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Dossier : Santé et environnement

Surveillance des effets de la pollution atmosphérique en milieu urbain sur la santé : le Programme français PSAS-9

Sylvie Cassadou, Christophe Declercq, Daniel Eilstein, Pascal Fabre, Laurent Filleul, Alain Le Tertre, Agnès Lefranc, Sylvia Medina, Catherine Nunes, Laurence Pascal, Hélène Prouvost and Abdelkrim Zeghnoun

Abstracts

Title : Health Impact assessment of urban air pollution : results from nine French cities and their utility for public health management.

The epidemiological surveillance program in 9 French cities (PSAS-9) aims to estimate the relationships between air pollution and health risks in order to assess the impact of the urban air pollution on health. Trough a standardized protocol, the 9 French cities collected daily aggregated data on air pollution trough a metrology measure network and mortality data from official registers. These data were modelized according to the time series analysis method. Depending on the pollutant, excess in total mortality risk related to a 10 µg/m3 pollutant increase varied between 1.2 and 1.9%. If the average level of the pollutant was reduced by 50 %, the total account of attributable deaths would be of 2786 per year in the 9 cities.

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Full text

Contexte et objectifs généraux

1Depuis la mise en place en France de mesures réglementaires de contrôle des émissions industrielles au cours des années 80, la nature et les niveaux de la pollution atmosphérique ont changé et la question de santé publique qui se pose aujourd’hui est de savoir quel est l’impact des niveaux ambiants de pollution atmosphérique actuellement observés sur la santé des populations (Journal Officiel de la République Française, 1997 ; Cassadou et coll.,  2000).

2Jusqu’à un passé relativement proche, la surveillance métrologique de la pollution atmosphérique reposait uniquement sur une comparaison des niveaux de pollution à des valeurs de référence réglementaires (O.M.S. Air quality guidelines for Europe. 1987). Or, les résultats des études épidémiologiques réalisées au cours des dix dernières années (Schwartz., 1994)ont remis en question la pertinence des niveaux de pollution réglementaires retenus et ont  entraîné une  révision des valeurs guides par l’O.M.S. ainsi que des directives européennes par la Commission Européenne. Ceci a conduit en France à l’adoption de l’article 3 de la Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Energie du 30 décembre 1996 qui stipule que « l’État assure… la surveillance de la qualité de l’air et de ses effets sur la santé ».

  • 1 http://www.invs.sante.fr/publications/2002/psas_020624/synthese.html

3Dans cette optique, l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), assure depuis 1997 l'animation et la coordination d’un programme de surveillance des effets sanitaires de la pollution atmosphérique urbaine dans 9 grandes villes françaises, le Programme de Surveillance Air & Santé – 9 villes (PSAS-9) dont l’objectif général est d’estimer et de surveiller, à partir de données françaises, les relations exposition / risque entre des indicateurs d’exposition à la pollution atmosphérique urbaine et des indicateurs de l’état de santé de la population1. Des expériences locales et à l’échelle européenne avaient déjà constitué des acquis méthodologiques importants, tant sur le plan métrologique, épidémiologique que statistique, et ont permis d’envisager le développement de cette approche au niveau national : le programme ERPURS (Évaluation des Risques de la Pollution Urbaine sur la Santé) (Medina et coll., 1997) en Ile-de-France avait déjà mis en évidence la relation pollution / risque sanitaire à court terme et le programme Européen APHEA (Air Pollution and Health: a European Approach) avait développé une méthode d'analyse statistique permettant de quantifier la relation exposition / risque (Schwartz et coll.,  1996) . Enfin, ce programme s’inscrit dans la continuité de la démarche promue et coordonnée à l’échelle européenne par le Centre Européen de l’Organisation Mondiale de la Santé pour l’Environnement et la Santé (Krzyzanowski , 2000).

4L’objet de cet article est de présenter l’organisation, les objectifs, la méthode et les résultats du programme PSAS-9.

