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L’éducation en vue d’un développement durable dans la formation des enseignants en Suisse : entre directives ministérielles et mises en œuvre pratiques

Francine Pellaud, François Bourqui, Bertrand Gremaud and Lionel Rolle

Abstracts

By presenting the Swiss school system and its specificities concerning education for sustainable development, this article discusses the theoretical foundations of that education. It also presents the concrete avenues offered to students of the Haute école pédagogique (HEP) of Fribourg, responsible for the training of future primary school teachers in this township.


An important role in the abovementioned system is played by an interdisciplinary approach, which occupies a key position in the new compulsory curriculum in the French speaking part of Switzerland. For interdisciplinarity to become more than a declaration of good intentions, the measures taken by the HEP’s didactics of science and education for sustainable development research unit have been twofold : to incorporate this approach as a basis for the entire teaching program and to recommend it as an institutional project.
Subdivided in four complementary parts, this article presents a comprehensive overview of the position occupied by education for sustainable development and interdisciplinarity in the current school system, and their progressive integration that spans from the official administrative guidelines to the training of future teachers.

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Full text

L’introduction de l’éducation en vue du développement durable (EDD) dans la formation des enseignants(es) des Hautes écoles pédagogiques en Suisse : présentation du projet national

  • 1 http://www.plandetudes.ch/web/guest (...)

1La Suisse, connue pour sa décentralisation et ses 26 systèmes scolaires, a adopté, depuis 2010, un plan d’études romand (PER)1 –l’équivalent des programmes scolaires en France- identique pour les 6 cantons francophones (Figure 1). Ce bouleversement dans l’harmonisation de la formation à l’École obligatoire s’accompagne d’innovations qui bousculent bien des habitus scolaires. Par exemple, les « traditionnelles branches » ne disparaissent pas, mais elles se voient regroupées en domaines disciplinaires qui élargissent le champ de leur mise en œuvre. Ainsi, sous sciences humaines et sociales, on recoupe histoire, géographie, éthique et connaissance des religions. Ces deux derniers aspects de l’éducation à l’École sont cependant laissés en option libre aux différents cantons. Et si le domaine MSN regroupe les mathématiques et les sciences de la nature –sans distinction entre physique, chimie et biologie auxquelles s’ajoute l’environnement- il faut bien avouer que les mathématiques font encore et toujours « bande à part » et que les liens restent encore très difficiles à effectuer avec les autres sciences.

Figure 1. Présentation du plan d’études romand (PER)

Figure 1. Présentation du plan d’études romand (PER)

2Mais la partie la plus innovante se situe dans le champ pédagogique situé à l’interface de ces domaines : il s’agit de ce qui est désigné sous l’appellation Formation générale (FG). Regroupant sous cette dénomination l’approche des médias et des nouvelles technologies de l’information, la prévention et la promotion de la santé, l’orientation professionnelle, la participation et la citoyenneté et les interdépendances (sociales, environnementales, économiques), son cadre général a été clairement donné par les politiciens. Il s’agit en fait de permettre aux enfants et aux jeunes qui fréquentent l’école d’avoir accès à une formation globale dans le sens d’une éducation en vue d’un développement durable. L’extrait, tiré des commentaires généraux du PER relatifs à la formation générale, illustre cette visée :

  • La FG permet de clarifier et de rendre opérationnels des apports qui ne relèvent pas uniquement des disciplines scolaires (…) et permet d’aborder les questions socialement vives.

  • Le rôle de la FG est donc de mettre en évidence, entre autres, l’importance d’initier les élèves, futurs citoyens, à la complexité du monde, à la recherche et au traitement d’informations variées et plurielles, à la construction d’argumentations et au débat.

  • La FG identifie des objectifs précis, en propose une progression cohérente tout au long de la scolarité et les met en lien avec les apports disciplinaires. En particulier, elle rend visible la nécessité et la façon de mettre en commun des connaissances et compétences développées dans les domaines disciplinaires en cohérence avec l’éducation en vue du développement durable visée par le projet.

3Accompagné par un autre élément innovant, la présence des « Capacités transversales » (CT), ce plan d’études offre des perspectives réjouissantes. En effet, plaçant ainsi « formation générale » et « capacités transversales » comme éléments transversaux à l’ensemble des disciplines, il ouvre les portes de l’interdisciplinarité et de l’approche systémique, permettant de donner leur plein sens aux savoirs scolaires.

4Cadre conceptuel et référentiel de tout l’enseignement, l’éducation en vue d’un développement durable (EDD) devient donc le fondement de l’ensemble du curriculum scolaire, depuis l’entrée à l’école obligatoire (4 ans) jusqu’au début des études supérieures (15 ans).

5Certes, la présence d’une EDD au cœur de l’enseignement n’est pas le fruit du hasard. La Constitution helvétique, dans RS 101, article 2, place le développement durable comme l’un des objectifs que doit viser la Suisse : « La Confédération suisse favorise la prospérité commune, le développement durable, la cohésion interne et la diversité culturelle du pays. » Ce choix politique et constitutionnel institue de fait ainsi un projet de société auquel l’école doit contribuer. Et si certains cantons ont préféré le terme « interdépendances » à celui de développement durable, c’est bien de l’éducation en général et plus spécialement de celle qui a trait au développement durable dont il est fait mention dans les textes fondamentaux.

  • 2 Voir COHEP, conférence suisse des rectrices et recteurs des hautes écoles pédagogiques, 2010, conso (...)

6Franchissant les frontières linguistiques, la Conférence des rectrices et recteurs des Hautes Ecoles Pédagogiques de Suisse (COHEP), les hautes écoles pédagogiques (HEP) étant les institutions qui forment les futurs enseignants, a initié un projet pour mettre en place la formation initiale des enseignant-e-s en matière d’EDD. Il s’est déroulé en trois phases : début janvier 2010 et fin prévue en janvier 20132.

  • Phase I : effectuer l’état des lieux de ce qui se fait en matière d’EDD dans les institutions de formation des enseignants du pays.

  • Phase 2 : développer des définitions, des références bibliographiques, des modèles de formations et des approches didactiques.

  • Phase 3 : émettre des recommandations pour introduire et/ou renforcer l’EDD dans la formation initiale, continue (et la recherche) des enseignants en Suisse.

