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2002

2002 - La deuxième année la plus chaude de l'histoire

Lester R. Brown
Translated by Jacques Bougie

Full text

1Les températures enregistrées durant les onze premiers mois de l'année 2002 indiquent que cette année est la deuxième plus chaude, depuis 150 ans. Les données recueillies par l'Institut Goddard des Sciences Spatiales montrent une température moyenne de 14,65 degrés Celsius pour 2002, ce qui est légèrement en dessous de celle de 1998, 14,69 degrés Celsius, mais nettement au-dessus de celle de 14 degrés Celsius qui a prévalu entre 1951 et 1980 (GISS, 2002).

2Une évidence se dégage de l'interprétation de ces données : la température est à la hausse et ce mouvement s'accélère. On en veut comme preuve que depuis 1867, date à partir de laquelle les données climatiques ont été enregistrées, les quinze années les plus chaudes jamais répertoriées se situent après 1980. Même en considérant un record de froid en décembre 2002, on constate que les trois années les plus chaudes de l'histoire se sont produites durant les cinq dernières années (GISS, 2002; L. Brown, 2002).

3Nous observons une double tendance: 1) une propension à la hausse de la température annuelle à long terme et, 2) des indications mensuelles confirmant l'accélération de cet accroissement. Au contraire des températures locales qui varient grandement d'une saison à l'autre, la température moyenne à la surface de la planète est remarquablement stable tout au long de l'année, due au fait que les hémisphères Nord et Sud s'équilibrent. Cependant, la température de janvier 2002, avec 14,72 degrés Celsius, représente le mois de janvier le plus chaud de l'histoire. Scénario identique pour le mois de mars 2002 avec ses 14,91 degrés Celsius qui en font le plus chaud jamais enregistré. Pendant cette même année, pour sept des huit mois suivants, soit d'avril à novembre, la température moyenne se classe soit en deuxième, soit en troisième position des plus chaudes. En fait, seul octobre a fourni un répit, si l'on peut dire, avec seulement la quatrième position au palmarès des mois d'octobre les plus chauds de l'histoire (GISS, 2002).

4L'augmentation de la température à la surface de la planète n'est pas une surprise pour les chercheurs en sciences atmosphériques qui étudient les répercussions climatiques créées par l'augmentation de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère. Depuis que l'on enregistre les données au sujet du CO2, le principal gaz à effet de serre, sa concentration ne cesse d'augmenter et atteint chaque année un nouveau sommet, ce qui en fait l'indicateur environnemental le plus prévisible (Keeling et Whorf, 2002).

5L'augmentation de CO2 dans l'atmosphère est causée par la combustion à grande échelle de carburants fossiles. L'ampleur de cette dernière dépassant de loin ce que la nature peut recycler. Les augmentations de températures observées ces deux dernières décennies concordent avec les résultats de recherches qui utilisent les modèles climatiques informatisés pour prédire les effets de la hausse de CO2 sur le climat de la planète.

6Le Groupe d'experts International sur l'évolution du climat (GIEC), groupe formé de 1500 des plus éminents scientifiques spécialistes du climat, annonce que si la hausse prévue de niveaux de CO2 se maintient, la température moyenne de la planète augmentera de 1,4 à 5,8 degrés Celsius d'ici la fin du siècle actuel. Peu importe le degré atteint, on peut dès maintenant extrapoler au sujet de l'effet destructeur que cela aura sur les écosystèmes terrestres et par ricochet sur les économies de marché qui en dépendent (Cubasch et al., 2001).

7Il existe plusieurs indicateurs d'une température élevée, autre que le relevé du thermomètre. Mentionnons les vagues de chaleur mortelles, les récoltes détruites et la fonte des glaciers. En mai 2002, une vague de chaleur record dans le sud de l'Inde, avec 45,6 degrés Celsius, a causé la mort de 1 000 personnes l'état de Andhra Pradesh. Dans une société dépourvue d'air climatisé, il n'y a pas d'échappatoire possible. Dans la région d'Islamabad, capitale du Pakistan, la température atteignit 47 degrés Celsius en juin! (Agence France Presse, 2002).

8Depuis les débuts de l'agriculture, il y a de cela 11 000 ans, les fermiers n'ont jamais affronté de températures aussi chaudes. Dans les régions de grande production céréalière, telles que les États-Unis et l'Inde, le rendement des cultures a décliné au fur et à mesure que la température augmentait. Dans l'hémisphère Nord, plusieurs semaines de températures record conjuguées à de faibles pluies ont flétri les récoltes dans plusieurs pays, réduisant de 72 millions de tonnes le rendement de 1 895 millions de tonnes prévu pour 2002 (USDA, 2002).

9À l'Institut International de Recherche sur le Riz, au Philippines, des écologistes ont découvert que la fertilisation du riz, d'une efficacité de 100 % à 34 degrés Celsius, tombait à presque 0 % lorsque la température atteignait 40 degrés Celsius. Des scientifiques du Département d'Agriculture des États-Unis ont observé un effet de température identique chez d'autres cultures céréalières. Maintenant, il est devenu une règle scientifique bien connue que chaque degré d'augmentation de la température au-dessus de celle du rendement optimum, équivaut à une baisse de 10% dans le rendement des récoltes céréalières (Sanchez, 2002; Elstein et al., 2002).

