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Intégrer économie et écologie : le cas de l’industrie canadienne

Jean Kabongo

Abstracts

The integration of ecology and economy in the activities of the industrial companies has been the object of several theoretical and practical considerations.  The strategies of the environmental operations often involve considerable investments for the industrial companies.  The leaders of these companies face growing constraints from the governments and the community- which require the adoption of systems of clean production- as well as consequences of the fluctuations of the markets and competition.  The studies relating to these considerations have been directed more towards the description of the conditions and the economic implications of the harmonization of the ecology and the economy of the enterprise.  Few empirical researches that attempt to describe the advance traversed by the industrial companies in this process of integration. For a better understanding this question, a study in the view of the persons in charge for twelve industrial companies that experience the practices of industrial ecology was carried out.  The results show that as well for the companies for which residual rehabilitation constitutes the core business as for those whose this rehabilitation is made in margin operations of industrial production, the integration of ecology and economy responds to a logic of increasing and diachronic profitability.  A model of the evolution of this integration is proposed.  This one is characterized by four essential stages:  conscientiousness, structuring, assertion and consolidation.

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Full text

Introduction

1L’écologie industrielle connaît un développement soutenu sur les plans conceptuel et pratique depuis les années 1980. La récupération, la revalorisation ainsi que l’élaboration de divers produits à partir de matières résiduelles apparaissent comme une approche innovante, susceptible de proposer des alternatives viables aux problèmes de surproduction, d’entreposage et de disposition des déchets industriels et ménagers (Frosch et Gallopoulos, 1989; Graedel et Allenby, 1995; Tibbs, 1993). L’analyse des flux de matière et d’énergie, la réutilisation de ces flux, la restructuration des modes de production, l’échange de résidus entre différentes entreprises constituent quelques-uns des concepts fondamentaux qui orientent les recherches en écologie industrielle. L’optimisation de l’usage des ressources disponibles constitue le principe de base sur lequel prend appui les pratiques d’écologie industrielle, ce qui suscite beaucoup d’intérêt chez les responsables d’entreprises, les chercheurs et les gouvernements. En effet, l’hypothèse la plus plausible soutient qu’une telle démarche offre des avantages tant économiques qu’environnementaux. Sur le plan économique, l’écologie industrielle représente des opportunités d’affaires susceptibles d’intéresser les entreprises (Tibbs, 1993; Boiral et Croteau, 2001; Lanoie et Tanguay, 1999). En plus, cela peut contribuer à réduire certains coûts, à se différencier sur les marchés et à répondre aux exigences de nombreux acteurs institutionnels (Bansal et Roth, 2000; Preston et Sayin, 2000; King et Lenox, 2001; Bantel et Osborn, 1995). Sur le plan écologique, la revalorisation résiduelle offre des alternatives efficaces au problème de la croissance rapide de la quantité de résidus générés par l’industrie (Lisney, Riley et Banks, 2004; Fricker, 2003; Boiral et Croteau, 2001; Lanoie et Tanguay, 1999).

2Si l’utilisation et l’échange des matières résiduelles font l’objet de nombreuses recherches depuis les années 1990, les enjeux économiques de ces pratiques à l’échelle des entreprises individuelles demeurent relativement peu étudiés. Bon nombre  des travaux portant sur ces enjeux ont souligné les facteurs macroéconomiques clés de la mise en œuvre de l’écologie industrielle, en particulier la croissance et le développement économiques (Commission mondiale sur l’environnement et le développement, 1988; Allenby, 1999), la portée des sciences économiques et l’environnement (Hawken, 1993; Lovins, Lovins et Hawken, 1999; Faber, Constanza et Wilson, 2002; Ramos-Martin, 2003), la substitution et la complémentarité des ressources (Desrochers, 2002), le taux d’escompte (Baumgärtner, Faber et Proops, 2002; Cerin et Karlson, 2002), les externalités Constanza, 1991; Kneese, 1984; Nordhaus, 1992), la notion d’utilité (Kempton, Boster et Hartley, 1996), ainsi que l’analyse statique et dynamique (Epstein et Axell, 1996; Nelson, 1996). D’autres travaux se sont attachés à décrire et à développer des modèles d’intégration de l’utilisation des sous-produits dans l’activité économique, en particulier la comptabilité environnementale (Bartelmus, 2002), la modélisation économique du flux de matière (Ibenholt, 2002), ainsi que les liens entre la transmatérialisation, la dématérialisation et l’économie (Labys, 2002; De Bruyn, 2002).

3Ces travaux ont permis de mieux comprendre, dans une perspective élargie, les enjeux de l’intégration de l’économie et de l’écologie dans la perspective du développement durable, de théoriser les mécanismes d’échange et de transformation des flux de production et, de façon plus générale, de montrer le potentiel de la généralisation de cette démarche à un niveau macro-économique. En revanche, peu de recherches se sont attachées à dresser les traits principaux du cheminement progressif de l’harmonisation de l’écologie et de l’économie dans les entreprises industrielles dont les pratiques sont centrées sur la revalorisation résiduelle. L’étude des facteurs économiques et des comportements des responsables industrielles impliqués dans l’utilisation et dans les échanges des matières résiduelles repose, pour l’essentiel, sur des réflexions centrées sur les motivations (Bansal et Roth, 2000), sur les liens entre performances environnementales et financières (King et Lenox, 2001; Lingard, Gilbert et Graham, 2001), et sur le développement de l’avantage concurrentiel (Porter et van der Linde, 1995; Esty et Porter, 1998). Ces travaux tendent à ignorer les enjeux microéconomiques et les étapes franchies par les entreprises dans le processus de l’intégration écologie-économie.

4L’objectif principal du présent article est d’analyser ces enjeux et de décrire ces étapes à partir des perceptions de gestionnaires d’entreprises industrielles canadiennes ayant adopté des mesures innovantes et significatives dans ce domaine. Les résultats de cette étude tentent de remettre en cause la portée des seules approches macroéconomiques en soulignant, en particulier, les bénéfices économiques de l’écologie industrielle, tant dans l’identification des opportunités de valorisation des matières résiduelles que dans l’amélioration des performances écologiques et économiques de leur mise en œuvre.

5Dans un premier temps, l’article s’attachera à présenter le concept d’éco-efficience à partir des principaux travaux dans ce domaine. Dans un second temps, la méthodologie qui a été suivie dans la réalisation de la présente recherche sera présentée. Enfin, les résultats de l’étude seront analysés et discutés.

