1Lors d'une rencontre-discussion récemment organisée par la Libairie Oliveiri, Robert Nadeau (Professeur et directeur du département de philosphie de l'UQAM), disait que "la pensée scientifique n'est plus synonyme de pensée objective et désintéressée, ni d'accroissement automatique du bien-être personnel et encore moins de progrès social garanti. Le scientisme, cette croyance en l'omnipotence humaine qu'engendrerait par lui-même le déploiement illimité des savoirs disciplinaires et interdisciplinaires, est une forme de dogmatisme extrêmement préjudiciable à l'acquisition d'un authentique esprit scientifique". Pour celui-ci, l'authentique esprit scientifique emprunte des sentiers intellectuels qui ne mènent pas à l'obtention de certitudes, mais qui exigent du jugement. Cette idée rejoint, en partie, celle élaborée par G. Bourgeault (Professeur de l'UdM) dans le texte " l'incertitude et la responsabilité ".

2La perte de la certitude et la compréhension de l'incertitude semblent avoir leurs défenseurs. Cependant, un travail philosophique sur nos assises disciplinaires conduira-t'-il à "l'authentique esprit scientifique" vers lequel devraient cheminer les scientifiques inscrits dans la démarche de recherche-intervention? Les auteurs M. Richard et C. Garnier inscrivent indéniablement les sciences de l'environnement dans ce type de démarche. Une connaissance sur l'origine de notre manière d'appréhender notre discipline est, certes, un commencement incontournable. Sur ce point nous ne pouvons nier le propos de R. Nadeau. Néamoins, cette connaissance est-elle suffisante dans le contexte des sciences de l'environnement?

3Nous entretenir de notions spécifiques d'épistémologie, d'éthique ou encore des racines des différentes sciences incluses dans la sphère environnementale est une approche agréable et confortable, car elle nous donne des références personnelles que nous défendrons selon des croyances, souvent irrationnelles.

4En revanche, elle peut difficilement permettre d'aller plus loin dans l'action. L'action demande la compréhension d'une complexité de valeurs disparates dont la légimité provient du fait qu'elles sont formulées par une partie de la société. Ainsi, dans l'éthique environnementale on relève plusieurs courants majeurs de pensées (les droits des animaux, la valeur intrinsèque de la nature, le biocentrisme, l'écoféminisme, la libération de la nature) dont la connaissance disciplinaire ne permet que des comparaisons superficielles sans permettre d'atteindre les fondements interdépendants. À notre avis, ce sont des fondements interdépendants dont nous devrions tâcher de démêler les fils. Cette action devra être accompagnée de l'humilité nécessaire à l'écoute. Un travail ardu pour plusieurs raisons : 1) les sciences restent cantonnées dans leur place forte, 2) la formation reste majoritairement disciplinaire et 3) les véhicules d'expression permettant l'élaboration de nouvelles perspectives scientifiques sont peu nombreux.

5La revue VertigO s'est donnée comme mandat d'aborder des problématiques environnementales variées en permettant l'expression de toutes les tendances, allant des sciences naturelles, aux sciences sociales, ou encore allant des tenants de la connaissance à ceux de l'action à tout pris. En espérant, de cette manière, établir des jalons pour le développement d'approches cohérentes de notre environnement. C'est avec l'humilité des débutants que nous partons à l'aventure des sciences de l'environnement.