7Ce projet, assez habituel dans sa conception, a cependant permis de développer une culture commune sur ce que ceux qui en traitent entendent par éducation en vue d’un développement durable et ceci aussi par-delà les diverses parties linguistiques du pays. Il a permis de concrétiser des pistes de mises en œuvre pédagogiques faisant consensus et permettant des marges d’autonomie aux uns et aux autres pour traiter de questions spécifiques. C’est ainsi qu’est née une véritable banque de données, qui regroupe des textes fondamentaux qui permettent de définir ce vers quoi doit tendre la formation des enseignantes et des enseignants. Elle thésaurise également les différentes pratiques mises en œuvre au sein des établissements de formations des enseignantes et des enseignants, pour autant que ceux-ci puissent attester d’une formation particulière déclarée touchant à l’EDD.

8Les deux sections suivantes sont des exemples tirés de cette banque de données, le premier présentant l’un des textes fondamentaux sur lesquels s’appuie l’EDD et le deuxième la mise en œuvre concrète de la formation dispensée aux étudiants de la HEP de Fribourg.

Enseigner le développement durable ou éduquer en vue d’un développement durable ? De la compréhension du concept au passage à l’acte : les obstacles à franchir

9Parler du DD semble évident, tant les sujets d’actualité s’y prêtent. On peut donc sans difficulté acquérir nombre de connaissances sur n’importe lequel de ces sujets pour autant que l’on ait accès au réseau internet et que l’on soit familier avec l’utilisation des nouvelles technologies de l’information. C’est ce que nous nommons : enseigner le développement durable. Mais enseigner le DD signifie que nous accumulons des connaissances sur un sujet précis, sans forcément développer les compétences nécessaires permettant d’aborder des thématiques différentes. Dès lors, nous avons mis au jour des pistes didactiques qui, au travers d’objectifs spécifiques, sont transversales à tous les domaines liés au DD. Cette différence entre acquisition de connaissances et développement de compétences transférables permet de mieux comprendre ce que nous mettons sous le terme d’EDD.

10À la définition du développement durable proposée par Brundtland (1987), nous préférons celle que propose Dominique Pestre (2011) :

  • Un idéal de justice sociale pour les populations de la planète, d’aujourd’hui et de demain

  • Un idéal de précaution et de justice environnementale

  • Un idéal de débat ouvert et de participation de tous à la décision et aux choix

11Lorsque nous parlons d’idéaux, nous tendons vers quelque chose. C’est-cela que propose la définition de l’EDD sur laquelle s’appuie nos travaux : éduquer en vue d’un développement durable, c’est insuffler un changement d’état d’esprit pour « voir plus loin », anticiper sur l’avenir et agir en conséquence.

12Mais l’action n’est pas seulement dépendante des connaissances. Ainsi, la mention « Fumer tue » sur les paquets de cigarettes a moins d’influence sur les fumeurs que le prix du paquet. Nous pouvons donc poser l’hypothèse que derrière toute action se cachent des valeurs. Ceci peut être illustré par cette image, de l’artiste Valentine Vermeille, présentée à Paris en 2007.

Figure 2. Œuvre d’art de Valentine Vermeille, présentée à Paris en 2007.

Figure 2. Œuvre d’art de Valentine Vermeille, présentée à Paris en 2007.
  • 3 David Orr dans son livre Ecological Literacy (1992) reprend à peu près la même formule : « The cris (...)

13L’artiste, à travers son œuvre, nous propose sa vision du monde, sorte d’idéal pour l’avenir. Nous y voyons les bâtiments existants recouverts de façades végétales et le dallage transformé en gazon. La nature y est domestiquée, sculptée par l’homme et rien n’est réellement remis en question, ni l’urbanisation, ni le type d’habitat ou l’utilisation des sols. Les changements proposés sont de l’ordre de l’esthétisme, mais ne proposent aucune création nouvelle… Or, si nous voulons réellement entrer dans un processus de DD, il ne faut pas seulement « améliorer l’ancien » ou « repeindre la vie en vert »… Il faut réellement changer d’état d’esprit, comme le rappelle cette citation attribuée à Einstein : « On ne peut régler le problème avec l’état d’esprit qui l’a créé3. »

Changer de paradigmes

14L’objectif suprême est donc de parvenir à sortir de nos cadres de référence habituels et de nos paradigmes, qui nous empêchent de penser l’innovation. Les exemples proposant une simple amélioration sont partout, en commençant par la voiture. Les moteurs de celles-ci consomment de moins en moins de pétrole, mais l’augmentation du parc mondial et de leur utilisation a pour conséquence absence de diminution de leur impact environnemental. Il faut donc sortir du modèle « faire mieux » pour entrer dans le « faire autrement ». En l’occurrence, il est nécessaire de sortir du paradigme « voiture » pour penser une mobilité différente, nécessitant peut-être une organisation sociale également différente. L’imagination, la pensée critique et la créativité sont donc au cœur de l’EDD !

15Dans les démarches que nous proposons à nos étudiants ou à nos élèves, les thématiques liées au DD servent de support pour atteindre les objectifs éducatifs évoqués précédemment, ainsi que ceux qui vont suivre. Précisions que, si nous ne minimisons pas l’importance des connaissances, il est néanmoins nécessaire de prendre de la distance vis-à-vis des disciplines classiques. Il est en effet nécessaire de pouvoir sortir la tête de ses champs de compétences spécifiques, de ses problèmes immédiats, voire personnels, pour favoriser le regard systémique, l’un des principes fondamentaux définis entre autres par Morin (1977, 1990, 1999, 2003). Ce principe systémique rejoint celui d’interdépendances, qui permet de mieux comprendre les liens qu’il y a entre le local et le global, ainsi qu’entre les différents acteurs sociaux, du supranational à l’individu.

Développer un esprit critique constructif

16Ensuite, il faut développer un esprit critique vis-à-vis de ce qui est donné à voir, que ce soit à la télévision, sur Internet ou dans les médias. Mais cet esprit critique ne peut se développer que si on laisse la place à la curiosité et à l’apport de connaissances qui aient du sens. Il faut donc offrir des dispositifs qui permettent d’apprendre à regarder derrière les évidences, pour voir l’invisible et ne pas se laisser abuser.

17Cet esprit critique et curieux, qui ne doit pas se laisser abuser, doit aussi être créatif et constructif. En effet, c’est toujours très facile de critiquer. C’est bien plus difficile de proposer autre chose.

18Par exemple, qu’est-ce qui se cache derrière une simple brosse à cheveux ? Du plastique dur, du plastique souple, du métal… qui ne sera pas récupéré au moment de la fin de vie de la brosse. Dès lors que l’on connaît les problèmes liés au pétrole, à son exploitation et à son élimination, couplés à ceux liés au cycle de vie du métal, le bilan écologique de cette brosse est désastreux…

19Penser autrement, c’est tenir compte du besoin lié à l’usage et au confort de la brosse à cheveux, tout en se demandant comment on pourrait en faire un produit qui « nourrit » l’environnement, selon l’idée développée par McDonough et Braungart (2011) plutôt que d’en épuiser les ressources. La réponse pourrait être dans cette brosse à cheveux en bambou, emballée d’un simple carton et de raphia, pourvu que son utilisateur la composte le moment venu, et que les concepteurs pensent à utiliser un caoutchouc naturel ou un autre matériau biodégradable. Il faudrait également que le bambou ne soit pas planté à la place de cultures vivrières et que les conditions de travail des gens qui cultivent le bambou ou qui fabriquent la brosse soient adéquates.

