels de gestion des risques (Roux, 2006). Le propre du renouveau de la gestion du risque basé sur cette vigilance, serait d’être « éveillé » au moment opportun et non de manière constante et automatisée comme on pourrait l’entendre de la surveillance. Ce concept permet d’alimenter la réflexion quant aux modalités de renouvellement des cadres d’action de l’État, dans un souci d’ouverture et d’adaptation face à de nouveaux risques liés à l’évolution de nos sociétés, à l’identification de nouvelles incertitudes et vulnérabilités. Ce constat de la nécessité d’un renouvellement et d’une ouverture des dispositifs de gestion sanitaire permet d’envisager les deux questions suivantes : (1) comment intégrer et mettre en œuvre la notion de vigilance, compte tenu des difficultés qu’elle entraîne, et par quels dispositifs ou « façons de faire » spécifiques ? (2) un système de vigilance doit-il être envisagé comme l’ouverture à un changement de paradigme du « risque » ou, au contraire, renforce-t-il le modèle dominant de mise en politique des menaces sanitaires ?

Le renouvellement, d’une part

5Certaines études en science politique tendent à démontrer que l’État, dont « l’existence se justifie par sa capacité à protéger sa population contre diverses menaces » (Borraz et Gilbert, 2008 : 337), a failli à sa mission de protection des citoyens face à des dangers (les épidémies, les nouvelles technologies, les catastrophes environnementales) de plus en plus complexes et dont l’incertitude n’est pas réduite. Il a atteint ses limites en termes de « capacités de connaissance et d’action » (Borraz et Gilbert, 2008 : 338). Or, paradoxalement, on constate que, dans un mouvement inverse, les collectivités et les citoyens se tournent de plus en plus vers l’appareil étatique et ses experts pour les inciter à gérer ces menaces et à prendre les mesures adéquates afin de prévenir ces dangers qui pèsent sur nos sociétés modernes, voire post-modernes. L’État se voit conforté dans sa mission de domestication des dangers par un travail de « mise en risque » (Ewald, 1986) dont « le mouvement, a priori irrésistible, est de transformer les dangers en risque, avec le travail de réduction des incertitudes qui accompagne cette transformation » (Borraz et Gilbert, 2008 : 340-341). Dans le domaine de la politique sanitaire, le développement de l'épidémiologie a permis d'établir un système de production de données sur une population visée et un territoire déterminé pour construire à la fois un système de consignation et des procédures de gestion des risques à travers le réseau d’épidémio-surveillance: « [des] risques sont ainsi identifiés, hiérarchisés, notamment en fonction des dommages éventuels aux personnes, aux biens, à l’environnement. Disposant de données chiffrées, de tableaux, les autorités publiques apparaissent en mesure de définir des priorités » (Gilbert, 2003 : 57).

6Oliver Borraz et Claude Gilbert ont, par ailleurs, constaté que, lors de crises définies comme « un écart entre ce qui avait été anticipé, via des règles, normes et procédures, et la réalité pratique » (Borraz et Gilbert, 2008 : 343), l’évaluation de la gestion des risques et de ce qui n’a pas fonctionné porte le plus souvent sur l’identification d’un manque de « respect des dispositions prévues [et d’un] défaut de vigilance et d’alerte, voire un manque de connaissances scientifiques » (Borraz et Gilbert, 2008 : 343), sans remettre en cause le cadre d’analyse de la gestion du risque en proposant une révision ou une réorganisation de sa gestion.

7Le renouvellement de la gestion des risques implique donc, plus que la défaillance de l’État, un questionnement sur les moyens dont dispose l’autorité publique pour agir autrement et « concevoir de nouvelles modalités de gestion des risques et menaces » (Borraz et Gilbert, 2008 : 345), en reconnaissant l’importance de la crise comme moment crucial d’apprentissage et de changement, particulièrement lors de crises majeures ou « crises de rupture » (Godard et al., 2002), celles qui provoquent la dissolution des repères fondateurs du groupe et appellent à la redéfinition des structures de surveillance et de gestion des risques. De telles crises peuvent être considérées comme la remontée à la surface de la société d’une dimension occultée, d’un débat avorté ou repoussé et être réécrites comme une opportunité d’innovation, à travers un réalignement des acteurs et la négociation d’un nouveau référentiel d’intervention (Fallon et al., 2008).

8Le renouvellement porte alors sur la distinction entre la considération du risque et la considération de l’incertitude face à laquelle est confrontée l’autorité publique qui se voit obligée de décider dans un monde incertain (Callon et al., 2001) pour mettre en œuvre une gestion publique sans disposer des structures de connaissance permettant de consolider son action. Si, traditionnellement, il est attendu des pouvoirs publics un comportement de prévention, face à l’incertitude, une telle démarche n’est plus pertinente. Le comportement attendu dans ce cas de figure est généralement qualifié de précaution et implique que les pouvoirs publics prennent des décisions malgré l’incertitude.

L’ouverture, d’autre part

9Pour adapter la gestion des risques à l’évolution de nos sociétés, aux nouvelles vulnérabilités et aux incertitudes croissantes, plusieurs auteurs appellent à l’ouverture des systèmes d’alerte, pour « sortir du canal d’alerte automatique » (Chateauraynaud et Torny, 1999 : 18). La vigilance permettrait de renforcer la gestion des risques a posteriori grâce à une approche par la vigilance a priori : « [la] vigilance serait donc un avatar de la culture du risque, une manière concrète de prendre part à cette logique d’une protection éclairée, c’est-à-dire consciente, responsable et escomptant des effets tangibles » (Clavandier, 2006 : 223). Comme le souligne Duval, « [être] vigilant c’est se tenir prêt à réagir vis-à-vis d’un événement dont on ne sait quand il se produira, sous quelle forme il surviendra, ou même s’il arrivera » (Duval, 1990 : 123).

10Dans une optique de vigilance, le modèle d’expertise ne doit pas se limiter à la surveillance, automatisée ou technicisée, des risques avérés, mais favoriser, à tous les niveaux l’innovation, la pensée de rupture face à l’émergence de cas inattendus, grâce à une nouvelle articulation entre capacités gestionnaires et compétences locales – celles que mobilisent les experts de première ligne, qu’ils soient médecins, vétérinaires ou éleveurs. Partant, « la science dans sa capacité à appréhender une réalité complexe, les pouvoirs publics dans leur aptitude à prendre les bonnes décisions en associant leurs administrés dans celles-ci, le public dans sa compétence à soulever des problèmes et sa faculté de se prendre en main sont les acteurs principaux du dispositif. Dispositif ouvert, perméable, réactif il va de soi » (Clavandier, 2006 : 227).

11Afin de clarifier les concepts sur lesquels nous nous reposerons, nous souhaitons tout d’abord définir ce qui relève de la surveillance et ce qui relève de la vigilance. Si la première fait appel à « des indicateurs connus et élaborés avant l’occurrence d’une situation à risque et sur des procédures prédéfinies » (Klauser, et al., 2006 : 35), la seconde se différencie de la surveillance essentiellement au regard de sa posture : elle « renvoie plutôt à une attitude qu’à une pratique bien déterminée. Il ne s’agit pas de cerner les caractéristiques et la localisation spatiale d’un risque d’une manière précise dans une logique de maîtrise, mais bien de faire preuve d’un “esprit d’ouverture” et d’adopter une posture de “veille” face à des situations à risque qui ne sont pas encore entièrement connues » (Klauser, et al., 2006 : 35). La différence entre la vigilance et la surveillance pèse également sur le distinguo entre l’humain et l’automate :

« [si] le lanceur d’alerte humain reste supérieur à tout système d’alarme objectivé ou automatisé, c’est parce qu’il peut faire jouer l’une contre l’autre une capacité perceptuelle ouverte (il peut être attentif à des détails imprévus ou des phénomènes nouveaux), une faculté d’interprétation (il peut confronter différents scénarios et en élaborer des nouveaux) et une réflexivité s’appuyant notamment sur la mise en tension de sa propension individuelle et de l’intérêt général en adoptant le point de vue d’autrui » (Chateauraynaud et Torny, 1999 : 35-36).

12De même, ce qui distancie l’une de l’autre porte sur le fait que la vigilance « désigne l’échange continu d’affects, de percepts et de concepts auxquels se livrent les acteurs humains, aux prises avec des agencements en continuelle transformation » (Chateauraynaud, 2006 : 10). Au même titre,

« [la vigilance] renvoie davantage au maintien forcé d’un état de veille alors que les circonstances prédisposent au sommeil ou au relâchement […] ; alors que la [surveillance] renvoie plus à une posture d’identification des situations à risques, pour lesquelles le surveillant dispose de données a priori sur des dangers existants et connus. D’un côté, une posture de précaution face à des risques inconnus ou mal connus, condition nécessaire pour réagir de manière ajustée à un danger inopiné ; de l’autre, la mise en œuvre d’une batterie informationnelle pour contenir des risques identifiés, attendus comme possibles, mis en signes et en procédures. D’un côté, faire face à un risque diffus et inattendu, à un danger qui ne se voit pas ; de l’autre, s’organiser vis-à-vis d’un risque cadré, symbolisé, répertorié » (Roux, 2006 : 19).

