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Dossier : Les actions collectives pour gérer l'environnement

Élaboration d'un indice de vulnérabilité socio-économique d'un littoral : une application au cas de la région Corse

Nadine Levratto and Isabelle Clemenceau

Abstracts

This text aims at presenting how the new plans implemented in France in order to fight against marine pollution in a more efficient way than by the past. These so-called POLMAR plans, consider that the means and resources have to be affected to the more vulnerable areas, understood as not only the ones where rare species live but also the ones where economic and social activities are supposed to be hardly disturbed by a pollution coming from the sea. The method we present is one of the first attempts to apply the recommendation of the ministry of ecology and sustainable development which considers that non-commercial activities have to be taken into account besides commercial ones. After having reviewed the literature devoted to this topic, we propose a method to estimate the socio-economic vulnerability of the Corsican seaboard.

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Full text

Introduction

1A la fin des années soixante, alors que la première grande marée noire (Torey canyon) se produit, il n'existe aucune disposition spéciale mise en place pour réagir à un accident si bien que lorsque les autorités déclenchent le plan ORSEC (organisation des secours) elles se rendent compte que ce plan n’était pas adapté aux marées noires (Observatoire de l’environnement littoral et marin Manche et Sud Mer du Nord, 1994). Les plans POLMAR (POLlution MARitime) furent donc dressés à la suite de la marée noire de l’Amoco-Cadiz en 1978 sur les côtes bretonnes. Il s’agit de plans d’interventions départementaux, en cas de pollution marine accidentelle majeure, qui permettent l’organisation des moyens de lutte existants. Les plans POLMAR départementaux sont composés de deux volets : le plan POLMAR-MER et le plan POLMAR-TERRE, qui sont confiés respectivement aux préfets maritimes et aux préfets de départements. Le plan POLMAR-MER est déclenché lorsqu’une intervention en mer est nécessaire, alors que le plan POLMAR-TERRE est mis en place lorsque la pollution atteint les côtes. Le Préfet de zone, quant à lui, est chargé de faire la cohérence entre les actions terrestres et maritimes.

2Le matériel d’intervention est stocké dans 13 centres répartis sur tout le littoral français et mis à la disposition des Préfets en cas de besoins. Lors d’une pollution de grande ampleur, la décision revient au Préfet de département, qui agit en tant que représentant de l’Etat, de déclencher le plan POLMAR-TERRE.

  • 1  Les atlas de sensibilité environnementale ne sont pas réservés à la France. Il en existe dans de n (...)

3De nouvelles catastrophes maritimes, comme celle de l’Erika en 1999, ont montré la nécessité au niveau national, de réviser les plans POLMAR-TERRE et d’améliorer la coordination entre les deux plans. Ils fixeront les responsables des actions, au niveau local et national, les plans de secours et de lutte. Le nouveau plan POLMAR-TERRE contient un document de base, des annexes techniques qui pour certaines sont détaillées dans des documents tirés à part. C’est le cas pour le plan de protection des sites sensibles, le plan de gestion des matériaux pollués et polluants récupérés et l’atlas de sensibilité1 du littoral. En effet, l’instruction du 04 mars 2002 stipule que "les plans doivent comporter notamment l’inventaire précis et hiérarchisé des zones à protéger en priorité". La logique qui prévaut ici est celle des évaluations ex ante qui diffère largement du calcul d'ampleur des dommages subis habituellement effectué en cas de pollution d'origine marine (Delache et Erhard-Cassegrain, 2001, Bonnieux et Rainelli, 1991). La question ici soulevée diffère cependant de celle de l'évaluation des biens environnementaux qui se pose exclusivement lorsque la pollution n'est pas toxique ou que l'on n'a pas considéré qu'un site devait être protégé à tout prix. Les dangers liés aux produits pétroliers ou à des afflux massifs de produits chimiques étant attestés par l'ensemble de la communauté scientifique, le problème posé n'est pas celui d'un quelconque arbitrage entre protection et non-protection de l'espace mais celui de la rationalisation de l'affectation de moyens de lutte contre une pollution dans un  contexte de ressources rares.

  • 2  On définit la sensibilité comme la proportion dans laquelle un système écologique est influencé pa (...)
  • 3  La vulnérabilité est la mesure dans laquelle un système économique et social est affecté par les e (...)

4A l’instar des méthodes retenues dans le réseau européen d’espaces naturels, Natura 2000, l’atlas de sensibilité du littoral ou inventaire hiérarchisé des zones à protéger (voir la figure 1) se matérialise par une cartographie de la sensibilité2 écologique et de la vulnérabilité3 socio-économique de ces dernières à une pollution marine. Cette cartographie permet d’évaluer correctement les zones à risque et de dégager les priorités d’interventions en cas de pollution. Elle est conçue comme un véritable outil d’aide à la décision rapide qui facilite la prise de choix pour le Préfet en cas de crise. L’atlas de sensibilité du littoral corse est actuellement en construction sous la responsabilité de la Direction Régionale de l’Environnement (DIREN) de la Corse. Pour cela il faut évaluer la sensibilité écologique et la vulnérabilité économique du zonage du littoral. La question est de savoir comment les apprécier ?

Figure 1.  Contenu et composition des atlas de sensibilité du littoral

5Il existe plusieurs indices de vulnérabilité écologique (voir Michel et Dahlin, 1993) développés depuis le Environmental sensitivy index (ESI) de Hayes remanié en 1978 par Gundlach et Hayes de manière à prendre en compte la ressource biologique. Si celui de O'Sullivan et Jacques (1994) permet de prévoir et de classer selon leur gravité les conséquences d'une marée noire sur une zone en fonction du type de pétrole, de la faune et de la flore associées à ce site, de la rémanence et de la résilience de cette zone le plus complet reste l'indice V de Page-Jones élaboré pour le CEDRE en 1996 (Cf. Lagabrielle, 2001). Ce dernier indice classe les estrans en fonction de leur réponse morpho-sédimentaire et écologique à une pollution par le pétrole. Il a été notamment utilisé pour l'élaboration des atlas POLMAR-TERRE des Côtes d'Armor et de la Manche. Aujourd'hui, il sert de base à la réalisation des annexes de sensibilité du littoral pour différents départements. Adaptable aux besoins et aux exigences de chaque utilisateur pour son territoire, il permet d’élaborer un classement relatif des zones préalablement déterminées, en termes de priorité d'intervention : obtention d'une cartographie des zones avec treize niveaux de sensibilité. Cet indice, déjà utilisé dans l’élaboration des plans POLMAR de différents départements, a été jugé inadapté aux côtes du littoral Corse pour plusieurs raisons. Des essais sur le terrain ont montré la difficulté à différencier la rémanence de la capacité de piégeage, mais aussi à évaluer la résilience. D'abord, l'étude bibliographique réalisée en amont a montré que la Corse ne possède aucun document concernant la résilience, c'est-à-dire le temps de restauration de l'écosystème en fonction des peuplements présents. Ensuite, il s'est avéré que, faute de données, le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM) ne pouvait évaluer la rémanence et la capacité de piégeage que sur certaines zones. Les côtes corses sont en effet caractérisées par une alternance de plages et de rochers et cette succession nécessite un découpage du littoral très détaillé de manière à rester cohérent dans le processus de différenciation. Les données actuellement existantes autorisent un découpage relativement fin mais ne permettent pas toujours de pouvoir distinguer la granulométrie, élément indispensable au calcul de la capacité de piégeage. Enfin, l'indice de Page-Jones ne permet pas de prendre en compte la valeur du littoral en tant que ressource économique. Or, largement lié au tourisme, le développement de la Corse et les ressources pécuniaires de toutes les communes du littoral risqueraient d'être gravement affectées par l'occurrence d'une pollution. Il a donc été décidé, dans le cadre de cette étude, de déterminer un nouvel indice tenant compte d'éléments économiques afin de pouvoir l'intégrer ultérieurement à un indice de vulnérabilité global mêlant des éléments écologiques et socio-économiques. Pour ce faire, nous sommes parties du travail de Lagabrielle (2001) dont l'indice socio-économique (Véco) est le premier proposé pour compléter la réalisation des atlas de sensibilité des littoraux. Il permet un classement, non quantitatif, des activités selon leur importance et leur fragilité face à une pollution. Si cet indice présente l’avantage d’offrir une structure de base permettant de ramener à un référentiel commun des activités hétérogènes, il est cependant limité par sa vision exclusivement marchande des activités liées à la mer. Or, parmi les différentes valeurs d’usages associées aux littoraux (Prigent, 2001), il est possible de distinguer celle qui possèdent une dimension marchande dans la mesure où elles donnent lieu à une transaction reposant sur une logique économique de celles qui ne supposent aucun usage monétaire, souvent liées à une dimension récréative ou patrimoniale de l’espace considérée. Cette dimension, extrêmement marquée dans le cas de la Corse, ne pouvant être appréciée à partir de l’indice de Lagabrielle, il est apparu nécessaire de proposer un nouvel indice à la fois adapté au territoire étudié et aux conventions, explicites au tacites, à l’œuvre au niveau national en matière d’inventaires hiérarchisés des zones sensibles élaborés dans le cadre des plans POLMAR.

