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Éducation environnementale et  programmes d’alphabétisation au Burkina Faso

Cas de l’eau
Maxime Compaore

Abstracts

Burkina Faso, a sahelian country, has an economy essentially based upon agriculture. About 80% of the population is illiterate and live on agriculture and stock breeding in a climatic context which is not always favourable. In its history, the country has experienced cases of drought which has contributed to increase the population poverty and misery. The water issue is central for this poor country, enclosed in the center of Western Africa. Every year, water supply shortage is very frequent as well in the rural milieu as in in the urbain one. In such a context, how to promote an education centered on a good management of the scarce existing resources? One of the solutions recommended for the reduction of poverty in general and the endogeneous development in particular rests in the organization of litteracy campaigns. The approach used is a participatory one and concerns very sensitive subjects such as water, hygiene, health, etc.

Our paper look on the one hand into the taking into account of water issue in the organization of literacy lessons and on the other hand into the impact of literacy compaigns on the populations behaviours with regard to the set of water supply problems.

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Full text

Introduction

1Le lien entre l’éducation et le développement se confirme de plus en plus dans les pays les moins avancés. En effet, l’éducation y joue un rôle de principal facteur des transformations sociales et de croissance économique. C’est pourquoi les états accordent de l’importance à l’organisation de ce secteur vital.

  • 1  Statistiques du Ministère de l’enseignement de base et de l’alphabétisation (MEBA), 2002.
  • 2  Loi d’orientation de l’éducation, DPU, Ouagadougou, 1996, p.10.

2Le système éducatif du Burkina Faso se caractérise d’une part, par une faiblesse des taux de scolarisation (43% en 2002)1 et d’alphabétisation (28% en 2002); et d’autre part, par de grandes disparités régionales et sexuelles. La Loi d’orientation de l’éducation classifie l’alphabétisation dans la composante éducation non formelle qu’elle définit ainsi qu’il suit : "L’éducation non formelle concerne toutes les activités d’éducation et de formation, structurées et organisées dans un cadre non scolaire. Elle s’adresse à toute personne désireuse de recevoir une formation spécifique dans une structure d’éducation non scolaire"2. Au niveau de l’éducation, l’étendue des besoins à satisfaire est impressionnante. Malgré les efforts consentis par l’Etat avec le soutien des partenaires au développement, l’offre d’éducation reste en deçà de la demande. Dans son organisation, le sous secteur de l’alphabétisation ambitionne une prise en compte des réalités locales dans toutes leurs dimensions. Il nous est donc apparu nécessaire de rechercher le degré de prise en compte de la problématique de l’eau dans les programmes d’alphabétisation.

  • 3  Manegdebzâga est un mot tiré de la langue mooré qui signifie "Développement pour tous".
  • 4  Loumbila est un département situé à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Ouagadougou, la cap (...)

3Pour traiter ce thème, nous avons consulté les manuels d’alphabétisation de l’Institut national de l’éducation de base non formelle (INEBNF) et ceux de l’Association Manegdbzânga3. Nous avons également utilisé des données émanant de nos recherches de terrain dans la localité de Loumbila (villages de Nomgana et de Goé)4. Ces recherches, menées dans un cadre plus large du droit à l’éducation, ont été menées auprès des membres du bureau de l’association Manegdbzanga, des formateurs des centres d’alphabétisation et des apprenants.

L’alphabétisation au Burkina Faso

La politique d’alphabétisation au Burkina Faso

  • 5  Pour plus d’informations sur l’histoire de l’alphabétisation au Burkina Faso. consulter : Anatole (...)

4Depuis son accession à l’indépendance, le Burkina Faso a toujours inscrit la lutte contre l’analphabétisme parmi ses priorités. Dès 1961, la création des Centres d’éducation rurale (CER) permet d’assurer la formation et l’alphabétisation des jeunes ruraux en français. Ce projet fut supprimé en 1974 après une évaluation négative. A partir de 1965, l’alphabétisation fonctionnelle en langues nationales voit le jour avec le projet "UNESCO - Haute-Volta"5. L’alphabétisation fonctionnelle se développe rapidement avec l’intervention d’autres partenaires tels que : les missions religieuses, les Organismes régionaux de développement (ORD), l’Association Frères des Hommes, etc.