13Si la littérature présente, voire distingue, deux postures, elles ne sont pas pour autant mutuellement exclusives l’une de l’autre, mais complémentaires, car le système envisagé dépend du risque. En effet, en fonction des données dont les acteurs du risque ou l’autorité publique disposent, un type de système sera privilégié (Lwanga, 1978). En termes de surveillance des risques, nous pouvons identifier, par exemple, un suivi « automatisé » ou « technicisé » du risque ou de sa prolifération. A contrario, la surveillance « technicisée » est une posture moins efficace face aux risques émergents. Par contre, envisager la complémentarité entre vigilance et surveillance permet de prendre en compte et de comprendre ce que Francis Chateauraynaud définit comme cette « adaptation constante au changement d’état » (1997 : p. 105) et « les basculements répétés de phases de routine quasi soporifiques à des phases délicates exigeant un maximum d’attention et de coordination » (1997 : p. 105). La complémentarité repose sur une triple relation, voire contrainte, qui lie la routine, l’attention et la vérification : « [on] peut ainsi traiter les actes de vigilance comme une ouverture du monde perçu, une attention généralisée aux micro-variations habituellement enfouies sous les représentations et les routines » qui engendre une dynamique de vérification (Chateauraynaud, 2006 : 11) alors que les routines prédéfinies, technicisées et/ou automatisées sont « nécessaires soit pour que l’opérateur sache ce qu’il doit surveiller et quand il doit réagir, […] soit pour que, en mode automatique, le système génère une alarme » (Klauser, et al., 2006 : 39).

  • 1 Cette recherche a été menée dans le cadre d’un projet de recherche intitulé : « Risk of emergence o (...)

14Pour illustrer ce mécanisme d’aller-retour entre surveillance et vigilance, entre routine, attention et vérification, nous nous basons sur une étude de l’émergence de la fièvre catarrhale ovine (FCO) en Belgique1.

15Un volet de l’étude, piloté par l’équipe de recherche Spiral, voulait mettre en perspective les développements récents du système d’épidémio-surveillance en Belgique, dans le cadre de la détection et de la gestion des maladies animales émergentes. Une enquête auprès d’un panel d’experts actifs dans ce domaine au niveau fédéral belge a été menée en utilisant le logiciel Mesydel, un système de collecte de données et d’analyse en ligne inspiré de la méthode Delphi (www.Mesydel.com). La consultation a été organisée en avril et mai 2011. Elle a rassemblé des experts et des fonctionnaires des deux régions, ainsi que des membres de l’administration fédérale, qui étaient d’une façon ou d’une autre impliqués dans la surveillance de la santé publique et/ou de la santé animale. La base de données des experts (N= 64) a été construite à partir de plusieurs sources : une liste des organismes identifiés lors de contacts exploratoires, directement impliqués dans la gestion de l’épidémio-surveillance dans le domaine des maladies animales et zoonoses émergentes, ainsi que des noms d’experts associés aux instances fédérales concernées et deux groupes de médecins généralistes connus d’une équipe de recherche. Les experts étaient invités à prendre part au Delphi francophone ou néerlandophone en fonction de la langue utilisée pour leur adresse professionnelle. Le premier tour de questions a été rédigé sur base d’une analyse du cadre réglementaire et de ses évolutions, complété par des entretiens téléphoniques avec des personnes ressources.

16Cette consultation en ligne avait pour objectif de demander aux participants, tous associés d’une façon ou d’une autre à la politique sanitaire, d’identifier les points faibles du système d’épidémio-surveillance et de mettre en évidence les processus d’évolution qui semblent se faire jour, ainsi que les réactions face à un nouveau dispositif d’épidémio-vigilance mis en place au niveau fédéral belge et en France, le MoSS (Monitoring and Surveillance System) (Veldhuis et al., 2011). Le taux de réponse global était de 30 %, avec une moyenne de 75 % au niveau des administrations fédérales, mais 16 % au niveau des universitaires. Le second tour de la consultation en ligne (ainsi que le séminaire final qui a rassemblé une dizaine de participants) a permis de mettre en évidence une série de faiblesses ou de zones d’ombre du dispositif actuel. Elles sont commentées ci-dessous, après une présentation rapide de la gestion de crise de la FCO en Belgique en été 2006.

Suivre la crise et la gestion de crise de la fièvre catarrhale ovine (FCO)

17Cette section présente l’évolution de la crise de la fièvre catarrhale ovine en Belgique – sur base de l'analyse des traces écrites et d'entretiens avec des acteurs clés de cette crise – avant de faire remonter, à partir de l’enquête Delphi, les points de tensions entre les postures de surveillance et de vigilance et de proposer une analyse des pistes d’amélioration.

Émergence de la maladie

18Durant l’été 2006, la Belgique a été confrontée à l’émergence d’une infection virale touchant les ruminants : la FCO (parfois dénommée « maladie de la langue bleue »), provoquée par un virus de sérotype 8 (BTV-8), est apparue de manière totalement imprévue dans notre pays (Thiry et al., 2006). En Europe, cette infection virale est cependant connue de longue date par sa présence dans les régions méditerranéennes. Le virus est disséminé par l’intermédiaire d’un moucheron piqueur hématophage, un culicoïde, où il est capable de se multiplier. La piqûre du culicoïde infecté transmet le virus à un ruminant domestique ou sauvage qui développe une virémie (présence du virus dans le sang) avec une charge virale suffisante pour infecter un culicoïde lors de son repas de sang. En 2006, des souches virales appartenant à au moins cinq sérotypes différents (1, 2, 4, 9 et 16) étaient présentes de manière continue dans les pays méditerranéens. Leur vecteur est Culicoides imicola, dont l’aire de distribution ne dépasse pas le pourtour méditerranéen (Makoschey et al., 2008).

19Dans un souci de précaution, les experts avaient établi des scénarios d’émergence de la FCO en Europe du Nord qui prenaient essentiellement en compte les paramètres d’élargissement de l’aire de distribution de C. imicola vers le nord, associés à une émergence d’un des cinq sérotypes présents en Europe méditerranéenne (1, 2, 4, 9 et 16). En adoptant la Directive 2000/75/CE du Conseil du 20 novembre 2000 arrêtant des dispositions spécifiques relatives aux mesures de lutte et d’éradication de la fièvre catarrhale du mouton ou bluetongue, l’Union européenne a défini un cadre de vigilance pour cette maladie, valable pour tout le territoire, qu’il soit ou non exempt de cette maladie. La Belgique s’était dotée d’une législation de lutte contre cette maladie (Arrêté ministériel du 20 novembre 2001), qui est une maladie à déclaration obligatoire au sens de l’arrêté royal du 24 mars 1987 sur la santé animale. Elle avait aussi chargé le laboratoire de référence fédéral, le CERVA (Centre d’Études et de Recherches vétérinaire et agrochimique) de mettre au point les moyens techniques nécessaires pour assurer l’identification d’une possible émergence : il développera de sa propre initiative et sur fonds propres, les méthodes de diagnostic de cette infection (Toussaint et al., 2007). Cette maladie était enseignée comme maladie exotique dans les deux facultés belges de médecine vétérinaire. Les médecins vétérinaires belges en avaient donc une connaissance élémentaire. Le système de surveillance était ici basé sur les scénarios d’émergence de la maladie construits avec l’aide des autorités et des experts nationaux et européens.

20L’émergence de la FCO de sérotype 8 en été 2006 a été le fruit d’événements imprévus, non seulement par le sérotype, mais aussi par son adaptation quasi immédiate à des culicoïdes indigènes, par exemple C. obsoletus, et donc différents de C. imicola. La source de l’infection par le sérotype 8 de la FCO n’a d’ailleurs toujours pas été élucidée (Saegerman et al., 2010). Ce sérotype n’avait jamais été observé en Europe et a donc été importé d’un pays très éloigné. De plus, l’infection n’est pas arrivée en Belgique par une extension de l’aire de répartition de C. imicola, extension qui serait favorisée par une augmentation de la température moyenne. Cette émergence n’est donc pas une conséquence du réchauffement climatique, mais plutôt du changement global comprenant l’intensification du transport des biens, des animaux et des personnes. En effet, l’introduction du virus impose l’importation soit d’un culicoïde vecteur infecté, soit d’un ruminant infecté.

21Il n’est toutefois pas possible de connaître la date précise d’introduction du sérotype 8 de la FCO en Belgique. Elle ne fut pas, dans un premier temps, suspectée en juillet 2006, lorsqu’un médecin vétérinaire rural constata des signes cliniques particuliers chez quelques animaux dans plusieurs exploitations bovines. Il prit alors contact avec un médecin vétérinaire de l’Association régionale de santé et d’identification animale (ARSIA - organisme professionnel non gouvernemental). Si la FCO fut envisagée dans le diagnostic différentiel, elle fut d’emblée rejetée, car seuls les bovins étaient atteints à ce moment alors que la maladie était officiellement référencée pour affecter particulièrement les ovins. Par la suite, un autre médecin vétérinaire contacta la faculté de médecine vétérinaire pour des cas similaires. L’attention est donc activée par un premier médecin vétérinaire, rapidement suivi par un autre confrère. Mais le réseau de surveillance ne permet pas de trouver rapidement une réponse à cet événement.

