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Tenure foncière, mode de gestion et stratégies des acteurs

le cas des parcours du Centre et du Sud tunisien
Salah Selmi and Mohamed Elloumi

Abstracts

Collective tribal lands in the central and southern parts of Tunisia have been used as pasture for collective semi-nomadic livestock as well as for cereal production. These lands have been the focus of socio-spatial transformations and land tenure systems for the last thirty years. This paper investigate the impact of the privatization process of these collective lands on agrarian systems and compare different management modes of and access to pasture lands (cooperative pastoral and other forms). Particularly, we intend to understand the relationship between tenure system, management and behavior of farmers-breeders in the study region. The privatization process of collective lands previously used for pasturage and whereby the access was organized on a community basis, has led to different agrarian systems and pasture management modes. At the central region of the country this process has been achieved and resulted into a farming system dominated by fruit trees and irrigated agriculture although differentiated based on the availability of water or natural conditions. In the south, however, this process is undergoing and pastoral lands are still predominant.

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Author's notes

Cet article fait suite à une communication présenté au colloque international : les frontières de la question foncière : enchâssement social des droits et des politiques publiques, tenu à Montpellier les 17, 18 et 19 mai 2006. Il s'appuie sur le travail de recherche et d'enquête réalisé dans le cadre du projet de recherche "The Machreq-Maghreb Project" coordonné par l'ICARDA et notamment au sein de la composante sur les parcours financée par "The Collective Action and Property Right Initiative (CAPRI).

Full text

Introduction

1La privatisation des terres collectives des tribus du Centre et du Sud de la Tunisie, qui servaient au pâturage de troupeaux collectifs semi-nomades et à une céréaliculture épisodique, a été au centre des mutations socio-spatiales et des systèmes agraires qu’ont connu ces régions tout au long des 30 dernières années. Dans cet article on analyse l’impact du processus de privatisation des terres collectives sur les systèmes agraires, compare les différentes formes de statut foncier (privé, collectif tribal et domanial) en les croisant avec les modes de gestion et d’accès aux terres de parcours (coopérative pastorale, soumission au régime forestier, etc.) et nous tentons de comprendre le rapport entre le statut foncier, le mode de gestion et le comportement des exploitants-éleveurs du Centre et du Sud.

Problématique des parcours du Centre et du Sud de la Tunisie

Transformation des systèmes fonciers

  • 1 Arouch : pluriel de Arch qui veut dire une grande tribu.

2Les terres collectives (ou terres des "arouchs1"), couvraient à l'aube de l'indépendance de la Tunisie en 1956 approximativement 3 millions d’hectares, soit près du cinquième du territoire national et le tiers des terres agricoles (Nasr et Bouhaouach, 1997). Ces terres appartiennent aux collectivités ethniques et sont situées principalement dans le Centre et le Sud du pays. Elles étaient exploitées pour la céréaliculture épisodique et le pâturage des troupeaux des membres des collectivités, sans pour autant qu'ils aient de titre foncier. En Tunisie, le processus de privatisation des terres collectives a commencé, dès les premières années du protectorat, par leur délimitation. Un peu plus tard, avec le décret 14/1/1901, il y a eu une reconnaissance aux tribus du droit de jouissance de ces terres, suivi du décret du 23/11/1918 reconnaissant le droit de jouissance des tribus comme un préalable au droit de propriété des terres collectives dans les territoires militaires du Sud-Est (territoire des tribus Ouerghemma). Enfin, des procédures d’attribution des parcelles des terres collectives mises en valeur ont commencé (décrets 12-1918 et 7-1-1935).

3Dès l’indépendance, d’importantes réformes ont touché les structures foncières. Ainsi, les anciens textes relatifs aux terres collectives ont été refondus et adaptés aux nouvelles conditions de la Tunisie indépendante. Les conditions de privatisation des terres collectives mises en valeur ont été clarifiées (loi n° 59-83 du 21/7/59). Depuis 1959, ce fût alors la reconnaissance de la conversion du droit de jouissance en droit de propriété sur les terres collectives qui ont perdu leur vocation pastorale au profit de la mise en valeur agricole.

  • 2 La Tunisie a été engagée dans une politique de coopérativisation forcée en 1962, à laquelle il a ét (...)

4Le processus de privatisation des terres collectives va s’accélérer après la période collectiviste2 (1962-1969). L'attribution est alors effectuée par décret à titre privé sous forme individuelle en faveur des membres des collectivités qui sont représentés par des conseils de gestion. Le conseil, élu par les membres de la collectivité qu'il représente, constitue l'élément moteur de la mise en valeur de la terre collective et de la promotion sociale des membres de la collectivité. La privatisation des terres collectives va surtout progresser grâce à la formule d'attribution dite accélérée. Celle-ci se base sur de simples enquêtes possessoires menées par les services techniques en collaboration avec les conseils de gestion, ce qui la différencie de la formule dite normale. Cette dernière se base sur des levés parcellaires, ce qui lui donne l'avantage d'être précise, mais elle est lente et coûteuse. À partir de 1979 (loi 79-27), la remise des titres de propriétés individuelles a été accélérée pour permettre aux agriculteurs d’accéder aux crédits agricoles instaurés en parallèle.

5Enfin, à la fin des années 1980 un processus de décentralisation est mis en place pour faciliter et accélérer le processus de privatisation des terres collectives. Ainsi, la loi n° 85-5 du 8/2/1988 complète celle de 64-28 du 4/6/1964 surtout en matière de décentralisation des travaux d'attribution et ce par la création d'un conseil de tutelle locale à l'échelle de chaque Délégation (où existent des terres collectives) et d'un conseil de tutelle régionale à l'échelle du Gouvernorat. Cette nouvelle loi a pour principal objectif d'accélérer l'apurement foncier des terres collectives.