  • 6  DGINA, Rapport de l’évaluation des effets de l’alphabétisation sur les alphabétisés au Burkina Fas (...)

5Le programme national d’alphabétisation avait pour objectif principal de "toucher prioritairement les personnes les plus dynamiques et ayant une certaine autorité au sein des populations et pour lesquelles l’analphabétisme pourrait constituer un handicap pour une participation active et efficiente aux activités de développement"6.

  • 7  ONEPAFS en 1974, DAFS en 1978, INAFA en 1983, INA en 1993 et INEBNF en 2002.

6Dans le souci d’améliorer le suivi et la coordination des activités d’alphabétisation, l’Etat avait créé en 1974, l’Office national de l’éducation permanente et de l’alphabétisation fonctionnelle et sélective (ONEPAFS)7.

  • 8  Ce terme a été utilisé par le Régime révolutionnaire (1983-1987), pour désigner les campagnes d’al (...)
  • 9  Ce mot signifie «élever le niveau d’instruction et de développement» en langue nationale Peul. (...)
  • 10  Institut National d’Alphabétisation.

7Le caractère populaire et démocratique de l’alphabétisation connaît un essor particulier avec la vise en chantier des campagnes "d’alphabétisation commando"8 en 1986 et "Bantare"9 en 1988. En capitalisant les acquis des ces différentes campagnes, l’INA10 procède à la création des Centres permanents d’alphabétisation et de formation (CPAF) à partir de 1990.

  • 11  NIAMEOGO Anatole, L’alphabétisation au Burkina Faso, p.9.

8Selon Anatole Niameogo, "l’alphabétisation pratiquée au Burkina Faso est à la fois fonctionnelle et massive. Fonctionnelle parce qu’elle intègre les activités d’alphabétisation au processus de développement en prolongeant l’alphabétisation initiale par les formations complémentaires de base (FCB) et les formations techniques spécifiques ou professionnalisées (FTS). Massive, parce qu’elle vise à moyen terme l’élimination de l’analphabétisme en touchant de façon sélective et progressive toutes les couches sociales".11

  • 12  Direction Régionale de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation (DREBA).
  • 13  Direction Provinciale de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation (DPEBA).

9L’objectif principal des campagnes d’alphabétisation étant de promouvoir des connaissances, des attitudes et des aptitudes chez les jeunes et adultes alphabétisés en vue de les aider à améliorer leurs conditions socio-économiques, on retrouve des acteurs très diversifiés dans cette activité. Au Burkina Faso, l’alphabétisation est gérée par le Ministère de l’enseignement de base et de l’alphabétisation (MEBA). Ce ministère comporte des services déconcentrés dans chaque région (DREBA)12 et dans chaque province (DPEBA).13

10La gestion du secteur de l’éducation dans chaque province est assurée par des circonscriptions d’enseignement de base (CEB) qui assurent l’organisation pratique des activités d’éducation (formelle et non formelle).

11Depuis la tenue du Forum national sur l’alphabétisation en 1999, la stratégie du "faire faire" a été adoptée par le Burkina Faso. Cette stratégie fait appel aux différents opérateurs (ONG, associations, collectivités locales, etc.) pour le travail effectif d’alphabétisation sur le terrain (ouverture et gestion des centres) et conserve à l’Etat le rôle d’organiser et de contrôler le travail des différents opérateurs (implication aux plans politique, technique et financier). Aujourd’hui, l’intérêt des populations burkinabé pour l’alphabétisation est manifeste. Presque tous les villages réclament l’implantation d’un centre d’alphabétisation.

Les centres d’alphabétisation de l’Association Manegdebzanga

Présentation de l’Association Manegdebzânga

  • 14  En 2002, l’Association Manegdebzânga regroupait 17 groupements villageois masculins, 15 groupement (...)
  • 15  Ziniaré est le chef lieu de la province de l’Oubritenga.