22La FCO fut finalement déclarée aux Pays-Bas le 17 août 2006. La Belgique la déclara à son tour le 18 août 2006. Les circonstances liées à cette déclaration méritent d’être détaillées. Le médecin vétérinaire de l’ARSIA qui avait pris en charge ces cas cliniques particuliers avait contacté le responsable de l’Unité provinciale de Contrôle (UPC) de l’Agence Fédérale de la Sécurité de la Chaîne alimentaire (AFSCA) pour la province de Liège. Il souhaitait simplement obtenir des adresses de laboratoires pour effectuer des examens complémentaires sur les cas cliniques particuliers, examens sans lien d'aucune sorte avec la recherche de FCO. L’information concernant ces cas a donc été transmise de cette UPC aux services centraux de l’AFSCA au moment même où ceux-ci recevaient du Service Public Fédéral Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement l’alerte européenne concernant la déclaration de la FCO aux Pays-Bas (Czaplicki, communication personnelle). Grâce à ce concours de circonstances, dès le 18 août 2006, l’AFSCA réalisa des prélèvements d’échantillons chez 16 bovins et 5 moutons dans 11 fermes situées près des frontières hollandaises et allemandes, pour analyser la suspicion de FCO. Les techniques de laboratoires capables de détecter la présence du virus en milieu bovin pouvaient être utilisées pour les moutons. Les résultats furent positifs et amenèrent à la déclaration de la FCO en Belgique (Toussaint et al., 2007). L’Allemagne et la France détectèrent la maladie sur leur territoire les 21 et 31 août 2006, respectivement. Le système de vigilance, une fois l’attention passée, autrement dit une fois la « mise en vigilance » activée, passe à une phase de vérification du phénomène. On retrouve cette séquence dynamique d’attention et de vérification inscrite au cœur du principe de vigilance : « la révélation d’un défaut ou d’un événement quelconque [qui] produit un état d’attention plus grand qui engendre à son tour des actes de vérifications » (Chateauraynaud, 1997 : p. 121).

23La déclaration de la FCO en Belgique eut des conséquences immédiates en matière de législation. L’arrêté ministériel du 20 novembre 2001 relatif à la lutte et à l’éradication de la fièvre catarrhale du mouton (Bluetongue) fut modifié pour ne plus imposer l’abattage des animaux atteints et le confinement dans l’exploitation des animaux des espèces sensibles dans les zones de protection et de surveillance (suite à l’avis urgent du Comité scientifique de l’AFCSA du 21 août 2006). En effet, ces mesures n’avaient pas de sens au vu des caractéristiques particulières de la situation épidémiologique : l’explosion du nombre de cas et le caractère vectoriel de la maladie, ce qui signifie que l’infection se dissémine essentiellement par les culicoïdes vecteurs et que l’abattage des animaux atteints ne contribuerait pas à une réduction de cette dissémination. Par ailleurs, ce mode de gestion drastique aurait eu pour effet de bloquer toute montée d’information des éleveurs et praticiens vers les autorités de contrôle. Le dispositif de police sanitaire est engagé dans une dynamique d’apprentissage, pour compléter et adapter ses méthodes d’analyse et de gestion aux nouveaux événements.

  • 2 Organisation mondiale de la Santé animale, OIE, [En ligne] URL : http://web.oie.int/wahis/public.ph (...)

24La FCO de sérotype 8 en Europe occidentale est un exemple de réussite émergentielle. Elle a connu une extension sans précédent. En 2006, 865 foyers d’infection ont été déclarés en Allemagne, 456 aux Pays-Bas, 695 en Belgique, 6 en France et 5 au Grand-Duché de Luxembourg. Après une accalmie correspondant à la période hivernale et une activité vectorielle réduite, l’infection a repris en 2007 et d’autres pays européens ont été touchés : Danemark, République Tchèque, Suisse, Italie, Royaume-Uni. La conjugaison de l’immunité des populations de ruminants acquise par l’infection naturelle et la vaccination introduite dès le deuxième semestre 2008 a permis de maitriser la FCO (Saegerman et Thiry, 2009). Aucun nouveau foyer n’a été déclaré en Belgique en 2010 et en 20112.

25L’identification de cette émergence réussie d’une maladie animale est exemplaire d’une dynamique d’épidémio-vigilance. Une relation de confiance entre un médecin vétérinaire rural et son vétérinaire « conseil » au sein d’une structure de service de diagnostic (l’ARSIA) a mis en évidence des cas cliniques inattendus et répétés. Un concours de circonstance favorable a amené la connaissance de ce phénomène auprès de l’instance officielle, l’AFSCA. La déclaration de la FCO par les Pays-Bas auprès de la Commission européenne a amené à une information officielle des États membres de l’Union européenne. Ce faisant, la présence de la maladie dans un pays limitrophe de la Belgique fut l’élément déclencheur de la recherche du virus de la FCO dans les cas rapportés par le médecin vétérinaire et dans des cas similaires. Dès le moment où l’infection est diagnostiquée, les autorités modifient le dispositif de gestion sanitaire pour intégrer les nouvelles connaissances et l’épidémio-surveillance reprend le pas sur l’épidémio-vigilance, au niveau national et européen. Pour comprendre les problèmes posés par cette crise au dispositif belge, il est indispensable d'en présenter rapidement les caractéristiques institutionnelles avant de reprendre les critiques mobilisées par les participants à l'enquête en ligne.

Réseau d’épidémio-surveillance en santé animale

26En santé animale le réseau d’épidémio-surveillance est un dispositif qui permet d’assurer en continu un enregistrement de facteurs qui témoignent de la santé de la population définie, pour déceler le développement de processus pathologiques, dans le temps et dans l’espace, en vue de l’adoption de mesures de lutte appropriée. Ce dispositif repose sur l’engagement d’un ensemble d’acteurs, des organisations ou des personnes, mis en réseau, et disposant de ressources propres, dont il faut admettre que les réalisations peuvent échapper aux intentions des concepteurs (Barbier, 2006).

27En Belgique, la gestion des maladies animales et de la sécurité alimentaire est restée dans le giron de compétences fédérales, résistant aux pressions de décentralisation qui ont marqué le paysage institutionnel au cours des dernières décennies et qui ont transmis aux entités fédérées de nombreuses compétences dans le domaine de la santé humaine. Cette problématique est administrée par l’AFSCA ainsi que par l’administration fédérale à travers le Service Public Fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et environnement. L’AFSCA est chargée du dépistage, de la constatation et de l’enregistrement des maladies listées, alors que la prescription de mesures préventives en vue de la réduction de la prévalence des zoonoses et agents zoonotiques relèvent de la compétence du Ministre de la Santé publique.

28Au niveau fédéral, l’AFSCA peut mobiliser deux laboratoires de références, l’ISP (Institut Scientifique de Santé Publique) et le CERVA (Centre d'Étude et de Recherches vétérinaires et agro-chimiques). Ces deux instituts travaillent aussi avec les vétérinaires et facultés de médecine vétérinaire. Le CERVA est le laboratoire de référence pour les maladies infectieuses animales. Cette concentration de l’expertise est un signe du caractère très centralisé du système de surveillance.

  • 3 Global Early Warning System for Major Animal Diseases, including Zoonoses, GLEWS, [En ligne] URL : (...)

29Les récentes crises sanitaires ont contribué au renforcement des interventions d’organismes internationaux tels que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le récent European centre for disease control (ECDC) et pour les maladies animales, l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Cette institution publie chaque année une liste de maladies animales considérées comme ayant une importance économique majeure et, par conséquent, notifiables par les membres de l’OIE. L’OMS, en partenariat avec l’OIE et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), maintient un système d’alerte précoce pour des maladies animales majeures3.

30En Belgique, les vétérinaires praticiens et les éleveurs sont des acteurs privilégiés d’un système d’épidémio-surveillance de type clinique : les vétérinaires reçoivent de nombreuses informations des fermiers qui observent leurs animaux et jouent un rôle de filtre pour l’information qui est renvoyée à l’AFSCA (via ses Unités provinciales de contrôle ou UPC) ou à d’autres instances d’expertise telles que les facultés de médecine vétérinaire de Liège ou de Gand ou les associations professionnelles régionales qui disposent aussi de laboratoires (ARSIA dans le Sud du pays – Association Régionale de Santé et d'Identification Animale ; DGZ dans le Nord du pays – Dierengezondheidszorg).

  • 4 Un système d'épidémio-surveillance est qualifié d'actif quand il est fondé sur des tests de dépista (...)

31Ce système d’épidémio-surveillance, est qualifié de passif4 (Doherr et Audigé, 2001) parce qu’il est dépendant des informations que produisent spontanément des acteurs de terrain (éleveurs et vétérinaires) à partir de l'analyse clinique d'animaux suspects d'être atteints, pour remonter vers les responsables administratifs provinciaux et fédéraux, pour des maladies soumises à notification en fonction de listes établies par les autorités.

32Dans le domaine de la santé humaine, ces listes sont définies au niveau des régions. Elles sont « ouvertes », autrement dit, le cadre réglementaire demande aux déclarant de notifier « tout cas pathologique de diagnostic incertain, mais présentant un caractère symptomatique d’une affection épidémique grave » (Arrêté royal du 1er mars 1971). L’intérêt d’une liste ouverte est qu’elle encourage le praticien à développer une posture de recherche et à se poser des questions nouvelles, face à des pathologies nouvelles et aux changements qui touchent l’environnement. Par contre, la liste des maladies animales soumises à déclaration obligatoire dépend des autorités fédérales (Arrêté royal du 24 mars 1987). Elle ne contient pas expressément de disposition générique imposant l’obligation de déclarer toute maladie, même non listée, pouvant déclencher un danger imminent tant pour les animaux que pour les humains. Par contre, l’annexe à l’Arrêté (Point 4 de la liste II de l’annexe I de l’A.R. du 22 mai 2005) mentionne une liste de maladies à déclaration obligatoire puis une ligne intitulée « Autres zoonoses et agents zoonotiques » : on peut en déduire que les risques liés à l’émergence de zoonoses non préalablement identifiées ont bien été pris en compte par le législateur, mais ce n’est pas le cas pour les maladies animales.