L’éco-efficience ou l’économie au service de l’écologie

6L’éco-efficience apparaît comme une forme de mise en pratique des principes de développement durable à l’échelle de l’entreprise. Depuis les années 1990, ce concept connaît un développement rapide sur le plan institutionnel et sur celui de la promotion de l’écologie industrielle. La mise en application de ce concept gravite essentiellement autour de la recherche d’optimisation de l’usage des ressources disponibles dans les systèmes de production. Cette optimisation vise, d’une part, la maximisation des profits à réaliser par l’entreprise et, d’autre part, la réduction, lorsque c’est possible, de la quantité des intrants dans les procédés de production. Le caractère mobilisateur du concept d’éco-efficience, à côté des concepts de l’environnement, de la prévention de la pollution et de la comptabilité « verte », constituent les éléments de l’application de l’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise (Lifset et Gradel, 2002). À l’image de « zéro défaut » dans le domaine de la qualité totale, l’éco-efficience s’apparente à un concept plus intégrateur dans la mesure où ce dernier englobe toutes les activités fonctionnelles de l’entreprise. Dans cette perspective, il est défini comme « un processus de changement dans lequel l’exploitation des ressources, la direction des investissements, l’orientation du développement technologique et les transformations au niveau de la direction de l’entreprise maximisent la valeur ajoutée tout en minimisant la consommation des ressources, les déchets et la pollution » (Schmidheiny et Zorraquin, 1998, p. 7).

7Dans sa dimension sociale, le concept d’éco-efficience est compris sous l’angle de la philosophie de gestion et de direction d’entreprise se rapprochant du concept de développement durable (Garner et Keoleian, 1994; Ehrenfeld, 1997). Dans sa dimension économique, ce concept représente le rapport entre la valeur ajoutée et les impacts environnementaux des activités de l’entreprise (WBCSD, 1996; Helminen, 2000). Dans cette perspective, elle est définie comme « l’efficacité avec laquelle les ressources écologiques sont utilisées pour répondre aux besoins des êtres humains, à des prix compétitifs, tout en réduisant les impacts environnementaux et l’intensité d’usage des ressources et de l’énergie, tout au long du cycle de vie et en respectant la capacité de support des écosystèmes » (DeSimone et Popoff, 1997). L’éco-efficience mesure ainsi, pour l’entreprise, le rapport « ressources utilisées ‑ impacts causés sur l’environnement ‑ qualité du produit – prix ‑ besoin satisfait d’une entreprise ».

8Si l’éco-efficience et les indicateurs de ses mesures représentent l’expression la plus concrète de l’application du développement durable à l’échelle de l’entreprise, les liens entre les deux concepts demeurent cependant nébuleux. D’abord, les méthodologies et les outils de mesure de l’éco-efficience s’apparentent souvent à des principes généraux que les entreprises sont appelées à appliquer de façon volontaire. Ainsi, la réduction de la demande pour les produits et les services, la réduction de l’intensité énergétique, la réduction de la dispersion des substances toxiques, l’augmentation de la capacité de recyclage des matières, la maximisation de l’utilisation durable des ressources renouvelables, l’augmentation de la durabilité et l’augmentation de l’intensité du service des biens et services, qui constituent des éléments clés selon le WBCSD (1996), apparaissent plus comme des idéaux à atteindre que comme des pratiques réalistes et intégrées à la gestion quotidienne des opérations. Ensuite, la complexité de la collecte des données, le manque de fiabilité des unités de mesure et le caractère volontaire des indicateurs d’éco-efficience montrent que la portée et l’interprétation des résultats sur l’éco-efficience présentent  certaines limites pour la plupart des entreprises. Enfin, l’intégration des réalités économiques et écologiques dans les indicateurs de performance pour l’ensemble des activités de l’entreprise rend complexe le calcul des différents indicateurs d’éco-efficience (Helminen, 2000; Farber, Constanza et Wilson, 2002).

9Paradoxalement, c’est cette dimension environnementale qui, en s’ajoutant à sa dimension économique, en fait un concept innovateur dans le cadre de l’optimisation de l’usage des ressources. Par essence, les entreprises recherchent la productivité. Les responsables des entreprises savent ce que représente la réduction totale des coûts d’opération par unité de biens et de services produits. L’éco-efficience ajoute des dimensions jusqu’ici négligées dans la production industrielle. L’attention particulière portée aux gestes quotidiens quant à la façon d’utiliser l’énergie et l’eau, par exemple, peut devenir une source significative d’économies supplémentaires. En ce sens, le calcul des indicateurs d’éco-efficience apparaît comme une prise de conscience de l’utilisation efficace des ressources disponibles pour le bénéfice des entreprises. Cette dimension fait partie de la perspective du changement global qui devrait se produire dans les systèmes de production et de consommation par l’optimisation de l’usage des ressources (Frosch et Gallopoulos, 1989; Graedel et Allenby, 1995; Allenby, 1999; Tibbs, 1993).

10Bien que l’éco-efficience comme application du développement durable à l’échelle de l’entreprise présente certaines difficultés de compréhension et d’interprétation sur le plan conceptuel (Helminen, 2000), la situation semble cependant être différente sur le plan opérationnel. En effet, des études empiriques montrent que des entreprises évoluant dans des secteurs d’activités aussi diversifiés que les pâtes et papiers, la production chimique ou encore la fabrication d’automobiles affichent leur caractère éco-efficient comme une réponse logique à de nouveaux impératifs de l’évolution des marchés et du monde des affaires (Hart et Abuja, 1996; Dobers et Wolf, 1999; Helminen, 2000; Cramer, 2000; von Weizsäcker et al., 1997). Ces études portent essentiellement sur la réduction de certains impacts environnementaux, sur la diminution de la consommation de matière et d’énergie et donc sur celle de ressources naturelles dans une vision élargie, sur la réalisation d’économies substantielles et sur le positionnement des entreprises par rapport aux autres du même secteur en matière de performance environnementale (« benchmarking »).