12L’Association Manegdebzâga existe depuis le 5 février 1991. Elle a son siège dans le village de Nomgana, situé dans le département de Loumbila à une vingtaine de kilomètres au Nord de Ouagadougou. Ce département fait partie de la Province de l’Oubritenga (Région du Plateau Central). L’Association assure actuellement l’alphabétisation dans d’autres provinces du pays (Kadiogo, Kourwéogo, Boulkiemdé, Sanmatenga)14. Sur le plan administratif, Loumbila relève de la circonscription d’enseignement de base Ziniaré II15.

13Dans le département de Lombila, l’activité principale des populations est l’agriculture, avec un accent mis sur le maraîchage en saison sèche. Ce département abrite un important barrage qui alimente la ville de Ouagadougou en eau potable et permet l’activité de maraîchage.

14Dans ses objectifs, l’association Manegdbzãnga vise la lutte contre l’analphabétisme, l’ignorance et la pauvreté. Elle ambitionne la réalisation d’un développement endogène conquis par les populations à la base. Sa devise repose sur trois piliers : savoir, pouvoir et avoir.  A travers ses activités, l’association Manegdbzãnga soutient la promotion de toute activité socio-économique et culturelle visant la recherche du bien être de ses membres.

15L’association Manegdbzãnga œuvre en faveur de l’éducation (création de centres d’alphabétisation, aide à la création et au développement des écoles bilingues). Les acquis de l’association Manegdbzãnga en matière d’alphabétisation se résument en l’an 2000 à travers les statistiques suivantes :

  • 15 centres d’alphabétisation ;

  • 2243 déclarés alphabétisés dont 1003 femmes ;

  • 1841 formés aux formations complémentaires de base ;

  • 228 responsables de groupements formés en gestion.

16L’association Manegdbzãnga bénéficie du soutien technique et financier de l’Oeuvre Suisse d’Entraide Ouvrière (OSEO) et de plusieurs partenaires au développement. Dans la nouvelle stratégie adoptée par le Ministère de l’enseignement de base et de l’alphabétisation au Burkina en matière d’alphabétisation, l’association Manegdbzãnga se positionne comme un partenaire idéal dans la lutte contre l’analphabétisme.

Les centres d’alphabétisation

17Depuis sa création, l’association Manegdbzãnga s’investit dans l’éducation, notamment à travers sa composante alphabétisation. Les centres d’alphabétisation ouverts par l’association Manegdbzãnga comprennent généralement deux niveaux (alphabétisation initiale et formation complémentaire de base). La parité femme/homme dans les recrutements constitue un des objectifs visés par l’association. Les apprenants sont essentiellement des jeunes (moins de 30 ans). Parmi les effectifs, on retrouve des jeunes (filles et garçons) ayant déjà fréquenté l’école primaire. Certains sont titulaires du Certificat d’études primaire (CEP) et ont même suivi des études au collège. Pour l’année 2003, l’association Manegdbzãnga supervise 69 centres en alphabétisation initiale et 26 en formation complémentaire de base, soit 95 centres répartis.

Tableau 1 : Nombre d’apprenants par province et par centre (année 2003)

Province

Nbre de centres

Inscrits "A.I"

Homme

Femme

Total

Nbre de centres

Inscrits "FCB"

Homme

Femme

Total

Oubritenga

47

461

1016

1477

25

209

359

568

Kadiogo

6

59

113

178

1

3

15

18

Kourwéogo

5

83

83

166

Boulkiemdé

6

62

130

192

Sanmatenga

5

70

81

151

TOTAUX

69

735

1310

2045

26

212

374

586

(Source : Statistiques de l’Association Manegdbzãnga)

  • 16  Premier niveau de formation.
  • 17  Deuxième niveau de formation.

18Les résultats obtenus dans les différents centres d’alphabétisation laissent apparaître un fort taux de succès : 92% en "alphabétisation initiale" (AI)16 et 97% en "formation complémentaire de base" (FCB)17. Le nombre très élevé des femmes dans les centres d’alphabétisation traduit l’intérêt de cette partie de la population pour les activités d’alphabétisation.

