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Section courante

Parasitoses intestinales dans la zone du complexe hydroagricole du Sourou au Burkina Faso

Intestinal parasite infections in the Sourou hydroagricultural system zone of Burkina Faso
D. Dianou, Jean-Noël Poda, L.G. Savadogo, H. Sorgho, S.P. Wango and B. Sondo

Abstracts

In the Sourou valley, parasitological surveys on the prevalence of intestinal parasite infections were carried out between 2000 and 2002 in the traditional villages of Wèrè, Toma-île, Yayo, Touroukoro, Di located on the lake and on the waterlogged zones, and Oué, Sono located at about 10 kilometers from the lake. The parasitological surveys were also carried out in the constructed sites of Débé, Guiédougou and Niassan. In order to determine the prevalence and the intensity of intestinal parasite infections in the studied sites, stools of 1142 children of 0 to 16 years old were examined.

Globally the results showed overall prevalence of 46.5% for intestinal parasite infections with 20.9% for Schistosoma mansoni, 10.6% for Entamoeba hystolytica (amibe kystes), 10.2% for Hymenolepis nana (tape worm), 1.6% for Necator americanus (hookworm), 1.1% for Giardia intestinalis (kystes) and Strongyloïdes stercolaris. Other intestinal parasites were also present however, at low prevalence level (Ascaris lumbricoïdes, Trichuris trichiura). The results especially pointed out a high difference in prevalence rate related to the studied site location. The villages located in the waterlogged zones and especially on the lack showed the highest prevalence rates for overall intestinal parasite infections (77.1%, 60.2%, 50.0%, 48.4%, and 45.7%) and for Schistosoma mansoni (53.7%, 54.1%, 43.3%, 22.1%, and 22.5%) in Toma-île, Wèrè, Touroukoro, Yayo, and Di, respectively, compared to the ones located at 10 kilometers from the lake (0% in Oué and Sono for Schistosoma mansoni).

Findings suggest that implementation of a program to reduce and control the intestinal parasite infections is needed in the hydroagricultural zone of Sourou.

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Full text

Introduction

1Au Burkina Faso à l’image des pays sahéliens, les aménagements hydroagricoles constituent une alternative pour résoudre le problème de la sécurité alimentaire liée à une pluviométrie déficitaire chronique. En 1990, le Ministère de l’environnement et de l’eau  mentionnait 1078 barrages de toutes catégories. Ces aménagements hydrauliques, du fait des changements démographiques et ambiants qu’ils occasionnent sont des zones à haut risque sur le plan sanitaire (Urbani et al., 1997 ; Mouchet et Carnevale, 1997 ; Doumengue, 1992). Les hectares de terrain humide et les canaux d’irrigation constituent entre autres un habitat idéal pour les hôtes intermédiaires des maladies infectieuses et parasitaires en particulier. En outre, ces aménagements attirent de nombreuses populations susceptibles de provenir de régions à haute prévalence d’infections parasitaires.

2Les parasitoses intestinales bien qu’elles suscitent de nos jours peu d’intérêt à côté des maladies comme le sida et autre pneumonie atypique constituent en milieu tropical un problème de santé publique en raison essentiellement de conditions climatiques favorables, de l’absence ou l’insuffisance de mesures d’hygiène et d’assainissement et enfin de la pauvreté. Plus de 2000 millions de personnes sont touchées dans le monde par les parasitoses et en milieu tropical ces infections représentent près de 40% de l’ensemble des maladies tropicales autres que le paludisme. Elles sont particulièrement sévères chez l’enfant chez qui elles peuvent engendrer malnutrition, anémie, baisse de résistance aux infections, voire une augmentation de la mortalité.

3Le complexe hydroagricole du Sourou, du fait qu’il comporte des zones aménagées depuis 1967, des aménagements récents, des villages traditionnels plus ou moins concernés par les aménagements offre un cadre idéal pour l’étude du profil parasitologique des populations en rapport avec les hydroaménagements. Des études plus ou moins récentes ont porté surtout sur le profil parasitologique de la schistosomose urinaire dans cette zone (Sellin et al., 1980; Kaboré, 1998; Poda et al., 2001).

