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Visages de la biodiversité marine

Pierre Brunel

Abstracts

The huge variety of plants, animals and microbes, their genes and the landscapes that they build, all these components of the living world – or « biosphere » - on our planet make up its biodiversity (or biological diversity), so-called since about 1985. The bulk of this diversity is unseen by most people since a huge majority of these living organisms are too small and hidden in vegetation, in soil, in coral reefs, in muds and sands covering the bottom of oceans, lakes and rivers. Many of these organisms are nonetheless indispensable to the well-being of humans, either directly as renewable resources with market value, or indirectly for maintaining a certain ecological equilibrium in present-day nature. This balance is presently being broken in many places on our planet because industrial Man has eradicated too many species supplying ecological services. The latter are ignored by his myopic accounting bothered only by the monetary value of immediate goods and services. Planetary biodiversity can be viewed under four components, that of species, that of high-level taxonomic groups, that of their genetics, and that of ecosystems and their functions and services for humanity. Methods necessary to gain knowledge on those four types of living variety are summarized. The diversity of marine species is harder to know than that of terrestrial or freshwater species, which is probably greater, but high-level biodiversity is much greater in the oceans. Figures are given to demonstrate that of the main animal phyla and classes, together with examples of new and recent discoveries at these levels. Marine ecological biodiversity is illustrated first by the major ways of life (plankton, nekton, benthos and parasites), and afterwards by the large groups of species with different geographic distributions determined by present-day temperatures but strongly influenced by the evolutionary history of the earth. Ecosystems are a third kind of functional organization of microbial, plant and animal communities which are deeply structured by depth and light in the sea. Present knowledge on marine genetic biodiversity rests heavily on species with short-term usefulness, but great progress is being made on the phylogeny of high-level taxa, and modern molecular techniques promise to complement traditional morphological methods to identify species. To counter current grave threats to marine biodiversity, collective and individual actions are now urgent. Examples are those of shifting protection priorities from vulnerable species toward whole vulnerable ecosystems, and managing entire marine ecosystems instead of only their abundant commercial species.

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Full text

Introduction

1Les paragraphes qui suivent visent à brosser un panorama général plutôt descriptif de la biodiversité marine en dirigeant les lecteurs vers quelques sources bibliographiques qui les mèneront vers des connaissances plus approfondies s’ils le désirent. Les connaissances sur la biodiversité terrestre sont toutefois bien plus grandes que pour les milieux aquatiques, moins visibles. Il est donc apparu utile de présenter d’abord un survol des connaissances sur la biodiversité générale, acquises surtout en milieux terrestres, et des méthodes employées pour l’étudier.  Il était ensuite possible de comparer la biodiversité marine à celle de chacun des trois autres milieux, terrestres, d’eaux douces et symbiotiques, comparaisons ici très inspirées par May (1994). Les espèces dites symbiotiques sont plus ou moins étroitement associées à d’autres organismes vivants, qui leur procurent un substrat ferme analogue aux substrats minéraux durs ou meubles qui servent d’habitats aux espèces benthiques. Sauf pour leurs stades larvaires qui servent à la dispersion, les espèces endoparasites, notamment, deviennent donc presque indépendantes du milieu extérieur de leur hôte.

2Parmi les ouvrages collectifs généraux traitant en profondeur de presque toutes les facettes de la biodiversité mondiale, citons Groombridge (1992), Hawksworth (1994), Heywood et Watson (1995) et Reala-Kudla et al. (1997). Les aspects taxinomiques ont fait l’objet récemment d’un collectif édité par Godfray et Knapp (2004) et de numéros thématiques dans les revues Science (2003) et Trends in Ecology and Evolution (2003). A l’échelle canadienne, les ouvrages du Biodiversity Science Assessment Team (1994) et de Mosquin et al. (1995)  décrivent bien la situation à cette époque. Les documents scientifiques de même calibre sur la biodiversité marine sont nettement moins nombreux : celui d’Ormond et al. (1997) rassemble 18 articles techniques de haut niveau. Dans la catégorie des sources documentaires plus légères sur la biodiversité marine, on trouvera des données sérieuses fort utiles et bien vulgarisées dans quatre numéros thématiques des revues BioScience (American Institute of Biological Sciences, 1991), Oceanus (Woods Hole Oceanographic Institution, 1995, 1996) et Oceanography (Sullivan, 1996). Nous avons délibérément exclu ici, faute d’espace, les ouvrages proposant des modèles théoriques interprétatifs de la biodiversité, des mécanismes écologiques et évolutionnaires qui la sous-tendent et de ses rapports avec la productivité ou d’autres propriétés écologiques analogues des écosystèmes.

Quatre sortes de biodiversité sur notre planète

3La notion de biodiversité se rattache à plusieurs domaines de la biologie, mais ne les englobe pas complètement : ce concept doit idéalement mettre à l’étude de nombreuses entités biologiques, et suppose des études comparatives de ces éléments. Les espèces sont encore les éléments les plus opérationnels de la biodiversité en raison de l’ancienneté des descriptions, des connaissances biologiques et des usages accumulés sur elles.  Ainsi, l’étude du comportement, de l’écologie ou de la physiologie d’une seule espèce s’éloigne du champ de la biodiversité, alors que celle de la distribution spatiale de ses nombreuses populations en fait partie, de même que celle des allèles ou des séquences génomiques qui les caractérisent au niveau moléculaire. Les comparaisons peuvent toutefois se faire à différents niveaux de la hiérarchie d’organisation des êtres vivants. A cet égard, il est devenu habituel parmi les biologistes de distinguer de trois à cinq types de biodiversité.Quatre types sont différenciés ci-dessous.

La biodiversité des espèces

4La biodiversité des espèces considère les espèces comme les principales unités opérationnelles de la vie, dont les individus peuvent se reconnaître et se reproduire entre eux et transmettre à leur progéniture leurs gènes et mécanismes héréditaires; elles l’ont fait pendant de longues, voire extrêmement longues, périodes du passé géologique ou évolutionnaire. On peut aussi désigner cette diversité « biodiversité taxinomique de niveau inférieur », la taxinomie étant la science qui décrit et classifie toutes les espèces connues. Le Lion, le Moineau, la Mouche et l’Homme sont des exemples d’espèces bien connues; la Morue atlantique, la Baleine bleue et la Moule bleue sont des espèces marines familières. Seules les espèces bien connues des humains ont reçu de tels noms dans les langues vivantes. Puisque l’immense majorité des autres espèces n’ont jamais été nommées avant l’avènement de la science, les biologistes ont donné à toutes les espèces reconnues depuis des noms scientifiques tirés du latin. La Morue atlantique a ainsi été nommée Gadus morhua et son cousin l’aiglefin est baptisé Gadus aeglefinus; le second nom est celui de l’espèce et le premier celui du genre, qui exprime la proche parenté, comme le nom de famille des humains.  