  • 4  Une présentation de l’impact sur la faune et la flore compte tenu du faciès géomorphologique a été (...)

6A cette fin, il s’est agi de décliner une méthodologie par la construction d’indices pour déterminer la sensibilité écologique et la vulnérabilité socio-économique du littoral conformément aux préconisations du Centre de documentation, de recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE) et aux solutions adoptées dans d'autres départements concernés. C’est sur le volet socio-économique rarement pris en compte dans les atlas de sensibilité que nous nous consacrons ici, les éléments écologiques ayant fait l’objet d’une autre publication4. Pour ce faire, nous avons procédé en plusieurs étapes. La première partie, méthodologique, présente le mode de construction de l'indice économique mis en place et ses différences avec les principales familles de méthodes utilisées dans les autres départements pour évaluer la sensibilité des côtes. La seconde section, plus opératoire, est consacrée à la mise en évidence des principaux résultats issus de l'évaluation de la vulnérabilité socio-économique et à leur analyse critique.

Méthodologie

Architecture formelle généralement admise en matière d’indices de vulnérabilité

7L'indice développé dans le cadre de cette recherche s’inspire des travaux antérieurement réalisés dans ce domaine dans la mesure où il propose de quantifier des éléments de natures diverses en fonction de leur importance du point de vue de la région, de leur inféodation à un espace et des effets à attendre d’une pollution. Il reprend ainsi trois paramètres couramment utilisés à cette fin :

  • Le paramètre "mobilité de l'activité" (M) : une différence est faite entre les activités qui sont mobiles, comme la pêche, et celles qui ne le sont pas, comme l'aquaculture. Les activités immobiles sont donc considérées comme plus sensibles à une pollution.

  • Le paramètre "importance socio-économique de l'activité" (I) : plusieurs paramètres peuvent exprimer l’importance (I) d’une activité, par exemple le chiffre d’affaire total, la production, etc.

  • Le paramètre "vulnérabilité bio-morpho-sédimentaire de l'activité" (V) : il se calcule avec la formule de Page-Jones (V = 2R + K + 3E – 5). La sensibilité écologique E est adaptée ici aux espèces exploitées et tient compte des aspects sanitaires. Si ces espèces sont destinées à la consommation, l'impact sanitaire est important et E sera maximal, il est minime dans le cas d'espèces non comestibles.

8Compte tenu de ces trois paramètres, on peut exprimer l'indice socio-économique de la façon suivante :

9Véco = xM + yI + zV + C2

10avec :

  • Véco : vulnérabilité socio-économique

  • M : mobilité de l'activité

  • I : importance socio-économique de l'activité

  • V : vulnérabilité bio-morpho-sédimentaire de l'activité

  • x, y et z des coefficients de pondération et C2 une constante permettant de faire varier l’indice de 1 à 13.

11Quatre hypothèses sont posées pour permettre le calcul de l'indice :

  • La mobilité (M) et la vulnérabilité (V) d’une activité ont moins de poids que l’importance socio-économique (I) proprement dite de cette même activité. Par conséquent, la somme des coefficients de pondération de (M) et (V) est considérée comme égale au coefficient (I), tel que : y = x + z.

  • La vulnérabilité bio-morpho-sédimentaire de l'activité est deux fois plus importante que la mobilité, donc : z = 2x.

  • Les paramètres M et I peuvent prendre des valeurs comprises entre 1 (minimum) et 3 (maximum) et V s'échelonne entre 1 (minimum) et 13 (maximum).

  • Les valeurs de l'indice Véco sont comprises entre 1 et 13.

12On obtient un système d'équations à trois inconnues, tel que :

13D’où :

14Cet indice, qui est le seul décliné à ce jour, a fait l'objet d'une application sur le littoral des Côtes d'Armor. Il présente cependant l'inconvénient de ne prendre en compte que les activités qui exploitent les ressources marines, c'est-à-dire la pêche, l'aquaculture, la mytiliculture... et ne tient pas compte des autres activités marchandes liées directement ou non à la mer, tels que les clubs nautiques (voile, plongée), les compagnies de promenades en mer... Il est à noter que certaines activités, qui ne sont pas liées directement à la mer mais qui bénéficient de sa proximité, peuvent également être touchées par une pollution marine ; il s’agit notamment des hôtels et des campings. En effet, lors de marées noires les touristes ont une tendance à déserter les zones touchées. Cette baisse de la fréquentation, due à une pollution, affecte directement les hébergements de manière inversement proportionnelle à leur distance par rapport à la mer. Par exemple, à la suite du naufrage de l'Erika, le parc hôtelier de la Loire Atlantique a subi une baisse de la fréquentation de 30 % (Lagabrielle, 2001). Il est donc important de considérer toutes les activités qui peuvent avoir un manque à gagner du fait d'une pollution et d'élargir l'évaluation à l'ensemble des valeurs d'usage de la mer et du littoral. Tels sont les enjeux liés à l'élaboration du nouvel indice dont la méthode de construction fait l'objet d'une présentation dans la partie suivante.

Elaboration d'un indice global de vulnérabilité socio-économique pour le littoral corse

15La recension des effets économiques du naufrage de l'Amoco Cadiz réalisé par Lagadec (1981), permet d'identifier des domaines principalement touchés par la pollution. Au-delà de l'intérêt immédiat en termes d'évaluation des dommages qu'il présente, le découpage retenu possède également une portée plus générale utilisable dans le cadre de la construction d'un indice de vulnérabilité économique. En ce qui concerne le littoral breton, Lagadec (1981, p.35 et ss.) distingue deux niveaux économiques:

16a) l'économie de la mer :

  • Les ports et lieux de pêche

  • Le commerce des coquillages et crustacés

  • Les viviers

  • L'ostréiculture

  • La récolte des algues

  • Les activités liées en amont et en aval (réparation navale, fourniture de matériel de pêche, mareyage, transporteurs de marée…)

  • 5  Celle-ci ne constitue pas un secteur d'activité au sens de l'INSEE. Le secteur breton du tourisme (...)

17b) l'économie touristique5 :

  • Hôtellerie,

  • Campings,

  • Location de meublés

18Nous nous appuyons sur cette démarche incrémentale pour construire l'indice de vulnérabilité économique à introduire dans l'indice de vulnérabilité globale du littoral corse en ajoutant à l'inventaire de Lagadec une distinction entre les activités marchandes et non-marchandes qui en constitueront les deux volets principaux :

  • Les activités marchandes s'expriment en fonction des professions qui sont liés directement à la mer (Ad) et celles qui bénéficient de leur proximité (Ap).

  • Les activités non marchandes dépendent des activités de loisirs (L) et de la patrimonialité culturelle (Pc) présentes sur les sites.

19En reprenant ce double découpage, il est possible d'exprimer l'indice de vulnérabilité socio-économique de la façon suivante :

20V = aPC + xAd + yAp + zL + t P + Cste

21avec :

  • V : vulnérabilité socio-économique

  • PC : ports de commerce

  • Ad : activités professionnelles liées directement à la mer

  • Ap : activités professionnelles qui bénéficient de la proximité de la mer

  • L : activités de loisirs

  • P : patrimonialité culturelle

  • a, x, y, z, t des coefficients de pondération et Cste une constante.