20Réfléchir sur ce qui fait réellement notre confort, sur le choix des matériaux, sur les répercussions que ces choix peuvent avoir sur la qualité de notre vie sociale et environnementale, mais également sur les gains substantiels d’un point de vue économique que permettent ces choix peut aider à sortir de nos habitudes de penser.

21En analysant les problématiques liées au DD, nous en avons tiré des principes qui peuvent guider la réflexion menant vers d’autres manières d’envisager notre rapport au monde. Ceux-ci font partie des objectifs que nous visons à travers l’EDD telle que nous l’envisageons.

Appréhender les principes d’interdépendances de systémique et de relativité

22Précédemment, nous avons déjà évoqué un premier principe, celui d’interdépendances, qui fait écho au principe systémique d’Edgar Morin (1977, 1990, 1999, 2003). Nous y ajoutons le principe de relativité, qu’elle soit dans le temps, l’espace ou les relations humaines.

23En d’autres termes, le DD doit être contextualisé et ne va pas prendre la même forme à Montréal, en Suisse, au Mali, aux États-Unis ou au Bangladesh. Mais cela veut dire aussi que ce qui sera décidé aujourd’hui doit pouvoir être remis en question demain.

Appréhender le principe de non-permanence

24Un troisième principe, celui de non-permanence, se retrouve dans la mise en œuvre de processus, de régulation, ainsi que dans la recherche d’optimum en lieu et place de solution.

25Ce principe vient du fait que le DD est avant tout un processus, et que celui-ci nécessite des recherches d’optimum et des mises en place de régulation. Nous oeuvrons donc dans une urgence qui va prendre du temps… et qu’il faut sans cesse remettre en question : sommes-nous dans la bonne direction ? Nos décisions actuelles sont-elles les plus favorables en matière d’équité sociale, environnementale et économique ? L’exemple de la mise en œuvre des normes ISO 14000 est révélateur. Ce n’est pas parce qu’une entreprise est certifiée qu’elle ne pollue plus ! C’est simplement la preuve qu’elle s’est engagée dans un processus d’amélioration, mais un processus qui pourra prendre plusieurs années.

Appréhender les principes complexes : rétroaction et récursivité

26Les systèmes complexes, largement décrits par Morin (1977, 1990, 2003), font intervenir des principes qui sortent également de nos habitudes de pensée et de nos modes de raisonnement classiques.

27Par exemple, la rétroactivité oblige à sortir d’une vision linéaire d’une cause pour un effet, puisque l’effet peut avoir des répercussions positives ou négatives sur la cause, la modifier et donc modifier ses futurs effets. Ceci se confirme dans bien des thématiques, et les changements climatiques en sont un exemple de choix.

28La récursivité, quant à elle, qualifie un processus dont les produits sont nécessaires à la production du processus lui-même. Il permet de comprendre et d’anticiper de nombreux phénomènes de crise ou de régulation. Par exemple, nous sommes un produit de la société et en même temps producteur de cette même société. En d’autres termes, la société produit des individus qui vont eux-mêmes construire la société de demain. Or, même si ce processus semble linéaire, nous savons que la société évolue et qu’il ne s’agit pas d’une reproduction. Ce simple constat permet de montrer que, si le produit (l’individu) est nécessaire à la production du processus (la société), il ne garantit pas que celle-ci soit identique. Au contraire, il montre combien les éléments « perturbateurs » vont contribuer à son évolution.

Appréhender les principes d’ambivalence, hologrammatique et dialogique

29Le principe d’ambivalence, qui fait également référence aux principes hologrammatique et dialogique décrits par Morin (1990, 2003) dans son approche de la complexité, doit nous aider à sortir de nos aprioris, de nos catalogages faciles, de nos idées reçues. Il doit nous aider à sortir d’une binarité primaire qui divise la planète entre le Nord et le Sud, et dépeint l’humanité en noir et blanc ou entre « bons » et « méchants ».

30Les exemples qui illustrent ce principe n’apparaissent pas seulement dans les relations humaines, mais aussi en sciences. Par exemple, l’effet de serre, l’ozone, les bactéries sont souvent décrits en termes négatifs. Or, l’effet de serre est indispensable à la vie et ce n’est que son augmentation qui peut être décrite comme négative. L’ozone en haute atmosphère est un protecteur indispensable, et sans les mitochondries, les bactéries intestinales, et celles qui dépolluent les eaux et les sols, notre vie ne serait tout simplement pas possible. Il en va de même dans notre existence avec ce que nous avons nommé le « syndrome de la goutte d’eau », qui nous fait croire que notre action individuelle est négligeable. Or, chacune de nos actions et de nos décisions a un impact, qu’il soit positif ou négatif sur notre environnement, qu’il soit naturel, économique ou social. Ce principe n’est pas sans rappeler les principes proposés par Morin (1990, 2003), tels que le principe hologrammatique qui montre que le tout est dans la partie et la partie dans le tout, et dialogique qui unit des logiques qui se complètent et s’excluent. La dualité onde-corpuscule pour le photon (de Broglie, 1924), la théorie du chaos et l’ordre (Gleick et Jeanmougin, 1989) ou la juxtaposition des termes « développement » et « durable » dont l’antinomie oblige à penser différemment sont quelques exemples que propose Morin (1990, 2003) dans ses ouvrages.

Appréhender le principe de non-certitude

31Enfin, et surtout, le DD se caractérise également par un principe de non-certitude, qui oblige à décider dans le flou, le contradictoire, l’incertain, et dont le principe de précaution est représentatif. Ce principe pose l’individu au centre de questions qu’il n’est guère agréable de se poser, mais qui jalonnent pourtant l’ensemble de notre existence : que faire pour « bien » faire ? S’il n’y a pas de solution définitive et unique, quel « optimum » choisir ? Comment faire mieux que ce qui existe actuellement ? Comment me décider quand même les experts ne savent pas tout ?

32L’ensemble de ces principes et les éléments qui en découlent sont présentés dans la figure ci-dessous.

