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Dossier: La biodiversité des océans: ses différents visages, sa valeur et sa conservation

Développements récents du droit international relatif a la biodiversité marine

Bleuenn Guilloux and Karolina Zakovska

Abstracts

Oceans cover 70% of the planet’s surface and constitute the most important reserve in biodiversity. Although our knowledge of oceans remains incomplete, a global consensus has emerged regarding the need to preserve the marine biodiversity. However, the law keeps favouring the exploitation, sometimes irrational, of these natural resources, most notably for the purpose of genetic research. The UN Convention on the Law of the Sea and the Convention on Biodiversity both reflect this very trend, and show how difficult it is to deal with the specificity of deep sea waters, on natural as well as legal grounds. Beyond these  shortcomings, the two Conventions have nevertheless managed to gather most of the international community and to provoke a debate between the those exploiting and those protecting the marine biodiversity.

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Introduction

  • 1  The Royal Society: Mesuring biodiversity for conservation, Policy document 11/03, August 2003, p.6 (...)
  • 2  A cet égard, notons que le nombre d´espèces constitue le critère typique pour évaluer la diversité (...)
  • 3  La découverte et l´exploration des « oasis » des grandes profondeurs – sources hydrothermales, mon (...)

1Bien que les océans couvrent plus de 70% de la surface de notre planète et représentent 90% de la biosphère, nos connaissances concernant la vie de ces espaces, tant d’un point de vue taxonomique que des processus écologiques, apparaissent encore lacunaires. Des quelques 1,8 millions d’espèces répertoriées1, seules 16% d’entre elles sont marines. Ce hiatus est compréhensible : malgré la constance du progrès technique, les caractéristiques physiques du milieu marin rendent toute recherche scientifique difficile et coûteuse. Néanmoins, les efforts engagés en la matière ces dernières décennies commencent à porter leurs fruits : l’Homme découvre l’extraordinaire et insoupçonnée diversité de la vie marine, aussi bien au niveau interspécifique2, infraspécifique (génétique) qu’écosystémique3.

  • 4  La découverte de la structure à double hélice de l’ADN en 1953 par F. Crick, M. Wilkins et J. Wats (...)
  • 5  Sur les 35 phylums fondamentaux de la vie, 22 existent dans le milieu marin pour seulement 17 sur (...)

2Les nouvelles connaissances ne se limitent pas à un aspect quantitatif. L’aspect qualitatif est devenu primordial avec l’avènement de la génétique4. Les gènes, de par leur fonction biologique, les qualités qu’ils procurent, ont donné une nouvelle dimension au vivant. En ce début de XXIème siècle, l’Océan apparaît comme un creuset important de diversité génétique5 : moins connus que leur homologues terrestres, les organismes marins sont déjà désignés comme ayant une forte probabilité de receler des substances actives intéressant les domaines de la santé, la cosmétique, l’industrie, etc.

  • 6  Voir, www.panda.org/news_facts/publications/general/livingplanet/index.cfm.
  • 7  Selon certains scientifiques, jusqu´à 90% des poissons grands prédateurs ont disparu des Océans at (...)
  • 8  Le besoin de combler les lacunes énormes de nos connaissances sur la vie dans les océans est à l’o (...)

3Nous commençons également à comprendre les relations écologiques complexes des écosystèmes marins et leur importance pour l´équilibre planétaire. Or, avec la richesse de la vie marine, nous découvrons aussi sa fragilité et la profondeur de l´erreur du dogme de l´inépuisabilité et de l´indestructibilité des océans qui a longtemps légitimé la pollution du milieu marin et l´exploitation quasi-incontrôlée de ses ressources. Depuis quelques décennies, les scientifiques ne cessent de le répéter : nous nous trouvons face à une perte de la diversité biologique sans précédent dans l´histoire de notre espèce et dont nous sommes à l’origine. Le Living Planet Report sur l´état des écosystèmes naturels6 montre qu´en 30 ans les populations d’espèces marines observées ont régressé d´environ 30%7. Du fait de la destruction de leurs écosystèmes, il se peut que de nombreuses espèces disparaîssent sans être jamais répertoriées. L´ampleur actuelle de perte en biodiversité marine reste difficile, voire impossible à évaluer en raison de nos connaissances limitées sur les océans. Le problème auquel le droit doit alors faire face est l’incertitude et le manque des connaissances sur la diversité biologique en général, et marine en particulier8.

  • 9  L’article 1 (objectifs) précise ainsi que « les objectifs de la présente Convention […] sont la co (...)
  • 10  La diversité biologique est définie par la CDB comme la «variabilité des organismes vivants de tou (...)
  • 11  Toutefois, certains Etats sont à a la fois développés et riches en biodiversité. C’est notamment l (...)
  • 12  Protection de populations, espèces ou écosystèmes particuliers.
  • 13  La ressource génétique s’entend de tout « matériel ayant une valeur effective ou potentielle » (ar (...)

4Accord-cadre signé le 5 juin 1992 par 186 Etats, la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) constitue la première manifestation en droit international de la volonté des Etats de considérer la biodiversité de manière globale9. Cependant, et bien que défini juridiquement10, le concept scientifique de biodiversité demeure abscons et ambigu. La question de la définition même de la diversité biologique est fondamentale car elle permet au droit de répondre plus efficacement aux objectifs prescrits par la CDB. Au demeurant, elle apparaît comme le symbole d’un affrontement géopolitique et économique entre le Nord et le Sud. En effet, il est possible de considérer que les Etats riches en biodiversité sont en majeure partie des pays en développement (PED)11 qui entendent obtenir un large pouvoir de contrôle sur leurs ressources biologiques. A l’opposé, les Etats du Nord sont pour la plupart riches en biotechnologies et désirent que celles-ci bénéficient d’un régime de protection via des droits de propriété intellectuelle. Ce conflit d’intérêts est prégnant dans la CDB ; il l’est aussi dans les développements récents du droit international relatif à la biodiversité. Si la protection de cette dernière ne peut se réaliser qu’indirectement, soit par le biais de ses manifestations concrètes12, il n’en demeure pas moins que la dimension génétique de la diversité biologique13 est privilégiée par la CDB au détriment de ses autres composantes.

  • 14  Souveraineté sur les ressources naturelles, maintien et développement des activités d’exploitation (...)
  • 15  La Convention des Nations unies sur le droit de la mer, adoptée en 1982 à Montego Bay (Jamaïque), (...)
  • 16  La CMB reconnaît sept zones de base : les eaux intérieures, la mer territoriale, la zone contiguë, (...)