4La présente étude a pour but de déterminer la prévalence des parasitoses intestinales chez les enfants et de comparer la prévalence entre différents sites dans l’ensemble du complexe hydroagricole du Sourou. Elle vise à fournir aux décideurs des informations précises sur l’intensité de l’endémie parasitaire et à susciter la mise en oeuvre d’un programme de lutte et de contrôle dans cette zone.

Matériel et méthodes

Description de la zone d’étude

5La zone d’étude est celle décrite par Roman (1972) et par Poda et al. (2001). La construction du barrage de Léri à l’embouchure du Sourou en 1976 et l’aménagement d’un radier et d’un canal sur le fleuve Mouhoun en 1985 ont permis de mobiliser une grande quantité d’eau le long du Sourou pour les cultures irriguées. Ainsi, à côté des villages traditionnels, de grandes coopératives agricoles se sont progressivement mises en place (Guiédougou en 1967, Niassan en 1986, Débé en 1996). Les enquêtes parasitologiques ont concerné (Fig. 1) des villages traditionnels situés sur le cours d’eau (Toma île, Touroukoro, Wérè, Yayo), au bord du lac (Di), à une dixaine de kilomètres (Oué et Sono) et des sites aménagés (Débé, Guiédougou et Niassan). Selon les données de l’Institut Nationale des Statistiques et de la Démographie (INSD, 2000), cette zone compte une population d’environ 22714 sujets dont 11121 enfants de 0-16 ans (Tableau 1).

Figure 1. Localisation des villages traditionnels échantillonnés

Tableau 1. Données générales sur les populations des sites du complexe hydroagricole du Sourou au Burkina Faso (Source : INSD, 2000).

Tableau 1. Données générales sur les populations des sites du complexe hydroagricole du Sourou au Burkina Faso (Source : INSD, 2000).

Les enquêtes parasitologiques

6Elles ont été conduites entre Mai-Juillet et Septembre-Novembre dans les villages de : Yayo, Wèrè, Sono et Oué en 2000, Toma-île en 2000 et 2001, Débé en 2001, Di en 2001 et 2002,  Guiédougou et Niassan en 2002. L’équipe ayant conduit les enquêtes était composée de médecin épidémiologiste, de biologistes et de techniciens de laboratoire. Les enquêtes ont concerné au total 1847 enfants. L’analyse s’est portée sur 1142 sujets âgés de 0 à 16 ans ayant rapporté à la fois un échantillon de selle et d’urine. Cet effectif comprenait 186 (16,3%), 633 (55,4%) et 323 (28,3%) enfants d’âge compris respectivement entre 0-5, 6-10, et 11-16 ans. On dénombrait 617 garçons (54%) et 525 filles (46%).

7Les échantillons de selles ont été analysés pour la présence de parasites intestinaux par la technique de Kato-Katz et par la concentration au Methiolate-Iodure-Formol (MIF). Parallèlement, nous avons examiné les urines des mêmes enfants pour la présence de Shistosoma haematobium. Pour S. haematobium dans les urines, l’examen a consisté à la recherche d’hématurie microscopique à l’aide de bandelettes réactives Hemastix® de Bayer.

Échantillonnage

8Il s’agit d’une enquête transversale descriptive dans dix villages de la zone hydroagricole du Sourou choisis de façon raisonnée compte tenu de leur situation géographique et de l’activité dominante des populations : pêche pour les villages insulaires de Toma-île, Touroukoro,  Wèrè et Yayo, pêche et cultures traditionnelles pour le village de Di (au bord du lac), cultures irriguées pour les villages de Guiédougou Niassan et Débé (hydroaménagements), cultures traditionnelles pour les villages de Oué (rive gauche) et Sono (rive droite).

9Dans les villages insulaires sans écoles, l’enquête a eu lieu chez le délégué du village et a concerné l’ensemble des enfants présents et consentants. Dans les autres villages, l’enquête a eu lieu à l’école et a concerné un échantillon d’enfants tiré de façon aléatoire à partir des enfants présents et consentants. Les autorités administratives, éducatives et sanitaires ont été associées à l’enquête. Des réunions d’information ont permis d’obtenir  au préalable le consentement des populations.

10Les prévalences présentées ici sont donc celles de l’échantillon obtenu par consentement, cependant ces données permettent d’approcher l’importance du problème dans les milieux étudiés.

