Que la Chambre reconnaisse, à l'occasion du 81e anniversaire du génocide arménien survenu le 24 avril 1915, la semaine du 20 au 27 avril de chaque année comme la semaine commémorant l'inhumanité de l'être humain envers son prochain.-Monsieur le Président, il me fait plaisir de présenter devant cette Chambre une motion visant à ce que le gouvernement canadien reconnaisse enfin le génocide arménien en établissant une semaine où nous commémorerons les crimes commis contre l'humanité dans le passé. Et ce, dans le but que ce souvenir nous pousse à agir tous les jours afin que de telles horreurs puissent se reproduire.
Je tiens à souligner que le moment choisi pour présenter cette motion est symbolique. En effet, le 15 avril dernier, les communautés juives du monde entier, et avec eux des gens de toutes les confessions, se rassemblaient pour se souvenir des six millions de victimes de la folie meurtrière du régime nazi lors de la Seconde Guerre mondiale.
Demain, la communauté arménienne, à son tour, se souviendra du génocide qui a débuté le 24 avril 1915, dans l'empire ottoman, et qui a fait plus d'un million et demi de victimes. Je profite de cette occasion pour saluer la communauté arménienne de Montréal et du reste du pays et pour souligner sa contribution à notre vie collective.
La détermination du peuple arménien à préserver sa culture, sa volonté de ne jamais oublier le passé et ses efforts inlassables pour la reconnaissance internationale du génocide arménien doivent susciter l'admiration de tous. L'établissement d'une semaine de commémoration permettrait aux citoyens de ce pays de montrer leur respect pour les peuples qui ont subi l'extermination ou qui ont été victimes de crimes contre l'humanité, notamment les communautés arménienne et juive.
Ce n'est pas la première fois que l'on parle en cette Chambre des crimes contre l'humanité ou que l'on déplore les génocides commis dans le passé. Le 3 avril de l'an dernier, le député de Don Valley-Nord présentait une motion similaire à celle que je présente aujourd'hui. Le Bloc avait alors amendé la motion, avec l'accord du proposeur, afin de rappeler nommément le génocide arménien. Malheureusement, la députée d'Halifax, qui était alors secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, s'était opposée à cette motion, prétextant qu'il ne fallait pas dési-gner de période précise pour commémorer les génocides, parce que nous y pensions tous les jours.
(1120)
La députée a prononcé de belles paroles, mais a refusé d'agir pour appuyer ses dires. Elle se contredisait en commençant par dire, et je cite: «Le génocide est un crime si horrible que le souvenir des génocides passés ne s'éteindra jamais», mais en concluant ainsi, et je cite à nouveau: «Je ne suis pas en faveur de la désignation d'une période de temps pour commémorer les génocides.»
Face à cette opposition venant d'un membre associé au pouvoir exécutif, le proposeur a retiré sa demande de consentement unanime de la Chambre pour que la motion fasse l'objet d'un vote par appel nominal et le gouvernement a pu ainsi éviter de se prononcer sur la question.
Le comportement de la secrétaire parlementaire était peut-être dû à son ignorance des terribles leçons du passé, à moins qu'il n'ait reflété le manque de courage politique de ce gouvernement et son manque de volonté de défendre les droits humains sur la scène internationale.
C'est pourquoi mes collègues et moi, et j'espère que les députés du gouvernement et de l'opposition se joindront à nous, allons rappeler les crimes odieux qui ont été commis dans le passé. En mémoire du passé, nous allons demander au gouvernement d'adopter désormais une position ferme quant au respect des droits de la personne dans le monde, en commençant par la reconnaissance du génocide arménien.
[Traduction]
Je somme le gouvernement de cesser de sacrifier les traditions canadiennes sur l'autel des droits de la personne et de montrer sa réelle détermination en reconnaissant officiellement le génocide arménien survenu en 1915.
[Français]
La majorité de la population a déjà entendu parler de l'holocauste, le génocide des Juifs par les nazis. Nos parents, qui ont vécu la Seconde Guerre mondiale, le savent et nous en ont parlé. Récemment, la jeune génération a pu voir le film La liste de Schindler, mais combien de gens savent qu'un génocide a eu lieu au cours de la Première Guerre mondiale?
En réalité, très peu de gens savent qu'un million et demi d'Arméniens ont été tués, des centaines de milliers d'autres déportés en 1915 et par la suite, sur l'ordre du gouvernement ottoman qui régnait alors en Turquie.
La négligence des gouvernements alliés, de la Société des Nations à reconnaître publiquement ce génocide et à prendre des sanctions contre ses auteurs a pu avoir des conséquences graves par la suite. En effet, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, Adolf Hitler déclarait à ses SS: «Qui se souvient aujourd'hui de l'extermination des Arméniens?» Moi, je me refuse à donner raison à Hitler.
L'opposition officielle reconnaît le génocide arménien et souhaite contribuer à le faire connaître à la Chambre, à ceux qui nous écoutent, à la population. Commençons par un rappel historique.
L'Empire ottoman a été fondé au XIVe siècle, à la suite de la conquête de Constantinople par les Turcs. Cet empire a recouvert, à une certaine époque, une grande partie du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Au sein de cet empire vivaient un grand nombre de chrétiens, entre autres, des Grecs et des Arméniens.
Ces derniers vivaient en Anatolie, soit dans la partie est de la Turquie actuelle. Ces chrétiens étaient soumis à l'autorité turque mais étaient tolérés, car ils servaient de lien dans le commerce avec l'Occident. Lors de la Première Guerre mondiale, le gouvernement ottoman, en lutte contre la Russie à l'est et une armée franco-britannique à l'ouest, en est venu à considérer ses sujets chrétiens comme traîtres et suspects de collaboration avec les alliés à cause de leur religion. Alors commencèrent une suite de vexations, puis d'arrestations, de tortures, et enfin des exécutions et des déportations massives.
En plus des massacres perpétrés par les soldats ou la population, les déportations massives cachaient une volonté d'extermination des Arméniens. Un grand nombre de ceux-ci sont morts à cause de la faim, de la soif, de la fatigue causées par un exode forcé dans des conditions atroces. Il s'agissait là d'un nettoyage ethnique avant la lettre.
Une note des puissances alliées datant du 17 juillet 1920 et consignée dans les archives françaises décrit le génocide arménien en ces termes, et je cite: «Les Arméniens ont été massacrés dans des conditions de barbarie inouïe. Pendant la guerre, les exploits du gouvernement ottoman en massacres, déportations et mauvais traitements des prisonniers ont dépassé encore ses exploits antérieurs dans ce genre de méfaits. On estime que depuis 1914, le gouvernement ottoman a massacré, sous le prétexte insoutenable d'une prétendue révolte, 800 000 Arméniens, hommes, femmes et enfants, et déporté plus de 200 000 Grecs et de 200 000 Arméniens. Le gouvernement turc n'a pas seulement failli au devoir de protéger ses sujets d'origine non turque contre le pillage, la violence et le meurtre, mais de nombreuses preuves indiquent qu'il a lui-même pris la responsabilité de diriger et d'organiser les attaques les plus sauvages contre les populations auxquelles il devait sa protection.»