Hypothèses pour le calcul de l'indice

  • w Les ports de commerce sont considérés comme une entité indépendante d'abord en raison du rôle clé qu'ils jouent dans l'économie générale de la région ; ils sont en effet une importante source de revenus pour les communes qui en disposent et participent de manière directe à l'afflux de touristes. A cela s'ajoute la fonction majeure qu'ils peuvent être amenés à assurer dans le dispositif de lutte contre la pollution puisque les moyens matériels et une partie des ressources humaines arriveront nécessairement par bateau. Ces deux éléments justifient que la variable PC apparaisse de manière isolée dans l'indice et indépendamment des activités marchandes. Un traitement particulier de la variable ports de commerce est également requis par son caractère binaire (les ports de commerce sont présents ou non sur une commune), si bien que sa valeur atteindra un maximum, par construction fixé à 11 dans le cas où un port de commerce y est implanté et sera nulle sinon. Au total, dans la formule finale de l’indice, leur importance est identique à celle des loisirs et de la patrimonialité et deux fois moins importante que celle des éléments économiques.

  • w La perte économique que peuvent subir des activités marchandes est beaucoup plus importante que celle supportée par les activités non marchandes qui, par définition, ne font pas l’objet d’échanges. C’est pourquoi on considère que la somme des coefficients de pondération des activités marchandes est deux fois plus importante que celle des activités non marchandes, d’où : (x + y) = 2(z +t)

  • Les deux paramètres qui constituent les activités marchandes, c’est à dire les activités professionnelles qui sont liées directement à la mer (Ad) ou qui bénéficient de leur proximité (Ap) sont jugées d’égales importance pour des raisons politiques. En effet, il est difficile d’expliquer à des professionnels du tourisme (hôteliers, etc.) que la diminution du chiffre d’affaires résultant d'une baisse de la fréquentation touristique qu'ils subissent est moins grave que celle qui affecte certaines professions directement liées à la mer comme la pêche par exemple. Par conséquent, afin d’éviter tout conflit entre ces diverses professions, le choix a été fait d’accorder la même importance à Ad et Ap, au niveau de leurs coefficients de pondération, si bien que les coefficients x et y seront a priori considérés comme égaux. Ce choix est en outre légitimé par la structure économique de l'île, la valeur ajoutée brute régionale du secteur des hôtels, cafés et restaurants étant plus importante que celle de la pêche et de l'aquaculture.

  • En ce qui concerne les activités de nature sociologique que sont les loisirs (L) et la patrimonialité culturelle (P), il est difficile de déterminer quelles activités subiront le plus d’impact suite à une marée noire. En effet, il est d’usage de considérer le littoral corse comme un lieu symbolique de la beauté de la région qui justifie des opérations de protection du patrimoine sur les tours génoises ou autour de sites remarquables (les îles Sanguinaires par exemple) et comme une zone cruciale pour les loisirs (promenades, aires de jeux naturelles…). On considère donc les coefficients de pondération de L et P comme d’égale importance, d’où : z = t. et par simplification, a = z = t.

  • Par convention et par analogie avec les indices antérieurs, nous considérons que les paramètres Ad, Ap, L et P peuvent prendre des valeurs comprises entre 1 (faible vulnérabilité) et 3 (forte vulnérabilité).

  • w Les valeurs finales de l'indice de vulnérabilité socio-économique V doivent être comprises entre 1 et 8, de manière à obtenir un nombre de niveaux de vulnérabilité cohérent avec les préconisations du CEDRE. Cela suppose que la construction de l'indice débouche sur un résultat exprimable sous la forme d'un multiple de 8. Les différents calculs ont montré que le multiple le plus aisé était 24.

22De l'ensemble des conditions et contraintes précédemment exposées résulte le système suivant :

23La formule de V s’écrit donc :

24V = PC + 2 Ad + 2AP + L + P 5

25La gestion des différentes contraintes nous a donc conduites à retenir vingt-quatre niveaux qui peuvent être aisément ramenés dans une échelle de 1 à 8 (les arrondis sur des valeurs entières seront effectués). On obtient donc :

26V finale = 1/3 ( PC + 2 AD + 2AP + L + P - 5 )

27Comme annoncé précédemment et préconisé par le CEDRE, cet indice socio-économique permet d'obtenir une note de vulnérabilité comprise entre 1 et 8 pour chaque site. Pour des raisons liées à la nature des données disponibles, le découpage socio-économique s’effectue à l'échelle communale ; par conséquent un site correspond à une commune. D'autant que l'échelon géographique le plus fin pour estimer les pertes au niveau du tourisme est la commune (OCDE, 1982). Les cinq variables PC, Ad, Ap, L et P sont constituées de sous variables. Une note par commune est attribuée à chacune de ces sous variables et la somme de l’ensemble des notes constituera la valeur des variables par commune. Par ailleurs, les activités socio-économiques diffèrent selon la période de l’année, c’est pourquoi nous avons retenu une distinction entre les saisons, si bien que l'on disposera de deux indices saisonnalisés : l'un pour la période printemps/été comprise entre le entre le 1er avril et le 30 septembre et l'autre pour la période automne/hiver comprise entre le 1er octobre et le 31 mars. Cette différence va permettre d’établir deux cartes du littoral selon la saison. Ces cartes représenteront les communes du littoral, qui prendront une couleur caractéristique de leur vulnérabilité sur les 8 niveaux possibles.

28L'application de l’indice de vulnérabilité socio-économique a été réalisée pour l'ensemble du littoral corse afin de répondre aux besoins du plan POLMAR. Les informations ont été collectées au moyen d'une enquête sur le terrain complétée par le recueil de données auprès d'organismes régionaux ou d'administrations décentralisées au cours de l'été 2004.

Résultats

Détermination des différentes sous variables : le cas du littoral corse

Détermination de la variable PC "Ports de commerce"

29Eléments cruciaux du dispositif de lutte contre la pollution puisque c'est par eux qu'une importante partie des moyens humains et techniques peut parvenir à destination, les ports de commerce constituent une variable à part entière (PC) dans la composition de l'indice. La valeur de cette variable va dépendre de la présence ou de l'absence de ports de commerce, de manière telle que :

30Note = 0  pas de port de commerce présent sur la commune

31Note = 11  présence d'au moins un port de commerce sur la commune

 Détermination de la variable Ad "Activités directement liées à la mer"

32Cette catégorie s'applique aux activités marchandes qui exploitent les ressources naturelles de la mer comme la pêche ou l'aquaculture et celles qui sont plus axées sur les loisirs. Il s'agit notamment des clubs de plongées, des clubs nautiques et des compagnies de promenades en mer.

33w La pêche : La note par site de l'activité pêche dépend du nombre de pêcheurs par commune, de leur mobilité et de leur sensibilité à une pollution marine. Le recensement des pêcheurs a été effectué grâce à des données fournies par l'Agence de développement économique de la Corse (ADEC) qui dans le cadre de la mise en euvre d’une politique de soutien au secteur a recensé le nombre de personnes tirant des revenus de cette activité. La petite taille des bateaux qui constituent la flotte insulaire conditionne la structure du secteur qui est essentiellement composé d’artisans pêcheurs sans salariés. Nous avons établi une relation directe entre l’intensité de l’activité et la sensibilité évaluée si bien que, plus le nombre de pêcheurs dans une commune est élevé, plus cette dernière est jugée sensible. Grâce à un découpage en déciles, le nombre de pêcheurs a été ramené à une note comprise entre 0 quand il n'y a pas d'activité de pêche et 10 lorsque celui-ci est supérieur à 35. L’échelle des valeurs obtenue est présentée dans le tableau 1 ci-dessous.

34La mobilité est estimée de manière générale, en fonction du type de bateaux présent sur la prud'homie. La règle de progression de cette sous-variable a été établie de la manière suivante : plus il y a de chalutiers dans une prud'homie moins l'activité est sensible, car ils peuvent se déplacer plus au large comparé à des petites embarcations. La mobilité s'exprime alors à l’aide d’une note comprise entre 0 quand il n'y a pas d'activité de pêche et 3, lorsque l’activité est assurée par plus de cinq chalutiers.

35La sensibilité est quant à elle fonction de la saison. L'activité est considérée comme plus sensible en période estivale (note 2) qu'en période hivernale (note 1). La valeur 0 est attribuée quand il n'y a pas d'activité de pêche.