La biodiversité taxinomique de hauts niveaux

5La biodiversité taxinomique de hauts niveaux réfère aux groupes d’espèces progressivement plus grands et emboîtés qui forment une classification hiérarchique des êtres vivants. Les groupes supérieurs englobent ou contiennent ceux des niveaux inférieurs, et les différences de caractères entre les groupes supérieurs sont plus grandes et plus nombreuses qu’entre les groupes inférieurs. Les espèces sont ainsi groupées dans les genres, les genres dans les familles, les familles dans les ordres, les ordres dans les classes, les classes dans les embranchements (ou « phylums ») et les embranchements dans les règnes. Les groupes de tous niveaux sont désignés « taxons ». Les biologistes anciens ne reconnaissaient que deux règnes, celui des Plantes et celui des Animaux (plus le règne sans vie des roches et minéraux, maintenant désuet). Les progrès des connaissances aux niveaux microscopique et moléculaire ont conduit les scientifiques à la reconnaissance actuelle de cinq règnes, celui des Animaux (pluricellulaires et consommateurs d’autres êtres vivants), celui des Plantes (pluricellulaires et capables de photosynthétiser leur propre matière organique), celui des Mycètes (pluri- ou unicellulaires et décomposeurs d’autres êtres vivants, incluant les champignons et les levures), celui des Protistes (surtout unicellulaires et fonctionnant soit comme des plantes, soit comme des animaux) et celui des Monères (dominés par les bactéries, unicellulaires encore plus petits et habiles chimistes); les Protistes sont en voie d’être divisés en deux règnes valides, les Protozoaires (surtout des protistes animaux) et les Chromistes (surtout des protistes végétaux), d’après des découvertes ultramicroscopiques et moléculaires nouvelles. Tout cela démontre que les taxons de hauts niveaux dépendent de l’avancement des connaissances spécialisées et de l’opinion éclairée des quelques biologistes pourvus d’un tel savoir. Bien qu’on s’accordât généralement sur les espèces contenues dans les taxons de hauts niveaux, le nom d’un taxon et le niveau auquel on le place dans la hiérarchie sont un peu arbitraires; par exemple, une liste des 33 embranchements reconnus en 1987 est présentée dans le tableau 1, tandis que le tableau 2 plus bas, qui contient seulement 23 embranchements, intègre des propositions de 1998 qui réduisent d’anciens embranchements au niveau des classes. Les Mammifères, les Oiseaux, les Reptiles, les Amphibiens et les Poissons osseux (Ostéichtyens) sont des exemples de classes dans l’embranchement des Cordés. Les groupes taxinomiques de hauts niveaux sont essentiellement des catégories d’espèces moulées dans leurs nombreuses et distinctives différences par leur hérédité complexe et stable, acquise pendant la durée extrêmement longue de leur évolution : ils se sont adaptés aux lents changements de leur environnement, ont survécu aux brusques catastrophes naturelles, pour se figer dans leur architecture morphologique distinctive. Parmi les exemples marins, on peut voir les énormes différences architecturales entre les embranchements animaux lorsqu’on compare une éponge (embranchement Porifera), une étoile de mer (embr. Echinodermata), un homard (embr. Arthropoda) et n’importe quel poisson (embr. Chordata). Disséquer des individus de tels taxons révèle de leur anatomie encore davantage des différences fondamentales dans leur structure corporelle. La plupart des embranchements sont très anciens, puisque leur origine remonte à plus de 600 millions d’années, avant que la plupart des fossiles se soient formés : on peut donc les qualifier de mémoire de la biosphère. Très peu d’embranchements ont disparu depuis leur origine, puisqu’il aurait alors fallu que toutes leurs espèces aient disparu partout, événement peu probable; mais beaucoup d’espèces et de genres, dans différents embranchements et classes, ont subi l’extinction quelque part durant ces centaines de millions d’années.

Tableau 1. Biodiversité des espèces décrites d’Animaux adultes dans 37 embranchements et sous-embranchements dans les différents milieux de la biosphère, exprimée en ordres de grandeur (adapté de  Pearse V. et al. 1987, p.7, avec l’autorisation de la Boxwood Press).  

Tableau 1. Biodiversité des espèces décrites d’Animaux adultes dans 37 embranchements et sous-embranchements dans les différents milieux de la biosphère, exprimée en ordres de grandeur (adapté de  Pearse V. et al. 1987, p.7, avec l’autorisation de la Boxwood Press).  

Légende : Les «plus» indiquent l’abondance approximative des espèces vivantes décrites: + = 1-100; ++ = 100-1,000; +++ = 10³-104; ++++ = 104-105; +++++ = 105 ou plus.  «symbiotique»: vivant intimement avec le corps d’un autre organisme vivant, souvent comme parasite; «Benthos»: vivant sur ou dans le fond ou un peu au-dessus; «Pélagos»: vivant entre deux eaux en toute indépendance du fond

Tableau 2. Nombre de classes récentes dans les 23 embranchements animaux présents dans les quatre principaux domaines environnementaux de la biosphère.[1]  Les chiffres entre parenthèses réfèrent aux parasites isolés du milieu externe par leur existence à  l’intérieur du corps de leur hôte terrestre.

Tableau 2. Nombre de classes récentes dans les 23 embranchements animaux présents dans les quatre principaux domaines environnementaux de la biosphère.[1]  Les chiffres entre parenthèses réfèrent aux parasites isolés du milieu externe par leur existence à  l’intérieur du corps de leur hôte terrestre.

La biodiversité génétique

6La biodiversité génétique sous-tend les deux types précédents de biodiversité, puisque les gènes procurent le mécanisme moléculaire invisible de base qui engendre les myriades de caractères, visibles et invisibles, qui distinguent les différentes espèces et leurs populations. Les gènes sont en fait des blocs de substances chimiques spéciales greffées sur une grosse molécule hélicoïdale commune à tous les organismes vivants et qu’on nomme l’acide désoxyribonucléique (ADN). La structure chimique et le rôle de cette molécule fondamentale et de ses substances chimiques satellites n’ont été découverts qu’après 1950. Un gène peut parfois être responsable d’un seul caractère mais, bien plus souvent, ce sont des combinaisons de gènes ou des gènes qui sont activés ou désactivés par d’autres gènes pendant le développement et la croissance qui constituent les mécanismes génétiques complexes qu’on a révélés au cours des décennies récentes grâce à des progrès technologiques majeurs. Des gènes ou des combinaisons de gènes d’un grand conservatisme sont à l’origine de la biodiversité taxinomique de haut niveau, tandis que des mutations plus récentes subies par d’autres gènes sont responsables de la biodiversité des espèces, ainsi que des variations au sein des espèces.

7En simplifiant, on peut distinguer quatre grands champs de recherche en biodiversité génétique moléculaire, qui diffèrent quant à leur finalité. Le plus grand, qu’on désigne souvent « génie génétique », cherche à élucider les mécanismesgénétiques moléculaires responsables des espèces, incluant l’espèce humaine. D’immenses efforts sont consacrés aux pathologies ou autres dysfonctionnements qui affectent la santé ou le rendement économique. Ces recherches de type expérimental sont ici exclues du domaine de la biodiversité parce qu’elles ciblent généralement une espèce à la fois. En identifiant les enzymes ou autres protéines codées par les gènes, on fournit toutefois aux chercheurs animés d’objectifs différents des techniques nouvelles et indirectes, parfois plus rapides ou moins chères, pour étudier la biodiversité génétique.  