(1125)
Malheureusement, les alliés n'ont pas donné suite. Ils ont consacré plus de temps à se diviser les anciennes possessions ottamanes au Moyen-Orient, la Syrie, l'Irak et la Palestine, qu'à poursuivre et condamner les auteurs de ce qu'il est convenu de qualifier de premier génocide du XXe siècle.
Il nous aura fallu attendre à 1948 pour que le terme génocide soit défini et formellement interdit par la loi internationale. La Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide décrivait alors le génocide comme l'un ou l'autre des actes suivants, commis dans le but de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux: tuer les membres d'un groupe; causer des lésions corporelles ou psychologiques graves aux membres d'un groupe; infliger délibérément au groupe des conditions de vie susceptibles de conduire à sa destruction totale ou partielle; imposer des mesures destinées à empêcher les naissances au sein du groupe; ou transférer par la contrainte les enfants du groupe au sein d'un autre groupe.
Je tiens à rappeler à cette Chambre que le Canada est signataire de cette Convention. Je m'étonne donc de la persistance de notre gouvernement à refuser de reconnaître formellement le génocide arménien. Je déplore et je dénonce cette attitude, car le fait de nier l'existence d'un génocide, c'est faire le jeu de ceux qui l'ont commis et qui veulent faire oublier leur crime, et cela revient à les approuver.
Depuis le génocide arménien qui a eu lieu en 1915, l'inertie de la communauté internationale et sa passivité ont permis que d'autres peuples subissent des massacres à grande échelle. Outre le peuple juif dont j'ai déjà parlé, on songe à la guerre du Biafra qui a fait rage de 1967 à 1970 au Nigeria où toute une population civile a été affamée sous les yeux impuissants de jeunes docteurs français qui allaient plus tard fonder l'organisation Médecins sans frontières.
En 1978, au Cambodge, les Khmers rouges déportaient à la campagne et dans des camps tous les opposants politiques. Un million et demi d'entre eux n'en sont jamais revenus et quelques années après, on a découvert des charniers géants. Depuis, le gouvernement cambodgien a érigé un musée où sont rassemblées les preuves de ce génocide afin que leur souvenir en soit perpétué.
À l'ère des chaînes de télévision en direct, de telles tueries se produisent encore sous notre regard complice. Nous avons donc pu assister impuissants à la tragédie du Rwanda et au nettoyage ethnique de Bosnie. Je demande à chaque député de cette Chambre de se poser la question, combien d'autres massacres semblables allons-nous permettre? Quelle est notre responsabilité en tant qu'élus afin d'éviter d'autres drames, d'autres souffrances?
Depuis mon arrivée à la Chambre, j'ai reproché plusieurs fois au gouvernement son inertie dans le dossier de la reconnaissance du génocide arménien. Mais dernièrement, j'ai été choqué et outré de constater qu'en plus de ne rien faire à ce sujet, le gouvernement s'est permis d'exercer des pressions sur la ville de Montréal pour empêcher l'édification d'un monument à la mémoire des peuples martyrs de l'histoire contemporaine, et notamment du génocide arménien.
Selon des représentants du Comité national arménien, le maire de Montréal a admis que le ministre de la Coopération internationale et député de Papineau-Saint-Michel était intervenu afin de faire avorter le projet d'un monument commémorant le génocide arménien. Malgré les dénégations du ministre, le maire de Montréal, lui, n'est pas revenu sur ses affirmations. Le maire de Montréal n'est jamais revenu sur ses affirmations.
Déjà en 1990, l'ambassadeur de Turquie avait écrit au maire Doré pour demander qu'un autre monument ne fasse pas référence au génocide arménien. Ces agissements douteux nous amènent à nous demander si le gouvernement canadien actuel a pour politique officielle de monnayer ses principes. Ces agissements nous rappellent d'autres événements où le gouvernement canadien est intervenu de manière aussi déplorable.
En 1988, sous un autre gouvernement, un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères écrivait au Conseil scolaire d'Ottawa pour s'objecter à la mention du génocide arménien dans des manuels scolaires. Ce fonctionnaire avait alors expliqué aux médias que le gouvernement canadien agissait ainsi pour ne pas menacer des millions de dollars de contrats commerciaux avec la Turquie.
En 1991, lors de l'érection d'un monument canadien en hommage aux droits humains, des pressions indues furent exercées par les gouvernements étrangers et menèrent à la suppression de deux plaques faisant référence au génocide arménien et au massacre de la place Tiananmen.
En fait, depuis son arrivée au pouvoir, comme le précédent gouvernement, ce gouvernement a pris l'odieuse habitude de subordonner le respect des droits de la personne à des intérêts politiques et économiques. Le Canada s'est bâti, au fil des années, une excellente réputation dans le monde, à la fois à cause du respect des droits de la personne sur son territoire, mais aussi pour son implication sur la scène internationale afin de promouvoir les droits humains, les valeurs de tolérance et de paix, idéal qui anime les citoyens de ce pays quelle que soit leur opinion politique. Malheureusement, les récents événements de Somalie sont venus ternir notre réputation.
(1130)
Notre gouvernement a aussi récemment changé sa politique étrangère. Désormais, pour assurer le succès médiatique des tournées à l'étranger du premier ministre, on doit éviter de questionner publiquement ces pays sur le respect des droits de la personne.
L'épisode du voyage en Inde où un jeune garçon de 13 ans, Craig Kielburger, est allé dénoncer le travail forcé des enfants devant un premier ministre embarrassé est assez révélateur. Je me souviens aussi que sous le gouvernement conservateur, on avait déroulé le tapis rouge et aligné la garde d'honneur pour le dictateur roumain Ceausescu à qui on voulait vendre un réacteur nucléaire. Quelques mois plus tard, lors du renversement et de l'exécution de Ceausescu, le premier ministre d'alors se réjouissait de la chute de ce tyran sanguinaire. Dans le cas de la Turquie, il est question à la fois d'un réacteur nucléaire et de la vente d'armes. Que le gouvernement soit conservateur ou libéral, même mollesse.
Ce genre de comportement où l'on ne dénonce les injustices que quand cela a une valeur médiatique ou politiquement rentable va à l'encontre des valeurs canadiennes traditionnelles. Les Canadiens veulent que ce gouvernement ait des principes et qu'il les affirme en tout temps. Cela ne veut pas dire qu'il faut couper tout commerce avec les pays dont nous n'approuvons pas le comportement sur le plan des droits de la personne, mais qu'il faut être très clair avec eux et leur dire que le fait de commercer avec eux ne constitue pas une approbation, que cela ne nous empêchera pas de les critiquer s'ils commettent des actes répréhensibles.
Les Canadiens s'attendent à ce que leur gouvernement ne soit pas complaisant et qu'il dénonce les injustices qui ont lieu actuellement à travers le monde. Je vais citer quelques exemples de cas flagrants de violation des droits humains que notre gouvernement préfère ingorer.
Après la guerre du Golfe contre l'Irak, le Canada a participé à l'opération «Provide Comfort» qui visait à protéger les populations kurdes du nord de l'Irak contre les attaques sanglantes du gouvernement de Saddam Hussein. Pendant ce temps-là, de l'autre côté de la frontière, à quelques kilomètres de là, le gouvernement turc arrêtait et exécutait des centaines de Kurdes qui se rebellaient contre son autorité. Mais parce que le gouvernement de Turquie est notre allié, nous avons fermé les yeux. Y aurait-il des bons Kurdes qui ont droit à notre protection et de mauvais Kurdes dont le sort nous est indifférent?