11A la fin des examens de selles et d’urines, tous les enfants et la population des villages enquêtés s’étant présentés à l’équipe, ont été traités à la dose de 40 mg/kg poids de praziquantel pour la bilharziose et à la dose unique de 500 mg de mébendazole pour les autres helminthiases digestives. Une trousse médicale d'urgence était disponible pour la pathologie courante rencontrée durant toute la période de l’enquête.

Analyse statistique

12La saisie et le traitement des données ont été réalisés à l’aide des logiciels Epi-info et SPSS. Le test du Chi 2 a été appliqué pour tester les différences de proportions entre groupes. Le test t pour échantillons indépendants a été utilisé pour la comparaison des moyennes. L’association entre parasitoses intestinales et les différentes variables indépendantes (âge, sexe, localité) a été mesurée en analyse univariée. Des analyses stratifiées ont été réalisées, puis des régressions de type logistique ont été réalisées. Les Odds ratios et leur intervalle de confiance ont été dérivés du modèle final sans interactions. Les valeurs de p utilisées pour les variables du modèle final sont celles correspondant au Chi2 de Wald.

Résultats

13Des résultats obtenus, il ressort que sur les 1142 enfants examinés, 531 (46,5%) étaient porteurs au minimum d’un parasite intestinal (Tableau 2). Les parasites intestinaux les plus fréquemment rencontrés étaient Schistosoma mansoni (20,9%), Entamoeba hystolytica (10,6%) et Hymenolepis nana (10,2%).  Necator americanus était présent dans 1,6% des échantillons, Giardia intestinalis et Strongyloides stercolaris dans 1,1%, Trichuris trichiura dans 0,9% et Ascaris lumbricoides dans 0,2%.

Tableau 2. Taux de prévalence générale des parasites intestinaux relevés sur un effectif total de 1142 enfants lors d’enquêtes parasitologiques réalisées au Sourou dans les villages de : Wèrè, Yayo, Touroukoro et Sono en 2000, Toma-Île en 2000 et 2001, Débé en 2001, Di en 2001 et 2002, Niassan et Guiédougou en 2002.

Tableau 2. Taux de prévalence générale des parasites intestinaux relevés sur un effectif total de 1142 enfants lors d’enquêtes parasitologiques réalisées au Sourou dans les villages de : Wèrè, Yayo, Touroukoro et Sono en 2000, Toma-Île en 2000 et 2001, Débé en 2001, Di en 2001 et 2002, Niassan et Guiédougou en 2002.

Différence statistique entre localité : significative à p<10-3 (***), non significative à p> 0,05 (ns),  a ET = Ecart Type à l’âge moyen

14Les prévalences observées (Tableau 2) ont surtout mis en évidence une disparité en fonction du site (p<0,001). Les villages situés dans la zone inondable ou en bordure et plus spécifiquement ceux situés sur le cours d’eau ont montré de fortes prévalences pour la présence d’au moins un parasite intestinal (77,1%, 60,2%, 50%, 48,4%, et 45,7%) et pour Schistosoma mansoni (53,7%, 54,1%, 43,3%, 22,1%, et 22,5%) respectivement à Toma-île, Wèrè, Touroukoro,  Yayo et Di comparativement à ceux situés à une dizaine de kilomètres du lac et aux sites aménagés de Guiédougou et Niassan (0% à Oué et Sono, 1,1% à Guiédougou et 8,1% à Niassan pour Schistosoma mansoni). Cette disparité entre localité pour les parasitoses intestinales est également observée pour S. haematobium (p<0,001).

15Le site de Débé (hydroaménagement le plus récent) présente la troisième prévalence la plus élevée (58,5%) quant à la présence d’au moins un parasite intestinal et les plus fortes prévalences pour Entamoeba hystolytica (27,7%), Hymenolepis nana (20%) et Giardia intestinalis (7,7%). En outre, ce site présente avec les sites amenagés de Niassan et Guiédougou les prévalences les plus fortes (3,1%, 4,4% et 2,7%) pour Necator americanus. Par contre, les prévalences de S. mansoni (0%) et de S. haematobium (20%) enregistrées à Débé sont faibles par rapport à celles des sites insulaires ou situés au bord du lac (Tableau 2).   

16Les prévalences de S. haematobium (40,7%) et de S. mansoni (22,1%) à Yahoo sont faibles comparativement à celles de Touroukoro (88,6% et 43,3%), Wérè (75% et 54,1%) et Toma-île (52,7% et 53,7%) également situés dans la zone inondable (Figure 1).

