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Dossier : Les actions collectives pour gérer l'environnement

Tous vulnérables ? le diagnostic de vulnérabilité aux aléas de l’érosion : un outil pour l’action collective

Marie Liégeois, Paul Arnould and Stanislas Wicherek

Abstracts

Studies about vulnerability (as a component of risk according to the equation : Risk = Natural Hazard X Vulnerability) are largely developed since ten years. However the case of erosion risk seems really to be an exception. Indeed, if the Natural Hazard (erosion processes) was the object of many research, nothing comparable was deployed on vulnerability. We thus wish to work in this way, and try to diagnose the vulnerability of agricultural land and built-up area in front of erosion to improve the collective action around the muddy flood risk.

Starting from the idea that risk is as well a natural than a cultural fact, we wished to integrate the subjectivity and traditional knowledge of the population (farmer especially) in the parameters of the diagnosis. This posture, applying the bottom-up approach, poses an original question about scales: scale of data-gathering at first, but also scale of temporal and space validity of such a methodology.

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Full text

Introduction

1Les risques liés à l’érosion hydrique en terres de grande culture constituent un objet d’étude original depuis une trentaine d’années en France. C’est grâce au colloque de Strasbourg en 1978 (Vogt et al., 1979) que cette question s’est durablement imposée auprès d’agronomes, de biologistes ou de géographes. En Amérique du Nord, cette thématique de recherche est plus ancienne puisqu’elle est effectivement amorcée dès les années 1930. Autour de scientifiques comme (Ellison, 1944), (Stallings, 1957), (Sparrow, 1984) ou (Wischmeier, 1978)  pour n’en citer que quelques-uns, de nombreuses études ont progressivement mis en avant le rôle de l’agriculture dans l’érosion des sols.

2Si les postures, les méthodes et les interrogations ont évolué, intégrant de plus en plus la société et les acteurs, la question de l’érosion des sols demeure préoccupante, comme en témoigne notre étude. Elle se focalise plus particulièrement sur le Bassin Parisien où les pentes sont faibles (figure 1) et où le climat, de type océanique, évoque la « douce France », à l’écart des excès climatiques et hydrologiques. Le remembrement et l’évolution des pratiques culturales depuis les années 1970 ont changé la donne et aggravé les risques d’érosion hydrique en pays de plaines et de collines (Cartier, 2002) et ce, malgré les récentes mesures agri-environnementales (MAE) et les efforts de lutte. L’érosion se manifeste par des coulées de boue dans ses formes les plus violentes. Lorsque son intensité est plus faible, on observe généralement des processus de ruissellement diffus ou concentrés (Arnould et al., 1991).

3Les dégâts liés au ruissellement érosif inquiètent les locaux. Elus, agriculteurs, habitants, associations, collectivités territoriales ou travailleurs sont souvent désemparés après un épisode érosif. L’amélioration de la gestion collective de ce risque commence par son évaluation, largement encouragée par tout un arsenal législatif : Contrats d'Agriculture Durable (CAD), Schémas d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE), Plans de Prévention des Risques (PPR), entres autres. C’est une étape préalable à la mise en place de mesures de prévention auprès des acteurs incontournables (maires et agriculteurs notamment).

4Caractériser le risque érosif nécessite de passer par deux étapes essentielles : l’évaluation de l’aléa, déjà largement étudiée par de nombreux chercheurs et récemment retranscrite sous forme d’atlas (Daroussin, et al. 1996) et (Dubreuil et al., 2003) et la caractérisation de la vulnérabilité. Cette évaluation en deux temps s’inscrit dans la démarche de conceptualisation du risque, compris comme la combinaison d’un aléa et d’une vulnérabilité qui émerge dans les années 1970, parallèlement à l’identification d’une « crise écologique » (Veyret, 2004). Le risque est alors écrit sous forme d’équation : risque = aléa X vulnérabilité. Grâce à cette équation, on comprend que les niveaux d’aléa et de vulnérabilité jouent conjointement dans la caractérisation d’un niveau final de risque.

5Aussi, sans recherches sur la vulnérabilité, le niveau de risque reste intuitif. Si la carte des aléas à l’érosion des sols est un outil très précieux pour localiser les espaces où les processus sont actifs, cela ne présage en rien du niveau de risque. Celui-ci reste très approximatif tant que la confrontation aléa – vulnérabilité n’a pas eu lieu.

6Notre étude concerne plus particulièrement la vulnérabilité qui apparaît comme une porte d’entrée originale, peu explorée, mais très prometteuse pour la gestion du risque érosif. Afin de mieux cerner ce qu’elle recouvre, on peut signaler qu’elle est généralement qualifiée de deux manières dans la littérature sur les risques :

  • La première solution consiste à l’envisager comme une fragilité, une incapacité (des infrastructures, du milieu) à résister à un aléa donné. C’est la définition retenue par les PPR (Plan de Prévention des Risques). Ils distinguent l’aléa, les enjeux, la vulnérabilité et le risque. Autrement dit, dans cette définition, la vulnérabilité n’englobe pas les enjeux. En ce sens, elle est plus proche de l’acception courante qui la définit comme une « fragilité » (dictionnaire Le Trésor de la Langue Française).

  • La seconde posture identifiée dans la littérature englobe deux éléments sous ce terme : la fragilité (comme précédemment) et les enjeux. On est donc moins proche du sens commun qui définit la vulnérabilité uniquement comme une fragilité, puisqu’on y introduit la notion de valeur, par le biais des enjeux. C’est de cette manière que nous envisageons la vulnérabilité dans ce travail.

7Il convient maintenant de s’interroger sur la légitimité et la pertinence de l’emploi du concept de vulnérabilité en milieu rural et péri-urbain. La littérature sur les risques situe volontiers les paroxysmes de vulnérabilité dans les centres urbains. Peut-on alors utiliser ce concept en milieu rural, où les densités de population et la présence d’enjeux sont bien moindres ? Autrement dit, peut-on utiliser un même terme pour désigner des réalités si différentes ? C’est le parti pris de notre démarche. Elle consiste à prendre en compte la vulnérabilité « diffuse » et singulière des espaces ruraux (Veyret, 2004), sans tenter d’opposer "vulnérabilité des villes" et "vulnérabilité des champs".

8Pour caractériser cette vulnérabilité « diffuse » du milieu rural, le recours aux indicateurs s’avère nécessaire.

Recherche d’indicateurs pertinents

9On distingue généralement trois phases dans les mécanismes d’érosion : ablation, transport et dépôt, supposées localisées de l’amont vers l’aval dans un bassin-versant. Cette présentation classique présente certes des avantages pédagogiques, mais la réalité nous montre un tableau plus complexe. L’exemple de la croûte de battance illustre bien cette complexité car l’ablation (due à l’effet splash), le transport (de l’ordre du centimètre) et le dépôt se réalisent au même endroit. Cette superposition spatiale ne facilite pas la compréhension du risque érosif : les terres agricoles se retrouvent à la fois génératrices (ablation) et réceptrices (dépôts) d’érosion.

10On peut tenter de dresser un tableau sommaire des espaces concernés :

  • A l’échelle de la parcelle agricole, l’érosion affecte les espaces situés sur les zones d’ablation : les terres agricoles sont touchées en surface et des particules fines du sol sont déstructurées (en particulier les éléments fertiles comme les limons qui, sur le moyen terme, provoque des baisses de rendement).

