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Éducation et développement durable dans les universités et les cégeps, une nécessaire intégration

Introduction

Full text

  • 1 Collège d’enseignement général et professionnel

1Comme l’ensemble des acteurs sociaux, nos établissements d’enseignement sont appelés à se positionner à l’égard du développement durable. C’est dans cette perspective qu’ont été adoptées un ensemble de déclarations (Tbilisi en 1977, Talloires en 1990, Halifax 1991, Swansea 1993, Barcelone en 2004, Principles for Responsible Management Education en 2007) et que 2005-2014 a été promulguée la décennie des Nations Unies pour l’éducation en vue du développement durable. Centrant leur mission sur l’intégration du développement durable à la formation ou aux établissements d’enseignement plus largement, on compte plusieurs organisations œuvrant en éducation relative à l’environnement ou au développement durable tels que le Center for Ecoliteracy et l’Association for the Advancement of Sustainability in Higher Education aux États-Unis, le Réseau canadien d’éducation et de communication relatives à l’environnement au Canada ou les Établissements verts Brundtland et l’Association québécoise pour la promotion de l’éducation relative à l’environnement au Québec. De plus, le plan d’action de développement durable du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport vise notamment à ce que les réseaux d’éducation intègrent le développement durable à la formation des jeunes (MELS, 2009). Une nouvelle génération d’élèves plus sensibilisés aux enjeux de développement durable est donc aux portes des cégeps1 et des universités québécoises.

2Alors que le Québec abrite une solide expertise en matière d’éducation relative à l’environnement, tant en ce qui concerne la recherche que la pratique, l’intégration du développement durable à la formation postsecondaire spécifiquement est un tout nouveau champ de recherche, surtout développé en Europe (voir Cotton, Ferrer-Balas, Jones, Jucker, Holmberg, Mulder, Summers, Tilbury notamment), en Océanie (Cusick, Ferreira et Hurlimann) et aux États-Unis (voir Chase et Rusinko). Ces recherches portent, par exemple, sur les facteurs de succès et les défis de l’intégration de l’EDD aux études supérieures, sur les formules pédagogiques ou encore sur l’intégration du développement durable à une discipline (génie, administration ou éducation).

3Le présent numéro thématique sur l’intégration du développement durable à la formation postsecondaire prend sa source dans les colloques Éducation et développement durable dans les universités et les cégeps, une nécessaire intégration et Développement durable et formation postsecondaire : Objectifs d’apprentissage et pratiques innovantes qui se sont déroulés aux printemps 2011 et 2012. Ces colloques étaient organisés dans le cadre d’un projet de collaboration que mènent deux universités et cinq cégeps québécois visant l’intégration du développement durable à la formation (voir www.pacte2d.ca). Chercheurs en éducation, en développement durable ou d’autres disciplines ainsi que des enseignants collégiaux et universitaires ont alors été conviés à réfléchir à l’intégration du développement durable à la formation postsecondaire. Les objectifs étaient de permettre le développement d’une expertise de recherche tout en mettant en valeur des pratiques en EDD, spécifiques au système d’éducation postsecondaire québécois et aptes à contribuer aux défis que se sont donnés certains cégeps et universités québécois en matière d’EDD.

4L’éducation au développement durable dans nos établissements d’enseignement n’est pas nouvelle si l’on considère l’ensemble des programmes spécialisés en environnement et en développement durable qui ont vu le jour depuis les trois ou quatre dernières décennies. Toutefois, à la lumière des enjeux et défis de développement durable, plusieurs d’entre eux ont ou sont en voie d’actualiser leurs objectifs quant à la finalité des études. À cet égard, le Cégep de Sherbrooke a intégré le développement durable dans son projet éducatif comme compétences que doivent acquérir les étudiants. Une préoccupation plus nouvelle concerne l’intégration du développement durable à l’ensemble des programmes de formation professionnelle et générale. C’est donc la pratique des futurs professionnels ainsi que la vie citoyenne des étudiants qui sont visées, postulant que les enjeux du développement durable ne touchent ni n’interpellent que les spécialistes de l’environnement et du développement durable. L’ensemble des professionnels et citoyens est concerné. Et ce n’est peut-être même qu’en mobilisant un maximum d’acteurs qu’on arrivera à développer et mettre en œuvre des stratégies plus efficaces et plus à même d’apporter des solutions à l’ensemble des défis environnementaux, sociaux et économiques auxquels nos sociétés font et feront face.

Éducation au développement durable, quels objectifs d’apprentissage ?

5Parmi les enjeux abordés lors des colloques tenus en 2011 et 2012, la question des connaissances et des compétences en matière de développement durable est centrale. Quelles sont les connaissances à acquérir et les compétences à développer chez les étudiants des cégeps et des universités en lien avec le développement durable ? Lors des discussions tenues dans le cadre de ces colloques, il apparaît que les objectifs d’apprentissage généraux à poursuivre en matière d’EDD convergent, et ce, peu importe la discipline d’origine. Voici quelques éléments pouvant être identifiés à cet égard.