17Le Tableau 3 donne les prévalences des parasitoses intestinales (et de S. haematobium) suivant le sexe et la classe d’âge. Globalement les prévalences des parasitoses intestinales sont de 34,5% chez les garçons contre 31,2% chez les filles (49,3% chez les garçons contre 48,1% chez les filles pour S. haematobium).

Tableau 3. Taux de prévalence (%) des parasites selon le sexe et la classe d’âge sur un effectif total de 1 142 enfants lors d’enquêtes menées entre 2000 et 2002 au Sourou dans les villages de Toma-Île, Touroukoro, Wèrè, Yayo,  Di, Sono, Oué, Débé, Niassan et Guiédougou.

Tableau 3. Taux de prévalence (%) des parasites selon le sexe et la classe d’âge sur un effectif total de 1 142 enfants lors d’enquêtes menées entre 2000 et 2002 au Sourou dans les villages de Toma-Île, Touroukoro, Wèrè, Yayo,  Di, Sono, Oué, Débé, Niassan et Guiédougou.

Différence statistique entre sexe et entre tranche d’âge: significative à p<10-3 (***), significative à p<10-2 (**), significative à p<0,05(*), non significative à p>0,05 (ns).

18Pour les différents parasites intestinaux prix isolément, les résultats indiquent des prévalences de 17,8%, 11,8%, 10,5%, 1,3%, 1,1%, 0,8% et 0,0% respectivement pour S. mansoni, Entamoeba hystolytica, Hymenolepis nana, Giardia intestinalis, Strongyloides stercolaris, Necator americanus et Trichuris trichuira, et Ascaris lumbricoides chez lez garçons contre 24,6%, 9,9%, 9,1%, 0,8%, 1,0%, 2,5%, 1,0%, et 0,4% respectivement pour les mêmes parasites chez les filles. Sur un plan d’ensemble, tout comme pour chaque parasite pris isolément, la différence observée entre fille et garçon n’est pas significative (p>0,05) sauf pour S. mansoni (p<0,01) et Necator americanus (p<0,05). Dans ces deux cas, les filles semblent plus exposées à l’infestation parasitaire que les garçons.

19Pour tous les parasites intestinaux étudiés, la différence observée entre les classes d’âge est non significative (p>0,05) sauf pour S. mansoni pour lequel elle est hautement significative (p<0,001). De même, la différence entre classe d’âge est également hautement significative pour S. haematobium (p<0,001). Pour l’ensemble des parasitoses, les enfants de 0-5 ans apparaissent les plus atteints suivis par les 6-10 ans et les 11-16 ans (Tableau 3). Plus l’enfant est jeune et plus il semble exposé à l’infestation parasitaire.

20L’analyse stratifiée n’a pas montré d’effet modificateur significatif de l’âge, de la localité, du sexe sur l’association à la présence d’au moins un parasite intestinal, ni sur l’association à l’infection par S mansoni ou S Haematobium.

  • 1  Rapport de prévalence (Odds Ratio): Rapport des inégalités d'exposition chez les cas et chez les t (...)

21Dans le modèle 1 de régression logistique (Tableau 4) seule la localité reste significativement associée à la présence d’au moins un parasite intestinal. Les OR1 ajustés confirment le risque d’infection parasitaire dans les zones inondables et d’aménagement par rapport à la zone située une dizaine de Km.

Tableau 4. (Modèle 1) Modèle final de régression logistique pour l’association entre les variables âge, sexe, localité (n=1142) et parasitose (n=531)a , a âge et sexe non significatifs. b Chi Deux de Wald

Tableau 4. (Modèle 1) Modèle final de régression logistique pour l’association entre les variables âge, sexe, localité (n=1142) et parasitose (n=531)a , a âge et sexe non significatifs. b Chi Deux de Wald

22Dans le modèle 2 de régression logistique (Tableau 5) la localité, l’âge et le sexe restent significativement associés à la présence de S mansoni. Les OR ajustés confirment les risques d’infection par S mansoni plus élevés pour les enfants jeunes, de sexe féminin et vivant dans des zones inondables.

