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Dossier : Les actions collectives pour gérer l'environnement

Une analyse des services environnementaux produits dans un département français

Vicard Fanny , Aznar Olivier , Herviou Serge and Geneviève Brétière

Abstracts

This study proposes analysis of environmental services production of a French department, “Puy de Dôme” (7970 km ²) during year 2002. Because of few number of statistical data on environmental services, we had managed an exhaustive perusal of a French regional daily paper (La Montagne). We found 151 environmental services during year 2002. Numerous environmental services concern rivers. Our study highlights important role, at the local level, played by associations, volunteers and local publics actors in the supply of environmental services, which seems besides connected with the nearness of an urban pole. Urban nearness favors production of environmental services because associations and volunteers able to produce environmental services are more numerous near cities than in isolated rural areas. However, these results are to be put in perspective because regional daily press on represents actions of local actors to the detriment of other producers of environmental services.

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Full text

Introduction

1Au niveau local, une nouvelle famille de services connaît un développement croissant : les "services environnementaux" qui peuvent se définir comme des actions visant à améliorer ou à maintenir en l’état des biens environnementaux (eau, air, sol...) aussi bien dans les zones urbaines que rurales. Or les modalités de production de ces services environnementaux demeurent mal connues en dépit de leur développement croissant.

2L’objectif de notre travail est de recenser les services environnementaux offerts sur un espace local. Nous choisissons une échelle locale afin de disposer d’un aperçu exhaustif de l’offre de services et des mécanismes économiques sous-jacents, sans chercher à inférer les résultats à une échelle plus large. C’est pourquoi nous avons choisi l’échelle d’un département français (moins de 8000 km²) pour mener ce travail. Nous nous intéressons plus particulièrement à la nature et aux sources de financement des services environnementaux produits, ainsi qu’aux principaux protagonistes. La question centrale que nous traitons alors est la suivante : comment s’organise l’offre de services environnementaux sur un territoire local ? En complément, nous traitons la question de la localisation des services environnementaux à l’échelle d’un département, notamment du point de vue de la localisation urbaine ou rurale des services environnementaux.

3Ce travail de description nécessite de s’appuyer sur un ensemble de données. Comme peu de données statistiques existent sur les services environnementaux (Aznar 2002), nous avons recours à la presse quotidienne régionale (PQR) (Charon, 1996 ; Mathien, 1993) et plus particulièrement aux articles publiés dans le journal La Montagne pour réaliser une recension des services environnementaux à partir de la lecture d’articles publiés. En effet, il s’agit de porter un éclairage sur les services environnementaux fournis localement et pour lesquels la PQR est un excellent vecteur, en tant que miroir de la société locale (Bossard, 1997).

4Tout d’abord, nous allons définir la notion de service environnemental et les éléments le caractérisant. Puis nous présenterons la méthodologie employée pour identifier et analyser à partir de la source PQR l’offre de services environnementaux à l’échelle d’un département. Enfin, nous énoncerons les principaux résultats obtenus concernant la production de services environnementaux à l’aide de cette source de données.

Cadre d’analyse des services environnementaux repérés dans la presse quotidienne régionale

5Afin d’identifier les différents services environnementaux présentés par les articles recueillis dans la presse quotidienne régionale, nous avons défini la notion de service environnemental et les différents éléments les caractérisant.

Figure 1. Présentation schématique d’un service environnemental

Définition d’un service environnemental

6Nous définissons un service environnemental (figure 1) comme une activité intentionnelle de maintien ou d’amélioration d’un bien support naturel, cette activité ayant pour finalité l’amélioration de la qualité environnementale du bien support.

7Nous retenons quatre critères permettant de qualifier un service environnemental (Aznar, 2002) :

  • le premier concerne le bien support sur lequel est produit le service environnemental : ce bien support fait partie de l’espace naturel;

  • Le deuxième représente l’acte technique, c’est-à-dire la modification du bien support;

  • Le troisième caractérise le service comme un acte volontaire, c’est-à-dire intentionnel;

  • Le dernier critère concerne la visée collective du service. Le service environnemental est donc un bien public au sens économique. Pour le prestataire, il existe une compensation au service rendu, le plus souvent sous forme monétaire, mais nous verrons que ce n’est pas toujours le cas quand les prestataires sont des bénévoles, regroupés ou non en association.