Le programme français PSAS-9

Organisation

  • 2  http://www.ors-idf.org/erpurs/erpurs_presentation.asp

5La caractéristique de ce programme est la mise en place décentralisée de pôles locaux d’animation et de surveillance épidémiologique dans huit des neuf villes participantes (Cassadou et coll.,  2000) : Bordeaux, Le Havre, Lille, Lyon, Marseille, Rouen, Toulouse et Strasbourg (Figure 1). Le pôle de Paris est associé au programme par l’intermédiaire du groupe ERPURS2 (Campagna et coll., 2003). Chaque pôle de surveillance est coordonné localement sur le plan scientifique par un épidémiologiste de l’InVS. Un comité technique assure localement le suivi du programme. Il est constitué d’experts locaux dans le domaine de la pollution, médecins et ingénieurs des services déconcentrés du ministère chargé de la santé, spécialistes de la métrologie, médecins pneumologues et cardiologues et médecins spécialistes de l’information médicale hospitalière. La coordination des pôles locaux est assurée au niveau national par l’InVS qui fait appel si nécessaire à des experts nationaux dans les domaines de la pollution et de la santé.

Figure 1. La localisation des 9 villes du programme français PSAS-9.

Figure 1. La localisation des 9 villes du programme français PSAS-9.

6Ce mode de fonctionnement à deux niveaux permet de garantir une harmonisation et une standardisation à toutes les étapes de l’étude d’une part et de créer une dynamique locale dans le domaine de la pollution de l’air et de la santé grâce à la constitution de réseaux d’experts locaux d’autre part.

Déroulement du programme et objectifs spécifiques.

7La mise en place du programme PSAS-9  a été réalisée en deux phases.  Une première phase a permis de valider la faisabilité de la mise en œuvre d’une méthode standardisée et multi-centrique permettant d’estimer les relations à court terme entre l’exposition à la pollution atmosphérique urbaine et la mortalité à partir de données françaises recueillies en routine. Ensuite, une deuxième phase a permis de préciser ces relations avec la mortalité et, à partir des résultats obtenus, de réaliser une évaluation de l'impact sanitaire (EIS) de la pollution atmosphérique urbaine, dans les neuf villes du programme.

8Les objectifs du programme, aujourd’hui pérennisé, sont de :

  • surveiller l’évolution dans le temps des risques estimés.

  • élaborer des relations exposition / risque pour de nouveaux indicateurs de santé et de pollution atmosphérique.

  • à partir de ces résultats, fournir aux professionnels de santé publique les outils appropriés pour la réalisation d’évaluations d’impact sanitaire dans les agglomérations françaises ne participant pas au dispositif.

Méthodologie

Principes de sélection des zones d’études

9La première étape a consisté à sélectionner les agglomérations pour lesquelles il était possible de modéliser les relations pollution atmosphérique/santé. Les agglomérations devaient répondre à trois critères principaux:

  • avoir une taille suffisamment importante pour obtenir un nombre journalier d’événements sanitaires permettant la modélisation ;

  • disposer d’un réseau de surveillance de la qualité de l’air pour la construction d’indicateurs de pollution atmosphérique de manière rétrospective ;

  • être contrastées sur le plan climatique, géographique et au niveau de la nature et de l’intensité de la pollution atmosphérique afin d’être représentatives des différentes situations urbaines françaises.

