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Développement durable et impacts des politiques publiques de gestion de la vallee du fleuve Sénégal : Du régional au local

Abdourahmane Mbade Séné

Abstracts

This study, on institutional, economic, social and ecological aspects of sustainable development, is based on an analysis of the Senegal River watershed including four countries (Senegal, Mali, Mauritania and Guinea-Bissau). At regional analysis scale, our research shows the River’s management throws up many problems and could not be considered as sustainable. The study indicates an opposition between institutions or bureaucracy and local communities. The firsts manage the River and focus decision-making power, while the seconds are not really involved in decision-making processes. Furthermore, Diama and Manantali’s dams impacts show very controversial results : the irrigation’s improvement is accompanied by a deterioration of ecological conditions.
At National and Local levels, this study highlights several changes that result primarily from regional activities (dams, environmental management tools, conventional and legal measures introduced by national and regional bureaucracy...). These changes can be observed in different forms and are supported by local communities. These results defend altogether a sustainable development’s aim.

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Full text

Introduction

1La plupart des études sur les activités de développement dans la vallée du fleuve Sénégal, produites dans les deux dernières décennies (par exemples Leroy, 2006 ; Salem-Murdock et al., 1994 ; Crousse et al., 1991), indiquent généralement des résultats controversés sur leurs impacts socio-économiques et environnementaux. Ainsi on pourrait se demander pourquoi les actions publiques de développement mises en place dans cette région ne produisent pas des résultats satisfaisants ? Le développement durable, apparaissant aujourd’hui comme une solution pour l’avenir de la planète et la réduction des inégalités écologiques, sociales et économiques entre les différentes régions du globe (Moss et Fichter, 2003, pp. 56-65 ; Giddings et al., 2002, pp. 187-196 ; UNECOSOC, 2001, pp. 33-40) y est-il réellement applicable ? Quelles sont les tendances suivies par sa concrétisation ? Son application est-elle soumise aux contraintes des territoires ? En effet, les définitions du développement durable sont très nombreuses. Plusieurs auteurs (Pinter et al., 2005, pp. 11 ; Spangenberg, 2004, pp. 74-86 ; UNDSD, 2001, pp. 11) le présentent comme l’intersection entre quatre grands impératifs : environnement, société, économie et institution. Ainsi, le rapport de la Commission mondiale pour l’environnement et le développement durable connu sous le nom de rapport de Brundtland (1989, pp. 47), considéré comme le document de base du développement durable, fait ressortir trois impératifs d’ordre éthique : l'impératif environnemental pour sauvegarder globalement l'environnement dans le long terme ; l'impératif social pour renforcer la cohésion grâce à la réalisation de la justice entre les peuples, les pays, les genres, les groupes sociaux etc. ; et enfin, l'impératif institutionnel pour assurer la participation des populations dans les décisions politiques prises. L'impératif économique n'est pas directement mentionné dans ce rapport. On y sous-entend qu'une très forte économie n'est pas une fin en soit, même si elle est considérée comme nécessaire pour la satisfaction à long terme des besoins matériels en fournissant du travail, des revenus, la sécurité sociale et des opportunités de consommation. La signification donnée au développement durable dans ce papier est donc la même que celle proposée par ces auteurs.

2Le bassin du fleuve Sénégal, à l’instar des autres régions sahéliennes, est marqué à partir des années 1960-1970 par des conditions physiques et climatiques difficiles caractérisées par des sécheresses aiguës. L’intensification de l’irrigation a contribué à la pollution des eaux et des sols du milieu. La mise en place des ouvrages hydro-agricoles (principalement les barrages de Diama et de Manantali) au cours des années 1980, en modifiant les caractéristiques physico-chimiques de l’eau du fleuve, s’est traduite par la perturbation de la biodiversité au niveau du bassin : prolifération d’algues et détérioration de la faune et de la flore. Des études montrent également que les aménagements hydro-agricoles ont un impact néfaste sur la santé des populations (Verhoef, 1996, pp. 35-50 ; Mulato, 1993, pp. 1-12). En effet, plusieurs programmes de développement durable sont réalisés par des acteurs présents dans la région, en particulier par l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), organisme régional chargé par les Etats riverains de gérer l’exploitation et l’aménagement du fleuve et de son bassin versant, afin d’améliorer le cadre de vie des populations. Ces programmes touchent les volets économique, social, environnemental et institutionnel et sont mis en application généralement sur des échelles territoriales différentes (régionale, nationale, locale).

3La multiplicité des politiques publiques de développement dans ce bassin, sans doute liée à la présence de l’eau, justifie notre choix de ce terrain comme site d’étude. A cause du dynamisme de la région, il semble intéressant d’identifier les différents processus de mise en place des principales politiques de développement et de faire des croisements entre les différents impératifs du développement durable sur des échelles territoriales variables. Le choix de cette région présente un double enjeu : d’une part, il permet de s’intéresser à l’épineux problème de la gestion de l’eau et des bassins versants en zone sahélienne et d’autre part il permet, avec sa particularité, d’apporter des éléments de réponses à notre problématique de recherche sur l’application et l’efficacité des politiques de développement durable.

4Cette étude permet donc de mettre en évidence des logiques et des modèles de développement durable réalisés ou en voix de réalisation à différentes échelles territoriales dans le bassin. Ces logiques contribuent, à travers leur spécificité, à la construction ou à l’enrichissement du concept de développement durable. Ce travail qui constitue une étude de cas typique des territoires du Sud permet également de mieux percevoir les différentes articulations qui peuvent exister entre le local et le régional dans ces territoires.

Méthodologie

5La méthode utilisée est la méthode comparative (Grawitz, 2001, pp. 419-421). Deux territoires, régional et local, situés dans le bassin du fleuve Sénégal mais qui se différencient par leur échelle spatiale sont comparés. Ces deux espaces s'imbriquent et sont situés sur des territoires similaires, du point de vue géographique, historique, mais également du point de vue des politiques de développement qui y sont appliquées. Seule l'échelle spatiale constitue le facteur qui les différencie. Toutes les politiques sur les domaines environnementaux, agricoles, sociaux et institutionnels réalisées sur ces territoires servent de variables « d’entrée ». Afin de mieux déterminer les effets induits par ces politiques, des études de cas spécifiques sur chacun des deux territoires sont choisis : dispositif institutionnel de l’OMVS et construction de grands barrages (Diama et Manantali) à l’échelle régionale, puis des organisations sociales et des constructions de l’espace comme la SAED (Société d’aménagement et d’exploitation du delta, le CLCOP (Cadre Local de Concertation des Organisations de Producteurs) et les stratégies d’aménagement agricole de femmes à l’échelle locale. Les variables « de sortie » examinées sont la participation du public ou des populations locales aux processus de prise de décision, la question de la justice sociale, les performances économiques et le degré de préservation de l’environnement.

6La mise en relation des variables « d’entrée » et « de sortie », met en lumière le rôle que peut jouer les variables « d’entrée » dans la réduction des inégalités, la participation, la protection de l’environnement et l’amélioration économique. Cette méthode comparative repose sur des informations précises sur chacun des deux échelles territoriales recueillies à l’aide d’une recherche bibliographique et des enquêtes auprès des populations, des responsables politiques (élus locaux), des représentants des Etats membres et des experts de l'organisation régionale : OMVS et des représentants administratifs (représentants locaux de l’Etat). Concernant l’échelle régionale, les enquêtes sont menées essentiellement auprès des décideurs de l’OMVS et certaines structures de l’Organisation comme la SOGED (Société de gestion du barrage de Diama), mais également auprès des acteurs d’organismes de gestion de la vallée comme l’ANCAR (Agence Nationale du Conseil Agricole et Rural) et d’experts scientifiques et techniques appartement quelques fois au milieu universitaire (Université de Saint-Louis). La plupart de ces acteurs régionaux qui opèrent dans l’ensemble de la vallée ont leurs bureaux dans la ville de Saint-Louis. Ainsi, les enquêtes menées dans cette ville ont permis de recueillir plusieurs informations de portée régionale. Les enquêtes pour le local sont réalisées dans des villages de la zone du delta située sur la rive gauche du fleuve. Elles sont menées sous forme d’observation directe sur le terrain et d’entretiens par individu ou par groupe d’individus suivant les circonstances, sur une période totale d’environ quatre mois (janvier à avril 2006). Les lieux où les enquêtes sont effectuées : Saint-Louis, Diama, Richard-Toll, Lampsar, Ndialakhar, Gandon et Mbann sont rapportés à la Figure 1. Certaines personnes interviewées, le lieu et la date de l’interview sont cités progressivement dans ce papier. Les autres informations recueillies des enquêtes sont recoupées entre elles, analysées, puis en fonction des idées et des tendances qu’elles véhiculent, sont diffusées directement dans le corps du texte pour appuyer l’argumentation.

Figure 1. Carte de localisation des sites enquêtés

Figure 1. Carte de localisation des sites enquêtés

source : Sène, A.

Note : Les localités qui figurent sur cette carte, situées dans le delta de la rive gauche du fleuve Sénégal, représentent les différents sites où mes enquêtes ont été effectuées.