L’éco-efficience au quotidien : le cas de Norsk Hydro

11L’usine de Norsk Hydro de Bécancour est sans aucun doute un exemple de gestion éco-efficiente. En opération depuis 1986, cette entreprise industrielle produit du magnésium pur et des alliages de ce métal à partir de la magnésite, qui provient principalement de Chine. Avec une production annuelle évaluée à 48 000 tonnes, le procédé d’électrolyse utilisé exige l’introduction et la manipulation de produits potentiellement toxiques, notamment l’acide chlorhydrique (HCl) et le chlore gazeux (Cl2). En plus, les multiples réactions chimiques survenant tout au long de ce procédé comportent un risque de présence de polluants dans les effluents, par exemple l’acide chlorhydrique ou le chlorure de magnésium (MgCl2), l’émanation de gaz à effet de serre comme l’hexafluorure de souffre (SF6) ou encore le gaz carbonique (CO2) et, éventuellement, la contamination des sols. Pour réduire tous ces effets et maximiser l’usage des intrants dans les systèmes de production, les dirigeants de Norsk Hydro Bécancour s’engageaient, à partir de 1990, dans un vaste et ambitieux programme de gestion efficace des processus. À l’instar des entreprises comme 3M, Interface ou encore General Motors qui ont recentré leurs activités sur le modèle inspiré de l’éco-efficience (Johansen, 1998; Issak, 2002), Norsk Hydro s’engageait à « produire le maximum de magnésium avec le minimum de ressources dans le respect de la génération actuelle et de celles qui vont suivre ». Cette vision qui s’inscrit dans la perspective de rationalisation de l’usage des ressources repose sur trois actions : respecter les lois et les normes environnementales en vigueur, prévenir et éliminer tout accident écologique, et réduire les pertes des matières premières et les émissions de polluants. Les structurations au niveau des ressources humaines ont exigé la mise sur pied de programmes de formation du personnel ainsi que de programmes d’information destinée à la clientèle et à la population avoisinante.

12Ces changements de gestion de Norsk Hydro se sont accompagnés d’actions concrètes et de gestes quotidiens sur lesquels reposent les principes d’éco-efficience. En effet, des efforts soutenus ont été déployés pour améliorer de façon constante l’efficacité des procédés. Qu’il s’agisse de la révision du bon fonctionnement des équipements, du lavage des pompes HCl (acide chlorhydrique), NaOH (hydroxyde de sodium), NaOCl (hypochlorite de sodium), ou encore de l’achat de nouveaux équipements, les employés sont sensibilisés aux problèmes de perte et de gaspillage des matières utilisées. L’une des facettes des actions et des gestes concrets concerne plus directement le recyclage et la revalorisation des rejets. Avec environ 17 400 tonnes de boues générées par année, les dirigeants de Norsk Hydro s’engageaient à connaître les propriétés des résidus, ainsi qu’à contrôler et à calculer ces derniers, considérés désormais comme des ressources. L’analyse de la composition physique et chimique des boues révélait qu’elles contiennent près de 18 % de magnésium. Ainsi, Norsk Hydro est passé de l’enfouissement au développement d’un nouveau produit, le Mag III, la formule commercialisée des boues de magnésium.

13Plusieurs autres réalisations témoignent de l’engagement « éco-efficient » de Norsk Hydro : la réduction des pertes d’acide, qui fait des économies de 500 000 $ par année; la réduction des pertes de chlorures à l’effluent, qui génère des gains de 1 000 000 $ par année; le programme de R&D, visant à entreprendre le remplacement de l’hexafluorure de souffre (SF6) avant la fin de 2005. Norsk Hydro a également développé ses propres indicateurs de performance environnementale et économique appelés FEED (effluent, énergie et déchets). Selon les données de l’entreprise, toutes ces actions et tous ces gestes, qui s’inscrivent dans le cadre d’une gestion éco-efficiente, en plus de la mise sur pied du programme FEED, représentaient en 2003 une économie de 4 000 $ par jour. Cette gestion éco-efficiente de Norsk Hydro lui a valu de nombreuses reconnaissances, en particulier le prix ÉcoGeste en 2001.

14Si l’écologie industrielle ou les pratiques qui s’inscrivent dans sa logique peuvent représenter une source significative d’intégration de l’écologie et de l’économie ainsi qu’une source d’amélioration des performances de l’entreprise, il convient de s’interroger sur le processus d’intégration et sur les enjeux microéconomiques qui jouent un rôle déterminant dans cette démarche. Quelle est la nature de cette intégration? Quels sont ces enjeux? Quels sont les défis et les difficultés que ces pratiques soulèvent dans l’intégration de l’économie et de l’écologie? C’est dans l’intention de répondre à ces questions qu’une étude de cas a été réalisée auprès d’une quarantaine de gestionnaires ayant mis de l’avant les pratiques d’écologie industrielle.

Méthodologie

15L’objectif de l’étude est de comprendre l’intégration de l’écologie et de l’économie dans les pratiques d’écologie industrielle, c’est-à-dire la vision stratégique des responsables de grands départements (ressources humaines, finances, ventes, gestion des opérations et environnement) quant à la revalorisation résiduelle dans l’industrie canadienne. Ces responsables représentent différents secteurs de l’activité industrielle. Les activités des entreprises pour lesquelles ils travaillent s’inscrivent, dans une large mesure, dans la récupération, le conditionnement et l’utilisation de matières rebutées et de sous-produits : les pneus hors d’usage, les scories des aciéries, les batteries à plomb acide, les sous-produits animaliers, les résidus provenant des entreprises de pâtes et papiers et les résidus miniers. Dans le cadre de cette étude, nous entendons par revalorisation résiduelle l’utilisation, à divers niveaux des procédés, des résidus rebutés et des sous-produits comme manière de définir une stratégie organisationnelle. Dans une démarche d’analyse qualitative accomplie dans le cadre de cette étude, plusieurs dimensions associées à cette mise en œuvre sont prises en compte : les activités de chaque entreprise, le contexte opératoire, les motivations et les niveaux d’intégration des pratiques de revalorisation et de transformation des matières résiduelles, les types de synergie industrielle, les performances commerciales et environnementales, les difficultés rencontrées dans la gestion quotidienne des ressources humaines, la gestion des opérations, les ventes et l’environnement, etc.

16La méthode d’étude de cas est utilisée comme une démarche appropriée pour analyser les différentes dimensions des pratiques d’écologie industrielle. D’abord, cette méthode est la plus indiquée dans une étude empirique portant sur des phénomènes contemporains et complexes, et s’inscrivant dans une démarche qualitative (Yin, 1984). Ensuite, elle permet d’analyser ces phénomènes à partir de points de vue et de perspectives différentes (Eisenhardt, 1989; Yin, 1984). Enfin, les résultats de chaque cas sont comparés aux autres résultats dans le but de confirmer ou d’infirmer les différentes tendances qui se profilent. Cela permet, à partir d’une démarche inductive, d’élaborer de nouvelles théories ou d’explorer de nouvelles idées (Yin, 1984). La grounded theory en constitue une démarche appropriée. Elle repose sur la catégorisation et le regroupement des données qualitatives en vue de rendre facile l’interprétation des résultats sur un thème déterminé (Glaser et Strauss, 1967; Strauss et Corbin, 1990).