Tableau 5. (Modèle 2) Modèle final de régression logistique pour l’association entre les variables âge, sexe, localité (n=1142) et infection à S mansoni (n=239). b Chi Deux de Wald

Tableau 5. (Modèle 2) Modèle final de régression logistique pour l’association entre les variables âge, sexe, localité (n=1142) et infection à S mansoni (n=239). b Chi Deux de Wald

23Dans le modèle 3 de régression logistique (Tableau 6) la localité, et l’âge restent significativement associés à la présence de S haematobium. Les OR ajustés confirment les risques d’infection par S mansoni plus élevés pour les enfants jeunes, vivant dans des zones inondables.

   Tableau 6 : (Modèle 3) Modèle final de régression logistique pour l’association entre les variables âge, sexe, localité (n=678) et infection à S Haematobium (n=331)a, a sexe non significatif, b Chi Deux de Wald

   Tableau 6 : (Modèle 3) Modèle final de régression logistique pour l’association entre les variables âge, sexe, localité (n=678) et infection à S Haematobium (n=331)a, a sexe non significatif, b Chi Deux de Wald

Discussion

24Les résultats des enquêtes parasitologiques montrent que tous les villages étudiés sont touchés par les parasitoses intestinales avec toutefois, des disparités quant à l’intensité de l’endémie (Tableau 2). Nous avons observé une prévalence moyenne de 20,9% pour S.  mansoni dans l’ensemble de la zone d’étude. Ce taux de prévalence avoisine 54% dans certains villages situés sur le fleuve tels Wèrè et Touroukoro (Tableau 2). En 1987, seulement 3 cas isolés de S.  mansoni étaient signalés à Niassan (Poda et al., 2001). Nos données montrent une augmentation progressive de la maladie dans la zone du complexe hydroagricole du Sourou.

25Les villages situés sur le cours d’eau et dans la zone inondable tels que Toma-île, Wèrè, Touroukoro et Yayo ont les prévalences les plus élevées pour les parasitoses intestinales en général et en particulier pour Shistosoma mansoni comparativement aux villages situés à une dizaine de kilomètres (Oué, Sono) ou dans les hydroaménagements de Guiédougou et Niassan. Les conditions du milieu et les comportements de ces populations expliquent en partie cette situation. En effet, les populations des villages situés sur le cours d’eau vivent essentiellement de la pêche. En outre, ces populations ne disposent ni de forage, ni de latrines. Le cours d’eau est utilisé pour les déjections de toute sorte en même temps comme source d’alimentation en eau de boisson des ménages.

26La prévalence de S. mansoni au niveau du village de Di (22,5%) est la plus forte après celle observée au niveau des villages situés sur le fleuve. La proximité de ce village du lac crée des conditions de milieu et des comportements humains (activité de pêche notamment) proches de ceux des villages insulaires et explique en partie la forte prévalence de S. mansoni enregistrée sur ce site.

27Des prévalences de 40,7% pour S. haematobium et 22,1% pour S. mansoni  ont été enregistrées à Yahoo, village situé dans la zone inondable. Ces valeurs sont faibles comparativement à celles de Touroukoro (88,6% et 43,3%), Wérè (75% et 54,1%) et Toma-île (52,7% et 53,7%) sites également situés dans la zone inondable. Une étude menée en 1997 chez les enfants de 15 ans dans le village de Yayo a mis en évidence une infestation schistosomienne mixte avec des prévalences à S. mansoni de 69,3% et à S. haematobium de 55, 3% (Kaboré, 1998). Les taux de prévalence observés sur ce site (22,1% pour S. mansoni et 40,7% pour S. haematobium) sont nettement inférieurs à ceux trouvés par cet auteur. Cette différence avec nos résultats s’explique essentiellement par les traitements au Praziquantel et Mébendazole qui ont été effectués dans ce village suite aux résultats de Kaboré (1998).