19Il est du reste évident que l’instruction des filles et des femmes rapporte des bénéfices sociaux et économiques à plus ou moins long terme. Une comparaison entre les effectifs inscrits et ceux évalués permet de constater qu’il existe des abandons aussi bien du côté des hommes que des femmes. En alphabétisation initiale, le taux d’abandon varie entre 7 et 11% tandis qu’il est de 16% en formation complémentaire de base. Le plus souvent, ces abandons sont liés à une incompatibilité entre les activités des familles et celles du centre d’alphabétisation.

Tableau 2 : Situation des résultats "AI" par province et par centre (année 2003)

Tableau 2 : Situation des résultats "AI" par province et par centre (année 2003)

(Source : Statistiques de l’Association Manegdbzãnga)

Tableau 3 : Situation des résultats "FCB" par province et par centre (année 2003)

Tableau 3 : Situation des résultats "FCB" par province et par centre (année 2003)

(Source : Statistiques de l’Association Manegdbzãnga)

  • 18  Le programme de l’alphabétisation initiale (AI) est centré sur la lecture, l’écriture et le calcul (...)

20Au niveau des centres d’alphabétisation, les installations matérielles sont médiocres. Dans la plus part des centres, les cours se déroulent sous des paillotes (difficulté d’entretien, exposition aux intempéries, sinistres fréquents, …), les tableaux sont en mauvais état et les apprenants n’ont pas de tables pour écrire. Les apprenants sont assis sur des bancs ou sur des briques et de ce fait sont constamment obligés d’adopter des attitudes peu confortables au moment d’écrire ou de lire. Dans les localités couvertes par les activités de l’association, le bien fondé de l’alphabétisation est suffisamment perçu18. Les effectifs dans les salles de classes (AI comme FCB) varient entre 40 et 50 apprenants presque tous âgés de moins de 30 ans.

21On constate donc que les adultes (30 ans et plus) sont absents des salles de classes. Malgré les campagnes de sensibilisation, certaines personnes âgées estiment qu’elles n’ont plus rien à gagner dans l’alphabétisation. D’autres affirment avoir essayé sans succès (difficultés dans l’apprentissage) de s’alphabétiser.

22Pour les apprenants, de nombreuses contraintes compromettent le succès des campagnes d’alphabétisation. Au nombre de celles-ci, il y a la question du temps et le manque d’activités génératrices de revenus dans les centres. La contrainte "temps" est surtout citée par les femmes. En effet, la lourdeur des tâches ménagères et des travaux maraîchers compliquent la fréquentation des centres d’alphabétisation par les femmes. A ce niveau, la négociation avec les apprenants devrait permettre de retenir des horaires plus souples favorisant une meilleure fréquentation des centres.

23A la question du manque de temps pour participer aux activités des centres d’alphabétisation vient s’ajouter celle du manque d’activités génératrices de revenus. En effet, beaucoup d’apprenants sont issus de familles pauvres et la quête du pain quotidien incombe à tous les membres de la famille.

24Ainsi, dans la plupart des familles, les femmes, sont habituées à réaliser des activités leur permettant de contribuer à la prise en charge de certaines dépenses de la famille (achat de condiments par exemple). Du fait de leur présence dans les centres d’alphabétisation (6 heures par jour), il y a comme une sorte de manque à gagner par rapport à leur contribution pour la bonne marche de la vie familiale. Les femmes souhaitent voir annexer au centre d’alphabétisation des activités (fabrique de savon, de beurre de karité, etc) leur permettant d’avoir quelques revenus pour continuer à participer à la prise en charge de certaines dépenses familiales.

25Dans tous ses centres d’alphabétisation, l’association Manegdbzãnga assure la fourniture du matériel pédagogique et didactique ainsi que la paye des formateurs. Les seules dépenses qui incombent aux apprenants sont l’achat des cahiers et des stylos pour écrire.

26Au regard des objectifs poursuivis par l’alphabétisation au Burkina Faso, la prise en compte de l’environnement, notamment de la question de l’eau, se révèle comme une donnée incontournable.

Programmes d’alphabétisation et problème de l’eau

  • 19  Les programmes d’alphabétisation sont axés sur l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du (...)