Résultats

Politiques et actions publiques à l’échelle régionale

7À l’échelle régionale, les différents impératifs du développement durable n’évoluent pas dans le même sens et certains de ces indicateurs tels que l’équité et la participation sont plutôt négatives.

8L’étude du dispositif institutionnel de l’OMVS indique, dans un premier temps, un cadre théorique de référence. Puis, dans un second temps, elle montre une déficience dans son application et souligne ainsi des problèmes sociaux comme la faible participation des représentants des populations aux processus de prise de décision.

Mécanismes institutionnels de l’OMVS et participation aux processus de prise de décision

9L’OMVS est constituée par trois organes permanents : la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernement qui est l’instance suprême de l’Organisation, définit la politique de coopération et prend des décisions concernant le développement économique général ; le Conseil des ministres qui élabore la politique générale d’aménagement du fleuve et le Haut-commissariat qui est l’organe d’exécution de l’Organisation (Figure 2). En plus de ces principaux organes permanents, l’OMVS est également constituée d’organes consultatifs où la participation des populations est admise suivant des formes bien déterminées. Ces organes consultatifs sont principalement constitués par la CPE (Commission Permanente des Eaux), créée en 2002, les CNC (Comités Nationaux de Coordination) et les CLC (Comités Locaux de Coordination) créées en 1997 (Figure 2).

Figure 2. Cadre institutionnel de la gouvernance de l’eau du fleuve Sénégal

Figure 2. Cadre institutionnel de la gouvernance de l’eau du fleuve Sénégal

Source : Sène et al., 2007

Note :La Figure montre les principaux acteurs qui participent dans la gouvernance de l’eau du fleuve. Le modèle Top-down indique que le processus de prise de décision est hiérarchisé avec un pouvoir plus important pour les organes permanents.

10La CPEestcomposée de représentants des Etats membres de l’Organisation. Elle est chargée de définir les principes et les modalités de la répartition des eaux du fleuve Sénégal entre les Etats et entre les secteurs d’utilisation de l’eau, à savoir, l’industrie, l’agriculture et les transports. Les populations locales peuvent être représentées au sein de cette Commission. Les CNC et CLC sont récemment créés et entrent dans le cadre de l’élaboration, au niveau régional, d’un comité de pilotage du PASIE (Programme d’Atténuation et de Suivi des Impacts sur l’Environnement). Le PASIE, mis en place en 1999, est défini par l’OMVS comme un programme d’action qui définit un ensemble de mesures de correction, d’optimisation et de surveillance des impacts sur l’environnement, dans le cadre de la mise en valeur des ressources du fleuve. Il précise également les mécanismes de coordination, de communication et de suivi qui sont prévus afin d’assurer la participation de tous les intervenants concernés, incluant les collectivités locales et les ONG, à la gestion environnementale du bassin. Le CNC regroupe, dans chaque pays, les Ministères concernés, les organisations professionnelles, la société civile (ONG, associations) et les représentants des CLC. Il est chargé, au niveau de chaque Etat membre, d’assurer la coordination et le suivi des actions du PASIE, et d’organiser l’information et la sensibilisation des populations. Les CLC sont créés à la base et regroupent, dans chaque pays, les collectivités locales, les associations et coopératives professionnelles, les représentants des associations de jeunes et de femmes, les ONG et les représentants de l’autorité administrative. Ces CLC donnent leur avis sur la gestion des ressources et suivent l’exécution des programmes du PASIE. Leur avis est transmis et discuté au Comité de Pilotage du PASIE regroupant à la fois des représentants des Etats, de l’OMVS, des partenaires au développement et de la société civile.  

11Par ailleurs, le GEF/BFS (Gestion des Ressources en Eau et de l’Environnement du Bassin du fleuve Sénégal), créé en 2001, appuyé par la Banque mondiale et le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) et financé par le FEM (Fond pour l’Environnement Mondial), vise, entre autres, à élargir et à approfondir l’approche participative déjà amorcée par le PASIE avec la création des CNC et CLC évoqués ci-dessus. Son objectif global est d’établir un cadre stratégique participatif afin d’assurer une gestion durable de l’environnement et des ressources en eau à l’échelle régionale du bassin du fleuve Sénégal. Il repose, en partie, sur la promotion de la participation des populations du bassin, de la société civile et de la communauté scientifique à la gestion des ressources.  

12Les deux grands programmes que sont le PASIE et le GEF/BFS sont les signes précurseurs de la Charte des eaux du fleuve Sénégal. Cette Charte a été adoptée en mai 2002 par la Conférence des chefs d’Etats de l’OMVS et ratifiée par les parlements des Etats membres. Elle comprend une déclaration commune et trois annexes qui en sont partie intégrante. La première annexe définit la stratégie optimale de répartition prévisionnelle de la ressource en eau entre les usagers et les deux autres constituent les manuels de gestion des barrages de Diama et de Manantali. La Charte a pour principaux objectifs de fixer les principes et les modalités de la répartition des eaux du fleuve entre les différents secteurs d’utilisation ; de déterminer les règles relatives à la préservation et à la protection de l’environnement, particulièrement en ce qui concerne la faune, la flore, les écosystèmes des plaines inondables et des zones humides et enfin de définir le cadre et les modalités de participation des utilisateurs de l’eau dans la prise des décisions de gestion des ressources en eau du fleuve (article 2 de la Charte). A priori, on peut donc souligner que les volets de l’environnement et de la participation du public dans les processus de prise de décision occupent un rôle fondamental dans les objectifs visés par la Charte.

Dispositif institutionnel de l’OMVS et application

13La formulation des politiques au niveau régional, comme le montre l’analyse précédente du dispositif institutionnel de l’OMVS, se caractérise donc par une rhétorique assez conventionnelle : l’ensemble des outils de gestion du fleuve et de sa vallée intègre généralement le discours et les principes d’un développement durable comme la participation des populations aux processus de prise de décision. Cependant, les problèmes commencent lors de l’implémentation des mesures.

  • 1  

14Les observations et enquêtes réalisées sur le terrain indiquent, en effet, que la plupart des structures locales telles que les communautés rurales, les communes urbaines ou les associations de producteurs ne participent pas réellement à la gestion de l'eau et ne reçoivent presque pas d'informations sur les décisions de gestion de cette ressource. Ainsi, lors d’un entretien, un agriculteur rencontré dans le village de Lampsar (Cf. Figure 1), s’est ainsi exprimé : « Nous ne savons pas l’ordre du jour et la manière dont les discussions se déroulent au sein de l’OMVS. Et même si nous participons aux réunions, nous ne comprenons pas convenablement les décisions prises. Nous ne sommes pas consultés sur la réglementation de l’usage et la gestion des eaux du fleuve. » (Enquêtes Lampsar, mars 2006). Ces propos sont confirmés par ceux d’un chercheur de l’université de Saint-Louis1 lorsqu’il stipule : « À L’instar des communautés rurales, les communes urbaines du bassin du fleuve Sénégal ne sont pas impliquées dans la gestion de l'eau et ne disposent pratiquement pas de données et d'informations sur la gestion du fleuve bien qu'interpellées de manière permanente sur les problèmes liés ou non à l'existence des deux barrages. » (Enquêtes Saint-Louis, avril 2006). Par ailleurs, ces informations peuvent être étayées et confirmées par la thèse développée par Baldé (1999) sur la vallée du fleuve Sénégal mais portant sur les aménagements hydro-agricoles. Selon lui, la participation dans la vallée et particulièrement dans la moyenne vallée, est inexistante. Il stipule que les populations n’ont pas participé aux enquêtes socio-économiques préliminaires et que les promoteurs ont tout simplement opté pour une minimisation de la dimension sociologique. Il précise également que l’avis des populations surla répartition des parcelles, la taille des mailles hydrauliques, la structuration et le fonctionnement des groupements de production n’a pas été recueilli au préalable. Ainsi, il n’y a pas eu une implication des populations dans la définition des critères de constitution des groupements. Ce tableau, très sombre sur la situation participative dans la vallée du fleuve Sénégal en matière d’aménagements hydro-agricoles, est aux antipodes de ce que doit être une bonne participation du public aux processus de prise de décision.

15L’une des explications qui pourrait justifier cette déficience de la participation des populations serait probablement lié à un déficit d’application des outils institutionnels (Sène et al., 2007). En effet, à l’échelle régionale, il y a la CPE qui centralise et examine les besoins exprimés par chaque pays puis décide, de concert avec les représentants des États, des quantités d'eau à prévoir et à mettre à la disposition des populations. Le Sénégal est représenté par la SAED qui se charge avant chaque campagne agricole de l’estimation des besoins en eaux des populations riveraines. Cependant, les organisations locales de la société civile telles que les Organisations paysannes, les GIE (Groupement d’intérêt économique), les ONG, etc. sont tenues à l’écart des processus de prise de décision dans les modalités de gestion des eaux. Les acteurs nationaux qui les représentent, sont généralement soumis à des obligations de réserve pour des raisons de confidentialité par rapport aux orientations et aux décisions de la CPE.