36w L'aquaculture : Les données ont été récoltées auprès du syndicat des aquaculteurs. Le nombre de fermes aquacoles étant très limité en Corse, une simple distinction présence (note 1)/absence (note 0) d'aquaculture sur les communes est retenue. Cette valeur est ajustée à 0 ou 10.

37w Les clubs de plongée sous-marine : Les données concernant les clubs de plongée sous-marine, de pêche sous-marine et d'apnée proviennent de la fédération française d'études et de sports sous-marins, de l'Agence du tourisme de la Corse (ATC)et de requêtes effectuées dans les pages jaunes. Les clubs qui proposent de multiples activités dont la plongée sont pris en compte dans cette catégorie. L'activité plongée s'exprime en fonction du nombre de clubs présents sur chaque commune et de leurs durées d'ouvertures respectivement observées pendant la saison estivale et hivernale. On en déduit alors le régime de progression de la note suivant : une commune sera d'autant plus sensible que son nombre de clubs de plongée est important. Le nombre de clubs est ramené à une note comprise entre 0 quand il n'y a pas d'activité de plongée et 3 quand celui ci est supérieur à 9. La durée d'ouverture se traduit par une note comprise entre 0, quand il n'y a pas de centres de plongées ou que ceux-ci sont fermés et 3 lorsque la durée de la période d’accueil de la clientèle pendant les deux saisons est maximum.

38w Les clubs nautiques : La catégorie "clubs nautiques" prend en compte tous les clubs de voile, les locations de bateaux, kayaks, jets ski, « kite surf » et la pêche de loisirs. Les données sont fournies par la fédération française de voile, l’Agence du tourisme de la Corse (dans des documents publics ou suite à des demandes spécifiques) et les pages jaunes. Il est à noter que les clubs qui proposent de multiples activités comme la voile, les promenades en mer, à l’exception de la plongée sont placés dans cette catégorie.

39L'activité nautique se traduit par le nombre de clubs présents sur chaque commune et leur durée d'ouverture sur les deux saisons, si bien qu’une commune est jugée d'autant plus vulnérable à une pollution marine que le nombre de clubs nautiques qui y sont implantés est important. Comme précédemment, le découpage en quintiles permet de ramener le nombre de clubs à une note comprise entre 0 quand il n'y a pas de clubs nautiques et 5 pour la classe la plus élevée. La durée d'ouverture est traduite par une note comprise entre 0, quand il n'y a pas de clubs nautiques ou que ceux-ci sont fermés et 3 lorsque les clubs sont ouverts durant toute la saison.

40w Les compagnies de promenades en mer : Les activités marchandes ici concernées, regroupent les compagnies de promenades en mer et les entreprises louant des bateaux de croisières. Les données sont fournies par l’Agence du tourisme de la Corse et les pages jaunes. L’importance attribuée à cette activité s'exprime en fonction du nombre de compagnies et de leur durée d'ouverture sur les deux saisons (hiver et été). Par conséquent, une commune sera d'autant plus sensible que le nombre de compagnies de promenades en mer est important. Ce nombre est ramené à une note comprise entre 0 quand il n'y a pas de compagnies et 3 lorsqu’elles sont nombreuses.

41La durée d'ouverture se traduit par une note comprise entre 0, quand il n'y a pas de compagnies de promenades en mer ou que celles-ci sont fermées et 3 quand elles sont ouvertes durant toute la saison.

42w Les ports de plaisance et les ports d'abris voient leur impact déterminé par une combinaison du nombre de ports de plaisance présents sur la commune et de la fréquentation touristique, telle que :

43Note = 0  pas de ports de plaisance présents sur la commune

441 port < Note = 1 < 2 ports

45Note = 2 > 3 ports

46La fréquentation touristique s'exprime de la manière suivante :

47Note = 0 en hiver et quand il n'y a pas de ports

48Note = 3 en été quand il y a un port.

49Le tableau suivant récapitule les différentes valeurs prises par les éléments constitutifs de la sous-variable « Activités directement liées à la mer » conformément au mode d’affectation des valeurs indiqué précédemment.

Détermination de la variable Ap "Activités bénéficiant d'une proximité avec la mer

50Cette variable tient compte des activités marchandes qui bénéficient d’une localisation proche de la mer, voire d’une rente de situation de type « pieds dans l’eau ». Il s’agit d’une majorité de profession liée au tourisme, tel que les hôtels, les restaurants, les compagnies d’autocaristes, les piscines en eau de mer et les autorisations d'occupation temporaire. La détermination des activités concernées a été effectuée sur la base de la règle retenue dans le cadre des procédures d'indemnisation dans le cas de pertes économiques pures subies par l'industrie de service dans les secteurs tels que le tourisme ou le commerce des produits de la mer qui repose sur la démonstration d'un lien de causalité entre l'accident et les préjudices subis.

Tableau 1. Valeurs prises par les composantes de la variable « Activités directement liées à la mer »

Valeur de la sous-variable

Nombre de pêcheurs par commune

Nombre de chalutiers par commune

Nombre de clubs de plongée par commune

Dates d'ouverture des clubs de plongée en mois

Nombre de clubs nautiques

Durée d'ouverture des clubs nautiques (mois)

Nombre de compagnies

Durée d'ouverture des compagnies (mois)

0

Aucun

Aucun

Aucun

Aucun

Aucun

Aucun

Aucune

Aucune

1

1 à 4

> 5

1 à 4

1 à 2

1 à 4

1 à 2

1 à 3

1 à 2

2

5 à 9

1 à 4

5 à 8

3 à 4

5 à 8

3 à 4

4 à 6

3 à 4

3

10 à 14

0

9 à 12

5 à 6

9 à 12

5 à 6

7 à 9

5 à 6

4

15 à 19

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13 à 16

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5

20 à 24

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17 à 20

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6

25 à 29

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7

30 à 34

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8

35 à 39

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9

40 à 44

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10

45 à 49

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51w Les hôtels, campings et thalassothérapies : L’image touristique d’un site touché par une pollution marine est directement affectée, ce qui entraîne une baisse de la fréquentation. C’est pourquoi, les hôtels, campings et thalassothérapies sont concernés par les marées noires. Le recensement des différents types d’hébergements a été effectué à partir des données provenant des deux Chambres de commerce et d'industrie (CCI), de l’ATC, des offices du tourisme et des pages jaunes. Ce type d’activité professionnelle s'exprime en fonction de la capacité d'hébergement, de la durée d'ouverture selon la saison et de la distance à la mer. Les hôtels qui possèdent un restaurant sont classés dans cette catégorie et non dans la partie bars restaurants.

52La capacité d'hébergement correspond au nombre de chambres, d'appartements, de bungalows et d'emplacements de campings présents sur chaque commune. Tout comme les autres activités, il existe un lien direct entre l’intensité de l’activité et la sensibilité à une pollution marine. Par conséquent, une commune sera d’autant plus sensible que sa capacité d’hébergement est importante. A partir d’une distribution en déciles, la capacité d’hébergement a été ramenée à une note comprise entre 0 quand il n’y a pas d’hôtels, de campings et de thalassothérapies et 10 quand celle-ci est supérieure à 999 chambres, bungalows... tout confondu.

53La durée d'ouverture des hôtels est traduite par une note comprise entre 0, quand il n'y a pas d’hébergements ou que ceux-ci sont fermés et 3 quand ils sont ouverts toute la saison. Selon leur distance à la mer, les différents types d’hébergements n’ont pas la même sensibilité à une pollution marine, c’est pourquoi un classement en 3 catégories est réalisé. Les notes s’établissent entre 0 quand il n’y a pas d’hébergements ou que ceux-ci sont distants de plus de 1,5 Km et 3 quand ils se situent à un maximum de 500 m de la mer. Les hôtels et campings contactés qui n’ont pas souhaité répondre aux questionnaires n’ont pas été pris en compte dans ce classement.

54w Les bars et les restaurants : Cette catégorie correspond aux activités de restaurations et aux débits de boissons. Compte tenu de l’importance de cette population d’entreprises, des délais de réalisation du travail et de la faiblesse du gain informationnel tiré d’un inventaire exhaustif, une approximation a été retenue pour déterminer la vulnérabilité du secteur "bars restaurants". Prenant en considération le lien direct existant entre le nombre de touristes et la consommation dans les deux types de commerces concernés, nous avons donc retenu une relation positive entre les bars/restaurants et la capacité d’hébergements. Les données sont fournies par les deux Chambres de Commerce et d'industrie et l’INSEE. On pose donc le rapport nombre de chambres, etc. par commune/population communale. Un classement par quintiles est réalisé selon les notes de ce rapport. Les valeurs s’échelonnent entre 0, quand il n’y a pas d’hébergements et en l’occurrence pas de bars et de restaurants et 5, quand le rapport est supérieur à 0,63.