La collecte des données

17La collecte des données a reposé, en grande partie, sur des entretiens individuels - faits auprès de responsables de « départements » liés à l’environnement, aux opérations, à la production et aux ventes dans des entreprises industrielles canadiennes qui appliquent des principes de revalorisation et de transformation des sous-produits -, sur des visites d’usines et sur les documents internes de ces mêmes usines. Dans bon nombre de ces dernières, les responsables ci-avant mentionnés comptent parmi les gestionnaires qui connaissent bien le dossier « écologie industrielle » et qui y travaillent depuis au moins cinq ans. En effet, ils ont, pour la plupart, participé à la planification du projet de départ et ils s’occupent de sa gestion quotidienne. La sélection des entreprises et des responsables qu’il fallait rencontrer a été guidée par la pertinence des activités de chacune d’entre elles ainsi que par l’accessibilité et la disponibilité des responsables. La méthode de cas utilisée pour conduire cette recherche n’obéit pas à une logique d’échantillonnage et de représentativité de la population (Yin, 1984). Afin de délimiter les paramètres de l’étude, seules les entreprises industrielles dont les stratégies d’ensemble s’inscrivent dans le cadre de la revalorisation résiduelle ont été prises en compte. La diversité des secteurs d’activité et les différents niveaux d’intégration de la revalorisation résiduelle constituent, dans le cas de cette étude, des facteurs qui favorisent la compréhension de sa mise en marche. Cela permet de confronter des données empiriques avec les concepts théoriques. Les entreprises ont été contactées, par téléphone, à partir des exemples du travail de Boiral et de Croteau (2001), des listes établies par des bases de données d’Industrie Canada, des associations de producteurs industriels ainsi que de la presse locale et régionale.

18Basés sur un questionnaire conçu à cet effet,  quarante deux entretiens de type directif ont été réalisés au total. Ce questionnaire a été ajusté à chacun des entretiens, en tenant compte de la responsabilité et de la fonction de chaque participant. Chaque entretien, d’une durée moyenne d’une heure et demie, a été enregistré sur une bande sonore. Les rencontres avec les responsables d’entreprises ont été suivies par les visites de leurs usines. Les commentaires recueillis lors de ces visites ont fait l’objet d’entretiens additionnels et ont également été enregistrés sur bande sonore. Afin de prendre du recul face aux données collectées lors des premiers entretiens - recul qui permettait d’aller plus en profondeur quant à des questions spécifiques portant sur les activités de l’entreprise -, les visites subséquentes se sont effectuées à quelques semaines d’intervalle. Il en fut de même lors des entretiens réalisés avec d’autres responsables dans une même entreprise. Les questions posées portaient sur les thèmes suivants : informations générales sur l’entreprise et son mode de production, motivations et processus de mise en œuvre des pratiques de revalorisation résiduelle, niveaux d’intégration de ces pratiques, équipements et systèmes de revalorisation mis en vigueur, enjeux et difficultés associés à l’intégration de l’écologie dans l’économie de l’entreprise.

L’analyse des données

19Les entreprises industrielles canadiennes étudiées mettent en œuvre les pratiques de revalorisation et de transformation de matières rebutées et de sous-produits appartenant à sept catégories différentes :

201. Les pneus hors d’usage. « Il s’agit de pneus endommagés qui ne peuvent plus être réutilisés ou rechapés, ou de pneus comportant des défauts de fabrication. Les pneus hors d’usage peuvent être recyclés en produits finis caoutchoutés (tapis de dynamitage, d’étable, asphalte caoutchouté, etc.) ou en d’autres sous-produits (noir de carbone, huiles, etc.). Ils peuvent également être dirigés vers la valorisation énergétique (cimenteries, centrales d’énergie, etc.). Il importe de faire la distinction entre un pneu hors d’usage et un pneu usé, ce dernier pouvant encore être réutilisé ou rechapé » (Recyc-Québec). Dans cette catégorie, quatre entreprises ont été étudiées :

  • Entreprise 1 (40 employés, revalorisation depuis 1983, exportation) fabrique des tapis industriels pour les stalles des animaux;

  • Entreprise 2 (117 employés, revalorisation depuis 1983, exportation, transfert de technologie) fabrique des tapis insonorisants, des tapis protecteurs pour les commerces et les industries, des garde-boues et de petits pneus (par exemple des roues de bacs roulants) à partir de la poudrette et des résidus de meulage;

  • Entreprise 3 (115 employés, revalorisation depuis 1990, exportation) fabrique des bitumes, en particulier des bitumes de polymère et de caoutchouc;

  • Entreprise 4  (25 employés, revalorisation depuis 1996) produit la granule et la poudrette.

212. Les scories des aciéries et les résidus miniers. Ces sous-produits sont connus sous le nom de résidus inorganiques industriels. Selon Recyc-Québec, ce sont des matières résiduelles dont les industries se servent généralement dans leurs procédés de fabrication et qu’elles doivent éliminer suite à une certaine forme de contamination. On retrouve dans cette catégorie des produits tels que : alumine, carbonate de sodium, poussière de cimenterie et de perlite, résidus de fonderies, etc. Dans cette catégorie, deux entreprises seront étudiées :

  • Entreprise 5 (30 employés, revalorisation depuis 1985, exportation, filiale internationale) revalorise les scories d’acier inoxydable et les stériles de minerai de fer;

  • Entreprise 6 (360 employés directs et 360 sous-traitants, revalorisation depuis 2000,  exportation, filiale internationale) récupère du magnésium à partir des résidus de la serpentine.

223. Les cimenteries qui utilisent divers types de résidus dans la combustion et pour renforcer les propriétés du béton. Deux usines seront étudiées dans cette catégorie :

  • Entreprise 7 (134 employés, revalorisation depuis 1998, exportation, filiale internationale) utilise une trentaine de résidus et de combustibles de substitution pour la fabrication d’environ 1 million de tonnes de ciment et de béton par année;

  • Entreprise 8 (200 employés, revalorisation depuis 1991, exportation, filiale internationale) expérimente l’utilisation de plus de 80 types de résidus et de    matières premières dérivées pour la production d’environ 1 million de tonnes de ciment et de béton par année.

234. Les batteries au plomb-acide.

  • Entreprise 9 (140 employés, revalorisation depuis 1984, exportation) recycle les métaux ferreux, les métaux non ferreux et en particulier le plomb, les batteries d'automobiles et les résidus dangereux tels que les filtres à huile, les huiles usagées, les polymères, le carbonate de sodium. Cette entreprise fabrique des lingots de plomb et des alliages de ce métal; elle fabrique également de la fritte de verre à partir des brasques provenant des alumineries.