6Après presque un demi siècle d’apurement foncier et surtout de partage des terres collectives en Tunisie, les résultats sont : 1) le partage et l’attribution d’environ 1,3 millions d’ha de terres collectives. Il reste à partager environ 200 000 ha de terres collectives, les dossiers les plus difficiles restent à traiter, 2) la délimitation et la soumission sous le régime forestier d’environ 600000 ha de parcours et 3) la gestion de plus de 1 million d’ha de parcours collectifs non délimités et situés majoritairement dans le Sud (Nasr et Bouhaouach, 1997).

7L’apurement des terres collectives a permis la mise en valeur de la majorité des terres de parcours collectifs dans le Centre et le Sud de la Tunisie. Ainsi, au cours de la période 1971-1992, la régression des superficies pastorales a atteint 1 million d’hectares de bons parcours transformés en arboriculture et céréaliculture. Malgré cette régression, l’effectif du cheptel n’a cessé de progresser.

Dynamique des systèmes d’élevage

8Dans le Centre de la Tunisie le processus de privatisation des terres collectives s’est traduit par la mise en valeur par l’arboriculture et les périmètres irrigués de la majorité des anciens terrains de parcours collectifs. Cette transformation s’est accompagnée par la sédentarisation des pasteurs nomades et semi-nomades de la région du Centre. Suite à ces transformations la taille des troupeaux a été fortement réduite et intégrée à l’exploitation agricole. Dans les gouvernorats de Gafsa et de Sidi Bouzid par exemple, les relations avec les grands parcours sont presque totalement rompues et l’utilisation des bergers a presque disparu.

9Dans le passé, l’élevage était basé sur l'exploitation des vastes parcours du Sud de la Tunisie, avec des transhumances vers les régions du Centre et vers des parcours dans les pays voisins (Algérie, Libye). Dans les grands parcours steppiques du Sud, les grands troupeaux de plus de 500 têtes, assez fréquents dans le passé, deviennent très rares. Les troupeaux sont de taille moyenne avec une forte proportion d’éleveurs possédant moins de 20 têtes.

10Dans ces systèmes, le développement de l'oléiculture faisant surtout suite au partage des terres collectives, a favorisé une complémentarité entre l'agriculture (feuilles d'oliviers ou "sriaa", grignon d'olives ou "fitoura", paille ou "tbin", foin local ou "khortane", orge, etc.) et l'élevage en milieu aride. En outre, l’élevage bénéficie du soutien des revenus non-agricoles qui financent la transition du système d’élevage pastoral (lié à l'exploitation des parcours) vers un système d’élevage plus intégré à l'agriculture et au marché des aliments de bétail (Abaab et Nasr, 1996).

11Les espaces pastoraux continuent à voir leurs structures foncières et leurs paysages agraires évoluer progressivement, mais d’une façon irréversible, vers un système agraire à dominante agricole en concomitance avec l'apurement foncier des terres collectives (Abaab et Nasr, 1996).

Les modes de gestion des parcours

12Il existe en Tunisie cinq principaux modes de gestion des parcours qui se distinguent chacun par une problématique particulière.

Mode de gestion “ Coopérative ”

13Le système coopératif dans le secteur de l’élevage et par l’exploitation et la gestion des parcours est toujours resté embryonnaire au moment où le regroupement des agriculteurs-éleveurs en association ou groupements coopératifs est souhaité par les pouvoirs publics afin d’avoir des vis-à-vis organisés et crédibles permettant le désengagement de l’Etat. Les coopératives qui ont existé ont été de type PAM (Programme Alimentaire Mondial) crées pour assurer la distribution des aides alimentaires à leurs adhérents. Ces coopératives ont participé aux programmes de mise en valeur des espaces pastoraux par l’introduction des réserves fourragères sur pied. Leur situation actuelle (endettement, gel de fonds, etc.) fait que ces dernières ne sont plus en mesure d’accomplir leur tache et sont en voie de dissolution et de transformation en d’autres structures socioprofessionnelles.

Mode de gestion de type privé

14Il concerne les terrains de parcours localisés dans une exploitation appartenant à une personne physique ou un groupe bien identifiés. C’est la parcelle de terre incultivable gardée pour le pâturage qui peut être ou non amélioré par différentes techniques.

15Les problèmes liés à cet espace pastoral privé sont : exiguïté des parcelles, affectation des terres marginales, gestion irrationnelles, usage multiple.

Mode de gestion de type tribal non aménagé

16Il concerne les parcours collectifs non aménagés soumis ou non au régime forestier (surtout pour les grands parcours du Sud) pour lesquels il manque beaucoup d’infrastructure : points d’eau, piste, etc. Ces parcours sont exposés à une exploitation anarchique ou un manque d’exploitation dans les zones d’accès difficile.

Mode de gestion de type tribal aménagé

17Ce sont des parcours collectifs souvent soumis sous le régime forestier et dans lesquels il y a eu des aménagements : amélioration pastorale, points d’eau, etc.

18La problématique de ces parcours est liée à la forte intervention de l’administration (direction générale des forêts) et le faible engagement des populations dans la gestion des terres aménagées. D’autre part l’aménagement des points d’eau entraîne la surexploitation des parcours dans les environs de ces aménagements.

19L’objectif de ce travail est donc de comprendre et d’expliquer la relation entre les modes de tenure foncière des parcours, de leur importance dans la gestion de l’élevage et la dynamique des exploitations agricole en question.