Figure 3. Les différents principes du développement durable (Pellaud, 2004)

Figure 3. Les différents principes du développement durable (Pellaud, 2004)

Apprendre à clarifier ses valeurs

33Il nous faut donc apprendre à gérer les situations dans lesquelles ces différents principes apparaissent, en évaluant les pour et les contre, et surtout en se positionnant par rapport à des valeurs. Nous atteignons là un point crucial de l’EDD : la clarification des valeurs. Celle-ci passe par trois questions fondamentales :

  • savoir ce que l’on veut,

  • pourquoi on le veut,

  • et combien on est prêt à investir pour l’obtenir… en gardant à l’esprit qu’on n’est pas seul au monde !

34En d’autres termes, nous devons à chaque instant nous demander ce qui est le plus important pour nous, et agir en conséquence.

35La réflexion sur l’habitat peut servir d’exemple concret pour illustrer cette clarification des valeurs. Les sociétés occidentales, telles que la Suisse, valorisent l’habitat individuel. Or, ce type d’habitat participe au mitage du paysage, à la diminution des terres agricoles et arables et au gaspillage énergétique, sans apporter de réponse, par exemple, à la solitude des personnes, notamment âgées. Penser dans une optique de DD nécessite de passer de valeurs individualistes à des valeurs sociales, visant d’autres modes relationnels, comme cela se fait dans les éco-quartiers, tels que ceux de Freiburg im Breisgau en Allemagne. Mais les valeurs peuvent conduire à des changements de pratiques, par exemple la végétalisation de l’ensemble des toits des villes, dans une vision urbanistique large. Ces toits végétalisés proposent non seulement des lieux de partage et de loisirs (jeux pour enfants, jardin potager, terrasse commune, etc.), mais par la même occasion, ils permettent de lutter contre l’imperméabilisation des sols et l’effet de serre, ils favorisent la conservation de l’humidité, la régulation des températures et du climat, la biodiversité, etc.

36Cette clarification des valeurs devrait également permettre de lutter contre la déresponsabilisation, qui vient notamment d’une vision de la liberté individuelle comprise sous sa forme perverse de libre arbitre telle que la définit H. Jonas (1984), à savoir : faire ce que je veux, quand je veux, comme je veux et où je veux. Offrir des espaces philosophiques permettant une réflexion et une clarification des valeurs est donc un élément essentiel de cette éducation au DD.

La formation Profil : une idée innovante pour former les futurs enseignants à l’EDD

37Afin de répondre, d’une part aux nouvelles directives du PER en formant des enseignants capables d’utiliser la formation générale comme fil rouge interdisciplinaire et, d’autre part, aux objectifs que vise l’EDD (CIIP, 2007), la HEP de Fribourg a développé des modules de formation des enseignants tout à fait innovants à travers « Le profil Formation générale ». Ceux-ci s’articulent autour de principes interdisciplinaires visant le développement tant de compétences que l’acquisition de connaissances, sur fond de débats éthiques et de clarification des valeurs (CIIP, 2003). Leur structure, leur mise en œuvre dans la grille horaire, leurs contenus visent à permettre à chaque étudiant d’être capable :

  • d’identifier, analyser et proposer des solutions pour des situations éducatives,

  • de planifier, réaliser et évaluer un projet éducatif de plusieurs semaines dans le cadre scolaire,

  • d’analyser des formes d’interdépendance entre l’environnement, la société et l’économie en utilisant les compétences d’une éducation en vue d’un développement durable,

  • de devenir une personne de référence dans la conception et la mise en œuvre de projets éducatifs visant une éducation en vue d’un développement durable, en lien avec la vie intra et extra-scolaire.

38Cette formation s’articule autour de quatre semaines blocs réparties sur les deux dernières années de formation professionnelle. Cette immersion totale des étudiants offre aux étudiants la possibilité de s’investir dans un enseignement qui sort des grilles horaires habituelles (Bertschy et al., 2007). Cet élément, intéressant en-soi, a un double avantage. Outre le fait qu’il favorise l’efficacité dans le travail en focalisant l’attention de l’étudiant sur un objet d’étude particulier, il permet également de vivre pleinement un enseignement qui offre la possibilité de percevoir, par le vécu, les bienfaits du décloisonnement, tant horaire que disciplinaire. L’objectif final, pour l’étudiant étant de parvenir à monter un projet EDD qu’il réalisera durant son stage final de six semaines, nous souhaitons ardemment qu’il reproduise ce modèle d’enseignement dans sa classe d’accueil.

39La HEP de Fribourg forme uniquement les enseignants des degrés primaires. Bien qu’ils devront choisir d’enseigner au cycle I (élèves entre 4 et 8 ans) ou au cycle II (élèves entre 8 et 12 ans), tous seront donc des généralistes, qui suivront leurs élèves dans toutes les disciplines scolaires. Dans la mise en œuvre de projets interdisciplinaires, cet état de fait est un avantage indéniable. Pour autant que l’enseignant ait assez confiance en lui pour organiser son enseignement selon les besoins et les intérêts des élèves et selon les nécessités d’une pédagogie de projet, les thématiques de DD peuvent devenir un véritable leitmotiv pour l’ensemble des élèves et ceci durant plusieurs mois de l’année.

40Dans un tel contexte l’objectif, en tant que formateurs, est d’instiller chez les étudiants ce réflexe interdisciplinaire, à travers une parfaite compréhension des principes systémique et d’interdépendance, le développement d’une pensée critique et prospective ainsi que la mise en évidence de la nécessité d’une clarification des valeurs (Pellaud, 2011 ; Giordan, 2008 ; Bertschy et al., 2007). La démarche de projet occupe une place essentielle tout au long des quatre semaines de formation d’autant plus que cette démarche est aussi exploitée pour la réalisation d’un projet de classe à mener en stage par les étudiants.

41Comme le présente le schéma ci-dessous, l’enjeu majeur réside dans l’élaboration de séquences d’enseignement-apprentissage riches, variées et mettant en évidence un regard systémique sur la problématique retenue. Afin d’éviter la succession d’activités de classe autour d’un thème donné ou choisi, le travail de l’enseignant consiste à définir des objectifs d’apprentissage articulés autour d’un fil rouge donnant du sens à toute cette démarche éducative. Les expériences menées jusqu’à aujourd’hui avec plusieurs volées d’étudiants montrent la difficulté de construire un véritable projet interdisciplinaire de classe intégrant les objectifs disciplinaires.

42Si les maîtres de stage ont une influence très grande au départ de la réflexion de l’étudiant, celui-ci a quand même la possibilité de s’engager dans une démarche innovante et parfois audacieuse. L’objectif est d’éviter directement du stage des intentions aux activités de classe (voir flèche barrée ci-dessous). L’accompagnement des étudiants par les formateurs de la HEP devient alors un maillon essentiel de cette démarche éducative.