  • A l’échelle du bassin-versant, elle touche également les espaces placés le long des zones de transport hydrique,  en reprenant les voies des réseaux d’érosion diffuse ou concentrée. On trouve ainsi des marques au sol dans les champs comme les rigoles (centimètres), les ravines (plusieurs centimètres). Ce réseau de transport est souvent repris par la voirie. Il est alors susceptible d’acheminer plus rapidement l’eau boueuse.

  • Enfin, les zones de dépôts ne sont pas épargnées non plus puisqu’elles se situent comme des espaces récepteurs : les zones bâties et la voirie sont largement victimes de ces processus érosifs. Ainsi, les rez-de-chaussée des maisons, les jardins ou les caves, peuvent être recouverts de boue. Ces dépôts boueux génèrent nécessairement des coûts de remise en état (relativement difficiles à estimer, mais c’est là une piste de recherche à explorer). La voirie (parfois obstruée), les cours d’eau (réceptacles du ruissellement boueux), les zones humides (tampons récepteurs) et les forêts sont aussi touchés par le ruissellement boueux.

11Pour qualifier la vulnérabilité des territoires aux aléas de l’érosion, il faut commencer par identifier des espaces d’études. Un zonage basé sur la localisation des processus (ablation, transport, dépôt) présente l’inconvénient de mal cerner les endroits où plusieurs processus se superposent. Il faut donc recourir à une partition de l’espace différente. Plusieurs bases de données (Corine Land Cover, Teruti) proposent des découpages en fonction de l’occupation du sol. Le partage retenu est basé sur la lecture d’une carte topographique de manière à distinguer la voirie, le bâti, les forêts ou les terres agricoles. Il reprend partiellement les catégories retenues par Teruti ou encore Corine Land Cover, sans toutefois nécessiter l’utilisation directe (et parfois coûteuse) de ces bases de données. Ces espaces sont appelés espaces types dans la mesure où ils présentent une certaine homogénéité, étant entendu qu’il est possible de trouver des sous-espaces types, révélateurs de disparités, au sein de ces espaces types. Dans l’exemple que nous développons, les espaces types étudiés sont les terres agricoles et le bâti.

12Les zones humides, les forêts ou la voirie subissent aussi les impacts des processus érosifs. Les coûts de remise en état (relativement importants dans le cas de la voirie) sont supportés par la collectivité. Notre analyse se concentre sur les coûts privés. Plus difficilement supportables – parce que plus directement sensibles pour les sinistrés – ils sont davantage source de craintes et d’inquiétude. Des études ultérieures sur la qualification de la vulnérabilité des espaces non envisagés ici demeurent une piste de recherche intéressante pour la suite.

13La recherche d’indicateurs de vulnérabilité est une étape fondamentale d’un protocole en quatre temps : recherche d’espaces types d’étude (ici terres agricoles et bâti), identification et hiérarchisation d’indicateurs et de paramètres susceptibles de caractériser la vulnérabilité de ces espaces, élaboration d’une méthode de diagnostic de la vulnérabilité et enfin, cartographie de la vulnérabilité des espaces types.

14On peut remarquer que le recours aux indicateurs est de plus en plus fréquent dans les recherches en sciences humaines (Brédif et al. 2004). Cette profusion débouche sur un vocabulaire presque "codé" qu’il convient de préciser un peu.

15Quelle est la différence entre un critère, un principe, un indicateur, un paramètre ou encore un indice ? Il n’y a pas vraiment d’accord sur ces termes, mais plusieurs auteurs ont proposés des hiérarchisations. Suite à la conférence d’Helsinki en 1993 pour la gestion durable des forêts, six critères (parfois appelés principes) ont été retenus, chaque critère est composé d’indicateurs, eux-mêmes renseignés par différents paramètres, parfois quantifiables, où l’indice peut alors être compris comme la valeur chiffrée d’un paramètre.

16Si le recours aux indicateurs tend à devenir omniprésent, notre démarche ne s’inscrit pas pour autant dans un "phénomène de mode" apparent. La recherche d’indicateurs est particulièrement bien adaptée au diagnostic de vulnérabilité. Les espaces, devenus des systèmes extrêmement complexes, peuvent difficilement s’apprécier tels quels. Pour estimer leur vulnérabilité, nous avons besoin de deux types d’indicateurs complémentaires : des "poteaux indicateurs" donnant des informations quantitatives, relativement sûres, robustes et des "indics"  pour obtenir des informations furtives, cachées, mais également (si ce n’est plus) performantes (Arnould et al. 2004). Il s’agit donc de repérer les éléments qui font "avancer l’enquête" et de rejeter ceux qui n’apportent pas d’information réelle. « On croit de moins en moins au mythe cartésien d’identification de toutes les causes pour en assurer la suppression » (Bailly, 1996). Nous ne cherchons pas à tronçonner la réalité, mais plutôt à dégager des éléments-clés dans ces systèmes complexes, capables de nous renseigner sur le niveau de vulnérabilité des espaces types. L’étude des interactions est donc implicite dans cette démarche puisque bien souvent, la présence d’un paramètre conditionne l’existence d’un second. De même, la présence de certains paramètres peut refléter des réalités différentes suivant qu’ils sont associés à tel ou tel autre. La perpendicularité des ouvertures d’un logement par rapport au flux boueux, ajoutée à une situation en contrebas de la coulée multiplie l’action conjuguée de ces paramètres. La réalité montre qu’il ne s’agit pas là d’une simple addition, mais plutôt d’une sorte de multiplication.

17Avant d’énoncer une première liste d’indicateurs pressentis, il convient de faire un bref rappel sur les consignes de choix et de mise au point de ces indicateurs. La Banque Mondiale distingue huit qualités essentielles des indicateurs (consensuel, clair et compréhensible, agrégeable, objectif, économique et basé sur l’existant, appropriable, peu nombreux, capable d’estimer les processus et les impacts). Outre la prise en compte de ces qualités essentielles, il semble important d’en rajouter une neuvième : la disponibilité.

18Certains indicateurs peuvent effectivement être très représentatifs d’une situation de vulnérabilité, mais ne pas être disponibles en tant que données. Sans rechercher l’existence de base de données complètes systématiquement, nous pouvons faire en sorte que les informations soient accessibles à moindre coût et dans un minimum de temps. Lorsque le temps nécessaire à renseigner un indicateur est trop long, sa pertinence peut réellement être mise en cause.

19Il n’est plus besoin de démontrer à quel point l’intégration de notions telles que la subjectivité, la représentation et la perception est nécessaire dans les études sur les risques. Il faut garder en mémoire que l’objectif final de toutes ces études est bien de proposer des outils d’aide à la gestion, la compréhension et la lutte contre les risques. Ces outils ne peuvent pas se passer de la prise en compte des populations locales et de leurs systèmes de valeur. La perception du risque est culturellement définie (Peretti-Watel, 2000), c’est la raison pour laquelle il est nécessaire de dégager une liste d’indicateurs locaux de vulnérabilité. Ces "indics" relèvent à la fois de savoirs traditionnels ou tacites (Darré et al., 2004) et d’une certaine forme de subjectivité : l’attachement à certains lieux, par exemple (De Vanssay, 2003). Il convient de les prendre en compte dans cette démarche afin de mieux en assurer l’appropriation par les locaux. L’intégration des pratiques et usages de l’espace est nécessaire dans la mesure où elle conditionne, à terme, l’efficacité de la méthode.