Méthodologie

Choix des sites

20Pour étudier et analyser les différentes situations de gestion de parcours dans le Centre et le Sud de la Tunisie, nous avons choisi des sites représentatifs des statuts fonciers d’une part et des modèles d’aménagement et de gestion d’autre part.

  • Dans les parcours privés, nous avons choisi la zone de Bir Amama (Bir Lahfay à sidi Bouzid) où il y a un parcours privé d’environ 170 ha plantés en cactus.

  • Dans les anciens habous et enzels, nous avons choisi la zone d’El-Khaima (Mezzouna à Sidi Bouzid). Le parcours appartient à la communauté des Haouchine. Il est soumis sous le régime forestier et couvre environ 500 ha. Ce parcours est amélioré par des arbustes fourragers autochtones.

  • Dans les terres collectives, nous avons choisi les situations suivantes :

  • Parcours collectif de 650 hectares soumis sous le régime forestier et amélioré par de l’acacia et le cactus (Ouled Farhane, El-Makarem, Gouvernorat de Sidi Bouzid).

  • Un parcours de 46.000 ha dans le Dahar (Béni Khédache) soumis sous le régime forestier et aménagé, surtout en infrastructure de base (pistes et points d’eau).

  • Un parcours dans le Dahar de Tataouine non soumis au régime forestier et non aménagé.

  • Dans les anciennes coopératives PAM (Programme Alimentaire Mondial), nous avons chois le parcours de cactus de la coopérative des Ouled Zid (300 ha), secteur de Guettis (Gafsa).

Les enquêtes par questionnaire

21Une enquête par questionnaire a été conduite dans tous les sites. Le questionnaire décrit le ménage, l’exploitation, le système d’élevage et la gestion des parcours. Au total 261 enquêtes ont été réalisées (tableau 1).

Tableau 1. Répartition des sites enquêtés par mode de gestion et nature du parcours.

Localisation

Type de statut foncier

Type de parcours

Mode de gestion

Nombre d’enquêtes

Bir Amama

Privé

Plantation de cactus

Privé

16

Khima

Habous soumis sous le régime forestier

Plantation d’arbustes fourragers autochtone

Gestion collective et organisée par le service forêt

29

Makarem

Collectif soumis sous le régime forestier

Plantation de cactus

Gestion collective et organisée par le service forêt

49

Guettis

Collectif en coopérative type PAM

Plantation de cactus et d’acacia

Gestion collective et organisée par la coopérative avec l’appui de l’administration

30

Béni Khédache

(Dahar, Médenine)

Collectif soumis sous le régime forestier

Parcours naturel avec une petite partie mise en défense (5 parcelles couvrant 4600 ha). Existence d’infrastructures :

Exploitation collective et gestion par l’administration

69

Douiret

(Dahar Tataouine)

Collectif non aménagé

Parcours naturel avec quelques parcelles de stipa soumise sous le régime forestier

Exploitation collective

68

Total

261

Tableau 2. Moyenne d'âge des chefs de ménage et taille moyenne des ménages

Sites

Centre

Sud

Coopératif - Guettis

Forestier - Khima et Makarem

Privé - Bir Amama

Tribal aménagé - Béni Khédache

Tribal non aménagé - Douiret

Total

Age moyen des chefs de ménage

54,5

59,2

55,6

59,1

58,5

58,2

Taille moyenne des ménages

8,7

7,3

3,7

8

7,5

7,5

Résultats

22L'analyse des données de l'enquête a été menée selon trois axes : le profil socio-économique des ménages, l’importance du foncier et des parcours  dans les systèmes agraires du Centre et du Sud et enfin les systèmes de production agricole dans les zones étudiées.

Profil socio-économique des ménages

23Dans l'ensemble des sites l'âge moyen des chefs de ménage ne présente pas de différence notable, avec une moyenne pour l'ensemble de l'échantillon de l'ordre de 58 ans et une moyenne par site allant de 54,5 à 59 ans (Tableau 2).

24Par contre pour la taille moyenne des ménages, le site de Bir Amama se distingue par une taille réduite, suite au départ d'une grande partie des membres de la famille.

25Comme pour la majorité de l'agriculture tunisienne nous avons donc des chefs de ménage âgés avec des familles nombreuses, sauf pour le site de Bir Amama (privé) pour lequel les chefs de ménage sont soit âgés avec des familles résidentes réduites suite à l'émigration de la majorité des descendants, soit jeunes avec des familles peut nombreuses (Tableau 3). Ceci renvoie donc à une situation relativement particulière de cette communauté qui se trouve à l'aboutissement d'un processus de sortie de l'agriculture, expliquant par ailleurs son adhésion collective au projet de valorisation de la terre par la plantation de cactus.

Tableau  3: Répartition des chefs de ménage par tranche d'âge en %

Sites

Centre

Sud

Coopératif - Guettis

Forestier - Khima et Makarem

Privé - Bir Amama

Tribal aménagé - Béni Khédache

Tribal non aménagé - Douiret

Total

< 45 ans

20,0

15,4

31,3

17,4

22,1

19,2

45 – 60 ans

40,0

41,0

31,3

31,9

19,1

32,1

> 60 ans

40,0

43,6

37,5

50,7

58,8

48,7

Tableau 4. Implication des ménages dans l'activité de production végétale

Sites

Centre

Sud

Coopératif - Guettis

Forestier - Khima et Makarem

Privé - Bir Amama

Tribal aménagé - Béni Khédache

Tribal non aménagé - Douiret

Total

Main d'œuvre familiale en Jt/an

293

182

197

0

3,5

101

Main d'œuvre salariale totale en jours

0

10,5

87,9

33,1

0

26

Présence de revenu extra-agricole en %

3

49

88

65

42

48

26Tous les autres sites présentent des situations où l'activité agricole et l'exploitation constituent encore le centre d'activité et d'intérêt des membres du ménage. Ceci est confirmé par l'implication du ménage dans l'activité agricole en considérant que l'implication dans l'activité agricole des membres du ménage se mesure par le nombre de journées de travail familial consacré à l'activité agricole.