8Un second champ très actif de recherches tente de reconstituer les origines des taxons de hauts et moyens niveaux, en remontant jusqu’aux origines de la vie. A l’aide de séquences géniques conservatrices jugées anciennes, on espère identifier les grosses branches et le tronc de « l’arbre de la vie » (Science, 2003; Cracraft et Donoghue, 2004) et élucider les parentés de taxons dont la morphologie est très différente. Puisque ces recherches dites « phylogénomiques » veulent reconstituer l’histoire évolutionnaire très ancienne, leurs données sont comparées à celles de la paléontologie lorsque les taxons étudiés sont fossilisables. Lorsqu’il s’agit de microorganismes, il n’est pas possible de confirmer ou d’infirmer ainsi les données moléculaires de la biodiversité génétique. On ne doit compter que sur la théorie de « l’horloge moléculaire. »

9Un troisième champ de recherche en biodiversité génétique s’intéresse plutôt aux ramilles de l’arbre de la vie, c’est-à-dire aux espèces, sous-espèces et autres populations plus ou moins isolées les unes des autres dans les milieux écologiques contemporains (Bohonak, 1999). On cherche à mesurer le degré d’isolement des populations en utilisant des séquences géniques plus récentes et peu différentes comme indicatrices des flux géniques entre elles. Les modes de dispersion, le comportement et l’autécologie des espèces dans leur milieu actuel deviennent alors les facteurs  comparatifs qu’il faut connaître pour permettre de confirmer ou d’infirmer les comparaisons obtenues par les marqueurs génétiques moléculaires. La technique commode de l’électrophorèse protéinique s’est souvent substituée à l’analyse directe des séquences géniques comme moyen indirect d’étudier ces dernières.      

10Le projet d’un code-barre de la vie est né récemment (Hebert et al., 2003; www.barcodinglife.org), vu la lenteur des identifications morphologiques d’espèces, l’immense diversité des microorganismes et invertébrés à morphologie difficile, et les progrès des techniques génétiques moléculaires. Il y a là un quatrième champ de recherche fertile en promesses. La variation ou biodiversité subspécifique, essentielle à l’évolution adaptative dans des environnements changeants, augmente aussi énormément le nombre de caractères, dorénavant moléculaires, que doivent prendre en compte les biologistes pour distinguer les espèces et leurs populations. Les espèces cryptiques, par exemple, sont celles qu’on ne peut reconnaître que par leurs différences génétiques, puisque leurs caractères morphologiques sont les mêmes. Mais on peut prédire qu’elles différeront dans leur comportement, dans leurs subtiles capacités physiologiques (e.g. tolérance à la température ou capacités digestives), dans leur capacité à produire divers composés chimiques ou à y résister, ou dans d’autres propriétés bien moins faciles à observer que leurs caractères morphologiques. Les taxinomistes habitués aux descriptions morphologiques craignent, non sans raison, que la fascination contemporaine pour les technologies nouvelles ne porte ombrage aux méthodes traditionnelles, déjà gravement sous-financées. Mais il faut voir que ce ne sont pas des molécules, toutes magiques qu’elles apparaissent, qui entrent en rapports autécologiques adaptatifs et sélectifs avec l’environnement, mais bien les caractères morphologiques, éthologiques et autres patiemment décrits depuis bientôt trois siècles et dont on est loin d’avoir épuisé l’étude. Pour acquérir une réelle valeur biologique, ces nouveaux marqueurs génétiques devront toujours être validés en les comparant aux caractères morphologiques de la taxinomie classique  

La biodiversité écologique

11La biodiversité écologique porte sur la variété des paysages, à la fois naturels ou modelés par les humains, qui sont essentiellement composés des communautés de plantes, d’animaux et de microbes vivant ensemble dans un environnement donné. Ce dernier est fait de toutes les propriétés physiques et chimiques de la nature telles que la température, l’humidité de l’air, le vent, la lumière, les sels et les autres substances chimiques contenues dans l’eau, le sol mou ou le roc solide sur lequel marcher, se fixer ou dans lequel creuser, les autres êtres vivants ou morts à consommer, etc. On nomme écosystème toutes les composantes physiques, chimiques, végétales, animales ou microbiennes d’un environnement donné, petit ou grand.L’un des sens de la biodiversité écologique, c’est la variété des écosystèmes dans la biosphère, tels que la forêt tropicale, la plaine tempérée, le récif corallien, la plaine abyssale marine vaseuse, etc. Que les espèces qui composent les communautés végétales et animales dans un écosystème soient nombreuses ou non, elles sont liées entre elles par des rapports étroits ou lâches comme la prédation, la concurrence, le parasitisme, selon leur niche écologique propre : de tels rapports sont désignés biodiversité fonctionnelle. Plusieurs espèces peuvent avoir la même fonction écologique et ainsi se remplacer les unes les autres dans un écosystème ou entre écosystèmes, de sorte que la diversité des fonctions est bien moindre et donc plus facile et moins onéreuse pour la recherche scientifique que les autres formes de biodiversité. Une certaine résilience des écosystèmes en découle. Combien de résilience, cependant, dépendra de chaque écosystème, et les connaissances nécessaires pour prédire la perte catastrophique d’un écosystème donné sont rarement disponibles avec assez de précision. La biodiversité des espèces procure donc une assurance contre de telles catastrophes dans la biodiversité écologique, qui se sont déjà produites dans l’histoire de l’humanité.

Comment connaître la biodiversité?

12Les humains ont observé, reconnu et nommé la plupart des espèces utiles de grande taille partageant la nature avec eux. Les peuples aborigènes ont encore une bien plus vaste banque de  données orales sur ces connaissances que les populations urbaines. Les dissections et les descriptions d’espèces par de brillants esprits remontent à l’Antiquité : Aristote a décrit 580 espèces animales, marines dans beaucoup de cas, observées dans son environnement méditerranéen. Mais il fallut attendre la grande époque des explorations mondiales des continents éloignés, il y a plus de 500 ans, pour voir augmenter en mode exponentiel les connaissances sur la biodiversité des espèces, par l’observation, la description et l’illustration précise des espèces exotiques. Les milieux aussi inaccessibles que les abysses océaniques n’ont pu être explorés que pendant la seconde moitié du 19e siècle lorsque les progrès technologiques, la curiosité scientifique et les richesses nationales les ont rendus possibles. La phase exploratoire de notre planète n’est pas près de se terminer, alors que celle d’autres planètes peu susceptibles de rendre des services écologiques équivalents draine toujours la richesse de quelques nations.

13Il existe tant de bêtes et de plantes, en particulier tant de très petites, à examiner, décrire et nommer qu’il faut énormément de temps, et beaucoup de main-d’œuvre qualifiée, pour les étudier. Les scientifiques sont donc encombrés d’énormes collections de spécimens qu’on espère représentatifs – échantillons des individus mâles, femelles et juvéniles de chaque espèce de différentes localités – qui attendent qu’on les étudie. On doit conserver ces spécimens pendant des décennies ou des siècles par des moyens variés jusqu’à ce qu’un taxinomiste décide de les examiner. Parce que personne ne sait quand une telle activité de longue haleine sera rentable dans un taxon donné – Elle l’a été dans le passé pour certains taxons. – peu de gens, d’entreprises ou même de gouvernements acceptent de dépenser assez d’argent pour faire ce travail convenablement. Tel est le triste sort actuel de certaines recherches fondamentales. La tradition a fait rassembler et conserver les collections de recherche dans les musées d’histoire naturelle où travaillent des taxinomistes spécialisés, des conservateurs et des techniciens, mais elles sont encore édifiées aussi par les quelques professeurs d’université (avec leurs étudiants) et chercheurs gouvernementaux qui croient en de telles recherches de base. Les collections sont indispensables pour étudier l’immense majorité des espèces, qu’on doit examiner soigneusement au microscope avant de les décrire et de les nommer pour que le nombre croissant d’utilisateurs de cette connaissance puissent les reconnaître.