5Le droit de la biodiversité marine doit faire face à la tâche ardue de concilier données scientifiques et exigences environnementales avec des préoccupations à caractère anthropocentriste14. Il doit également prendre en considération le caractère juridique particulier de l’espace marin tel qu’issu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (dénommée usuellement Convention de Montego Bay, CMB)15. Mers et océans sont aujourd’hui divisés en différentes zones16 au sein desquelles les Etats ont des droits et des obligations variables, allant de la quasi-souverainété des Etats côtiers dans les zones les plus proches de leur territoire terrestre jusqu’à la quasi-liberté de tous en haute mer. Ainsi, tout effort visant à protéger la richesse des océans risque de se voir entraver au motif d’une restriction des droits souverains des Etats ou des libertés liées à l’utilisation des mers.

6Le droit répond à deux types d’exigences : des exigences d’ordre écologique (protection de la biodiversité sous toutes ses formes) et d’autres à caractère économique (exploitation des ressources génétiques). Reste à savoir lesquelles prévalent. Les règles de droit en vigueur en matière de biodiversié marine nous apportent un pan de réponse à cette problématique clé qui resitue l’Homme dans son environnement.

La biodiversité marine, objet de protection

  • 17  Par « droit mou », ou soft-law en anglais, on considère l’ensemble des instruments qui n’engagent (...)
  • 18  Voir l’Agenda 21, programme d’action adopté à Rio de Janeiro en 1992 (notamment son Chapitre 17, i (...)

7L’examen des documents de « droit mou » (soft law)17 adoptés à l’occasion des dernières grandes conférences des Nations unies sur l’environnement et le développement18 démontre l’existence d’un consensus international sur la nécessité de conserver la biodiversité marine. La question qui se pose alors est celle de l’adéquation du droit international « dur » avec ce consensus idéologique. A cet égard, nous allons constater que la situation actuelle est loin d’être idéale.

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer, un cadre général

  • 19  Si les négociations ont commencé en 1973, la convention n’est entrée en vigueur qu’en 1994. (...)
  • 20  Toute une partie de la CMB est consacrée à la « Protection et préservation du milieu marin » (Part (...)
  • 21  Instituée par la Partie XI de la CMB, cette organisation internationale à compétence limitée a pou (...)
  • 22  L’article 145 de la CMB fait à cet égard expressément référence à la prévention «des dommages à la (...)

8La CMB, souvent qualifiée de « constitution pour les océans », ne traite pas expressément de la biodiversité marine. Fruit d’une dizaine d’années de négociations, cette convention dut attendre douze ans pour entrer en vigueur19 : au regard de cette lente maturation, il n’est guère surprenant que la question de la biodiversité marine, thématique récente, ne soit aucunement abordée par le texte. La CMB contient néanmoins de nombreuses dispositions générales intéressant la protection du milieu marin et des ressources biologiques marines20, et par voie de conséquence, la biodiversité marine. Ainsi, au sein des zones relevant de la juridiction nationale, soit jusqu’à la limite extérieure de la zone économique exclusive, le contrôle des activités potentiellement dangereuses pour la biodiversité relève principalement de la compétence des Etats côtiers. Au-delà de cette limite, les ressources biologiques marines dépendent du régime juridique de la haute mer qui est caractérisé par le libre accès (ce dernier n’est cependant pas sans limite, les Etats devant respecter certaines règles liées à la conservation de ces ressources). Un rôle potentiellement important pour la protection de la biodiversité de la haute mer (particulièrement en ce qui concerne les écosystèmes profonds) est dévolu à l’Autorité internationale des fonds marins21. L’Autorité est en effet chargée d’adopter des mesures visant à protéger le milieu marin contre les effets nocifs que pourraient engendrer les activités menées dans la Zone internationale22.

La Convention sur la diversité biologique, un forum d’importance idéologique

  • 23  L’importance de la CMB est confirmée par la CDB elle-même qui dispose dans son article 22 al. 2 qu (...)
  • 24  La CDB fut signée lors de la conférence de Rio de Janeiro en 1992 ; 188 Etats en sont actuellement (...)

9Si la CMB présente un cadre juridique d’ensemble pour les activités ayant trait au milieu marin23, l’importance de la CDB24 repose sur le fait qu’elle constitue la seule convention appréhendant la biodiversité de manière globale et ce, tant sur un plan interspécifique, infraspécifique qu’écosystémique. Cependant, résultant de négociations délicates entre pays du Nord et du Sud, la CDB se préoccupe plus de l’utilisation de la biodiversité que de sa conservation en tant que valeur vitale pour l’humanité. La portée de la plupart des obligations énoncées par la Convention étant limitée par des expressions telle que « dans la mesure du possible et selon qu’il conviendra », la force juridique du texte apparaît sensiblement amoindrie. Malgré cette faiblesse, la CDB est un forum d’importance majeure sur le plan idéologique, étant reconnue par les acteurs principaux (Etats, organisations internationales principales, tant intergouvernementales que non gouvernementales) et dotée de moyens financiers, personnels et techniques suffisants pour aborder les questions liées à la biodiversité – y compris la biodiversité marine – avec tout le sérieux nécessaire.

  • 25  On citera ici le travail d’importance considérable mené par le Subsidiary Body on Scientific, Tech (...)
  • 26  Dernièrement, le Programme de travail sur la diversité biologique marine et côtière a été révisé l (...)

10Si la biodiversité marine est envisagée par la CDB comme une composante de la biodiversité globale, la prise en compte généralisée de l’importance des océans pour la survie de l’humanité a trouvé son expression en 1995 par l’adoption lors de la Conférence des Parties contractantes à Djakarta de la Décision II/10 relative à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique marine et côtière. Ce nouveau consensus global est désormais connu sous l’expression de « Mandat de Djakarta ». Il s’agit d’un programme d’action complété en 1998 par un programme de travail comportant cinq volets principaux : la gestion intégrée de zones marines et côtières, l’utilisation durable des ressources biologiques, les aires protégées, la mariculture et les espèces et génotypes allogènes. Depuis son adoption, le programme de travail reçoit une attention particulière25 et fait l’objet de révisions régulières26.