27Les données de l'enquête montrent un faible engagement des chefs de ménage dans leurs exploitations agricoles et ce dans l'ensemble des sites étudiés. Le site de Guettis (coopératif) se distingue toutefois des autres par une plus grande implication des membres du ménage dans les activités agricoles en rapport avec les systèmes de culture mis en place où dominent les cultures maraîchères (Tableau 4).

28Dans les autres sites la simplification des systèmes de culture s'est traduite par un faible besoin en main d'œuvre et une implication modérée des membres de la famille dans les activités agricoles. Par ailleurs les données montrent une différence très nette entre les sites du Centre qui ont connu une diversification des systèmes de production et ceux du Sud dont les systèmes restent à dominante pastorale.

29Les données sur la pluriactivité, saisie à travers la présence d’un revenu extérieur confirment ces constats. En effet, les données montrent que le site de Guettis se distingue des autres par la quasi-absence de revenu extra-agricole, alors que pour les autres sites le pourcentage de ménages qui disposent de revenu extra-agricole est très significatif et atteint même 65 % à Béni-Khédache et 88 % à Bir Amama.

30Le niveau d'utilisation de la main d'œuvre dans les activités de production végétale est très bas dans les sites du Sud, ce qui témoigne du caractère épisodique de cette activité dans ce type de milieu. Cette situation est moins marquée dans les sites du Centre mais l'effet dépressif des conditions climatiques difficiles reste présent.

31D’un site à l’autre nous avons des familles agricoles impliquées pour une grande partie dans les activités de l’exploitation, sauf pour le site de Bir Amama où l’activité agricole ne concerne qu’une partie réduite des membres du ménage.  

Importance du foncier et des parcours

32 L’exploitation moyenne de l'échantillon est de 26 ha (tableau 5), ce qui est nettement supérieur à la moyenne nationale, le partage récent des terres collectives de parcours ou leur appropriation individuelle explique cette situation où le processus de morcellement des exploitations n'a pas encore atteint son intensité comme c'est le cas dans d'autres régions de la Tunisie où l'appropriation individuelle de la terre est plus ancienne.

Tableau 5. Répartition des exploitations selon leur taille (en %)

Sites

Centre

Sud

Coopératif - Guettis

Forestier - Khima et Makarem

Privé - Bir Amama

Tribal aménagé - Béni Khédache

Tribal non aménagé - Douiret

Total

Surface Agricole Totale moyenne en ha

44

17

21

36

20

26

< 10 ha

0

42,3

6,3

44,9

47,1

37,1

10 à 20 ha

26,7

28,2

43,8

21,7

10,3

22,6

20 à 50 ha

40,0

25,6

50,0

23,2

14,7

25,3

> 50 ha

33,3

3,8

0,0

10,1

27,9

14,9

33S'agissant de la différence entre les sites, on peut distinguer d'une part, les exploitations de Guettis et celles de Béni Khédache qui ont une taille moyenne plus importante que celle des trois autres sites: El Khima, Douiret et Bir Amama. Dans ces derniers sites, les superficies moyennes sont supérieures à la moyenne nationale (tableau 5).

34La répartition des exploitations par strate est différente d'un site à l'autre. Cette répartition est à la fois le produit des modes de partage des terres collectives, de l'évolution des structures agraires depuis le partage et donc des rapports de force au sein de la communauté et de celle-ci avec son voisinage.

  • 3 Les parcours du Sud dont le processus de privatisation est en cours sous différentes forme et avec (...)

35Les structures foncières du site de Guettis présentent une répartition relativement égalitaire de la terre avec une concentration des exploitations dans les strates supérieures à 10 ha, celui de Douiret présente par contre d'une part un groupe d'éleveurs faiblement pourvus en terre voire sans terre et d'autre part un autre groupe de grands propriétaires terriens3.

Analyse des systèmes de production agricole4 dans les zones étudiées

Les systèmes de cultures

  • 4  Un système de production agricole est composé par le système des cultures et le système d’élevage. (...)
  • 5  Les sites du Sud sont caractérisés par un climat hyper-aride et ceux du Centre par un climat semi- (...)

36A l’analyse des données les différents systèmes de cultures pratiquées dans les régions étudiées émergent. Les systèmes se différencient en fonction des statuts fonciers en présence. Comme le montre le tableau 6 une première différence apparaît entre le Centre et le Sud en ce qui concerne l'importance de l'arboriculture et le niveau d'occupation du sol. Ainsi sur les sites du Centre l'arboriculture occupe une place importante allant de 28 à 71 % de la surface agricole totale, le maximum étant mesuré sur le site d'El Khima. Cela confirme l'importance du processus historique d'appropriation et de mise en valeur, sans oublier non plus les conditions agro-écologiques qui caractérisent chacun des sites5.

  • 6  Les jessours : pluriel du jesser qui est un aménagement traditionnel de conservation des eaux et d (...)