14Lorsqu’une quantité suffisante de spécimens de différentes localités a été rassemblée et entreposée, alors on peut cartographier la distribution géographique ou en profondeur d’une espèce, un autre type de donnée de base. Lorsque les collections de recherche sont représentatives des communautés animales ou végétales dans lesquelles on les a prélevées, elles deviennent aussi le seul moyen d’étudier les écosystèmes naturels du passé tels qu’ils existaient avant les perturbations ou les destructions d’origine humaine : elles sont un bon outil pour faire la distinction entre les perturbations artificielles et naturelles.

15Les estimations de la biodiversité taxinomique sont grossièrement inadéquates, vu les difficultés exposées plus haut. C’est vrai pour la biodiversité des espèces dans presque tous les taxons de hauts niveaux, sauf pour les groupes d’organismes de grande taille qui sont bien connus et directement utiles ou nuisibles, comme les mammifères, les oiseaux, les poissons, les plantes à fleurs et quelques autres organismes très visibles. De grands nombres d’espèces petites ou rares ne sont connues, d’après quelques spécimens uniques, vieux ou détériorés, que par leur nom scientifique et une description courte et souvent ancienne qui les rend méconnaissables. Si ces espèces n’ont jamais été revues depuis et si l’on a perdu ou jeté les spécimens, comment peut-on savoir si deux noms ont été attribués ou non à la même espèce? Ou le même nom donné à deux espèces? De telles questions illustrent l’importance de grandes collections bien tenues et mises à la disposition des scientifiques qualifiés du monde par les musées. Dépourvus des bonnes données de base qu’il leur faut, les scientifiques en sont ré-duits à deviner le nombre réel d’espèces dans la plupart des taxons. Les dernières estimations du nombre d’espèces minimalement décrites dans le monde sont de l’ordre de 1 700 000 espèces. Les prédictions quant au nombre réel varient entre 10 et 100 millions, selon le modèle ou l’extrapolation qu’on emploie. Une estimation plus réaliste va de 5 à 30 millions.

16Fasciné par la puissance et les nouveautés toujours changeantes des technologies informatiques, on a nourri de grands espoirs d’entreposage et de dissémination de telles masses de données. La bioinformatique, qui est en effet théoriquement capable de résoudre de tels problèmes, devient à la mode et attire des fonds toujours croissants. Pendant ce temps, l’immense mais moins reluisante tâche de produire les données taxinomiques requises en veillant à leur qualité a vu son financement décroître dans les années récentes. Par conséquent, la taxinomie n’a pas été aussi attirante pour les étudiants et on a vu diminuer rapidement l’expertise nécessaire pour s’attaquer au problème, expertise qu’on ne retrouvera pas pendant de nombreuses années.

17On acquière les connaissances sur les mécanismes génétiques de la biodiversité par des méthodes expérimentales en laboratoire davantage que par l’observation directe dans la nature. Elles peuvent produire dans un avenir prévisible des résultats pratiques pour les industries de l’alimentation et de la santé. On finance donc généreusement ces activités. Toutefois, acquérir de telles connaissances sur une espèce coûte plus cher que celles qu’on acquiert par les méthodes traditionnelles de la bonne taxinomie appliquées aux nombreux spécimens bien conservés dans les musées. On ne peut donc examiner la biodiversité génétique que de très peu d’espèces, et l’examen génétique se concentre surtout sur le  peu d’espèces qui sont d’utilité immédiate pour l’industrie, afin d’en comprendre les mécanismes génétiques comme tels plutôt que leur biodiversité génétique. Dans le meilleur des cas, on retient pour l’analyse génétique des espèces de différents taxons de hauts niveaux afin de déchiffrer l’histoire évolutionnaire de la vie.

La biodiversité des espèces dans les océans

18Malgré leurs dimensions plus grandes que celles des masses continentales, les océans  con-tiennent moins que 250 000 des espèces décrites; c’est moins que 15 % du total mondial. Le tableau 1 compare, pour 37 embranchements et sous-embranchements d’animaux dans les océans, les estimations grossières disponibles de cette diversité décrite avec les estimations comparables dans les autres domaines environnementaux principaux ou types d’habitats dans la biosphère. Dans la mer, les embranchements ou sous-embranchements les plus diversifiés sont les Crustacés (environ 31 000 espèces), les Mollusques (environ 25 000 espèces) et les vers Annélides (environ 5 500 espèces). Les moins diversifiés sont les Placozoaires, les Nématomorphes et les Cycliophores, qui ne comptent qu’une espèce chacun, et les vers Phoronides et les Loricifères (10 espèces décrites en 1998). Sur les continents, par contre, les Insectes et les Myriapodes (mille-pattes) à eux seuls (dans l’embranchement des Uniramés) comptent plus de 961 000 espèces décrites (55% de la biodiversité mondiale); les Plantes à fleurs, qui ont co-évolué intimement avec les Insectes, viennent après, avec quelque 250 000 espèces décrites. De ces deux groupes terrestres dominants, seulement quelque 50 espèces d’Insectes et quelques centaines de Plantes à fleurs ont pu retourner dans la mer.

19Les estimations du nombre réel d’espèces dans le monde invisible, éloigné et donc peu accessible des océans sont certainement beaucoup plus mauvaises que celles des organismes terrestres et d’eaux douces. Pour beaucoup de groupes aux individus de petite taille ou sans recouvrement dur (coquille, cuticule ou squelette) propre à la sculpture de caractères morphologiques permanents, on ne peut que deviner la diversité réelle. Telle est la situation des Bactéries, des Protistes animaux et végétaux, et d’Animaux invertébrés comme les méduses, les vers et autres animaux mous. On découvre constamment de nouvelles espèces même dans les taxons aussi bien connus et d’aussi grande taille que les Poissons ou les Mammifères marins.

20Ainsi, on a décrit aussi récemment qu’en 1991 une nouvelle espèce des furtives baleines à bec, Mesoplodon peruvianus! Et il n’y a pourtant maintenant que 119 espèces décrites de Mammifères marins. Pour les invertébrés et les Protistes, on pourrait accumuler des milliers d’espèces nouvelles par année, si ce n’était du manque d’experts et d’argent.

21Combien d’espèces minuscules habitent réellement les millions de kilomètres carrés de vase recouvrant dans les profondeurs abyssales presque les trois quarts des océans, qui recouvrent eux-mêmes presque les trois quarts de notre planète? Les opinions diffèrent, selon les prémisses ou les modèles divinatoires. Grassle et Maciolek (1992) imaginent qu’il y en aurait entre un et quelque 10 millions, à en juger par 558 échantillons de vase, prélevés à des profondeurs voisines de 2000 mètres au large de la côte est des Etats-Unis, qui totalisent une surface aussi petite que 40 mètres carrés (un grand salon), qu’on a soigneusement analysés pendant plusieurs années : quelque 58% des 1 597 espèces identifiées étaient nouvelles! D’autres auteurs réduisent la projection de Grassle à son minimum d’un million d’espèces.

22Des scientifiques inquiets, dont Grassle, ont récemment organisé et entrepris de réaliser un grand recensement international de la vie marine baptisé OBIS (« Ocean Biogeographical Information System »), dans le cadre d’un « Census of Marine Life ». La technologie informatique y est, et les fonds commencent à arriver, mais la pénurie de taxinomistes bien formés demeure un obstacle majeur.