6Premièrement, dans un monde qui se complexifie, exposer les étudiants à la pensée systémique apparaît essentiel. L’enjeu est donc d’enseigner aux étudiants, par exemple, qu’une intervention en x peut engendrer des conséquences totalement inattendues en y.

7La question de l’interdisciplinarité est une autre composante majeure des objectifs d’apprentissage en matière de développement durable. Plus concrètement, presque tous les présentateurs aux colloques de 2011 et 2012 ont évoqué l’importance de former les étudiants au travail en équipes multidisciplinaires. Ainsi, parallèlement à la formation spécialisée qui demeure essentielle, il a été suggéré que les étudiants doivent également développer des connaissances et un savoir-faire multidisciplinaires leur permettant ainsi de mieux interagir avec leurs collègues d’autres spécialités.

8Un troisième élément à intégrer dans les objectifs d’apprentissage a trait à l’importance de cultiver le sentiment de pouvoir agir chez les étudiants. Cela est apparu pour plusieurs comme fondamental dans la mesure où certains enseignants ont témoigné du pessimisme qu’ils perçoivent chez les étudiants face à la gravité et à la complexité des problèmes que traversent nos sociétés. Un moyen évoqué pour contrer ce pessimisme est d’inviter les étudiants à passer à l’action, de les faire travailler sur des projets concrets, en collaboration avec des acteurs de la collectivité par exemple. Plusieurs présentations et interventions lors des colloques ont également relaté l’importance d’une pédagogie plus active visant en quelque sorte à « faire vivre » le développement durable, en plus de l’expliquer et de transmettre des connaissances spécifiquement liées à ce concept.

9Ces différents éléments ou objectifs d’apprentissage, le développement de la pensée systémique, l’interdisciplinarité ainsi que le passage à l’action convergent avec ce que d’autres auteurs (Svanstrom et al., 2008) ou groupes (tels For Sustainable Future ou l’ACPA College Student Educators International) ont proposé en matière d’éducation au développement durable. Ces éléments gagneraient à être complétés et précisés dans un référentiel de compétences commun traduisant une vision partagée de l’éducation au développement durable d’une part. D’autre part, le défi d’évaluer l’acquisition de ces compétences est entier et constitue un chantier de travail à ne pas négliger.

Regards croisés sur l’intégration du développement durable à la formation

10Partant de ces considérations générales sur l’éducation au développement durable, le présent numéro aborde l’intégration du développement durable à la formation selon différentes perspectives qui témoignent de la diversité des approches et points de vue en la matière.

11Une première perspective est celle de la formation de spécialistes dans le domaine de l’environnement et du développement durable. Cette avenue n’est pas nouvelle si l’on pense par exemple au programme de la maîtrise en environnement de l’Université de Sherbrooke qui est offert depuis 1974 ainsi que l’Université du Québec à Chicoutimi qui offre le DESS en éco-conseil depuis 2001. Le texte de Drouin et Montpetit, ainsi que celui de Claude Villeneuve présentent des leçons tirées du processus de développement et d’amélioration de ces formations spécialisées en environnement et en développement durable. Les deux expériences, bien que distinctes à plusieurs égards, mettent en exergue l’importance de la multidisciplinarité, à l’échelle des cohortes étudiantes comme à l’échelle des équipes de formateurs ce qui constitue par ailleurs un défi de taille. Des approches pédagogiques amenant les étudiants à travailler sur des projets concrets et à développer des expériences pratiques caractérisent également les deux initiatives. Dans la perspective plus globale d’intégration du développement durable à la formation générale et professionnelle, l’enjeu est donc de permettre à l’ensemble des facultés et départements de bénéficier de cette expertise, voire de la transposer, en vue de la formation de l’ensemble des futurs diplômés tous domaines confondus aux enjeux du développement durable.

12Une seconde perspective proposée dans le présent numéro est celle de l’intégration du développement durable à la formation professionnelle. En prenant comme unité de base le programme, deux textes offrent des réflexions relativement à deux expériences dans les domaines de l’économie et du tourisme respectivement. L’article de Catherine Figuière et Michel Roca présente le cas du Master d’économie à l’Université des Sciences Sociales de Grenoble dans le cadre duquel les étudiants peuvent choisir plusieurs activités pédagogiques sur le développement durable et l’entreprise. Le suivi des cohortes montre que, tout en souhaitant conserver leur orientation développement durable, des étudiants choisissent le Master 2 pro « Expertise socio-économique et conduite du changement organisationnel » leur permettant d’aborder le développement durable implicitement sous l’angle du changement organisationnel, ce qui est par ailleurs essentiel à tout « virage » développement durable et rencontre également les attentes des employeurs. L’article de Marie-Janou Lusignan témoigne pour sa part de l’intégration progressive du développement durable qui s’effectue au programme de techniques de tourisme du Cégep de Granby – Haute-Yamaska depuis les dix dernières années. Ce qui fut d’abord une initiative de quelques enseignants sensibles aux questions de développement durable s’est transformé graduellement en une prise de conscience qui s’est opérée à l’ensemble du département.