37Ces données montrent aussi la faiblesse de la mise en valeur et de l'utilisation des terres dans les sites du Sud. Il faut signaler à ce propos que dans le Centre les surfaces non cultivées sont classées par les agriculteurs comme étant des terres en jachère alors que dans le Sud ce sont des terres non utilisées ou au mieux utilisées épisodiquement lorsque des conditions climatiques le permettent. Elles servent aussi de parcours naturels et d'impluvium pour les cultures arboricoles derrières les jessours6.

Tableau 6. Taille des exploitations et utilisation de la terre au niveau de chaque site

  • 7 Ce taux est obtenu en additionnant pour chaque exploitation les terres réellement occupées durant l (...)

Sites

Centre

Sud

Coopératif - Guettis

Forestier - Khima et Makarem

Privé - Bir Amama

Tribal aménagé - Béni Khédache

Tribal non aménagé - Douiret

Total

Surface Agricole Totale moyenne en ha

44

17

21

36

20

26

Surface en arboriculture en ha

12

11

12

4

3

7

Surface en Grandes Cultures en ha

0

4

4

0,5

0

1,6

Surface en cultures maraîchères en ha

2,5

0

0

0

0

0,3

Taux d'utilisation7 du sol %

34

89

74

12

17

35

Tableau 7. Taille moyenne des troupeaux dans les différents sites

Sites

Centre

Sud

Coopératif - Guettis

Forestier - Khima et Makarem

Privé - Bir Amama

Tribal aménagé - Béni Khédache

Tribal non aménagé - Douiret

Total

SAT moyenne en ha

44

17

21

36

20

26

Taille du troupeau en équivalent brebis

52,8

25,8

15,6

82

33,6

47,4

Tableau 8. Répartition des exploitations enquêtées par site selon la taille du cheptel en %

Sites

Centre

Sud

Coopératif - Guettis

Forestier - Khima et Makarem

Privé - Bir Amama

Tribal aménagé - Béni Khédache

Tribal non aménagé - Douiret

Nombre de brebis mère

< 10

0

32

68,8

14,5

33,8

10 à 20

6,7

38,5

12,5

10,1

20,6

20 à 50

53,3

23,1

12,5

31,9

29,4

50 à 100

33,3

5,1

6,2

17,4

8,8

> 100

6,7

1,3

0

26,1

7,4

Tableau 9. Modes de conduite des troupeaux

Tableau 9. Modes de conduite des troupeaux

38Enfin, la possibilité d'irrigation dont dispose la communauté de Ouled Zid à Guettis introduit un autre élément de différenciation entre les systèmes de culture observés au niveau des sites. La possibilité d’irrigation dans le site de Guettis a permis l’aboutissement du processus de passage de la gestion collective du parcours par le pastoralisme à une gestion individuelle par l’agriculture associée à l’élevage.

Elevage et pastoralisme

39La place des parcours tient un rôle majeur dans la structuration des systèmes d’élevage. Pour l’ensemble de l'échantillon, la taille du troupeau présente une grande diversité et cela malgré la présence de parcours collectif ou privé dans toutes les communautés enquêtées. Ainsi avec une taille moyenne du troupeau de l'ordre de 38 brebis et 3 chèvres, nous avons des troupeaux qui vont de quelques bêtes à 400 brebis et/ou à 50 chèvres. Les grands troupeaux (> 500 brebis) n’existent plus dans les sites du Sud (tableau 7).

40Dans les deux régions, le partage des terres collectives et leur mise en culture se sont traduits par une tendance à la réduction de la taille du troupeau et leur intégration à l’exploitation.

41La taille moyenne des troupeaux varie de 15,6 à Bir Amama, à 82 équivalent brebis au Douiret.

42A l'intérieur de chaque site la répartition des troupeaux selon la taille laisse voir des situations assez diversifiées (tableau 8). Ainsi, nous avons d'une part, des sites où la répartition du cheptel est relativement équilibrée, avec une majorité des troupeaux ayant une taille de 20 à 100 brebis (site de Guettis), et d’autre part, des sites où la répartition est plus déséquilibrée avec des troupeaux de tailles diverses.

43Concernant les systèmes d’élevage, les sites se distinguent les uns des autres par l'importance de la transhumance. Celle-ci mesurée par la distance moyenne parcourue par le cheptel, montre que se sont les éleveurs du Dhahar qui continuent à déplacer leur troupeau sur de longue distance même si le parcours est aménagé avec des points d’eau comme c’est le cas pour Béni-Khédache. Dans le Centre se sont les éleveurs de Guettis qui continuent les déplacements des troupeaux à la recherche de l’alimentation. Ces déplacements s’effectuent vers la région du Segui de M’dhilla à laquelle les éleveurs ont accès suite à des accords avec les propriétaires (tableau 9).

  • 8 L’épandage est une technique de valorisation des eaux de ruissellement à travers la construction d’ (...)

44La période durant laquelle l’enquête a été réalisée fait suite à deux années de sécheresse expliquant de ce fait l’importance des aliments achetés pour l’ensemble des sites. Cependant, certains sites ont des charges d’alimentation nettement plus élevées que la moyenne (tableau 9). C’est le cas du site de Guettis où malgré l’existence d’un système de production intensif, le coût élevé de l’alimentation s’explique par la sécheresse qui limite les déplacements du troupeau vers le Ségui de M’dhilla, enfin depuis la construction du barrage de Sidi Aïch le terroir de cette communauté ne bénéficie plus des eaux d’épandage8, ce qui limite la productivité de certaines terres de parcours. Par contre, dans les sites du Sud les éleveurs parviennent à amortir le coût de l'alimentation par le recours aux déplacements du troupeau sur l'ensemble des parcours du Dhahar selon des règles institutionnelles propres aux communautés des éleveurs de la région.

