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2002

De la rue Notre-Dame au boulevard A-720 : Quel futur pour quel projet et quelle ville ?

François Gagnon, Luc Ferrandez and Patricia Clermont

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1L’étrangement nommé projet de «Modernisation de la rue Notre-Dame» proposé l’année dernière par le Ministère des Transports du Québec (MTQ) devait relier par un nouveau tronçon autoroutier en tranchée le Tunnel Louis-Hyppolite Lafontaine au tronçon de l’autoroute Ville-Marie se terminant – en venant de l’ouest – au pont Jacques-Cartier. Lors des audiences publiques menées par le Bureau d’Audiences Publiques en Environnement, le projet du MTQ a été supporté par les élus locaux et la majorité des acteurs économiques mais a été vertement critiqué par la plus grande part de ceux qui ont décidé d’y faire entendre leur voix – citoyens, organismes préoccupés par la qualité de l’air, par la défense du transport en commun, par les questions d’environnement, par l’accès au fleuve, par le développement urbain et… par la Ville de Montréal.

2Il est impossible d’en faire ici complètement le tour et de leur rendre complètement justice, mais les arguments avancés par le MTQ et ceux qui défendaient ou donnaient leur aval au projet étaient essentiellement de deux ordres. D’abord, la construction d’un nouveau tronçon autoroutier était selon eux «nécessaire» et «urgente» pour assurer la fluidité de la circulation entre l’est de Montréal et le centre-ville. Dans cette perspective, la construction aurait permis d’améliorer la compétitivité et la productivité des industries de l’est montréalais; d’assainir la qualité de l’air (une meilleure fluidité, éliminant les arrêts-départs, aurait réduit la pollution atmosphérique); d’améliorer la desserte en transport en commun (en offrant des voies réservées partiellement en site propre jusque dans l’est de l’agglomération); d’agrandir la surface des espaces verts pour les quartiers limitrophes du projet et d’y réduire la circulation de transit, etc. D’autre part, ce projet était défendu par plusieurs acteurs (élus locaux, Collectif en Aménagement Urbain Hochelaga-Maisonneuve notamment) au nom d’une realpolitik : il était impossible pour eux que l’axe Notre-Dame, déjà un axe de transit très important, devienne autre chose qu’une autoroute. Devant cette «inévitabilité», ceux-là avaient décidé d’accepter – avec parfois des réserves mineures - le projet du Ministère des Transports du Québec.

3La diversité des oppositions au projet rend également impossible de rendre compte de l’ensemble très hétéroclite des arguments qui ont mené au rejet du projet par les commissaires du BAPE. Il n’est pas faux de dire, toutefois, que les arguments les plus fréquents et les plus dommageables pour le projet portaient sur le caractère viable et durable de la solution du MTQ. En effet, selon les prédictions très optimistes du MTQ lui-même, les gains de fluidité allaient être annulés dès 2011 – moment où les augmentations de déplacements motorisés induits par la nouvelle infrastructure allaient à nouveau dépasser sa capacité théorique et résulter en des vitesses de circulation comparables à celles constatées aujourd’hui… à la différence près que c’est près du double de véhicules qui auraient été pris dans les bouchons en question. La solution du MTQ allait donc avoir des effets bénéfiques pendant quelques années tout au plus, la fin de la construction de l’autoroute en question étant prévue pour 2006. Les opposants ont donc réussi à convaincre les commissaires que, dès ce moment: 1) la plupart des effets positifs du projet allaient disparaître : de nouveau, on assisterait au débordement de la circulation de transit dans les quartiers limitrophes, les pertes de temps pour les camions desservant les industries seraient aussi grandes, le caractère partiel des voies en site propre ferait en sorte que la compétitivité du transport en commun ne serait pas optimale et : 2) la construction d’une autoroute n’était pas nécessaire à plusieurs des objectifs que se donnait le MTQ à travers ce projet : requalification des quartiers limitrophes et plus particulièrement de la rue Ste-Catherine, agrandissement des espaces verts dans ces quartiers, limitation des débits de circulation en voiture privée vers le centre-ville, etc. Bref, c’est dans cet esprit que la commission du BAPE a recommandé au gouvernement de réexaminer sa solution en collaboration avec les représentants de la Ville de Montréal qui avaient, en lieu et place de l’autoroute, proposé un projet de nouveau développement urbain dans lequel s’insérait un axe de transport.

