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Droit d’accès à l’information environnementale : pierre d’assise du développement durable

Jean Baril

Abstracts

Recents juridical developments point to a new form of environmental governance, based on the largest access to environmental information. After a study of the main rules concerning that question in Quebec, the autor demonstrates that those rules don’t respect new requirements implied by sustainable development and the affirmation of  individual’s right to an healthy environment. A strong reform is necessary.

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Full text

1Même si, ces dernières décennies, le droit de l’environnement a connu un développement fulgurant, tant au niveau international que national, l’environnement continue de se dégrader. Certains instruments juridiques ne semblent pas donner les résultats escomptés et de nouveaux devront donc être mis en place pour rendre effectif le concept de développement durable. Après l’approche traditionnelle réglementaire et celle des instruments économiques du marché, on assiste présentement à l’apparition d’une 3e vague en matière de gouvernance environnementale, appelée « regulation by revelation », qui repose sur la divulgation la plus large des informations en matière d’environnement (Gupta, 2008; Mol, 2008). C’est cette perspective qui guide nos travaux.

Questions de recherche 

2Lorsqu’on procède à l’analyse des développements juridiques récents sur la scène internationale et qu’on observe la situation québécoise, où la plupart des mécanismes d’accès à l’information environnementale ont été mis en place avant l’adoption du paradigme du développement durable, un certain nombre de questions surgissent. Ainsi, comment résoudre le conflit entre le droit à la protection de renseignements « privés » et celui de connaître des informations permettant de défendre « l’intérêt public » que constitue la préservation de l’environnement? Le droit peut-il encore continuer à considérer confidentiels et de nature privée des renseignements qui touchent le patrimoine collectif de l’humanité ou de la nation? La loi doit-elle continuer à privilégier l’intérêt privé d’une personne morale qui juge confidentiels certains renseignements d’ordre environnemental, que d’autres lois « d’intérêt public » l’obligent pourtant à fournir à une institution gouvernementale? Si l’État exerce, en notre nom, un rôle de « fiduciaire » quant à la protection de notre environnement, peut-il refuser de nous rendre accessible l’information qu’il détient sur cette question? Peut-on permettre que les choix environnementaux se fassent sur la base d’informations incomplètes ou détenues de façon inégale?  Nos questions de recherche peuvent donc se résumer ainsi: au Québec, est-ce que les règles juridiques permettant l’accès à l’information environnementale, respectent les exigences nouvelles posées par le développement durable et l’affirmation du droit de chacun à un environnement sain? Dans la négative, quelles réformes juridiques doivent être adoptées pour mieux garantir aux citoyens le droit d’accès à l’information environnementale?

Des développements juridiques récents

3Déjà, le principe dix de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement indiquait que chaque citoyen devait avoir accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques de façon à permettre au public de participer efficacement à la prise de décisions.   En 1998, la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe adopte la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement,qui constitue un accord d’un nouveau genre à l’intérieur du droit international de l’environnement.  En effet, ce traité ne porte pas sur des milieux, des substances ou des espèces, mais reconnaît et affirme des droits qui peuvent être directement invoqués par tous devant les tribunaux.  Cette convention dépasse donc le cadre de l’environnement pour toucher aussi des questions de démocratie et d’exercice partagé du pouvoir entre l’État, les décideurs économiques et les citoyens, condition essentielle du développement durable et de la nouvelle gouvernance qu’il implique.

  • 1  L.R.Q., c. C-12, art. 46.1

4Depuis Rio, de nombreux autres instruments juridiques, nationaux comme internationaux, ont réitéré l’importance de l’accès à l’information en matière d’environnement et on peut affirmer que l’information est aujourd’hui reconnue internationalement comme un des éléments indispensables pour la protection et l’évaluation de l’environnement (Leme Machado, 2007). De plus, ce droit procédural est une condition de réalisation du droit à un environnement sain et de qualité  (Kiss et Beurier, 2004), droit maintenant reconnu dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne1.

  • 2  Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics. Adoptée le 27 novembre 2008 p (...)