45Le coût de l'alimentation en année sèche est par ailleurs en relation avec les stratégies de lutte contre la sécheresse qui peuvent être différentes d'un site à l'autre. Ces stratégies allant de la vente rapide des jeunes agneaux et chevreaux jusqu'à la vente des reproductrices et la réduction de la taille du troupeau.

46Enfin, en relation avec ces stratégies, il faut signaler le recours aux services des bergers. En effet, dans les parcours du Sud, l'étendue et la complexité de la conduite dans un milieu parfois hostile, exigent la présence de bergers spécialisés qui ont une connaissance approfondie des ressources et de leur répartition dans l’espace et dans le temps.

47Les sites du Sud présentent en plus des conditions climatiques difficiles, un engagement dans le processus de privatisation plus tardif et dont les effets ne sont pas encore visibles. L’élevage reste donc à dominante pastorale et intimement dépendant des ressources du parcours. L’agriculture ne présente qu’un caractère épisodique, sauf pour l’arboriculture qui bénéficie des aménagements de collecte d’eau derrière les jessours. L’analyse des systèmes d’élevage confirme les résultats de l’analyse des structures foncières et la relation entre le processus de privatisation des terres collectives et l’orientation des systèmes de production. Ainsi l’importance de la place de l’élevage est différente entre le Centre et le Sud et entre les sites d’une même région. Dans les sites du Sud la conduite du troupeau se base sur la cueillette dans les parcours avec le recours dominant aux bergers, même si la complémentation lors des années de disettes est de plus en plus fréquente. Dans les parcours du Centre la conduite du cheptel est de plus en plus indépendante du cheptel.

48Le site de Guettis qui présente les ressources hydriques les plus importantes a connu le passage d’un système pastoral à un système agricole avec une place importante des cultures maraîchères et fourragères. Les autres sites du Centre ont une évolution qui reste bloquée suite à la faiblesse des ressources naturelles qui limitent les possibilités d’évolution. Seul le site de Bir Amama présente une exception du fait de l’importance de l’émigration comme alternative au développement de l’agriculture.

Discussion

49Cette recherche nous a permis d’élaborer des typologies du fonctionnement des exploitations agricoles enquêtées dans les sites du Centre et du Sud. Au centre, le processus de privatisation des terres collectives est très avancé pour ne pas dire achevé et il a abouti à la création d’un système agraire d’agriculture intensive basé sur l’arboriculture, l’élevage et les cultures irriguées quand l’eau existe. Dans le Sud par contre le processus est moins avancé, les parcours collectifs sont importants et jouent un rôle dans le maintien d’un système agraire basé sur le pastoralisme, ce qui n’empêche pas l’existence d’une agriculture extensive basée sur la céréaliculture épisodique et sur l’appropriation des terres par la plantation d’arbres fruitiers et très rarement par la création de périmètres irrigués.

Du système pastoral au système agricole dans le Centre

50Les analyses ont porté sur 124 exploitations réparties sur les 4 sites (Guettis, Bir Amama, Makarem et El Khima). Deux principaux axes ont été retenus pour la détermination des groupes types, soit le degré d’intensification au niveau de l’exploitation en termes d’investissement par hectare, des emblavures en maraîchages et du revenu agricole par hectare et l’importance du revenu extra-agricole dans la viabilité économique des exploitations.  Cette typologie a permis de distinguer les 4 groupes (tableau 10).

Tableau 10. Caractérisation des différents types de systèmes de production dans les sites du Centre.

Types

Type 1

Type 2

Type 3

Type 4

Superficie agricole totale en ha

62

21

21

11

Superficie arboricole en ha

16.9

7.6

14.2

5.6

Superficie des grandes cultures en ha.

0.8

0.4

3.1

5.6

Superficie des cultures maraîchères en ha

2.2

2.9

0.2

0

Investissement en dinar par ha

531

1302

96

72

Nombre de brebis

57

43

10

19

Nombre de vaches

0

0

0

2

Revenu agricole en dinar par ha

327

1027

-4

-28

Revenu Extra-agricole (REA) en dinar par ha

56

107

1326

1782

51Type 1 - De grandes exploitations intensifiées : Ce groupe concerne 18 exploitations. La superficie agricole moyenne du groupe est de 62 ha. Ce sont des exploitations intensives grâce à la création de périmètres irrigués par puits de surface à partir des années 1980 et la pratique des cultures maraîchères et notamment des cultures de pastèques, de tomate et de piment. La superficie moyenne des cultures maraîchères est de 2,2 ha par exploitation. L’investissement moyen réalisé par ha est de l’ordre de 531 DT, soit 28229 DT par exploitation.Ces exploitations continuent à pratiquer l’élevage ovin avec une moyenne de 57 brebis par exploitation. Enfin, il faut noter que le revenu extra-agricole est insignifiant pour l’ensemble des ménages. Sur le plan de la répartition géographique 16 exploitations sur les 18 appartiennent à la communauté des Ouled Zid.

52Type 2 - Les exploitations moyennes intensifiées :Ce type est proche du précédent, il en diffère principalement par une taille plus réduite des exploitations et un investissement plus important à l’hectare, qui s’élève à 1302 DT. Ce groupe concerne 14 exploitations, il est caractérisé par une superficie moyenne de 21 ha. On retrouve ici aussi le même processus d’intensification par la création de puits de surface et l’aménagement de périmètres irrigués pour les cultures maraîchères sur 2,9 ha par exploitation. Cela permet de dégager un revenu agricole par ha de l’ordre de 1027 DT. La taille moyenne des troupeaux est de 43 brebis, le revenu extra-agricole est insignifiant ici aussi. 13 exploitations sur les 14 appartiennent au site de Guettis.