16Outre les grandes sociétés nationales de développement (SAED pour le Sénégal et SONADER (Société Nationale de Développement Rural) pour la Mauritanie) qui sont représentées au sein de la CPE, on note également la participation en son sein de gros usagers privés. Ces derniers sont représentés au Sénégal par la CSS (Compagnie Sucrière Sénégalaise) et la SDE (Société des Eaux). Pour la CSS, sa forte implantation dans la zone et son poids économique lui permettent, non seulement de siéger au sein de la CPE, mais également de disposer d’un pouvoir de décision sur la régulation des eaux du fleuve. Cette forme d’inégalité, entretenue par l’OMVS, dans la participation des différents acteurs et usagers de l’eau à sa gestion, est considérée comme une injustice par les populations et constitue une source de tension. En effet, les populations considèrent que la CSS régule l’ouverture et la fermeture du pont barrage situé à Richard Toll dans le delta du fleuve non pas en fonction de l’intérêt de l’ensemble des usagers locaux mais seulement sur la base de ses propres besoins (Sène et al.,2006). « La population n’est pas directement impliquée dans la gestion des eaux du fleuve ; au niveau de la CPE, elle peut être représentée par le biais de société de développement comme la SAED, la SONADER. Seuls les gros usagers comme les grandes sociétés privées à l’instar de la CSS, de la SDE sont impliquées dans la gestion du barrage. » (Enquêtes Diama, janvier 2006). Ces propos, recueillis auprès d’un responsable de la Division Exploitation du barrage de Diama, confirment les véritables problèmes d’inégalités dans les formes de participation qui existent dans la gestion de l’eau par l’OMVS.

  • 2  Ensemble des travaux coordonnés entrepris dans le cadre de l’agriculture allant du défrichement du (...)

17Par ailleurs,l’étude des grands barrages de Diama et de Manantali du fleuve Sénégal permet de mettre en relief l’opposition des impératifs économique et social du développement durable. Ces aménagements ont pour objectifs de régulariser le régime hydrologique du fleuve, de valoriser sa ressource hydrique par le biais de la production d’hydro-électricité, d’assurer la multiplication des campagnes agricoles2 annuelles et d’augmenter la disponibilité d’un volume d’eau dans la vallée offrant la possibilité de naviguer tout au long du fleuve en toute saison. Les travaux de leur construction s’étendent de 1981 à 1986 pour le barrage Diama et de 1982 à 1988 pour le barrage de Manantali. Constituant des ouvrages communs aux Etats riverains membres de l’OMVS, de nature gigantesque avec des coûts très élevés et entraînant d’importantes transformations socio-économiques et environnementales dans l’ensemble de la vallée, ces deux barrages constituent donc une action politique majeure et un point de repère pertinent sur l’ensemble des réalisations portant sur la gestion de l’eau du fleuve Sénégal.

Les barrages, un cadre favorable à l’augmentation des superficies cultivées et à l’intensification agricole

18Il y a une évolution vers une diversification et une augmentation de la production agricole liée à la mise en place des barrages, à l’échelle régionale de la vallée. Ainsi, deux périodes peuvent être identifiées dans cette évolution :

  • 1960-1987 (avant-barrages) : Cette période correspond à la promotion et à l’accroissement des productions vivrières et principalement le riz. Ainsi, les superficies exploitées pour la riziculture passent de 3 000 ha en 1960 à 15 000 ha en 1987 (SAED, 2001, pp. 11). Pendant cette période, l’irrigation a certes déjà commencé dans la vallée, mais son intensification est peu développée. Ceci explique donc les faibles augmentations de productions et de rendements enregistrés à cette époque (Sène, 2008b).

    • 3  Entretien auprès d’un responsable de la Direction générale de la SAED, à Saint-Louis en mars 2006. (...)

    A partir de 1987 (après-barrages) : On note une expansion de la diversification avec trois groupes de produits agricoles. D’abord la filière riz qui se singularise par son poids dans la carte des productions et des superficies cultivées. En 2004/05, la riziculture porte sur 33 404 ha (Enquêtes SAED3, mars 2006). Ensuite les filières agro-industrielles qui comprennent la tomate, le maïs et le sorgho mais également le coton et l’arachide. Déjà durant cette période, on enregistre une rapide augmentation des superficies cultivées de tomates qui atteigne environ 3 000 ha en 1990/91 (Ibid., mars 2006). La performance de ses rendements trouve son explication sur le plan technique avec l’augmentation de l’irrigation. Enfin, les filières horticoles constituées par l’oignon, la patate douce, le gombo… L’oignon connaît une croissance fulgurante depuis son introduction dans la vallée avec des productions qui passent de 296 à 2 629 ha entre 1994/95 et 2004/05 (Ibid., mars 2006).

Les barrages, une contrainte à la justice sociale

19On est tenté dans un premier temps de concevoir la logique de l’intensification de l’agriculture irriguée dans la vallée comme un aspect positif. Mais qu’en est-il dans la réalité ? Lorsqu’on fait référence à plusieurs spécialistes qui se sont penchés sur la question, on relève un certain nombre de problèmes que le développement de l’agro-industrie est susceptible de provoquer. Parmi ces problèmes, figure une question de justice sociale. En fait, la présence d’entreprises industrielles nationales ou étrangères peut, à long terme, entraîner la marginalisation des populations du fleuve. Les travaux d’Engelhard corroborent cette perspective lorsqu’il annonce : « la logique de l’agrobusiness est certainement peu compatible avec celle de l’agriculture familiale qu’elle a de grande chance de corrompre. » Engelhard (1991, pp. 46-49). D’autres études réalisées dans d’autres régions arguent dans le même sens en démontrant que, dans les pays, les rendements et la valeur ajoutée sont presque toujours supérieurs dans les exploitations de taille petite ou moyenne généralement représentées par les exploitations familiales (Cornia, 1985 ; Griffith, 1989). Ces études corroborent les résultats de nos enquêtes où sont mises en évidence des inégalités entre acteurs dans les avantages et les coûts liés aux barrages. En fait, les modifications qu’ils ont entraînés profitent essentiellement à une minorité de gros usagers comme la CSS et la SDE qui disposent de gros équipements et moyens financiers au détriment des petits exploitants, majoritaires, qui ne disposent pas de moyens de base nécessaires pour faire face aux nouvelles transformations et en tirer le meilleur parti. « L’enthousiasme du début de l’installation des barrages, nourri par des rêves de grande prospérité, cède la place au désenchantement de tous les exploitants et usagers de l’eau qui n’ont pas les moyens de faire face. » (Enquêtes Saint-Louis, Cf. note 1, avril 2006).     

20On a précédemment indiqué que les superficies aménagées augmentent rapidement dans toute la vallée à partir des années 1986-1987 et que cette croissance est étroitement liée à la mise en fonction des barrages. En revanche, l’analyse de données de la SAED (1998) montre que les surfaces exploitables vont baisser à partir de la mise en activité des barrages. Une baisse des taux de mise en valeur de 80 % en 1987/1988 à 40 % en 1997/1998 est observée (SAED, 1998, pp. 12-13). Ce taux de mise en valeur est calculé par le rapport entre les superficies cultivées ou exploitables et les superficies aménagées. En fait, les superficies aménagées correspondent à la somme des superficies cultivées ou exploitables et des superficies non exploitables ou abandonnées. Les raisons avancées pour expliquer les abandons d’aménagements (aménagements non exploitables) peuvent être ainsi répertoriées : les blocages de l’accès au crédit, les problèmes environnementaux telle que la salinité souvent liée à la déficience ou à l’absence de drainage, les pannes des Groupements motopompes (GMP), les difficultés chroniques d’alimentation en eau et la faiblesse de l’entretien des parcelles (Ibid., pp. 13).

21Evoquant la controverse provoquée par les grands barrages, Salem-Murdock et al. (1994, pp. 23-28)dégagent d’autres problèmes posés par l’agriculture irriguée dans le bassin du fleuve Sénégal. Dans leur ouvrage, ils évoquent les limites au développement de l’irrigation dans ce territoire entraînées par la question des revenus et de la main d’œuvre chez les agriculteurs locaux. En plus de ces facteurs, l’ouvrage aborde de manière critique la nature même du système d’irrigation qu’il juge trop technique ou techniciste et donc pas très adapté au contexte socio-culturel des populations de la vallée : « L’approche technique domine encore dans les programmes d’irrigation. Même si on ne peut pas encore dire qu’elle soit totalement en faillite, cette conception semble aboutir à une impasse. » (Salem-Murdock et al., 1994, pp. 258). Cette argumentation est également défendue par Guinard, l’un des plus grands spécialistes de la question, dans ces termes : « Il paraît indispensable dans tout programme d’irrigation de ne pas donner la priorité aux sols, à la topographie ou à l’hydrologie. Ces éléments sont, en définitive, secondaires par rapport aux critères sociaux qui sont les véritables garants du succès des aménagements à long terme » (Guinard, 1988, pp. 21). De même, Engelhard (1991) souligne le même problème en indiquant que l’abandon de l’agriculture familiale a un coût social important qui ne peut pas être compensé par un avantage technique et économique suffisant. Dénonçant, la démarche adoptée par l’Etat sur la vulgarisation de l’agriculture irriguée dans le fleuve, il stipule : « Notre inquiétude était d’autant plus grande que les faibles surplus dégagés permettraient difficilement aux paysans de prendre en charge les coûts d’aménagement aussi bien que la logique des approvisionnements, de la maintenance et de la commercialisation. » Engelhard (1991, pp. 49).