5Quant au droit général d’accès à l’information, il s’agit, là aussi, d’un droit tout récent pour les citoyens, mais qui se répand rapidement partout sur la planète. En 1966, le Congrès américain vote le Freedom Of  Information Act, législation qui consacre le droit d’obtenir de l’État des documents jusque-là préservés du regard des simples citoyens (Comeau, 2006). Aujourd’hui, environ 70 pays disposent d’une législation en matière d’accès à l’information, dont les deux tiers ont été adoptés au cours de la dernière décennie (CHRI, 2008). Par ailleurs, le Conseil de l'Europe vient tout juste d’adopter le premier instrument juridique international contraignant qui reconnaisse un droit général d’accès aux documents détenus par les autorités publiques2. Autre évolution majeure des vingt dernières années, le droit d’accès à l’information est de plus en plus considéré comme un droit humain fondamental, nécessaire à la réalisation de tout autre droit humain (Mendel, 2008).

  • 3    Pour exemple, voir :Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie : entre faits et normes, Paris, Gallima (...)

6En outre, le droit d’accès à l’information environnementale s’inscrit aussi dans les récents développements entourant la philosophie du droit, particulièrement avec la théorie de démocratie délibérative et de « l’agir communicationnel » de Jürgen Habermas3. La divulgation la plus complète des informations pouvant éclairer les multiples choix possibles est ainsi considérée comme une condition indispensable à l’élaboration et à la légitimité des normes publiques en matière d’environnement (Melkevik, 2005).

7Finalement, plusieurs principes juridiques relatifs au développement durable nécessitent que l’information soit accessible. En effet, comment mettre en œuvre correctement les principes de prévention, de précaution, de pollueur-payeur, d’équité intergénérationnelle, ainsi qu’évaluer la capacité de support des écosystèmes, si toutes les informations pertinentes ne sont pas disponibles?

La situation actuelle au Québec

  • 4  Voir : Delisle c. Canada (Sous-procureur général), [1999] 2 R.C.S. 989 et Baier c. Alberta, [2007] (...)

8Au Canada, ni la constitution ni la Charte canadienne ne font référence au droit à l’information, et cela, même si la Charte canadienne des droits et libertés fut adoptée l’année même de l’adoption par le Parlement fédéral d’une loi sur l’accès à l’information. Le droit à l’information y est plutôt vu comme étant une création jurisprudentielle découlant du droit à la liberté d’expression et de la liberté de presse consacré à l’article 2b) de la Charte canadienne (CDPJ, 2003). La Cour suprême a souvent affirmé que, sauf, circonstances exceptionnelles, la liberté d’expression n’impose à l’État qu’une obligation de non-ingérence4.

9Pour sa part, l’Assemblée nationale du Québec adopte, en 1975, la Charte des droits et libertés de la personne, dont l’article 44 énonce que   « Toute personne a droit à l’information, dans la mesure prévue par la loi ». Au Canada, il s’agit du seul lieu de nature constitutionnelle où se trouve formulé expressément un droit à l’information (Brun, 2005). Cependant, ce droit relève des droits économiques et sociaux et il peut être limité par une loi, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours, dans cette loi, à une disposition dérogatoire, comme c’est le cas pour les droits fondamentaux énumérés aux articles 1 à 38 de la Charte.

10Au Québec, l’environnement a joué un rôle de précurseur dans la question du droit d’accès à l’information. En 1978, quatre ans avant l’adoption de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels [ci-après « Loi sur l’accès »],  la Loi sur la qualité de l’environnement [ci-après « L.q.e. »] est modifiée de façon substantielle pour y introduire un régime d’autorisation préalable plus exigeant, celui de l’évaluation et de l’examen des impacts sur l’environnement. La grande particularité de cette procédure est de permettre l’information, la consultation et la participation du public. Il s’agissait alors de la première reconnaissance statutaire du droit du public à l’information gouvernementale (Duplessis et al., 1982).