Figure 4. Modélisation de la démarche éducative en éducation au développement durable (Unité de recherche didactique des sciences et éducation au développement durable, HEP Fribourg, 2008).

Figure 4. Modélisation de la démarche éducative en éducation au développement durable (Unité de recherche didactique des sciences et éducation au développement durable, HEP Fribourg, 2008).

43Le profil FG comprend quatre semaines de formation en 2e année (2FI) et 3e année (3FI) de formation sous forme de modules et d’un stage d’enseignement en 3FI. Le nombre de crédits ECTS (European Credits Transfer System) est de trois pour l’ensemble de la formation.

Tableau 1. Dispositif de formation profil Formation générale.

Module 1

FG/EDD et enjeux de société

2e année de formation en septembre

1 semaine

0,5 ECTS

Définitions et contextes de la Formation générale

Découverte de ressources documentaires et institutionnelles en Romandie (Lausanne) et en Suisse alémanique (Berne).

Présentation d’outils théoriques et méthodologiques pour conduire un projet FG et répondre à des situations éducatives complexes.

Module 2

Transposition didactique d’une question socialement vive

2e année de formation en juin

1 semaine

0.5 ECTS

Construction de séquences interdisciplinaires en lien avec un enjeu de société.

½ journée dans une classe de stage pour mener quelques séquences élaborées durant la semaine.

Module 3

Élaboration d’un projet FG pour un stage

3e année de formation en septembre

1 semaine

1 ECTS

Construction d’un projet FG de classe avec l’aide de formateur accompagnant le projet

Élaboration d’un document de projet en vue de sa mise en œuvre lors du stage d’enseignement.

Stage d’enseignement

4 semaines en octobre

Conduire le projet FG en classe de stage

Module 4

Valorisation du projet mené en stage

3e année de formation en janvier

1 semaine

1 ECTS

Évaluation et bilan du projet réalisé en classe de stage

Présentation publique du projet

Dépôt du document de validation

Source : Unité de recherche didactique des sciences et éducation au développement durable, HEP Fribourg (2010)

Module 1 de formation

44Le premier travail est un premier contact avec une thématique liée au DD. L’équipe de formateurs a choisi, cette année, de démarrer avec un jeu de discussion portant sur un sujet d’actualité : la consommation de viande. Une telle mise en œuvre devrait rapidement leur permettre de visualiser qu’un tel débat porte autant sur des connaissances liées aux différentes disciplines scolaires (où se fait l’élevage ? Manger de la viande : habitude culturelle de quels peuples ? Peut-on se passer de viande d’un point de vue nutritionnel ? Pourquoi la consommation de viande est-elle liée à la déforestation ? Et à la faim dans le monde ? Etc.) que sur des questions de valeurs, d’éthique qui vont finalement guider les choix personnels.

45L’analyse d’un concept publicitaire d’une grande multinationale présentant leur vision du DD contribuera à mettre en évidence les liens entre économie, écologie et développement social, tout en offrant l’opportunité de développer un esprit critique, sachant regarder « au-delà des apparences ». Une réflexion éthique leur sera également proposée à travers une démarche de philosophie pour enfants afin de les familiariser avec tout ce qui touche à la clarification des valeurs. Enfin, quelques apports théoriques couplés à des recherches bibliographiques, visant à leur faire découvrir les ressources locales à disposition, leur permettront de passer d’une thématique de DD à une question socialement vive afin de réaliser une brochure mettant en exergue les différentes dimensions du DD et les aspects disciplinaires qui s’articulent autour de celle-ci. L’évaluation de la semaine porte sur la réalisation de cette brochure.

Module 2 de formation

46Partant des brochures réalisées lors de la première semaine, un projet d’enseignement est développé, par groupe de 4 étudiants. S’éloignant de la thématique de DD choisie, les étudiants sont entraînés à penser les finalités d’une EDD afin qu’ils puissent inscrire celles-ci dans leurs objectifs tout en les adaptant en fonction de l’âge des élèves qu’ils accueilleront en classe. Encore une fois, un panachage entre apports théoriques et réflexifs et activités de groupe articulées autour de la réalisation de séquences d’enseignement qui seront menées durant une demi-journée jalonne cette deuxième semaine de formation. Une métaréflexion sur cette transposition didactique (Chevallard et Joshua, 1991) sert d’évaluation au module.

Module 3 de formation

47L’essentiel de cette semaine porte sur la construction du projet EDD qui sera mené par l’étudiant en classe de stage. Un travail autonome, accompagné par un formateur, permet à l’étudiant de fixer des objectifs d’apprentissage liés au PER, tout en menant un projet interdisciplinaire dans lequel apparaissent également les objectifs spécifiques d’une EDD.

48C’est certainement à ce niveau que résident le plus de difficultés. Souvent trop attachés au contenu disciplinaire, les étudiants ont beaucoup de peine à anticiper sur les pratiques qui permettront aux élèves de développer des modes de raisonnement différents.

Module 4 de formation

49Ce module se déroule durant le stage final pendant lequel les étudiants mènent en classe leur projet. Il se poursuit avec le travail de rédaction final, qui consiste à porter un regard critique sur la manière dont ils ont mené les activités prévues et les écarts que la pratique a forcément apportés à leurs prévisions.

50C’est à ce stade que s’observent les plus grandes évolutions. Bien souvent, des projets qui semblaient, dans la phase préparatoire, peu porteurs des enjeux d’une EDD s’avèrent extrêmement riches, les étudiants ayant su rebondir sur des situations porteuses de sens et conduisant à un véritable questionnement sur des choix et des valeurs. A contrario, certains projets qui semblaient intéressants n’ont conduit qu’à un enseignement très classique et peu interdisciplinaire.

Obstacles et vertus d’une telle pratique en classe

51L’EDD pose des problèmes de fond que les systèmes scolaire et universitaire ne sont pas toujours prêts à affronter. Notamment, elle nécessite une organisation du temps peu compatible avec les grilles horaires qui structurent l’enseignement tel qu’il se pratique aujourd’hui. Nos étudiants se trouvent donc confrontés à nos exigences, mais également à celles des enseignants qui les accueillent dans leur classe. Si certains sont prêts à faire le « pari EDD », d’autres ont bien du mal à quitter leurs habitudes.

52Dans le même ordre d’idées, des traditions évaluatives telles que celles qui marquent encore, dans le canton de Fribourg, la transition entre écoles primaire et secondaire rendent très difficile l’ouverture à d’autres thématiques que celles qui seront abordées durant cet examen. Enseignants comme élèves redoutent ce passage, et peu sont enclins à quitter les chemins bien balisés qui y conduisent.