10Puis, pour chaque agglomération, il a été nécessaire d’identifier une zone d’étude au sein de laquelle l’exposition de la population devait être homogène. En effet, l’utilisation d’indicateurs agrégés d’exposition est basée sur l’hypothèse que les habitants de la zone étudiée sont, en moyenne, exposés aux mêmes niveaux de pollution.  Ainsi, nous avons considéré l’exposition comme homogène lorsque les niveaux enregistrés par les différentes stations de mesure de fond (c'est-à-dire les stations non influencées par une source de pollution liée au trafic ou à une industrie) étaient suffisamment corrélés entre eux (corrélation inter stations supérieure ou égale à 0,60) et que les niveaux moyens de pollution enregistrés par ces stations étaient proches (différentiel inférieur à 20 µg/m3). Dans ces conditions, nous avons défini l’indicateur d’exposition comme la moyenne arithmétique des valeurs journalières de chaque station. La représentativité de cet indicateur d’exposition dépendant aussi de la mobilité de la population, les données relatives aux déplacements intra et inter urbains sur la zone d’étude ont été recueillies localement auprès des services compétents. Ces données, combinées ou non selon les configurations locales, aux données géographiques et météorologiques (e.g. la rose des vents) ont permis de définir une zone géographique homogène du point de vue de l’exposition de la population.

Identification des relations à court terme pollution atmosphérique-santé

11Le type d’étude retenu fait appel aux méthodes d’analyse de séries chronologiques reliant les variations journalières de deux indicateurs agrégés : un indicateur de l’état de santé d’une population et un indicateur du niveau d’exposition de cette population à différents polluants atmosphériques (Institut de Veille Sanitaire, 1999 ;Morgenstern, 1982). Le modèle prend en compte les variations à long ou moyen terme des indicateurs, les paramètres météorologiques, les épidémies saisonnières (grippe), la pollinisation et d’autres cofacteurs pouvant biaiser les estimations.

Les données d’exposition et de mortalité

12Les données d’exposition ont été fournies localement par les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA). Les polluants mesurés en routine ont été retenus : le dioxyde de soufre (SO2), les particules (PM10 et Fumées noires), le dioxyde d'azote (NO2) et l'ozone (O3). Pour chaque polluant, les moyennes journalières (moyenne arithmétique des valeurs horaires mesurées de 0h à 24h) ont permis de construire des séries journalières sur plusieurs années. Pour l’ozone, c’est la valeur maximale des moyennes glissantes sur 8 heures qui a été retenue car ce polluant présente des niveaux élevés pendant les périodes d’ensoleillement et des niveaux très faibles la nuit.

13Les données de mortalité proviennent des certificats de décès collectés en France par l’Institut National de Sciences et de Recherche Médicale (INSERM) codifiées selon la Classification Internationale des Maladies (CIM) et centralisés au service commun d’information sur les causes de décès. L’INSERM a donc fourni les comptes journaliers de décès pour chacune des zones étudiées pour la période 1990–1997 concernant :

  • mortalité totale non accidentelle (CIM 9 < 800) ;

  • mortalité par maladies de l’appareil circulatoire (codes CIM 9 : 390–459) ;

  • mortalité par maladies de l’appareil respiratoire (codes CIM 9 : 460–519).

La modélisation

14L’existence (ou non) d’associations statistiquement significatives entre des indicateurs de santé et les concentrations ambiantes de polluants a ensuite été recherchée et quantifiée par une modélisation de  type « séries chronologiques ». Le modèle utilisé devait pouvoir prendre en compte les caractéristiques suivantes :

  1. analyser des indicateurs de mortalité caractérisés par de faibles nombres d’événements journaliers autocorrélés (le nombre de cas incidents, un jour donné, n’est pas indépendant de celui des autres jours) et soumis à des variations à court, moyen terme et long terme ;

  2. modéliser des indicateurs de pollution également soumis à des variations à court, à moyen et à long terme ;

  3.  tenir compte de facteurs extrinsèques (températures minimale et maximale, humidité relative, jours fériés, vacances, épidémies de grippe,...) pouvant intervenir dans la relation comme facteurs de confusion ;

  4. tenir compte du décalage temporel possible entre l’effet sanitaire et l’exposition, l’impact sanitaire d’un niveau de polluant observé un jour donné pouvant perdurer sur plusieurs jours, probablement de façon décroissante au cours du temps.