11À l’instar de ce qui existe au niveau international, on trouve généralement au Québec deux voies d’accès du public à l’information en matière d’environnement. Une première envisage la réponse des autorités aux demandes d’informations particulières du public. Cette forme « passive » du droit à l’information correspond en gros aux mécanismes prévus par la Loi sur l’accèset à l’article 118.4 de la L.q.e. qui se lui comme suit :

118.4.  Toute personne a droit d'obtenir du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs copie de tout renseignement disponible concernant la quantité, la qualité ou la concentration des contaminants émis, dégagés, rejetés ou déposés par une source de contamination ou, concernant la présence d'un contaminant dans l'environnement.

Le présent article s'applique sous réserve des restrictions aux droits d'accès prévues à l'article 28 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ( chapitre A-2.1).

  • 5  Tel qu’établi dans la décision Regroupement régional de citoyennes et de citoyens pour la sauvegar (...)

12Notons d’abord que l’information environnementale couvre beaucoup plus que  la seule question des contaminants. Par exemple, le débit réservé autorisé pour l’opération d’une centrale hydroélectrique, le niveau d’algues bleu vert dans un lac, une liste des milieux humides, les caractéristiques de certaines espèces menacées, des études, des opinions ou des rapports sur des projets de politiques ne sauraient être obtenus en vertu de cette disposition. De plus, cet article s’applique seulement aux contaminants déjà émis ou rejetés dans l’environnement et ne peut donner accès à un document permettant de connaître  préalablement la quantité de contaminants qu’une entreprise prévoit émettre ou rejeter5. Il ne peut donc servir qu’à des fins curatives et non préventives.

  • 6  Voir, en particulier, les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès.
  • 7  Son article 168 indique que » Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi g (...)

13En outre, la cohabitation entre cet article et la Loi sur l’accès n’est guère facile.  Paradoxalement, la Loi sur l’accèscontient de nombreuses restrictions qui vont à l’encontre d’objectifs de la L.q.e. Elles visent généralement à protéger les droits des tiers qui ont dû fournir des informations à caractère industriel, financier, commercial, technique, scientifique ou syndical afin d’obtenir des autorisations6. Or, la nature même de l’information environnementale fait en sorte qu’elle présente généralement un caractère industriel, commercial, technique ou scientifique et qu’elle se retrouve ainsi très souvent soustraite au principe de divulgation. Ainsi, plusieurs entreprises s’appuient sur ces restrictions, et sur le statut « quasi constitutionnel » de la Loi sur l’accès7, pour contester le droit du ministère de divulguer ce type d’informations et empêcher les citoyens d’obtenir des documents réclamés en vertu de l’article 118.4 de la L.q.e.

14De plus, ce sont ces exceptions au principe général d’accès qui sont les plus utilisées pour refuser la communication de documents, au Québec comme au Canada, malgré que, selon un ancien Commissaire à l’information : « Les véritables secrets sont rares. Dans certains milieux, sonner l’alarme du désavantage commercial est devenu autant un réflexe que de cligner des yeux » (Commissaire à l’information du Canada, 2002). Ces conclusions rejoignent celles d’un spécialiste de l’accès à l’information au Québec qui considère inadmissible que ce soit les entreprises qui établissent la nature confidentielle de documents « en les traitant de façon constante comme tels » et que les fonctionnaires des ministères environnementaux soient si prompts à défendre ce point de vue devant les instances chargées d’entendre les doléances des citoyens à qui on refuse ces informations (Duplessis, 1992).

15Par ailleurs, les autorités publiques détenant des compétences en matière d’environnement ou dont les activités peuvent causer un impact sur l’environnement ont aussi une obligation « active » en matière d’information.  Elles doivent assurer de manière systématique la collecte, la sélection, la vérification, le classement, la mise en forme, la mise à jour et la diffusion des informations environnementales  pertinentes auprès du public, en ayant de plus en plus recours aux technologies modernes de communication (Razafindratandra, 2005).