53Type 3 - Des exploitations moyennes avec une orientation arboricole et un REA important : Ce type regroupe une majorité des exploitations enquêtées dans les sites du Centre avec 55 exploitations sur 124. La surface moyenne est de 21 ha avec 14,2 ha plantés en arboriculture fruitière, principalement de l’olivier. Ce groupe se caractérise par ailleurs par une taille faible du troupeau soit 10 brebis par exploitation. La faiblesse du revenu dégagé par l’activité agricole est compensée par la présence d’un revenu extra-agricole relativement important de 1326 DT par ménage en moyenne. Les exploitations de ce groupe proviennent des sites d’El Kheïma (26 ménages), Bir Amama (15 ménages) et Makarem (13 ménages), un seul provient du site de Guettis.

54Type 4 - Des petites exploitations diversifiées avec un REA important : Ce groupe est caractérisé par une SAT moyenne la plus faible des types soit 11 ha par exploitation. Cette superficie est répartie égalitairement entre grandes cultures et arboricultures fruitières. La taille moyenne du troupeau ovin est de 19 brebis, et on note par ailleurs un début de diversification par l’introduction de l’élevage bovin laitier.Comme pour le type précédent la faiblesse du revenu extérieur est compensée par la présence d’un revenu extra-agricole, le plus élevé pour tous les types. La totalité des exploitations qui constitue ce type sont localisées dans le site de Makarem.

55Cette typologie des systèmes de production des sites du Centre confirme la forte identité de chacun des sites avec la prédominance d’un type de fonctionnement dans chacun d’eux et la forte articulation entre les systèmes de culture et l’élevage qui constitue l’aboutissement du processus de privatisation des terres collectives et leur mise en culture, notamment par les plantations arboricoles.

Du système pastoral basé sur les grandes transhumances au système agro-pastoral extensif dans le Sud

56Les analyses ont porté sur 137 ménages appartenant à 8 communautés (Bir 30, Douiret, Elbenia, Elfejij, Mgar, Ras Eloued, Zeghaya, Zammour). Deux principaux axes ont été retenus pour la détermination des groupes types, soit l’importance de la composante animale dans le système de production en terme de taille du troupeau ovin et de sa contribution dans le produit total de l’exploitation et l’importance du revenu extra-agricole dans la viabilité économique des exploitations. Comme pour le syst`me agricole du centre, cette typologie a permis de distinguer les 5 groupes (tableau 11).

57Type 1 - Les pasteurs : Ce type regroupe 24 ménages de l’échantillon, avec une superficie moyenne de 26 ha, avec seulement l’équivalent de 3 ha d’arboriculture fruitière. Ce type se distingue par la taille importante du troupeau soit 123 brebis par ménage en moyenne. Les chefs de ménage réalisent un investissement moyen de 1410 DT/ha, principalement dans le matériel roulant. Ils réalisent un revenu agricole total de 2496 DT par an essentiellement d’origine animale.Le revenu extra-agricole est aussi important que le revenu agricole (pour une année sèche), il est en moyenne de l’ordre de 2093 DT par an et par ménage. Sur 24 ménages 16 sont localisés dans la zone des parcours tribal aménagé.

58Type 2 - Les pasteurs arboriculteurs : Ce type qui regroupe 10 exploitations de SAT moyenne de 29 ha, est relativement proche du type précédent. Il en diffère par l’importance prise par les plantations arboricoles qui occupent l’équivalent de 12 ha. Le troupeau moyen est de 126 brebis, le revenu agricole total est de l’ordre de 8000 DT en moyenne par ménage provenant en majorité de la production animale.

Tableau 11. Caractéristiques des types de systèmes de production pour les sites du Sud

Types

Type 1

Type 2

Type 3

Type 4

Type 5

Superficie agricole totale en ha

26

29

16

19

109

Superficie arboricole en ha

3

12

2

4

7

Superficie des grandes cultures en ha.

0

0

0

0

1

Superficie des cultures maraîchères en ha

0

0

0

0

0

Investissement en dinar par ha

1410

512

538

292

51

Nombre de brebis

123

126

27

23

40

Nombre de vaches

0

0

0

0

0

Revenu agricole en dinar par ha

238

848

-199

-66

-96

Revenu Extra-agricole en dinar par ha

2093

1164

268

3508

2294

59Type 3 - Les petits agropasteurs : Ce type concerne 49 ménages avec une SAT moyenne de 16 ha, une taille moyenne du cheptel de 27 brebis. Le revenu extra-agricole est faible, de même que le revenu agricole calculé qui s’avère négatif pour l’année en cours caractérisée par la sécheresse. La répartition par site ne montre pas de différence significative.

60Type 4 - Les petits agropasteurs avec un REA important : Ce type est proche du précédent sauf par la présence d’un revenu extra-agricole le plus important de tous les types des sites du Sud soit 3708 DT par an et par ménage. Concernant l‘appareil de production, la SAT moyenne est de l’ordre de 19 ha, le cheptel moyen est de 23 brebis par ménage. La répartition par site ne présente pas, ici non plus, de signification.

61Type 5 - Les grands propriétaires fonciers : Il s’agit d’attributaires de terres collectives qui ont bénéficié du début du processus de privatisation dans la région de Bir Thlathine. Cela explique la taille importante des exploitations (109 ha de moyenne). La taille du troupeau n’est pas en relation avec la structure foncière est reste moyenne pour la zone Sud, soit 40 brebis par ménage. Cela se traduit par un revenu agricole réduit voire négatif les années sèches. Celui ci est compensé par un revenu extra-agricole moyen de 2294 DT par an et par ménage.