Impacts des actions publiques régionales sur le local

22L’évolution des politiques de développement durable à l’échelle locale dans le delta du fleuve Sénégal sur la rive gauche est étroitement liée à celle du contexte régional. Les changements constatés dans la gestion du fleuve et de la vallée au niveau local ne sont en effet que le reflet des transformations de programmes ou de politiques impulsées par les acteurs régionaux. La lecture des résultats indique un bilan controversé avec des effets néfastes sur le plan environnemental alors que sur le plan social, on peut constater une forte volonté d’adaptation des populations qui adoptent différentes stratégies socio-économiques et politiques. L’ensemble de ses réponses adaptatives du local qui touchent à la fois son organisation et ses activités s’inscrivent dans une dynamique de développement durable local et lui permettent d’assurer sa survie et d’améliorer ses conditions d’existence.

23D’abord, sur le plan environnemental, on peut noter des contraintes écologiques sévères liées à la prolifération de Typha australis. Cette plante, de la famille des Typhacées, existe dans la vallée depuis longtemps, mais son développement était freiné par la remontée annuelle de la langue salée, principalement dans la zone du delta. Après la construction des barrages, l’eau douce ainsi qu’une mauvaise gestion du domaine irrigué ont fait que le Typha s’est propagé partout. En effet, la diminution des variations annuelles de la salinité ainsi que l’élévation et la stabilisation du niveau des eaux induites par les aménagements ont favorisé son extension avec une vitesse de progression actuelle de 10 % par an.

Typha, une contrainte sociale

  • 4  Cet entretien a été réalisé auprès d’un spécialiste français du Typha en mission au PERACOD (Progr (...)
  • 5  Ces données qualitatives sont recueillies auprès du spécialiste du Typha, précédemment cité, lors (...)

24Sur le plan social, la prolifération du Typha cause d’énormes problèmes dans le delta et constitue une menace sérieuse pour l’environnement. Tous les acteurs qui interviennent dans la vallée sont préoccupés par sa prolifération comme l’indique un expert écologique4 en mission dans la région : « Le Typha est présent au niveau du fleuve qui est du ressort de l’OMVS, des grands canaux d’irrigation qui sont du ressort de la SAED, des petits canaux d’irrigation qui sont du ressort des organisations villageoises, et dans les grands canaux de la CSS. Il y a donc des responsabilités au niveau territorial sur chacun de ces postes. » (Enquêtes Saint-Louis, avril 2006).Cependant, les populations sont les plus vulnérables et les plus exposées à son expansion. L’expert du Typha annonce les problèmes d’irrigation dus aux canaux qui sont bouchés. En effet, si le Typha bouche les canaux, l’écoulement de l’eau est ralentit et ce phénomène augmente par conséquent l’évaporation, donc la consommation d’eau par ha de terre irriguée devient de plus en plus importante. Ainsi, il y a une tendance à une plus grande consommation d’eau au niveau des superficies irriguées, et ce phénomène se traduit par des coûts de consommation d’eau de plus en plus élevés pour les agriculteurs locaux de ces périmètres5.

25En plus, il souligne les conflits d’usages qui se posent très souvent entre les populations du fait de l’adoption d’une nouvelle solution dite de « la porte unique » - Le Typha se développe tout autour du fleuve ou des lacs. Les populations sont donc contraintes de réaliser par endroits des trous pour accéder à l’eau : « Les usages d’accès à l’eau sont multiples : la boisson, l’agriculture, l’élevage, le linge, le bain, la pêche. La solution adoptée est donc d’ouvrir une petite « porte » de passage au milieu du Typha pour accéder à l’eau du lac ou du fleuve. Vu la multiplicité des usages très différents, il se pose des conflits au sein de cette petite porte. Chacun voulant faire valoir son usage au détriment de l’autre. » (Enquêtes Saint-Louis, avril 2006). Ce commentaire confirme les travaux menés par Philippe et al. (1998) sur les problèmes d’accès à l’eau liés à la présence du Typha.

Typha, une contrainte au développement de l’agriculture

  • 6  Ces propos sont recueillis auprès d’un acteur local, un paysan du village de Mbann, qui nous livre (...)

26Pour ce point, l’essentiel des enquêtes sont réalisées au niveau du village de Mbann situé au bord du lac de Guiers alimenté par le fleuve Sénégal. Donc, ce lac subit également les modifications apportées par la mise en place des barrages de Diama et de Manantali. Le témoignage apporté par un agriculteur du village permet de comprendre l’essentiel des effets introduits par la prolifération de la plante sur l’agriculture chez la majorité des populations riveraines du lac. L’agriculteur rappellequ’avant les barrages, il n’y avait pas beaucoup de Typha et la plante qui occupait constamment le même espace était parfaitement maîtrisée. En effet, pendant les périodes de décrue, l’eau se retirait complètement et donc la plante se desséchait. Ainsi, sur certains sites, les agriculteurs pouvaient alors la brûler et aménager des parcelles pour leurs cultures de décrues tandis que sur d’autres sites les éleveurs pouvaient y introduire leur bétail qui s’en nourrissait. Cependant, indique l’agriculteur, depuis l’installation des barrages, la plante a connu un rapide développement et avance régulièrement à l’intérieur des terres. Non seulement il n’est plus possible de cultiver sur les berges du lac complètement envahies, mais également les populations sont obligées toutes les trois années d’abandonner leurs terrains à cause de l’avancée du Typha et d’aménager de nouvelles parcelles à l’intérieur des terres. « Les terres colonisées par le Typha deviennent impropres à l’agriculture non pas uniquement pour des raisons d’envahissement de la plante mais surtout pour des raisons de salinisation ; en fait l’avancée de la plante s’accompagne d’ un processus de salinisation6 des sols leur rendant ainsi impropre à la culture. » (Enquêtes Mbann, avril 2006).Le problème de l’accès à l’eau du lac devient donc un véritable casse-tête puisque les agriculteurs locaux doivent constamment concevoir de nouveaux mécanismes techniques et trouver les outils nécessaires (tuyaux, moteurs, pompes) qui leur permettent d’acheminer l’eau vers les nouvelles parcelles de plus en plus éloignées du lac.

  • 7  Cet entretien est réalisé auprès d’un agent technique de l’ANCAR en poste au village de Mbann. (...)

27Une des conséquences déterminantes des pertes de terres au niveau des berges du lac de Guiers, envahies par la plante, est que les populations ne peuvent plus actuellement y effectuer la culture du riz. Un technicien agricole7 du village de Mbann témoigne en ces termes : « Une bande d’environ 20 km de long tout autour du lac de Guiers du côté du village de Mbann servait entièrement de parcelles de riz pour les populations locales avant l’avènement des barrages. Avec la mise en marche de ces derniers, le Typha s’est développé et a littéralement envahi toute cette espace cultural. » (Enquêtes Mbann, avril 2006). Ce témoignage d’un technicien de l’ANCAR ainsi que ceux des cultivateurs rencontrés dans leurs champs dénoncent tous les problèmes agricoles occasionnés par la multiplication du Typha. Ces témoignages recoupent également les conclusions rapportées par les recherches de Mietton et al. (2007, pp. 4302-4303).

Typha, une contrainte au développement de la pêche

28Plusieurs facteurs combinés expliquent la chute des captures de poissons au niveau du fleuve et dans le lac de Guiers. Le système de pêche traditionnelle utilisée est une pêche au filet. Lorsque le poisson se déplace, il heurte alors le filet et ainsi s’effectue la capture. Aujourd’hui, avec l’envahissement des plantes aquatiques, notamment Typha australis, les poissons se réfugient dans les racines de ces plantes et la capture devient très difficile. Selon le Directeur du Centre de pêche de Mbann, (Enquêtes Mbann, avril 2006), la construction des barrages et la prolifération de Typha australis ont globalement entraîné la chute de la production annuelle de poisson sur la rive gauche de la vallée du fleuve Sénégal. Ies travaux de Mietton et al. (2007, pp. 4304) estiment une chute de la production de la pêche artisanale de 30 000 T à 8 000 T. Il argue également que, sur le plan économique, l’impact de la plante est néfaste à cause de l’inaccessibilité actuelle des poissons aux pêcheurs. En plus, l’augmentation du niveau d’eau du fleuve et du lac liée à l’implantation des barrages de Diama et de Manantali, rend plus difficile les prises. Auparavant, pendant la période de décrue naturelle, le volume d’eau diminuait, les poissons se regroupaient ainsi dans des zones bien déterminées rendant alors la capture beaucoup plus facile (Bousso, 1997, pp. 45-65). Les études de prévisions réalisées par Engelhard et Ben Abdallah (1987) indiquent que les modifications permanentes de l’environnement aquatique dans le delta par le barrage de Diama entraînent, au niveau de l’estuaire, une perte annuelle nette de 4 000 T/an tandis que la diminution du champ d’inondation, par suite de la régulation des débits du fleuve et par suite des endiguements pour les aménagements agricoles va se traduire par des pertes de productivité dans la vallée estimée à 2 000 T/an.