13En complément de ce qui précède, Anouk Desjardins, Louise Millette et Éric Bélanger présentent une expérience plus spécifique, celle de l’intégration du développement durable par les principes et la démarche de conception dans un cours projet pluridisciplinaire offert aux étudiants de tous les programmes de génie de la dernière année du baccalauréat à l’école Polytechnique de Montréal auquel prennent également part des étudiants de l’École d’Architecture de l’Université de Montréal. Visant à mieux former les étudiants en gestion environnementale et en développement durable, ce cours a été développé dans la foulée du processus de refonte des programmes de baccalauréat en génie de Polytechnique en vue de rencontrer les compétences dictées par le Bureau Canadien d’Accréditation des Programmes d’Ingénierie (BCAPI). L’article de Desjardins, Millette et Bélanger met en lumière le double défi d’intégrer le développement durable en génie qui d’une part, ne peut se résumer à des solutions techniques vertes, mais implique une véritable prise en compte des aspects sociaux, réflexe qui n’est pas toujours naturel pour les ingénieurs et qui d’autre part, implique de développer un langage commun à l’ensemble des spécialités du génie. L’article de Céline-Coralie Mertenat, Daniel Pearl et Carmela Cucuzzella s’inscrit aussi dans la perspective d’intégrer le développement durable à l’échelle d’une formation professionnelle, dans ce cas, celle d’architecture et selon un point de vue national. L’article fait état d’une initiative originale qui se déroule depuis 2002, le forum national « Verdir le diplôme d’architecture au Canada » qui est un projet visant l’échange d’idées, de ressources et d’expertise sur l’intégration du développement durable dans les curriculums des dix écoles canadiennes d’architecture. Chaque université a la possibilité de poser des questions sur des enjeux majeurs de la formation, d’en débattre et d’y répondre.

14Une troisième perspective est incarnée par l’article de Marc Boutet qui présente la force étudiante comme un levier de l’intégration du développement durable à l’ensemble de l’établissement et à la formation plus spécifiquement par le service communautaire. Dans le cadre de projets d’apprentissage dans la communauté, les étudiantes et étudiants peuvent mettre leurs connaissances et compétences au service des organismes de la collectivité, permettant à ceux-ci de mieux accomplir leur mission.

15Enfin, une quatrième perspective de l’intégration du développement durable à la formation peut être qualifiée d’institutionnelle et est incidemment plus macro. L’article de Bisaillon et Webster fait la revue de différentes stratégies déployées par des établissements, des programmes ou des enseignants. Les auteurs soutiennent que l’intégration du développement durable au parcours des étudiants passe non seulement par la voie académique, mais aussi par les activités péri-académiques ou parascolaires, voire par l’ensemble du cadre de vie qu’incarne l’établissement. D’une perspective encore plus macro, cet article explore la collaboration interinstitutionnelle comme vecteur de l’intégration du développement durable à la formation et à nos établissements d’enseignement plus généralement. Finalement, l’article de Pellaud, Bourqui, Gremaud et Rolle, offre un portrait fort complet des modalités d’intégration de l’EDD et de l’interdisciplinarité dans le système scolaire romand, en partant des directives ministérielles jusque dans la formation des futurs maîtres tout en explicitant les fondements théoriques de cette EDD en question.

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Bibliography

AASHE. [En ligne]. http://www.aashe.org/.

AQPERE. [En ligne]. http://www.aqpere.qc.ca/ .

Center for Ecoliteracy. [En ligne]. http://www.ecoliteracy.org/ .

EECOM. [En ligne]. http://www.eecom.org/index.php ?lang =fr.

Établissements Verts Brundtland. [En ligne]. http://www.evb.csq.qc.net

MELS. 2009. Plan d’action de développement durable 2008-2012 - s’éduquer à la beauté du monde, 24 p. [En ligne]. http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/publications/publications/BSM/PlanActionDeveloppementDurable2008-2012.pdf

Svanstrom, M., Lozano-Garcia, F. et Rowe, D. (2008). Learning Outcomes for Sustainable Development in Higher Education. International Journal of Sustainability in Higher Education, vol. 9, n° 3, p. 339-351.

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Notes

1 Collège d’enseignement général et professionnel

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References

Electronic reference

« Ã‰ducation et développement durable dans les universités et les cégeps, une nécessaire intégration Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Hors-série 13 | janvier 2013, Online since 16 January 2013, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/13222 ; DOI : 10.4000/vertigo.13222

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