15Ainsi, dans chacune des 9 villes participant au programme PSAS-9, un modèle incluant l’ensemble des paramètres ci-dessus a été construit. Il est basé sur une régression de Poisson faisant appel à un modèle additif généralisé (GAM) utilisant des fonctions de lissage paramétriques et non paramétriques pour modéliser les covariables. Ce modèle additif généralisé (Hastie et Tibshirani l 1990; Schwartz, 1994) permet de s’adapter plus fidèlement à la forme des relations entre variables expliquées et variables explicatives. Les relations exposition/risque, exprimées par le risque relatif, ont été calculées pour une exposition aux niveaux de pollution du jour même et de la veille (0-1 jours) d’une part, et pour une exposition cumulée aux niveaux du jour même et des cinq jours précédents (0-5 jours) d’autre part.

16Les risques relatifs estimés dans chacune des villes ont ensuite fait l’objet d’une analyse combinée permettant le calcul d’un « meta-risque » plus représentatif de la moyenne des situations urbaines françaises. Cette analyse combinée a pris en compte l’éventuelle hétérogénéité des risques locaux.

La quantification de l’impact sanitaire

17Les risques relatifs estimés ont ensuite été utilisés pour l’évaluation de l’impact sanitaire dans chacune des villes. Pour un niveau d’exposition, un indicateur sanitaire et une période donnés, l’EIS permet d’estimer le nombre de cas «attribuables» aux effets à court terme de la pollution atmosphérique à partir des relations exposition / risque préalablement calculées Les résultats sont exprimés par le nombre de cas attribuables à la pollution atmosphérique par rapport à un niveau d’exposition de référence, et donc potentiellement évitables si les niveaux de pollution étaient ramenés à ce niveau de référence. Dans le cadre de la phase II du PSAS-9, quelque soit le polluant, les niveaux de référence retenus étaient les suivants :

  • impact de la pollution des jours où le niveau est supérieur à 10 µg/m3 (quel que soit le polluant), ce niveau caractérisant une situation de faible pollution : il s’agit du nombre de cas qui pourraient être évités si, toutes choses égales par ailleurs, l’ensemble des indicateurs de pollution était ramené au niveau de 10 µg/m3.

  • impact d’une réduction de 50 % de la moyenne annuelle observée localement ;

  • impact d’une réduction de 10 % de la moyenne annuelle observée localement.

18Ces deux derniers scénarios semblent avoir un objectif décisionnel plus pertinent à l’échelle locale dans la mesure où ils font référence à la distribution localement observée des indicateurs de pollution.

Résultats

19La population totale étudiée est de 11 309 535 personnes, la zone de Paris représentant plus de la moitié des effectifs de la population. Si la distribution par tranche d'âge est globalement comparable d'une ville à l'autre, la proportion des moins de14 ans est plus élevée à Lille (20,5 %) alors que la proportion des plus de 65 ans est plus importante à Marseille (18,7%) (tableau 1).

20Les relations exposition / risque observées sont presque toujours linéaires. Ce résultat signifie qu’il n’existe pas de seuil de pollution atmosphérique en deçà duquel le risque, à l’échelle de la population, serait nul.

Tableau 1.  Caractéristiques géographiques et démographiques des neuf zones d’étude, 1999.

Zones

Communes

Habitants

Classes d’age

Nombre

0 -14 ans

15-64 ans

> 65 ans

Bordeaux

18

584 164

15,4%

68,8%

15,8%

Le Havre

17

254 585

19,4%

65,5%

15,1%

Lille

86

1 091 156

20,5%

66,7%

12,8%

Lyon

10

782 828

16,5%

67,8%

15,7%

Marseille

5

856 165

17,0%

64,3%

18,7%

Paris

124

6 164 418

17,3%

68,9%

13,8%

Rouen

38

434 924

18,0%

66,8%

15,2%

Strasbourg

27

451 133

17,3%

69,4%

13,3%

Toulouse

62

690 162

16,2%

70,3%

13,5%

Tableau 2.  Risques relatifs de mortalité et intervalles de confiance à 95% estimés pour l'exposition 0-1 jours et 0-5 jours pour une augmentation de 10 µg/m3 de pollution.  *Risque relatif et intervalle de confiance à 95%.