L’approche sectorielle des autres instruments internationaux

  • 27  Ou un groupe d’espèces, tellela Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant (...)
  • 28  Par exemple, la Convention relative aux zones humides d’importance internationale adoptée à Ramsar (...)
  • 29  A titre d’illustration, on citera la Convention sur le commerce international des espèces de faune (...)
  • 30  Selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FA (...)
  • 31  On recense aujourd’hui plus de quarante organisations régionales de pêche.
  • 32  Un autre groupe d’instruments juridiques relatif à la conservation de la biodiversité marine est r (...)

11Le rôle de la CDB sur un plan idéologique est indéniable. Mais du fait de la force juridique limitée de cet instrument ainsi que des difficultés liées au concept même de biodiversité, la protection de la vie dans les océans se réalise aujourd’hui essentiellement par le biais d’instruments traditionnels du droit international de l’environnement. Ces conventions, apparues tant sur un plan global que régional à partir des années 70, reflètent une approche de type classique à l’égard de la protection du vivant. Elles visent soit une espèce27 ou un habitat28 particulièrement menacés et ayant fait l’objet d’une médiatisation accrue, soit une menace spécifique29.Cette approche sectorielle est aussi caractéristique de la gestion des pêcheries30 (réalisée par le biais d’organisations régionales de pêche31), autre domaine crucial pour la conservation de la biodiversité marine32.

L’approche écosystémique, un nouvel impératif

12De cette courte présentation, il ressort que l’apport réel des instruments juridiques existants pour la conservation de la biodiversité marine reste limité. Si la CDB, seule convention globale prenant en compte la biodiversité en tant que telle, présente le défaut d’être trop abstraite et trop peu contraignante, les autres conventions, même dotées d’une plus grande force juridique, ne concernent généralement qu’un seul aspect de la problématique. Or la biodiversité est un concept dont l’essence même est l’interconnexion, voire l’interdépendance de ses composantes. Sa conservation ne peut être réalisée que par l’intermédiaire d’une approche prenant cette caractéristique en compte.

  • 33  Au niveau juridique ce vÅ“u fut exaucé pour la première fois dans la Convention sur la conservation (...)
  • 34  Voir par exemple la Décision VII/5de la septième conférence des Parties à la CDB, partie II du Pro (...)
  • 35  La FAO joue en la matière un rôle primordial. On citera ici le Code de conduite pour une pêche res (...)
  • 36  Résolution 58/240 sur les océans et le droit de la mer (document A/RES/58/240).

13Les scientifiques s’accordent depuis longtemps sur la nécessité d’utiliser une approche écosystémique en ce qui concerne le maintien des populations des ressources marines vivantes33. Sous leur impulsion, l’approche écosystémique a fait l’objet dans la dernière décennie d’une reconnaissance en tant que principe de base pour la conservation de la biodiversité, tant terrestre que marine34. Si parmi les outils de sa mise en œuvre, les aires marines protégées, zones au sein desquelles l’ensemble des activités humaines potentiellement dangereuses sont réglementées, occupent une place privilégiée, les considérations écosystémiques doivent également être intégrées dans la gestion des activités exercées en dehors de ces aires (surtout en ce qui concerne l’exploitation halieutique35). Or le chemin à parcourir entre cette prise en compte généralisée de l’importance de l’approche écosystémique et son application universelle est encore long. Le système international existant est en effet largement basé sur une approche ad hoc bien établie, légitimée en partie par le manque de connaissances sur le fonctionnement des écosystèmes marins. Et bien que l’Assemblée générale des Nations unies « encourage les Etats à appliquer d’ici à 2010 [une] approche écosystémique36», il ne s’agit ici que d’une disposition non contraignante visant à la réalisation d’un objectif à long terme.

La protection des écosystèmes profonds, un problème d’actualité 

  • 37  La plupart de ces écosystèmes se situant dans les zones au-delà de la juridiction nationale, il es (...)
  • 38  L’Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 58/240 sur les océans et le droit de la (...)

14Trois types d’écosystèmes profonds – les sources hydrothermales, les monts sous-marins et les récifs coralliens profonds – présentent aujourd’hui un intérêt majeur tant pour les scientifiques que pour les juristes. Si les premiers trouvent dans ces oasis de vie de nouvelles et souvent impressionnantes formes de vie, les seconds s’emploient à chercher des solutions susceptibles de leur assurer une protection effective37. Or les menaces les plus imminentes pèsent actuellement sur les monts sous-marins et les récifs coralliens profonds du fait d’une exploitation halieutique outrancière. La méthode de pêche généralement utilisée – le dragage (ou chalutage) de fond – est à l’origine d’énormes dégâts subis par ces écosystèmes fragiles. C’est pourquoi leur protection, par l’adoption au niveau international de mesures empêchant ce type d’activités destructrices est devenue une question de premier ordre au sein des grands forums internationaux, tant non gouvernementaux (WWF, UICN, Greenpeace) qu’intergouvernementaux (CDB, Nations unies)38.

  • 39  Le site des sources hydrothermales appelé Endeavour a été découvert dans la zone économique exclus (...)
  • 40  La résolution 46/215 de l’Assemblée générale des Nations unies fut adoptée en décembre 1991. (...)
  • 41  La possibilité du moratoire a été discutée au sein du Processus consultatif officieux ouvert à tou (...)
  • 42  Il existe toutefois des exemples positifs aux niveaux national et régional : Depuis 1999, la Norvè (...)

15Deux solutions principales, à savoir la désignation d’aires marines protégées et un moratoire sur le dragage de fond, sont actuellement discutées. La première a déjà été réalisée en pratique. A titre d’exemple, nous pouvons mentionner The Endeavour hydrothermal vents area désignée par le Canada en mars 2003.39 La désignation de ce type de zones – même si elle est souhaitable –  soulève de nombreux problèmes, tant sur le plan juridique (la plupart des écosystèmes profonds se trouvant en haute mer) que pratique. De plus, sa généralisation à l’ensemble des monts sous-marins et récifs coralliens profonds est difficilement imaginable. Un moratoire sur le dragage de fond paraît plus simple à mettre en œuvre sur le plan pratique et pourrait prendre la forme d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies selon le modèle du moratoire sur les grands filets maillants dérivants de 199140. Néanmoins, les responsables politiques ne semblent pas vouloir donner suite à cette solution, considérée par d’aucuns comme trop stricte et empiétant sur les droits des Etats en haute mer41. Sa concrétisation apparaît globalement hypothétique.42

  • 43  En 2001 elle présentait moins de 0.5% de la valeur de toutes les prises mondiales, onze Etats se p (...)