55w Les autocaristes : Les données concernant les compagnies d’autocaristes ont été collectées auprès de l’Agence du tourisme de la Corse, de l’INSEE et ont été complétées par un recours aux pages jaunes. Ces compagnies véhiculent des touristes essentiellement l’été, tandis que la saison hivernale est réservée en grande partie aux transports scolaires. C’est pourquoi, il est important d’ajouter un facteur de fréquentation touristique durant la période estivale, dans le but de bien différencier les deux saisons. L’activité des entreprises de transport par autocar s’exprime donc en fonction du nombre de compagnies et de la fréquentation touristique, si bien qu’une commune est jugée d’autant plus sensible que le nombre de compagnies est important. Conformément à la procédure générale, nous avons ramené le nombre de compagnies à une note par commune, comprise entre 0 quand il n’y a pas d’activité et 3 quand le nombre de compagnies est supérieur à 7.

Tableau 2. Valeurs prises par les composantes de la variable « Activités bénéficiant d'une proximité à la mer »

Valeur de la sous-variable

Nombre d'hébergements

Durée d'ouverture des hébergements (mois)

Distance à la mer

Rapport R "nombre d'hébergements + consommation dans les bars et restaurants / population communale"

Nombre de compagnies d'autocaristes

Nombre d'AOT

0

Aucun

Aucun

Aucun à moins de 1,5 km

0

Aucune

Aucune

1

1 à 7

1 à 2

500 km à 1,5 km

0 à 0, 0426

1 à 3

1 à 5

2

8 à 29

3 à 4

0 à 500 m

0,0427 à 0,124

4 à 6

6 à 11

3

30 à 59

5 à 6

0,125 à 0,335

> à 7

12 à 17

4

60 à 112

---

---

0,336 à 0, 62

---

18 à 23

5

113 à 173

---

---

> à 0, 63

---

24 à 29

6

174 à 279

---

---

---

---

30 à 35

7

280 à 385

---

---

---

---

36 à 41

8

386 à 513

---

---

---

---

42 à 47

9

514 à 998

---

---

---

---

48 à 53

10

> à 999

---

---

---

---

> à 54

56La fréquentation touristique est estimée à l’aide du rapport nombre de touristes/ population totale corse. D’après l’Agence du tourisme de la Corse, le nombre de touristes s’élèverait à 2 312 801 personnes en 2003 et selon l’INSEE, au recensement de 1999 la population corse atteindrait 260 149 individus. Par conséquent, la population insulaire est multipliée par 9 durant la période estivale. Le facteur 3, qui est un multiple de 9, correspond à la note de fréquentation touristique estivale. En période hivernale, on estime que la fréquentation touristique est nulle (note 0).

57w Les aquariums : Les aquariums renouvellent l’eau de leur bassin directement avec l’eau provenant de la mer. Tout prélèvement leur serait impossible en cas de pollution marine. Les données concernant cette activité ont été fournies par les pages jaunes. Le nombre d’aquariums publics en Corse étant très limité, une simple distinction présence (note 1) ou absence (note 0) d’aquarium sur les communes est retenue.

58w Les piscines en eau de mer : Tout comme les aquariums, les piscines en eau salée prélèvent directement leur eau dans la mer. Il leur serait également impossible de pomper de l’eau en cas de marée noire. Les données relatives au nombre d’entités concernées ont été transmises par les deux DDASS. Seules les piscines d’eau de mer n’appartenant pas à des hôtels ont été retenues. Comme précédemment, en raison de l’extrême faiblesse du nombre de piscines, nous avons retenu l’introduction d’une variable muette de type :

59Piscine présente sur la commune  note 1

60Sinon  note 0

61w Les autorisations d’occupation temporaire : AOT : Cette catégorie regroupe toutes les occupations temporaires (annuelles ou saisonnières) du littoral. Il s’agit notamment des paillotes (restauration, base nautique, etc.), des pontons et des concessions de plage. Seules les AOT ayant une autorisation ont été prises en compte. Les données ont été fournies par le service DPM* des deux DDE*. A partir d’un classement par déciles, le nombre d’AOT a été ramené à une note comprise entre 0 quand il n’y a pas d’AOT sur une commune et 10 lorsque celles-ci sont supérieures à 54.

62Les différentes valeurs des sous-variables constitutives deux groupe des « Activités bénéficiant d’une proximité à la mer » sont récapitulées dans le tableau suivant :

63Nous avons vu que plusieurs catégories d’activités marchandes sont concernées par l’impact d’une pollution marine. Cependant se ne sont pas les seules concernées. En effet, il ne faut pas oublier les activités non marchandes, telles que les activités culturelles ou de loisirs.

Détermination des activités de loisirs L

64Cette variable correspond aux activités non marchandes de loisirs qui pourraient être affectées par une marée noire. Nous appuyant sur des articles de la presse régionale, sur une analyse des discours d'élus locaux et sur le Plan de développement de la Corse réalisé par l'Assemblée territoriale en 1993 et révisé en 1999, nous avons considéré que la pollution affecte négativement les habitants à l’année et les touristes puisqu’elle empêche ces deux groupes de profiter d’une activité de baignade et de toute forme de loisir se déroulant à proximité immédiate de la mer. L’utilité de ces dernières dépend ainsi de la qualité des eaux de baignade, de la disponibilité des ports de plaisance, de la capacité des sentiers de randonnée et du fonctionnement des centres équestres qui sont nombreux à proposer des promenades sur le rivage.

65w La qualité des eaux de baignade : Selon la qualité des eaux de baignades, certaines plages peuvent être interdites au bain. En effet, une plage avec une eau qualifiée de mauvaise qualité sanitaire selon la DDASS, se verra interdite à la baignade. Par conséquent, l’arrivée d’une marée noire sur ces dernières aura moins de conséquence que sur une plage bénéficiant d’une eau de bonne qualité, en raison du moindre niveau de fréquentation observé avant l’événement. La notion de "qualité des eaux de baignade" étant complexe à observer, nous avons choisi de la faire dépendre de deux grandeurs objectives qui sont d’une part la qualité de l’eau sur les différentes communes et d’autre part la fréquentation touristique.

66Les données concernant la qualité de l’eau en 2002 ont été fournies par la DDASS. Cette qualité est transcrite en une note comprise entre 0 quand la baignade est interdite et 3 quand l’eau est de bonne qualité. L’activité de baignade ne se pratiquant en général qu’en période estivale, il est nécessaire d’ajouter un facteur de fréquentation touristique afin de différencier clairement les deux saisons prises en compte dans cette étude. De la même manière que pour l’activité "autocariste", le facteur 3 va correspondre à la note attribuée à la fréquentation touristique estivale, alors que la fréquentation touristique hivernale se verra associée au facteur 0.

67w Les ports de plaisance : La catégorie "ports de plaisance" regroupe essentiellement les ports de plaisance, les ports d’abris et les mouillages. En cas de pollution marine certains mouillages peuvent être interdits, obligeant alors les plaisanciers à faire escale dans d’autres ports ou abris. Les données relatives à ces structures d’accueil sont fournies par la fédération des industries nautiques et l’Agence du tourisme de la Corse. En raison du caractère difficilement objectif de cette sous-variable, nous avons retenu une procédure d’estimation de la sensibilité à l’échelle communale telle que cette dernière sera fonction du nombre de ports et de la fréquentation touristique. On en tire la norme de progression suivante : une commune sera d’autant plus sensible que le nombre de ports ou de mouillages qui y sont répertoriés est important. Le nombre de ports s’exprime alors à l’aide d’une note comprise entre 0, quand il n’y a pas d’ouvrage permettant de faire escale, et 2, quand celui-ci est supérieur à 5. La plaisance se pratique le plus souvent durant l’été, c’est pourquoi il est nécessaire de rajouter un facteur de fréquentation touristique. Comme précédemment, la note 3 correspondra à la saison estivale et la note 0 à la saison hivernale.