33L’enquête en ligne a permis de mettre en évidence certains problèmes provoqués par les contraintes propres au dispositif ainsi que les propositions d'amélioration qui ont été proposées suite à la crise FCO.

Les contraintes liées au système de surveillance

  • 5 Le terme rapportage est beaucoup utilisé par les vétérinaires. Il signifie, ici, "faire rapport" et (...)

34Le premier constat établi par les acteurs consultés lors du Delphi souligne l’importance du déficit de rapportage5. Les répondants ont mentionné comme éléments critiques la lourdeur du système, sa complexité (source de problème pour la communication), le manque de coordination, l’excès de mesures et d’approches, le manque de vision prospective, la sous-évaluation des problèmes de santé humaine (et donc un sous-investissement des autorités dans ce domaine), la difficulté des mises à jour ou encore, l’absence de prise en compte de la perception du public au stade de la priorisation des maladies à notifier. Ce « déficit de rapportage » semble le fruit de différents types de contraintes : institutionnelles, financières, hiérarchiques, informationnelles et communicationnelles.

35Les contraintes institutionnelles, d’abord. Les répondants mettent en exergue le fait que la Belgique se caractérise par une distribution particulièrement complexe des responsabilités et des compétences entre les niveaux de pouvoir en matière de santé humaine et de santé animale. « Les compétences en Belgique sont divisées entre trop d’instances. Les risques liés au bioterrorisme sont traités par la Défense, […] Les animaux d’élevage sont plutôt sous la responsabilité de l’AFSCA tandis que la faune sauvage est une compétence régionale ». Or, comme le souligne un répondant, il y a clairement un avantage à la centralisation : « en santé animale, il y a un avantage que le système soit centralisé (avec le CODA-CERVA et le réseau d’inspecteurs) : la sensibilité du système de détection et de rapportage du système de surveillance et la communication et la gestion en cas de crise en sont renforcées ». Les différences en matière de gestion et de surveillance semblent s’élargir entre les régions et les communautés du pays, puisqu’en l’absence de hiérarchie des normes, les différentes instances peuvent prendre leurs décisions de façon indépendante.

36Les dispositifs de gestion des risques potentiels en santé humaine et animale reposent tous sur des réseaux décentralisés, fonctionnant selon des logiques différenciées. Du côté de la santé humaine, la dimension « gravité des effets individuels » joue un rôle important. Du côté de la gestion des maladies animales, c’est la dimension économique qui se positionne comme critère prioritaire. Les différences de cadrage, entre les préoccupations pour la santé humaine et les préoccupations de l’impact économique, des deux dispositifs posent de nombreux problèmes quand les administrations sont appelées à travailler ensemble, d’autant que « les moyens entre le volet humain et animal sont disproportionnés ».

37Les contraintes financières, ensuite. Selon certains participants, le lien économique très étroit et fragile qu’entretiennent les vétérinaires avec leurs clients-éleveurs ne favoriserait pas le rapportage : « je crois que, vu le lien économique entre les vétérinaires et les éleveurs, il est illusoire de croire que l’on pourrait améliorer la déclaration des maladies par ces acteurs, du moins à court terme, et tant que les mentalités (crainte des mesures, individualisme et perte de la notion de collectivité) ne changent pas ». Des compensations économiques sont parfois avancées pour lutter contre ce déficit de rapportage de l’information et pour mobiliser les vétérinaires praticiens par différents incitants telles qu’une rétribution, ou une intervention de l’État pour rembourser certains actes en vue d’un diagnostic. Mais ces propositions de compensations ne sont pas partagées par tous les répondants, essentiellement en tenant compte de cette dépendance financière première que les vétérinaires entretiennent avec leurs clients-éleveurs : « je ne pense pas qu’une rétribution des vétérinaires soit pertinente, car elle sera inférieure à l’avantage économique de sa relation avec son client-éleveur ».

38Les contraintes hiérarchiques, également. La perception de l’AFSCA comme organe de contrôle et de sanction par les éleveurs et l’importance de son rôle dans le dispositif ne contribue pas à légitimer le système de déclaration comme outil de vigilance. Le vétérinaire peut éventuellement se tourner vers des instances d’avis non gouvernementales en cas de doute (l’ARSIA et le DGZ, les universités) plutôt qu’auprès de l’instance de contrôle : « on est en face d’un vrai problème de manque de confiance ».

39Les contraintes informationnelles et communicationnelles, enfin. De nombreux répondants soulignent les problèmes de communication et de transfert d’information entre les parties concernées, y compris les acteurs de terrain (vétérinaires) et les acteurs intermédiaires (au niveau local ou provincial). La mobilisation des vétérinaires pourrait être encouragée par des retours d’information pour les rendre conscients de l’intérêt de leur démarche et de l’importance de leur rôle en matière de santé publique. Pourraient également être envisagées des campagnes de sensibilisation ciblées ou de la formation continuée, par exemple : « peut-être des campagnes d’informations répétées (en disant que ce n’est pas parce qu’on déclare une maladie que l’on va abattre tout le troupeau) pourraient avoir un effet à long terme ». Au même titre, « la motivation est très importante pour obtenir des données de bonne qualité. Le sentiment de jouer un rôle important  dans cette surveillance ».

Les systèmes de vigilance envisagés face aux maladies émergentes

40Le second constat établi par les acteurs consultés lors du Delphi repose sur une analyse critique de ce que serait un modèle efficace de la mise en œuvre d’une posture de vigilance face aux maladies potentiellement émergentes, que ce soit au niveau d’une meilleure information, d’une meilleure intégration des acteurs de terrain ou d’une considération des réseaux internes, externes, formels et informels.

41Pour permettre au réseau d’épidémio-surveillance de faire face aux maladies animales potentiellement émergentes, les autorités ont travaillé en deux étapes. Elles ont, dans un premier temps, fixé le cadre de la construction politique et sociale du risque créant le concept de « maladie animale émergente » pour le diffuser auprès des vétérinaires et des éleveurs. Une « maladie animale émergente » est une maladie dont l’incidence augmente de manière significative dans une région donnée, une population donnée et période donnée. Cette maladie peut être causée pas un nouvel agent pathogène, par un agent pathogène qui a muté ou par l’importation d’un agent exotique (AFSCA, 2010). Les autorités publiques appellent à une attention des acteurs de terrain, éleveurs et vétérinaires, pour identifier des cas pathologiques anormaux et mobiliser l’expertise disponible pour en assurer un diagnostic. La brochure propose encore une liste de facteurs de risques qui devraient éveiller le soupçon chez le praticien : saisons, déplacements, visiteurs, menaces extérieures, etc.

42Pour reprendre ce que Callon appelle l’enrôlement (1986) et puisqu’« [aucun] dispositif de capture aussi contraignant, soit-il, aucune argumentation aussi “convaincante”, soit-elle, n’est assurée de succès » (Callon, 1986 : 189), les autorités publiques ont transformé un « concept » en une certitude, en parlant de « maladie émergente » pour dans un second temps bâtir un dispositif concret autour de ce concept. En effet, il convient d’enrôler les acteurs dans un système de vigilance qui, à terme, viendra renforcer le système d’épidémio-surveillance. Le message de l’AFSCA (2010) précise les facteurs de risque en même temps que le rôle assigné par les autorités aux acteurs de terrain : la liste des facteurs de risques publiée dans la brochure destinée aux acteurs de terrain doit encourager chez ceux-ci dans une dynamique de « soupçon » (Linhardt, 2001) et développer une capacité à détecter des situations anormales ou des signes cliniques atypiques.

43Pour assurer une réponse efficace, les autorités fédérales ont développé un nouveau canal de communication volontaire en ligne, entre vétérinaires praticiens et experts, le MoSS - Monitoring and Surveillance System (Veldhuis et al., 2011). Ce projet a été développé par des instances belges (l’Agence fédérale AFSCA et le Centre de recherche CODA-CERVA) et françaises (INRA). Il s’agit d’accélérer le transfert de données entre éleveurs, vétérinaires, AFSCA et laboratoires en ce qui concerne les animaux de rente, en assurant un protocole de communication plus structuré entre, d’un côté, les acteurs de terrain et, de l’autre, les experts et spécialistes actifs dans des institutions différentes, ainsi que les autorités sanitaires. L’objectif est de mettre en place un système d’identification rapide des maladies émergentes, afin d’en diminuer l’impact sanitaire et économique. Les autorités déclarent avoir tiré des enseignements des crises antérieures telles celles de l’ESB ou de la FCO. Comment ce système fonctionne-t-il ? Les vétérinaires sont invités à encoder en ligne les syndromes atypiques et « anormaux » observés ainsi que les informations générales nécessaires pour une approche épidémiologique. Le MoSS devrait permettre d’identifier des clusters de signes cliniques atypiques rapidement, puis les comparer avec des maladies connues et organiser des forums de discussion avec d’autres vétérinaires de terrain et avec des experts de l’ARSIA-DGZ, des facultés de médecine vétérinaire, de l’AFSCA, qui se sont enregistrés au préalable dans la base de données. La participation au MoSS se fait sur une base volontaire. Elle ne remplace pas la procédure de déclaration obligatoire des suspicions de maladies contagieuses (MDO). Le MoSS est doté de capacités d’information en temps réel permettant aux observateurs de la santé animale d’être rapidement informés des maladies – en phase d'émergence dans le monde – qui pourraient avoir des conséquences épidémiologiques au sein de la zone qu’ils sont chargés de surveiller.