16Le moratoire sur le dragage de fond en haute mer est symptomatique des difficultés auxquelles se confronte tout effort visant à limiter les activités de l’homme en mer. Même si la pêche visant les écosystèmes profonds est économiquement marginale43, les Etats ne s’en montrent pas pour le moins réticents lorsqu’il s’agit de limiter leurs droits. La conservation de la biodiversité marine est avant tout une question de volonté politique. Face à la dégradation croissante des écosystèmes marins et au regard de leur importance vitale pour l’humanité, l’engagement de l’ensemble de la communauté internationale devrait être une nécessité.

Figure 1. Répartition des récifs de coraux froids, PNUE, 2004

Les ressources génétiques marines, objet d’exploitation44

  • 44  Pour des raisons de brièveté, nous nous focaliserons dans notre étude sur l’exploitation du matéri (...)
  • 45  Le débat relatif à l’A/PA stigmatise les espoirs de développement économique et d’innovation biote (...)

17Le processus d’exploitation des ressources génétiques marines (RGM) peut être disséqué en trois phases : la collecte d’échantillons en mer, leur valorisation en laboratoire et la commercialisation des produits ou procédés, pour la plupart brevetés, qui en découle. A chaque phase, des règles de droit différentes s’appliquent sans qu’aucune d’entre elles n’envisagent de façon globale le processus d’exploitation (1.). Ceci pose la question de la cohérence et de l’adaptabilité du droit aux évolutions scientifiques et commerciales récentes. Plus encore, même si la spécificité des RGM est indéniable (2.), celle-ci tend à être absorbée par le mécanisme central d’accès et de partage des avantages (A/PA)45. Cependant, ce mécanisme n’est applicable que pour les RGM issues des espaces sous souveraineté ou juridiction (3.). En haute mer et dans la Zone, toutes aussi riches en diversité génétique, l’accès aux ressources est libre. Le droit évolue ainsi à deux vitesses, ce qui rend l’appréhension globale de la diversité génétique complexe. Dès lors, l’établissement d’un régime juridique adapté apparaît indispensable et représente un véritable défi pour les juristes (4.).

Une parcellisation du droit

  • 46 Voir Noiville, 1996.
  • 47  A l’époque de la rédaction de la CMB, cette catégorie visait principalement les ressources halieut (...)
  • 48  La collecte de ressources génétiques s’apparente plus à la prémisse d’une recherche scientifique q (...)

18Il existe un compartimentage du droit relatif à l’exploitation des RGM, ce qui a amené Christine Noiville à parler « des régimes juridiques des RGM46». Dans la CMB, aucune référence aux ressources génétiques (RG) n’est faite, ancienneté de cette Convention oblige. Toutefois, on peut considérer que celles-ci entrent dans la catégorie plus vaste des ressources biologiques47. Ayant pour vocation d’encadrer les différents types d’activités menées en mer, ce texte envisage distinctement l’exploitation des ressources biologiques et la recherche scientifique marine. En ce qui concerne les RGM, la frontière entre ces deux types d’activités semble ténue48, ce qui révèle une nouvelle fois l’obsolescence de certaines dispositions de la CMB. Au demeurant, qu’il s’agisse d’une activité d’exploitation ou de recherche, la CMB se concentre sur un accès in situ aux ressources en fonction de l’espace marin dont elles dépendent.

  • 49  Ce que confirme la formule récurrente utilisée par la CDB : « chaque Partie contractante prend les (...)
  • 50  Voir art. 22 CDB.

19La CDB intègre les RGM dans la thématique plus vaste de la diversité génétique et aborde de manière élargie le processus d’exploitation des RG, envisageant leur accès (art. 15), l’accès à la technologie et son transfert (art. 16), la gestion de la biotechnologie et la répartition des avantages (art. 19). Il ne s’agit cependant que d’un accord-cadre qui laisse une grande latitude aux Etats Parties quant à la mise en œuvre de ces dispositions49. En outre, la CDB doit être appréciée à la lumière de ses relations avec d’autres conventions internationales et notamment l’Accord sur les Aspects de Propriété Intellectuelle relatif au Commerce (ADPIC)50.

  • 51  Selon son article 27. 1, « […] un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de (...)
  • 52  Voir Guilloux, Guyomard et Orabe, 2003.

20Cet accord, signé dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à l’issue de l’Uruguay Round de 1994, englobe les RG lorsque celles-ci sont le support d’une invention brevetable51. Bien que n’abordant pas la question de la commercialisation des produits ou procédés protégés, il institue un monopole d’exploitation d’une durée de 20 ans au bénéfice du détenteur du brevet d’invention. Plus encore, il n’exclut pas la possibilité que soit déposé un brevet sur des séquences d’ADN et des gènes isolés et purifiés, ce qui représente un véritable mouvement d’appropriation du vivant52.

Enjeux et particularisme des RGM

  • 53  Ces estimations valent principalement pour les recherches menées dans le domaine de la santé.
  • 54  Contrairement à l’acception purement scientifique de gène, le terme RG induit une forte connotatio (...)
  • 55  D’autres secteurs de l’industrie placent leurs espoirs ou utilisent déjà des biotechnologies marin (...)

21Les RGM se distinguent de leurs homologues terrestres car l’Océan constitue un réservoir tridimensionnel de formes, structures et organisations métaboliques résultant d’une complexification et d’une spécialisation au cours des temps géologiques dont l’Homme n’entrevoit encore qu’une part infime. Grâce au développement de la biologie moléculaire et de l’ingénierie génétique, ces ressources, prisées pour leurs fonctions qualitatives, sont devenues une matière première pour l’industrie. Les paramètres « potentialité » (1 échantillon sur 10 000 est viable), « accessibilité », « temps » (entre 5 et 19 ans pour aboutir à un produit commercialisable) et « coût » (de 100 à 300 millions de dollars53) contribuent à leur conférer une forte valeur ajoutée54, notamment lorsque l’enjeu de leur exploitation touche le domaine de la santé (pharmacie- médecine)55.

  • 56  Les éponges représentent à elles seules 30% des composés connus.
  • 57  Mac Laughlin, 2003.

22Environ 10 000 composés chimiques ont été dérivés d’organismes marins tels que des bactéries, des champignons, des microalgues, des coraux, des mollusques, des échinodermes ou des éponges56. La majorité des substances actives testées sont des toxines aux propriétés anticancéreuses, anti-inflammatoires, antifongiques ou bien encore antivirales. Si environ 300 brevets portant sur l’activité biologique de molécules marines dérivées ont été déposés entre 1969 et 1999, seules deux d’entre elles font aujourd’hui l’objet d’une application clinique57.