53Enfin, la préparation des étudiants à ce genre de projet nécessite un accompagnement très poussé de la part des formateurs et un investissement très grand de la part des étudiants. Ce travail peut aisément se faire avec un nombre restreint d’étudiants, le « profil FG » restant une option sur les trois que propose la formation de notre HEP. Qu’en sera-t-il si l’EDD devient obligatoire dans le cursus et que nous nous retrouvions avec l’ensemble des étudiants à accompagner ?

54En ce qui concerne les vertus, elles résident essentiellement dans le plaisir qu’éprouvent les étudiants à mener leur projet en classe et celui qui émane des élèves. Un vrai projet, porteur de sens, et qui nécessite une réelle construction commune menant à une meilleure compréhension du monde est toujours accueilli avec bonheur en classe, quel que soit l’âge des élèves. Il est trop tôt encore pour savoir si nous pouvons réellement avancer l’idée qu’un tel enseignement conduit à de réels changements de pratiques pour les enseignants et de manière de penser pour les élèves. Par contre, nous pouvons affirmer, suite à plusieurs évaluations internes à notre institution, que les étudiants qui ont mené avec succès de telles pratiques en classe apportent à leurs collègues des savoirs-faire réinvestissables.

L’approche interdisciplinaire dans la formation des enseignants à la Haute École pédagogique de Fribourg : comment initier un processus complexe dans une institution du tertiaire ?

55Il est attendu des enseignants de Suisse romande qu’ils mettent en œuvre un nouveau plan d’études dans les cycles préscolaire, primaire et secondaire (Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin, 2010). Les grandes nouveautés de ce document se situent plus dans les aspects transversaux des domaines de la Formation générale (FG) et des Capacités transversales (CT) que dans les domaines disciplinaires. De nouvelles connaissances et compétences sont donc attendues des enseignants qui mettront en pratique cet outil. En tant qu’institution de formation des maîtres primaires, la HEP de Fribourg se doit de proposer des outils de pensée et de travail à ses étudiants.

56L’ensemble du corps professoral de notre école se trouve confronté à un dilemme : sans cesse nous prônons l’ouverture, la collaboration et l’approche interdisciplinaire à nos étudiants, futurs enseignants primaires, mais nos pratiques professionnelles institutionnalisées restent définitivement dans une approche sectorielle et disciplinaire.

57Afin de sortir de ce paradoxe du « faites ce que je dis, pas ce que je fais », nous avons proposé à nos collègues de se pencher sur la question de l’interdisciplinarité. Notre institution peut-elle permettre à nos étudiants de vivre dans leur cursus de formation la complexité liée à la transversalité, véritable défi épistémologique, méthodologique et institutionnel pour certains auteurs (Darbellay et Paulsen, 2008) ? Est-il possible pour une haute école pédagogique de tenter, en tant qu’établissement du tertiaire, d’entrer dans un véritable processus interdisciplinaire ayant pour cadre une éducation en vue d’un développement durable ? Quelle est la faisabilité d’un tel projet ? Comment les formateurs voient-ils arriver ce nouveau dispositif de formation ? Quel sera l’impact d’un tel enseignement sur les étudiants ainsi que sur l’équipe enseignante ? Quelles liaisons entre le terrain et l’institution pourront être faites, notamment par le levier de la formation continue ?

Premiers résultats

58Nous avons profité d’une journée pédagogique mise à notre disposition pour rassembler les acteurs intéressés par ce processus. En amont de cette journée, nous avons questionné le corps professoral afin d’entendre les besoins et les doutes de chacun.

59Le texte ci-dessous présente quelques-uns des résultats issus du questionnaire préliminaire. Ce sont des résultats bruts que nous livrons ici. Ces éléments serviront de base de travail pour la mise sur pied d’un processus interdisciplinaire au sein de notre institution.

60Le questionnaire a été envoyé à l’ensemble des enseignants de la HEP, soit une centaine d’intervenants ayant des statuts relativement différents. Il y a des professeurs de branches didactiques ou professionnelles, des chargés de cours, des formateurs praticiens (enseignants primaires formateurs). Quarante-neuf questionnaires ont été remplis (35 francophones et 14 germanophones), à savoir environ la moitié de l’échantillon maximum. Il n’y a pas eu de mise au point sur une définition de l’inter- ou de la transdisciplinarité en amont du questionnaire. Nous manipulons ces termes au quotidien et les définir de manière stricte dans notre type de questionnaire aurait probablement appauvri les réponses des collègues. En effet, une grande majorité des formateurs pensent pratiquer une forme d’interdisciplinarité au sein même de leurs cours. Certains parce qu’ils estiment que leur matière est, par essence, interdisciplinaire ou qu’ils sont déjà persuadés de l’utilité d’une telle approche, d’autres parce que cela fait partie des exigences, notamment celles du PER.

61Ayant une perspective de mise en œuvre d’un projet interdisciplinaire à moyen terme avec nos collègues formateurs, nous nous sommes d’abord arrêtés sur les difficultés qu’ils relevaient. Ainsi, nous relevons 3 types de facteurs limitant la pratique de l’interdisciplinarité (Tableau 2).

Tableau 2. Facteurs limitant une pratique interdisciplinaire

Facteurs limitants

Intitulés catégorisés

Facteurs institutionnels directeurs

Pas prévu dans le concept de formation.

Ce n’est pas vraiment souhaité.

Facteurs institutionnels organisationnels

Pas possible avec l’horaire. (2)

Pas possible avec le calendrier.

Le changement de bâtiment n’aide pas.

Facteurs personnels

Pas possible avec mon cours. (2)

J’aime l’autonomie et ne veux pas dépendre des autres.

Je n’ai pas eu le temps. (2)

62Nous avons également distingué l’importance que revêt l’interdisciplinarité dans un contexte d’apprentissage de la manière suivante : le contexte scolaire et le contexte institutionnel HEP. Les réponses pouvaient être données sur une échelle de 1 à 5, 5 étant l’importance maximum.

Figure 5. Importance donnée à l’interdisciplinarité dans les contextes scolaires

Figure 5. Importance donnée à l’interdisciplinarité dans les contextes scolaires

63Le premier constat que nous faisons est que, dans la scolarité obligatoire ou à la HEP, l’interdisciplinarité est considérée comme un élément important. Un second constat est que personne ne trouve que ce processus n’a pas sa place dans la scolarité. Seules 3 personnes estiment qu’elle a peu sa place en institution. Enfin, un dernier constat brut est qu’on remarque une légère différence selon le contexte, à savoir une importance plus forte en milieu scolaire qu’en institution de formation d’enseignants.