16Au Québec, cette obligation « active » de divulgation d’information environnementale est principalement assumée en vertu de l’article 118.5 L.q.e., qui prévoit la tenue d’un registre par le ministre responsable de l’environnement. Ce registre porte sur 16 catégories de documents administratifs, dont les certificats d’autorisation délivrés en vertu de la loi. Malgré sa conclusion édictant que « Les renseignements contenus dans ce registre ont un caractère public », l’accès au registre ne permet malheureusement pas l’accès aux documents permettant d’établir les conditions précises d’autorisation. Un certificat d’autorisation fait généralement référence aux conditions dans lesquelles une entreprise devra opérer et des engagements qui sont pris de part et d’autre. Cependant, l’obtention d’une copie du certificat d’autorisation par un citoyen se résume, à ce jour, à la seule lettre du ministère adressée au promoteur disant : « Voilà votre certificat d’autorisation et vous opérerez selon les conditions énoncées dans les documents qui y sont mentionnés ».  Mais, sans accès aux fameux documents  mentionnés dans le certificat et qui contiennent l’information environnementale recherchée. Or, si on ne connaît pas ces conditions d’autorisation, le fait que les articles 19.1 à 19.3 de la Loi sur la qualité de l’environnement permettent aux citoyens de prendre une injonction pour faire respecter les conditions d’autorisation devient tout à fait illusoire.

  • 8  Récupération Portneuf Inc. c. Ministère de l’Environnement [1991] R.J.Q. 549 (C.Q.)  
  • 9  Chertsey (Municipalité) c. Québec (Ministère de l’Environnement), (18 juin 2004), Montréal 500-80- (...)
  • 10  Chertsey (Municipalité) c. Québec (Ministère de l’Environnement), (22 novembre 2004) 500-17-021578 (...)

17Appelée à se prononcer sur le sens de cette disposition, la Cour du Québec a d’abord conclu, dans l’arrêt Récupération Portneuf Inc, qu’il faut distinguer les renseignements contenus dans le registre, des documents auxquels il permet de se référer8. Par conséquent, elle considère que les renseignements contenus dans un document auquel le registre permet de référer n’ont pas de caractère public et sont soumis aux restrictions de la Loi sur l’accès. Cependant, une lueur d’espoir semblait permise lorsque, en juin 2004, après plusieurs décisions ayant appliqué les principes dégagés par l’arrêt Récupération Portneuf Inc, le juge Brossard de la Cour du Québec adoptait une position différente en concluant que les documents faisant partie du certificat d’autorisation étaient accessibles pour une municipalité9.  La Cour supérieure10 a refusé de réviser cette décision et constaté que :

[…] l’article 19.3 de la L.q.e. consacre le droit d’une municipalité de s’adresser à notre cour afin d’obtenir une injonction en cas de non-respect par le titulaire d’un certificat d’autorisation des conditions qui y sont prévues. Or, l’exercice de ce droit devient impossible si l’on ne connaît pas la portée et le contenu véritable du certificat […]

  • 11  Pour exemple, voir : Municipalité de Saint-Nazaire c. Ministère du Développement durable, de l’Env (...)

18Nous avions alors salué cette décision et considéré qu’il était possible d’utiliser le raisonnement de cet arrêt pour soutenir le droit des citoyens d’obtenir les informations environnementales nécessaires au soutien de leur droit à l’injonction reconnu par la L.q.e. (Baril, 2006). Malheureusement, tant le MDDEP que la Commission d’accès à l’information continuent de contester cette interprétation11. Or, si l’État n’a pas l’obligation de rendre publiques les conditions d’autorisation des projets à qui il donne le feu vert, comment les citoyens peuvent-ils jouer leur rôle de « chiens de garde » et de protecteurs de l’environnement, tel qu’affirmé par les discours sur le développement durable et la démocratie participative?