245. Les sous-produits animaliers.

  • L’entreprise 10 (60 employés, revalorisation depuis 1966, filiale d’une entreprise nationale) recycle principalement les huiles de cuisson et les graisses de cuisson; elle fabrique de la farine d’os, de la viande et du gras animal, et elle produit un carburant à base de déchets animaliers recyclables.

256. Les résidus provenant des entreprises de pâtes et papiers.

  • L’entreprise 11(1 000 employés, revalorisation depuis 1990, exportation) génère environ 470 tonnes de résidus industriels par jour, parmi lesquels 80 % sont revalorisés, principalement des boues de désencrage.

267. Les produits chimiques.

  • L’entreprise 12 (388 employés, revalorisation depuis 1994, exportation, filiale internationale) fabrique environ 80 000 tonnes métriques de bioxyde de titane (TiO2) par année. Elle revalorise de l’acide sulfurique (H2SO4) pour fabriquer du gypse. Elle récupère également de son procédé de fabrication de TiO2 le CO2 liquide qui en est dégagé.

27L’analyse des données a été faite à partir du regroupement et de la comparaison de plusieurs sources d’information, notamment la transcription des entretiens (verbatims), les documents d’entreprise (portant sur les types de production, les procédés utilisés, le système de gestion environnementale, les données relatives à la performance environnementale), les notes prises lors des entretiens et des visites d’usine. Bien que la transcription des entretiens ait été la principale source utilisée, le processus d’analyse a reposé sur une démarche de catégorisation, de regroupement et de comparaison des informations en fonction de concepts ou de thèmes émergeant de l’interprétation des résultats. Le logiciel d’analyse qualitative NUD*IST Vivo a été utilisé pour faciliter ce processus de catégorisation, qui est au cœur de la grounded theory (Glaser et Strauss, 1967; Strauss et Corbin, 1990).

28Au total, 84 catégories, regroupées en cinq thèmes généraux (informations générales portant sur l’entreprise, sur la revalorisation et la transformation des matières résiduelles et industrielles, sur les procédés utilisés dans la revalorisation et la transformation des sous-produits, sur les performances commerciales et environnementales ainsi que sur les difficultés rencontrées) et en 23 sous-thèmes, ont été constituées. La structuration des informations relatives à ces divers thèmes a permis de centrer l’interprétation des données sur les résultats les plus significatifs et qui traduisent le mieux les objectifs de l’étude. Cette démarche d’analyse par catégorisation thématique tend à favoriser la comparaison et le regroupement des données provenant de sources différentes plutôt qu’une interprétation séparée de chaque cas. Pour protéger l’anonymat des répondants, seule la fonction de chacun d’entre eux apparaîtra sous les citations insérées dans le présent texte, par exemple « directeur des opérations » ou « directeur de l’environnement et de l’énergie ». Ces citations visent à illustrer les tendances générales de l’analyse des données à partir de passages représentatifs du discours des répondants.

Intégrer écologie et économie de l’entreprise : une rationalisation des impératifs de productivité et de compétitivité

29Les résultats de l’étude montrent qu’il y a une diversité des expériences, lesquelles traduisent une démarche d’écologie industrielle dans les entreprises canadiennes. Au niveau des procédés, cette démarche s’inscrit dans le cadre de l’utilisation des matières résiduelles à des degrés divers comme source principale d’intrants. Ces derniers servent à être transformés en produits finis ou semi-finis à valeur commerciale, à renforcer la qualité des produits existants ou encore à être introduits comme source énergétique par la combustion. Ceci se perçoit dans l’orientation générale des pratiques de ces entreprises. Les responsables rencontrés confirment que les activités de leur entreprise respective se font en concordance avec la revalorisation résiduelle. L’utilisation des résidus dans les procédés des entreprises analysées se traduit principalement par les synergies industrielles suivantes : la transformation des produits finis ou semi-finis en matières premières, la transformation des résidus industriels en matières premières, l’utilisation des déchets industriels dans l’un ou l’autre procédé, la valorisation énergétique (Boiral et Croteau, 2001a), la substitution de certaines matières premières par des résidus, et l’ajout des résidus aux produits finis. Ces différentes synergies industrielles montrent que les entreprises analysées appliquent effectivement des principes d’écologie industrielle :

Nous faisons de la revalorisation à trois échelles principalement. D’abord, au niveau des matières premières de base (silice, calcium, fer et alumine), nous remplaçons de l’alumine par des catalyseurs usés qui proviennent des raffineries de pétrole. Ensuite, nous utilisons des combustibles alternatifs tels que les huiles usées, les pneus hors d’usage, ou encore le bois contaminé pour brûler du « clinker ». Enfin, nous introduisons des cendres volatiles provenant des usines d’épuration des eaux usées pour fabriquer du béton à haute performance. » (un directeur de l’énergie et de l’environnement)

  • 1  Classification d’acier inoxydable selon leur structure métallurgique. Cette nomenclature a été déf (...)

L’entreprise a deux schémas particuliers de revalorisation : en premier lieu, la revalorisation à 100 % des scories d’acier inoxydable de types 300 et 4001, ce qui constitue l’une des principales activités de l’entreprise. On est la seule entreprise en Amérique qui fait de la revalorisation de scories d’acier inoxydable. Dans un deuxième plan, on fait de la revalorisation de stériles de minerai de fer. » (un directeur général)

30En fait, les actions mises en œuvre par les dirigeants rencontrés semblent relever surtout d’un souci de productivité qui, de surcroît, s’est avéré bénéfique pour l’environnement. On veut produire en minimisant les coûts des intrants, lesquels proviennent de différentes filières de récupération qui sont parfois subventionnées. Les résidus industriels comme intrants principaux permettent aux entreprises de réduire certains coûts d’opération et d’être plus performantes sur le plan économique. L’écologie industrielle et en particulier la revalorisation résiduelle se traduisent donc par une stratégie d’ensemble, une façon de conceptualiser les activités et le monde des affaires pour les entreprises qui la mettent en pratique. Cette façon de mettre l’économie au service de l’écologie montre qu’il y a une dualité quant à la perception des pratiques d’écologie industrielle : d’une part, la perception des gestionnaires qui visent d’abord et avant tout la rentabilité économique; d’autre part, la perception de la société en général et de certains groupes qui voient dans la revalorisation résiduelle un devoir social de rendre « propre » l’environnement :