28Le site de Débé (coopérative agricole) présente la troisième prévalence la plus élevée (58,5%) quant à la présence d’au moins un parasite intestinal (Tableau 2) et les plus fortes prévalences pour Entamoeba hystolytica (27,7%), Hymenolepis nana (20%) et Giardia intestinalis (7,7%). En outre, ce site présente avec ceux de Niassan et Guiédougou les prévalences les plus fortes (3,1%, 4,4% et 2,7%) pour Necator americanus. Du fait des activités agricoles, maraîchères notamment, s’est développé à proximité de ce site le plus grand marché de la zone. Ce marché draine tous les cinq jours d’importantes populations de différentes provenances de l’ensemble du pays. Les habitudes alimentaires et les conditions d’hygiène qui en découlent expliquent en partie les fortes prévalences de certaines parasitoses intestinales enregistrées sur ce site. Par contre, les prévalences de S. mansoni (0%) et de S. haematobium (20%) enregistrées à Débé sont faibles par rapport à celles des sites insulaires ou situés au bord du lac. Outre  le fait que Débé est le dernier village aménagé de la zone, son école est également récente. La première enquête conduite en 1998  sur ce site n’avait indiqué que de faibles prévalences de S. haematobium de 8 à 12% (Poda et al., 2001). Si du point de vue de la bilharziose intestinale (0% pour  S. mansoni) les grandes coopératives comme Débé ne posent pas un risque à la santé publique, les autres parasitoses intestinales notamment celles susmentionnées devraient cependant inciter à la prise de mesures de prévention et de lutte.

29En dehors de S. mansoni, cette étude a permis de montrer que les parasites intestinaux les plus fréquemment rencontrés étaient Entamoeba hystolytica (10,6%) et Hymenolepis nana (10,2%), ce qui dénote des conditions d’hygiène médiocres dans la zone. Les autres parasites intestinaux sont également présents mais à des taux de prévalence beaucoup plus faibles (1,6 à 0,2%). La prévalence de l’ensemble des helminthes et protozoaires rencontrés était différente selon le site étudié. Cette observation s’accorde avec les résultats de Urbani et al. (1997) dans la vallée du fleuve Sénégal en Mauritanie et avec ceux de Poda et al. (2001) pour  la schistosomiase urinaire dans la vallée du Sourou au Burkina Faso.

30Globalement, les prévalences observées ne sont pas en rapport le sexe. Le même constat a été fait par Poda et al. (2001) pour S. haemabium dans la même zone. Toutefois, nos résultats indiquent une différence de prévalence entre fille et garçon significative pour S. mansoni (p<0,01) et pour Necator americanus (p<0,05), parasites pour lesquels les filles semblent plus exposées. Les données recueillies indiquent que globalement la différence entre les différents groupes d’âge est significative (p<0,05). Toutefois, pour les parasites intestinaux pris isolément, cette différence estnon significative (p>0,05) sauf pour S. mansoni pour lequel elle est hautement significative (p<0,001).  Les prévalences maximales diminuent avec l’âge. Plus l’enfant grandit et moins il est exposé à l’infestation parasitaire. Les OR des modèles ont confirmé, par rapport à l’analyse univariée, le risque accru d’infection pour les sujets jeunes et de sexe féminin vivant en zone inondable (Tableaux 4 à 6).

31Le comportement des différents groupes d’âge face aux conditions d’hygiène (alimentaire notamment) à observer pourrait expliquer cette situation. Une autre cause pourrait liée à l’acquisition progressive d’une immunité protectrice avec l’âge comme certains auteurs l’ont montré (Fulford et al., 1998; OMS, 1994; Capron, 1992; Hagan, 1992). Nos résultats s’accordent sur ce point avec ceux observés sur les sites de Di, Lanfiéra et Guiédougou par Poda et al. (2001).

32Pour chaque site de cette étude, les enquêtes parasitologiques ont été effectuées deux fois  dans l’année : en début de saison hivernale (fin Mai-début Juillet) et en fin de saison hivernale (fin Septembre-début Novembre). Bien que les périodes concernées soient les mêmes pour l’ensemble des sites, le fait que les résultats ne proviennent pas de la même année pourrait poser un problème d’interprétation des résultats. Pour les sites insulaires (Toma-île, Touroukoro, Wérè et Yayo) et pour ceux situés à une dizaine de kilomètres du lac (Sono et Oué) l’étude a été conduite la même année (2000) durant une semaine aux mêmes périodes (début Juillet et fin Octobre).  Aux deux périodes indiquées, l’étude a été conduite de nouveau à Toma-île puis à Di et Débé en 2001 et enfin à Di, Niassan et Guiédougou en 2002. Les résultats observés en 2001 à Toma-île et à Di en  2002 sont sensiblement du même ordre de grandeur que ceux observés sur ces sites respectivement en 2000 et 2001 pour la présence d’au moins un parasite intestinal et pour S. mansoni et S. haematobium notamment. Il n’existe pas de formations sanitaires dans les villages situés dans la zone inondable. En outre, sur les sites où il en existe, la fréquentation par les populations de ces formations est quasi nulle. Au regard de l’ensemble de ces éléments, il est peut probable que les tendances générales observées pour les parasitoses étudiées puissent s’inverser une année sur l’autre sans une intervention de lutte comme ce fut le cas à Yayo. Aussi, les résultats de cette étude permettent d’approcher l’importance du problème dans les milieux étudiés et devraient inciter à la mise en place d’un programme d’éradication et de contrôle des parasitoses dans la zone du complexe hydroagricole du Sourou.   