Mortalité
toutes causes

Mortalité
cardio-vasculaire

Mortalité
respiratoire

Fn, 0-1 jours

1,008* [1,006 – 1,010]

1,005 [1,001 – 1,010]

1,007 [0,999 – 1,015]

FN, 0-5 jours

1,012 [1,009 – 1,015]

1,012 [1,007 – 1,017]

1,021 [1,004 – 1,039]

SO2, 0-1 jours

1,011 [1,005 – 1,017]

1,008 [1,004 – 1,011]

1,011 [1,001 – 1,021]

SO2, 0-5 jours

1,019 [1,011 – 1,028]

1,017 [1,012 – 1,023]

1,051 [0,997 – 1,107]

NO2, 0-1 jours

1,010 [1,007 – 1,013]

1,012 [1,005 – 1,018]

1,013 [1,005 – 1,021]

NO2, 0-5 jours

1,013 [1,010 – 1,017]

1,014 [1,008 – 1,019]

1,034 [1,019 – 1,049]

21Les risque relatifs (RR) combinés de mortalité, calculés pour un retard de 0-5 jours, sont résumés dans le tableau 2 pour une augmentation de 10 µg/m3 du niveau de l’indicateur de pollution. Pour les trois indicateurs de mortalité, les risque relatifs estimés pour l’exposition 0-5 jours sont plus élevés que les excès de risque estimés par le modèle prenant en compte l’exposition du jour même et de la veille (entre 1,2 et 4,6 fois). Pour la mortalité totale et la mortalité cardio-vasculaire, les RR cumulés sur 0-5 jours sont, comme les RR cumulés sur 0-1 jours, tous significatifs quel que soit l’indicateur de pollution et les excès de risque sont compris entre 1,2 et 1,9%. Pour la mortalité respiratoire les estimations centrales du RR sur 0-5 jours sont plus élevées que pour les deux autres indicateurs de mortalité: les excès de risques sont compris entre 2,1 et 5,1% selon l’indicateur d’exposition.

22L’impact sanitaire est exprimé par les taux, rapportés à 100 000 habitants, de décès anticipés attribuables à des niveaux de pollution supérieurs à 10 µg/m3 pour chacune des villes sont présentés (tableau 3). Un décès anticipé est défini comme un décès qui n’aurait pas eu lieu ce jour là si le niveau de pollution avait été égal au niveau pris en référence. Les taux de décès anticipés potentiellement évitables par une réduction de 50% des niveaux moyens de pollution sont résumés dans le tableau 4.

23Pour l'ensemble des neuf villes, le nombre annuel de décès anticipés attribuables à des niveaux de pollution atmosphérique supérieurs à 10 µg/m3 est de 2786 pour la mortalité totale, 1097 pour la mortalité cardio-vasculaire et 316 pour la mortalité respiratoire.  Si le niveau moyen de pollution avait été réduit de 10 %, le nombre annuel de décès anticipés potentiellement évitables dans les neuf villes serait de 367 pour la mortalité totale, 141 pour la mortalité cardio-vasculaire et 42 pour la mortalité respiratoire. Si les niveaux moyens de pollution avaient été réduits de 50%, le nombre annuel  de décès anticipés qui auraient pu être évités dans les neuf villes est estimé à 1834 pour la mortalité totale, 705 pour la mortalité cardio-vasculaire et 209 pour la mortalité respiratoire.