27Depuis les premières initiatives, la stratégie utilisée dans la conception des modules d’alphabétisation a été de faire correspondre à chaque leçon une plateforme d’urgence. Ainsi, les préoccupations quotidiennes des populations et les questions touchant au développement constituaient les principaux thèmes abordés. Dans un contexte comme celui du Burkina Faso, la problématique de l’eau ne pouvait que constituer un thème majeur dans les manuels d’alphabétisation19. La question de l’eau est ainsi traitée soit en relation avec l’environnement, soit dans le contexte domestique.

Eau et environnement

28L’eau est un élément déterminant dans la vie des êtres humains. Ainsi, elle intervient et conditionne la réalisation de plusieurs activités humaines. C’est dans ce sens qu’on entend assez souvent dire que "l’eau, c’est la vie". Vis-à-vis de la nature, l’eau assure la croissance et l’épanouissement des plantes, des arbres et de l’espèce humaine en général.

29Par ailleurs, l’eau est considérée comme un élément fondamental de l’environnement et de ce fait participe à la qualité de la vie. Elle est source de fertilité et de bonheur.

30L’absence d’eau dégrade la qualité de la vie et plonge les populations dans le désastre et dans la misère. Les pays sahéliens sont assez souvent frappés par des périodes de sécheresse caractérisées par le manque d’eau entraînant la misère pour les êtres vivants et la catastrophe dans les activités économiques. Les programmes d’alphabétisation au Burkina Faso intègrent la dimension éducation environnementale à travers la prise en compte de plusieurs sous thèmes importants intervenant dans la recherche d’un développement durable.

La dégradation des sols au Burkina Faso 

  • 20  Mam moor pipi sebre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, p.2.

31Ce thème est très présent dans les manuels d’alphabétisation20. Avec les sécheresses répétitives, les sols s’assèchent à un rythme accéléré, les arbres souffrent du manque d’eau et beaucoup d’espèces meurent.

32Pendant la saison des pluies (juin à septembre), la répartition des pluies est très irrégulière et ne permet pas une bonne organisation des activités agricoles à travers tout le pays. De plus, l’eau de ruissellement constitue un danger permanent pour les sols, car elle contribue à emporter la bonne terre.

L’érosion 

  • 21  INA, Teng yerb gidgre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, 1980, p.4 à 18.

33Le phénomène de l’érosion constitue un danger qui se manifeste par le décapage d’une bonne partie des terres riches. A l’instar d’autres pays sahéliens, le Burina Faso ambitionne lutter contre l’érosion en mettant en place une politique de protection des sols. Ainsi, pour arrêter l’érosion des sols, les populations réalisent des plantations d’arbres et construisent des diguettes (cordons pierreux)21. Dans ce dispositif, il faut creuser des canaux pour faire circuler l’eau afin d’éviter les effets néfastes sur les cultures et les diguettes.

La sauvegarde de l’environnement

34Malgré la faiblesse du couvert végétal, le phénomène de dégradation de l’environnement, par le fait de l’homme, est très important au Burkina Faso. Ainsi, dans plusieurs localités, la forte demande en bois de chauffe et le besoin de nouvelles terres cultivables entraînent une coupe abusive de bois aux allures parfois inquiétantes. A cela s’ajoute le phénomène des feux de brousse qui contribue à décimer le couvert végétal. Les campagnes d’alphabétisation sont une bonne tribune pour assurer la sensibilisation des populations sur les dangers de telles pratiques.

L’eau à usage domestique

35Dans le contexte domestique, l’eau joue un rôle important. Les usages de l’eau sont multiples. Elle intervient dans la boisson, la cuisine, la lessive, soins de propreté, embellissement, etc. En milieu urbain, les aménagements permettent d’avoir de l’eau potable mais, la qualité de la déserte n’est pas assurée. Ainsi, plusieurs zones sont insuffisamment desservies créant des situations de pénuries d’eau. Ce phénomène s’observe surtout à la fin de la longue saison sèche (mars à mai), lorsque les pluies tardent à tomber. A cette situation, il faut ajouter les installations anarchiques (zones non lotis) qui compliquent la desserte de l’eau. En milieu rural, la question de l’eau potable se pose le plus souvent avec force. Selon les circonstances, l’eau des mares, des rivières, des barrages, des puits et des forages est consommée par les populations.