Conclusion

33Les résultats de cette étude outre qu’ils confirment ceux obtenus sur la schistosomiase urinaire permettent de dégager une disparité de la prévalence des parasitoses selon le lieu de vie, selon l’âge et le sexe des enfants dans la zone du complexe hydroagricole du Sourou. La prévalence des parasitoses intestinales est surtout liée aux conditions du milieu et aux comportements humains. Les populations des villages situés sur le cours d’eau du Sourou sont les plus atteintes. Les prévalences et les disparités observées incitent à la mise en place rapide d’un programme de lutte et de contrôle pour freiner l’expansion de l’endémie.

Cette étude a été financée par Aire développement à qui les auteurs expriment leur gratitude.

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Bibliography

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Notes

1  Rapport de prévalence (Odds Ratio): Rapport des inégalités d'exposition chez les cas et chez les témoins.  À titre d'exemple, l'OR estime que le "risque" d'être porteur au minimum d’un parasite intestinal chez un enfant vivant en zone inondé est 1,73 fois celui d'un enfant vivant dans un village situé à une dizaine de kilomètres du lac (tableau 4) - Note de l’éditeur

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Title Tableau 1. Données générales sur les populations des sites du complexe hydroagricole du Sourou au Burkina Faso (Source : INSD, 2000).
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3369/img-2.png
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Title Tableau 2. Taux de prévalence générale des parasites intestinaux relevés sur un effectif total de 1142 enfants lors d’enquêtes parasitologiques réalisées au Sourou dans les villages de : Wèrè, Yayo, Touroukoro et Sono en 2000, Toma-Île en 2000 et 2001, Débé en 2001, Di en 2001 et 2002, Niassan et Guiédougou en 2002.
Caption Différence statistique entre localité : significative à p<10-3 (***), non significative à p> 0,05 (ns),  a ET = Ecart Type à l’âge moyen
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3369/img-3.png
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Title Tableau 3. Taux de prévalence (%) des parasites selon le sexe et la classe d’âge sur un effectif total de 1 142 enfants lors d’enquêtes menées entre 2000 et 2002 au Sourou dans les villages de Toma-Île, Touroukoro, Wèrè, Yayo,  Di, Sono, Oué, Débé, Niassan et Guiédougou.
Caption Différence statistique entre sexe et entre tranche d’âge: significative à p<10-3 (***), significative à p<10-2 (**), significative à p<0,05(*), non significative à p>0,05 (ns).
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3369/img-4.png
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Title Tableau 4. (Modèle 1) Modèle final de régression logistique pour l’association entre les variables âge, sexe, localité (n=1142) et parasitose (n=531)a , a âge et sexe non significatifs. b Chi Deux de Wald
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3369/img-5.png
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Title Tableau 5. (Modèle 2) Modèle final de régression logistique pour l’association entre les variables âge, sexe, localité (n=1142) et infection à S mansoni (n=239). b Chi Deux de Wald
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3369/img-6.png
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Title    Tableau 6 : (Modèle 3) Modèle final de régression logistique pour l’association entre les variables âge, sexe, localité (n=678) et infection à S Haematobium (n=331)a, a sexe non significatif, b Chi Deux de Wald
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3369/img-7.png
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References

Electronic reference

D. Dianou, Jean-Noël Poda, L.G. Savadogo, H. Sorgho, S.P. Wango and B. Sondo, « Parasitoses intestinales dans la zone du complexe hydroagricole du Sourou au Burkina Faso Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 5 Numéro 2 | novembre 2004, Online since 01 November 2004, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/3369 ; DOI : 10.4000/vertigo.3369

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L.G. Savadogo

H. Sorgho

S.P. Wango

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Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS)/ Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST), 03 B.P. 7047, Ouagadougou Burkina Faso, dayerid@yahoo.fr

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