68w Les sentiers de randonnées : Cette sous-variable ne prend en compte que les sentiers du littoral. Le nombre de ces sentiers étant très limité en Corse, une simple distinction présence (note 1)/absence (note 0) de sentiers sur les communes est retenue. Les données sont fournies par l’IGN et par les offices du tourisme.

69w Les centres équestres :Les centres équestres organisent tout au long de l’année des sorties sur le littoral. En cas de marée noire l’itinéraire des sorties peut être modifié, ce qui nous conduit à considérer que cette activité est mobile et donc moins sensible à une pollution marine. Pour l’estimer nous nous sommes appuyés sur des données provenant de la fédération française des sports équestres, des offices du tourisme et des pages jaunes, qui ont fourni des informations relatives au nombre de clubs observés par commune. Cependant, à la différence des activités de loisirs précédemment évoquées, nous n’avons pas tenu compte ici de l’influence exercée par la fréquentation touristique. En effet, les enquêtes reprises dans les Tableaux de l’Economie Corse publiées par l’INSEE montrent que la Corse compte un nombre très important de licenciés durant toute l’année, ce qui réduit la saisonnalité de l’activité des centres équestres. Travaillant très largement avec une clientèle locale, ces derniers se révéleraient autant affectés l’hiver que l’été par une pollution. Compte tenu des précédents éléments, nous avons choisi d’appliquer une règle de progression standard au sens où une commune est jugée d’autant plus sensible que le nombre de centres équestres qui y sont implantés est important. Afin de normer le résultat, le nombre de clubs a été ramené à une note comprise entre 0 quand il n’y a pas de clubs hippiques, et 2 quand celui-ci est supérieur à 3.

70w Les mouillages : Cette variable est binaire. Soit la commune accueille des mouillages et la note est maximale, soit il n'y en a pas et la valeur de la variable est nulle :

71Note = 0  pas de mouillages présents sur la commune

72Note = 7  présence de mouillages sur la commune

73De même que précédemment, son importance est liée à la fréquentation touristique qui s'exprime de la manière suivante :

74Note = 0 en hiver et quand il n'y a pas de mouillages

75Note = 3 en été quand il y a des mouillages

Détermination de la variable P "Patrimonialité culturelle"

76Cette variable prend en compte les activités non marchandes culturelles. Il s’agit notamment des monuments historiques et des festivals. Le patrimoine culturel joue un rôle essentiel dans la constitution du paysage contemporain. Il témoigne de la mémoire collective et caractérise le legs du passé. Les différents festivals ou manifestations culturelles permettent l’approche et la connaissance de l’environnement ainsi que des pratiques sociales et techniques d’une région.

Tableau 3.  Valeurs prises par les composantes de la variable « Activités de loisir »

Valeurs de la sous-variable

Qualité des eaux

Nombre de ports ou zones de mouillage

Nombre de centres équestres

0

Baignade interdite

Aucun

Aucun

1

Eau de mauvaise qualité

1 à 4

1 à 2

2

Eau conforme de moyenne qualité

5 à 8

3 à 4

3

Eau conforme de bonne qualité

---

---

77w Les monuments historiques : Cette catégorie ne prend en compte que les monuments historiques situés sur le littoral et qui pourraient être touchés directement par des projections de pétrole. Les données ont été fournies par la Direction régionale aux affaires culturelles et l’IGN. Cette sous-variable va s’exprimer en fonction du nombre de monuments présents, de sorte qu’une commune sera d’autant plus sensible que le nombre de monuments répertoriés est important. Ce nombre est ramené à une note comprise entre 0 quand il n’y a pas de monuments, et 2 quand on en identifie plus de 4.

78w Les festivals : L’activité "festival" ne prend en compte que les manifestations culturelles (festivals), les foires rurales et les manifestations sportives en rapport avec la mer dont le chiffre d’affaires, le résultat financier ainsi que l’image peuvent être affectées par le manque de touristes. Dans la mesure où les marchés, et fêtes religieuses concernent d’avantage la population, il ne nous est pas apparu nécessaire de les répertorier. Les données concernant ces festivals, ces foires ont été collectées auprès de l’Agence du tourisme de la Corse. Cette sous-variable va s’exprimer en fonction du nombre de manifestations, de sorte qu’une commune sera d’autant plus sensible que le nombre de manifestations culturelles qui s’y déroulent est important.

79Le tableau suivant récapitule les valeurs prises par les différentes sous-variables constitutives de la patrimonialité culturelle du littoral.

Tableau 4. Valeurs prises par les composantes de la variable « Patrimonialité culturelle »

Valeurs de la sous-variable

Nombre de monuments

Nombre de festivals

0

Aucun

Aucun

1

1 à 3

1 à 3

2

4 à 6

4 à 6

3

---

7 à 9

80Une fois que les notes par commune ont été attribuées à chacune des sous variables recensées précédemment (pêche, aquaculture, etc.), il est possible d’obtenir la note des variables PC, Ad, Ap, L et P grâce à l’addition des notes partielles. La somme des notes des quatre variables par commune constitue alors la note de vulnérabilité socio-économique de cette dernière selon la saison. On obtient alors une matrice de données qui, à chaque commune donne une valeur à l'ensemble des éléments précités et dont peut être déduit un ensemble d'informations relatives à l'impact d'une pollution sur une portion d'un littoral.

Discussion

81Même si sa structure d’ensemble de cet indice est proche de celui de Lagabrielle précédemment présenté, il s’en différencie essentiellement par la liste des secteurs économiques pris en comptes et par la juxtaposition d’éléments marchands et non-marchands. La reconnaissance d’un usage récréatif et culturel du littoral constitue la principale avancée de la démarche proposée au regard de celles qui sont habituellement conduites dans le domaine de l’évaluation des risques sur la base d’indices de sensibilité (voir par exemple Gourdol et Bézelgues, 2004). Son application est porteuse d’une série d’enseignements que nous allons maintenant discuter.

82Après collecte et traitement, les informations relatives aux quatre-vingt-dix-sept communes littorales corses ont été regroupées dans une base de données grâce à laquelle il est possible d'affecter une valeur par commune aux différentes variables et sous-variables précédemment citées. Le tableau suivant reprend pour quelques grandes communes les résultats obtenus pour les variables "Qualité de seaux de baignade" et "ports de plaisance, abris et mouillages".

Tableau 5.  Exemples de calcul des valeurs prises par une variable

Commune

Qualité des eaux de baignade Eté

Fréquentation touristique des eaux de baignade été

Valeur totale du paramètre "eaux de baignade"

Valeur totale du paramètre "qualité des eaux de baignade" - Eté ajusté

Ports de plaisance, abris mouillage (valeur brute) Eté

Valeur du paramètre "ports de plaisance selon le nombre de ports Eté

Fréquentation touristique de sports de plaisance

Valeur totale du paramètre "ports de plaisance"