Tableau 3.  Taux (IC 95%) pour 100 000 habitants et par an de décès anticipés attribuables à la pollution atmosphérique pour des niveaux de pollution supérieurs à 10 µg/m3 dans les neuf zones d'étude

Mortalité totale

Mortalité cardio-vasculaire

Mortalité respiratoire

Bordeaux

3,8 (2,9 - 4,8)

0,9 (0,2 - 1,8)

0,2 (0,0 - 0,5)

Le Havre

24,1 (11,1 - 36,6)

8,8 (3,1 - 14,1)

2,1(0,8 - 3,3)

Lille

9,3 (4,1 - 13,2)

4,8 (1,8 - 7,6)

1,1 (0,4 - 1,8)

Lyon

28,2 (20,2 - 36,0)

11,9 (5,1 - 18,4)

3,3 (1,3 - 5,1)

Marseille

24,4 (13,1 - 35,4)

13,3 (4,6 - 20,5)

3,3 (1,6 - 4,9)

Paris

30,6 (22,0 - 38,9)

10,9 (4,7 - 16,8)

3,3 (1,4 - 5,2)

Rouen

17,7 (9,3 - 25,4)

8,5 (3,0 - 13,5)

2,3 (1,1 - 3,4)

Strasbourg

24,8 (17,8 - 31,6)

10,9 (4,6 - 16,8)

2,8 (1,3 - 4,1)

Toulouse

14,3 (7,6 -20,7)

7,6 (2,7 - 12,0)

1,9 (0,9 - 2,8)

Tableau 4.  Taux (IC 95%) pour 100 000 habitants et par an de décès anticipés potentiellement évitables par une réduction de 50% de la pollution atmosphérique dans les neuf zones d'étude

Mortalité totale

Mortalité cardio-vasculaire

Mortalité respiratoire

Bordeaux

4,7 (3,6 - 5,7)

1,2 (0,2 - 2,2)

0,3 (0,0 - 0,6)

Le Havre

16,0 (7,6 -24,4)

5,6 (2,3 - 8,9)

1,5 (0,6 - 2,4)

Lille

13,4 (2,1 -17,3)

5,2 (2,1 -8,2)

1,7 (0,7 - 2,7)

Lyon

17,9 (12,7 - 23,2)

7,6 (3,1 - 12,1)

2,1 (0,8 - 3,5)

Marseille

14,7 (10,4 - 19,1)

7,7 (2,5 - 13,1)

1,9 (0,9 - 3,0)

Paris

18,9 (13,4 - 24,6)

6,8 (2,8 - 10,9)

2,1 (0,8 -3,4)

Rouen

12,4 (8,8 - 16,1)

4,6 (1,9 - 7,4)

1,5 (0,6 - 2,4)

Strasbourg

15,9 (11,2 - 20,5)

7,0 (2,9 - 11,2)

1,7 (0,7 - 2,8)

Toulouse

8,8 (6,2 - 11,4)

4,5 (1,5 - 7,7)

1,2 (0,5 - 1,8)

Discussion

Identification des relations à court terme pollution atmosphérique et santé

  • 3  http://www.apheis.net/

24Nos résultats sont du même ordre que ceux obtenus dans le cadre du projet européen Air Pollution and Health – a European Information System (APHEAS)3 (Katsouyanni et coll., 1997). Dans la plupart des cas, les RR pour la mortalité sont statistiquement significatifs : les excès de risque sont compris entre 0,8 et 1,3% lors d’une élévation de 10 µg/m3 du niveau des indicateurs de pollution pour les effets d’une exposition de 0-1 jours, et entre 1,1 et 3,4% pour les effets d’une exposition de 0-5 jours. En règle générale, les RR sont :

  • plus élevés quand ils ont été établis à partir d’une exposition cumulée sur 6 jours.

  • plus élevés pour la mortalité respiratoire que pour la mortalité cardio-vasculaire ou la mortalité toutes causes.

