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2003

Verte Islande, traditionnelle Islande ? 
Réflexion sur le tourisme

Sophie Hamel-Dufour

Author's notes

Ce texte a pu être réalisé suite à un cours suivi dans le cadre du programme Circumpolar PhD Network in Arctic Environmental Studies (CAES) 2003 portant sur l'écotourisme.

Full text

1Cette grande île du nord fascine plus d'un aventurier, plus d'un géologue, d'un volcanologue, d'un historien amoureux des sagas et de l'époque des Vikings. Et peut-être surtout plus d'un touriste qui rêve d'embrasser d'un même coup d'oeil les vertes collines où broutent paisiblement blancs moutons et trapus chevaux, les plages noires de sable volcanique où se fracassent les vagues d'écume blanche et le Vatnajökull, la plus grande calotte glaciaire d'Europe. Cette île, dont la superficie de 102 846 km2 accueille une population avoisinant les 300 000 habitants, incarne pour plus d'un visiteur la virginité des paysages. Malgré son éloignement géographique et son coût de la vie très élevé, bon an, mal an, l'Islande reçoit près de 300 000 touristes par année. Le chiffre rêvé par certains promoteurs touristiques serait le million de visiteurs annuellement. Devant les pressions démographiques et écologiques qu'un tel achalandage occasionnerait, les Islandais s'interrogent sur l'avenir de cette manne économique : Comment est-il possible d'accueillir tant de visiteurs sans y perdre son identité, sa tranquillité de vie, sans voir se détériorer le paysage ? Car le paysage y possède une dimension identitaire et patrimoniale.

2Diverses actions entreprises dans un cadre de restauration écologique, notamment la plantation de lupin de l'Alaska pour stabiliser l'érosion des sols dans des secteurs précis de l'île et la plantation de conifères sur les terres agricoles privés en guise de coupe-vent, semblent provoquer quelques irritants sociaux au sein de la population. Pourtant, avant la colonisation, qui débuta aux alentours de l'an 874 après. J.-C., une large partie de l'île était recouverte de forêt. Aujourd'hui, les boisés en sont quasi inexistants. Néanmoins, il n'est pas rare, pour qui porte attention, de voir de petits bosquets plantés afin de se préserver des grands vents. La question de la transformation du paysage se pose alors : Quel est le vrai paysage de l'Islande ? Les vastes plaines ondulées ou une variante de la forêt boréale ? Que doivent préserver ou laisser pousser les Islandais pour conserver le naturel de leurs paysages ? Et dans une perspective d'attraction touristique, quelle sera la réaction du touriste devant des collines non plus de velours vert mais hérissées de pointe d'un vert profond ? Que subsistera-t-il de l'horizon qui s'embrase au coucher de soleil nocturne si de grands arbres s'y tiennent hauts et forts ? Et devant les plaines colorées de lupins niant le sol habituellement lunaire, nous est-il toujours permis de croire qu'il s'agit bien là de l'Islande rêvée et attendue ? Les Islandais s'interrogent.

3Face à toutes ces transformations dues aux activités humaines, auxquels il est bon d'ajouter les bouleversements climatiques, géomorphologiques, les destructions associées aux moutons et chevaux qui parcourent la lande en toute liberté tout au long de l'été, force est de constater que de virginal sur l'île, il ne subsiste probablement que peu de territoire. De leur côté, les touristes qui viennent en Islande pour cette virginité des paysages tombent parfois en plein paradoxe lorsqu'ils choisissent des forfaits compromettant cette impression de terre intacte : ascension rapide du sommet des glaciers en motoneige ou en hélicoptère, partie de golf sur des greens spécialement aménagés dans des champs de lave verdoyants. Dans la perspective d'un réchauffement climatique, la fragilité des glaciers n'en sera qu'accentuée. Imaginez si la cadence des parcours en engins motorisés s'accroît dans cette immensité dite intouchée ! Quant à la flore nordique qui peuple de vert l'île, plus de touristes peut signifier pour elle un plus haut risque d'érosion. Paradoxe car la visite d'un territoire inspirant l'intégrité écologique ne devrait-elle pas s'accompagner de pratiques favorisant la protection de cette intégrité, et ce tant au plan de l'offre d'activités touristiques que les choix de découverte de l'île ?

4Les choix qui accompagnent le développement de l'Industrie touristique en Islande posent donc certaines questions : Est-il souhaitable, d'un point de vue écologique, d'augmenter le volume de touristes ? Est-il possible pour les Islandais d'imposer un code de tourisme responsable à leurs visiteurs ? Est-il possible pour les visiteurs ne pas être déçus s'ils ne retrouvent pas, ou ne retrouvent plus, les images classiques de l'Islande verte et bleue, l'Islande de neige et de lave ? Enfin, est-il possible pour les Islandais de trouver un équilibre entre quiétude de vie et développement économique si le nombre de touristes triple ? Souhaitons à ce peuple nordique que sa sagesse millénaire lui souffle de bons conseils afin de résoudre ce dilemme.

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References

Electronic reference

Sophie Hamel-Dufour, « Verte Islande, traditionnelle Islande ? 
Réflexion sur le tourisme Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Regards / Terrain, Online since 01 October 2003, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/4568 ; DOI : 10.4000/vertigo.4568

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Sophie Hamel-Dufour

Université Laval. Département de sociologie

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