Lors de la tournée d'Équipe Canada en Chine, ainsi que lors de la visite d'officiels chinois au pays, le gouvernement est demeuré complètement muet face à la répression dont sont victimes les Chinois favorables à la démocratie depuis le massacre de la place Tiananmen. Pas un mot non plus sur l'entreprise méthodique d'assimilation du peuple tibétain. Les députés de Longueuil et de Notre-Dame-de-Grâce dénonçaient récemment le silence du Canada au sujet des tortures et exécutions sommaires dont sont victimes les habitants du Timor oriental qui est occupé militairement par l'Indonésie.
Enfin, les affrontements survenus dans les derniers mois au Burundi entre Hutu et Tutsi qui ont fait des centaines de morts nous font craindre un drame sanglant pareil au génocide commis au Rwanda voisin. Le terme «génocide» fait si peur au gouvernement canadien, pourtant le gouvernement canadien l'a utilisé dans le cas du Rwanda. Le Canada laissera-t-il se reproduire une tragédie, alors qu'il est encore temps d'agir?
C'est pour témoigner de notre respect pour toutes les victimes du passé et afin de réaffirmer notre résolution à oeuvrer avec toute notre énergie pour empêcher de nouveaux massacres que je demande au gouvernement de reconnaître officiellement la réalité historique du génocide arménien.
Le Canada est loin d'être un chef de file dans ce dossier. En fait, il est en retard, car il y a de nombreux pays dont les gouvernements et les parlements ont reconnu et déploré le génocide commis à l'encontre du peuple arménien.
Le Tribunal permanent des peuples déclarait, le 16 avril 1984: «Le génocide arménien constitue un crime imprescriptible contre l'humanité et il est aussi un crime international dont l'État turc doit assumer la responsabilité.»
La Commission des droits de l'homme de l'ONU, le 20 août 1985, reconnaît que le massacre ottoman des Arméniens était un génocide parmi d'autres génocides du XXe siècle.
Le Parlement argentin, l'Assemblée nationale de l'Uruguay l'ont reconnu. Le Parlement européen, le 18 juin 1987 a reconnu le fait historique du génocide des Arméniens et ajouta à cette reconnaissance que le refus du gouvernement turc de reconnaître le génocide était un obstacle à l'adhésion de la Turquie à la Communauté européenne.
Le 22 avril 1994, le Parlement russe, la Douma, a reconnu le génocide arménien et en a condamné sévèrement les auteurs. Le 27 avril 1994, l'État d'Israël a condamné officiellement le génocide arménien en dépit du fait que la Turquie soit son allié régional. Le secrétaire d'État aux Affaires étrangères a déclaré:
(1135)
[Traduction]
«Nous nous opposerons à toute tentative visant à effacer ces événements, même pour des avantages politiques.»
[Français]
C'est faire preuve de courage de la part d'Israël.
Au mois de mai dernier, Bob Dole, le leader de la majorité républicaine au Sénat des États-Unis et candidat républicain aux élections présidentielles, condamnait l'attitude de la Turquie qui continue de nier le génocide arménien et déclarait:
[Traduction]
«Plusieurs de mes collègues et moi-même avons lancé un appel au président Clinton pour qu'il réaffirme que le génocide arménien est un crime contre l'humanité, ainsi qu'il l'a fait à plusieurs reprises durant la campagne présidentielle de 1992.»
[Français]
Enfin, je tiens à souligner que l'Assemblée nationale du Québec et le Parlement de l'Ontario qui, ensemble, représentent 60 p. 100 de la population canadienne, ont tous deux reconnu officiellement le génocide des Arméniens dès 1980 et ont demandé au Parlement canadien de le faire à son tour, au nom de tous les Canadiens. J'espère que ce message clair sera enfin entendu par le gouvernement fédéral.
L'allié du gouvernement fédéral et chef du Parti libéral du Québec, M. Daniel Johnson, alors qu'il était premier ministre, déclarait, en 1994: «L'anniversaire du génocide arménien rappelle l'une des pages les plus tragiques de l'histoire de notre siècle et suscite, à l'égard de ce peuple, un témoignage profond de sympathie.» N'allons pas diluer la proposition et essayer de remplacer le terme génocide.
Il faut rendre hommage au gouvernement allemand qui a reconnu depuis longtemps sa responsabilité morale dans le génocide des Juifs par le régime nazi et qui a offert une réparation. Le code pénal allemand prévoit même des sanctions à l'encontre de ceux qui tentent de nier cette réalité historique. Plus récemment, le gouvernement russe avait le courage d'admettre sa responsabilité dans l'exécution de 4 500 officiers polonais dans la forêt de Katyn en 1940. La Turquie a des responsabilités historiques qu'elle doit assumer.
Plusieurs députés de cette Chambre se sont exprimés à différentes reprises sur le génocide arménien. C'est maintenant le temps de passer aux actes. Je demanderais donc à tous les députés d'amener leurs collègues à voter en faveur de cette motion et de profiter de la commémoration du 81e anniversaire du génocide arménien pour poser un acte de courage envers nos confrères et nos consoeurs qui sont en difficulté dans des pays où la démocratie est encore à venir.
[Traduction]
Le vice-président: J'informe la Chambre que, en raison de la déclaration ministérielle, la période réservée aux initiatives ministérielles sera prolongée de 72 minutes.
M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, j'ai suivi très attentivement les remarques du député de Ahuntsic. Je profite de cette occasion pour le remercier de son intervention, mais je voudrais aussi lui dire que sa façon de présenter les choses m'a beaucoup contrarié. Enfin, c'est du passé, passons à autre chose.
Le député a dit dans son intervention que le maire de Montréal avait promis d'ériger une statue pour commémorer le génocide des Arméniens survenu en 1915. Il a ensuite reproché au gouvernement fédéral de s'immiscer dans cette affaire.
Je tiens à déclarer officiellement que le gouvernement fédéral et le ministère des Affaires étrangères n'ont absolument rien à voir dans la promesse qu'a faite le maire de Montréal. Je demande au député de retirer ce qu'il a dit, car ce n'est pas vrai. Le gouvernement du Canada ne joue aucun rôle dans l'érection ou l'élimination des monuments.
J'ai participé à l'érection du monument vietnamien dans la ville d'Ottawa. Le gouvernement du Canada a alors adopté la même attitude que dans le cas du monument que le maire de Montréal a promis sans jamais tenir sa promesse.
[Français]
M. Daviault: Monsieur le Président, je remercie le député de ses commentaires. J'aimerais rappeler, dans le dossier du monument commémorant le génocide à Montréal, que le journal The Gazette en a fait état en rapportant des propos attribués à des membres du Comité national arménien. On rapportait des propos du maire de Montréal, propos desquels le maire de Montréal ne s'est pas dissocié. Ces propos ont été effectivement niés. . .
Mme Bakopanos: Propos du maire ou du ministre?
M. Daviault: Des propos du maire, qui ont été niés par le ministre. Non, le maire n'a pas confirmé les propos du ministre.