Les autres éléments caractérisant les services environnementaux

8A partir de la définition des services environnementaux en quatre critères, nous pouvons déterminer d’autres caractéristiques importantes à notifier pour ces services, sans que ces dernières ne fassent partie de la définition des services.

Nature du bien support du service environnemental

9Il est important de discerner les types d’espaces qui sont concernés par la réalisation de services environnementaux. En général, font partir des services environnementaux les activités de gestion (création ou entretien) des biens supports suivants :  

  • les espaces naturels : rivière, lac, forêt, biodiversité, collecte des déchets;

  • les espaces verts publics : espaces verts, parcs urbains, plantation d’arbres ornementaux, enfouissement des réseaux;

  • les espaces de loisirs de pleine nature  tels que les sentiers de randonnées, les voies d’escalade, les pistes de ski de fond.

La propriété du bien support.

10En principe, un ou plusieurs agents économiques se sont appropriés les biens supports ; . il s’agit de la propriété au sens juridique du terme. On peut ainsi distinguer la propriété privée du bien support qui permet à son propriétaire de se réserver toutes les utilités du bien (si le bien n’est pas loué ou mis sous tutelle) et la propriété publique du bien (le propriétaire est alors un agent public et le bien est libre d’accès).

11La production des services environnementaux peut se schématiser de la manière suivante, où trois acteurs entrent donc en jeu :

  • Le commanditaire : ce terme désigne l’initiateur de la demande de service environnemental auprès du prestataire et participe à son financement. C’est le commanditaire qui agit au nom de l’usager final (cf. infra) et médiatise sa demande. De par la dimension souvent collective des services environnementaux, les commanditaires appartiennent généralement aux pouvoirs publics  mais ce n’est pas une règle irrévocable.

  • Le prestataire du service environnemental : il met à la disposition du commanditaire sa force de travail, son matériel et ses (éventuelles) compétences spécifiques afin de répondre aux besoins de ce dernier.

  • L’usager : il est le destinataire final du service environnemental. Il peut posséder ou bien seulement utiliser le bien support.

Processus de production du service environnemental

12Par processus de production, nous entendons les différentes étapes du déroulement d’un service environnemental. Il s’agit tout d’abord de l’initiation de la demande de service, puis de l’émergence de l’offre de service (qui peut l’assurer ? avec quels moyens ?). Ensuite, la phase de production proprement dite a lieu. Elle peut se dérouler sous la forme d’une co-production entre offre et demande, à la manière d’autres activités de service. Enfin, l’usager ou le commanditaire évalue le service environnemental pour déterminer s’il remplit les objectifs assignés initialement.

13Le processus de production peut associer différents acteurs économiques (prestataire, commanditaire, experts, usagers….). Il peut aussi se dérouler en auto-production assurée par un seul acteur économique (prestataire et commanditaire sont confondues).

Choix de l’outil de recensement des services environnementaux : la presse quotidienne régionale

14Pour recenser les services environnementaux offerts sur le plan local, la presse quotidienne régionale (PQR) nous a paru être un choix judicieux. En effet, les services repérés dans la presse présente des spécificités. Nous avons déjà expérimenté le dépouillement de dossiers administratifs de financement de services environnementaux (ex : politiques agri-environnementales) (Aznar, 2002) mais nous avions une assez mauvaise vision de la place dans les services environnementaux des associations locales, des bénévoles et des actions non financées par les pouvoirs publics via des dispositifs incitatifs. Recourir à la presse quotidienne régionale permet de mettre l’accent sur l’action publique locale (portée par les collectivités territoriales, les associations et les bénévoles) et son rôle dans la production de services environnementaux.

15La PQR a été expérimentée pour le relevé des conflits d’usage dans les espaces ruraux français. Une des rares recensions des conflits dans la PQR a été réalisée par Guillain en 2001. La méthode a ensuite été reprise par Janichon (2003), Lefranc & Torre (2004), Torre et al. (2005) et Jeanneaux (2006). Citons également le travail de Charlier (1999) qui traite de la conflictualité environnementale relevée dans une revue française spécialisée dans la défense de l’environnement. Nous reprenons cette méthode de recension exhaustive des articles de presse se rapportant à un thème pour le relevé des services environnementaux.