29La crise écologique entraînée par la multiplication du Typha a donc des effets socio-économiques néfastes sur le local. Les moyens de lutte actuellement préconisés comme la lutte biologique, chimique, hydraulique ou mécanique ne sont pas encore au point ou reste dérisoire à cause des coûts élevés qu’ils nécessitent. Cependant, on peut constater, à cette échelle, une mobilisation des différents acteurs locaux dans l’optique d’apporter des réponses aux nouvelles conditions défavorables qui apparaissent.

Quelques procédés locaux de valorisations de la plante : des actions en direction d’un développement durable

  • 8  GTZ : Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (sigle allemand).

30Face aux multiples problèmes posés par la prolifération du Typha, sont donc lancées actuellement de nouvelles perspectives de valorisation de la plante : filtre dans les grands axes utilisés pour la consommation en eau, aliments pour le bétail, clôtures et constructions, pâte à papier, artisanat et combustibles (Theuerkorn et Henning, 2005). L’utilisation du Typha comme combustible domestique semble être un nouveau procédé qu’on pourrait considérer comme une action inscrite dans le cadre du développement durable. Divers études et séminaires ont été menés par la GTZ8 à travers le projet PSACD (Projet Sénégalo Allemand des Combustibles Domestiques) et la conclusion générale est que le Typha peut produire du biocharbon complémentaire et/ou substituant du charbon de bois conventionnel utilisé au Sénégal. Diverses technologies ont aussi été présentées comme par exemple la technique qui permet d’obtenir industriellement des briquettes ou celles qui ont trait à la carbonisation de la tige ou à la fabrication de briquettes avec un bio-carbonisateur. L’expert du PERACOD, précédemment cité, indique que le souci principal du projet est d’avoir d’une part une technologie simple, à bon marché et qui peut être réalisée en milieu rural, et d’autre part un produit qui est financièrement à la portée des consommateurs locaux. La technologie choisie doit également tenir compte des capacités techniques des populations rurales, chargées dans un futur proche de gérer leur propre fabrique de charbon. (Enquêtes Saint-Louis, avril 2006). Au travers de cet exemple de la valorisation du Typha, est mise en exergue la présence des volets suivants du développement durable : social (participation des populations locales), économique (production d’énergie à bon marché) et environnemental (utilisation du Typha comme source d’énergie à la place du charbon de bon).

SAED, exemple d’un ancien acteur aux discours politiques très adaptés aux réalités locales

31La SAED, qui est un ancien acteur sur la rive gauche, renouvelle constamment ses enjeux politiques en fonction des difficultés qui apparaissent au fur et à mesure de l’application des politiques de développement. C’est ainsi qu’elle place, aujourd’hui, la question de la préservation du patrimoine hydro-agricole au centre de ses objectifs. En effet, l’intégration progressive des normes environnementales et de la participation des populations dans les enjeux de la SAED peut être observée. On dénote dans ses politiques, l’apparition, au fil du temps, de concepts comme développement rural et intégré, désengagement, préservation du patrimoine hydro-agricole, gestion durable du patrimoine hydro-agricole ou préservation du patrimoine hydro-agricole et de l’environnement. Ce changement progressif de rhétorique au niveau de cet acteur étatique laisse entrevoir une véritable dynamique dans le renouvellement des politiques d’aménagement sur la rive gauche du fleuve. Il montre, en effet, un glissement sémantique qui va du développement tout court (développement rural et intégré) à la protection environnementale (préservation du patrimoine hydro-agricole et de l’environnement) en passant par le désengagement de l’Etat et la gestion durable du patrimoine hydro-agricole. Cette orientation vers l’environnement du discours politique de la SAED est une réponse aux politiques régionales de la gestion du fleuve avec ces écueils sur le plan environnemental (Sène, 2008a, pp. 394-396). De même, l’émergence et la multiplication de nouveaux dispositifs tels que le CLCOP traduit des réponses adaptatives du local par rapport aux politiques menées au niveau régional.

CLCOP, exemple d’un nouvel acteur aux objectifs basés sur le renforcement des capacités et la participation des acteurs locaux

32Le programme PSAOP (Programme Services Agricoles et Organisations des Producteurs) lancé par l’Etat du Sénégal et soutenu par la Banque Mondiale est à l’origine des CLCOP sur la rive gauche de la vallée du fleuve Sénégal et dans l’ensemble du pays (PSAOP, 2000). Le CLCOP collabore avec tous les autres acteurs locaux et nationaux qui interviennent dans la vallée. À partir de cette organisation, une nouvelle dynamique est née, soutenue par un vaste programme de renforcement des capacités à différents niveaux (hommes, femmes, jeunes) et dans plusieurs disciplines (gestion, administration technique…). Une évolution est ressentie à partir de ce moment puisque sur le terrain, on peut aisément constater la reprise progressive des anciens aménagements abandonnés et même l’apparition de nouveaux aménagements.

33Avant le désengagement de la SAED au niveau de la vallée, les OP (Organisation de producteurs) constituaient les principales modes d’organisation des populations. Leurs missions étaient de travailler avec la SAED dans le cadre de l’agriculture irriguée. Avec la nouvelle orientation politique de cette dernière (plus grande implication et responsabilisation des producteurs locaux), le besoin de s’organiser, d’augmenter l’éventail des partenaires et de diversifier les activités s’est fait sentir. C’est ainsi qu’on a assisté à l’avènement de nouvelles formes d’organisations telles que les GIE, les associations de jeunes, les groupements féminins. Le CLCOP est une structure fédérative qui regroupe l’ensemble de ces structures. C’est un cadre d’échanges et de concertation des OP d’une même communauté rurale qui regroupe leurs représentants, pour promouvoir des activités liées au renforcement des capacités. Le CLCOP ne peut être composé que par des représentants d’OP dont l’activité principale est l’agriculture : activité agricole, élevage, pêche, … (Sène, 2007).

  • 9  Le modèle du CLCOP de Gandon est étudié lors des interviews réalisées dans ce village au cours du (...)

34A titre d’exemple, on peut donner le cas du CLCOP de Gandon9. Il a démarré le 28 novembre 2002 et regroupe 214 OP constituées de GIE, d’associations, de groupements féminins, de fédérations etc. Il constitue une véritable réponse aux problèmes posés par le désengagement de l’Etat et présente également des objectifs de participation accrue des populations locales. Ainsi, un membre du CLCOP exprime les espoirs fondés sur la mise en place de cet organisme de la manière suivante : « Le CLCOP de Gandon a pour vocation de préparer les communautés de base à la gestion collective et individuelle de leur propre développement dans le cadre de concertation. Il s’agit en l’occurrence, d’un cadre décentralisé et innovateur, capable de s’ajuster et d’expérimenter les voies nouvelles dictées par la conjoncture socio-économique du désengagement de l’Etat. ».(Enquêtes Gandon, février 2006). Il précise que l’analyse du potentiel socio-économique a permis d’identifier une trajectoire, de fixer des objectifs et d’élaborer une stratégie pour les atteindre. Cet entretien traduit de manière claire et précise les motivations qui sous-tendent la création de la structure, ses objectifs et sa démarche. Ainsi, sa construction constitue non seulement une réponse à la conjoncture provoquée par le désengagement de l’Etat mais également il a pour soubassement le souci de mieux impliquer ou de faire participer d’avantage les populations dans l’ensemble des activités de développement qui touchent à leur propre terroir ; d’où son appellation de cadre de concertation.

35Le CLCOP de Gandon offre également un cadre favorable à la redynamisation du mouvement associatif des populations de base et à leur responsabilisation. En effet, son apparition a beaucoup dopé les activités des OP. Selon un responsable de l’organisation, il n’y avait dans le village que 87 OP reconnues avant la mise en place du CLCOP. Parmi ces OP, moins de 50 avaient des activités régulières. Actuellement, avec la création du CLCOP, on enregistre plus de 200 OP dans le village. Ces chiffres montrent nettement que sa naissance a redynamisé et impulsé les mouvements des OP.

  • 10  Ce programme d’étude concerne la mise en place de dix projets de développement. Le choix de ces pr (...)

36Une autre caractéristique du CLCOP est qu’il a vocation de mettre en œuvre des activités sans compter sur des financements extérieurs. L’autofinancement ou l’auto-investissement est à la base de toutes les activités des OP qu’il regroupe. L’objectif de cette approche est de les inciter à être plus actives et moins dépendantes. Néanmoins, en fonction de l’évolution du projet, s’il y’a nécessité, l’OP peut contracter des dettes ou des crédits. En évoquant le financement d’un programme d’étude10 réalisé par le CLCOP de Gandon, certains acteurs interviewés mettent en évidence l’approche d’autofinancement qui est développée en indiquant que le programmea été financé par les OP membres du CLCOP montrant ainsi la détermination des membres de prendre eux-mêmes en charge leur développement. Il s’agit donc là d’une rupture nette avec d’une part l’attitude passive d’assistance et d’autre part, le manque d’un véritable engagement qui a marqué, auparavant, les OP de manière générale dans l’élaboration des projets. On peut ajouter que la réalisation de ces différents projets s’inscrit dans un plan d’ensemble de développement local et provoque une émulation déterminante dans la volonté des populations concernées à appréhender et résoudre conjointement et harmonieusement les problèmes d’environnement et de développement de leur terroir. 