Nous essayons de substituer l’ensemble des produits que nous utilisons dans nos procédés par des matières résiduelles, ce qui permet à l’entreprise d’être performante sur le plan économique. Nous ne croyons pas à une vocation essentiellement sociale. Nous utilisons les substituts résiduels pour des raisons économiques. On peut parler de plusieurs termes : revalorisation, réutilisation, etc. Pour nous, ce qu’il faut, c’est voir, dans n’importe quelle matière résiduelle, ce qui reste, ce qui est encore actif, pour en faire autre chose au lieu de l’enfouir en sol. (un vice-président, chef des opérations)

Je ne crois pas que l’objectif premier de notre entreprise soit de revaloriser les piles des matières résiduelles. Cela n’était pas dans la première pensée des dirigeants. L’objectif était de devenir un producteur de minerai que nous produisons (le magnésium). Donc, pour le devenir, il faut trouver une source d’approvisionnement en matières premières et, dans les recherches qui ont été faites, les dirigeants de l’entreprise ont découvert les piles de résidus qui sont ici à côté comme étant une source exploitable. Je suis sûr que si l’entreprise avait trouvé une autre source, ils l’auraient utilisée de la même manière. Certaines personnes, les environnementalistes entre autres, qui veulent promouvoir l’environnement, ont vu le potentiel de ces piles, mais cela n’était nullement dans l’intention première de l’entreprise. (un directeur à la technique et à l’ingénierie)

31Les réponses des gestionnaires à la question portant sur le type d’information dont ils ont besoin pour planifier leurs activités de production viennent encore renforcer la perception selon laquelle les stratégies de revalorisation ne visent pas en premier lieu les considérations environnementales. L’information sur les flux de matière et d’énergie dans les systèmes de production industrielle et de consommation en rapport avec l’environnement ne semble pas être un facteur important.

Nous ne regardons pas l’aspect de l’information en rapport avec l’environnement. Nous avons plutôt un aspect terre à terre, nous ne regardons que le produit comme tel. C’est la matière qui nous intéresse le plus. Son utilisation postérieure dans les différents types d’industries et même, à la limite, l’industrie d’où proviennent ces matières ne nous intéresse pas, tout simplement parce que c’est la matière qui nous intéresse. (un coordinateur Environnement)

Nous sommes là, dans l’entreprise, pour faire de l’argent et non pas pour le simple fait d’utiliser les matières résiduelles. L’information que nous utilisons sert à des fins économiques. (un vice-président, chef des opérations)

32Ces propos montrent que les mesures d’écologie industrielle, dans la plupart des cas, sont bénéfiques pour les entreprises industrielles. Ce ne sont pas ici des actions environnementales qui a posteriori s’avèrent rentables, mais plutôt des actions rentables qui s’avèrent également bénéfiques pour l’environnement. Bien que les dirigeants rencontrés ignorent souvent ce que signifie le concept d’écologie industrielle, ou le terme « éco-efficience », les pratiques de revalorisation résiduelle des entreprises visitées semblent être sur la voie d’un équilibre entre écologie et économie de l’entreprise. Malgré de nombreuses contraintes administratives, techniques et sociétales, une bonne lecture des marchés ne semble pas, à court terme, constituer de menace pour la pérennité de ces entreprises. Sur le plan environnemental, bien qu’il existe encore de sérieuses difficultés liées à la maîtrise de la variabilité des matières à revaloriser, à l’obtention des permis pour utiliser, entreposer et manipuler certains déchets, les entreprises visitées semblent, dans l’ensemble, relativement en avance sur le plan du contrôle des émissions, indépendamment de leurs activités relatives à l’écologie industrielle. À quelques exceptions près, elles respectent la réglementation et sont fières de leurs performances à ce niveau. Des investissements assez importants ont été nécessaires pour arriver à une certaine maîtrise des problèmes liés à l’environnement. Rencontrer les normes est perçu comme un facteur important de réussite commerciale.

33Bien que l’équilibre entre environnement et économie demeure précaire en raison de la grande diversité des matières revalorisées, en raison, aussi, des secteurs d’activité, des procédés mis en marche ou encore des produits fabriqués, les entretiens réalisés permettent d’identifier les niveaux ou les étapes du processus d’intégration de l’écologie et de l’économie dans les pratiques de revalorisation résiduelle.

Modèle d’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise

34Les exemples observés montrent que deux facteurs jouent un rôle déterminant dans l’intégration de l’écologie et de l’économie dans l’entreprise. D’une part, la recherche de la rentabilité économique. En effet, pour les gestionnaires rencontrés, les différentes mesures prises par les entreprises, en particulier la nouvelle conception de la philosophie de gestion, les investissements continuels, l’achat et l’amélioration des équipements, l’introduction de nouvelles technologies, la rencontre des normes environnementales, la recherche des matières résiduelles à revaloriser, la formation du personnel, l’élaboration des produits à partir des déchets, ou encore la bonne lecture des marchés, toutes des mesures qui sont motivées par la rentabilité économique, indépendamment de la teneur écologique des ces actions. D’autre part, le temps nécessaire pour introduire les pratiques écologiques, lequel repose essentiellement sur le développement des compétences en matière de procédés et d’innovations technologiques, de contrôle des flux de matière, de formation du personnel, d’enjeux environnementaux ou encore d’aspects stratégiques et commerciaux.

35Les efforts des entreprises pour intégrer l’écologie et l’économie évoluent dans le temps et peuvent être représentés par un modèle qui comprend quatre phases principales (voir Figure 1) : la conscientisation, la structuration, l’affirmation et la consolidation de l’intégration. Deux axes principaux déterminent cette intégration : la rentabilité de l’entreprise et l’introduction des initiatives écologiques dans le temps.