Valeur totale du paramètre Ports de plaisance ajusté – Eté

Bastia

2

3

5

9

1

1

3

4

8

Calvi

3

3

6

10

1

1

3

4

8

Ajaccio

3

3

6

10

1

1

3

4

8

Porto-Vecchio

3

3

6

10

2

1

3

4

8

83En procédant de même avec l'ensemble des variables et en les agrégeant selon la méthode indiquée dans la partie précédente, on obtient deux tableaux synthétiques de la sensibilité des communes par saison. Les indices correspondant à la vulnérabilité économique des principales communes littorales de Corse pendant les deux périodes (hiver et été) déterminées précédemment figurent sur les tableaux suivants. Ils permettent de déterminer l'importance et l'origine de cette forme de vulnérabilité. Ainsi, il apparaît que la vulnérabilité du littoral d'un point de vue socio-économique est plus importante en été qu'en hiver, ce qui n'ai rien de surprenant du fait de l'importance de l'activité touristique et de sa concentration sur le littoral. Le cas de la commune de Sartène est à ce titre largement illustratif de celui de toutes les communes corses dont le cœur urbain est situé à l'intérieur des terres, voire en altitude, mais qui, possédant une "plage", voient leur statut de lieu de loisir fortement augmenter au cours de l'été si bien qu'entre les deux saisons, seule la composante liée à l'activité de loisirs diffère. Il en va différemment des communes dont le centre est situé en bord de mer, Calvi et Saint-Florent par exemple, qui passent d'une saison d'hiver atone (la plupart des hôtels et restaurants sont fermés puisque ces communes sont suréquipées de ce point de vue au regard de la population permanente de ces micro-régions, respectivement environ 8 300 et 4 000 personnes) à une saison estivale brève mais intense, la Balagne étant un lieu de forte attraction touristique. Par le rôle clef qu’il joue dans la promotion de l’image de la Corse, le cas de Bonifacio mérite aussi d’être précisé. La position de la commune à l’extrême sud de l’ile en bordure de l’étroit bras de mer entre la Corse et la Sardaigne ainsi que la présence de la citadelle et des falaises confère à la ville une forte patrimonialité culturelle tout au long de l’année. Ces mêmes caractéristiques en font un haut lieu du tourisme, notamment estival, ces deux facteurs pouvant par ailleurs être source de conflits au niveau local (Cf. Melot, Serinelli et Paoli, 2006). Ainsi, de par les loisirs qu’elle procure sous forme de lieux de promenade et grâce à son fort taux d’équipements liés à l’hôtellerie, cette commune qui compte en outre un port de commerce par lequel transite un trafic régulier avec la Sardaigne possède un indice de vulnérabilité économique qui, passe du niveau moyen en hiver, à la classe supérieure au cours de l’été. La relative faiblesse des deux préfectures de département s'explique par la plus large part faite aux activités n'entretenant pas de liens avec la mer et le littoral. La diversité économique qui y prévaut contraste en effet avec la relative spécialisation touristique des villes de moindre importance qui ne bénéficient pas de services non marchands en quantité aussi importante et exercent un faible effet d'attractivité sur l'industrie sans pour autant posséder un profil agricole. On peut ainsi considérer que les niveaux des indices ainsi calculés sont révélateurs de l'organisation de l'économie corse, de son orientation touristique et de l'importance des éléments sociaux, la patrimonialité culturelle et les loisirs expliquant autant, voire parfois, davantage que les données économiques la vulnérabilité globale mesurée.

84La variation à la hausse de l'indice de vulnérabilité socio-économique entre l'été et l'hiver est observable dans 21 communes sur les 97 communes littorales recensées, les quatre communes pour lesquelles l'indice montre la plus grande variation entre les deux périodes étant les suivantes : Grosseto Prugna, Calvi, St Florent et L’Ile Rousse.

85Une analyse des déterminants des différentes variables conduit à écarter assez rapidement la patrimonialité culturelle des facteurs déterminants de la vulnérabilité socio-économique globale de la région, excepté dans le cas de Bastia qui organise un nombre important de festivals tout au long de l'année et d'Ajaccio qui concentre l'essentiel de ses activités culturelles au cours de la saison touristique. Il faut également mentionner, outre le rôle déterminant des ports de commerce déjà évoqué dans la construction de cette variable, l'importance des activités directement liées à la mer et, dans une moindre mesure, des activités proches de la mer et des loisirs. Leur analyse permet en effet de mettre en évidence les régularités suivantes :

  • Les clubs nautiques et les compagnies de promenade en mer dont l'activité est largement saisonnière voient leur importance croître considérablement en été, causant ainsi l'essentiel de la hausse de la variable "activités directement liées à la mer". En revanche, les clubs de plongée qui fonctionnent une grande partie de l'année avec une population locale exercent une faible influence sur la valeur finale de la variable

Tableau 6.  Valeur des indices des principales villes de Corse pour la saison d'hiver

Commune

Activités directement liées à la mer

Activités proches de la mer

Loisirs

Ports de commerce

Patrimonialité culturelle

Indice Hiver

Bastia

1

1

1

11

2

4

Saint-florent

1

1

2

0

1

1

Ile-rousse (l')

1

1

1

11

1

4

Calvi

2

1

2

11

2

5

Aleria

1

1

1

0

1

0

Ajaccio

3

1

1

11

2

6

Porto-vecchio

2

2

2

11

1

6

Propriano

2

1

1

11

1

5

Sartene

1

1

1

0

1

0

Bonifacio

2

2

1

11

2

6

Tableau 7.  Valeur des indices des principales villes de Corse pour la saison d'été

Commune

Activités directement liées à la mer

Activités proches de la mer

Loisirs

Ports de commerce

Patrimonialité culturelle

Indice Eté

Bastia

2

1

2

11

2

5

Saint-Florent

2

2

3

0

2

3

Ile-rousse (l')

2

2

2

11

2

6

Calvi

3

2

3

11

2

7

Aleria

1

1

1

0

2

1

Ajaccio

3

2

2

11

3

7

Porto-vecchio

2

2

3

11

1

6

Propriano

2

1

2

11

1

5

Sartene

1

1

2

0

1

1

Bonifacio

3

2

2

11

2

7

Tableau 8.  Liste des communes dont les indices varient entre l'hiver et l'été

Commune

Indice hiver

Indice été

Ecart

Commune

Indice hiver

Indice été

Ecart

Lecci

1

2

1

Belvedere-Campomoro

1

2

1

Piana

1

1

1

Bonifacio

6

7

1

Brando

0

1

1

Rogliano

1

2

1

Aregno

0

1

1

Ota

1

2

1

Algajola

0

1

1

Lumio

0

2

1

Poggio-Mezzana

0

1

1

Ajaccio

6

7

1

San-nicolao

0

1

1

Grosseto-Prugna

0

2

2

Olmeto

0

1

1

Calvi

5

7

2

Bastia

4

5

1

Saint-Florent

1

3

2

Cargese

0

1

1

Ile-Rousse (L')

4

6

2

Ghisonaccia

0

1

1

Figure 2.  Cartographie des indices de vulnérabilité de la Corse.

Figure 2.  Cartographie des indices de vulnérabilité de la Corse.
  • Parmi les déterminants de la variable "Activités bénéficiant d'une proximité à la mer", l'activité des hôtels, campings et centres de thalassothérapie situés à moins de 500 mètres de la mer explique l'essentiel de la variation observée entre l'hiver et l'été. A ce propos, on notera l'importance des Autorisation d'occupation temporaire dans deux communes, Ajaccio et Porto-Vecchio, qui rend compte de l'importance des "paillotes" dans leurs économies.

  • Seule l'intensification de la pratique de la randonnée entre l'hiver et l'été explique la légère hausse de la variable activités de loisirs entre les deux saisons, les autres paramètres (qualité des eaux, abris côtiers pour les bateaux, et promenades équestres étant stables tout au long de l'année.

  • 6  Les données ont également été dans un utilitaire cartographique par le service informatique de la (...)

86Le croisement des deux indices et des saisons « été » et « hiver » permet d’obtenir deux cartes interactives au 25.000ème du littoral de la Corse6 sur lesquelles les sites sensibles apparaissent en trait foncé chaque fois que leur sensibilité est supérieure au seuil de sensibilité considéré comme critique par les experts du comité constitué par la DIREN de Corse, à savoir l'indice 6 et au-delà (figure 2). Il est alors possible d’avoir accès aux valeurs de toutes les variables et sous-variables en « cliquant » sur un des sites sensibles. La figure 2 présente le découpage par zone de vulnérabilité du littoral pour les deux périodes identifiées. On constate que, de manière générale, la vulnérabilité socio-économique du littoral corse est assez faible ce qui ne saurait guère surprendre compte tenu de la faiblesse démographique (260 000 habitants environ) et économique de la région (Levratto, 2001). Les villes et l'extrême sud, espaces concernés par la présence de ports de commerce et d'activités liés au tourisme sont les zones les plus sensibles à l'occurrence d'une pollution marine et, par conséquent, devraient pouvoir bénéficier des moyens les plus importants en cas de problème de ce type.