(1140)
Il y a un problème entre le ministre de la Coopération internationale et le maire de Montréal quant à la version des choses. Lorsque j'ai posé une question en cette Chambre, le député de Saint-Léonard disait que le ministre n'avait que rappelé la manière dont le gouvernement canadien traite ce dossier. C'est déjà beaucoup de rappeler que le gouvernement du Canada ne souhaite pas utiliser le mot génocide; il parle toujours d'atrocités, de tragédie, mais il ne veut pas utiliser le mot génocide. Pourtant, dans le génocide rwandais, ce terme est utilisé, mais le gouvernement ne veut toujours pas utiliser, dans le cas de l'Arménie, le terme génocide.
Aujourd'hui, vous aurez l'occasion de voter sur cette motion, sur le terme génocide. Si vous voulez avoir l'odieux de transformer la motion en y éliminant le terme génocide, les masques vont tomber et la population arménienne et la population canadienne sauront ce qu'il en est.
Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, je veux féliciter le député de l'opposition pour la présentation de cette motion à la Chambre. Je vais rappeler, comme mon collègue, que c'est le député de Don Valley-Nord qui a proposé cette motion pour la première fois à la Chambre des communes.
Deuxièmement, je poserai peut-être la même question que mon collègue et ferai le même commentaire. C'est bien de lire dans les journaux les propos du maire de Montréal, mais il n'y a aucune preuve. J'aimerais bien que l'honorable député de l'opposition nous donne la preuve écrite ou verbale que le ministre ou un représentant du gouvernement canadien a dit que nous nous opposions à l'érection d'un monument.
Il n'y a aucune preuve, c'étaient des paroles du maire, c'est lui qui a la responsabilité-le maire de Montréal, M. Bourque-en ce qui concerne ce dossier. Il doit prendre ses responsabilités, garder sa parole donnée à la communauté arménienne et à d'autres communautés, parce que le monument n'était pas seulement pour le génocide arménien, mais aussi pour tous les crimes contre l'humanité. Nous étions 100 p. 100 d'accord à ce sujet, il n'y a aucune preuve du contraire. Je préférerais qu'on ne dise pas de mensonges et qu'on n'attribue pas des paroles à quelqu'un si ce ne sont pas ses propres paroles en cette Chambre.
J'aimerais aussi poser une question au député de l'opposition en lui demandant ce qui l'a motivé, à ce moment précis, à soulever cette motion devant la Chambre.
M. Daviault: Monsieur le Président, effectivement, pour la première partie au sujet du monument, il n'est pas de la responsabilité du gouvernement canadien de s'immiscer dans cette affaire. J'ai rappelé les propos attribués au maire de Montréal, j'ai rappelé les dénégations du ministre et j'ai rappelé le fait que le maire de Montréal n'ait pas confirmé les dénégations du ministre. Sauf qu'on en a assez dit sur cette responsabilité.
Je suis d'accord avec vous sur le fait que le monument doit être érigé, qu'il est de la responsabilité du maire de Montréal. Mais lorsque l'exemple de mollesse par rapport au dossier du génocide arménien vient d'aussi haut que de notre gouvernement-tant conservateur que libéral-qui refuse de reconnaître le génocide arménien, on ne peut certainement pas reprocher le manque de courage des autres quand on n'a pas nous-mêmes ce courage-là.
L'an dernier, le député de Don Valley-Nord a posé un geste très positif en faisant la proposition. Toutefois, et je l'ai dit dans mon discours, il avait annoncé une demande de consentement unanime sur un vote et ça lui a été refusé par un secrétaire parlementaire. On sait nous, comme parlementaires, ce que cela veut dire. Cela veut dire que la motion est morte.
(1145)
Cette année, lors d'une journée de l'opposition, lors de l'une de nos fort peu nombreuses journées de l'opposition, lors de l'une de nos fort peu nombreuses journées de l'opposition pouvant faire l'objet d'un vote, nous obligeons un vote sur cette question et sur la méthode, à savoir pourquoi aujourd'hui ou demain il y aura 3 000 ou 4 000 Arméniens qui seront sur la Colline et qui jugeront nos actions comme parlementaires aujourd'hui. Soyons courageux.
L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme)(Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, je me lève aujourd'hui pour remercier le député d'Ahuntsic de proposer cette motion à la Chambre.
Les points soulevés par la motion touchent les droits universels, l'égalité, la lutte pour la liberté des peuples démunis depuis les débuts de la civilisation.
[Traduction]
J'appuie les principes défendus dans la motion du député. C'est pourquoi je veux proposer une modification à la motion. Je propose:
Que la motion soit modifiée: 1) en enlevant les mots «génocide arménien» et en les remplaçant par les mots «tragédie arménienne qui causa la perte de quelque 1,5 million de vies»; et 2) en rajoutant après «1915», les mots «et en mémoire des crimes commis envers l'humanité»;
Je voudrais que la portée de cette motion soit élargie pour qu'elle s'applique à tous les peuples qui ont souffert dans leur quête de justice et de liberté.
Je souhaite donc que la Chambre reconnaisse l'existence du massacre systémique et de l'humiliation du peuple arménien, qui a commencé en 1915, sous l'empire ottoman, et qu'elle adopte le 24 avril comme une journée de deuil pour ceux qui ont souffert. Le 15 avril, nous marquons déjà la journée de l'holocauste en déplorant le massacre de millions de juifs. Le 27 avril, nous célébrons la fin de l'apartheid, le triomphe de la liberté sur des décennies de racisme, de ségrégation et de meurtres légalisés à l'endroit des Sud-Africains noirs.
L'amendement que je propose vise à commémorer l'oppression de tous ces peuples et des autres qu'on oublie. Il propose d'établir une semaine pour commémorer l'inhumanité de l'être humain envers son prochain, pour commémorer toutes les femmes qui ont été violées au cours des millénaires au nom du pouvoir, tous ces enfants qui sont devenus orphelins dans la lutte pour la liberté, tous ceux qui ont été humiliées, maltraités, emprisonnés ou assassinés à cause de leur religion, de la couleur de leur peau ou de leur orientation sexuelle.
Réduire cette motion à la reconnaissance du malheur d'un seul peuple, c'est louable, mais c'est rater une occasion de faire une déclaration à l'intention de tous ceux qui n'ont pas de jour particulier commémorant leurs souffrances et qui n'en ont pas moins subi des injustices semblables au cours de l'histoire de l'humanité.
L'histoire honteuse de l'inhumanité de l'être humain n'a jamais été sélective. La brutalité n'a jamais non plus été limitée à un seul endroit, une seule collectivité ou un seul peuple. Les tragédies comme celles que nous commémorons les 15, 24 et 27 avril sont peut-être attribuables à la discrimination, au sectarisme et à l'abus de pouvoir, mais elles ne se limitent pas à une race, à une religion ou à un groupe ethnique en particulier. L'incarcération et le meurtre brutal de femmes, d'hommes et d'enfants pour la simple raison qu'ils ont voulu adorer leur dieu ou marcher côte à côte avec d'autres être humains dans un esprit d'égalité et de justice, de fraternité et de respect, est une tragédie dont la grande famille humaine doit avoir honte.
[Français]
L'honorable député d'Ahuntsic a proposé une motion qui représente typiquement les valeurs profondes du peuple canadien. Nous sommes un peuple qui a ouvert ses bras et son pays à ceux et celles qui ont connu la douleur, la tyrannie et l'injustice.