23Le potentiel des RGM dans un domaine crucial tel que celui de la santé rappelle la nécessité d’un encadrement juridique des RGM à la fois global et adapté aux différents domaines d’application possibles. Le tableau 1 énumère les étapes clés du processus d’exploitation des RGM ainsi que les principes et mesures à suivre afin d’aboutir à une véritable utilisation durable. La prise de conscience, tant sur le plan politique que juridique, de l’urgence de la conservation tarde à venir. Pour l’heure, l’accès à la ressource demeure la question primordiale. L’intérêt des chercheurs porte sur les zones sous souveraineté ou juridiction, plus riches en diversité biologique et surtout plus accessibles que les autres espaces marins. Il s’agit notamment des régions tropicales, principalement sous contrôle des PED. N’énonçant que des obligations dites « molles » (soft law), le droit international de l’environnement répond ainsi prioritairement à une question « d’arbitrage » entre compétences étatiques. Plus encore, il ne propose qu’un encadrement partiel de l’exploitation des RG, laissant à l’OMC le soin de régler les aspects purement commerciaux dont dépend fatalement la réalisation de l’objectif d’utilisation durable.

Tableau 1. Les étapes clés du processus d’exploitation des ressources génétiques marines

Tableau 1. Les étapes clés du processus d’exploitation des ressources génétiques marines

Un débat international centré sur l’Accès et le Partage des Avantages

  • 58  Voir art. 15, 16 et 19 CDB.

24Le principe d’A/PA tel qu’envisagé dans la CDB58 est un mécanisme complexe, reflet d’un fragile compromis entre PED, riches en biodiversité et pays industrialisés, riches en biotechnologies. Il révèle à lui seul les espoirs placés par la communauté internationale en l’exploitation des RG. L’A/PA est un concept international applicable à des situations où une entité (université, entreprise, laboratoire de recherche) d’un pays donné cherche à acquérir les ressources d’un autre.

  • 59  Selon l’article 15 (1) de la CDB, « étant donné que les Etats ont droit de souveraineté sur leurs (...)
  • 60  Voir art. 15 (5) CDB.
  • 61  Art. 15 (7) CDB.
  • 62  Ibid.
  • 63  Voir art. 16 (1) CDB ; « l’accès à la technologie protégée par des brevets et autres droits de pro (...)

25Dans les zones sous souveraineté ou juridiction, l’accès aux RG n’est pas libre59 mais soumis au « consentement préalable donné en connaissance de cause60» de l’Etat côtier à l’entité prospectrice. Cet accès est indissociable de l’objectif de partage des avantages qualifié de « juste et équitable » par la CDB61 car il ne se limite pas au paiement d’un simple droit d’accès. Il comprend le partage des « résultats de la recherche et de la mise en valeur [des RG] ainsi que des avantages résultant de l’utilisation commerciale (…)62 » ainsi que celui des charges liées à la conservation de la biodiversité. En outre un transfert de technologies, y compris celles des biotechnologies, doit être organisé63. Le PA a donc vocation à répondre à des exigences autant sociales qu’environnementales et sait gré à la revendication des PED de faire de l’exploitation des RG un axe de développement.

  • 64  Art. 15 (4) CDB.
  • 65  La bioprospection s’entend comme « la récolte et le criblage des ressources biogénétiques dans un (...)
  • 66  A ce sujet, voir Morin, 2003.

26En matière d’A/PA, il existe peu de place pour un véritable cadre supranational. Si un partage « juste et équitable » est prescrit par la CDB, celui-ci dépend de « conditions convenues d’un commun accord64 » prenant souvent la forme de contrats de bioprospection65 librement négociés et répondant aux règles de l’échange marchand. Pour l’heure, ce type d’instrument peine encore à intégrer la nécessité de conservation et n’assure pas un accès effectif aux technologies et aux savoirs. L’absence de réelle dynamique contractuelle est accentuée par le fait que la fourniture en RGM ne nécessite souvent que peu de campagnes de prélèvements sur le même site66.

  • 67  Lignes directrices de Bonn sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable (...)
  • 68  L’adoption à l’unanimité des LDB par 186 Etats Parties leurs confère cependant une légitimité indé (...)
  • 69  Voir § 16 d LDB pour toutes les mesures d’incitation proposées.
  • 70  Tels que l’Afrique du Sud, la Bolivie, le Brésil, la Chine ou bien encore la Malaisie.
  • 71  Cependant, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle travaille conjointement avec le (...)

27Durant les 10 premières années d’existence de la CDB, la mise en œuvre de l’objectif d’A/PA a tout particulièrement été axée sur des mécanismes commerciaux classiques via des contrats de bioprospection. Les lignes directrices de Bonn (LDB)67 adoptent une approche différente : il s’agit de propositions générales pouvant être utilisées par des particuliers ou des Etats sur une base volontaire68. Les LDB insistent sur les mesures de transparence que doivent prendre les Etats ayant sous leur juridiction des utilisateurs de RG. La mesure la plus discutée à l’heure actuelle concerne la divulgation de l’origine géographique des RG dans les demandes de brevets69. Certains Etats fournisseurs de RG dits « mégadivers70 » ont déjà transposé cette règle en droit interne, prenant le contre-pied de l’antagonisme affiché entre protection de l’environnement et protection des inventions. Les droits de propriété intellectuelle apparaissent ainsi comme un instrument potentiel de réalisation de l’objectif d’A/PA. La 7ème Conférence des Parties à la CDB s’est réunie à Djakarta en février 2004 sans qu’il n’ y ait eu de réel avancement sur cette question. Pour la résoudre, un remaniement de l’Accord ADPIC, auquel les Etats-Unis sont pour l’heure opposés71, serait souhaitable. De même, la création d’un régime juridique sui generis pour les RGM, plus apte à répondre aux objectifs prescrits dans la CDB, pourrait être envisagé.

Un nouveau défi : l’établissement d’un régime juridique adapté aux RGM des fonds marins

  • 72  A la lecture des articles 133 (emploi des termes) et 136 (Patrimoine commun de l’humanité), seules (...)
  • 73  Voir UNEP/CBD/SBSTTA/8/9/Add.3/Rev.1, 20 février 2003, point 5.2 : Conservation et utilisation des (...)
  • 74  C’est le cas notamment des bactéries thermophiles et hyperthermophiles des sources hydrothermales (...)
  • 75  Pour plus d’informations à ce sujet, voir Beurier, 2004.