25L’hétérogénéité des RR locaux que nous avons observée dans certains cas peut s’expliquer par une sensibilité particulière à une augmentation de concentration du polluant dans l’air ou par une exposition à d’autres facteurs toxiques non connus dans telle ou telle région. Par ailleurs, la linéarité observée des relations exposition / risque et leur absence de seuil peut être expliquée par le fait que, s’il existe probablement un seuil de sensibilité à la pollution atmosphérique au niveau individuel, ceci n’est plus vrai à l’échelle d’une population. En effet, au sein de celle-ci se trouve toujours des individus particulièrement sensibles à la pollution atmosphérique même à de très faibles niveaux.

26L’approche multi-centrique et l’analyse combinée des résultats a permis d’augmenter la puissance statistique de l’étude, de mettre ainsi en évidence de façon plus nette les effets des polluants sur les indicateurs sanitaires et de contrôler la variabilité aléatoire pouvant exister entre les villes (Journal Officiel de la République Française, 1997). Il est donc plus pertinent d’appliquer le risque relatif combiné aux données locales d’exposition pour estimer, dans chaque ville, l’impact sanitaire attribuable à la pollution atmosphérique.

27Le choix d’un différentiel fixe de 10 g/m3 pour présenter les RR peut être discuté. Son avantage réside dans la faible amplitude de ce différentiel, très certainement contenu dans l’intervalle de variation de tous les polluants quelle que soit la ville ou la période d’étude mais son inconvénient reste d’avoir une amplitude de variation fixée qui n’a pas la même signification pratique pour tous les polluants. Un différentiel entre deux niveaux fixes d’exposition (entre 30 et 40 µg/m3 par exemple)  pourrait être pertinent pour un polluant alors qu’il peut ne pas l’être pour un autre polluant. Un différentiel de 50 µg/m3, à l’inverse, peut être trop important par rapport à l’étendue de distribution d’un polluant donné sur une ville donnée.

28La représentativité de la population exposée doit certainement être discutée. En effet, dans les communes résidentielles de la zone d’étude ayant une population active très importante, les personnes âgées sont sous-représentées. Cette partie de la population étant a priori plus sensible aux effets de la pollution atmosphérique, cela peut biaiser la relation entre pollution et santé en sous estimant le RR.

29Les variables météorologiques constituent aussi des facteurs de confusion potentiels dans l'étude de la relation à court terme entre la pollution atmosphérique et la mortalité (Mackenbach et coll., 1993; Kunst et coll., 1993; Sartor et coll., 1995). La relation entre le taux de mortalité et la température est, le plus souvent, caractérisée par une courbe en forme de U, les fortes chaleurs et les périodes très froides étant reliées à un nombre plus élevé de décès. Dans notre étude de tels facteurs de confusion on été pris en compte en modélisant les facteurs météorologiques avec des fonctions de lissage non paramétriques et en prenant en compte différentes interactions entre les variables météorologiques.

Evaluation d’impact sanitaire de la pollution atmosphérique

30La démarche d’évaluation d’impact sanitaire est applicable si la relation exposition/risque utilisée est de nature causale. Concernant les risques à court terme de la pollution atmosphérique urbaine, l'évidence épidémiologique, établie par la constance et la cohérence des associations rapportées dans la littérature, confirme le rôle contributif de la pollution atmosphérique dans la survenue d’évènements sanitaires au sein d’une population (Dab et coll., 2001) bien que les mécanismes étiopathogéniques en jeu ne soient pas encore tous connus.

31Par ailleurs, les relations expositions / risques fournies par le PSAS-9 sont issues de données françaises et sont obtenues par l’analyse combinée d’estimateurs locaux, cette analyse prenant en compte, le cas échéant, l’hétérogénéité observée entre les villes (ADEME, 1998).  Cette méthode d’élaboration permet de penser que les RR utilisés sont représentatifs de la diversité des situations urbaines françaises et qu’ils peuvent s’appliquer à l’ensemble des agglomérations de l’hexagone.