20Une démarche en trois temps permet d’établir cette liste d’indicateurs :

  • La première partie du travail consiste à établir une liste d’indicateurs et de paramètres généraux de vulnérabilité. Ils sont dits généraux dans la mesure où ils peuvent être réutilisés dans d’autres contextes. Ils correspondent aux "poteaux indicateurs" évoqués précédemment et sont identifiés grâce à la bibliographie et à des recherches personnelles (Liégeois et al., 2004).

  • La seconde partie vise à rechercher des indicateurs et paramètres locaux de vulnérabilité. Ils correspondent, quant à eux, à l’autre catégorie dite des "indics" et sont identifiés grâce à des enquêtes de terrain. Ainsi, il est possible d’intégrer les systèmes de valeur et les savoirs locaux au sein de cette recherche, en adéquation avec le concept de développement durable : « (…) l’avènement, au niveau international, du concept politique de développement durable a suscité une reconnaissance institutionnelle et dans le même temps, épistémologique des savoirs dits locaux » (Richardson, 2005). La pertinence de ces savoirs (encore appelés TEK : Traditional Ecological Knowledge), mise en avant par les Anglo-saxons depuis plusieurs années, est actuellement redécouverte (Bérard et al. 2005).

  • Enfin, ces deux types d’indicateurs et de paramètres sont comparés et agrégés de manière à retenir une liste synthétique.

Des indicateurs généraux issus de la recherche

21Quelle liste d’indicateurs généraux de vulnérabilité aux aléas de l’érosion peut-on proposer ?

22Les références bibliographiques dans ce domaine sont très restreintes. Il existe évidemment un nombre très important de publications sur les questions de vulnérabilité. Néanmoins, une part très faible de ces publications concerne directement la recherche d’indicateurs et presque aucune d’entre-elles ne s’intéresse spécifiquement au cas de la vulnérabilité aux aléas de l’érosion.

23Une synthèse de la littérature sur ce sujet donne les résultats suivants :

24Il existe deux indicateurs de vulnérabilité : le premier caractérise la capacité de résistance physique d’un site à l’aléa et le second estime la valeur d’un site et l’endommagement potentiel. Ces deux indicateurs sont renseignés par de nombreux paramètres. Cette affirmation est vraie lorsque le terme de vulnérabilité englobe celui d’enjeux.

25Il faut préciser quel(s) sens nous donnons aux termes de résistance et de valeur, car ils possèdent une acception différente suivant les disciplines. La résistance du sportif (capacité à reproduire des efforts brefs et violents) n’est pas celle de l’historien ( qui fait référence à des formes d’opposition et de lutte clandestine), ni celle de l’ingénieur (qui se préoccupe des comportements physiques des matériaux). C’est précisément cette polysémie qui nous conforte dans le choix de ces termes. Elle implique effectivement une richesse de sens susceptible d’être beaucoup plus pertinente pour la recherche des paramètres.

26La résistance, en tant que composante de la vulnérabilité, doit être comprise comme un concept, c’est-à-dire une notion plus ou moins théorisée (Dauphiné, 2003). De ce concept, émergent quelques idées phares, permettant de mieux apprécier l’épaisseur de ce terme.

  • Tout d’abord, il y a la résistance qu’on pourrait qualifier de physique ou d’instantanée : elle correspond essentiellement à la vision des ingénieurs. Elle mesure la manière dont les constructions ou les cultures supportent le choc au moment où la coulée de boue survient.

  • A cette résistance physique et instantanée, s’ajoute une résistance plus difficile à apprécier tant elle est variable dans le temps : la résistance psychologique des populations. Cette résistance pose un problème du point de vue de la qualification de la vulnérabilité, car elle peut l’atténuer aussi bien que l’augmenter. Ainsi, si la population résiste bien psychologiquement et ne craint pas ce type d’événements, elle risque de devenir, à terme, presque insouciante. Cette baisse de vigilance pourrait faire baisser la résistance physique instantanée et faire augmenter la vulnérabilité. En revanche, cette même résistance psychologique est un atout considérable pour surmonter la catastrophe.

  • Cette situation nous amène à parler d’un troisième type de résistance : la résistance post-catastrophe (Lambin, 2004). En réalité, il s’agit davantage de résilience que de résistance. On peut envisager la résilience comme la « capacité d’un système à pouvoir intégrer dans son fonctionnement une perturbation » (Holling, 1973), à se remettre d’aplomb après un événement perturbateur. C’est le sens que lui prêtent classiquement la psychologie (Cyrulnik, 2004) et d’autres disciplines (dont l’écologie). L’analyse de ce paramètre cherche effectivement à comprendre comment et à quelle vitesse le site touché va pouvoir cicatriser.

27Le terme de valeur (proche de celui d’enjeux) est, lui aussi, largement polysémique. Il est tout à la fois un terme économique (valeur marchande en termes de coûts et de prix), moral (valeurs humaines, liées à l’éthique), juridique (validité d’un document), sentimental ou patrimonial (valeurs individuelles ou collectives d’attachement à un lieu ou un bien). Les différentes acceptions dissimulées derrière ce terme ne sont plus seulement liées à des disciplines (comme c’était le cas pour la résistance), mais aussi à des points de vue différents, impliquant différentes priorités, modifiant parfois le niveau final de vulnérabilité.

Tableau 1. Paramètres généraux de vulnérabilité des terres agricoles et du bâti. Ces paramètres sont classés en fonction de leur validité temporelle. Plus ils sont situés vers le haut de la liste, plus ils ont un caractère pérenne et inversement.

Tableau 1. Paramètres généraux de vulnérabilité des terres agricoles et du bâti. Ces paramètres sont classés en fonction de leur validité temporelle. Plus ils sont situés vers le haut de la liste, plus ils ont un caractère pérenne et inversement.
  • La première des valeurs qui vient à l’esprit est très certainement la valeur économique, c’est-à-dire le prix, car nous la pratiquons quotidiennement. Le Petit Larousse illustré en donne la définition suivante : « importance, prix attaché à quelque chose » montrant bien la prédominance économique de ce terme. Plus un site renfermera d’objets ayant un prix élevé, plus il sera vulnérable.

  • Si la valeur économique est généralement le sens premier accordé à ce terme, la valeur ontologique est, du point de vue de la vulnérabilité, celle dont le poids est le plus important. La plus grande des valeurs apparaît alors comme étant la vie humaine. Plus un site est peuplé, plus il est vulnérable, quand bien même sa valeur économique serait faible (D’Ercole, 1994), (Pigeon, 2005),  (Thouret et al., 1996).

  • Une troisième valeur, plus subjective et plus difficilement mesurable (Vivien, 1994), serait la valeur sentimentale (individuelle) et patrimoniale (collective). Il n’est pas rare d’entendre après des catastrophes que les gens ont particulièrement souffert (outre des pertes matérielles parfois lourdes) de la disparition d’objets sans aucune valeur marchande, mais d’une très grande valeur sentimentale comme une photographie ou un dessin d’enfant. L’attachement personnel et collectif aux objets (environnants) doit donc être intégré dans les études de vulnérabilité car il contribue, dans une certaine mesure, à augmenter le potentiel d’endommagement (Peretti-Watel, 2000).

28Dès lors que les mots valeur et résistance seront employés, ils le seront dans leur polysémie et leur richesse de sens.

29Pour qualifier la vulnérabilité face au risque d’érosion, il faut se poser deux questions : Tout d’abord, quels sont les facteurs permettant aux espaces types identifiés (terres agricoles et bâti) de résister - ou non - physiquement à des coulées de boue ? Ensuite, quels sont les facteurs accentuant ou réduisant l’endommagement potentiel ?  Les paramètres permettant de répondre à ces questions sont représentés dans le tableau 1.