Figure 1 : Modèle intégrateur de l’écologie et de l’économie de l’entreprise

36La conscientisation constitue la première phase de l’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise. Tant dans les entreprises dont la revalorisation constitue le métier principal que dans celles dont les pratiques écologiques sont des opérations en marge des activités de base, les dirigeants prennent conscience de la réalité entourant l’intégration de l’écologie dans l’économie et des principaux enjeux de cette intégration. L’assurance de la rentabilité économique constitue la base sur laquelle reposent les initiatives écologiques. Pour assurer cette rentabilité, les entreprises doivent relever des défis qui touchent tous les domaines des activités opérationnelles. Sur le plan technologique, par exemple, les dirigeants déploient des efforts pour expérimenter de nouveaux procédés et équipements. C’est le cas, pour certaines entreprises visitées, de la mise en marche d’un procédé pyro-métallurgique, d’un procédé d’électrolyse de la serpentine ou encore d’un procédé d’introduction des cendres volatiles pour améliorer la qualité du béton. Au niveau de la gestion des opérations, la maîtrise de la variabilité des différentes matières utilisées, tant au niveau de leur composition que de leur dimension, exige l’apprentissage de pratiques à travers un processus d’essais-erreurs dont le résultat est rarement prévisible. La formation du personnel, et en particulier des opérateurs qui sont appelés à manipuler des produits potentiellement dangereux, constitue l’un des défis qu’impliquent les pratiques d’écologie industrielle au niveau des ressources humaines. La rencontre des normes environnementales et la conformité aux lois et réglementations en vigueur sur le plan local et régional constituent des difficultés avec lesquelles les dirigeants doivent composer. Enfin, la rentabilité de l’entreprise repose sur le développement d’un partenariat avec les autres industries et le développement d’un réseau de récupération, de transformation et de commercialisation des produits élaborés à partir des matières résiduelles. La conscientisation aux défis technologiques, opérationnels, de ressources humaines, environnementaux ainsi que stratégiques et commerciaux s’avère longue et laborieuse :  

Nous avons procédé par de l’entrepreneuriat à sa plus belle expression, par essai-erreurs, comme les "patenteux" de la Beauce. Ce sont les gens qui prennent les équipements et qui les mettent ensemble. Ils n’ont aucune idée des réactions chimiques qui peuvent en résulter. Ce sont des gens qui essaient des choses, ce sont de véritables inventeurs. C’est comme ça que l’entreprise ici a commencé, en essayant des choses. (un directeur des opérations)

À travers les années, nous avons investi beaucoup dans la technologie. Elle est devenue écologique. Ce n’est pas le ministère de l’Environnement qui nous a dit de faire ceci ou cela. Nous avons toujours pris l’initiative pour précéder les demandes qu’il peut y avoir au niveau de l’environnement. Nous avons été persuadés, dès le démarrage, que la pérennité d’une entreprise comme la nôtre est assurée par deux choses: la rentabilité économique et le respect le plus total de l’environnement. (un vice-président, directeur des opérations)

37La seconde phase de l’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise  est la structuration. En effet, une fois que les dirigeants sont plus au moins assurés de la rentabilité des activités de l’entreprise, ils visent le respect  de l’environnement. Ce respect est susceptible d’apporter des avantages économiques supplémentaires. La structuration de tous les processus d’affaires porte également sur les technologies, les opérations, les ressources humaines, les enjeux environnementaux et la lecture stratégique des marchés. Cette organisation de l’entreprise vise à lui donner une cohérence. Les entretiens réalisés montrent que les entreprises développent non pas des savoirs liés à l’expertise d’une fonction spécialisée, mais plutôt des compétences liées à plusieurs fonctions ou activités. Dans le cas d’une des entreprises visitées, par exemple, la structuration a conduit au passage d’équipements de type artisanal à d’autres beaucoup plus professionnels. Dans le cas d’une autre, il a plutôt s’agit de la réorganisation de toutes les ressources humaines :

Nous avons donc acheté l’entreprise des mains des Allemands qui nous ont donné certaines facilités pour le faire. À partir de 1984, on a fait pas mal de transformations, de sorte qu’à compter de juin 1985, on était rentable. C’est demeuré une compagnie privée. Ce que nous avons fait, c’est de réorganiser toute la force. Moi, je suis arrivé ici en avril 1985 et mes talents particuliers étaient du côté de l’organisation du travail et de la motivation du personnel. J’ai appris sur-le-champ ce qu’est la pyro-métallurgie, le recyclage, etc. Mais à mon arrivée en 1985, la compagnie était déjà bien installée et notre objectif, notre orientation, est de faire de l’argent avec des matières résiduelles. (un vice-président, directeur des opérations)

Quand nous avons commencé, notre équipement était fait de machines que nous avions achetées des autres industries, en particulier minières, forestières et de recyclage. Donc, nous n’avions pas de référence. Après ça, nous avons dû réorganiser toutes nos opérations en faisant la commande des équipements mieux adaptés à nos procédés. Ce fut une époque de réinvention totale de nos façons de faire. (un directeur administratif)

38L’affirmation de la fonctionnalité des procédés, tant sur le plan du contrôle des émissions que sur celui des performances commerciales, constitue la troisième phase de l’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise. D’une part, les progrès réalisés quant à l’utilisation des matériaux divers entrant dans les procédés ainsi que l’obtention de bons résultats sur le plan environnemental renforcent la recherche des opportunités d’affaires avec l’utilisation des matières résiduelles. Pour la plupart des dirigeants rencontrés, ce sont souvent les résidus les plus dangereux qu’il est le plus « rentable » de valoriser. C’est le cas, par exemple, de la récupération et du recyclage des brasques provenant des alumineries. Cette « réussite » sur le plan environnemental est présentée par la plupart des répondants comme une motivation importante pour poursuivre l’intégration de l’écologie et de l’économie. D’autre part, la spécificité des procédés et des pratiques mises en œuvre permet aux entreprises de dépasser et de devancer les normes environnementales en vigueur. Ces résultats relèvent d’un long processus d’expérimentation dont plusieurs répondants ont souligné l’enjeu :

Ce sont les années d’expérience qui ont fait qu’on a déterminé et trouvé le type d’équipements que l’on utilise pour le moment. Il faut être conscient que la façon dont les granules de caoutchouc sont obtenues implique qu’il y ait une certaine forme géométrique. Si on n’a pas la géométrie nécessaire, on n’aura pas le produit tel qu’on l’espère. Il y a bien sûr beaucoup de choses qui sont faites en même temps : des essais, des adaptations multiples d’équipements, des abandons, des reprises, des remplacements de pièces et de machines, etc. (un directeur général)

Avec les équipements que nous avons installés, nous pouvons programmer tous les procédés de pyro-métallurgie et les procédés de traitement des gaz afin qu’ils soient propres. Nous sommes en mesure de recycler la plupart des produits contenant des matières plombifères. Nos procédés sont d’ailleurs considérés comme « world class » : il n’y a personne au monde qui fait ce que nous faisons. Et il n’y a personne au monde qui est aussi rentable que nous. Avec la mise au point du nouveau système de combustion, on a commencé à avoir accès à de nouveaux produits, ce que j’appelle des matières plus sophistiquées, c’est-à-dire plus dangereuses mais plus payantes. C’est ça qui nous motive, ici. Si on n’était pas rentable, je ne pense pas qu’on serait arrivés jusqu’à ce point. Je répète ce que je disais : la fonction écologique est avant tout économique. (un vice-président, directeur des opérations)