36La question de l’eau potable est très présente dans les modules de formation. L’objectif visé étant d’arriver à diffuser des connaissances capables de promouvoir l’utilisation d’une eau potable.

37La démarche pédagogique consiste à :

  • Identifier avec les apprenants les risques de pollution de l’eau de puits,

  • Proposer des mesures pour éviter les risques de pollution de l’eau de puits (choix du site),

  • Promouvoir une double protection pour empêcher les animaux de s’approcher de la margelle du puits,

  • Installer des supports de puisette,

  • Identifier les ustensiles adaptés pour la conservation de l’eau potable à la maison,

  • Appliquer les mesures d’hygiène pour la conservation de l’eau propre à la maison (canaris lavé au savon et couvert ; ne pas plonger les mains dans le canaris ; gobelet ou calebasse renversés sur le couvercle ; renouvellement de l’eau tous les trois jours).

38La phase d’identification s’effectue lors de travaux en groupe avec la participation de tous les membres du groupe. La restitution s’effectue en présence de l’ensemble des apprenants sous la supervision du formateur. Ainsi, les thèmes suivants se retrouvent dans les manuels d’alphabétisation et de post-alphabétisation.

La protection des sources d’approvisionnement

  • 22  INA, Ed laafi yelle, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, 1993, p.12 ; INA, Mam moor pipi sebre, Impr (...)

39Plusieurs manuels traitent de la protection des sources d’approvisionnement en eau22. Les différentes techniques y sont décrites (construction de margelles pour les puits, confection de couvercle pour les puits et pour les canaris qui servent à la conservation de l’eau, …). Ces différentes techniques permettent aux populations d’assurer une bonne conservation de l’eau en évitant sa contamination (puisettes, animaux, saletés, …).

L’utilisation d’un filtre à eau

  • 23  INA, Mam moor pipi sebre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, p.4

40Partant du constat que toutes les sources d’approvisionnement en eau ne sont pas correctement protégées, les manuels d’alphabétisation ou de post alphabétisation mettent l’accent sur la description des techniques permettant d’avoir une eau potable23. Au nombre de ces techniques, il y a l’utilisation du filtre à eau. La technique de construction et d’entretien du filtre à eau est très détaillée et permet aux populations de la réaliser sans trop de peine.

Bouillir l’eau

  • 24  INA, Mam moor pipi sebre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, p.31

41Une autre technique pour avoir de l’eau potable est de la bouillir avant toute consommation. Cette technique est le plus souvent recommandée pour l’eau de boisson des enfants24 et des personnes malades.

L’eau sale, source de maladie

  • 25  INA, Mam moor pipi sebre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, p.2
  • 26  INA, M biig laafi la a wubr yelle, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, 1998, p.24.

42C’est le thème de la première leçon de lecture25. Les images qui servent d’illustration dénoncent les comportements irresponsables des personnes qui, de façon volontaire, contribuent à polluer l’eau.  Les microbes contenus dans l’eau sale contribuent à la transmission de certaines maladies (diarrhée, dysenterie, ver de Guinée, bilharziose, etc)26. D’où la nécessité de protéger les sources d’approvisionnement en eau.

La conservation de l’eau

  • 27  INA, Mam moor pipi sebre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, p.8

43Généralement, l’eau est conservée dans des jarres plus ou moins grandes. Dans les familles nombreuses, la manipulation des ustensiles de cuisine peut contribuer à salir l’eau. Si les animaux domestiques ne sont pas suffisamment surveillés, ils peuvent également salir l’eau de boissons27. L’eau, une fois sale doit être filtrée soit avec un foulard propre ou à l’aide d’un désinfectant tel l’eau de javel.