28En vertu de la CMB, les ressources biologiques situées au-delà des limites des juridictions nationales sont toujours libres d’accès72 et ce, sans que la communauté internationale ne s’en soucie réellement. Afin d’adapter le droit aux avancées récentes de la recherche, l’Autorité internationale des fonds marins (système CMB) et l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (système CDB) travaillent conjointement à l’élaboration de règles d’exploitation propres à enrayer le phénomène d’appropriation privative et à préserver au mieux les écosystèmes profonds73. L’enjeu est d’importance car nombre d’organismes des fonds marins sont convoités par les scientifiques et les industriels pour leur potentiel génétique74. La réponse du droit aux pratiques scientifiques et commerciales tarde à venir même si les solutions sont nombreuses : redéfinition du régime des ressources génétiques, rénovation des règles relatives à la recherche scientifique marine, élargissement de la compétence de l’Autorité, voire reproduction du modèle A/PA tel que prévu dans les eaux sous souveraineté ou juridiction. Ces solutions impliquent, sinon de nouvelles négociations entre Etats en vue d’un nouvel accord sur les ressources génétiques des fond marins, tout du moins une révision de la CMB. La tâche n’est pas aisée car nombre de textes de droit international mettent énormément de temps à voir le jour et plus encore à recevoir une application effective en droit interne75.

Nous tenons à remercier vivement Monsieur Mark Pitard, doctorant au CDMO, pour sa collaboration active à la rédaction de cet article.  Nous désirons aussi remercier, pour leurs commentaires, les réviseurs scientifiques de cet article.

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Bibliography

Beurier, J.-P., 2004, La protection juridique de la biodiversité marine, www.droit.univ-nantes.fr/labos/CDMO/nept/nep29_3.pdf

Dutfield, G., 2000, Bioprospection ou biopiratage ?, Revue Biofutur, 204,;www.biofutur.com/issues/204/environnement.html

Guilloux B., A.-I. Guyomard, D. Orabe (D.), 2003, L’exploitation de la biodiversité marine et le droit, www.droit.univ-nantes.fr/labos/cdmo/nept/nep27_1.pdf

Gupta A., 2004, WIPO-UNEP Study on the Role of Intellectual Property rights in Sharing of Benefits arising from the Use of Biological Resources and Associated Traditional Knowledge - Study n°4, publication de l’OMPI 69, 326 p

Mac Laughlin, R., 2003, Foreign Access to Shared Marine Genetic Materials:Management Options for a Quasi-Fugacious Resource, Ocean Development and International Law, n°34, pp. 297- 348

Morin, J.- F, 2004, Les accords de bioprospection favorisent-ils la conservation des ressources génétiques ?, Revue de droit de l’Université de Sherbrooke, 34, 1, pp. 307- 343

Myers, R.A., B. Worm, 2003, Rapid worldwide depletion of predatory fish communities, Nature, 423,  pp. 280-283

Noiville, C., 1996, Les régimes juridiques des ressources génétiques marines : contribution à la notion d’intégration des objectifs écologiques aux objectifs économiques, thèse droit, Université de Bourgogne

Passet, R., 1996, L’économique et le vivant, 2ème édition, éditions Economica, p. 4

Quérellou, J., K. Alain et M.A. Cambon-Bonavita, 2001, Thermophiles from Deap-Sea Hydrothermal Vents, Vie Milieu, n°51(4), 2001, pp. 161-172

Watson, J. et A. Berry, 2003, ADN, le secret de la vie, collection Sciences, éd. Odile Jacob,  p. 19 à 127.Image3

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Notes

1  The Royal Society: Mesuring biodiversity for conservation, Policy document 11/03, August 2003, p.6.

2  A cet égard, notons que le nombre d´espèces constitue le critère typique pour évaluer la diversité de la vie dans un espace donné.

3  La découverte et l´exploration des « oasis » des grandes profondeurs – sources hydrothermales, monts sous-marins et récifs coralliens profonds – sont probablement l´exemple le plus connu de progrès scientifique en ce domaine.

4  La découverte de la structure à double hélice de l’ADN en 1953 par F. Crick, M. Wilkins et J. Watson marque le début de cette ère consacrée au vivant. Voir Watson et Berry, 2003.

5  Sur les 35 phylums fondamentaux de la vie, 22 existent dans le milieu marin pour seulement 17 sur Terre. Si l’on ne considère que les algues et les invertébrés, plus de 200 000 espèces ont déjà été décrites, illustrant l’immensité de la diversité génétique marine.

6  Voir, www.panda.org/news_facts/publications/general/livingplanet/index.cfm.

7  Selon certains scientifiques, jusqu´à 90% des poissons grands prédateurs ont disparu des Océans atlantique, pacifique et indien depuis le début de la pêche industrielle. Voir Myers et Worm, 2003.

8  Le besoin de combler les lacunes énormes de nos connaissances sur la vie dans les océans est à l’origine du Recensement de la vie marine (en anglais Census of marine life, COML), programme ambitieux de recherche scientifique ; pour plus d’informations, voir www.coml.org.

9  L’article 1 (objectifs) précise ainsi que « les objectifs de la présente Convention […] sont la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques… » ; Pour l’intégralité du texte, voir www.biodiv.org.

10  La diversité biologique est définie par la CDB comme la «variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes» (Art. 2, § 1CDB).

11  Toutefois, certains Etats sont à a la fois développés et riches en biodiversité. C’est notamment le cas du Canada, de l’Australie et des pays scandinaves.

12  Protection de populations, espèces ou écosystèmes particuliers.

13  La ressource génétique s’entend de tout « matériel ayant une valeur effective ou potentielle » (art. 2 CDB).

14  Souveraineté sur les ressources naturelles, maintien et développement des activités d’exploitation de l’Océan.

15  La Convention des Nations unies sur le droit de la mer, adoptée en 1982 à Montego Bay (Jamaïque), est entrée en vigueur en 1994. Ce texte peut être considéré comme la clé de voûte du droit de la mer. 142 Etats en sont Parties.

16  La CMB reconnaît sept zones de base : les eaux intérieures, la mer territoriale, la zone contiguë, la zone économique exclusive, le plateau continental, la haute mer et la Zone internationale des fonds marins. Des régimes spéciaux s’appliquent pour les eaux archipélagiques et les détroits internationaux.