64Dans la même ligne, il nous paraissait intéressant de mesurer la transférabilité de la formation générale et des capacités transversales au sein de notre institution. Il faut savoir qu’une partie des étudiants de la HEP ont une formation spécifique au domaine de la formation générale, la formation profil décrite plus haut. Peu de collègues sont touchés par ce dispositif de formation en tant qu’intervenants dans les semaines de cours. C’est plutôt comme invités lors des présentations des projets menés par les étudiants qu’ils découvrent la richesse des divers travaux. Les deux tiers des réponses nous indiquent que le regard multiple, ou la pensée systémique mise en œuvre dans les projets profil des étudiants, seraient transférables à la HEP. N’oublions tout de même pas de mentionner qu’environ un quart répond « je ne sais pas » à cet item. Il faut probablement comprendre là un manque de connaissances liées aux projets profil, ou alors, un souci de clarté, de ce qu’impliquerait une mobilisation personnelle de la part des collègues.

65Il n’en demeure pas moins que l’intérêt est manifeste, puisque les trois quarts des interviewés répondent positivement à la proposition de participer à un projet d’envergure. Seule une personne répond négativement alors que les derniers « ne savent pas », ce qui mériterait d’être approfondi afin de déceler le manque d’informations ne permettant pas de se positionner.

66Vingt-neuf personnes ont des idées à proposer alors que vingt autres n’en ont pas ou n’ont pas répondu à cette question. Sur l’ensemble des propositions, nous avons d’abord distingué l’existant de l’innovant. Nous appelons « innovantes » des démarches que nous n’avons pas encore mises en œuvre dans notre institution ; cela ne veut pas dire que ces démarches sont nouvelles d’un point de vue global pédagogique. Nous tentons ici de dresser une liste de ces idées proposées, tout en les regroupant à nouveau en catégories.

Tableau 3. Exemples de pratiques innovantes.

Catégories d’idées innovantes

Exemples d’intitulés

Nouvelle organisation de travail

Combiner les cours de divers domaines disciplinaires.

Favoriser l’enseignement conjoint (divers spécialistes sur une thématique : team-teaching).

Conférences interdisciplinaires.

Semaine d’étude « pédagogie de projet ».

Décloisonnement.

Projet « hors école ».

Travailler en cycles.

Nouvelles collaborations sur les tâches complexes (processus d’évaluation).

Collaboration avec le monde économique et les entreprises.

Co-construction des cours.

Collaboration avec des experts externes.

Outils facilitateurs

Mise en place de rituels.

Le dé didactique (Revis projekt).

Jeux de rôles, jeux de discussion.

Approfondissement de l’approche systémique.

67Il nous paraît évident que les idées proposées dans le point précédent demandent des conditions-cadres claires du point de vue des formateurs. Celles-ci sont très nombreuses et nous les avons regroupées de la manière suivante.

Figure 6. Conditions-cadres à la réussite d’un processus interdisciplinaire.

Figure 6. Conditions-cadres à la réussite d’un processus interdisciplinaire.

68Nous ne voyons pas forcément d’ordre dans les conditions-cadres énoncées par les formateurs. Essayons simplement, dans cette partie de résultats, de donner quelques exemples d’énoncés éclairant nos 5 catégories.

Tableau 4. Exemples d’énoncés illustrant les conditions-cadres attendues.

Catégories de conditions-cadres

Exemples d’énoncés

Conditions de stratégie globale

Stratégie et volonté claires de la direction

Pratiquer régulièrement une évaluation du processus et une évaluation des étudiants

Ne pas se lancer tête baissée, être coaché, supervisé, accompagné dans le processus

Clarification des compétences demandées aux formateurs

En premier le concept pédagogique et ensuite l’intendance (horaire, conditions...)

Que le projet fasse partie d’une recherche-action documentée

Conditions spatio-temporelles

Un horaire réfléchi en conséquence

Du temps surtout au départ pour s’informer, réorganiser, repenser

Du temps à l’horaire et dans le cahier des charges

Des plages communes institutionnalisées

Avoir un espace d’essai qui sera évalué

Conditions langagières

Avoir une culture commune, avoir une connaissance des concepts

Consensus autour du contenu

Éviter à tout prix que l’interdisciplinarité et la soit un alibi pédagogique

De la formation continue d’ici à CK13

Que les étudiants acquièrent des bases en systémique

Conditions de participation coopérative

Déployer une collaboration intense

Bienveillance et absence de jugement

Ouverture d’esprit

Une équipe moteur

Possibilité de laisser tomber s’il y a incompatibilité avec des collègues

Esquisse de projet en équipe de formateurs - étudiants soumis à tous

Conditions de contenus

S’intéresser aux contenus des autres

Donner du sens aux savoirs éparpillés

Faire des liens avec la pédagogie de projet

Intérêt et ouverture mutuels pour l’autre branche

Décloisonnement des didactiques

Prochaines étapes

69L’approche interdisciplinaire au sein d’une institution du tertiaire est bel et bien un processus complexe à initier. Le questionnaire soumis à une cinquantaine d’enseignants de la Haute École Pédagogique de Fribourg, institution bilingue de formation des maîtres préscolaires et primaires, met bien en évidence les freins, mais aussi les potentiels d’une telle approche. Nous constatons d’abord que le corps enseignant, dans sa grande majorité, est ouvert à examiner et vivre cette interdisciplinarité. Le corps professoral pense tout de même qu’un tel processus est probablement plus simple à mettre en place dans le terrain de l’école obligatoire.

70Des îlots d’interdisciplinarité existent déjà et des pratiques innovantes ont vu le jour sous l’égide de quelques individualités. Il s’agira, pour notre équipe, de décortiquer et définir ces îlots afin de leur donner du corps et les faire perdurer. Il s’agira également de mettre en parallèle nos résultats et les modèles proposés par des auteurs comme Colet et Tardif (2008).

71Des conditions-cadres sont nécessaires à la viabilité d’un tel processus et pour que les bénéfices de l’interdisciplinarité ne soient pas une charge supplémentaire pour les formateurs.

72La journée pédagogique organisée en aval du questionnaire a également débouché sur des pistes intéressantes. Des projets exploratoires ont déjà vu le jour, tels qu’une journée organisée par les responsables du domaine « corps et mouvement » et portant sur les Jeux Olympiques dans laquelle s’est greffée toute une réflexion philosophique et portant sur des enjeux de développement durable.

73À l’heure actuelle, bénéficiant du soutien de la direction, nous mettons en place un séminaire de réflexion qui regroupera, sous l’égide de la formation continue, les formateurs intéressés à développer des projets interdisciplinaires.