39La consolidation des activités clairement engagées de revalorisation constitue la quatrième phase de l’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise. Cette étape se caractérise par le renforcement de l’engagement environnemental de l’entreprise, de ses performances dans ce domaine et de son caractère avant-gardiste. Les performances financières et commerciales accumulées dans le temps permettent aux dirigeants non seulement de continuer à investir pour l’environnement, ce qui s’est avéré bénéfique pour la pérennité de l’entreprise, mais également à investir dans des projets de R&D qui visent à revaloriser plus de matières résiduelles, à renforcer les filières de récupération, de valorisation et de commercialisation de nouveaux produits « écologiques ». Pour la plupart des dirigeants rencontrés, les lourds investissements qu’impliquent ces différentes initiatives à cette étape témoignent de la réussite de l’intégration de l’écologie dans l’économie de l’entreprise. Ces mêmes initiatives illustrent, selon leur perception, les concepts comme le développement durable, l’éco-efficience ou encore l’entreprise citoyenne, et donc une consistance opérationnelle de l’intégration de l’écologie et de l’économie :

Nous sommes en train de développer un nouveau produit de recyclage élaboré à partir des brasques d’alumineries. Nous venons de créer une nouvelle filiale spécialisée dans la commercialisation de ce produit. L’entreprise a toujours été rentable avec le recyclage des matières plombifères depuis près de 20 ans que nous existons. Il faut dire qu’il y a des sous à faire avec le recyclage. C’est ce qui nous a permis d’investir plus de 12 millions de dollars dans la recherche et le développement, en collaboration avec l’université de la région. Nous payons deux essais de maîtrise et une recherche doctorale pour la mise au point du nouveau produit de valorisation, unique jusque là au monde. Cela prouve que nous avons à cœur le développement durable. (un directeur d’usine)

Nous n’avons pas de problèmes au niveau de la rentabilité financière. L’usine ne pollue pas non plus. Nous avons de la matière première et notre entreprise a de très bonnes projections pour l’avenir. On a bâti une compagnie de capital de risque. Ils ont identifié Royal-Mat comme la plate-forme avec laquelle ils vont consolider l’industrie. Avec la technologie qui nous est propre, on va y aller par des fusions et des acquisitions. Et on va mettre sur pied une entreprise nord-américaine dans ce domaine. N’est-ce pas là l’éco-efficience que vous avez évoquée tout à l’heure? Les environnementalistes et les autres qui parlent de développement durable, etc. ne peuvent rien dire contre nous. Mais, ça, c’est le résultat de plusieurs années de travail et d’épreuves. (un directeur général)

Conclusion

40Les résultats de cette étude ont permis de mieux comprendre la façon dont les entreprises qui travaillent dans le domaine de la récupération, de la revalorisation et de la commercialisation des produits élaborés à partir des résidus industriels intègrent l’écologie et l’économie dans leurs activités respectives, ainsi que les enjeux et les défis que soulève une telle démarche. Dans les exemples observés, deux facteurs intrinsèquement liés semblent jouer un rôle déterminant dans cette intégration. D’une part, la rentabilité économique et financière de l’entreprise, et d’autre part, le développement, dans le temps, des compétences dans les domaines des ressources humaines, de la gestion des opérations, du partenariat commercial et de la maîtrise des questions environnementales. Ainsi, selon la perception des dirigeants rencontrés, plus l’entreprise est rentable, plus elle est disposée à investir dans les initiatives écologiques de revalorisation résiduelle et d’amélioration de performances environnementales. L’intégration de l’écologie et de l’économie se traduit par un processus graduel, sous-jacent aux résultats économiques favorables de l’entreprise.

41Si les exemples observés permettent d’illustrer assez aisément la capitalisation du contexte environnemental dans la définition des stratégies d’affaires, et donc de donner une consistance opérationnelle à la logique « gagnant-gagnant » (Porter et de van der Linde, 1995; Rugman et Verbeke, 1998), les entretiens réalisés montrent que l’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise relève d’une évolution diachronique. Cette évolution ne semble donc pas relever des simples réponses des entreprises aux lois et règlements en vigueur, ou à des contraintes gouvernementales et sociétales : elle évolue plutôt à partir des performances économiques qui constituent la base sur laquelle repose les actions écologiques. Cette même évolution comprend les phases de conscientisation, de structuration, d’affirmation et de consolidation. Comme l’ont souligné les dirigeants interrogés, et comme l’illustrent les pratiques analysées, la fonction écologique est avant tout économique.

42En raison du caractère exploratoire des entretiens réalisés, lesquels portaient sur la mise en œuvre des pratiques d’écologie industrielle, en raison aussi de l’approche méthodologique utilisée, les conclusions de l’étude demeurent préliminaires. La validité externe de l’étude est donc limitée. Des études beaucoup plus étendues permettraient en effet de faire la lumière sur ces conclusions, qui ne restent pas moins pertinentes en raison de leur objectif principal, celui de comprendre le processus d’intégration de l’écologie et de l’économie dans des secteurs de l’industrie canadienne. La démarche comme celle utilisée dans le cadre de la présente étude reposerait sur une logique de compréhension des phénomènes plutôt que sur une logique de mesure de la fréquence de ceux-ci (Eisenhardt, 1989; Maxwell, 1999). Des recherches ultérieures pourraient approfondir les aspects explorés dans cette étude et s’orienter vers des études beaucoup plus étoffées qui prendraient en compte, entre autres, un échantillon plus élargi, des secteurs industriels plus diversifiés et des entretiens auprès d’employés d’autres entreprises autour desquelles gravitent les pratiques d’écologie industrielle, en particulier les entreprises de pré-conditionnement des matières, les fournisseurs, les entreprises réceptrices des résidus, les organismes de subventions ou les fonctionnaires des ministères concernés.

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Notes

1  Classification d’acier inoxydable selon leur structure métallurgique. Cette nomenclature a été définie par AISI (American Iron and Steel Institute).

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Jean Kabongo, « Intégrer économie et écologie : le cas de l’industrie canadienne », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 6 Numéro 1 | mai 2005, Online since 01 May 2005, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/3093 ; DOI : 10.4000/vertigo.3093

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About the author

Jean Kabongo

Jean Kabongo est candidat au doctorat en administration de la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval. Diplômé de l’Université Iberoamericana de Mexico, il a réalisé l’essentiel de ses recherches sur les questions éthiques et environnementales. Ses travaux actuels portent plus spécifiquement sur la promotion de l’écologie industrielle dans les entreprises.

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