Hypothèses

19En nous servant du cadre conceptuel entourant le développement durable et la démocratie délibérative, notre recherche fait une analyse critique des règles juridiques québécoises concernant l’accès à l’information environnementale. Dans un État de droit, ce sont ces règles qui cristallisent les obligations de l’État, des entreprises et des citoyens, ainsi que leurs droits, bien plus que le discours politique. Or, même les sociétés les plus démocratiques ont hérité d’un long passé de pouvoir absolu qui a laissé une tendance profonde à entourer d’un secret opaque l’action des autorités publiques. Cela se reflète dans le fait que « le paradigme fondamental de la plupart des régimes juridiques d’accès aux documents publics est celui du request-and-wait » (Trudel, 2003). La connaissance de l’existence d’un document demeure toujours une condition au droit d’accès et les restrictions continuent d’être nombreuses. Les dispositifs d’information environnementale adoptés au Québec, il y a près de 30 ans, avaient comme objectif prioritaire celui d’informer le gouvernement. En revanche, le développement durable et les développements juridiques récents sur l’information environnementale favorisent la mise en place de nouveaux mécanismes ayant comme objectif principal celui d’informer le public.

20Selon nous, le concept de développement durable demeure largement un vœu pieux, au Québec comme ailleurs. Les acteurs du développement économique, légitimés dans leurs actions par un droit qu’ils ont fortement influencé, ont toujours le haut du pavé. Ainsi, « le droit de l’environnement est inefficace parce qu’il est en contradiction avec des normes plus puissantes, qui organisent et protègent les différentes activités destructrices de la diversité biologique » (Hermitte, 1990). Par ailleurs, si le libéralisme économique a accompagné la naissance des libertés fondamentales, dont la liberté d’expression et d’information, il est aussi responsable, pour une large part, de la détérioration de la nature.  Pourtant, les « intérêts commerciaux » servent encore aujourd’hui de principales échappatoires aux différentes mesures d’accès à l’information. Les entreprises continuent d’avoir un « droit de veto » sur la divulgation d’informations qu’elles ont eu l’obligation de remettre à l’État, même si le droit d’accès à l’information est de plus en plus perçu comme un droit fondamental nécessaire à l’exercice de plusieurs droits humains.

21D’autre part, les lois actuelles sur l’accès à l’information ne touchent généralement que les informations détenues par l’État. Or, le secteur privé peut détenir des informations environnementales importantes pour la préservation de l’environnement ou pour la protection de certains droits humains fondamentaux. De plus, on assiste actuellement à un transfert de certaines missions de l’État vers le secteur privé, soit par privatisation ou par partenariat, qui rend souvent inaccessibles des informations qui, auparavant, l’auraient été. Tout cela nous semble difficilement conciliable avec le développement durable et l’affirmation d’un droit fondamental à un environnement sain. Donc, nous penchons vers une réponse négative à notre première question de recherche.

22En revanche, nous indiquons certaines réformes juridiques pouvant mieux garantir le droit des citoyens d’accéder à l’information environnementale. Ainsi, nous postulons que l’égalité d’accès aux informations environnementales devrait devenir le grand principe juridique de base. Le critère de divulgation ne serait plus qui détient l’information ou qui l’a fournie, mais bien la nature de l’information. De cette façon, tant l’expertise environnementale détenue par l’État ou le secteur privé seraient rendues accessibles aux citoyens. Par ailleurs, l’article 32 de la récente constitution d’Afrique du Sud propose une avenue intéressante:

  • Everyone has the right of access to

    • any information held by the state; and

    • any information that is held by another person and that is required for the exercise or protection of any rights.

    • 12 Constitution of the Republic of South Africa (1996), art. 32(1). [En ligne].

    National legislation must be enacted to give effect to this right, and may provide for reasonable measures to alleviate the administrative and financial burden on the state12.

23Si une telle clause existait ici, on pourrait alors obtenir l’information nécessaire pour l’exercice ou la protection du droit à la vie, à la sécurité, mais aussi du droit à un environnement sain. De plus, renforcer le statut du droit d’accès à l’information dans la Charte québécoise, augmenterait le degré de sécurité juridique offert aux citoyens concernant ce droit et les protégeraient contre les changements de volonté politique des divers gouvernements.