74Les résultats bruts de notre questionnaire devraient servir de planche d’appel à des interviews des collaborateurs de notre institution. Ce second volet de recherche nous permettrait d’affiner les propos relevés, de répondre au mieux aux attentes des collègues et nous aiderait à initier ce processus complexe, tout en n’omettant pas notre public premier, celui des étudiants, partie intégrante de l’interdisciplinarité visée.

Conclusion

75À l’heure actuelle, un premier constat peut être fait : après plusieurs années durant lesquelles l’interdisciplinarité a été formulée comme un vœu pieux dans les programmes scolaires, les conditions-cadres semblent enfin être posées pour que celle-ci devienne une réalité au sein du système scolaire suisse. Les exemples que nous avons présentés montrent d’une manière assez claire que, pour permettre la généralisation et la mise en œuvre d’une telle idée, il est nécessaire de travailler de manière concertée à plusieurs niveaux. Les approches « Top-Down » et « bottom-up », pour reprendre les expressions anglophones, doivent être convergentes. La seule volonté politique, aussi bien que la seule volonté des enseignants est insuffisante en soi pour permettre le démarrage d’un véritable processus de changement. Il est nécessaire que les actions soient coordonnées et proviennent d’acteurs oeuvrant dans des niveaux décisionnels différents. De cette manière, chacun devient relais de l’autre, engendrant du même coup un processus récursif permettant d’envisager la pérennité du système.

76C’est actuellement ce qui se passe en Suisse et plus particulièrement au sein de notre HEP. Le PER, en plaçant la FG et l’EDD au cœur de l’enseignement obligatoire officialise la place de l’interdisciplinarité au sein des programmes scolaires. Le projet COHEP profite de cette nouvelle ouverture pour entamer un processus collaboratif débouchant sur la formulation de textes fondateurs à cette mise en œuvre généralisée de l’interdisciplinarité axée autour d’une EDD. La formulation de ces bases communes n’a pu être réalisée que grâce à l’avancée des réflexions portant sur les éléments didactiques et pédagogiques sous-jacents à ces changements. Parallèlement, et de manière anticipée par rapport au projet COHEP, la HEP de Fribourg s’est lancée dans des projets novateurs au niveau de la formation des enseignants, injectant ainsi dans le système des praticiens formés à ces approches. Enfin, les formateurs eux-mêmes face à cette évolution dans laquelle ils sont entraînés ressentent le besoin d’examiner de nouvelles manières de fonctionner au sein de l’institution.

  • 4 De Rosnay (1975), Morin (1977) en tant que sociologues et Develay (1996), Mérieu (1985), Giordan (1 (...)

77Un regard « historique » nous montre également que cette convergence de plusieurs éléments est indispensable à ce processus de changement. En effet, alors que les grands penseurs de la société et de l’école4 mettent le doigt sur l’importance de l’approche systémique depuis plus de 30 ans, il aura fallu que l’avènement de la pensée complexe, et en son sein, celui du développement durable, montre les limites de l’approche analytique, sur laquelle sont fondées toutes les approches disciplinaires, avant que le politique ne s’empare d’une problématique telle que l’interdisciplinarité.

  • 5 Voir à ce propos : L’éducation en vue d’un développement durable : enjeux, objectifs et pistes prat (...)

78Bien que l’ensemble de ce que nous avons décrit offre une vision encourageante et positive, nous restons conscients que rien n’est encore stabilisé et que nous devons être très vigilants afin de consolider rapidement les bases ainsi posées. Notamment, il est maintenant essentiel d’offrir des moyens d’enseignement qui vont permettre à tous les enseignants d’entrer de manière simple et conviviale dans ce qui peut être considéré comme une véritable « révolution » de l’enseignement obligatoire. Tout en continuant les travaux décrits précédemment, notre équipe s’attelle à développer de tels outils5.

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Notes

1 http://www.plandetudes.ch/web/guest

2 Voir COHEP, conférence suisse des rectrices et recteurs des hautes écoles pédagogiques, 2010, consortium EDD, site : http://www.cohep.ch/fr/consortiums-projets/consortium-edd-de-la-cohep

3 David Orr dans son livre Ecological Literacy (1992) reprend à peu près la même formule : « The crisis cannot be solved by the same kind of education that helped create the problems. » p. 83.

4 De Rosnay (1975), Morin (1977) en tant que sociologues et Develay (1996), Mérieu (1985), Giordan (1998, 2002), Perrenoud (2011) en tant que penseurs de l’école pour ne citer que les plus connus.

5 Voir à ce propos : L’éducation en vue d’un développement durable : enjeux, objectifs et pistes pratiques interdisciplinaires. Article actuellement soumis à la Revue Interdisciplinaire de Didactique.

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List of illustrations

Title Figure 1. Présentation du plan d’études romand (PER)
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/13213/img-1.jpg
File image/jpeg, 80k
Title Figure 2. Œuvre d’art de Valentine Vermeille, présentée à Paris en 2007.
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/13213/img-2.jpg
File image/jpeg, 24k
Title Figure 3. Les différents principes du développement durable (Pellaud, 2004)
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/13213/img-3.jpg
File image/jpeg, 108k
Title Figure 4. Modélisation de la démarche éducative en éducation au développement durable (Unité de recherche didactique des sciences et éducation au développement durable, HEP Fribourg, 2008).
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/13213/img-4.jpg
File image/jpeg, 60k
Title Figure 5. Importance donnée à l’interdisciplinarité dans les contextes scolaires
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/13213/img-5.png
File image/png, 10k
Title Figure 6. Conditions-cadres à la réussite d’un processus interdisciplinaire.
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/13213/img-6.jpg
File image/jpeg, 12k
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References

Electronic reference

Francine Pellaud, François Bourqui, Bertrand Gremaud and Lionel Rolle, « L’éducation en vue d’un développement durable dans la formation des enseignants en Suisse : entre directives ministérielles et mises en œuvre pratiques
 », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Hors-série 13 | janvier 2013, Online since 16 January 2013, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/13213 ; DOI : 10.4000/vertigo.13213

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About the authors

Francine Pellaud

Dr. en sciences de l’éducation, responsable de l’unité de recherche en éducation en vue d’un développement durable et professeur, Haute école pédagogique de Fribourg – LDES, Genève, Suisse, Courriel : pellaudf@edufr.ch

François Bourqui

Professeur, Haute école pédagogique (HEP), Rue de Morat 36, 1700 Fribourg Suisse

Bertrand Gremaud

Professeur, Haute école pédagogique (HEP), Rue de Morat 36, 1700 Fribourg Suisse

Lionel Rolle

Professeur, Haute école pédagogique (HEP), Rue de Morat 36, 1700 Fribourg Suisse

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