[Traduction]
Nous sommes reconnus mondialement comme un peuple qui non seulement qui croit à la paix, à la justice et au respect des autres, mais aussi met ces vertus en pratique. Nous les avons inscrites dans nos lois. Notre politique sur le multiculturalisme veille à ce que les diverses ethnies qui forment notre nation vivent dans le respect des autres cultures, religions, races et ethnies. Nous ne cherchons pas à assimiler les autres, mais plutôt à leur laisser la plus grande liberté pour que chacun puisse exploiter tout ce qui le rend unique et spécial.
Nous croyons que tous les Canadiens peuvent former un peuple uni devant un seul drapeau, une seule nation qui respecte et exalte sa diversité géographique et humaine. Le multiculturalisme signifie que nous devons demeurer sensibles à la douleur des Canadiens qui ont pu, à un moment donné, souffrir de l'inhumanité de la guerre ou être victimes du fanatisme ou de l'oppression. Le multiculturalisme favorise la guérison et la cohésion des peuples.
(1150)
Notre pays est formé en grande partie d'immigrants et de réfugiés établis parmi les autochtones. Nous sommes venus de tous les coins du globe pour fonder une société reconnue non pas pour la langue ou la couleur de peau de ses membres, mais pour les valeurs qui les lient entre eux et qui sont la justice, l'égalité, le respect et la résolution pacifique des conflits.
Notre nation est unique. Nous formons la nation planétaire par excellence et nous portons ce titre avec fierté. En tant que nation nous sommes un modèle pour le monde entier, un pays où l'on peut trouver la paix, l'ordre et le bon gouvernement, un pays ou tous peuvent coexister en harmonie, dans la compréhension et le partage interculturels, et dans le respect des différences.
Ici, au Canada, cette motion renforcera la façon dont nous espérons construire une nation. Elle enverra un message aux autres nations et aux autres populations qui luttent contre l'oppression. Elles sauront que nous avons une politique du respect, qu'ici chacun est libre d'adorer son propre dieu et de vivre comme n'importe quel autre Canadien. Nous sommes tous égaux aux yeux de la loi, protégés de toute discrimination par notre Constitution, libres de nous habiller comme nous le voulons, libres de profiter des avantages que notre société accorde et libres d'accepter et de remplir nos responsabilités de citoyen canadien.
Si nous voulons changer notre monde, si nous voulons qu'un jour l'humanité puisse vivre en paix et dans le respect d'autrui, nous devons toujours nous souvenir de la cruauté de la tyrannie, des massacres de populations, de l'incarcération, de la dégradation et de l'inhumanité que l'homme impose à son prochain au nom du pouvoir, de l'intolérance et de la religion.
Cette motion ferait de la semaine du 20 au 27 avril une semaine où l'on se souviendrait, où l'on célébrerait les martyrs qui ont maintenant leur place dans l'histoire, comme les Arméniens dont nous nous souvenons aujourd'hui, de sorte que la poursuite de la liberté et de la justice reste un objectif clair dans nos coeurs et en droit, de sorte que nous essayions d'intervenir là où les droits de la personne sont menacés, comme nous avons essayé de le faire partout où nous avons commercé. Nous avons toujours saisi les occasions de parler aux leaders des régimes qui ne respectent pas les droits de la personne, des droits qui nous sont chers. Notre réputation en ce qui concerne le maintien de la paix n'est plus à faire.
Nous tirerons les leçons du passé. Il est tout à fait à-propos que cette motion soit soumise à la Chambre des communes du Parlement canadien. Comme le secrétaire général Boutros Boutros-Ghali le disait à notre premier ministre lors du 50e anniversaire de l'Organisation des Nations Unies, le monde a toujours regardé le Canada avec espoir, comme un pays où les gens savent vivre ensemble dans le respect de la diversité, comme un pays qui recherche la résolution pacifique des conflits.
Ne décevons pas le monde. Restons fidèles au mandat de notre politique multiculturelle, une politique unique au monde, qui cherche à renforcer une société fondée sur la cohésion, le respect, l'inclusion et la démocratie, ainsi qu'à donner un sens partagé de l'identité qui reflète la diversité de la population canadienne.
Le vice-président: L'amendement est à l'étude et on ne s'est pas encore prononcé sur sa recevabilité. La présidence rendra sa décision dans les plus brefs délais.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je veux remercier notre collègue députée de la sensibilité qu'elle a toujours manifestée concernant les questions de racisme et de justice sociale. Je voudrais cependant m'assurer d'avoir bien compris l'essence du message qu'elle nous livre ce matin.
Elle partage l'inquiétude de l'ensemble des députés quant au recours à la violence trop généralisé qui a traversé ce siècle. Je voudrais m'assurer de bien comprendre que, dans son esprit comme dans le mien, quelle que soit la forme que prend la violence, elle est inacceptable.
Cependant, il y a une incohérence dans la politique canadienne que j'ai de la difficulté à saisir; sans doute que la collègue prendra le temps qu'il faut pour dissiper ma confusion. Le gouvernement canadien a donné 500 000 $ pour mettre sur pied un Tribunal des droits de la personne dans l'ex-Yougoslavie qui est chargé de faire enquête sur les crimes de guerre et les méfaits qui ont été commis. Ce Tribunal international sera constitué de neuf juges, dont un Canadien.
Nous avons également suivi de très près les prises de position du gouvernement canadien dans le dossier du Rwanda. Et dans l'un et l'autre cas, le gouvernement canadien n'a pas eu de réticence à parler de génocide. La raison en est que, sur le plan des mots, il reste qu'il y a comme une gradation dans la façon dont on peut définir les choses.
(1155)
Et le génocide, ma collègue en conviendra, représente le summum de la violence. Pourquoi le gouvernement canadien n'a-t-il pas de réticence à parler de génocide lorsqu'il est question du Rwanda? Pourquoi n'a-t-il pas de réticence au point même de libérer 500 000 $ lorsqu'il s'agit de l'ex-Yougoslavie? Pourquoi serait-il réticent à qualifier les événements survenus dans l'Arménie de 1915, qui constituent toutes les caractéristiques d'un génocide? Pourquoi y aurait-il une différence à appeler les choses par leur nom?
[Traduction]
Mme Fry: Monsieur le Président, le député a dit très clairement que le Canada avait prêté assistance et fait valoir ses principes particuliers à des pays comme le Rwanda, la Bosnie et d'autres régions dans le monde où l'on a commis des crimes contre l'humanité.
Nous souscrivons à la motion du député. Nous ne faisons que remplacer certains termes pour exprimer la tragédie de 1,5 million de personnes qui ont été tuées. De plus, nous élargissons la portée de la motion en instaurant une semaine du souvenir à l'intention de tous ces gens, au même titre que le 15 avril où l'on commémore l'Holocauste ou le 27 avril où l'on célèbre la fin de l'apartheid. Nous essayons simplement d'étendre la portée de la motion en instaurant une semaine commémorative en souvenir de toutes les personnes qui ont souffert au cours de ces années.
M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais demander à la députée pourquoi, dans son amendement à la motion principale, elle propose de supprimer le terme «génocide»?