30Ces paramètres sont issus d’une synthèse bibliographique et de réflexions personnelles sur le cas précis du risque érosif. Ils sont classés en fonction de leur validité temporelle, plus ils sont situés vers le haut de la liste, plus ils ont un caractère pérenne, plus ils sont en bas de liste, plus ils ont tendance à être variables dans le temps.

31L’analyse du tableau 1 met en avant le faible nombre de paramètres de résistance pour qualifier la vulnérabilité des terres agricoles. Cela tient à la nature même de l’aléa que nous étudions. En temps normal, il est très rare qu’un aléa se déclenche et se réalise au même endroit. Les terres agricoles sont donc à la fois génératrices et réceptrices de cet aléa.

32Nous aurions pu ajouter des paramètres comme la valeur de la pente, la nature du sol ou la sensibilité à la battance. Tous ces facteurs servent déjà à qualifier l’intensité aux aléas de l’érosion (Ludwig, 1992). Si nous les réutilisons pour qualifier la vulnérabilité des terres agricoles nous commettons deux erreurs : d’une part, nous définissons mal la vulnérabilité (nous l’assimilons à l’aléa) et d’autre part, nous pondérons deux fois certains indicateurs qui ont de ce fait un rôle surdimensionné dans l’équation du risque (Risque = Aléa X Vulnérabilité).

33Les paramètres de valeur permettent de répondre à la question suivante : quel est le cas de figure où l’exploitation agricole est la plus menacée d’un point de vue économique ? Il semble alors évident que la présence de cultures à forte valeur ajoutée (comme la culture de semence de betterave dans l’Aisne par exemple, voir tableau 3), la productivité de la terre participent à augmenter l’endommagement. Suivant la même logique, une exploitation peu diversifiée aura moins de possibilités de faire face à l’aléa dans le cas où elle concentrerait un type de culture particulièrement sensible au ruissellement. La taille de l’exploitation tend à faire diminuer la vulnérabilité : statistiquement les terres de l’agriculteur ont moins de risque d’être intégralement touchées par des processus érosifs. Enfin, la valeur patrimoniale de la terre contribue à donner à l’endommagement un caractère plus "dramatique". Aux dommages et pertes économiques, s’ajoutent la destruction d’un bien possédant une valeur affective.

34Pour les paramètres du bâti, quelques précisions doivent également être apportées, notamment la notion de perpendicularité des ouvertures. Le coulée de boue est évidemment plus destructrice lorsqu’elle arrive "de face". Les habitations dont les ouvertures sont parallèles à la coulée apparaissent donc moins vulnérables. Elles résistent mieux. Le choix des paramètres de valeur est plus facilement compréhensible. La première valeur est ainsi induite par la présence d’hommes. Les infrastructures de transport (gare SNCF, arrêt de bus) sont des éléments qui peuvent à attirer une population nouvelle et participent de ce fait à augmenter la vulnérabilité par le biais de la valeur. De même, la présence de services accroît la vulnérabilité en élevant les enjeux. Enfin, la typicité du bâti renseigne davantage la valeur affective conférée aux lieux. Un village dont les maisons sont majoritairement construites en pierres de taille est souvent plus attachant qu’un autre moins typique, possédant surtout des maisons récentes, de type pavillonnaire.

35Cette première liste d’indicateurs et de paramètres aide à mieux cerner le type d’information nécessaire au diagnostic de vulnérabilité. Néanmoins, il reste encore à trouver une solution pour combiner des informations aussi différentes que la résistance et la valeur d’un site.

36Une solution consisterait à examiner des événements marquants (coulées de boue particulièrement puissantes). On verrait dans quel ordre les choses se passent pour mieux appréhender qui, de la valeur ou de la résistance, joue en premier, du point de vue de l’endommagement potentiel. Il semblerait que la résistance soit un paramètre qu’on pourrait qualifier d’inhibant dans le sens où, lorsque la résistance est totale, peu importe la valeur, les dommages seront nuls et la vulnérabilité très faible.

Des indicateurs locaux

37L’intégration des savoirs locaux et de la valeur sentimentale ou affective de certains lieux contribue à accroître la pertinence de la méthodologie (Collignon, 2005). Si ces savoirs traditionnels et ces formes de jugements subjectifs ne sont pas pris en compte, la qualification de la vulnérabilité risque de rester très générale et l’apport en terme d’aide à la décision sera moins efficace.

38Décider de composer avec les savoirs populaires et les valeurs subjectives des habitants (attachement à certains lieux, par exemple), fait peser sur la démarche scientifique le reproche d’un biais lié à son manque d’objectivité.

39Pourtant, si l’objectivité dans l’évaluation d’un risque (et dans l’évaluation de la vulnérabilité en particulier) est nécessaire, ce n’est nullement une condition suffisante (D’Ercole, 1994). Les êtres humains vivent avec des raisonnements qui leur sont propres (donc subjectifs) et ils prennent des décisions subjectives. Peut-on réellement espérer d’une société qu’elle se comporte de manière objective et rationnelle face au risque ? C’est très difficilement crédible.

40Il a d’ailleurs été montré (pour le cas particulier des inondations de la Tamise à Londres) que des décisions politiques en matière de risque ont pu être prises grâce à des critères d’évaluation extrêmement subjectifs (Horner in Fabiani et al. 1987). La construction d’ouvrages de protection revient moins chère que l’indemnisation d’une éventuelle inondation de Londres. Pourtant, ce n’est pas une volonté de pragmatisme économique qui pousse les décideurs à construire ces ouvrages, mais plus humainement la peur de mettre en danger et en difficulté des habitants dont ils se sentent responsables.

41L’intégration des perceptions et des représentations dans la qualification de la vulnérabilité n’est pas forcément une aberration. On peut même aller plus loin en prétendant que c’est une nécessité inhérente aux recherches sur les risques.

42Cette constatation est une première étape dans la recherche d’indicateurs de vulnérabilité. Néanmoins, elle fait davantage figure de recommandation que de véritable méthode. C’est la raison pour laquelle il faut maintenant aller plus loin et énoncer de manière pratique la marche à suivre pour intégrer ces formes de subjectivité et ces savoirs locaux dans les indicateurs de vulnérabilité.

43Il est évident qu’on ne peut pas aller demander aux agriculteurs et aux habitants quels sont leurs systèmes de valeurs ou encore quels paramètres doivent être intégrés dans une méthode de diagnostic de la vulnérabilité. La notion de vulnérabilité n’a quasiment pas pénétré les sphères du grand public et les résultats d’une telle enquête seraient inexploitables. L’éventualité d’expliquer la notion de vulnérabilité aux personnes interrogées n’est pas envisageable non plus, cela pourrait biaiser sérieusement l’enquête. Il est quasiment certain que les réponses iraient spontanément vers une déqualification de la vulnérabilité. En effet, la notion est souvent comprise comme « espace vulnérable = espace médiocre » et non pas comme « espace vulnérable = espace de forte valeur qui risque d’être plus fortement endommagé qu’un espace médiocre ». Il est donc peu probable que les locaux parlent spontanément de leur village, de leur environnement comme des espaces "médiocres". La seule solution consiste à vulgariser le concept de vulnérabilité en passant par des périphrases évitant d’employer ce terme ou en faisant réagir les gens à des images ou des photographies.