16Pourquoi choisir la PQR ? De par sa proximité et le grand nombre d’informations qu’elle diffuse, la presse quotidienne régionale est capable de matérialiser les services environnementaux offerts localement en fournissant des renseignements sur la date de réalisation, le lieu, les acteurs ainsi que l’acte technique. Il ne s’agit pas d’une spécificité française et cela se retrouve dans d’autres pays où cette étude aurait pu être menée en procédant au même type de recueil d’articles dans la PQR.

Méthodologie

Choix du terrain d’étude

17Nous avons choisi l’échelle départementale car elle nous semble adaptée à notre problématique. En effet, elle représente en France un échelon important de l’organisation administrative de nombreuses activités. Par ailleurs, elle est la base de l’organisation de nombreuses activités ludo-sportives (chasse, pêche, randonnée), et de nombreuses activités de protection de la nature ou de prévention des risques naturels. Enfin, la diffusion de la PQR est réalisée le plus souvent à cette échelle.

18Notre choix concernant le terrain d’analyse s’est porté sur le département français du Puy-de-Dôme (7970 km²) (figure 2) car c’est un département situé dans la moyenne de la population française. Il contient une ville importante, Clermont-Ferrand (150 000 habitants intra muros) dont l’agglomération regroupe 43% de la population totale du département. . Au sein de ce département, les usages de l’espace rural et périurbain sont particulièrement diversifiés : on trouve de grandes plaines céréalières très productives en Limagne, des zones montagneuses (avec le Puy de Sancy, point culminant du Massif central à 1885 mètres), où l’élevage bovin et ovin est très développé. Les zones montagneuses attirent de nombreux touristes et pratiquants d’activités ludo-sportives. Cette grande diversité d’usage est le gage de couvrir un panel important de services environnementaux sans prendre le risque qu’un usage prédomine vis-à-vis des autres (cela aurait été vraisemblablement le cas dans un département situé au bord de la mer). Enfin, le département du Puy-de-Dôme présente une édition du journal La Montagne, appartenant à la PQR.

L’outil de recensement

19Le journal La Montagne étant en situation de monopole sur le Puy de Dôme, notre choix s’est porté sur ce quotidien généraliste pour inventorier les services environnementaux offerts localement.

20Nous avons effectué l’inventaire des services environnementaux au cours d’une année complète (2002) pour ne pas oublier certaines activités saisonnières liées aux services environnementaux (ex : entretien d’un espace naturel).

Figure 2. Localisation du département du Puy-de-Dôme

Dépouillement des articles

  • 1  Si l’on considère le journal La Montagne dans sa totalité, il comporte 12 éditions comme le signal (...)

21Le journal La Montagne se présente, dans le département du Puy-de-Dôme, sous la forme de quatre éditions1 : Clermont-Ferrand, Issoire, Riom et Thiers-Ambert. Le travail de collecte a consisté à parcourir tous les articles publiés (à partir de la lecture des titres et des chapeaux) au cours de l’année 2002 et ce dans les quatre éditions. Suite à ce travail de repérage, nous avons procédé à un dépouillement minutieux des articles. La première phase de celui-ci a consisté à lire chaque article pour ne retenir que ceux qui contenaient effectivement un service environnemental (par l’application des quatre critères retenus précédemment) offert sur le département du Puy-de-Dôme Au final, 230 articles ont été retenus, les autres étant peu exploitables en raison d’information trop partielle : nous ignorions par exemple la nature du prestataire ou la localisation géographique du service.

22Nous avons ensuite élaboré une base de données des services environnementaux identifiés. Les critères de la base de données se réfèrent à la nature et à la propriété du bien support, aux différents intervenants (prestataires, commanditaires et usagers du service), à la commune dans laquelle est situé le bien support du service (on parle de localisation géographique), ainsi que le mode de financement.