Mme Fry: Monsieur le Président, nous recommandons de remplacer l'expression «génocide arménien» par «tragédie arménienne qui causa la perte de quelque 1,5 million de vies». Le terme «génocide» a un sens très précis. Nous sommes d'avis qu'il n'y a pas lieu de l'employer dans ce cas-ci. Nous faisons simplement état de la mort de 1,5 million de personnes. Nous appuyons la motion, tout en élargissant sa portée.
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, ce que nous avons entendu fait partie du problème que nous éprouvons à la Chambre lorsqu'on joue sur les mots et qu'on ne dit pas ce qu'on veut dire. À plusieurs occasions, j'ai eu raison de déplorer ce genre de chose et d'en être contrarié. De toute évidence, nous nous opposons tous au génocide et au massacre planifié de gens par leurs gouvernements ou d'autres gouvernements. Nous devons le déclarer clairement à toute l'humanité.
Je me réjouis de traiter de la motion condamnant le génocide en tant qu'instrument de politique nationale. Bien que le libellé de l'amendement proposé pose quelques problèmes, je vais y proposer au moins un sous-amendement au terme de mon exposé.
En tant que porte-parole du Parti réformiste en matière d'affaires étrangères, je suis heureux de dire que j'appuierai la motion avec les amendements. Il est important que nous laissions clairement savoir au monde ce que nous pensons de ces actes.
Lorsque nous avons reçu la motion hier, il était difficile de décider comment l'aborder. À bien des égards, il s'agit d'une question incontestable. Nous nous opposons tous au génocide. J'ai l'intention, ce matin, de tenter d'exposer mon approche et celle de mon parti sur cette question et d'y apporter un peu plus d'humanité et de compréhension.
Le génocide frappe au coeur même de l'humanité. C'est le genre de chose qui nous fait frémir, peu importe où elle se passe dans le monde. Lorsqu'un gouvernement ou un groupe essaie de faire disparaître un peuple par des moyens violents pour parvenir égoïstement à ses fins politiques, toute l'humanité s'en trouve diminuée et en souffre.
(1200)
Ceux qui ont commis un génocide tentent souvent de blâmer les victimes ou de nier la réalité, mais il faut se souvenir de la vérité. Pour honorer la mémoire des victimes, nous devons rappeler à nos
enfants ce qui est arrivé. Nous ne devons pas laisser mourir ces souvenirs. Espérons qu'ils permettront d'éviter d'autres atrocités à l'avenir.
Il est un cliché, mais aussi la vérité, de dire que ceux qui ne tirent pas d'enseignements de l'histoire la répéteront forcément. Cette vérité nous a hantés à la Chambre des communes ces dernières années, lorsque nous avons regardé avec horreur des centaines de milliers, sinon des millions de gens, se faire massacrer dans des endroits comme le Rwanda et l'ancienne Yougoslavie.
Ce qui est le plus triste dans ces récents génocides, c'est le fait que dans 100 ans d'ici, les historiens les considéreront probablement comme seulement deux d'une longue série de génocides qui ont eu lieu au cours du siècle. Le pire dans tout cela, c'est qu'il y a eu tellement de massacres au cours du siècle qu'il est difficile de tenir compte de chacun d'eux. L'avenir augure mal pour ce qui est d'y mettre un terme, même si nous affirmons que celui-ci doit être le dernier.
Il y a le génocide arménien dont cette motion parle. Il y a également l'Holocauste, le génocide des juifs par les nazis. Il faut parler également des purges de Staline, des événements de Nanking, en Chine, des massacres perpétrés au Timor oriental, de la disparition en Amérique centrale et en Amérique du Sud de nombreuses personnes, les massacres tribaux au Burundi, de la famine organisée par le gouvernement en Éthiopie, etc. Comme je l'ai dit au début, cela nous touche tous, en tant qu'êtres humains vivant sur cette planète.
Toutes ces situations sont des catastrophes humaines aux proportions épiques, mais elles sont réduites à des événements historiques sans importance, car elles sont si nombreuses. C'est pourquoi je crois que la Chambre devrait se prononcer en faveur de la motion qui sert à nous rappeler les événements et nous aide à demeurer vigilants, à ne pas oublier les leçons de l'histoire.
La motion dont nous sommes saisis aujourd'hui ne coûte rien, mais elle montre bien que la Chambre n'est pas indifférente aux génocides, que les députés préfèrent s'élever contre ces événements, plutôt que de rester perpétuellement assis dans un silence inconfortable en attendant la prochaine catastrophe.
Quelques députés feront aujourd'hui des discours qui porteront précisément sur le génocide des Arméniens au début du siècle. Je voudrais leur apporter mon appui, mais je dois leur dire que je ne connais pas beaucoup l'histoire arménienne et que je vais donc laisser à mes collègues le soin d'aborder cette question. Je vais parler de plusieurs autres questions qui sont reliées aux génocides et avec lesquelles je suis plus familier.
Il est évident que nous pourrions remonter à la Seconde Guerre mondiale et à l'Holocauste. C'est incroyable que certaines personnes affirment que cela ne s'est jamais produit. C'est pourtant arrivé. Ç'aurait dû être une très bonne leçon à tirer de l'histoire, mais malheureusement, cela n'a pas été le cas. Les juifs de l'Europe ont souffert pendant des siècles des préjugés et de l'intolérance, mais la montée d'Hitler a porté la haine des juifs à son paroxysme.
Sous les nazis, les juifs sont devenus responsables de tous les maux de la société. La haine des juifs est devenue une force unificatrice et la propagande nazie a systématiquement déshumanisé les juifs au point que leur extermination, cette idée monstrueuse au départ, est devenue une solution finale aux problèmes de l'Allemagne.
Le recours à la propagande et aux médias pour déshumaniser et discréditer les gens qui ont été massacrés par la suite est malheureusement une tradition dans l'histoire de l'humanité. C'est donc la première leçon à tirer. On peut appeler cela le facteur CNN. L'utilisation de la télévision, des communications est, de nos jours, un élément important des stratégies de nombreux groupes terroristes. Nous en avons eu un exemple la semaine dernière. Nous devons en être conscients. Il faut se rappeler que les médias peuvent servir à semer la haine et qu'on doit surveiller les idées qu'ils propagent au Canada et partout dans le monde.
(1205)
Nous devons établir des normes pour que la communauté internationale obtienne toujours les deux côtés d'un incident, et non seulement la version que les journalistes du réseau CNN veulent bien présenter. Nous devons nous opposer à la manipulation des médias par diverses puissances. Je suis certain que les groupes terroristes observent un programme de formation qui suppose le recours aux médias. Nous devons en être conscients et veiller à obtenir les deux côtés de tout incident.
De plus, l'Holocauste des juifs nous a aussi appris à nous méfier de l'indifférence de la communauté internationale. Dans leurs tentatives désespérées pour s'enfuir, les juifs européens ont constaté que de nombreux pays leur fermaient la porte. Non seulement cela, mais la communauté internationale se montrait conciliante envers l'Allemagne et se pliait constamment à ses politiques de plus en plus scandaleuses. Cette attitude a donné l'impression que la communauté approuvait silencieusement les mesures prises par l'Allemagne, impression qui s'est révélée fatale pour plus de six millions de juifs.
Il est évident que la communauté internationale ne pourra jamais plus garder le silence si jamais de tels outrages se présentaient de nouveau. Nous devons être vigilants, dénoncer de telles situations et sévir contre elles au besoin.