44L’enquête pose ce genre de questions : « Avec quel type d’assolement votre exploitation est-elle le plus durement touchée en cas de coulée de boue ? » ; « Quels sont les facteurs qui permettent de minimiser l’impact financier sur votre exploitation en cas de coulée de boue ? » ; « Pour quel lieu auriez-vous le plus de peine s’il était détruit par une coulée de boue ? » ou « Quels sont, d’après vous, les facteurs faisant qu’une habitation résiste mieux qu’une autre à une coulée de boue ? ». L’enquête dégage ainsi des paramètres récurrents de résistance et de valeur, issus d’une culture commune, d’une réalité agricole locale et de l’enseignement des événements du passé (sorte de retour d’expérience intuitif). Identifier ces paramètres puis les réutiliser dans la méthode de diagnostic revient à prendre en compte deux choses : des savoirs locaux objectifs et pertinents ; des formes d’attachement assez subjectives ne relevant pas véritablement d’un savoir, mais plutôt d’une culture commune.

45Un questionnaire de ce type, concernant la recherche de paramètres locaux de vulnérabilité pour les terres agricoles et le bâti a été lancé dans trois communes de l’Aisne : Vierzy et Soucy (toutes deux situées sur le plateau du Soissonnais) et Erlon (localisée au nord de Laon, dans le Marlois). Ces trois communes sont fréquemment touchées par des coulées de boue. Le choix des communes de Vierzy et Erlon est justifié par la présence de stations de mesures d’érosion en place depuis plus de vingt ans. L’aléa étant bien connu sur ces deux communes, l’étude de la vulnérabilité s’inscrit dans une tentative de cartographie du risque, forte des connaissances très précises sur la localisation, l’intensité et la fréquence des processus érosifs. Aucune coulée de boue n’étant (fort heureusement) survenue sur ces deux sites depuis plus de cinq ans, les mémoires ne sont plus aussi vives, rendant l’identification de paramètres de vulnérabilité plus délicate. Autrement dit, la probabilité que les personnes interrogées aient oublié (voire même rayé de leur mémoire) certains indices importants, est relativement élevée. C’est la raison pour laquelle il est incontournable d’identifier un autre site touché (malheureusement) plus fréquemment par des coulées de boue. Les gens ont plus d’aptitude à se remémorer ces indices lorsque l’événement est récent. Ainsi, la commune de Soucy a été identifiée comme territoire pertinent. Elle présente, outre l’aspect récurrent des épisodes érosifs, l’intérêt de posséder une église classée monument historique. Située en contre-bas de la route, cette église est le réceptacle de la majorité des coulées de boue. La situation, en termes de vulnérabilité, présente une singularité tout à fait intéressante.

46Une fois les enquêtes menées dans ces trois communes, nous avons pu établir une liste deparamètres locaux de vulnérabilité des terres agricoles et du bâti (tableau 2).

Tableau 2. Paramètres locaux de vulnérabilité des terres agricoles et du bâti.

Indicateurs de vulnérabilité

RESISTANCE

VALEUR

Paramètres des indicateurs

Paramètres de "résistance"

Paramètres de "valeur"

Terres agricoles

Situation bas / haut de versant

Saison

Concertation pour l’assolement

Nature des cultures

Situation bas / haut de versant

Valeur de la culture

Taille de l’exploitation

Diversification de l’assolement

Bâti

Perpendicularité des ouvertures

Hauteur du rez-de-chaussée

Existence d’une cave

Aménagements / travaux

Proximité d’une ville

Lieux sacrés

Typicité du bâti

Patrimoine naturel et historique

Valeur foncière de l’habitat

Infrastructures de transport

Présence d’emplois

Présence de services

Tourisme

47L’analyse du tableau 2 révèle l’influence de la nature des cultures sur la capacité de résistance : certaines cultures sont moins sensibles que d’autres aux coulées de boue. Ainsi, le blé, le pois, le colza et l’escourgeon comptent parmi les plus résistantes, alors que l’oignon est bien plus fragile. La saison fait varier la vulnérabilité des terres agricoles. Le stade phénologique étant moins avancé au printemps, terres sont plus vulnérables à cette période (Wicherek et al. 1993). Le haut de versant est plus résistant car il n’est pas un espace récepteur, contrairement au bas de versant. Enfin, la concertation pour établir les assolements est essentielle. Elle permet de renforcer la résistance des terres agricoles en évitant que deux cultures peu couvrantes se retrouvent côtes à côtes.

48La valeur de la culture renseigne sur le manque à gagner en cas de ruissellement. Il ressort de ces enquêtes que les cultures les plus rentables sont la semence de betterave, la betterave, les oignons, les pommes de terre et les légumes. Le blé est également rentable. Malgré son prix de vente, il demande moins d’investissement que les autres cultures (voir tableau 3). La taille de l’exploitation (non celle de la parcelle), quand elle est importante, participe à minimiser les pertes en cas de ruissellement en générant des espaces compensateurs, épargnés par l’érosion et susceptibles de dégager du profit. La situation en haut de versant provoque une certaine vulnérabilité. Ces terres sont plus fertiles en limons donc plus rentables et plus chères à l’achat. Enfin, la diversification de l’assolement permet à l’exploitant de moins s’exposer au risque et, par conséquent, de diminuer la vulnérabilité de son exploitation.

Tableau 3. Hiérarchisation des cultures en fonction de leur valeur marchande. Ce tableau est établi grâce aux entretiens menés avec les agriculteurs de l’Aisne (moyenne observée sur 5 ans) et aux données Agreste 2005 (chiffres de 2003).

Nature de la culture

Valeur / ha

Dépenses associées à cette culture

Semence de betterave

5500 euro /ha

Elevées

Oignon

4750 euro /ha

Moyennes

Pomme de terre

3200 euro / ha

Moyennes

Betterave

3150 euro / ha

Moyennes

Haricot vert

2040 euro /ha

Elevées

Maïs

1000 euro / ha

Moyennes

Blé

900 euro / ha

Faibles

Pois protéagineux

495 euro /ha

Faibles

49Pour le bâti, les informations apportées par ces entretiens mettent également en exergue des paramètres non révélés dans la littérature. Si les paramètres de résistance sont identiques, ceux de valeur ne le sont pas. La proximité d’une ville participe à accroître l’attractivité de la commune et augmente de ce fait sa vulnérabilité. La mention des lieux sacrés, du patrimoine historique et naturel ainsi que la typicité du bâti permettent d’apprécier leur valeur affective. Enfin, l’existence d’activités de tourisme (dans la commune ou à proximité), d’emplois et de services renseigne le niveau de vulnérabilité par le biais des enjeux.

50Deux listes ont ainsi été établies :

  • Une liste de paramètres généraux (plutôt fixes)émanant de la recherche.

  • Une liste de paramètres locaux (plus variables), issue des entretiens avec la population des sites concernés.

51La confrontation de ces deux listes permet d’identifier une liste de paramètres synthétiques ou agrégés de vulnérabilité des terres agricoles et du bâti aux aléas de l’érosion (tableau 4).

Tableau 4. Paramètres agrégés de vulnérabilité des terres agricoles et du bâti. Cette liste a été construite par comparaison des deux listes précédentes (tableaux 3 et 4).