44Les répondants de notre enquête Delphi doutent cependant de l’utilisation et de l’utilité du MoSS. Il fait double emploi avec le système de notification obligatoire et, partant, il risque de créer une certaine confusion qui pourrait desservir les deux systèmes de rapportage. Par ailleurs, les experts ne voient pas ce qui pourrait éviter le sous-emploi du système par les vétérinaires, pour les mêmes raisons que le déficit de rapportage pour le système de notification, à savoir le lien économique avec l’éleveur et les risques de pertes économiques.

45Certains répondants proposent une alternative : privilégier un dispositif où la vigilance et la surveillance des maladies émergentes reposeraient sur des sentinelles ou encore les laboratoires d’analyse, dépassant le simple constat du déficit de rapportage des praticiens ou des experts d’usage, exclusivement. Le rapportage par des laboratoires de première ligne et surtout la compilation et validation des données par des laboratoires de référence permettraient un meilleur suivi et surveillance, comme le montre le bon fonctionnement du système des laboratoires-vigies et des laboratoires de référence en médecine humaine, par exemple : « se reposer seulement sur le rapportage des médecins vétérinaires est selon moi une approche vouée à l’échec. Ce système n’est pas précis et ne leur rapporte pas de l’aide dans l’exercice de leur travail. Quelle information utile peuvent-ils en tirer ? Ce système n’apporte qu’une alerte préliminaire qui doit être soutenue par des données supplémentaires ». Dans la même optique, « multiplier le nombre des sources d’information est probablement la solution la plus réaliste ». Enfin, comme le souligne un répondant de l’ISP : « les meilleures motivations pour notifier sont de s’assurer qu’il n’y ait qu’un système de rapportage (en évitant les doubles encodages), de mettre en place un système le plus simple possible, de garantir une rétroaction aux praticiens. Il faut aussi, dès la formation, souligner les rôles des professionnels en matière de santé publique ».

46Pour un répondant, les causes de ce qu’il évalue comme une communication exécrable entre dispositifs sont « une question d’hommes et de flexibilité ». Il apparaît que le fonctionnement des dispositifs de surveillance repose sur la coopération entre des acteurs aux intérêts contradictoires. Les dispositifs formels et coercitifs de surveillance sanitaires ont des limites : les acteurs individuels peuvent ne pas coopérer au sein du dispositif de surveillance.

Vigilance et surveillance : un renouvellement de l’instrument par son ouverture

47Cette présentation d’une adaptation du réseau d’épidémio-surveillance en santé animale par une inscription d’un module d’information nouveau – le MoSS – défini dans une visée de vigilance mérite une discussion critique sur trois points, pour en évaluer les perspectives de généralisation autour de la question des postures de surveillance et de vigilance : (1) le réseau de surveillance comme instrument d’action publique et comme signe d’un certain rapport entre gouvernants et gouvernés (2) la tension entre normalité et anormalité en parallèle à la posture surveillance/vigilance (3) le niveau d’ouverture des cadres bureaucratiques propres à assurer un réseau de vigilance.

Un instrument d’action publique

48Le réseau d’épidémio-surveillance est un instrument d’action publique. En ce sens, il est un dispositif socio-technique et, au-delà de ses dimensions fonctionnelles, il est porteur d’une conception concrète du rapport gouvernants/gouvernés, et son analyse donne à voir, dans ses modalités pratiques et concrètes, l’exercice du pouvoir et les structures de domination au sens wébérien (Lascoumes et Simard, 2011 : 5).

49L’instrument, loin d’être neutre, a des propriétés spécifiques et des effets propres. Il crée des effets d’agrégation, en constituant un point de passage obligé, au sens des activités de traduction qui permettent à des acteurs hétérogènes de travailler en commun (Callon, 1986). Il a aussi un effet cognitif direct parce qu’il produit une représentation spécifique de l’enjeu qu’il traite, imposant des définitions et des catégorisations : par exemple, ce qui est anormal et ce qui ne l’est pas. Enfin, un instrument n’est jamais ni clos, ni tout à fait stable, parce qu’il fait l’objet de processus d’appropriation par les acteurs, que ce soit de la part des professionnels qui tiennent à affirmer des compétences ou des acteurs qui cherchent à reformuler l’instrument pour favoriser certains intérêts ou rapports de pouvoirs.

50Dans ce cadre, un répondant du Delphi définit clairement les missions du dispositif :

« il s’agit de développer un système efficace et solide capable de la surveillance, de la détection et du diagnostic rapides des risques émergents liés à une infection virale ainsi que d’une préparation et une capacité suffisantes pour permettre la prévention ou le traitement. Les dégâts économiques engendrés par une épidémie humaine ou animale peuvent rapidement dépasser l’investissement nécessaire pour maintenir un tel système ».

51Les réseaux d’épidémio-surveillance sont généralement standardisés, formalisés à travers des protocoles et hiérarchisés pour assurer la circulation verticale des données et des informations, des praticiens et laboratoires vers les unités de contrôle.

52Comme nous le soulignions au niveau de l’identification des contraintes, l’analyse met en évidence des problèmes de coordination de deux types. D’une part, la structure politique belge a mené à une distribution particulièrement complexe des responsabilités et des compétences entre les niveaux de pouvoir en matière de santé humaine et de santé animale, avec une différentiation croissante entre les régions, puisque les différentes instances peuvent prendre leurs décisions de façon indépendante. D’autre part, les dispositifs de gestion des risques potentiels en santé humaine et animale recourent à des dimensions différentes : respectivement, la « gravité des effets individuels » et la dimension économique. Ce qui ne facilite en rien la mise en œuvre d’approches coordonnées entre les dispositifs.

53Les témoignages mettent en évidence un double besoin : l’établissement de structures de coopération plus nombreuses entre le dispositif de santé humaine et de santé animale ainsi qu’une coordination interne au sein de chaque dispositif. En effet, les questions posées sur la qualité du rapportage signalent un déséquilibre en matière de communication et de transfert d’information entre les différents niveaux du réseau. Les acteurs de terrain doivent assurer la production de données de qualité qui sont indispensables au bon fonctionnement de l’ensemble du dispositif. Mais ces obligations peuvent entrer en conflit avec d’autres logiques, par exemple l’intérêt financier de l’éleveur. De leurs côtés, les responsables hiérarchiques du réseau disposent de peu de moyens de contraintes pour forcer la production de ces données et la coopération entre les niveaux de détection sur le terrain, de diagnostic dans les laboratoires, et de gestion au niveau des instances fédérales. Ils sont par ailleurs engagés dans une logique de coopération européenne et internationale dont les effets ne sont pas toujours compris par les praticiens.

54Enfin, pour améliorer l’efficacité du dispositif actuel, il faudrait créer les conditions de possibilité d’une meilleure coordination des acteurs, une meilleure définition des rôles de chacun, une harmonisation, une meilleure communication et une prise de décision à la fois globalisée et actualisée, impossible dans l’urgence. Mettre en place une telle approche (capable de détecter, diagnostiquer, prévenir, traiter) serait possible et rentable à long terme, mais demanderait aussi une ambition politique qui n’existe pas actuellement.

55Toutefois, la seule analyse du gouvernant ne suffit pas, car si le système de vigilance est pris comme un instrument d’action publique, il convient de se pencher sur le premier maillon du système : le vétérinaire et l’éleveur, dans notre étude de cas. Ils sont ici présentés comme porteurs d’alerte « obligés », en ce sens qu’il est demandé aux acteurs de terrain (vétérinaires et éleveurs) d’être vigilants. Les organisations et les institutions tant nationales qu’internationales ont pris maintenant conscience de la nécessité stratégique d’une information rapide à l’ensemble des parties prenantes (citoyens, décideurs, éleveurs, institutions de recherche et de contrôles, etc.) (Saegerman et al., 2003). Dans ce cas de figure, les experts de terrain sont donc conviés, fortement invités, voire obligés (malgré la faible emprise sur les vétérinaires qui craignent davantage la sanction économique de leur client-éleveur que la sanction par le système), à s’impliquer dans la production de données et d’information à travers le processus de notification obligatoire et de rapportage volontaire (MoSS). Ces acteurs de terrain sont donc inscrits dans un système qui leur demande de pouvoir lancer une alerte, d’une part, tout en tenant compte du contexte, d’autre part. Nous sommes proches, dans ce cas, de ce que Chateauraynaud et Torny définissent comme des alertes internes et externes aux réseaux institutionnalisés (1998 : 57-58) puisque nos acteurs sont inscrits dans des réseaux institutionnalisés. Cependant, puisqu’il leur est demandé non pas exclusivement de détecter, mais également d’expertiser ce qu’ils constatent comme « anormal » ou « atypique », ils sont nécessairement intégrés dans des réseaux non-institutionnalisés auprès desquels ils vont chercher l’expertise. Cela met en évidence la nécessité et la capacité de flexibilité des acteurs de terrain à entretenir leurs réseaux, institutionnalisés ou non, par des relations formelles et informelles. En ce sens, « être vigilant c’est ici savoir s’entourer (de personnes et de choses) » (Vallin, 2006 : 64).