10La fonte des glaciers est un des indicateurs les plus sensible de l'élévation des températures. Les scientifiques observent maintenant une fonte généralisée des glaciers dans tous les massifs montagneux d'importance, incluant les Montagnes Rocheuses, les Alpes et l'Himalaya. En Alaska, où la température dans certaines régions a augmenté de 5 à 10 degrés Celsius au dessus de la normale, la fonte des glaces est beaucoup plus rapide que prévue (Egan, 2002).

11En Afrique, le sommet enneigé du Kilimandjaro a perdu 80% de sa surface depuis 1900. Un glaciologue de l'Université de l'Ohio, M. Lonnie Thompson, prévoit une disparition totale de son couvert de glace, au plus tard en 2020. Quant aux Américains, ils devront bientôt changer le nom du fameux " Glacier National Park ", car la moitié de ses glaciers a déjà fondu. Le Département de Géologie des États-Unis prévoit que l'autre moitié aura disparue d'ici 30 ans (Thompson et al., 2000).

12Dans un même ordre d'idée, les scientifiques ont découvert que la calotte polaire de l'Arctique a rétréci de 17 % en 23 ans. L'amincissement de la glace, par contre, s'accélère davantage. Puisque cette quantité de glace est déjà dans l'eau elle n'affectera pas le niveau des océans, par contre elle aura un effet direct sur la température des océans et de l'atmosphère. Lorsque les rayons solaires atteignent la banquise, 80 % de ceux-ci sont réfléchis dans l'espace et 20 % sont convertis en chaleur. À l'opposé, lorsque les rayons du soleil frappent une eau libre de glaces, seulement 20% sont réfléchis et 80% sont convertis en chaleur, accélérant ainsi le réchauffement de toute la région (Serreze et al., 2002). Les scientifiques sont également inquiets au sujet du Groenland, car si tout son couvert de glaces, d'une épaisseur de 2 kilomètres par endroits, venait à fondre complètement, le niveau des mers augmenterait de 7 mètres (Dahl-Jensen, 2000).

13Quelques entreprises commencent à réagir au réchauffement. La Fédération Nationale de Ski des États-Unis, découragée par le manque de neige sur les pentes de ski et du peu de progrès au niveau des changements climatiques, a lancé la promotion " Keep Winter Cool ". La Fédération envisage l'achat de monte-pente fonctionnant à l'énergie éolienne, dans le but de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. D'autres secteurs de l'économie, tels que l'agriculture et les compagnies d'assurances, projettent également de faire pression afin de réduire l'usage de combustibles fossiles au fur et à mesure que les coûts imputables aux changements climatiques deviennent insupportables (Tolme, 2002).

14La dégradation du climat de la planète est une chose sérieuse que l'on ne devrait pas prendre à la légère. Les risques sont grands, car les changements climatiques peuvent déraper hors de tout contrôle, laissant les générations futures aux prises avec des problèmes de températures accablantes, de récoltes détruites, de vagues de chaleur mortelles, de glaciers qui disparaissent et de niveau des océans montant à l'assaut des continents.

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Bibliography

Goddard Institute for Space Studies (GISS), NASA Goddard Space Flight Center Earth Sciences Directorate, "Global Temperature Anomalies in .01 C," , 10 December 2002.

Lester R. Brown, "This Year May Be Second Warmest on Record," Eco-Economy Update, 2001.

Keeling, C.D., Whorf, T.P, and the Carbon Dioxide Research Group, "Atmospheric Carbon Dioxide Record from Mauna Loa," Scripps Institution of Oceanography, University of California, at , June 2002.

Cubasch U. et al., "Projections of Future Climate Change," in IPCC, Climate Change 2001: The Scientific Basis. Contribution of Working Group I to the Third Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, (Cambridge and New York: Cambridge University Press, 2001), p. 527.

Agence France-Presse, India's Heatwave Toll 1,200, No Respite in Sight," 23 May 2002.

USDA-United States Department of Agriculture, Foreign Agricultural Service, Production, Supply, and Distribution, electronic database, Washington, DC, updated 13 November 2002.

Sanchez, P., "The Climate Change - Soil Fertility - Food Security Nexus," Summary note for Sustainable Food Security for All by 2020, 2002. Elstein D. et al., "Leading the way in CO2 Research," Agricultural Research, October 2002.

Egan, T., "Alaska, No Longer So Frigid, Starts to Crack, Burn and Sag," New York Times, 16 June 2002.

Thompson L.G. et al., "Kilimanjaro Ice Core Records: Evidence of Holocene Climate Change in Tropical Africa," Science, 18 October 2002, pp. 589-593;

Lisa Mastny, "Melting of Earth's Ice Cover Reaches New High," Worldwatch News Brief (Washington DC: 6 March 2000).

Serreze, M. et al., "Modeling Active Layer Depth Over Permafrost for the Artic Drainage Basin and the Comparison to Measurements at CALM Field Sites," American Geophysical Union Fall 2002 Meeting, 2002.

Dahl-Jensen, D., "The Greenland Ice Sheet Reacts," Science, pp. 404-405, 21 July 2000, .

Tolme, P., "Skiing: Trying to Keep Cool," Newsweek, p 8, 2 December 2002,

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References

Electronic reference

Lester R. Brown, « 2002 - La deuxième année la plus chaude de l'histoire Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Regards / Terrain, Online since 01 December 2002, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/4193 ; DOI : 10.4000/vertigo.4193

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Lester R. Brown

Directeur du Earth-Policy Institute,lesterbrown@earth-policy.org

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