24À l’évidence, la généralisation des technologies de l’information modifie plusieurs fondements du droit relatif à l’accès aux documents publics. La protection de l’environnement et l’adoption du paradigme du développement durable sont aussi des valeurs nouvelles qui doivent servir à redéfinir le droit d’accès. Ainsi, l’obligation active de diffusion de l’information devrait être largement affirmée et ne laisser qu’une part réduite à l’obligation passive consistant à répondre aux demandes des citoyens. Devant l’insuccès relatif des mécanismes juridiques traditionnels appliqués en droit de l’environnement, nous estimons qu’il faut dorénavant privilégier l’action citoyenne et favoriser la mise en œuvre complète de droits procéduraux, tel le droit d’accès à l’information, comme étant la meilleure manière d’assurer à tous le droit à un environnement sain et l’atteinte éventuelle d’un développement qui soit durable.

25Si  « l’information, c’est le pouvoir », partager l’information équivaut donc à partager le pouvoir. Il est alors normal que des tensions sociopolitiques existent à ce sujet et on ne peut détacher l’évolution de la lutte pour le « droit de savoir » de celle du combat incessant pour l’élargissement de la démocratie. Environnement et démocratie vont plus que jamais de pair et pour préserver l’un, il faudra renforcer l’autre. En proposant des réformes juridiques visant à améliorer le degré de sécurité juridique offert aux citoyens quant à leur droit d’accès à l’information environnementale, nous nous inscrivons dans ce courant. Donc, les réponses à nos questions de recherche montreront les liens unissant droit de l’environnement, droit d’accès à l’information, démocratie délibérative et développement durable. Selon nous, seule l’union de ces pièces permettrait de résoudre le casse-tête écologique actuel.

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Bibliography

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Notes

1  L.R.Q., c. C-12, art. 46.1

2  Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics. Adoptée le 27 novembre 2008 par le Comité des Ministres, la

   Convention n’a pas encore de numéro d’identification officielle. On peut retrouver le texte  [En ligne].   

    http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/AccessDoc.htm     (Page consultée le 18 février 2009)

3    Pour exemple, voir :Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie : entre faits et normes, Paris, Gallimard,

    1997 et L’intégration républicaine : essais de théorie politique, Paris, Fayard, 1998.   

4  Voir : Delisle c. Canada (Sous-procureur général), [1999] 2 R.C.S. 989 et Baier c. Alberta, [2007] 2 R.C.S. 673.

5  Tel qu’établi dans la décision Regroupement régional de citoyennes et de citoyens pour la sauvegarde de l’environnement c. Ministère

  du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs et Récupère Sol Inc.,  (14 septembre 2005) C.A.I.., Commissaire Diane

   Boissinot.

6  Voir, en particulier, les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès.

7  Son article 168 indique que » Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur

   seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. ».

8  Récupération Portneuf Inc. c. Ministère de l’Environnement [1991] R.J.Q. 549 (C.Q.)  

9  Chertsey (Municipalité) c. Québec (Ministère de l’Environnement), (18 juin 2004), Montréal 500-80-022212-034 (C.Q.) juge S.

   Brossard.

10  Chertsey (Municipalité) c. Québec (Ministère de l’Environnement), (22 novembre 2004) 500-17-021578-045 (C.S.), juge W. C.

    Décarie. Requête en révision rejetée.

11  Pour exemple, voir : Municipalité de Saint-Nazaire c. Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs et

    Granilac, (18 décembre 2007), 04 12 32 et 05 13 79 (C.A.I.) Commissaire Jean Chartier et Val-des-Monts c. Québec (Ministère du

    Développement durable, de l’Environnement et des Parcs), (1er avril 2009)  2009 QCCAI 77

12 Constitution of the Republic of South Africa (1996), art. 32(1). [En ligne].

     http://www.info.gov.za/documents/constitution/index.htm (Page consultée le 22 mars 2009)

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References

Electronic reference

Jean Baril, « Droit d’accès à l’information environnementale : pierre d’assise du développement durable Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Hors série 6 | novembre 2009, Online since 09 November 2009, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/8931 ; DOI : 10.4000/vertigo.8931

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About the author

Jean Baril

LL.M., avocat et doctorant à la faculté de droit de l’université Laval. 600, Albert Ouimet, Terrebonne, QC, Canada. J6Y 1G4. Courriel : jeanbaril@hotmail.com

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