4Les négociations qui ont eu lieu à la suite du rapport du BAPE au sein d’un comité d’experts formé par la Ville et le MTQ ont été difficiles pour mener au projet actuel - qui respecte plus ou moins les volontés exprimées par la Ville aux audiences : le projet d’autoroute du MTQ étant pour lui une clé afin de pouvoir commencer le processus devant mener à la construction d’un nouveau pont sur la Rivière des Prairies en direction de Laval (d’ailleurs maintenant enclenché), il n’allait pas lâcher prise aussi facilement. Après quelques mois d’inertie, les négociations ont ainsi donné forme à un projet qui est passablement différent de ce que la Ville avait souhaité mais qui correspond quand même à quelques uns des principes énoncés au BAPE. Le véritable danger du projet actuel vient de ce que le contrôle du débit et de la vitesse de circulation (ce qui, au-delà de la rhétorique constituent les principales différences entre un boulevard urbain et une autoroute) ne sont garanties que par quatre feux de circulation qui pourraient très bien être retirés avec le temps (comme ce fût le cas sur la 440 à Laval et de la 116 sur la Rive-sud). C’est ce qui a fait dire à Robert Perreault, directeur du CRE-Montréal, que le projet pourrait très bien s’avérer celui de la construction d’une autoroute en deux temps. Le projet actuel – qui fera l’objet de consultations publiques très limitées cet automne (les consultations, semble-t-il, porteraient simplement sur les mesures d’apaisement de la circulation promises dans les quartiers limitrophes) – est en effet un compromis très important entre la Ville et le MTQ sur plusieurs points. En fait, la Ville a concédé au MTQ une emprise tellement large qu’elle empêche le nouveau développement urbain souhaité – ce qui était le point le plus important pour plusieurs groupes qui soutenaient le projet de la Ville. Mais le projet bonifie par ailleurs significativement le projet du MTQ sur d’autres points. Entre autres, les débits de circulation devraient être limités (si les promesses du Comité sont respectées) aux niveaux actuels si l’on considère l’ensemble du quadrilatère borné au sud par Notre-Dame et au nord par Sherbrooke – les autorités ayant promis des investissements à hauteur de $15 Millions dans des mesures d’apaisement de la circulation afin de s’en assurer; les voies réservées pour le viabus devant desservir l’est de l’île seraient en site propre sur toute la longueur du tracé, ce qui favorisera la performance des transports collectifs et le transfert modal; l’instauration de nouvelles voies réservées sur Pie-IX et Viau, ce qui permettra une meilleure desserte du sud du quartier Hochelaga-Maisonneuve un secteur très mal desservi par la STM, etc.

5Les débats qui ont été menés alentour de la rue Notre-Dame semblent peut-être vains pour certains: trop limités, trop peu, trop tard diront-ils. Mais ils pourraient être le signe que nous assistons au début d’un nouveau régime d’organisation de nos déplacements dans la région de Montréal. Le temps en est venu et c’est en tout cas ce que nous souhaitons afin d’inscrire le développement de cette ville dans la durée plutôt que dans l’immédiateté et la tyrannie de l’urgence qui nous a menés ici aujourd’hui.

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Electronic reference

François Gagnon, Luc Ferrandez and Patricia Clermont, « De la rue Notre-Dame au boulevard A-720 : Quel futur pour quel projet et quelle ville ? Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Regards / Terrain, Online since 01 October 2002, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/4158 ; DOI : 10.4000/vertigo.4158

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