Indicateurs de vulnérabilité

RESISTANCE

VALEUR

Paramètres des indicateurs

Paramètres de "résistance"

Paramètres de "valeur"

Terres agricoles

Concertation pour l’assolement

Nature des cultures

Saison

Situation bas/haut de versant

Taux de cultures couvrantes

Valeur de la culture

Taille de l’exploitation

Diversification de l’exploitation

Situation bas/haut de versant

Productivité de la terre

Valeur patrimoniale de la terre

Bâti

Perpendicularité des ouvertures

Hauteur du rez-de-chaussée

Existence d’une cave

Aménagements / travaux

Valeur foncière de l’habitat

Présence de services

Typicité du bâti

Activités économiques / emplois

Infrastructures de transport

Nombre d’habitants

Proximité d’une ville

Lieux sacrés

Patrimoine culturel et naturel

Tourisme

52L’identification de ces paramètres synthétiques est une étape incontournable pour aider l’action collective autour du risque de coulée de boue. Cette étape doit ensuite être poursuivie par la recherche d’une méthode, sorte de structure ou de squelette, capable d’intégrer ces différents paramètres et de conduire le diagnostic de vulnérabilité. Mais avant de présenter cette méthode de diagnostic, il est nécessaire d’engager une réflexion supplémentaire sur son échelle spatiale de validité.

Échelle de validité de la méthode de diagnostic

53La recherche d’indicateurs, quelle que soit leur nature (indicateurs de vulnérabilité, de développement durable) vise à qualifier le plus justement possible les espaces d’un point de vue particulier. A quelle échelle sont-ils susceptibles d’être valables ?

54Les paramètres de l’indicateur résistance seront sensiblement les mêmes sur des espaces très vastes face à un aléa déterminé. Ainsi, l’ensemble de l’Europe océanique tempérée présente une capacité de résistance aux aléas de l’érosion (en terres de grande culture) quasiment identique suivant la filière agricole.

55La situation est très différente pour les paramètres de  l’indicateur valeur. Etant donné que la valeur accordée aux objets rend ces objets vulnérables, il est évident que l’analyse de la vulnérabilité d’un site ne peut se passer de l’analyse des systèmes de valeur. L’échelle de validité de ces paramètres est valable sur des espaces moins étendus, donc des échelles plus grandes. Ceci se vérifie également dans l’étude de la vulnérabilité du bâti.

56Il existe deux manières de procéder pour évaluer la vulnérabilité d’un site : Soit, on met en place une méthode générale, facilement transposable à d’autres sites, mais peut-être partiellement incomplète, soit, on met en place une méthode propre à un territoire, mais plus difficilement transposable ailleurs.

57Quel est le choix le plus judicieux ? A cette difficile question, il est plus pertinent  de répondre par la solution locale : La demande d’évaluation du risque érosif (impliquant l’évaluation de la vulnérabilité) est une demande locale. Dans le département de l’Aisne, elle émane de plusieurs acteurs : Chambre d’Agriculture par le biais de la Mission Erosion, maires de communes sinistrées, agriculteurs soucieux de préserver leur environnement. Cet état de fait est valable dans l’Aisne, mais il l’est également dans d’autres régions de France, notamment en Pays de Caux (Cartier, 2002).

58Si la réponse est trop générale, on s’achemine alors, de manière presque certaine, vers une insatisfaction partielle de la demande. Or, si l’objectif est de faire de la recherche fondamentale, le but, à terme, est de proposer des outils d’aide à la décision pour les politiques. Ces outils risquent alors de ne jamais pouvoir réellement satisfaire la demande. C’est la raison pour laquelle il est préférable de se tourner vers une méthode de diagnostic local, applicable sur place.

59Choisir l’échelle locale ne permet pas de faire l’économie d’une réflexion plus précise sur ce qu’on décide être le local. S’agit-il de l’échelle communale, de celle du bassin-versant ou encore celle de l’espace type évoquée plus haut ?

60La commune présente l’avantage d’être réellement un territoire dans le sens que lui donne classiquement la géographie culturelle, à savoir une forme d’enracinement et d’attachement aux lieux, susceptible de créer une identité (Claval, 1995). La commune est un espace approprié, perçu et vécu. Le bassin-versant, quant à lui, est une entité spatiale peu concrète dont les locaux n’ont pratiquement jamais conscience. Puisque nous intégrons des notions telles que les systèmes de valeur, les perceptions, les représentations et les savoirs locaux dans notre démarche, il est difficile de s’appuyer sur un espace non approprié. Reste qu’il est difficile aussi d’écarter radicalement le bassin-versant comme échelle pertinente. Les auteurs travaillant sur l’impact des processus érosifs s’accordent à dire qu’elle est la seule permettant véritablement une gestion efficace de ce risque. Entre nécessité d’appropriation et recherche d’efficacité, on cerne mieux les difficultés inhérentes au choix d’une échelle pour étudier la vulnérabilité. Il est possible de résoudre ce problème en identifiant l’échelle communale comme pertinente actuellement, sans écarter la possibilité de la remplacer, le moment venu, par celle (plus pertinente encore) du bassin-versant. Les prémices d’une appropriation progressive des bassins-versants sont d’ailleurs sensibles, laissant penser que ce "moment venu" n’est pas forcément éloigné dans le temps. Les processus de concertation, les réunions publiques, parlent des bassins-versants et diffusent auprès des habitants les contours de ces espaces. Nous espérerons que cette diffusion progressive finira, à terme, par générer des perceptions, puis des représentations et éventuellement des pratiques nouvelles. Les Syndicats de Rivières ou les SAGE (Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux) peuvent contribuer au développement de cette appropriation patrimoniale (Veyret et al., 2005).

61En dehors de cas, encore assez rares, où le bassin-versant est un espace compris, vécu et perçu par ses habitants, il reste très délicat de l’utiliser dans des démarches de qualification de la vulnérabilité. En outre, dans les trois communes identifiées comme sites-test, aucune action n’est véritablement menée à cette échelle. Le bassin-versant demeure encore un espace flou, peu mobilisé. L’échelle communale apparaît alors comme pertinente "par défaut". Malgré ses atouts, elle continue à poser problème dans la mesure où elle implique une discordance des espaces de l’aléa (bassin-versant) et de la vulnérabilité (commune). Travailler à cette échelle complique nécessairement la confrontation future de ces deux données pour estimer le niveau de risque. En revanche, cela permet d’intégrer les systèmes de valeur et les références culturelles communes des habitants, ce que ne permet pas le bassin-versant. Le choix de la commune pour délimiter le périmètre de caractérisation de la vulnérabilité est également intéressant puisque les PPR (Plans de Prévention des Risques) sont établis à cette échelle. Plus précisément, ils précisent et délimitent un bassin de risque (bassin-versant ou périmètre autour d’une usine Seveso, par exemple). Ensuite, les communes situées à l’intérieur de ce bassin de risque sont en charge du PPR.

62L’échelle communale étant (provisoirement) sollicitée pour la qualification de la vulnérabilité, il faut alors se demander ce qu’il advient des espaces-types et sous-espaces types d’étude au sein de ces territoires communaux. Ils interviennent comme des notions susceptibles de découper l’espace d’étude de la vulnérabilité, améliorant ainsi les potentialités des résultats. Concrètement, cela signifie que le niveau de vulnérabilité est défini dans les contours de la commune, mais à l’échelle du sous-espace type. Autrement dit, le niveau de vulnérabilité n’est pas homogène sur une commune, il est variable d’un espace-type à l’autre (terres agricoles et bâti ne possèdent pas forcément les mêmes niveaux de vulnérabilité) et d’un sous-espace type à l’autre (on peut distinguer des nuances au sein d’un sous-espace type, entre le bâti ancien et récent par exemple).