23Au final, l’analyse des publications de la presse quotidienne régionale pendant une année nous a permis d’identifier 346 services environnementaux produits sur le département du Puy-de-Dôme  (contenus dans les 230 articles), dont 151 pouvant faire l’objet d’une analyse approfondie. Le nombre total de 346 services recensés à travers la PQR montre l’intérêt de cette source de données pour identifier des services environnementaux. En moyenne, nous avons relevé 1,5 services par article étudié. Les résultats présentés à la suite portent sur les 151 services environnementaux exploitables (0,66 service par article car certains services environnementaux sont décrits dans plusieurs articles).

24La récolte des données au sein de la PQR a nécessité une semaine de travail pour 2 personnes à temps plein afin de compulser l’ensemble des articles dans les éditions de La Montagne publiées en 2002. Les articles ont été photographiés avec un appareil numérique, puis imprimés. La mise en forme des données s’est déroulé en trois temps : nous avons d’abord réalisé sous excel une base de données avec les 230 articles de presse abordant les services environnementaux (SE). Puis nous avons converti cette première base en une base de données des 346 SE. Ensuite, nous avons trié cette base pour identifier les 151 SE pour lesquels l’information était exploitable. Le temps de mise en forme des données a nécessité deux semaines de travail à temps plein pour deux personnes.

Un panorama des services environnementaux à travers la presse quotidienne régionale

25Après avoir dépouillé les différents articles collectés, nous avons cherché à identifier des éventuelles récurrences dans l’offre de services environnementaux.

 Les acteurs

 Les associations

26Notre dépouillement de la presse quotidienne régionale fait ressortir à l’échelle du département du Puy-de-Dôme le rôle important que jouent les associations dans la production de services environnementaux (SE). En effet, dans près de 45% des cas rencontrés (67 SE) , le service environnemental est réalisé par une association.

27Nous avons constaté une participation importante des sociétés de pêche qui réalisent 31% des services produits par les associations. Ces sociétés de pêche assurent notamment l’entretien ou le nettoiement des berges de rivière. De la même façon, des sociétés de chasse organisent des opérations de nettoyage des espaces naturels.  Enfin, des organismes tels que Concordia ou Jeunesse et Reconstruction (associations assurant l’organisation de chantiers de jeunesse) participent au débroussaillage de chemins, au balisage de sentiers de randonnées ou au débroussaillage des abords de monuments historiques (châteaux médiévaux, chapelles…).. Les espaces de loisirs de pleine nature (chasse, pêche, randonnée…) semblent donc concentrer une part considérable des services environnementaux offerts dans le Puy-de-Dôme.

28Cependant, il peut y avoir ici un  biais  important lié à la nature de la source. En effet, le journal n’aborde pas les services environnementaux classiques et quotidiens par exemple l’entretien des espaces verts par les employés communaux. La PQR insiste sur les services nouveaux, soit concernant l’opération matérielle sur le bien support, soit concernant le type de prestataire. C’est une des explications de la présence forte des associations qui trouvent à travers la PQR une vitrine pour leurs activités, valorisant également les membres des associations.

29Les articles de la PQR relatifs aux SE réalisés par les associations soulignent que la grande majorité des services environnementaux offerts par les associations sont réalisés bénévolement par leurs membres. A partir d’enquêtes réalisées précédemment (Aznar, 2002), nous savons que les associations offrent des services non marchands, qui donnent lieu à peu de flux financier, mais la PQR nous renseigne peu sur les aspects financiers des SE.

30Une partie de cette prépondérance des associations peut s’expliquer par leur multiplicité sur le territoire et par le nombre important d’adhérents. En effet, la pratique d’activités bénévoles dans le cadre associatif concerne 28% de la population des plus de 15 ans en France (Prouteau, Wolff, 2004). La prépondérance des associations dans la PQR peut aussi s’expliquer en partie par la  capacité de la presse quotidienne régionale à capter ces informations de proximité.

 Les bénévoles non affiliés à des associations

31Ce sont toutes les personnes qui donnent de leur temps gratuitement en dehors d’un cadre associatif. Ces opérations représentent 17% des services environnementaux offerts sur le département.