Tableau 1. Relations formelles et informelles croisées avec les réseaux internes et externes des acteurs de terrain

Instrument/

Acteurs de terrain

Réseau interne/institutionnalisé

Réseau externe/non institutionnalisé

Relation informelle

Les acteurs de terrain consultent les agents du réseau pour avoir un retour sur leur détection

Les acteurs de terrain consultent d’autres acteurs (université, par exemple) pour construire leur expertise ou avoir un retour sur leur expertise

Relation formelle

Les acteurs de terrain sont intégrés (obligation ou vive incitation) dans le système de vigilance et travaillent au rapportage de l’information

56De telles exigences en matière de vigilance impliquent le consentement et l’implication du sujet (Vidal-Naquet, 2006 : 81). Les experts de terrain, impliqués, enrôlés, mobilisés sont-ils partants pour intervenir et alimenter un système vigilance sachant qu’il ne s’agit pas d’une relation contractuelle, au mieux une relation de bienveillance pour le bien commun ? Et qu’en est-il de la responsabilité dans un système de vigilance puisque diverses postures par rapport aux risques ou aux dangers peuvent être adoptées par les acteurs ? Autrement présentée,

57« la vigilance est plus qu’une disposition (être en veille), elle repose sur des systèmes de valeurs. Les choix de société qu’elle impose se doivent d’être débattus, notamment sur la connaissance qu’elle implique et les corollaires que cela suppose en matière d’action. Y aurait-il en effet des risques à savoir ? La vigilance peut-elle alors avoir pour résultat la stigmatisation, la pénalisation voire la dénonciation ? » (Clavandier, 2006 : 230) ; « [l]’indifférence devient suspecte, voire abjecte » (Clavandier, 2006 : 231).

Normalité versus « anormalité » : un retournement du regard

58Pour assurer une vigilance face aux maladies émergentes, il faut établir au préalable une analyse des risques pour décider de la hiérarchisation des moyens à mobiliser face à la possible émergence de certaines maladies exotiques (Hendrickx, 2003 : 51). Une hiérarchisation a priori des risques relève d’une logique d’anticipation. Comme le mentionne un répondant au Mesydel : « [il] est impératif de savoir quels sont les outils prioritaires à développer en ciblant les maladies dont le risque d’occurrence est plus important ». Il s’agit ici d’un exercice proche de celui mené par l’ANSES (2010) en France, dans un souci de proposer une hiérarchisation des maladies animales, ce qui permet aux autorités responsables de la gestion du risque de décider quelles ressources allouer pour la prévention, l’élaboration ou la mise en œuvre de plans de lutte. Une telle anticipation pourrait permettre de réduire les conséquences de l’émergence d’une maladie exotique.

59Le fait de construire de tels scénarios a aussi pour effet de les figer. Les experts de l’AFSCA admettaient que la prochaine maladie exotique pourrait être la FCO et qu’elle viendrait du sud de l’Europe et devrait atteindre les troupeaux de moutons (rares en Belgique). Par ailleurs, le cadre européen avait déjà défini les processus de contrôle à instaurer dans chaque État membre, à travers une directive spécifique (Directive 2000/75/CE du Conseil du 20 novembre 2000 arrêtant des dispositions spécifiques relatives aux mesures de lutte et d’éradication de la fièvre catarrhale ovine ou bluetongue). La maladie doit être inscrite sur la liste des MDO (article 3). Face à toute suspicion de FCO, les autorités doivent disposer des capacités de diagnostic pour confirmer ou infirmer la maladie. La directive prévoit aussi la possibilité d’une série de mesures : abattages, si nécessaires à la prévention de l’extension de l’épidémie (article 6a), interdiction de mouvements d’animaux, confinement de ceux-ci aux heures d’activité vectorielle, traitements insecticides, programme de vaccination. Ces mesures s’appliquent aux espèces dites « sensibles », c’est-à-dire, dans les termes de la directive, à toute espèce de ruminants (article 2b).

60En Belgique (Arrêté ministériel relatif à la lutte et à l’éradication de la fièvre catarrhale du mouton du 20.11.2001), la loi impose à « quiconque suspecte ou constate l’existence de la maladie chez un animal des espèces sensibles d’en informer immédiatement l’Inspecteur vétérinaire » (article 4). Dès que l’existence de la maladie est confirmée dans une exploitation, l’inspecteur vétérinaire la déclare comme foyer et ordonne (article 9.3) sans délai les mesures suivantes dans le foyer : « 1° tous les animaux des espèces sensibles atteints ou suspects d’être atteints de la maladie sont mis à mort et détruits par ordre et sous contrôle de l'inspecteur vétérinaire. L'ordre d'abattage est signifié au responsable et une copie est adressée au Bourgmestre ». L'éleveur reçoit une indemnisation d’abattage (article 21) pour les animaux abattus par ordre, « une indemnité égale à la valeur de l’animal, pour autant que le propriétaire se soit conformé aux dispositions du présent arrêté. En aucun cas, le montant de cette indemnité ne peut dépasser la somme de 2.478,93 EUR » (article 21).

61Ces décisions réglementaires sont complétées par des programmes de recherche du CERVA qui, en tant que laboratoire de référence, doit disposer des méthodes de diagnostic adéquates pour cette maladie par ailleurs inexistante en Belgique, mais qui pourrait (conformément au scénario) émerger.

62On voit que le concept des maladies émergentes (mobilisé ici pour la FCO) permet aux autorités d’étendre les outils de références : on dispose de nouveaux moyens de gestion (un arrêté ministériel et une directive européenne ; un aménagement de la liste des maladies à notifier) et de nouveaux moyens de connaissance (un nouveau diagnostic est préparé par le CERVA). La maladie n’existe pas encore chez les ruminants, mais elle existe déjà dans les règlements, le laboratoire de référence et dans la liste des MDO dont chaque vétérinaire agréé est censé avoir connaissance.

63Plus largement, dans le cadre des maladies émergentes, l’AFSCA demande aux vétérinaires d’être attentifs aux situations anormales qui peuvent indiquer une maladie émergente.

64Faut-il estimer que tout écart à ce qui est attendu dans un certain cadre devrait être jugé anormal ? Est-il possible de définir une barrière entre normalité et anormalité sans référence au contexte, comme le type d’élevage, les caractéristiques de l’alimentation, les conditions climatiques ? Le concept d’anormalité ne peut se comprendre sans recourir à celui de la normalité. Les normes sont des constructions sociales, produites par l’AFSCA et son Comité scientifique, qui érigent en standards des modèles : l’anormal est ce qui est contraire à l’ordre habituel des choses, non conforme au modèle courant, établi et célébré dans la société environnante.

65Ce sens de la normalité en ce qui concerne la santé animale est sans doute partagé par les professionnels vétérinaires et éleveurs, et il peut servir de fondement à une forme de vigilance. Le vétérinaire de terrain doit, lors de la mise à l’épreuve, identifier l’anormalité, puis dessiner un tableau clinique, pour dans un second temps le confronter à ceux des maladies connues, considérées comme les situations normales, qui font références pour le groupe des vétérinaires belges. Mais dans un tel contexte, l’opérateur doit faire appel à son propre jugement, en prenant appui sur son sens commun, son propre sens de la normalité. En effet, la dimension intuitive seule permet l’émergence du soupçon et l’identification d’une anormalité digne d’intérêt. Cette activité cognitive peut être encouragée par certaines qualités du dispositif technique : celui-ci peut favoriser le maintien d’un état de vigilance. En cas d’anormalité, il faut démarrer des devoirs d’« enquête » parce qu’il est rare de parvenir rapidement à une proposition certaine qui permette de donner du sens à l’anormalité. Le dispositif technique de nouveau peut apporter des outils pour procéder à des vérifications pour confirmer ou infirmer le soupçon. Il s’agit de confronter les représentations formulées par les opérateurs à des épreuves de réalité en vue de déterminer ce qui est le réel. Ces épreuves sont elles-mêmes définies par les possibilités qu’offre le dispositif et elles reposent sur une certaine représentation de la menace : l’épreuve de FCO était réservée aux ovins, qui étaient les seuls animaux à souffrir du « délit de sale gueule » pour cette menace.