63Cet ancrage dans le local, et plus particulièrement dans l’espace communal, n’exclut pas le fait que cette méthode de caractérisation de la vulnérabilité soit un jour transposable à d’autres sites. Certaines modifications seront nécessaires, notamment pour ajuster les systèmes de valeurs d’autres populations. La trame globale aura néanmoins le mérite d’exister. En outre, les adaptations inhérentes au changement de terrain d’étude sont moins compliquées que celles que nous serions amenés à effectuer si on partait d’une méthode plus globale. Le choix d’une étude locale, réalisée avec des indicateurs construits et valables localement possède deux avantages : L’adaptation possible à d’autres sites avec des contraintes minimes et une réponse adaptée vis-à-vis de la demande locale.

64De la volonté de travailler à l’échelle du sous-espace type, dans les contours d’une commune, émerge une question centrale : comment faire cohabiter sur une même carte des données aussi hétérogènes que la vulnérabilité des cultures agricoles et celle des sociétés ? On peut tout à fait envisager qu’il existe des situations où les terres agricoles possèdent un degré de vulnérabilité plus élevé que le bâti. On comprend bien ce qu’une telle carte peut avoir de gênant. Il serait totalement incohérent de dire qu’un espace peuplé d’hommes est moins vulnérable qu’un espace où personne ne vit. Comment de telles conclusions seraient interprétées ? Faut-il chercher à pondérer plus fortement les paramètres concernant le bâti de manière à ce que son niveau de vulnérabilité soit toujours plus élevé que celui des terres agricoles ?

Vers une cartographie de la vulnérabilité

65Pour répondre aux questions précédentes, il faut reposer la question du public concerné par ces cartes de vulnérabilité. Elles sont présentées différemment suivant que leur objectif est d’informer ou de réglementer (Veyret, 2004). Notre objectif est surtout de proposer des documents informatifs, susceptibles d’être intégrés dans des DCS (Dossier Communal Synthétique), des DICRIM (Dossier d’Information Communal sur les Risques Majeurs) ou des DDRM (Dossier Départemental sur les Risques Majeurs), par exemple. Or, le public concerné par ces informations n’est pas le même suivant qu’il s’agit de la vulnérabilité du bâti ou de celle des terres agricoles : le bâti intéresse essentiellement les habitants alors que les terres agricoles concernent plus particulièrement les agriculteurs. Ces derniers sont d’ailleurs bien moins nombreux puisque dans les communes étudiées, leur nombre varie de deux (Soucy) à huit (Erlon), en incluant les agriculteurs extérieurs à la commune. Pour cette raison, il est préférable que les cartes de vulnérabilité du bâti et celles des terres agricoles restent séparées.

66Une autre raison nous conforte dans ce choix et concerne plus spécifiquement le degré de précision de l’information délivrée par ces cartes. La vulnérabilité est caractérisée sur une échelle allant de 1 à 5. Elle est ainsi en adéquation avec celle proposée par l’INRA d’Orléans pour la caractérisation des niveaux d’aléa (Dubreuil et al., 2003). A partir du moment où l’on souhaite faire figurer sur la même carte la vulnérabilité des terres agricoles et celle du bâti, nous sommes obligés de pondérer plus fortement les paramètres du bâti. Cette opération est nécessaire pour éviter que le bâti apparaisse (dans certains cas) moins vulnérable que les terres agricoles. Cette pondération évite que les terres agricoles puissent atteindre les niveaux 4 et 5 (maximum) de vulnérabilité et que le bâti atteigne les niveaux les plus faibles, 1 et 2. On comprend alors que l’amplitude des résultats possibles est largement diminuée par cette pondération. Elle ne s’étend plus de 1 à 5, mais de 1 à 3 pour les terres agricoles et de 3 à 5 pour le bâti. Choisir de pondérer plus fortement les espaces bâtis fait perdre de l’information et surtout de la précision aux documents cartographiques.

67Pour ces deux raisons, nous choisissons de ne pas confondre la méthode de caractérisation de la vulnérabilité du bâti et celle relative aux terres agricoles. Il est préférable que les deux types de documents cartographiques, issus de ces deux méthodes, continuent de s’adresser à des publics différents. De ce fait, ils tiennent mieux compte des caractéristiques de chaque espace type. Les terres agricoles sont envisagées pour leur vulnérabilité intrinsèque, et non par opposition à celle du bâti. Chaque document est plus à même de répondre aux attentes spécifiques des habitants et des agriculteurs, entre autres.

68Il faut maintenant réfléchir aux moyens de combler le chaînon manquant entre les paramètres synthétiques de diagnostic et la carte de vulnérabilité. Autrement dit, il faut concevoir un outil capable de permettre concrètement le passage de la théorie à l’outil d’aide à l’action collective autour du risque de coulée de boue. Nous évoquions précédemment l’idée d’un squelette ou d’une armature, capable de contenir ces indicateurs et de mener le diagnostic. En réalité, ce "squelette" doit aller bien plus loin et permettre, dans le même temps, d’éclaircir le concept opaque de vulnérabilité, de le rendre accessible et praticable par une multitude d’acteurs, issus de cultures et de formations différentes, sans quoi l’action ne pourrait être véritablement collective.

69Pour répondre à ces différents critères de simplicité, de pédagogie et de multifonctionalité, l’outil se présente sous la forme d’une arborescence. L’utilisateur progresse à la manière des clés de détermination des flores, renseignant un paramètre après l’autre jusqu’à obtenir un niveau de vulnérabilité pour chaque sous-espace type.

Figure 1. Diagnostic de vulnérabilité du bâti, caractérisation de la vulnérabilité valable à l’échelle de la commune (Étape 1).

Figure 1. Diagnostic de vulnérabilité du bâti, caractérisation de la vulnérabilité valable à l’échelle de la commune (Étape 1).

70L’arborescence de diagnostic de vulnérabilité se décompose en quatre étapes. La figure 1 présente la première étape. Elle correspond à une caractérisation de la vulnérabilité valable à l’échelle de la commune. Elle fait intervenir successivement 4 paramètres : la « population de la commune », le « temps de trajet vers la ville la plus proche », les « transports en commun présents sur la commune » et enfin les « moyens de transport situés à moins de 15 minutes de la commune ». Un niveau de vulnérabilité provisoire est obtenu à la fin de la première étape. La deuxième étape précise le niveau de vulnérabilité à l’échelle communale en introduisant trois nouveaux paramètres : la « présence de services », la « typicité du bâti » et la « présence de tourisme » (figure 2).

71Un niveau global de vulnérabilité à l’échelle communale ayant été obtenu grâce aux deux premières étapes, l’utilisateur peut ensuite affiner ce niveau grâce à la troisième étape (figure 3). Celle-ci fait intervenir deux paramètres  de résistance se réalisant non plus à l’échelle de la commune, mais à celle du sous-espace type : « ancienneté du bâti » et « perpendicularité des ouvertures ». Enfin, la quatrième étape finalise le diagnostic de vulnérabilité et introduit, entre autres, la notion de valeur symbolique (figure 4).

Figure 2. Diagnostic de vulnérabilité du bâti (étape 2).

Figure 2. Diagnostic de vulnérabilité du bâti (étape 2).

Figure 3. Diagnostic de vulnérabilité du bâti (étape 3).

Figure 3. Diagnostic de vulnérabilité du bâti (étape 3).

Figure 4. Diagnostic de vulnérabilité du bâti (étape 4).

Figure 4. Diagnostic de vulnérabilité du bâti (étape 4).