37La SAED et le CLCOP ont un rôle très déterminant dans l’évolution des pratiques d’aménagement du fleuve et constituent des exemples clés dans la manière dont le « développement durable » est introduit au niveau local, au travers d’une meilleure participation des populations locales à la gestion des projets de développement de leur terroir, une plus grande intégration de la dimension environnementale dans les activités de développement et un renforcement du cadre institutionnel dans la vallée. Autour de ces principaux acteurs, gravitent plusieurs autres acteurs locaux privés ou publics dont les finalités s’inscrivent dans un cadre général de contribution ou de participation aux différentes activités développées dans la vallée. Ainsi peut-on voir sur le terrain, notamment dans le village de Mbann, l’exemple de femmes travaillant individuellement, en dehors des structures associatives, pour parer aux effets néfastes des transformations régionales du régime hydrique du fleuve.

Exemple de stratégie adaptative individuelle et collective : cas de la pratique du maraîchage

  • 11  Leur collaboration systématique pendant la phase de défrichement et la taille relativement petite (...)

38Au niveau du village de Mbann, la zone actuelle occupée par le Typha tout autour du lac de Guiers, était auparavant essentiellement occupée par des parcelles de riz cultivées par les populations du village. Avec la perte des terres destinées à la riziculture, les populations locales, en l’occurrence les femmes, ont développé d’autres types de pratiques culturales reposant essentiellement sur les cultures maraîchères. La perte des terres favorables avec l’avancée du Typha les oblige donc à abandonner la culture du riz pour le maraîchage. Elles se regroupent pour extraire de petites parcelles de terre d’environ 500 m2 (Figure 3) dans la zone colonisée par le Typha. Mais cette forme d’association s’arrête juste au défrichement11. Par la suite, chacune des femmes aménage dans la parcelle défrichée 1 à 3 plans d’environ 6 m2 en fonction de ses moyens personnels d’exploitation et ensuite elles utilisent des techniques culturales d’association de plantes pour optimiser d’une part l’exploitation de la surface disponible et assurer en même temps la diversification des cultures.

Figure 3. Aménagements de parcelles de cultures de maraîchage par les femmes sur les berges du lac de Guiers, village de Mbann

Figure 3. Aménagements de parcelles de cultures de maraîchage par les femmes sur les berges du lac de Guiers, village de Mbann

 source : Sène, 2008a, pp. 404

Note : La figure montre la colonisation du Typha autour du Lac de Guiers. Pour la pratique du maraîchage, les femmes s’associent pour défricher à l’intérieur du Typha des parcelles d’environ 500m2 et des portes d’accès au Lac.

  • 12  Une explication plus savante fournie par un technicien de l’ANCAR, en mission sur le terrain, just (...)

39Par exemple, il existe des associations de cultures de laitues, de piments et d’oignons. L’explication fournie par Maguette (Enquêtes Mbann, février 2006), une paysanne du village, interviewée dans son champ, est assez révélatrice des efforts d’adaptation et même d’innovation que ces populations riveraines déploient pour résister aux nouvelles conditions posées par l’invasion du Typha. Cette femme explique que le piment a une croissance très lente alors que la laitue a une croissance très rapide. Donc, avant que le piment n’arrive à son stade de maturité ou de fructification, la laitue a déjà bouclé son cycle si les deux plantes sont semées en même temps. Ainsi, l’association de ces deux plantes n’entraînera pas une perturbation mutuelle de leur cycle de développement. Elle explique également que l’oignon peut être associé à ces deux plantes puisque ses feuilles n’occupent pas beaucoup d’espace12. Tous ces efforts d’optimisation de l’usage de l’espace sont dus, en fait, à la perte des terres liée au Typha. Cette parcelle montre également des tentatives d’association de plantes qui sont en voie d’aboutir à un échec. En effet, elle a tenté une association entre le chou et le piment. Le premier qui se développe plus rapidement et occupe un espace relativement important a couvert de ces feuilles le piment qui, en conséquence, par manque de lumière, n’arrive plus à se développer. Les innovations ne marchent donc pas à tous les coups et Maguette reconnaît ses erreurs qu’elle s’efforce avec ses collègues de rectifier au fur et à mesure. Ce sont en fait les revers de l’innovation. Mais dans tous les cas, elle regrette les périodes avant-barrages où les villageois cultivaient, aux abords des eaux du lac, le riz, une culture vivrière, qui leur assurait leur nourriture quotidienne « À l’époque de la culture du riz, on vivait nettement mieux ; les réserves de nos récoltes nous suffisaient pendant toute une année. On n’avait pas faim. » (Enquêtes Mbann, février 2006).

40Il est intéressant de noter, à travers cet exemple, que d’une part, face aux effets induits par les politiques publiques régionales (ici aux dégâts écologiques causés par la construction des grands barrages de Diama et Manantali qui entraînent la prolifération de Typha), on assiste, à l’échelle locale, à tout un ensemble d’activités novatrices qui cherchent à pallier les perturbations occasionnées. D’autre part, les phénomènes adaptatifs constatés à l’échelle locale ne sont pas seulement d’ordre institutionnel (création de structures comme les CLCOP par exemples), ils sont également l’apanage d’initiatives individuelles et collectives qui mettent au premier plan la participation des populations locales à l’aménagement de leur terroir et à la création d’activités génératrices de revenus pour assurer leur développement. Dans ce sens, l’exemple des stratégies adaptatives relaté ci-dessus constitue un modèle de développement durable local. Au travers de l’exemple de la SAED, on peut souligner que le local n’est pas simplement un lieu qui subit les politiques publiques conçues à une échelle supérieure régionale, il est également un territoire où sont directement pensées et construites de nouvelles normes de politiques publiques de développement, même si ces dernières constituent généralement des réponses.

Discussion

  • 13  Soit 781 035 996 USD (date du taux de change : le 15 novembre 2006)
  • 14  Ces informations sont recueillies auprès du Chef de Division Exploitation de la SOGED et du Chef d (...)
  • 15  Soit 320 237 USD (date du taux de change : le 15 novembre 2006).
  • 16  Soit 70 293 239 USD (date du taux de change : le 15 novembre 2006).
  • 17  Soit 39 051 799USD (date du taux de change : le 15 novembre 2006).
  • 18  Soit 117 155 399 USD (date du taux de change : le 15 novembre 2006).

41La première partie de l’étude montre dans un premier temps les performances de l’irrigation dans la vallée du fleuve Sénégal à travers une augmentation des superficies irrigables et une augmentation de la production des trois filières développées dans la vallée (rizicole, agro-industrielles, horticoles). Cependant, l’approfondissement du travail de recherche met en évidence que ces atouts économiques de l’irrigation s’accompagnent, pour certaines zones, d’une baisse des taux de mise en valeur des sols et des problèmes de justice sociale. Dans ce cadre d’analyse, on perçoit de manière claire que les performances économiques de l’irrigation ne semblent pas évoluer dans le même sens que la préservation de l’environnement ou l’impératif social. Cette évolution différente qui oppose le volet économique aux volets environnemental et social remet en cause la durabilité même de l’irrigation si l’on part du principe que le développement durable doit tenir à la fois compte de ces trois volets. Encore faut-il qu’on s’interroge sur l’efficacité même du volet économique étant donné que la construction des barrages a coûté très cher aux Etats riverains, donc aux contribuables. Le chiffre avancé par la Banque mondiale tourne autour de 400 milliards de FCFA13 pour la construction des barrages et des digues (Banque mondiale (1997) in Leroy (2006, pp. 305)). Et d’après les personnes14 interrogées, pour assurer leur maintenance, les Etats voisins sont également tenus de débourser régulièrement d’énormes sommes d’argent. Rien que pour l’entretien du barrage de Diama, un programme d’entretien prioritaire a été récemment lancé et les Etats-membres doivent verser environ annuellement au moins 250 000 £15. Le chiffre avancé par Maya Leroy est revu en baisse par le Chef de Division Exploitation de la SOGED qui avance que le barrage de Diama a coûté 36 milliards de FCFA16 et les ouvrages annexes, liés à une réhabilitation du côté rive gauche et une construction de digue en rive droite, environ 20 milliards de FCFA17. Ainsi, le barrage a coûté au total quelques 60 milliards de FCFA18. Dans tous les cas, on peut retenir que la SOGED est encore très déficitaire même si elle a le monopôle de la vente de l’eau du fleuve et que les Etats riverains qui ont financé les barrages en contractant des dettes n’ont pas encore fini de les rembourser. À ce titre, le Chef de Division Exploitation de la SOGED reconnaît même les problèmes de fonctionnement de la société liés en partie à son manque d’autonomie financière, asphyxiée qu’elle est toujours par la dette : « Théoriquement, on dit que la SOGED qui a l’exclusivité de la vente de l’eau du fleuve doit assurer son fonctionnement à partir de ces redevances et payer les dettes garanties par les Etats ; mais pour le moment, elle n’a pas encore atteint son équilibre financier qui lui permet même d’assurer son propre fonctionnement. » (Enquêtes Diama, janvier 2006).