Je voudrais maintenant citer deux ou trois exemples récents de génocides. Je vais commencer par l'ex-Yougoslavie, je dirai ensuite quelques mots sur le Rwanda et je terminerai en traitant d'une façon générale de l'acte même que représente le génocide.
Le vice-président: Le député voudra bien excuser mon interruption, mais il a dit qu'il voulait présenter un sous-amendement. Je pourrais probablement l'aider en l'informant de la décision que la présidence a rendu concernant l'amendement précédent. Avec sa permission, je voudrais lire cette décision maintenant.
L'amendement proposé par le secrétaire d'État est recevable. Par conséquent, lorsque le député de Red Deer voudra proposer un sous-amendement, il voudra peut-être tenir compte du fait que la présidence a jugé l'amendement recevable.
M. Mills (Red Deer): Monsieur le Président, cela clarifie ce que je ferai à la fin de mon exposé.
Je voudrais évoquer deux ou trois exemples. Je choisirai des exemples récents que les députés à la Chambre connaissent bien et qui ont rapport avec la motion touchant la question arménienne.
Quand on pense à l'ex-Yougoslavie, les députés n'ont certainement pas besoin d'une leçon d'histoire sur certains des problèmes liés à ces événements. Il y a cependant quelques faits que nous devons mettre en lumière pour savoir exactement ce qui s'est passé.
Il est juste de dire, dans une évaluation impartiale, espérons-le, de la situation, qu'il n'y a aucun côté qui ait raison ou qui ait tort. Il se produit beaucoup d'injustices, et il n'est pas possible de distinguer les bons des méchants. C'est un gros problème qui se pose dans la situation actuelle d'après-guerre froide.
Il est souvent plus facile pour les membres de la communauté mondiale de ne pas réagir pendant que ces injustices se produisent. J'ai dit que les médias jouent un rôle important en propageant et parfois en formulant des idées dans notre société qui sont incorrectes.
Nous devons également reconnaître que l'ex-Yougoslavie était en proie à une guerre civile. Ce n'est pas comme la guerre du Golfe. Les guerres civiles diffèrent de celles où un pays agresseur en attaque un autre. Nous devons toujours le reconnaître en examinant les faits. Nous devons tenir compte des forces extérieures qui entrent en jeu quand de tels actes de génocide se produisent. Nous devons également toujours comprendre l'histoire et remonter aussi loin qu'il faut en arrière pour comprendre la nature du problème.
Quand nous examinons le problème yougoslave, il nous faut remonter au moins 1 300 ans en arrière et même à l'époque des Grecs et des Romains.
(1210)
On peut remonter au VIe siècle et à l'avancée des tribus slaves dans cette région. On peut étudier l'influence de Rome et de Constantinople, des Églises catholique et orthodoxe au Xe siècle, l'expansion musulmane au XIVe siècle. Nous commençons à distinguer clairement les effets non seulement des peuples, mais aussi des forces extérieures qui agissaient.
Il faut aussi tenir compte des divers modes de gouvernement. Le règne musulman, au XVe siècle, n'a rien eu de particulièrement réjouissant. L'empire turc, à nos yeux et même aux yeux de n'importe qui, avait une manière assez brutale de diriger.
À une époque plus récente, nous constatons l'influence du Traité de Berlin, en 1878. Il faut aussi tenir compte des alliances qui se sont nouées à la fin de la Première Guerre mondiale. Il faut ensuite examiner ce qui s'est passé entre les deux grandes guerres, puis à la Seconde Guerre mondiale. Il y a eu des alliances entre Hitler et la Croatie, et 400 000 Serbes qui vivaient en Croatie ont été massacrés. Ils ont été massacrés à cause d'influences extérieures. Ils ont été massacrés pour toutes sortes de raisons.
Puis, c'est l'ère de Tito, qui a dirigé la Yougoslavie avec une poigne de fer de 1945 à sa mort, en 1980. Le pays était composé de six républiques, et nous devons comprendre l'histoire de chacune pour voir pourquoi elles ont vécu dans une sorte de paix.
En 1991, lorsque les Croates et les Slovènes ont déclaré leur indépendance, une situation qui n'est pas différente de celle du Québec qui se déclarerait indépendant du Canada, nous pouvons constater les terribles tensions qui se sont exercées sur les républiques membres de ce pays.
Peu importe ce que nous dit l'histoire, cependant, peu importe ce que nous dit la politique, le génocide n'est jamais acceptable. Les pays et les peuples du monde doivent trouver le moyen de régler leurs problèmes sans recourir à des extrêmes pareilles. Cela doit être dit bien haut et clair par des pays comme le nôtre et par les Nations Unies. Il est urgent de moderniser l'ONU et de la rendre efficace afin qu'elle puisse résoudre ces questions.
S'il y a une chose que nous pouvons nous reprocher et reprocher à la communauté internationale, c'est l'incapacité ou le manque de volonté, ou peu importe, de moderniser une organisation cinquantenaire qui ne peut pas résoudre aujourd'hui ses problèmes parce qu'elle est trop hiérarchisée et trop lourde, qu'elle manque de fonds et d'efficacité, etc. Nous devons résoudre ce problème, car c'est notre problème. Il y aura d'autres génocides dans d'autres pays si nous ne veillons pas à ce que l'ONU puisse réagir vraiment, efficacement et promptement. Cela nous préoccupe tous et c'est ce que nous souhaitons tous pour l'ONU. Il nous faut un plan. Il faut faire quelque chose. Nous, parlementaires, devons exiger que le Canada joue un rôle de premier plan.
Je vais passer au problème du Rwanda. Je sais que les députés d'en face ont déjà entendu mon discours sur le Rwanda. Je n'ai pas l'intention de le répéter en entier, mais je crois qu'il fait ressortir quelque chose de très évident pour tout le monde. Le Rwanda a été le théâtre d'un génocide incroyable. Nous nous en souvenons tous. Nous en avons été les spectateurs grâce à CNN.
En 1985, j'étais l'une des 20 personnes à bord d'un 747 d'Air France à destination de Kigali, la capitale du Rwanda. Seuls mon épouse et moi-même sommes descendus. Les autres nous ont souhaité: «Bonne chance!» Je n'ai pas très bien compris pourquoi, mais nous avions atterri dans la jungle, semble-t-il, et l'avion est reparti. Puis, des gardes armés nous ont encerclés et nous sommes passés par le service de l'immigration. Bien sûr, tous nos documents et certificats médicaux étaient en ordre.
(1215)
En nous éloignant de l'aéroport, nous sommes entrés dans une campagne magnifique, une campagne qui ressemble beaucoup à celle que l'on peut voir en Belgique.
Comme il ne me reste que deux minutes, je voudrais proposer un sous-amendement. Je propose:
Que l'amendement soit modifié par l'ajout, après le mot «tragédie» de mots «du génocide».Il serait ainsi question de la «tragédie du génocide».
En nous promenant dans les campagnes, nous avons vu des marchés. Nous avons passé près d'un mois dans ce pays. Nous sommes allés dans des villages, nous avons voyagé avec un Rwandais qui nous a présenté ses parents et sa famille. Dans les marchés,
nous avons vu le sel et les ustensiles. Nous avons vu du troc. Certaines personnes marchaient 20 ou 30 milles pour se rendre au marché.