La biodiversité marine de hauts niveaux

23Le tableau 2 présente une comparaison, semblable à celle du tableau 1 mais d’après une classification plus récente des embranchements et des classes que celle du tableau 1, de la présence des 76 classes connues d’Animaux dans les quatre principaux domaines environnementaux de la planète. On voit immédiatement que cette biodiversité de hauts niveaux est beaucoup plus grande dans la mer : 96% des classes y sont présentes, en comparaison avec 89% des espèces dans les 37 embranchements et sous-embranchements du tableau 1. L’invasion des continents, soit par ses estuaires et fleuves, soit par voie terrestre directe, est une étape récente de l’évolution que peu de taxons ont réussi à franchir, étape plus récente que celle de l’origine marine de la plupart des taxons dans la biosphère. On peut donc dire que la mémoire de la biosphère réside surtout dans les océans.

24Il est beaucoup plus difficile de recenser de la même manière les règnes du vivant autres que celui des Animaux. Presque toutes les 270 000 espèces de végétaux vasculaires du règne des Plantes vivent sur terre, et  peu des 72 000 espèces du règne des Mycètes (champignons et consorts) sont marines. La plupart des algues vertes (dans le règne des Plantes) préfèrent les eaux douces, tandis que 15 000 autres algues macroscopiques et beaucoup d’algues microscopiques (ensemble dans le règne des Protistes végétaux) préfèrent la mer. La classification des algues, des Protistes animaux et des Bactéries subit de profonds bouleversements avec l’application des nouvelles et puissantes techniques de la microscopie électronique et de la génétique moléculaire, qui permettent des comparaisons détaillées auparavant presque impossibles entre les bactéries et les baleines. Les actuelles confusions et instabilités dans leur classification devraient faire place à des résultats impressionnants et à des consensus scientifiques dans les prochaines décennies.

25Les descriptions d’espèces appartenant aux taxons marins de hauts niveaux n’ont jamais cessé depuis 1950. Citons en exemples de nouvelles classes de Crustacés : Les Céphalocarides (Sanders, 1955), les Rémipèdes (Yager, 1981), les Tantulocarides (Boxshall et Lincoln, 1983). Parmi les Mollusques, on a chaluté en 1952 dans les grandes profondeurs marines des individus vivants de la classe fossile des Monoplacophores (Lemche, 1957). Riedl a décrit l’embranchement des Gnathostomulides en 1969. Les Loricifères, une classe de l’embranchement des Némathelminthes, ont été décrits par Kristensen en 1983, tandis que les Cycliophores, une classe de l’embranchement des Kamptozoaires, l’ont été en 1995 (Funch et Kristensen, 1995)! Tous ces Animaux sont des invertébrés de taille corporelle minuscule. Mais il est encore possible de découvrir dans les océans de gros animaux représentant de nouveaux taxons de hauts niveaux. Jones a décrit en 1981 des vers géants de 1,5 mètres de longueur vivant dans des tubes à de grandes profondeurs et appartenant à une nouvelle famille. Dans les années subséquentes, on a décrit d’autres familles nouvelles d’espèces plus petites de ce groupe auparavant énigmatique de vers tubicoles nommés Vestimentifères : les discussions sur leur anatomie et leur statut d’embranchement ou de classe ont apparemment abouti à la conclusion qu’ils représentaient une nouvelle classe de l’embranchement des Annélides. En 1976, un requin géant de 4,5 mètres à branchies filtreuses de plancton s’est emmaillé accidentellement dans le Pacifique : surnommé « Megamouth », il était décrit dans une nouvelle famille mésopélagique par Taylor et al. en 1983. Et une méduse mésopélagique géante d’un mètre de diamètre qu’on avait observée 22 fois dans le Pacifique à l’aide de vidéocaméras montées sur des automates sous-marins a été décrite en 2003 (Matsumoto et al., 2003) : des fragments saisis en 2001 par un dispositif télécommandé ont permis une analyse génétique d’ARNr et constituent l’holotype!  

La biodiversité écologique marine    

26Quatre principaux modes de vie caractérisent les organismes marins. Ceux qui vivent sur, dans ou un peu au-dessus du fond constituent le benthos. Ceux qui occupent les masses d’eau sont désignés pélagiques : ils sont soit la plupart très petits, dérivent passivement avec les courants et forment le plancton, soit plus gros, plus forts, peuvent nager à contre-courant et font partie du necton. Les poissons, les baleines, les calmars et les manchots sont nectoniques, tandis que les homards, les coraux, les algues macroscopiques, les coquillages et la plupart des vers sont benthiques. Les méduses et les autres animaux gélatineux sont les organismes planctoniques les plus gros, alors que la plupart des milliards d’autres individus sont très petits et anonymes pour le grand public. Un quatrième mode de vie est celui des parasites ou symbiontes, qui vivent sur ou dans un hôte qui peut être nectonique, planctonique ou benthique; ils se nourrissent de leur hôte qui les transporte.

27Les animaux benthiques, les algues macroscopiques et les protistes comptent pour 98% de la biodiversité des espèces marines, les 2 % restants étant pélagiques. On voit cette disparité dans le tableau 1, à la fois dans les eaux salées et douces. Pourquoi? Probablement pour la même raison qu’il y a tant d’espèces sur terre : le fond est découpé en beaucoup d’habitats, recoins et cachettes, qui permettent à de nombreuses espèces de se cimenter ou de s’ancrer sur ou dans le fond, comme les arbres, les coraux, les éponges et les autres animaux coloniaux qui procurent à leur tour des habitats et des niches cachées à encore plus d’espèces.

28On en voit la preuve dans les quelque 80 % d’espèces marines benthiques qui habitent sur le fond (épibenthos), tandis que seulement 20 % d’entre elles fouissent dans le fond ou se cachent (endobenthos) dans les beaucoup plus vastes étendues sédimentaires uniformes de vase ou de sable qui recouvrent les fonds marins.

29En outre, les animaux benthiques se partagent les environnements sédimentaires selon les forces capillaires qui séparent le macrobenthos, animaux plus gros que quelque 0,5 mm qui peuvent déplacer les grains de sable en fouissant, et le plus petit méiobenthos (0,05 à 0,5 mm) qui peut se déplacer dans l’eau interstitielle entre les grains sans les déplacer, et adhérer aux grains en glissant dessus. Plusieurs taxons de hauts niveaux contiennent des familles ou des genres qui représentent des adaptations à cet habitat spécialisé. Les organismes vraiment microscopiques plus petits que 0,05 mm, surtout des protistes et des bactéries, forment le microbenthos, ou nanobenthos.