32Dans notre échantillon, les bénévoles interviennent principalement lors de "nettoyages de printemps", opérations d’envergure nationale organisées par un grand nombre de communes et faisant appel à la bonne volonté des citoyens. C’est pourquoi nous avons constaté que la plupart des services produits par des bénévoles étaient directement commandités par l’Etat et les communes. Le commanditaire « commune » est d’ailleurs souvent le premier bénéficiaire de ces services environnementaux de proximité qui participent à l’entretien du cadre de vie communal.

33De plus, il faut noter un fort partenariat dans le cadre de ces SE avec des entreprises privées, au moins dans le cadre de la publicité donnée à l’événement. On peut considérer que ces entreprises privées, dans le cadre de leurs actions de mécénat, font partie des commanditaires (même si cela peut prêter à discussion).  

34Ce résultat montre l’implication croissante des populations dans la préservation de leur environnement immédiat. En outre, la diffusion d’articles dans la PQR pourrait être un moyen de valoriser les bénévoles. Les photos accompagnant les articles permettent de reconnaître les participants et de les valoriser. Il ressort du dépouillement des articles que les participants sont souvent soit jeunes (scolaires, collégiens, lycéens, étudiants), soit retraités. Cela s’explique par le temps disponible pour ces deux catégories d’acteur et le caractère pédagogique des services environnementaux de nettoyages de printemps, avec l’objectif pour les organisateurs de ces opérations d’associer différentes générations.

35Cependant, les services environnementaux assurés par les bénévoles et commandités par les communes sont en partie le reflet d’une incapacité des communes à les financer réellement par ailleurs. Cette question mérite d’être posée même si nous n’avons pas les moyens d’y répondre dans cet article car cela nécessiterait des entretiens approfondis avec des initiateurs des nettoyages de printemps et avec des élus locaux concernés.

Les collectivités territoriales

36Les collectivités territoriales (communes, établissements intercommunaux, conseil général et conseil régional) assurent 22% de la production des services environnementaux sur le département, sachant que les communes représentent à elles seules près de 13% des services environnementaux.

37Les collectivités territoriales interviennent essentiellement sur des biens dont elles ont la tutelle (par exemple l’espace public de circulation) et mobilisent la plus grande proportion de fonds publics pour des montants souvent conséquents (supérieurs à 10 000 euros). Si nous nous intéressons plus particulièrement aux communes, nous pouvons constater qu’elles agissent principalement sur des biens supports naturels liés au milieu aquatique, à la circulation (chemins) et aux espaces de loisirs, Les objectifs recherchés concernent principalement l’embellissement du cadre de vie, l’amélioration des paysages, la lutte contre les inondations ou encore la lutte contre la pollution. Les communes sont alors à la fois commanditaires et prestataires, c’est-à-dire qu’elles fonctionnent principalement en auto-production.

38Cependant, pour les services portant sur l’espace résidentiel, souvent plus onéreux, les communes font généralement appel aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). En effet, ceux-ci bénéficient d’équipes plus spécialisées et de fonds propres plus importants. De plus, les EPCI peuvent mobiliser des financements auprès d’autres pouvoirs publics au niveau départemental, régional, national ou européen.

39Ces observations ne sont pas sans rappeler les nouveaux usages dont font l’objet les zones à dominante rurale. Celles-ci apparaissent de plus en plus comme des espaces résidentiels et récréatifs, et constituent un attrait particulier pour les populations citadines (Perrier-Cornet, 2001). Il semblerait alors que les services environnementaux constitueraient un bon indicateur des nouveaux enjeux des espaces ruraux, leur développement étant lié à l’apparition de nouvelles demandes dans ces types d’espaces. Il apparaît ainsi que les communes financent un nombre important de services environnementaux.