42La vallée du fleuve Sénégal ne constitue pas, pour autant, un cas isolé des autres bassins. Une étude réalisée sous la direction d’Engelhard et Ben Abdallah attire l’attention sur les dangers environnementaux que peut provoquer l’irrigation en dépit de ses avantages agricoles ou économiques inéluctables : « L’agriculture irriguée, en permettant les cultures de contre-saison et l’indépendance vis-à-vis des aléas climatiques, apparaît en effet comme la seule alternative à une nécessaire intensification de l’agriculture. Néanmoins, les espoirs qu’elle suscite tendent à masquer les dangers qui menacent les terres où l’irrigation est mal conduite. » (Engelhard et Ben Abdallah, 1987, pp. 581).

  • 19  Ce projet comprend la construction de la centrale électrique, la mise en place des lignes à haute (...)
  • 20  Soit 422 712 906,06 USD (date du taux de change : le 15 novembre 2006).
  • 21  Les principaux bailleurs qui participent au financement de ce projet sont : la France, surtout l’A (...)

43Les profonds bouleversements, en particulier sur le domaine environnemental, provoqués par la construction des barrages de Diama et de Manantali vont se traduire par une prise de conscience chez l’ensemble des ONG intervenant dans l’aménagement du fleuve. L’ampleur des impacts environnementaux et sociaux des grands ouvrages impliquent la nécessité d’organiser et d’harmoniser leurs interventions anarchiques afin d’aboutir à des actions plus efficientes sur le terrain mais également d’avoir une voix plus pesante lors des processus de prise de décisions sur l’élaboration des programmes de développement. C’est dans ce cadre qu’il faut placer la création en mai 1997 de la CODESEN (Coordination des ONG du fleuve Sénégal). Cette coalition est présente sur les différents programmes du PASIE, notamment le projet Energie19 de Manantali, en s’occupant de la défense des intérêts des communautés riveraines et de l’environnement à travers les CLC. Ainsi, après le financement des barrages de Diama et de Manantali et les nombreuses polémiques sur leurs impacts environnementaux, le projet Energie est lancé par les Etats riverains membres de l’OMVS. Il consiste à construire une centrale électrique de 200 MV au pied du barrage de Manantali et à installer plus de 1200 km de lignes électriques de 225 KV vers les trois capitales (Dakar, Bamako, Nouakchott) des Etats riverains. Le projet est certes considéré comme un projet de développement durable : limite de la dépendance des trois Etats membres de l’importation du fuel, limite de l’utilisation du bois de chauffe, donc limite des émissions de CO2 et production d’énergie propre. Cependant son coût très élevé, plus de 330 millions £20 empruntés auprès d’une dizaine de bailleurs de fonds21 (Banque mondiale (1997) in Leroy (2006, pp. 305)) a contribué à l’endettement plus important des Etats riverains. Selon certains responsables techniques interrogés, les principes de remboursement de la dette rendent cher le coût du kilowattheure pour les consommateurs. En plus, certains phénomènes d’inégalités peuvent être constatés dans le partage de l’énergie produite. La réalisation de l’équipement hydro-électrique du projet et la construction des lignes haute-tension n’ont pas pris en compte l’électrification des villages riverains. Ainsi, les populations locales riveraines subissent l’emprise des lignes électriques et observent à distance les bienfaits de l’électricité produite sous leur nez dans les grandes villes situées à des centaines de kilomètres sans pouvoir en bénéficier (Le Goff et al., 2005, pp. 43).

44Par ailleurs, Ie PASIE, même s’il s’inscrit dans une démarche de développement durable (programme intégré conçu pour la prise en charge des problèmes environnementaux et l’amélioration des activités de développement mis en œuvre par l’OMVS dans la vallée) soulève, également, bien des questions sur son efficacité. Il est mis en œuvre avec le co-financement de la Banque Mondiale, la Banque Africaine de développement, la Coopération française et la Coopération canadienne. Son coût global s’élève à quelques 19 millions USD. Coût élevé et conditionnalité environnementale à la réalisation du projet Energie imposé par les bailleurs de fonds, le PASIE présente un bilan mitigé si l’on se réfère aux travaux de Maya Leroy : « le PASIE est bien éloigné d’un dispositif bien cadré, strictement planifié. Le sentiment que nous avons est plutôt d’être confronté à une logique d’assemblage, un peu chaotique, qui se fait en marchant, et qui laisse voir les soubresauts de sa mécanique mal ajustée … » (Leroy, 2006, pp. 392).

45Enfin, les tendances suivantes peuvent être soulignées : d’une part, la formulation des politiques au niveau régional (dispositif institutionnel du bassin par exemple) se traduit certes par une rhétorique assez conventionnelle, en revanche, les problèmes commencent lors de la mise en place des mesures. D’autre part, les politiques de développement régional (grands ouvrages hydro-agricoles par exemple) présentent les caractéristiques suivantes : une absence de retombées en terme de « développement durable » au niveau local mais plutôt une aggravation des problèmes écologiques et leurs traductions socio-économiques ; une absence de déclinaison des avantages de certaines politiques publiques du niveau régional au niveau local, mais plutôt une rupture voire un coût à payer par le local (par exemple avantages des barrages et de l’irrigation dans un cadre régional pour certains gros usagers régionaux comme la CSS alors que certains territoires locaux subissent les inconvénients de la prolifération du Typha et ses impacts socio-économiques sur les populations locales). Deux catégories de problèmes dues aux impacts des grands ouvrages hydro-agricoles peuvent ainsi être identifiées : (1) impacts négatifs (marginalisation des paysans locaux à long terme) ; (2) infrastructures impliquent un réagencement spatial des activités devenant elles-mêmes incompatibles (construction d’une porte unique avec l’invasion du Typha). Donc, on tombe ici dans une perspective tout à fait classique du développement qui sacrifient des échelles ou des espaces au profit d'autres ; si le développement durable s'oppose au développement, précisément sur ce point, c'est que alors un développement durable devrait rendre compatible voire synergique des politiques de développement durable à des échelles différentes ou concernant des espaces différents (Sène, 2008b).

46Malgré ces résultats, on note pourtant que les réponses locales tendent vers un développement durable. La deuxième partie de l’étude met en évidence des mutations socio-spatiales en direction d’un développement durable local qui résulterait à la fois d’une volonté de participation des populations (mise en place des CLCOP dans certains villages de la rive gauche par exemple), d’une volonté de justice sociale au cœur de la question des usages sociaux de l’espace (cas de la pratique du maraîchage par des habitantes de Mbann) et d’une volonté de répondre aux problèmes écologiques et d’assurer la préservation du patrimoine hydro-agricole (exemple des réformes sur les politiques de la SAED).

Conclusion

47L’étude, à l’échelle de l’ensemble du bassin du fleuve s’étendant sur quatre pays (Sénégal, Mali, Mauritanie et Guinée-Bissau), porte sur quatre impératifs du développement durable : institutionnel, économique, social et écologique. À cette échelle d’analyse, les recherches montrent que les modes de développement véhiculés présentent beaucoup d’impasses et ne peuvent être considérés comme durables. Le dispositif institutionnel du bassin du fleuve Sénégal, bien qu’il soit très flexible et enrichit de normes de justice sociale et de protection et d’amélioration de la qualité des ressources naturelles, n’implique pas concrètement les populations locales dans la gestion des grands aménagements qui bouleversent leur quotidien et leur mode de vie. Un réel déficit d’application des principes contenus dans les dispositifs est mis en exergue. Ce qui ressemble alors à une performance institutionnelle laisse de côté le volet social : une première opposition entre deux composants du développement durable, à savoir les volets institutionnel et social est ainsi mise en évidence.

48Par ailleurs, les grands ouvrages hydro-agricoles réalisés à cette échelle dont les barrages de Diama et de Manantali montrent également une divergence entre l’économie, l’environnement et le social, trois autres volets du développement durable. Les performances économiques de ces ouvrages se traduisent principalement dans cette étude par l’accroissement des superficies irrigables et la diversification des cultures. D’autres avantages économiques relatifs à l’augmentation des réserves d’eau douces et la production d’électricité peuvent également être notés. Néanmoins, ces grands ouvrages sont à la base de plusieurs catastrophes écologiques. L’ensemble des dispositifs de gestion environnementale qui sont établis à cette échelle pour inverser la tendance et aboutir à un mode de développement qui allie performance économique et qualité environnementale sont caractérisés par leur inefficacité. Des problèmes de justice sociale qui se traduisent principalement par une répartition inégale des coûts et avantages tirés des infrastructures hydro-agricoles sont mentionnés (profits des gros usagers au détriment des petits usagers). Ce fait traduit donc une seconde opposition entre les volets économique, environnemental et social du développement durable. Le développement durable n’est donc pas perceptible à cette échelle d’étude.