Le respect des règles d’hygiène

44L’importance du respect des règles d’hygiène est prônée dans presque tous les manuels. L’hygiène permet, en effet, à une personne de rester en bonne santé. Il faut donc savoir prendre soins de son corps, de ses vêtements, des aliments qu’on consomme et de son habitation. A travers les causeries qui sont organisées, les néo-alphabètes sont interpellés sur la nécessité de respecter l’hygiène dans l’eau de boisson car elle assure une bonne santé.

  • 28   INA, Mon enfant : sa santé – son éducation, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, 1998, p.24. (...)

45Certains manuels s’appuient sur des scènes de famille pour montrer l’intérêt qu’il y a à respecter les règles d’hygiène28. Toutes ces mesures de protection visent à protéger les populations des maladies que peut transmettre l’eau sale. En effet, les germes de la dysenterie, du choléra, du ver de Guinée, et de bien d’autres maladies peuvent passer par l’eau sale pour atteindre l’homme. L’observation sur le terrain permet de constater que les néo alphabètes mettent du soin dans le traitement de l’eau potable. Ce comportement est favorisé par le fait que de plus en plus, la principale source d’approvisionnement dans beaucoup de villages est le forage (du village ou de l’école).

Conclusion

46Il est difficile de faire une véritable évaluation de l’impact des campagnes d’alphabétisation sur le comportement des néo-alphabétisés par rapport à la question de l’eau au Burkina Faso. On peut toutefois faire observer que l’alphabétisation contribue au développement par la transformation des mentalités, par l’ouverture au progrès, à la science, par le changement qualitatif des conditions d’existences, par la modernisation des méthodes de production et de gestion. Ainsi par exemple, les "savoir-faire" acquis à travers les campagnes d’alphabétisation permettent aux néo alphabètes d’intervenir dans la gestion des structures locales de développement. Ils occupent alors des responsabilités dans l’animation des associations, la tenue des cahiers de gestion dans des activités diverses (banque de céréales, moulin, pharmacie villageoise, comités de gestion, etc.), la rédaction des comptes rendus de réunions, etc.

47Les progrès enregistrés dans le domaine de l’hygiène grâce aux campagnes d’alphabétisations sont perceptibles. Quand on parle d’hygiène et de nutrition, la notion de l’eau s’y retrouve forcément car il s’agit sûrement de l’hygiène corporelle et alimentaire. L’alphabétisation, et l’éducation en général, ouvre la porte à une qualité de vie meilleure surtout en milieu rural. Les comportements et les pratiques positives observés chez bon nombre de néo-alphabètes sont propices à susciter des changements qualitatifs dans leur vie quotidienne (utilisation de l’eau, protection de l’environnement, etc.).

48Il faut donc une bonne politique de post alphabétisation pour éviter que les néo alphabètes ne retombent dans une situation d’analphabétisme de retour. Afin de maintenir l’enthousiasme des apprenants et de leur permettre de rester en contact avec un environnement lettré, il est important que la post alphabétisation participe à la consolidation des acquis des campagnes d’alphabétisation. En cela la mise en œuvre du Plan décennal de développement de l’éducation au Burkina Faso (PDDEB), qui ambitionne de porter le taux d’alphabétisation à 40% d’ici l’an 2010 a un grand rôle à jouer.

49Dans les pays du sahel, le plus souvent frappés par des sécheresses, le problème de l’eau se pose d’abord en terme de disponibilité de la ressource et ensuite en terme de protection et de conservation. S’il est plus difficile d’agir sur la disponibilité de la ressource, il semble plus facile d’engager des actions allant dans le sens d’une meilleure protection des points d’eau et d’une bonne utilisation de la quantité d’eau disponible. Les populations de ces zones étant restées fortement analphabètes, les campagnes d’alphabétisation pourraient constituer un bon moyen de sensibilisation sur la question de l’eau. Une initiative régionale pourrait ainsi se pencher sur l’élaboration de curricula et de modules de formation, sur la question de l’eau, prenant en compte les savoirs-faire des populations locales.

50Compte tenu de l’importance de la question de l’eau particulièrement dans la zone sahélienne, les Etats du CILSS devraient renforcer leur collaboration dans le souci d’arriver à une meilleure dotation des populations en eau potable. Pour ce faire, un travail de plaidoyer est à initier auprès des grandes institutions internationales pour rendre effectif le droit à l’eau potable pour toutes les populations vulnérables.