66On peut résumer les deux dimensions du dispositif pour l’encadrement des maladies émergentes : c’est une infrastructure qui doit être capable de se saisir des traces pour procéder aux nécessaires vérifications et qui doit impérativement être mobilisée par une dynamique qui garantisse la « reconnaissance de l’impératif du soupçon » (Linhardt, 2001 : 91). Cette dynamique de soupçon, indispensable à l’opérationnalisation de la vigilance, est encouragée chaque fois qu’on limite les visions qui réduisent arbitrairement le champ des évènements possibles (comme le font les listes de maladies à notifier lorsqu'elles sont fermées, par exemple) pour favoriser une représentation opérationnelle qui rend possible la vigilance et permet de calibrer le dispositif de perception. Recourir à une hiérarchisation des risques dans un souci d’anticipation de la crise permet d’améliorer l’infrastructure de diagnostic et, partant de là, de limiter les effets d’une émergence de maladie. Mais un renforcement trop important en matière de gestion des risques peut par ailleurs atténuer les dynamiques de vigilance parce qu’il limiterait le champ de représentations des acteurs aux dimensions qu’il considère comme légitimes. En effet, le cadrage réglementaire et technique de la FCO était orienté vers les moutons. Les modalités de gestion, extrêmement contraignantes en Belgique, ne pouvaient que difficilement s’appliquer aux troupeaux bovins. Par leur violence extrême (abattage par ordre), les modalités de gestion risquaient de provoquer une rétention d’information au niveau des acteurs locaux et de diminuer la qualité du système de surveillance. C’est là un effet pervers dérivé de l’approche classique des risques par anticipation. D’un côté, il y a un risque d’« endormissement » parce que « toute anticipation risque d’entraîner une diminution de la vigilance, dans la mesure où elle fait croire que l’on a réduit l’inconnu de ce qui demeure en suspens » (Duval, 1990 : 124). De l’autre, il y a un risque plus direct de mauvais aiguillage, si l’on consacre des ressources rares pour le développement de stratégies contre-productives.

67Dans un premier temps, le processus de gestion défini anticipativement pour la gestion de la FCO tend à conduire à l’abattage de tous les animaux des espèces sensibles atteints par la maladie ou suspects de l’être : cette stratégie de gestion privilégie l’évitement du risque plutôt que sa réduction a posteriori. Cette mesure a toutefois eu pour effet direct, d’une part, une méfiance de la part du praticien vis-à-vis du système de vigilance et, de ce fait, un déficit de rapportage, et, d’autre part, elle a mis à mal la crédibilité du praticien et la relation de confiance établie entre ce dernier et son client-éleveur qui a subi l’abattage de l’ensemble de son troupeau. Le fait que ce soit les troupeaux bovins qui subissent la maladie émergente en 2006 en Belgique, et non pas des moutons, provoque très vite une reconfiguration des modes de gestion : plutôt qu’un évitement, ce sera une réduction du risque pour rendre l’impact acceptable compte tenu des autres intérêts en balance, ceux des éleveurs – la dimension « santé publique » ne sera pas prise en considération parce que cette maladie ne concerne pas l’homme – et leur indispensable coopération dans le réseau de vigilance afin de soutenir le retour vers une nouvelle situation de normalité.

68On observe que la crise oblige et permet d’opérer un double recadrage. Du côté de l’expertise, les qualités du virus BTV-8 sont requalifiées en matière de cible, de vecteur et de capacité de nuisance, que ce soit au niveau des vétérinaires qui surveillent les bovins ou du CERVA, le laboratoire de référence fédéral. Du côté de la gestion du risque, les modalités concrètes peuvent être renégociées pour tenir compte des intérêts en jeu, et assurer un équilibre acceptable entre les logiques des autorités de l’AFSCA, de ses inspecteurs de contrôle et des vétérinaires de terrain ainsi que celles des éleveurs.

La formalisation du réseau : Une nécessaire ouverture

69Un réseau d’épidémio-surveillance repose sur une structure formalisée, hiérarchisée et particulièrement adaptée pour fonctionner dans un environnement stable, afin de gérer des maladies connues et des risques identifiés. Pour assurer une vigilance face aux maladies émergentes, il faut l’adapter pour qu’elle puisse réagir à des environnements instables et complexes, lors de l’émergence de pathologies nouvelles et difficiles à identifier, pour identifier le risque nouveau et mettre en œuvre des moyens de gestion efficaces. Hendrickx (2003 : 51) propose de mettre en place des structures de communication plus fluides et de nouvelles modalités de surveillance, moins rigides et moins hiérarchisées, pour favoriser les postures de recherche et d’investigation. Le réseau d’acteurs participant à ce système de vigilance devrait aussi transformer ses modalités de coordination, afin de favoriser de nouveaux modes d’organisation qui renforcent l’autonomie des acteurs de terrain et leur permettent de s’ajuster aux changements de contexte pour faire remonter les données recueillies en marge de la surveillance standardisée. Pour que les réseaux soient plus adaptables et moins rigides, il faut favoriser les relations informelles et de proximité et mobiliser des moyens de communication souples et rapides. Le fonctionnement des dispositifs de surveillance repose au niveau du terrain sur la coopération entre des acteurs aux intérêts contradictoires, comme le démontrent les problèmes récurrents de rapportage. Les dispositifs formels et coercitifs de surveillance sanitaires ont des limites : les acteurs individuels peuvent ne pas coopérer au sein du dispositif de surveillance. Nous avons identifié deux « points de frottement » rapportés comme problématiques : entre niveaux au sein des dispositifs, c’est-à-dire entre les acteurs locaux et les instances de contrôle, mais aussi entre dispositifs en charge de la santé animale et ceux qui contribuent à la surveillance des maladies humaines.

70Dans le premier cas, les qualités de rapportage des réseaux sont souvent mises en cause, en mettant en évidence le choix cornélien des éleveurs, contraints d’agir contre leur propre intérêt pour contribuer à un bien commun : la vigilance « est aussi une disposition de bienveillance » (Vidal-Naquet, 2006 : 80). La coercition est souvent difficile à mettre en œuvre : les éleveurs disposent de suffisamment de liberté pour échapper à des contrôles surtout dans le cas de maladies émergentes. Pour associer les acteurs de terrain dans un réseau de surveillance, il est possible de jouer sur les préférences des acteurs, en les incitant financièrement (indemnisations) à coopérer. Mais quand ce n’est pas possible, parce que ni la coercition, ni les incitations ne suffisent à assurer la coopération au sein du réseau d’épidémio-surveillance, d’autres formes pratiques se déploient, sous forme d’arrangements par rapport aux cadres formels de la surveillance.

« Ces arrangements, qui rendent possible la circulation de l’information sanitaire, sont favorisés par l’activité d’acteurs – qualifiés de “médiateurs de la surveillance” – qui, grâce à un ancrage local durable et des compétences techniques, articulent différents mondes sociaux. [...] Ils favorisent la coopération en articulant différents mondes sociaux, dans lesquels ils ont su construire des relations de confiance et mobiliser dans le temps des compétences techniques et une capacité d’empathie » (Prete, 2008 : 489-490).

71Ce rôle de médiateur endossé par certains acteurs qui se situent dans des mondes sociaux différents leur permet d’assurer une circulation de l’information au sein de ces réseaux instables, en empruntant des voies non formalisées, au risque de la traduire ou de la trahir. Ces liens sont fragiles et informels ; qualités qui sont les conditions de leur existence même : les acteurs peuvent coopérer dans un contexte d’incertitude forte, parce qu’ils engagent « des relations interpersonnelles et ne se lient pas les mains par rapport aux conditions de leurs échanges dans un contexte qui est marqué par une incertitude sanitaire forte qu’ils peuvent, à certains moments, coopérer » (Prete, 2008 : 500).

72Ces modes de coopération informels entre acteurs de terrain sont indispensables pour assurer une prise en charge de problèmes collectifs. Face à un évènement imprévu, non programmé, il faut inventer les réponses et développer une démarche de type « problem-solving » qui exige de combiner logique professionnelle et logique institutionnelle, imposant à l’acteur individuel d’établir un compromis acceptable entre les deux univers de référence. Thoenig (1994) parle de rapports de confiance institutionnalisée où les éléments d’ordre discrétionnaire occupent une place au moins aussi importante que les éléments de prescription. Le développement de ces relations de confiance permet, malgré les intérêts contradictoires et les réticences des producteurs, d’organiser des échanges d’information, régulés par la nature des relations interpersonnelles et les règles tacites et partagées.

73L’analyse ici confirme l’importance de développer des réseaux flexibles, riches en interactions informelles, et pour ce faire, de développer des éléments de confiance institutionnelle, par exemple, par un partage de référentiel commun. Celui-ci peut se construire par des dynamiques de coopération aussi bien au niveau fédéral (coopération entre administrations et entre Conseils scientifiques) qu’au niveau local, sous des formes adaptées aux intentionnalités des partenaires, à leurs contraintes professionnelles de qualité et d’efficacité, sans négliger le travail sur les représentations (Fallon et Joris, 2010).

Conclusion

74En guise de conclusion, nous proposons de souligner trois enseignements qu’il est possible de tirer de cette étude menée par une équipe interdisciplinaire. L’analyse de l’émergence réussie de la FCO en Belgique en 2006 a mis en évidence l’adaptabilité du dispositif de gestion sanitaire, confirmant le potentiel d’apprentissage propre aux crises : à côté des processus de formation froids, consacrés au transfert d’une connaissance reconnue, plutôt qu’incertaine, les moments de crises permettent de redéfinir les cadres de la coordination entre tous les acteurs impliqués, quel que soit leur niveau d’intervention, tout en renégociant les conditions d’équilibre en matière de pouvoir et de responsabilité. En même temps, l’analyse a montré que l’expérience de gestion anticipative de la crise a contribué à renforcer des réseaux de connaissance et de gestion parfois contre-productifs, parce que les scénarios construits par les autorités et des experts ne pouvaient pas prévoir les modalités concrètes d’émergence et les questions qu’elles soulèveraient. Penser les dangers potentiels est sûrement une bonne chose pour aiguiser l’attention du veilleur. Par contre, penser les mesures de gestion de risques de ces dangers potentiels avant que ces derniers ne soient mis en risque, avant même de connaître le contexte dans lequel ils se développent, avant même de connaître les évolutions potentiels de la recherche – bref anticiper et penser les mesures hors du contexte – peut s’avérer irrationnel et dangereux pour la société.