La biogéographie

30L’un des principaux modes de répartition des espèces marines dans les océans dépend de leur tolérance aux différents régimes de température ou de leur préférence pour ces régimes nommés hydroclimats. La biogéographie écologique est l’étude de ces répartitions. Pour les mêmes raisons que les lions, les tigres et les jaguars qui aiment la chaleur occupent les climats tropicaux, tandis que les ours polaires et la plupart des manchots préfèrent les climats polaires, et que les cerfs et orignaux vivent dans les zones tempérées, il existe de grands groupes d’algues et d’animaux marins qui sont concentrés dans une ou plusieurs des dix zones hydroclimatiques marines illustrées sur la figure 1. Les limites de ces zones sont déterminées par les discontinuités entre les énormes masses d’eau et les courants poussés par les vents qui les déplacent : ces limites représentent des moyennes approximatives des fluctuations météorologiques annuelles composant des régimes hydroclimatiques. Le Homard est un exemple d’espèce de zone tempérée froide : il peut supporter les températures glaciales de l’hiver mais le succès de ses larves planctoniques dépend de températures supérieures à 14C assez long-temps pendant l’été. Les espèces tropicales telles que la plupart des coraux constructeurs de récifs ne peuvent supporter l’eau plus froide que 20C en tout temps. De façon similaire, les espèces polaires de l’Arctique et de l’Antarctique sont adaptées à des températures glaciales permanentes. Il en va de même pour les espèces abyssales marines habituées à un environnement perpétuellement froid et obscur. Celles qui ont la répartition géographique la plus étendue, plus tolérantes ou facilement dispersées, ont aussi la répartition verticale la plus grande (Vinogradova, 1997). Les quelque 21 grandes fosses océaniques de l’étage dit « hadal » recèlent chacune une faune appauvrie mais assez distincte de celle des autres (Vinogradova, 1997).

31Les régimes hydroclimatiques contemporains, toutefois, n’expliquent pas de nombreux modes de répartition faciles à observer. Pour les mêmes raisons qui font qu’on trouve des lions en Afrique tropicale, des tigres en Asie et des jaguars en Amérique tropicale, les ours polaires qui pourraient vivre dans le climat antarctique ne s’y trouvent pas, et les manchots empereur qui toléreraient facilement l’hydroclimat arctique n’y habitent pas. Les explications sont historiques et les études qui les cherchent font partie de la biogéographie historique. L’une des principales explications tient à la dérive des continents, qui a séparé des faunes et des flores entières reliées aux continents par leurs plate-formes continentales marines productives et riches en espèces. Les profondeurs océaniques croissantes qui les ont séparées sont devenues des barrières pour les échanges génétiques, et les populations séparées ont évolué d’abord en sous-espèces puis en espèces différentes, ensuite en genres et plus tard en familles, et souvent en ordres distincts, selon l’ancienneté de la séparation. Selon une deuxième sorte d’explication, certaines espèces ont développé des moyens particuliers de traverser les obstacles à la dispersion, comme ces minuscules larves planctoniques transportées au loin par des courants dont les trajectoires ont lentement été modifiées par les continents à la dérive. Tous ces facteurs historiques ont contribué à produire un écheveau complexe de distribution géographique de la vie marine. On voit sur la figure 1 que les continents actuels tendent à intercepter les ceintures climatiques est-ouest en directions nord-sud. Cette configuration a empêché pendant des millions d’années des espèces habitant les côtes du Pacifique de se reproduire avec celles de l’Atlantique. Parce que l’Atlantique est plus jeune (quelque 200 millions d’années) que le Pacifique, ce dernier a disposé d’assez de temps (et de plus d’étendue et d’îles) pour laisser l’évolution y produire davantage d’espèces et de biodiversité de hauts niveaux que n’a pu en produire l’Atlantique.

32Graphisme : Lucie Brunel Design

Figure 1. Les zones hydroclimatiques (lettres) et les principales provinces biogéographiques (Nos 1-32) dans les eaux peu profondes des océans du monde, délimitées d’après divers auteurs tels que G. Dietrich, M.J. Dunbar, G.A. Knox, J.W. Valentine, C. van den Hoek ; la zone subtropicale n’est pas illustrée partout ; on peut observer plus d’une province dans une zone, selon les connaissances, le degré d’endémisme et de subdivision, ou les opinions. (A arctique, AA antarctique, SA subarctique, SAA subantarctique, ST subtropicale, T tropicale, TC tempérée chaude, TF tempérée froide).

33   Les dizaines de décennies de patientes observations par les taxinomistes ont montré qu’il y a maintenant au moins 32 provinces biogéographiques (Nos 1 à 32 sur la figure 1), comme on les nomme, pourvues chacune de désignations régionales, dans les eaux peu profondes des océans. Ce sont essentiellement des bandes côtières baignées par des eaux d’une seule ceinture hydroclimatique. Elles sont caractérisées par une proportion significative d’espèces (dites « endémiques ») qui sont exclusives à une ou quelques ceintures. Par exemple, on trouve le Homard d’Amérique principalement dans la zone tempérée froide (province No 29) de l’Atlantique occidental, et en moindre abondance vers le sud dans sa zone tempérée chaude (province No 28); le Homard européen, son proche parent, occupe des zones similaires (pro-vinces 2-5) dans l’Atlantique oriental. Aucune de ces deux espèces ou sous-espèces (toutes deux dans le genre Homarus) n’est présente dans le Pacifique. On trouve des Oursins plats (« sand dollars »), un ordre de la classe des Oursins, dans le Pacifique, mais seulement du côté américain de l’Atlantique.

34Les paléontologues (e.g. Valentine et Moores, 1974) pensent que le nombre de provinces biogéographiques était bien moins grand il y a 250 millions d’années, alors qu’il n’y avait qu’un seul continent géant (la Pangée) n’interceptant les zones hydroclimatiques que dans deux bandes côtières nord-sud pour former environ une douzaine de provinces; les paléontologues observent en effet une biodiversité marine très réduite à cette époque. D’autre part,  les provinces biogéographiques dans l’immensité des grandes profondeurs, éloignées de toute influence saisonnière hydroclimatique, semblent moins nombreuses que celles de la figure 1, à en juger par les rares données disponibles (Vinogradova, 1997). Mais elles semblent refléter beaucoup plus vaguement les modalités de répartition en surface, peut-être sous l’influence de certains signaux biologiques descendants, tels que les pluies saisonnières de particules alimentaires minuscules.

35Une autre originalité qui augmente la biodiversité marine, c’est que beaucoup d’animaux, planctoniques, nectoniques, benthiques ou parasites, produisent des larves qui sont entière-ment différentes des adultes et qui vivent dans un milieu différent. Les différences les plus radicales entre les parents et leur progéniture s’observent entre les adultes benthiques de grande taille et les larves planctoniques microscopiques. D’autres différences semblables existent entre les adultes parasites et leurs larves planctoniques de dispersion. Les larves sont si différentes de leurs parents que plusieurs avaient été décrites dans le passé comme des taxons nouveaux de hauts niveaux. De nombreuses larves planctoniques attendent encore aujourd’hui qu’on élucide leur parenté. Le transport planctonique par les courants marins constitue un moyen efficace de dispersion géographique équivalent à celui des graines des plantes terrestres qui sont disséminées par le vent.

Les écosystèmes marins

36Dans chacune des zones hydroclimatiques marines, on peut généralement trouver les mêmes sortes d’écosystèmes de diverses dimensions. Neuf sortes sont représentées schématiquement sur la figure 2, le long d’un profil vertical jusqu’au plus profond, celui des grandes fosses océaniques. Les frontières entre écosystèmes dans les milieux aquatiques continus comme les océans sont nécessairement plus ou moins bien définies. La biogéographie marine moderne qui intègre l’approche écosystémique tend naturellement vers un découpage plus raffiné des océans (Longhurst, 2005). Les grandes profondeurs totalement obscures qui excluent toute croissance végétale photosynthétique constituent une propriété distinctive des océans et de ses plus vastes écosystèmes. Certaines frontières entre écosystèmes sont assez nettes, comme la thermocline saisonnière séparant l’eau de surface des zones tempérées, réchauffée et bien éclairée par le soleil en été, des eaux plus froides sous-jacentes; ou comme l’eau saumâtre peu profonde des estuaires et des lagunes. D’autres, marquées par des points d’interrogation sur la figure 2, sont plus floues ou requièrent plus de recherches. Les écosystèmes tels que les estuaires peuvent être massivement dominés par des communautés benthiques de plantes et d’animaux. Les écosystèmes côtiers contiennent une communauté pélagique plus importante, alors que les écosystèmes de grandes profondeurs (Nos 7, 8 et 9) sont aussi dominés par le benthos, mais dépourvus de végétaux. Les écosystèmes océaniques au-dessus d’eaux très profondes (No 5) ne contiennent que des communautés pélagiques.