Les grands établissements en charge de réseaux

40Il s’agit des établissements publics ou privés qui assurent l’entretien de grands réseaux (eau, électricité, téléphone, route). Par exemple, l’entreprise en charge de l’entretien et de l’aménagement du réseau électrique en France appartient également à cette catégorie. Dans notre échantillon, ces établissements sont prestataires de moins de 3% des services environnementaux identifiés dans la PQR. Ils interviennent essentiellement sur l’espace résidentiel par des opérations d’intégration paysagère des équipements en réseau, services nécessitant des fonds considérables. Ils agissent principalement sur des biens dont ils ont la charge. Les établissements publics fonctionnent essentiellement en autoproduction. Ils assurent la totalité du processus de production du service, i.e. de son initiation jusqu’à sa réalisation en passant par son financement, avec parfois des financements complémentaires des pouvoirs publics. Par exemple, l’enfouissement des lignes électriques dans les villages est assuré conjointement par l’entreprise en charge du réseau électrique, un EPCI et la commune concernée.

Les agents relevant du secteur privé

41Il s’agit des agents qui exploitent économiquement le bien support (principalement les agriculteurs et les sylviculteurs) et des entreprises privées (en dehors des entreprises en réseau citées précédemment). Les services environnementaux concernés représentent moins de 5% de nos observations. Ce résultat est cohérent avec le fait que nous ne retenons que les services à visée collective. Les services environnementaux compris dans ces 5 % sont produits par exemple par des agriculteurs dans le cadre d’une politique agri-environnementale. Or la PQR n’est pas une très bonne source pour recenser les services environnementaux produits dans le cadre d’une politique agri-environnementale qui finance pourtant un nombre important de services environnementaux (Aznar, 2002). Nous pouvons donc supposer que ces 5% sont en dessous de la réalité.

42Notons qu’il reste 8 % des services environnementaux retenus qui n’apparaissent pas dans le panorama des prestataires que nous venons de présenter. Même si un  certain nombre d’informations sur ces services sont présentes, nous ignorons à quelle catégorie appartient leur prestataire.

43Finalement, le panorama des prestataires de services environnementaux identifiés à travers la PQR montre que celle-ci met l’accent sur l’action collective locale (associations, collectivités territoriales et bénévoles) dans la fourniture de services environnementaux. Cela s’explique par le rôle de la PQR que l’on présente souvent comme le miroir de la société locale (Bossard, 1997).

Biens supports des services environnementaux

44Nous présentons ici les principaux biens supports de services environnementaux. 26 % des SE sont produits sur des cours d’eau ou dans leur proximité immédiate. Ce chiffre important s’explique notamment par l’engagement important des sociétés de pêche dans la préservation des milieux aquatiques. De plus, les communes entretiennent de plus en plus souvent les cours d’eau afin de valoriser ce patrimoine naturel.

4518 % des SE sont produits sur des chemins. Ce résultat provient de l’attrait de la randonnée pédestre dans le département de moyenne montagne du Puy-de-Dôme. Les chemins sont entretenus et balisés par des bénévoles, des collectivités territoriales et des associations.

46Les SE de gestion de la faune, de la flore et des biotopes représentent 17 % des cas, en raison de l’implication des associations de chasse et des collectivités locales dans ce type de SE.

47La nature des biens supports concernés par les SE peut résulter  là encore des nouveaux usages que connaissent les espaces ruraux, notamment environnementaux, résidentiels et récréatifs.

Quelques résultats sur la localisation des services environnementaux

48Afin d’identifier si la proximité urbaine est en lien avec les SE, nous avons croisé sur la figure 3 la localisation des SE avec le zonage en aires urbaines et en aires d’emploi de l’espace rural (ZAUER) réalisé par l’Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE) et l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) (Hilal & Schmitt, 1997).

49La proximité d’une grande ville semble un facteur favorisant la production de services environnementaux car la majorité des services offerts dans le Puy-de-Dôme se situent à proximité de la métropole régionale de Clermont-Ferrand. Les villes moyennes Issoire et Thiers présentent également de nombreux services environnementaux produits à leur proximité. Les services environnementaux réalisés dans le pôle urbain de Clermont-Ferrand sont moins nombreux en raison du faible nombre d’espaces naturels dans un pôle urbain. Les services environnementaux disséminés dans les autres communes de l’espace à dominante rurale sont faibles. Ce résultat montre que les services environnementaux relevés dans la PQR sont réalisés dans les espaces qui conservent une physionomie rurale mais qui sont marqués par la périurbanisation. Il convient cependant de nuancer ce résultat dû probablement à la nature de la source de données : la PQR s’intéresse prioritairement aux services environnementaux qui concernent son lectorat. Or ce lectorat est important dans les zones périurbaines.