72Des arborescences du même type existent pour diagnostiquer la vulnérabilité des terres agricoles (Liégeois, 2005). Elles fonctionnent exactement sur le même modèle. Dans les deux cas, l’utilisateur doit identifier des sous-espaces types de diagnostic et faire fonctionner les arborescences (étape par étape) à l’intérieur de chaque espace. Les différents niveaux de vulnérabilité obtenus lui permettent alors de cartographier le diagnostic de vulnérabilité en reportant les niveaux de vulnérabilité de chaque sous-espace type sur une carte.

73On peut illustrer les résultats obtenus grâce à cette méthode de caractérisation de la vulnérabilité dans les communes de Erlon (figure 5), Vierzy (figure 6) et Soucy (figure 7).

74L’avantage concret de cette méthode de diagnostic en termes d’action collective est de pouvoir être utilisée directement par les acteurs des milieux ruraux et de désigner rapidement des lieux prioritaires (en orange ou en rouge) pour l’action. Autrement dit, les utilisateurs n’ont pas besoin de posséder un équipement informatique lourd. Une bonne connaissance du terrain et une carte topographique au 1/25 000e peuvent suffire. Toute la démarche peut être conduite sans l’aide de l’informatique, si ce n’est pour des besoins esthétiques de présentation des résultats.

Figure 5. Niveau de vulnérabilité pour définir des priorités d’action collective à Erlon (réalisée par Marie Liégeois).

Figure 5. Niveau de vulnérabilité pour définir des priorités d’action collective à Erlon (réalisée par Marie Liégeois).

Conclusion

75La recherche d’indicateurs de vulnérabilité suit une démarche sensiblement identique à la recherche d’indicateurs de manière générale. Il faut veiller à ce que le nombre de ces indicateurs, et surtout des paramètres permettant de les caractériser, ne soit pas trop élevé de manière à ne sélectionner que les plus pertinents, les plus mobilisables et les moins redondants.

76Le cas spécifique de la caractérisation de la vulnérabilité passe par la distinction de deux indicateurs : la capacité de résistance d’un espace type et la valeur de cet espace. Les paramètres de résistance semblent plus facilement objectivables que ceux définissant la valeur. Ainsi, il parait nécessaire de laisser une place aux perceptions et représentations, aux savoirs locaux, à la culture locale, aux formes d’attachement qu’elle suppose donc, à une certaine forme de subjectivité. Des enquêtes formulées judicieusement auprès des populations soumises à ce risque permettent de mettre en place une telle approche.

77Le bilan que nous formulons consiste à penser qu’une méthode construite et valable localement est plus convaincante qu’une méthode plus généraliste. Elle s’adapte correctement à l’environnement et à la demande locale tout en restant transposable (sous réserves de modifications mineures) à d’autres sites d’étude.

78L’échelle de caractérisation de la vulnérabilité est celle du sous-espace type, dans le périmètre de l’espace communal. L’adaptation aux contours du bassin-versant est envisageable lorsque ceux-ci constituent véritablement des territoires. Ce cas de figure étant assez peu développé, la commune demeure, pour le moment, une échelle d’étude pertinente.

Figure 6. Niveaux de vulnérabilité pour définir des priorités d’action collective à Vierzy (réalisée par Marie Liégeois).

Figure 6. Niveaux de vulnérabilité pour définir des priorités d’action collective à Vierzy (réalisée par Marie Liégeois).

Figure 7. Niveaux de vulnérabilité pour définir des priorités d’action collective à Soucy (réalisée par Marie Liégeois).

Figure 7. Niveaux de vulnérabilité pour définir des priorités d’action collective à Soucy (réalisée par Marie Liégeois).

79Les cartes de vulnérabilité des terres agricoles et du bâti, produites grâce à cette méthode, ne doivent pas être agrégées. Il est préférable qu’elles restent des documents distincts, à destination de publics aux attentes différentes.

80En définitive, l’action collective autour du risque de coulée de boue est largement encouragée et facilitée par ce type d’outil. Simple à utiliser, il permet des échanges fructueux, non seulement entre le monde de la recherche et les acteurs locaux, mais aussi entre les acteurs eux-mêmes ou les habitants et les sinistrés. Au-delà du strict diagnostic de vulnérabilité, cet outil est également un outil de dialogue, de concertation et de partage. Le concept de vulnérabilité étant détaillé et clarifié grâce aux paramètres des arborescences, les utilisateurs peuvent réellement l’assimiler et le pratiquer, s’appropriant ainsi la démarche de diagnostic. Enfin, la possibilité de cartographier les résultats constitue une opportunité de sensibiliser, d’informer et de communiquer sur le risque d’érosion accélérée, de ruissellement et de coulée de boue. Cet outil offre une sorte de langage commun simplifié et accessible aux utilisateurs potentiels. C’est en ce sens qu’on peut le considérer comme un vecteur important de l’action collective. Sans chercher à lisser ou homogénéiser des discours et des points de vue, il peut les intégrer, sans perdre de vue l’originalité du contexte (social, naturel, environnemental).

81La vulnérabilité demeurant encore un concept peu vulgarisé, il faudrait, par la suite, s’intéresser en profondeur aux risques et aux limites d’une carte de vulnérabilité. Que pourrait-elle signifier, dire ou cacher à des observateurs n’ayant pas conscience de la polysémie de ce terme ? Serait-elle mal ou non comprise ? Constituerait-elle une perturbation pour la stabilité des prix du foncier ? Toutes ces questions nécessitent des réflexions supplémentaires, mais absolument fondamentales, sur les moyens d’encadrer la diffusion de telles cartes et de produire des outils ou des clés de lecture aidant à leur compréhension.

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List of illustrations

Title Tableau 1. Paramètres généraux de vulnérabilité des terres agricoles et du bâti. Ces paramètres sont classés en fonction de leur validité temporelle. Plus ils sont situés vers le haut de la liste, plus ils ont un caractère pérenne et inversement.
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3628/img-1.png
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Title Figure 1. Diagnostic de vulnérabilité du bâti, caractérisation de la vulnérabilité valable à l’échelle de la commune (Étape 1).
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3628/img-2.png
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Title Figure 2. Diagnostic de vulnérabilité du bâti (étape 2).
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Title Figure 3. Diagnostic de vulnérabilité du bâti (étape 3).
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Title Figure 4. Diagnostic de vulnérabilité du bâti (étape 4).
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3628/img-5.png
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Title Figure 5. Niveau de vulnérabilité pour définir des priorités d’action collective à Erlon (réalisée par Marie Liégeois).
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Title Figure 6. Niveaux de vulnérabilité pour définir des priorités d’action collective à Vierzy (réalisée par Marie Liégeois).
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Title Figure 7. Niveaux de vulnérabilité pour définir des priorités d’action collective à Soucy (réalisée par Marie Liégeois).
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References

Electronic reference

Marie Liégeois, Paul Arnould and Stanislas Wicherek , « Tous vulnérables ? le diagnostic de vulnérabilité aux aléas de l’érosion : un outil pour l’action collective », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 6 Numéro 3 | décembre 2005, Online since 01 December 2005, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/3628 ; DOI : 10.4000/vertigo.3628

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About the authors

Marie Liégeois

Docteur en géographie, ATER à l’Université Jean Monnet  de Saint-Étienne marliegeois@neuf.fr

Paul Arnould

Professeur des Universités, École Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines de Lyon

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Stanislas Wicherek

Directeur de recherches au CNRS

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