37Malgré les biodiversités très disparates des différents écosystèmes, on y observe les mêmes fonctions remplies en nombres limités mais par différentes espèces. Les producteursprimaires sont soit des algues planctoniques microscopiques dans les communautés pélagiques (e.g. No 5) ou des algues macroscopiques dans les communautés benthiques côtières (No 2), tous baignés par les eaux de surface lorsque la lumière est abondante. Les brouteurs de ces verts pâturages sont soit de petits animaux planctoniques filtreurs, soit des brouteurs d’algues macroscopiques comme les oursins, plus comparables avec les herbivores terrestres. Les animaux marins qui se nourrissent en filtrant les abondantes petites particules alimentaires flottant entre deux eaux représentent une autre caractéristique majeure du milieu marin : il existe des filtres de toutes sortes et de toutes tailles, depuis le mucus qui piège les bactéries jusqu’aux fanons des grandes baleines qui retiennent des bancs complets de crevettines – le krill – ou de petits poissons. Les grosses espèces comme les requins, les phoques et les orques occupent la niche écologique des carnivores, une fonction qui maintient l’équilibre général de chaque écosystème. Certains écosystèmes comme les estuaires peuvent fonctionner avec un très petit nombre d’espèces abondantes et capables de résister aux stress. D’autres comme les récifs coralliens et peut-être les vases abyssales ont atteint un équilibre évolutionnaire qui, dans leur environnement plus stable et vieux de plusieurs millions d’années, leur a procuré un nombre extrêmement élevé d’espèces finement reliées les unes aux autres par de merveilleuses adaptations.

Figure 2. Profils bathymétriques de neuf (Nos 1-9) sortes d’écosystèmes s’étendant de la côte vers l’océan dans une zone hydroclimatique marine ; deux profils (en haut à gauche) partent d’un écosystème d’eaux douces, passent soit par un estuaire (en haut), soit par une lagune (plus bas), vers l’océan ; deux profils (en bas à gauche) passent d’un écosystème terrestre à l’océan soit par une plate-forme continentale normale, soit le long d’une côte (au bas) où les vents poussent vers le large les eaux de surface, qui doivent être remplacées par des eaux sous-jacentes très productives qui remontent (« upwelling ») vers la surface et y affleurent.

38Certaines provinces biogéographiques peuvent ne contenir que sept ou huit sortes d’écosystèmes, alors que d’autres peuvent en contenir plus qu’un de la même sorte. Par exemple, la zone tempérée froide européenne contient au moins quatre grands écosystèmes sur ses plate-formes continentales, un à l’ouest des îles britanniques, un autre au large de la Norvège, un en mer du Nord, et un quatrième dans la mer Baltique. Ce dernier est saumâtre comme un estuaire et fonctionne avec un très petit sous-ensemble d’espèces tirées du grand ensemble commun à la zone. On a donc reconnu et étudié, au cours des années récentes, 49 grands écosystèmes sur les plate-formes continentales du monde. On en reconnaîtra certainement d’autres. Les plus grands écosystèmes du monde sont certainement ces immenses étendues d’eau à différentes latitudes dans le Pacifique, et celles qui sont un peu plus petites dans les océans Atlantique, Indien et Antarctique. Ce sont des écosystèmes exclusivement pélagiques qui correspondent approximativement aux zones hydroclimatiques de la figure 1.

39Enfin, l’exploration des océans à l’aide d’appareils et d’efforts toujours plus raffinés n’apporte pas que des découvertes extraordinaires dans la biodiversité de hauts niveaux. Elle peut découvrir de nouveaux types d’écosystèmes. Aussi récemment qu’en 1977, le sous-marin de recherche Alvin, célèbre pour sa découverte du Titanic, faisait connaître l’écosystème des sources hydrothermales sous-marines (No 9 sur la figure 2) qui, bien que de petites dimensions (diamètre d’environ 25 mètres), était d’un type étonnant complètement nouveau. De l’eau extrêmement chaude (jusqu’à 370C) produite par l’activité volcanique s’échappe par des fissures aux jointures de plaques tectoniques de la croûte terrestre. Autour de ces sources s’installent des communautés benthiques composées de nombreuses espèces nouvelles de hauts niveaux, notamment ces vers Vestimentifères tubicoles cités plus haut. Puisque la photosynthèse est impossible dans ces profondeurs obscures, on y trouve des bactéries qui tolèrent cette eau très chaude, dépendent des abondants minéraux (même le soufre, considéré auparavant comme toxique pour toute vie) dissous dans les profondeurs rocheuses par cette eau si chaude, et procurent sa nourriture de base à toute la communauté. Celle-ci est donc beaucoup plus productive et dense que la communauté benthique des vases abyssales environnantes, très pauvrement nourrie. Dans les années plus récentes, l’exploration sous-marine a permis de découvrir des écosystèmes analogues autour de suintements froids à différentes profondeurs, où du pétrole ou du méthane sortent sous pression du sédiment . Un type complètement différent d’écosystème était même décrit en 2001 (voir Kelley et al., 2005), autour d’espèces de stalagmites calcaires géants (jusqu’à 60 m de hauteur) édifiés par des sources tièdes (40-75C) sur une faille transformante bathyale (750-900 m) à l’écart de la dorsale médio-atlantique. Les stress thermiques et chimiques qui caractérisent ces écosystèmes chimiosynthétiques ont éliminé la plupart des espèces ordinaires, de sorte qu’ils contiennent beaucoup d’individus de peu d’espèces, comme les estuaires. Van Dover (2000) rassemble sur ces « solfatares » des données scientifiques récentes, et Cone (1991) en vulgarise très bien l’essentiel. De la même manière, des études antérieures dans les vases noires anoxiques de divers écosystèmes côtiers avaient découvert une riche communauté d’animaux microscopiques – le thiobios – vivant entre les grains de sable bourrés de sulfure d’hydrogène, ce même composé toxique sentant les œufs pourris qui sort des cheminées hydrothermales.

La biodiversité génétique marine

40Les techniques modernes de la génétique moléculaire se prêtent particulièrement bien à la phylogénomique marine, i.e. à la recherche de l’origine des grands taxons, puisqu’une très grande proportion de cette biodiversité de haut niveau est exclusivement marine (Tableau 2). Seules ces méthodes de la biodiversité génétique marine peuvent en effet découvrir ces embranchements complètement nouveaux de bactéries marines (Huber et al., 2002) adaptées aux chaleurs extrêmes dans le règne des Archéennes, elles-mêmes décrites auparavant d’après leurs séquences génomiques tout à fait exclusives. Le domaine des espèces microbiennes est actuellement fertile en découvertes de ce genre.