17  Par « droit mou », ou soft-law en anglais, on considère l’ensemble des instruments qui n’engagent pas les Etats directement : déclarations, lignes directrices, codes de conduite etc. Les documents de droit mou, importants instruments d’interprétation, constituent des indicateurs des évolutions futures de la matière juridique.

18  Voir l’Agenda 21, programme d’action adopté à Rio de Janeiro en 1992 (notamment son Chapitre 17, intitulé « Protection des océans et de toutes les mers – y compris les mers fermées et semi-fermées – et des zones côtières et protection, utilisation rationnelle et mise en valeur de leurs ressources biologiques ») et le Plan d’application issu du Sommet de Johannesburg de 2002 (ce dernier traite les océans sous l’angle de leur mise en valeur durable dans ses paragraphes 30 et suivants).

19  Si les négociations ont commencé en 1973, la convention n’est entrée en vigueur qu’en 1994.

20  Toute une partie de la CMB est consacrée à la « Protection et préservation du milieu marin » (Partie XII, art. 192 et suiv.). Quant aux ressources biologiques, la CMB s’y réfère dans les parties concernant la zone économique exclusive (Partie V, art. 61 et suiv.) et la haute mer (Partie VII, Section 2, art. 116 et suiv., « Conservation et gestion des ressources biologiques de la haute mer »).

21  Instituée par la Partie XI de la CMB, cette organisation internationale à compétence limitée a pour principale mission de gérer l’exploration et l’exploitation des ressources minérales de la zone internationale des fonds marins située au-delà des limites de la juridiction nationale.

22  L’article 145 de la CMB fait à cet égard expressément référence à la prévention «des dommages à la flore et à la faune marines».

23  L’importance de la CMB est confirmée par la CDB elle-même qui dispose dans son article 22 al. 2 que les Parties contractantes « appliquent la présente Convention, en ce qui concerne le milieu marin, conformément aux droits et obligations des Etats découlant du droit de la mer». Cette formule est d’ailleurs utilisée par la plupart des instruments juridiques dans le domaine de protection des mers et de ses ressources.

24  La CDB fut signée lors de la conférence de Rio de Janeiro en 1992 ; 188 Etats en sont actuellement Parties.

25  On citera ici le travail d’importance considérable mené par le Subsidiary Body on Scientific, Technical and Technological Advice (SBSTTA), organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques à la conférence des Parties (créé en vertu de l’article 25 de la CDB).

26  Dernièrement, le Programme de travail sur la diversité biologique marine et côtière a été révisé lors de la septième Conférence des Parties tenue à Kuala Lumpur en février 2004. Voir la Décision VII/5 sur www.biodiv.org/decisions/default.aspx?m=COP-07&id=7742&lg=2.

27  Ou un groupe d’espèces, tellela Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage adoptée à Bonn en 1979. Pour plus d’informations, voir www.cms.int.

28  Par exemple, la Convention relative aux zones humides d’importance internationale adoptée à Ramsar en 1975. Pour plus d’informations, voir www.ramsar.org.

29  A titre d’illustration, on citera la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Convention CITES) adoptée à Washington en 1973 ; voir www.cites.org.

30  Selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus de 70% des espèces de poissons du monde sont pleinement exploitées ou épuisées et la pêche illicite, non déclarée et non réglementée ne cesse d’augmenter.

31  On recense aujourd’hui plus de quarante organisations régionales de pêche.

32  Un autre groupe d’instruments juridiques relatif à la conservation de la biodiversité marine est représenté par les instruments relatifs à la qualité du milieu marin. A titre d’exemple on citera la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, dite MARPOL (Londres, 1973/1978) et la Convention internationale pour le contrôle et la gestion de l’eau et des sédiments de ballast des navires (Londres, février 2004), toutes deux adoptées dans le cadre de l´Organisation maritime internationale ; voir www.imo.org.

33  Au niveau juridique ce vœu fut exaucé pour la première fois dans la Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique adoptée à Canberra en 1980.

34  Voir par exemple la Décision VII/5de la septième conférence des Parties à la CDB, partie II du Programme de travail sur la diversité biologique marine et côtière qui cite l’approche écosystémique au premier rang des principes de base nécessaires à sa mise en œuvre.

35  La FAO joue en la matière un rôle primordial. On citera ici le Code de conduite pour une pêche responsable de 1995 ainsi que l’accord concernant la pêche en haute mer de 1993 (Accord visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion).

36  Résolution 58/240 sur les océans et le droit de la mer (document A/RES/58/240).

37  La plupart de ces écosystèmes se situant dans les zones au-delà de la juridiction nationale, il est appliqué aux ressources vivantes les composant le régime de la haute mer.

38  L’Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 58/240 sur les océans et le droit de la mer  (document A/RES/58/240) « réitère son appel à un examen d’urgence de moyens d’intégrer et d’améliorer, sur une base scientifique, la gestion de risques pesant sur la diversité biologique des montagnes sous-marines, des récifs de corail des eaux froides et de certains autres caractéristiques sous-marines ». Un appel à une action rapide pour la protection des écosystèmes marins au-delà de la juridiction nationale a été exprimé également par les Etats à la septième conférence de la CDB dans la Décision VII/5 (§ 56 et suiv.).

39  Le site des sources hydrothermales appelé Endeavour a été découvert dans la zone économique exclusive canadienne en 1982 (250 kilomètres au sud-ouest de l’île Vancouver, dans la profondeur de 2 250 mètres). En 1998, le site a été désigné comme  « l’aire marine protégée candidate » et est devenu la première aire marine protégée de ce type (c’est-à-dire protégeant une source hydrothermale profonde) au monde. En mars 2003, le site a été désigné comme la première aire marine protégée officielle en vertu de la loi canadienne sur les océans (Oceans Act).

40  La résolution 46/215 de l’Assemblée générale des Nations unies fut adoptée en décembre 1991.

41  La possibilité du moratoire a été discutée au sein du Processus consultatif officieux ouvert à tous sur les affaires maritimes en juin 2004.

42  Il existe toutefois des exemples positifs aux niveaux national et régional : Depuis 1999, la Norvège interdit le chalutage sur le récif corallien profond de Sula situé dans sa zone économique exclusive. L’Union Européenne a fait de même en 2004 pour protéger les Darwin Mounds, paysage sous-marin se trouvant dans la zone économique exclusive du Royaume-Uni à une profondeur de 1000 mètres, et constitué de petits monts sous-marins habités par des colonies de Lophelia pertusa (corail d’eau froide) et de nombreuses espèces associées. « Last but not least », la Commission des pêches de l’Atlantique Nord-Est a adoptée en novembre 2004 la fermeture temporaire de la pêche dans cinq sites abritant des écosystèmes profonds (monts sous-marins et récifs coralliens profonds). Cette dernière illustration est d’autant plus intéressante que ces sites se trouvent en haute mer, zone où pour la première fois des écosystèmes profonds sont ainsi protégés.