Conclusion

87L'objectif initial de ce travail était de mettre en œuvre la méthode d'évaluation de la vulnérabilité du littoral préconisée dans la révision des plans POLMAR présentée par le CEDRE. L'enjeu portait principalement sur la mesure de la sensibilité des activités socio-économiques à une pollution d'origine marine ce qui soulève d'abord la question de l'identification des types d'activités concernées et celle de la mesure de l'impact que peut exercer une pollution marine sur leur fonctionnement. Compte tenu de la dépendance de la Corse à l'égard du tourisme et la présence significative d'activités primaires, ce sont ces composantes que l'on retrouve très majoritairement parmi les variables représentant la vulnérabilité des activités directement liées à la mer et celle des activités bénéficiant d'une proximité de la mer. La question de la vulnérabilité des biens et services non marchands s'est révélée plus problématique car l'expérience accumulée au cours des marées noires antérieures a principalement consisté à considérer que les dommages de ce type ne peuvent pas être quantifiés économiquement si bien que les remboursements accordés représentent une fraction déterminée par une négociation entre les parties du total des coûts de nettoyage. Effectué dans le cadre d'un exercice ex ante, le présent travail ne pouvait se satisfaire de cette solution, si bien qu'il nous a fallu identifier à partir d'articles de presse et de discours d'élus locaux les principales vocations du littoral corse en tant qu'espace non-marchand. La patrimonialité culturelle et la valeur récréative sont rapidement apparues comme les deux composantes clés de ce volet non marchand, nous conduisant à les intégrer à la formule finale.

88Au regard de l'économie de la Corse, les résultats obtenus sont peu surprenants. La vulnérabilité socio-économique de base, à savoir celle donnée par la valeur des indices au cours de la saison d'hiver, est relativement faible, le Produit intérieur brut régional étant dominé par les services non-marchands liés à l'application d'un programme républicain et les services à la personne dispensés dans un cadre qui relève principalement de l'économie sociale et solidaire largement prise en charge par le milieu associatif comme l’indique la première place occupée par la Corse dans le classement du nombre d’associations par habitant (Cf. Bolusset et al., 2005), laquelle est essentiellement orientée vers la population locale. L'accroissement des valeurs totale et partielles de l'indice pour la période estivale est lié à la présence de touristes sur la frange littorale de l'île qui voit le nombre d'hôtels, cafés, restaurants et clubs de loisirs augmenter de manière nette. Les écarts de niveau entre la valeur hivernale et estivale des indices socio-économiques est ainsi principalement due à l'intensification de l'activité des hôtels et restaurant localisés à proximité immédiate de la mer.

89Au total, même s'il serait envisageable d'améliorer les résultats obtenus en utilisant les chiffres d'affaires plutôt que le nombre d'établissement et en procédant à la valorisation des activités de loisirs grâce à la méthode des coûts de transport ou des prix hédoniques, il faut souligner que pour les activités saisonnières les premiers sont difficile à obtenir et que la valorisation des biens non-marchands n'a fait l'objet d'aucun travail antérieur sur la région concernée. Ainsi, compte tenu de la rareté des données sources et de l'importance des exigences en matière de révision des plans POLMAR, il apparaît que ce premier exercice fournit des résultats cohérents avec les analyses économiques de la Corse et à portée opératoire dans la mesure où les zones les plus vulnérables d'un point de vue socio-économiques sont également celles qui sont réputées les plus sensibles d'un point de vue écologique.

Biographie

90Nadine Levratto est chargée de recherche au CNRS et professeure affiliée a Euromed. Ses travaux portent sur la mise en œuvre et l'évaluation des politiques publiques et font l'objet d'application au cas des petites économies insulaires. Elle est l'auteur d'un ouvrage sur l'économie de la Corse et d'articles sur l'action publique dans les zones insulaires françaises.

91Isabelle Clemenceau est Ingénieur du génie rural, des eaux et forêts Chef de la mission Mer et Littoral Direction Régionale de l'Environnement de la Corse. Elle est actuellement responsable de la révision des annexes environnementale des plans POLMAR terre de Corse.

Remerciements

92Cet article est le résultat d'une convention de recherche passée entre la DIREN de Corse et l'IDHE, unité mixte de recherche CNRS-Ecole Normale Supérieure de Cachan. Les auteurs remercient Sigrid Requet, étudiante du Master Ingénierie de l'écologie à l'université de Corse en stage à la DIREN de Corse d'avril à novembre 2003 qui a largement contribué à la collecte et au traitement des données et Jacques Nicolau, du service Systèmes d'information géographique de la DIREN de Corse, grâce auquel les cartes présentées dans ce document ont été obtenues. Les remarques de Leslie Bokor et Eric Palvadeau du BRGM ont également permis d'améliorer ce document. Les erreurs ou omissions qui pourraient demeurer ne sauraient leur être imputées.

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Bibliography

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Notes

1  Les atlas de sensibilité environnementale ne sont pas réservés à la France. Il en existe dans de nombreux pays, au Canada notamment ainsi qu’on peut le voir sur le site d’Environnement Canada où sont présentés «  Les Atlas de sensibilité environnementale des Grands Lacs » réalisés par la Division des urgences et de l'application de la loi, la Direction de la protection de l'environnement et Environnement Canada- Région de l'Ontario en 1994 (http://www.on.ec.gc.ca). Ils ont été réalisés dans la perspective d’une pollution par hydrocarbures en prenant en compte les différents usages des ressources locales.

2  On définit la sensibilité comme la proportion dans laquelle un système écologique est influencé par une pollution. Les effets peuvent être directs (par exemple une perte de ressources halieutiques) ou indirects (dommages causés par la présence de matériel de nettoyage ou par le stockage du sable souillé sur des zones sensibles).

3  La vulnérabilité est la mesure dans laquelle un système économique et social est affecté par les effets d'une pollution. La vulnérabilité est fonction de la nature, de l’ampleur et du rythme de la perturbation à laquelle le système considéré est exposé et de sa capacité d’adaptation suite au choc initial. Ici encore les effets peuvent être directs (diminution du nombre de touristes ou impossibilité de conduire une activité de pêche professionnelle) ou indirects (par exemple un détournement de flux de fréquentation touristique ou annulation de programmes culturels alors même que l'arrière plage n'est pas touchée).

4  Une présentation de l’impact sur la faune et la flore compte tenu du faciès géomorphologique a été réalisée dans le cadre d’un rapport (Cf. Bokor, L., I. Clémenceau et E. Palvadeau, 2005) qui présente la méthodologie de la hiérarchisation des thématiques de l’atlas et la prise en compte des éléments écologiques dans le cadre d’un indice de sensibilité fondé sur un relevé des espèces en présence, l’évaluation de leur rareté, les niveaux de protection éventuelle dont elles bénéficient, le tout organisé en fonction d’une sensibilité géomorphologique qui dépend et de la durée probable de séjour de la pollution sur une côte évaluée en fonction du type de cote et de l’exposition à la houle. L’indice de vulnérabilité écologique qui combine donc des éléments relatifs à la faune, à la flore et à la géomorphologie entre pour moitié dans le calcul de l’indice de vulnérabilité totale.

5  Celle-ci ne constitue pas un secteur d'activité au sens de l'INSEE. Le secteur breton du tourisme a toutefois fait l'objet d'une définition par la NOAA qui le présente comme "les hôtels, les pensions de famille, les terrains de camping, les restaurants et les autres entreprises dont l'activité partielle ou globale est de satisfaire les besoins des touristes" (NOAA, 1984, p. 219)

6  Les données ont également été dans un utilitaire cartographique par le service informatique de la DIREN. Cet utilitaire réalisé en interne avec le logiciel Arcview GIS 3.3, permet de concentrer toutes les données récoltées lors de l’examen des différentes thématiques et de les lier au linéaire côtier de la Corse. Afin de mieux visualiser les sites, des liens avec des orthophotos ont été établis lorsque l’échelle devient inférieure au 1/25000ème

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Title Figure 2.  Cartographie des indices de vulnérabilité de la Corse.
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References

Electronic reference

Nadine Levratto and Isabelle Clemenceau, « Ã‰laboration d'un indice de vulnérabilité socio-économique d'un littoral : une application au cas de la région Corse Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 6 Numéro 3 | décembre 2005, Online since 01 December 2005, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/2470 ; DOI : 10.4000/vertigo.2470

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About the authors

Nadine Levratto

IDHE, UMR 8533 CNRS École Normale Supérieure de Cachan, Bâtiment Laplace, 61, avenue du Président Wilson, F.94235 Cachan Cedex levratto@idhe.ens-cachan.fr

Isabelle Clemenceau

Ingénieur du génie rural, des eaux et forêts Chef de la mission Mer et Littoral DIREN CORSE, Chemin d'Agliani Montesoro, F.20600 Bastia  isabelle.clemenceau@corse.ecologie.gouv.fr

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