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Dossier : Ethique et Environnement à l’aube du 21ème siècle : la crise écologique implique-t-elle une nouvelle éthique environnementale ?

Éthique et environnement à l’aube du 21ème siècle : la crise écologique implique-t-elle une nouvelle éthique environnementale ?

[texte introductif]
Sylvie Ferrari, Jean-Yves Goffi, Marie-Hélène Parizeau, Jean-Philippe Pierron and Eric Duchemin

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1L’éthique de l’environnement, entendue comme champ de discussion multidisciplinaire, ouvre sur l’élaboration tant d’interventions spécifiques fondées sur des choix de valeurs, que sur des réflexions normatives élargies pour la société et les décideurs. Dans un contexte marqué par le changement climatique, par des dégradations majeures affectant les milieux naturels (érosion, pertes de biodiversité, pollutions…) ou encore par la raréfaction de ressources inégalement réparties dans l’espace (ressources fossiles, eau, terres arables…), le domaine de définition des choix et l'élaboration des décisions économiques ou politiques ne peuvent être considérés sans une réflexion sur les contours d’une nouvelle éthique environnementale pour affronter de nouveaux risques environnementaux et déterminer les réponses adéquates pour nous-mêmes et pour les générations futures. Cette perspective implique de réfléchir à la définition de nouveaux principes d’action susceptibles de modifier le comportement des acteurs en rendant compte notamment de la temporalité des choix écologiques (niveaux intra et intergénérationnel), des échelles spatiales au sein desquelles les phénomènes naturels opèrent, des irréversibilités associées à l’altération de certaines ressources environnementales ou à la complexité des interactions en jeu, ou encore de l’adaptabilité et des phénomènes de résilience associés aux systèmes économiques considérés.

2Dans ce contexte, la question de l'éthique environnementale doit être à la fois analysée sur la base d'objets de nature différente (écosystèmes aquatiques, paysage, déchets, processus de décision, justice intergénérationnelle, dette écologique) et à l'aide d'outils conceptuels et de méthodes relevant de champs disciplinaires complémentaires (philosophie, géographie, économie, sciences politiques notamment). Les questionnements qui sont ici abordés s'articulent principalement autour du concept de développement durable qui constitue un "lieu" privilégié d'analyse des relations entre la nature et les transformations des sociétés humaines. L'éthique est ainsi "traversée" par les déclinaisons économique, sociale et environnementale du développement durable.

3De ce fait, si de nombreuses contributions analysent les différents visages de l'éthique environnementale selon les rapports qui s'établissent entre la nature et l'humain (anthropocentrisme, biocentrisme, écocentrisme...), la plupart d'entre elles s'interrogent sur le rôle des fondements de l'éthique environnementale dans l'apparition des symptômes de la crise écologique, voire dans ses "prolongements naturels" avec la remise en cause d'une civilisation qui, selon A. Berque, "contrevient à tous les grands repères de l'axiologie humaine : le Bien, le Beau, le Vrai". Ce faisant, le premier texte de ce numéro de [VertigO] oriente le cheminement de l'ensemble des réflexions tant théoriques qu'appliquées.

4Avec le Bien, les contributions se positionnent plutôt du côté de l'idée du juste, de ce qui est acceptable pour le bien-être et le bonheur des individus et des sociétés. Des principes moraux qui orientent l'action humaine sont proposés afin d'atténuer les impacts environnementaux des choix effectués : il y a la possibilité de remédier ou de compenser en présence de dommages environnementaux d'une part les générations présentes et futures - responsabilité orientée vers le futur (Jonas) - et, d'autre part, les générations passées (dette écologique). L'Etat peut jouer ici un rôle essentiel en créant les conditions de l'agir responsable du point de vue environnemental dans l'accompagnement des politiques de développement durable (éthique appliquée). Sa responsabilité décisionnelle doit alors être portée par un horizon temporel long au sein duquel les conséquences des actions présentes seront visibles (approche étendue de la responsabilité humaine).