49La recherche qui porte sur une échelle plus réduite, nationale et locale (villages situés dans le delta de la rive gauche du fleuve Sénégal) met en exergue l’existence de plusieurs mutations qui résultent essentiellement des effets induits depuis l’échelle supérieure régionale (grands barrages, outils de gestion environnementale, mesures juridiques et conventionnels de l’OMVS…). Ces transformations, perceptibles sous différentes formes, mais plaçant les populations locales au centre, défendent toutes un objectif de durabilité. Mais qu’en est-il concrètement ? Le développement durable serait-il comparable ici à ce qu’on a trouvé à l’échelle régionale, c'est-à-dire un développement non durable où l’ensemble de ses composants évolue de manière contradictoire ou opposée ? La réalité à cette échelle territoriale d’analyse est tout autre. L’étude montre plusieurs recompositions socio-spatiales, à l’échelle des communautés rurales, telles que la création des CLCOP, par exemple, pour mieux fédérer les activités des OP. Le CLCOP, constitué des représentants des OP, donc des producteurs locaux, dispose de plusieurs commissions dont une sur l’environnement. Cette structure a donc pour vocation d’introduire la participation des populations locales à l’aménagement et au développement de leur terroir et à la protection de l’environnement. À cette échelle d’étude où les acteurs nationaux et surtout locaux sont les plus représentatifs (Sène, 2006 ; Sène, 2008a), les tendances vers un développement durable sont donc perceptibles. On note, en effet, la création de territoires de solidarité qui sont la conséquence des actions perturbatrices (exemple des implantations hydrauliques résultant des politiques régionales de développement). Cette conséquence n’est pas mécanique ; ce qui l’a permise c’est la réaction du local qui s’est emparée du développement durable (solidarité, justice sociale, subsidiarité et réponses aux problèmes écologiques).

50Ainsi, dans le bassin du fleuve Sénégal, suivant l’échelle considérée, les modèles de développement véhiculés ne sont pas les mêmes. L’analyse des modèles suivant les différentes échelles spatiales indiquent des tendances vers un développement durable seulement à l’échelle locale. Dans les cas d’étude étudiés ici, on serait tenté de déduire que le développement durable est semblable ou assimilable au développement local ou au développement à la base.

51Enfin, deux grands enjeux peuvent ressortir de cette étude : d’abord, il y’a une absorption des perturbations par les populations locales, par opposition aux revendications qu’on peut retrouver dans d’autres régions du monde. Ensuite, la perception des aménageurs est influencée par le fait que les mécanismes d’adaptation du local leur font croire qu’ils produisent directement du développement local durable.

Remerciements

Je tiens à remercier le Ministère de l’Education du Sénégal, le Ministère Français de l’Équipement (PUCA) et le Ministère Français de l’Environnement et du Développement durable (MEDD). Cette recherche dans le bassin versant du fleuve Sénégal a été cofinancée par ces trois institutions dans le cadre de ma thèse de doctorat en géographie et ma participation au projet de recherche PUCA-MEDD réalisé par l’UMR PACTE (Grenoble 1), l’UMR LADYSS (Paris), le laboratoire CEDETE (Orléans), le laboratoire LERASS (Toulouse 3) et l’UMR SET (Pau).

Je remercie également Jérôme Lombard, chercheur à l’Institut de Recherche pour le Développement, les deux évaluateurs anonymes et le rédacteur en chef de la revue pour les commentaires qu’ils ont fournis pour l’amélioration du texte.

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Notes

1  

 Ces propos sont recueillis auprès d’un Professeur de l’université de Saint-Louis lors d’une enquête réalisée en avril 2006.  

2  Ensemble des travaux coordonnés entrepris dans le cadre de l’agriculture allant du défrichement du terrain et la semence jusqu’à la récolte. Les barrages, en augmentant la disponibilité de l’eau, permettent ainsi d’avoir plusieurs périodes de récoltes au cours d’une année et donc plusieurs campagnes agricoles.

3  Entretien auprès d’un responsable de la Direction générale de la SAED, à Saint-Louis en mars 2006.

4  Cet entretien a été réalisé auprès d’un spécialiste français du Typha en mission au PERACOD (Programme pour la promotion de l’électrification rurale et de l’approvisionnement durable en combustibles domestiques).   

5  Ces données qualitatives sont recueillies auprès du spécialiste du Typha, précédemment cité, lors de son interview. Des données quantitatives appuyant ces propos n’ont cependant pas été trouvées.   

6  Ces propos sont recueillis auprès d’un acteur local, un paysan du village de Mbann, qui nous livre ici sa perception et son point de vue sur les impacts de la prolifération du Typha sur ses terres et sa pratique culturale. Il n’a pas indiqué des arguments scientifiques qui pourraient expliquer le lien entre la présence du Typha et la salinisation des terres. Ce constat pose le problème et interpelle donc les pédologues ou les spécialistes de la pollution des sols dans cette région.

7  Cet entretien est réalisé auprès d’un agent technique de l’ANCAR en poste au village de Mbann.

8  GTZ : Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (sigle allemand).

9  Le modèle du CLCOP de Gandon est étudié lors des interviews réalisées dans ce village au cours du mois de février 2006.  

10  Ce programme d’étude concerne la mise en place de dix projets de développement. Le choix de ces projets nécessite donc la mise au préalable d’un vaste programme d’étude à l’échelle de la communauté rurale, financé et piloté par le CLCOP. La méthode utilisée repose sur : des enquêtes participatives sur l’ensemble du terroir effectuées par des OP appartenant au CLCOP  et des consultants ; l’établissement et la planification des programmes prioritaires réalisés par des membres du CLCOP et des consultants ; enfin, l’élaboration définitive des projets retenus avec l’aide de consultants privés.

11  Leur collaboration systématique pendant la phase de défrichement et la taille relativement petite des parcelles qu’elles aménagent (Cf. Figure 3) se justifient par l’ampleur de la difficulté de défricher les terrains colonisés par le Typha.

12  Une explication plus savante fournie par un technicien de l’ANCAR, en mission sur le terrain, justifie scientifiquement ces associations par le fait que les plantes sont en compétition pour trois facteurs : l’eau, la lumière et les éléments minéraux. Les femmes apportent donc aux plantes qu’elles cultivent de l’eau puisée du lac et des éléments minéraux par le compostage. Il leur faut donc jouer sur le troisième facteur qui est la lumière en associant des plantes à durée de cycle de développement suffisamment différente pour éviter leurs compétitions par rapport à cette ressource ou de jouer sur le besoin en lumière des plantes (la surface foliaire des plantes associées).    

13  Soit 781 035 996 USD (date du taux de change : le 15 novembre 2006)

14  Ces informations sont recueillies auprès du Chef de Division Exploitation de la SOGED et du Chef de la section Génie Civil du barrage de Diama en janvier 2006 à leurs bureaux respectifs sur le site même du barrage de Diama.

15  Soit 320 237 USD (date du taux de change : le 15 novembre 2006).

16  Soit 70 293 239 USD (date du taux de change : le 15 novembre 2006).

17  Soit 39 051 799USD (date du taux de change : le 15 novembre 2006).

18  Soit 117 155 399 USD (date du taux de change : le 15 novembre 2006).

19  Ce projet comprend la construction de la centrale électrique, la mise en place des lignes à haute tension, le renforcement institutionnel de l’OMVS avec la création de la SOGEM (qui a, en effet, la responsabilité de la mise en place du projet) et également la prise en compte de la réduction des impacts négatifs des barrages et l’amélioration des conditions de vie des populations affectées.  

20  Soit 422 712 906,06 USD (date du taux de change : le 15 novembre 2006).

21  Les principaux bailleurs qui participent au financement de ce projet sont : la France, surtout l’AFD (96,1 millions USD) ; l’Europe (83,3 millions USD) dont 37,1 millions USD par l’Union européenne et 46,2 millions USD par la Banque européenne d’investissement ; l’Allemagne (65,6 millions USD) ; les fonds arabes (50,2 millions USD) dont 21 millions USD par Islamic Development Bank et 29,1millions USD par Arab fund for Economic and social development : FADES ; la Banque mondiale (38,7 millions USD) puis respectivement le Canada, la Banque africaine de développement, la Banque de l’Afrique de l’Ouest et le Nordic Development Fund (Banque mondiale (1997) in Leroy (2006)).    

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List of illustrations

Title Figure 1. Carte de localisation des sites enquêtés
Credits source : Sène, A.
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/9221/img-1.png
File image/png, 549k
Title Figure 2. Cadre institutionnel de la gouvernance de l’eau du fleuve Sénégal
Credits Source : Sène et al., 2007
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/9221/img-2.png
File image/png, 50k
Title Figure 3. Aménagements de parcelles de cultures de maraîchage par les femmes sur les berges du lac de Guiers, village de Mbann
Credits  source : Sène, 2008a, pp. 404
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/9221/img-3.png
File image/png, 36k
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References

Electronic reference

Abdourahmane Mbade Séné, « Développement durable et impacts des politiques publiques de gestion de la vallee du fleuve Sénégal : Du régional au local Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 9 Numéro 3 | décembre 2009, Online since 14 December 2009, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/9221 ; DOI : 10.4000/vertigo.9221

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About the author

Abdourahmane Mbade Séné

Chercheur associé Laboratoire PACTE (Politiques publiques, Action politique, Territoires), Institut de Géographie Alpine, 14 Bis, avenue Marie Reynoard, 38000 Grenoble, France, Courriel : amsenea@yahoo.fr

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