Figure 3. Localisation des services environnementaux dans le Puy-de-Dôme et ZAUER

Conclusion

50En définitive, nous avons pu aborder les caractéristiques économiques des services environnementaux (SE) sans épuiser ce vaste sujet. Nous avons identifié les prestataires, les commanditaires, les objectifs du SE, son bien support (nature et propriété), les modes de financement du service et les processus de production. Les observations tirées de notre analyse nous permettent d’élaborer la typologie illustrée au tableau 1.

51Nos résultats mettent en évidence l’importance des acteurs locaux dans la fourniture des services environnementaux, en particulier les associations, les bénévoles et les collectivités territoriales (tableau 1). Somme toute, on aurait pu s’attendre à ce résultat, mais il confirme l’importance de l’action collective locale dans les SE (cf. Aznar, 2002). Les SE réalisés par les acteurs privés et les établissements en réseau sont moins nombreux à être recenséspar la PQR. Ce résultat provient en partie de la nature de la source qui sur-valorise les actions de la société locale. La production de services environnementaux semble plutôt décentralisée, les collectivités territoriales disposant désormais d’une certaine autonomie financière qui leur permet de financer une part considérable des services environnementaux produits sur leur territoire.

Tableau 1. Typologie de l’offre de SE sur le département du Puy-de-Dôme.

Tableau 1. Typologie de l’offre de SE sur le département du Puy-de-Dôme.

52Cependant, cet avantage s’avère également la principale limite de notre travail. En effet, la confrontation de nos résultats avec ceux d’une précédente étude (Aznar, 2002) fait apparaître une large sur-représentation de certains acteurs locaux, tels que les associations et les communes, au détriment d’autres prestataires, tels que les grands établissements en réseau ou les agriculteurs. L’étude conduite en 2002 à partir de sources écrites (dossiers administratifs d’aides publiques, comptes administratifs des communs) et orales (entretiens auprès des prestataires de SE) fait apparaître que les associations produisent 14 % des SE et les collectivités locales 30 %. Ces résultats sont relativement convergents avec ceux de cet article. En revanche, les agriculteurs assurent dans l’étude de 2002 19 % des SE et les entreprises privées 28 %, ce qui est largement supérieur aux pourcentages relevés à partir de la PQR.

53Il en ressort que la presse locale ne donne ainsi pas une vision exhaustive des prestataires de services environnementaux. Cependant, elle s’est avérée particulièrement efficace pour identifier certaines initiatives locales, en particulier celles émanant d’associations ou de bénévoles, qui étaient difficilement repérées par les autres méthodes de recensement.

54Le recensement à partir de la PQR nous semble ainsi constituer une méthode complémentaire aux autres sources de données sur les SE. Mais l’investigation à partir de la PQR est relativement lourde et le temps de travail nécessaire est important.

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Bibliography

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Notes

1  Si l’on considère le journal La Montagne dans sa totalité, il comporte 12 éditions comme le signale le site de la presse quotidienne régionale www.spqr.fr.

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List of illustrations

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Title Tableau 1. Typologie de l’offre de SE sur le département du Puy-de-Dôme.
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/3703/img-4.png
File image/png, 103k
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References

Electronic reference

Vicard Fanny , Aznar Olivier , Herviou Serge and Geneviève Brétière, « Une analyse des services environnementaux produits dans un département français », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 6 Numéro 3 | décembre 2005, Online since 08 December 2008, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/3703 ; DOI : 10.4000/vertigo.3703

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Vicard Fanny

Université d’Auvergne et UMR Métafort – Cemagref – Clermont-Ferrand – France

Aznar Olivier

UMR Métafort – Cemagref – Clermont-Ferrand – Franceolivier.aznar@clermont.cemagref.frBretière Geneviève UMR Métafort – Cemagref – Clermont-Ferrand – France  

Herviou Serge

UMR Métafort – Cemagref – Clermont-Ferrand – France

Geneviève Brétière

UMR Métafort – Cemagref – Clermont-Ferrand – France,

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