5Avec le Beau, c'est l'idée que l'éthique environnementale peut s'exprimer à travers des formes d'appréciation esthétique qui font de la nature un système d'éléments distincts et reconnaissables en tant que tels grâce aux perceptions des individus (rôle de l'expérience et de la dimension cognitive attachée aux objets naturels) et aux relations réflexives que ces derniers ont avec les éléments naturels. Le paysage constitue un bel exemple de forme esthétique pouvant contenir de nombreuses valeurs symboliques susceptibles d'être courtisées en présence d'une multiplicité d'acteurs dotés de stratégies territoriales : les formes d'intervention des acteurs publics façonnent la matérialité des paysages compris comme des biens communs.

6Enfin, avec le Vrai, on peut ici avancer l'idée que l'éthique environnementale doit être articulée à une justice environnementale pour favoriser une répartition équitable des richesses de la nature et lutter ainsi contre les inégalités et la pauvreté. Sur ce point, plusieurs travaux se focalisent sur la nécessité de relier les dimensions économique et éthique du développement durable grâce à des outils de régulation spécifiques selon les objets considérés (déchets, eau, changement climatique) et à l'aide de la prise en compte des modalités de négociation et d'adaptation des acteurs concernés (citoyens, institutions) en présence d'incertitudes.

7Au final, l'ensemble des contributions présentées dans ce numéro permet de mieux appréhender, s'il fallait s'en convaincre, les liens structurants qui s'établissent entre l'éthique et la manière de réguler les problèmes environnementaux du 21ème siècle. La crise écologique, en révélant le caractère vulnérable de la nature face aux agressions d'origine anthropique, apparaît de plus en plus comme le facteur limitant de la liberté morale de l'humanité en devenir. Dès lors, seul un changement radical dans les consciences, une révolution de l'être, peut nous conduire vers un autre futur possible. C'est de cette impérieuse nécessité qu'une nouvelle éthique environnementale émergera.

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References

Electronic reference

Sylvie Ferrari, Jean-Yves Goffi, Marie-Hélène Parizeau, Jean-Philippe Pierron and Eric Duchemin, « Ã‰thique et environnement à l’aube du 21ème siècle : la crise écologique implique-t-elle une nouvelle éthique environnementale ? Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 10 Numéro 1 | avril 2010, Online since 30 March 2010, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/9810 ; DOI : 10.4000/vertigo.9810

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About the authors

Sylvie Ferrari

Maître de Conférences, Economie, GREThA UMR CNRS 5113, Université de Bordeaux IV, F-33608 Pessac, France. Courriel : sylvie.ferrari@u-bordeaux4.fr

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Jean-Yves Goffi

Professeur, Département de Philosophie, UFR Sciences Humaines, Université Pierre Mendès France-Grenoble 2, Bat. ARSH 2, Domaine Universitaire, 38040, Grenoble, Cedex 9, France, Courriel : Jean-Yves.Goffi@upmf-grenoble.fr

Marie-Hélène Parizeau

Professeur, Faculté de philosophie, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en bioéthique et en éthique de l'environnement, Université Laval, Pavillon Louis-Étienne Pigeon, 446, Félix-Antoine Savard, 2325 rue des Bibliothèques, Québec, Canada, G1V 0A6, Courriel : marie-helene.parizeau@fp.ulaval.ca

Jean-Philippe Pierron

Maître de conférences, Faculté de philosophie, Université Lyon 3, 1 rue de l'Université, BP 0638, 69239, Lyon Cedex 02, France, Courriel : jean-philippe.pierron@univ-lyon3.fr

Eric Duchemin

Professeur associé et chargé de cours, Institut des sciences de l’environnement, Université du Québec à Montréal, C.P. 8888, succursale Centre-ville, Montréal, Québec, Canada, H3C 3P8, Courriel : duchemin.eric@uqam.ca

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