75Les autorités et les experts mobilisent le concept de vigilance pour adapter le réseau d’épidémio-surveillance à la gestion de nouveaux risques, ceux liés aux maladies animales émergentes, comme le montre l’expérience de la mise en place du nouveau dispositif de reportage en ligne, le MoSS. Les vétérinaires de terrain et les éleveurs sont invités à endosser de nouveaux rôles pour identifier et diagnostiquer ces maladies exotiques dont ils ne maîtrisent pas encore pratiquement les codes de lecture. Il leur est demandé de faire preuve d’ouverture pour soulever des problèmes émergents dans leur environnement proche, et les identifier afin d’en informer les autorités responsables de la gestion de la santé animale. La vigilance demande de mobiliser une intelligence collective et contextuelle. Elle est collective parce qu’elle fait appel aux experts et aux gestionnaires qui ont défini les conditions de normalité et d’anormalité. Elle est contextuelle parce qu’elle prend appui sur un ensemble de données locales pour donner du sens à l’évènement qui surgit là où on ne l’attendait pas, et sous une forme imprévue par les programmes d’anticipation. Vigilance et surveillance ne sont pas exclusives l’une de l’autre et dans le cas de la politique de santé animale, ce sont les mêmes acteurs qui doivent être capables d’endosser chacune des postures en fonction des surgissements du terrain.

76L’analyse confirme bien la complémentarité des mécanismes de vigilance et de surveillance pour renforcer la gestion de risques. Le système de surveillance passive est toujours au cœur du système d’information dans le cas des maladies émergentes ou ré-émergentes. Il joue un rôle critique, car il permet d’identifier le plus tôt possible ces maladies à partir de cas suspects (Thiry et al., 2007) pour autant que les scénarios d’émergence soient confirmés, que les outils de détection soient opérationnels et que les acteurs de terrain soient engagés dans un réseau de communication efficace. Loin de remettre en cause l’existence de ces réseaux de surveillance, l’obligation de vigilance, en termes d’attention et de vérifications pour faire face aux maladies émergentes permet de lancer un appel à un renforcement de leur qualité et de leur efficacité pour en faire des dispositifs ouverts et réactifs, coordonnant les experts de terrain et les autorités politiques et scientifiques grâce à une nouvelle articulation plus fluide et souple entre capacités gestionnaires et compétences locales. La mise en place de telles structures demande un investissement majeur en termes de formation et d’innovation institutionnelle au cœur du réseau de gouvernance actuel.

Note biographique

77Catherine Fallon est bio-ingénieure et Docteure en Sciences politiques et sociales. Elle a travaillé dans l’industrie et l’administration européenne avant de rejoindre l’Université de Liège où elle est Chargée de cours en science politique. Ses activités de recherche touchent à la gestion publique des crises environnementales, la transformation des politiques publiques sous la double pression de la construction européenne et des changements socio-techniques.  

78Grégory Piet est bousier-doctorant ARC en Sciences politiques et sociales (2011-2015). Il a travaillé en tant que chercheur (2007-2009), puis, en tant qu’assistant d’enseignement (2009-2010) au sein de l’Unité d’études européennes à l’Université de Liège avant de rejoindre le laboratoire Spiral (Gouvernance et Société) au sein de la même université. Il est également attaché au groupe de recherche interdisciplinaire ARC-Fructis (www.fructis.ulg.ac.be). Sa thèse porte sur l’étude des discours politiques climatiques et leur rapport aux temporalités mobilisées.

79Etienne Thiry est Docteur en Sciences vétérinaires depuis 1985. Il est reconnu en 2001 comme spécialiste européen en devenant diplômé du European College for Veterinary Public Health. Depuis 1993, il est chef du service de virologie vétérinaire et des maladies virales animales à la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Liège. Il est nommé Professeur ordinaire en 2003. Il occupe également les fonctions de chargé de cours à l’université libre de Bruxelles depuis 2000. Le comité international de la Société mondiale de buiatrie lui a décerné en 1996 l’International Pfizer award. L’Académie Vétérinaire de France lui a décerné le prix Gaston Ramon en 2008. La Fédération des Associations Francophones des Vétérinaires d’Animaux de Compagnie (FAFVAC) lui a décerné le prix de la Francophonie en 2011. Son domaine de recherche est la virologie animale, spécialement l’étude de l’interaction virus-hôtes chez les herpèsvirus, les calicivirus, les hepevirus et les orbivirus. Il est l’auteur de près de 400 publications dans des revues scientifiques spécialisées.

80Fabiana Dal Pozzo est Docteure en sciences vétérinaires de l’Université de Bologne depuis 2007. Elle a été assistante de recherche au sein du Service d’épidémiologie et d’analyse des risques appliquées aux sciences vétérinaires, à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Liège (Belgique) en février 2008. En octobre 2008, elle a obtenu une bourse FRS-FNRS comme chercheure temporaire post-doctorale dans le Service de virologie vétérinaire et maladies virales animales de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Liège. Ses recherches portent sur l’étude de la pathogénie du virus de la fièvre catarrhale ovine du sérotype 8 et sur l’étude du réassortiment génétique. Depuis octobre 2010, elle travaille pour le projet Belspo intitulé « Risk of emergence of viral diseases driven by eco-climatic changes and socio-economical situations-VIRORISK ».

81Catherine Zwetkoff est professeure honoraire de l’Université de Liège (Sscience politique) et fondatrice du  centre de recherche Spiral. Ses domaines de prédilection portent sur l’étude des politiques publiques en matière de gestion des risques et de situations de crise, plus particulièrement sur l'acceptabilité sociale des risques technologiques, les dispositifs institutionnels d'expertise liés aux risques dits modernes et plus généralement les interactions entre science et politique).

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Notes

1 Cette recherche a été menée dans le cadre d’un projet de recherche intitulé : « Risk of emergence of viral diseases driven by eco-climatic changes and socio-economical situations » (Cluster « Virorisk » (SD/CL/09) financé par BELSPO, SPP Politique scientifique, Belgique). Partenaires : É. Thiry et F. Dal Pozzo, Virologie, Université de Liège ; M. Coosemans et V. Versteirt, ITG, Antwerpen ; C. Zwetkoff et C. Fallon, Spiral, Université de Liège.

2 Organisation mondiale de la Santé animale, OIE, [En ligne] URL : http://web.oie.int/wahis/public.php?page=disease_status_detail, consulté le 7 novembre 2011.

3 Global Early Warning System for Major Animal Diseases, including Zoonoses, GLEWS, [En ligne] URL : http://www.who.int/zoonoses/outbreaks/glews/en/index.html

4 Un système d'épidémio-surveillance est qualifié d'actif quand il est fondé sur des tests de dépistage soit sur l'ensemble d'une population à risque soit des des campagnes de collecte de données par échantillonnage, sans référence à leur état de santé au moment du prélèvement. Un tel système est moins dépendant de l'implication volontaire des acteurs de terrain et d'un biais de sous déclaration, parce qu'il se déploie dans une logique de gestion centralisée.

5 Le terme rapportage est beaucoup utilisé par les vétérinaires. Il signifie, ici, "faire rapport" et ne comporte aucune allusion à une intention de dénonciation.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Catherine Fallon, Grégory Piet, Étienne Thiry, Fabiana Dal Pozzo et Catherine Zwetkoff, « Renouveler la gestion du risque par l’ouverture à un système de vigilance ? », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 12 numéro 3 | décembre 2012, mis en ligne le 15 décembre 2012, consulté le 22 mai 2013. URL : http://vertigo.revues.org/13153 ; DOI : 10.4000/vertigo.13153

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Auteurs

Catherine Fallon

Chargée de cours et Directrice du laboratoire Spiral, Département de Science politique, Université de Liège ; Boulevard du rectorat 7 bât. B31 boite 29, 4000 Liège, Belgique, Courriel : catherine.fallon@ulg.ac.be

Grégory Piet

Boursier de doctorat ARC, laboratoire Spiral, Département de Science politique, Université de Liège ; Boulevard du rectorat 7 bât. B31 boite 29, 4000 Liège, Belgique, Courriel : Gregory.Piet@ulg.ac.be

Étienne Thiry

Professeur, Département des maladies infectieuses et parasitaire, Service de Virologie vétérinaire et maladies virales animales, Université de Liège, Boulevard de Colonster 20 bât. B43bis, 4000 Liège, Belgique, Courriel : etienne.thiry@ulg.ac.be

Fabiana Dal Pozzo

Chercheure, Département des maladies infectieuses et parasitaire, Service de Virologie vétérinaire et maladies virales animales, Université de Liège, Boulevard de Colonster 20 bât. B43bis, 4000 Liège, Belgique, Courriel : fdalpozzo@ulg.ac.be

Catherine Zwetkoff

Professeure honoraire, laboratoire Spiral, Département de Science politique, Université de Liège ; Boulevard du rectorat 7 bât. B31 boite 29, 4000 Liège, Belgique, Courriel : czwetkoff@ulg.ac.be

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