62En analysant le poids de ces types nous remarquons que les agropasteurs représentent 66% de l’échantillon, alors que les pasteurs ne représentent que 25%.Au-delà de la différence dans l’orientation du système de production, on observe une différence dans les pratiques pastorales avec une plus grande mobilité des troupeaux des pasteurs, dont les déplacements se font sur de plus grandes distances (66 km en moyenne contre 37 Km pour les petits agropasteurs).

Conclusion

63Dans les parcours du Centre, la restriction de l'espace de pacage et la réduction de la taille des troupeaux s'est traduite par une intégration de l'activité d'élevage à l'activité agricole et donc à la diminution voire la disparition du métier de berger. Actuellement, la transhumance vers le Nord du pays se fait dans certains cas par le regroupement des troupeaux qui sont confiés alors à un berger. Mais, globalement les éleveurs du Sud ont recours aux services des bergers de manière nettement plus importante.

64S’agissant de la régulation face aux aléas climatiques et notamment à la sécheresse, la principale stratégie des agriculteurs est la réduction de la taille du troupeau (chez les deux tiers de l’échantillon), alors que pour les autres, il s’agit soit de l’achat d’aliment soit de l’absence de stratégies clairement définies. Ici encore les sites du Sud se distinguent par la plus grande fréquence de ce type de stratégie (vente des reproductrices), vu l’absence de production fourragère propre et la sensibilité du parcours à la sécheresse.

65Ainsi dans le Centre de la Tunisie les parcours que l’on rencontre constituent des reliquats de terre à vocation pastorale jugés non privatisables et dont la gestion est réalisée sous différentes formes présentant chacune des avantages et des inconvénients. Leurs principaux problèmes sont : la sous-exploitation des ressources créées peut affecter la pérennité des parcours ; la surexploitation de certaines ressources aboutit à la dégradation du couvert végétal ; l’accès inégal des usagers aux ressources créées du fait de l’orientation de leurs systèmes de production et de leur dotation en moyens.

66La situation des parcours du Sud est différente de celle du Centre. Les problèmes spécifiques de ces parcours sont les suivants : un statut foncier confus des parcours collectifs ; une grande confusion dans l’identification des ayants droit et la définition des droits d’usage, ce qui se traduit par des conflits d’intérêt intra et inter communautaire; une absence criante d’institutions efficaces et opérationnelles représentatives des usagers pouvant être partenaires dans les programmes d’aménagement et assurer par la suite la gestion des parcours.

67Note

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Bibliography

Abaab A. et Nasr N. 1996. Mutations des systèmes agro-pastoraux et désertification en zones arides : cas de la Jefara du sud-est tunisien. Séminaire international sur le suivi du processus de désertification. Lanzhou (Chine),  25 Juin-03 juillet 1990, 24 p.

Nasr N et Bouhaouach T 1997 Dynamique juridique, technique et institutionnelle du partage des terres collectives en Tunisie. Actes du séminaire "Pastoralisme et foncier : Impact du régime foncier sur la gestion de l'espace pastoral et la conduite des troupeaux en régions arides et semi-arides, Gabès, Tunisie du 17 au 19 octobre 1996. Options Méditerranéennes, série A, numéro 32, CIHEAM-IAM Montpellier et IRA, pp : 151-157.

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Notes

1 Arouch : pluriel de Arch qui veut dire une grande tribu.

2 La Tunisie a été engagée dans une politique de coopérativisation forcée en 1962, à laquelle il a été mis fin en septembre  1969.

3 Les parcours du Sud dont le processus de privatisation est en cours sous différentes forme et avec des procédures à la fois complexe et plus ou moins lente, sont intéressant à étudié sur le plan de la dynamique foncière, car ils sont révélateurs à la fois des rapports entre l'Etat et les collectivités locales de type tribal et des rapports de force entre ces tributs et à l'intérieur de celle-ci entre les membres d'une même collectivité soit en terme de stratégies productives (entre éleveurs et agro-pasteurs), soit en terme de pouvoir politique, économique et social.

4  Un système de production agricole est composé par le système des cultures et le système d’élevage.

5  Les sites du Sud sont caractérisés par un climat hyper-aride et ceux du Centre par un climat semi-aride inférieur.

6  Les jessours : pluriel du jesser qui est un aménagement traditionnel de conservation des eaux et des sols.

7 Ce taux est obtenu en additionnant pour chaque exploitation les terres réellement occupées durant l’année de l’enquête.

8 L’épandage est une technique de valorisation des eaux de ruissellement à travers la construction d’ouvrages spécifiques dits ouvrages d’épandage.

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List of illustrations

Title Tableau 9. Modes de conduite des troupeaux
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/695/img-1.png
File image/png, 39k
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References

Electronic reference

Salah Selmi and Mohamed Elloumi, « Tenure foncière, mode de gestion et stratégies des acteurs », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Hors-série 4 | novembre 2007, Online since 11 September 2007, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/695 ; DOI : 10.4000/vertigo.695

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About the authors

Salah Selmi

Enseignant-chercheur, Ecole Supérieure d’Agriculture de Mograne, 1121 Mograne, Zaghouan, Tunisie, courriel : s.selmi@laposte.net:

Mohamed Elloumi

Chercheur, Institut National de la Recherche Agronomique de Tunis, Hédi-Karray, 2049 Ariana, Tunis, Tunisie

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