41Les premières études génétiques visant à mesurer le degré d’isolement des populations marines ont cherché à vérifier l’hypothèse raisonnable selon laquelle l’immense continuité physique des mers et des océans avait pour effet que ces populations étaient moins isolées que celles des eaux douces, des îles et des continents. Les capacités de dispersion larvaire planctonique de nombreux taxons marins sont en effet propres à favoriser les flux géniques (Palumbi, 1992). Plusieurs recherches génétiques ont confirmé cette hypothèse d’une plus grande capacité de dispersion d’espèces marines (Bohonak, 1999). Par exemple, DeWoody et Avise (2000) ont comparé les marqueurs d’ADN dits « microsatellites » de 12 espèces de poissons marins avec ceux de 13 espèces d’eaux douces. Ce sont ces dernières qui indiquaient un degré d’isolement élevé comparable à celui de 46 espèces d’animaux surtout terrestres, et les marqueurs des poissons anadromes suggéraient des degrés d’isolement intermédiaires entre ceux des deux autres groupes. Cette étude est intéressante parce qu’on pouvait confronter les données de la biodiversité génétique avec des connaissances au moins grossières quant au potentiel de dispersion de ces trois groupes de poissons. De plus en plus d’études génétiques révèlent toutefois chez des espèces marines à fort potentiel de dispersion des degrés d’isolement élevés (Taylor et Hellberg, 2003) qu’on a du mal à expliquer. La plupart de ces séduisants raccourcis technologiques génétiques qui se heurtent aux incertitudes sur l’histoire naturelle des espèces étudiées ont le mérite d’orienter les recherches subséquentes vers les caractères autécologiques qui sous-tendent la biodiversité fonctionnelle.

42Quant au projet du code-barre de la vie (Hebert et al., 2003), il est encore trop jeune pour avoir pu aborder significativement la diversité des espèces marines, à notre connaissance. Schander et Willassen (2005) y voient avec raison un complément fort prometteur aux données morphologiques classiques.        

43Pour le moment, appliquer la biodiversité génétique au raffinement de la banque des données traditionnelles sur les espèces et les écosystèmes semble relever davantage des promesses que des réalisations. Ces dernières ont visé surtout les espèces d’intérêt économique ou celles qui, en tant que représentantes de taxons marins de hauts niveaux, pouvaient aider à reconstruire l’histoire évolutionnaire de la vie. On a cru par exemple pendant deux siècles que les moules bleues de l’Atlantique appartenaient à deux espèces. Des analyses génétiques moléculaires ont révélé qu’il y en a trois (Kenchington et al., 1995). Il semble que la troisième, Mytilus trossulus, une espèce originaire du Pacifique nord, avait été reconnue avant les biologistes par des riverains dans le nord du golfe du Saint-Laurent par sa coquille légèrement différente de celle de Mytilus edulis vers le sud. D’autres études semblables ont permis des diagnostics plus raffinés de sous-espèces ou de stocks régionaux de poissons comme la Morue ou le Capelan (Roby et al., 1991), dans l’espoir d’améliorer la gestion des pêches. Les techniques de génétique moléculaire tendent à remplacer graduellement les cultures en laboratoire, qui sont des moyens notoirement difficiles d’identifier les bactéries et d’élucider leurs complexes acrobaties chimiques. On a trouvé par exemple que la bactérie Vibrio fischeri peut produire de la lumière par des moyens chimiques lorsque ses populations dépassent une certaine taille. Il s’agit d’une propriété sous contrôle génétique qui confère un camouflage lumineux au petit calmar du Pacifique sur lequel elle vit en symbiose.

La biodiversité marine en danger

44L’Homme détruit les habitats et transporte accidentellement des espèces exotiques d’un écosystème à un autre : on pense que ce sont là les deux principales causes du déclin de la biodiversité dans le monde. Personne ne sait combien d’espèces y disparaissent irrémédiablement à chaque jour. Une centaine, selon certains biologistes. Si de très petites espèces terrestres disparaissent à ce rythme avant même qu’on les connaisse, on peut imaginer la difficulté de démontrer une extinction dans un monde aussi vaste et invisible que celui des océans. Les scientifiques ont peut-être pu démontrer l’extinction d’au plus une demi-douzaine d’espèces marines : l’une d’elles est la grosse vache marine de Steller dans le Pacifique nord, une autre, un petit mollusque qui vivait sur les zostères (ou « herbes à bernaches ») de l’Atlantique nord jusqu’à ce qu’une maladie épidémique décime cette plante en 1931. Les taxons marins de hauts niveaux comptant peu d’espèces sont particulièrement vulnérables puisque les rares espèces qui les composent ont souvent, comme le Coelacanthe, des distributions ou des habitats restreints. Une catastrophe très localisée peut donc avoir de vastes et néfastes conséquences qu’aucun truc de génie génétique ne pourra réparer. Watling et al. (1998) ont documenté la destruction massive induite dans la plupart des écosystèmes des plate-formes continentales du monde par le chalutage et le dragage industriels. Les réserves et parcs marins créés pour conserver des blocs locaux de biodiversité sont des actions préventives relativement récentes. Allons-nous attendre que la surexploitation des ressources marines ait réduit à néant les rendements économiques et apporté la misère aux riverains, comme la crise canadienne de la Morue l’a fait depuis 1994, avant de prendre les vigoureuses mesures collectives nécessaires pour conserver les services écologiques rendus par la mer? L’une de ces mesures commence timidement à influencer la gestion des pêches commerciales : au lieu de gérer les principales espèces commerciales de façon isolée, comme on l’a généralement fait dans le passé, la gestion des principaux écosystèmes qui hébergent ces espèces dominantes favoriserait davantage leur équilibre et leur survie en réduisant leur surexploitation. Une protection légale d’écosystèmes choisis assurerait l’avenir de la biodiversité mieux que des lois pour sauvegarder des espèces vulnérables ou menacées qui ne représentent que la pointe d’un iceberg qui fond à vue d’œil…  

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List of illustrations

Title Tableau 1. Biodiversité des espèces décrites d’Animaux adultes dans 37 embranchements et sous-embranchements dans les différents milieux de la biosphère, exprimée en ordres de grandeur (adapté de  Pearse V. et al. 1987, p.7, avec l’autorisation de la Boxwood Press).  
Caption Légende : Les «plus» indiquent l’abondance approximative des espèces vivantes décrites: + = 1-100; ++ = 100-1,000; +++ = 10³-104; ++++ = 104-105; +++++ = 105 ou plus.  «symbiotique»: vivant intimement avec le corps d’un autre organisme vivant, souvent comme parasite; «Benthos»: vivant sur ou dans le fond ou un peu au-dessus; «Pélagos»: vivant entre deux eaux en toute indépendance du fond
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3017/img-1.png
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Title Tableau 2. Nombre de classes récentes dans les 23 embranchements animaux présents dans les quatre principaux domaines environnementaux de la biosphère.[1]  Les chiffres entre parenthèses réfèrent aux parasites isolés du milieu externe par leur existence à  l’intérieur du corps de leur hôte terrestre.
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3017/img-2.png
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URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3017/img-4.jpg
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References

Electronic reference

Pierre Brunel, « Visages de la biodiversité marine Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 6 Numéro 1 | mai 2005, Online since 01 May 2005, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/3017 ; DOI : 10.4000/vertigo.3017

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About the author

Pierre Brunel

Président, Institut québécois de la biodiversité, Département de sciences biologiques, Université de Montréal,  C.P. 6128, Succ. Centre-ville, Montréal, QC H3C 3J7, pierre.brunel@umontreal.ca

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