43  En 2001 elle présentait moins de 0.5% de la valeur de toutes les prises mondiales, onze Etats se partageant 95% de la production. Voir Gianni (M.) : High Seas Bottom Fisheries and their Impact on the Biodiversity of Vulnerable Deep-Sea Ecosystems : Summary Findings, rapport préparé par l’UICN et le WWF ; www.iucn.org/themes/marine/pdf/MattGianni-CBDCOP7-Impact-HS-BottomFisheries-Complete.pdf.

44  Pour des raisons de brièveté, nous nous focaliserons dans notre étude sur l’exploitation du matériel génétique servant de support à un produit ou un procédé breveté et commercialisable. Notons toutefois que l’idée d’exploitation implique que la ressource génétique soit considérée comme non renouvelable, ce qui prête à débat. C’est pourquoi la CDB lui préfère l’expression d’utilisation commerciale qui induit l’idée d’un maintien de la ressource malgré le prélèvement.

45  Le débat relatif à l’A/PA stigmatise les espoirs de développement économique et d’innovation biotechnologique portés par les PED, d’un côté, et les pays industrialisés, de l’autre.

46 Voir Noiville, 1996.

47  A l’époque de la rédaction de la CMB, cette catégorie visait principalement les ressources halieutiques.

48  La collecte de ressources génétiques s’apparente plus à la prémisse d’une recherche scientifique qu’à une exploitation sans peu de transformation comme c’est le cas pour les ressources halieutiques. Pourtant, il s’agit d’une activité à vocation économique, ce qui semble être le critère pour qualifier l’exploitation dans la CMB. Voir Guilloux (B.) : Le régime de droit international public de la recherche scientifique marine : dualité juridique et pratique, Annuaire de Droit Maritime et Océanique 2005, éditions Pédone.

49  Ce que confirme la formule récurrente utilisée par la CDB : « chaque Partie contractante prend les mesures législatives, administratives ou de politique générale » (art. 15 (7), 16 (3) et (4)).

50  Voir art. 22 CDB.

51  Selon son article 27. 1, « […] un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle ».

52  Voir Guilloux, Guyomard et Orabe, 2003.

53  Ces estimations valent principalement pour les recherches menées dans le domaine de la santé.

54  Contrairement à l’acception purement scientifique de gène, le terme RG induit une forte connotation économique. Le gène, en tant qu’élément constitutif du vivant est assimilé à un bien au sens économique, c'est-à-dire un bien produit par du travail humain et/ou dont la rareté lui confère une valeur d’échange.

55  D’autres secteurs de l’industrie placent leurs espoirs ou utilisent déjà des biotechnologies marines : l’industrie nautique (antifouling), la mariculture (organismes génétiquement modifiés), l’alimentation (additifs) etc.

56  Les éponges représentent à elles seules 30% des composés connus.

57  Mac Laughlin, 2003.

58  Voir art. 15, 16 et 19 CDB.

59  Selon l’article 15 (1) de la CDB, « étant donné que les Etats ont droit de souveraineté sur leurs ressources naturelles, le pouvoir de déterminer l’accès aux ressources génétiques appartient aux gouvernements et est régi par la législation nationale ».

60  Voir art. 15 (5) CDB.

61  Art. 15 (7) CDB.

62  Ibid.

63  Voir art. 16 (1) CDB ; « l’accès à la technologie protégée par des brevets et autres droits de propriété intellectuelle » est également visé par l’article 16 (3) de la Convention.

64  Art. 15 (4) CDB.

65  La bioprospection s’entend comme « la récolte et le criblage des ressources biogénétiques dans un but commercial » : Dutfield, 2000.

66  A ce sujet, voir Morin, 2003.

67  Lignes directrices de Bonn sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, décision VI/24 de la conférence des Parties à la CDB, avril 2002.

68  L’adoption à l’unanimité des LDB par 186 Etats Parties leurs confère cependant une légitimité indéniable.

69  Voir § 16 d LDB pour toutes les mesures d’incitation proposées.

70  Tels que l’Afrique du Sud, la Bolivie, le Brésil, la Chine ou bien encore la Malaisie.

71  Cependant, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle travaille conjointement avec le Plan des Nations Unies pour l’Environnement sur cette problématique. Voir Gupta, 2004.

72  A la lecture des articles 133 (emploi des termes) et 136 (Patrimoine commun de l’humanité), seules les ressources minérales du sol et du sous- sol de la Zone sont patrimoine commun de l’humanité et sont soumises au contrôle de l’Autorité internationale des fonds marins. Les ressources biologiques de la colonne d’eau (haute mer) ainsi que celles des fonds marins ne bénéficient pas de ce régime juridique.

73  Voir UNEP/CBD/SBSTTA/8/9/Add.3/Rev.1, 20 février 2003, point 5.2 : Conservation et utilisation des ressources génétiques des grands fonds marins ne relevant d’aucune juridiction nationale : étude des liens entre la CDB et la CMB.

74  C’est le cas notamment des bactéries thermophiles et hyperthermophiles des sources hydrothermales dont certaines sont déjà utilisées en biotechnologie pour leur grande adaptabilité aussi bien aux variations de température que de pression ; voir Quérellou, Alain et Cambon-Bonavita, 2001.

75  Pour plus d’informations à ce sujet, voir Beurier, 2004.

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Title Tableau 1. Les étapes clés du processus d’exploitation des ressources génétiques marines
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References

Electronic reference

Bleuenn Guilloux and Karolina Zakovska, « Développements récents du droit international relatif a la biodiversité marine Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 5 Numéro 3 | décembre 2004, Online since 01 December 2004, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/3240 ; DOI : 10.4000/vertigo.3240

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Bleuenn Guilloux

Centre de Droit Maritime et Océanique (CDMO), Faculté de droit et des sciences politiques de Nantes, Chemin de la Censive du Tertre, BP 81307, 44313 Nantes cedex 3, France, Téléphone : (+0033) 02.40.14.15.34, bleuenn_guilloux@hotmail.com

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