32La démarche d’évaluation de l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique urbaine présentée ici nous semble constituer  un premier outil d’aide à la décision pour les différents plans loco-régionaux de gestion de la qualité de l’air, permettant aux agglomérations de plus de 100 000 habitants, la quantification de l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique et  également d’éclairer leurs choix. La  généralisation d’EIS permettrait de connaître de façon fine l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique urbaine à une échelle nationale et contribuerait ainsi à la réflexion européenne sur les valeurs guides et objectifs de qualité de l’air.

Conclusion : le programme PSAS-9, un système de surveillance épidémiologique évolutif

33Ce programme, désormais pérenne, assure une mission de surveillance des effets de la pollution de l’air sur la santé en actualisant de façon régulière les risques estimés et en étudiant de nouveaux indicateurs de pollution atmosphérique et de santé.

  • 4  Disponible à l’adresse suivante : http://www.invs.sante.fr/publications/

34Par ailleurs, l’InVS a publié un guide méthodologique (InVS– CIREI Ouest, 1998; InVS–CIREI Ouest, 1999) pour la réalisation pratique d’EIS dans les villes françaises ne participant pas au programme PSAS-9, dans l’optique d’apporter aux décideurs des informations permettant d’orienter les priorités en matière de protection de la santé des populations4.

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Bibliography

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Notes

1 http://www.invs.sante.fr/publications/2002/psas_020624/synthese.html

2  http://www.ors-idf.org/erpurs/erpurs_presentation.asp

3  http://www.apheis.net/

4  Disponible à l’adresse suivante : http://www.invs.sante.fr/publications/

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List of illustrations

Title Figure 1. La localisation des 9 villes du programme français PSAS-9.
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/4595/img-1.png
File image/png, 256k
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References

Electronic reference

Sylvie Cassadou, Christophe Declercq, Daniel Eilstein, Pascal Fabre, Laurent Filleul, Alain Le Tertre, Agnès Lefranc, Sylvia Medina, Catherine Nunes, Laurence Pascal, Hélène Prouvost and Abdelkrim Zeghnoun, « Surveillance des effets de la pollution atmosphérique en milieu urbain sur la santé : le Programme français PSAS-9 », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 4 Numéro 1 | mai 2003, Online since 01 May 2003, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/4595 ; DOI : 10.4000/vertigo.4595

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About the authors

Sylvie Cassadou

Institut de veille sanitaire, 2, rue du Val d’Osne, F- 94415 Saint Maurice

Christophe Declercq

Observatoire Régional de la Santé Nord Pas-de-Calais 13, rue Faidherbe, F-59046 Lille

Daniel Eilstein

Institut de veille sanitaire, 2, rue du Val d’Osne, F- 94415 Saint Maurice

Pascal Fabre

Institut de veille sanitaire, 2, rue du Val d’Osne, F- 94415 Saint Maurice

Laurent Filleul

Institut de veille sanitaire, 2, rue du Val d’Osne, F- 94415 Saint Maurice

Alain Le Tertre

Institut de veille sanitaire, 2, rue du Val d’Osne, F- 94415 Saint Maurice

Agnès Lefranc

Observatoire Régional de la Santé Ile de France 21/23, rue Miollis, F-75732 Paris

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Sylvia Medina

Institut de veille sanitaire, 2, rue du Val d’Osne, F- 94415 Saint Maurice

Catherine Nunes

Observatoire Régional de la Santé Ile de France 21/23, rue Miollis, F-75732 Paris

Laurence Pascal

Institut de veille sanitaire, 2, rue du Val d’Osne, F- 94415 Saint Maurice

Hélène Prouvost

Observatoire Régional de la Santé Nord Pas-de-Calais 13, rue Faidherbe, F-59046 Lille

Abdelkrim Zeghnoun

Institut de veille sanitaire, 2, rue du Val d’Osne, F- 94415 Saint Maurice

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