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Bibliography

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Nana, Zoani, Muk noore, Edition ELAN Développement, Ouagadougou, 1995, 88p.

Niameogo, Anatole, L’alphabétisation au Burkina Faso, Imprimerie INA, Ouagadougou, 1995, 72p.

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Notes

1  Statistiques du Ministère de l’enseignement de base et de l’alphabétisation (MEBA), 2002.

2  Loi d’orientation de l’éducation, DPU, Ouagadougou, 1996, p.10.

3  Manegdebzâga est un mot tiré de la langue mooré qui signifie "Développement pour tous".

4  Loumbila est un département situé à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso.

5  Pour plus d’informations sur l’histoire de l’alphabétisation au Burkina Faso. consulter : Anatole NIAMEOGO, L’Alphabétisation au Burkina Faso.

6  DGINA, Rapport de l’évaluation des effets de l’alphabétisation sur les alphabétisés au Burkina Faso, Ouagadougou, Imprimerie de l’INA, 1999, p.9.

7  ONEPAFS en 1974, DAFS en 1978, INAFA en 1983, INA en 1993 et INEBNF en 2002.

8  Ce terme a été utilisé par le Régime révolutionnaire (1983-1987), pour désigner les campagnes d’alphabétisation massives de l’époque.

9  Ce mot signifie «élever le niveau d’instruction et de développement» en langue nationale Peul.

Institut National d’Alphabétisation.

10  Institut National d’Alphabétisation.

NIAMEOGO Anatole, L’alphabétisation au Burkina Faso, p.9.

11  NIAMEOGO Anatole, L’alphabétisation au Burkina Faso, p.9.

12  Direction Régionale de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation (DREBA).

13  Direction Provinciale de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation (DPEBA).

14  En 2002, l’Association Manegdebzânga regroupait 17 groupements villageois masculins, 15 groupements villageois féminins et 7 groupements villageois mixtes, soit 4040 membres dont 2000 femmes.

15  Ziniaré est le chef lieu de la province de l’Oubritenga.

16  Premier niveau de formation.

17  Deuxième niveau de formation.

18  Le programme de l’alphabétisation initiale (AI) est centré sur la lecture, l’écriture et le calcul.  La formation complémentaire de base (FCB) qui intervient généralement une année après l’alphabétisation initiale, permet aux apprenants de renforcer les acquis.

19  Les programmes d’alphabétisation sont axés sur l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul. Pour cette étude, nous nous sommes surtout intéressés aux manuels de lecture.

20  Mam moor pipi sebre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, p.2.

21  INA, Teng yerb gidgre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, 1980, p.4 à 18.

22  INA, Ed laafi yelle, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, 1993, p.12 ; INA, Mam moor pipi sebre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, p.6 ; INA, Mam biig laafi yelle, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, 1998, p.25

23  INA, Mam moor pipi sebre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, p.4

24  INA, Mam moor pipi sebre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, p.31

25  INA, Mam moor pipi sebre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, p.2

26  INA, M biig laafi la a wubr yelle, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, 1998, p.24.

27  INA, Mam moor pipi sebre, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, p.8

28   INA, Mon enfant : sa santé – son éducation, Imprimerie de l’INA, Ouagadougou, 1998, p.24.

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Title Tableau 2 : Situation des résultats "AI" par province et par centre (année 2003)
Credits (Source : Statistiques de l’Association Manegdbzãnga)
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Title Tableau 3 : Situation des résultats "FCB" par province et par centre (année 2003)
Credits (Source : Statistiques de l’Association Manegdbzãnga)
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References

Electronic reference

Maxime Compaore, « Ã‰ducation environnementale et  programmes d’alphabétisation au Burkina Faso Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Hors-série 1 | décembre 2003, Online since 15 December 2003, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/1954 ; DOI : 10.4000/vertigo.1954

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Maxime Compaore

Chargé de Recherche au Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) au Burkina Faso. Directeur Scientifique du CNRST. compaore@yahoo.fr

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