Nous avons visité les plantations de théiers que la Chine a établies. Nous avons vu les hôtels et certaines infrastructures que les Belges et les Français ont construits. Petit à petit, alors que nous découvrions ce pays, on nous a fait certaines mises en garde. Les représentants des ONG nous ont dit qu'il y avait des troubles. L'Église, les soldats français et les Nations Unies disaient aussi la même chose.
Maintenant, c'est plus fort que moi, je me demande si c'était comme cela durant les années 30, quand les gens savaient que quelque chose clochait en Allemagne.
De toute évidence, le génocide est un sujet dont nous devons tous parler. Nous devons le faire par l'intermédiaire des Nations Unies et du Parlement. C'est un sujet qui fait l'unanimité de tous.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La présidence tient à signaler que le sous-amendement présenté par le député de Red Deer est recevable et accepté.
M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Madame la Présidente, je voudrais féliciter le député de son sous-amendement et de sa vigilance.
Comme il fallait s'y attendre, le gouvernement a changé le mot «génocide» par le mot «tragédie». Cela est inacceptable pour nous. Ce n'est pas acceptable dans l'optique de la motion.
Je remercie le député, mais j'ai remarqué qu'il s'est peut-être absenté pendant quelques minutes. Il pourrait peut-être prolonger son discours et nous parler un peu des droits de la personne.
M. Mills (Red Deer): Madame la Présidente, je prévoyais de conclure mon intervention en posant les questions que, à mon sens, la communauté internationale doit poser, notamment en ce qui concerne le Rwanda et l'ex-Yougoslavie. Je suis certain que, il y a fort longtemps, elles auraient pu s'appliquer à l'Allemagne ou à l'Arménie.
Quel niveau d'intervention aurait-il fallu pour prévenir ce genre de tragédies? Il faut poser la question. Dans le cas du Rwanda, dans une très faible mesure. Dans l'ancienne Yougoslavie, sans doute davantage. C'est ce qu'on voit sans doute maintenant avec la force d'intervention militaire multinationale.
(1220)
Ensuite, qui aurait dû être responsable? Qui est responsable? Sommes-nous tous responsables? Je suis d'avis que nous sommes tous responsables, que c'est une question qui échappe à la politique partisane et que nous sommes responsables, en tant que communauté internationale.
En troisième lieu, cela se produira-t-il de nouveau? Hélas, je crois que la réponse est oui. Nous devons nous attaquer au problème. J'ai proposé que les Nations Unies étaient certainement une avenue.
Quelles pressions externes sont à l'origine de ces tragédies? Et si les pressions externes n'avaient pas été entièrement la cause de ces problèmes? Je connais mieux le cas du Rwanda. Si l'influence coloniale des Belges et des Français ne s'était pas fait sentir, que serait-il arrivé? Peut-être que cela nous fait remonter à des événements indépendants de notre volonté, mais nous devons poser ces questions et trouver des réponses pour mieux préparer l'avenir. Nous devons étudier l'histoire, notre passé, pour comprendre l'avenir. C'est essentiel dans toute cette affaire.
Je remercie le député de m'avoir donné l'occasion de terminer mes observations.
[Français]
M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir dans ce débat portant sur cette triste question des génocides, évidemment pas seulement celui de l'Arménie, mais ceux qui se sont produits ailleurs et qui continuent de se produire.
J'écoutais tout à l'heure le député précédent qui disait que cette question devait tous nous concerner. Je pense qu'il a parfaitement raison. Au fond, c'est une question des droits de la personne que nous posons aujourd'hui et, oui, elle doit concerner tout le monde.
En tant que représentant du Bloc québécois, j'ai été particulièrement heureux de savoir que le chef de l'opposition, ce matin, a voulu lui-même prononcer le premier discours en cette Chambre portant sur cette motion. Je crois qu'il est important qu'un chef de parti prenne position et indique, sur une question aussi importante, comment il se situe par rapport à cela.
La semaine dernière, j'assistais, avec d'autres collègues de tous les partis, à une rencontre portant sur l'aide publique au développement. Des représentants d'organismes non gouvernementaux souhaitaient et espéraient encore, après deux ans et demi de présence en Chambre du Parti libéral, après deux ans et demi de gouvernement du Parti libéral, que le premier ministre du Canada prononce enfin ce premier discours sur cette grande question des droits de la personne. Mais le premier ministre ne prononcera pas de grands discours sur la question des droits de la personne, il nous l'a très clairement indiqué au moment de la première tournée d'Équipe Canada en Asie.
En effet, le premier ministre a dit ceci: «Je pourrais faire un discours fracassant à ce sujet et faire les manchettes, mais je préfère ouvrir des marchés, faire du commerce. Les murs finiront par tomber.» Le problème, c'est qu'il n'a pas donné d'échéancier. Est-ce que ça prendra 50 ans avant que les murs tombent?
Par ces paroles, il est évident que l'actuel gouvernement n'accorde aucune importance à cette grande question des droits de la personne. Pourtant, pour aborder la question de la pauvreté dans le monde, il faut passer par la notion de développement durable. Or, la notion de développement durable inclut ces grandes questions du développement démocratique; elle inclut la grande question de la participation des populations à leur propre développement; elle inclut la question des droits de la personne. Nous n'allons nulle part si nous pensons faire progresser la situation des pays en développement si nous n'introduisons pas la notion de développement durable et si nous n'accordons pas à la question des droits de la personne, à la question du développement démocratique, toute l'importance qu'elle devrait avoir.
(1225)
Je suis convaincu que depuis ce matin, on a fait mention des drames qu'ont vécus les Juifs durant la Deuxième Guerre mondiale. Je suis certain qu'on a également parlé du Cambodge, alors que des centaines de milliers, pour ne pas dire des millions de Cambodgiens ont été victimes des Khmers rouges.
On n'a peut-être pas suffisamment parlé du Soudan, ce pays d'Afrique oublié qui, depuis dix ans, vit une guerre impitoyable du Nord contre le Sud. Jusqu'à maintenant, on a éliminé plus d'un million de personnes. Pourtant, on n'a pas parlé du Soudan.
On a parlé bien sûr de l'ex-Yougoslavie et de l'épuration ethnique qu'il y a eu là. Le député précédent parlait du Rwanda, des massacres qui ont eu lieu là-bas. Malheureusement, l'histoire se répète et nous n'apprenons pas.
Au sortir de la dernière guerre, les chefs d'État qui étaient réunis à San Francisco pour donner naissance aux Nations Unies ont dit: «Plus jamais la guerre.» Je ne doute pas qu'ils étaient sincères. Cependant, la guerre continue d'être un fléau absolument incroyable.
Reliée à cette grande question des génocides et des droits de la personnes, je pense qu'il y a une réalité qu'on contourne trop facilement, c'est cette grande question de l'impunité. Pourquoi les génocides se répètent-ils de décennie en décennie? Je pense que l'un des motifs qui explique cette réalité-là est que la communauté internationale n'a pas trouvé de moyen efficace pour punir les responsables de ces génocides.
Au cours des trois ou quatre dernière années, on a assisté à la même chose en Haïti. On sait que 3 000 ou 4 000 personnes ont été tuées. Or, qu'est-ce qu'on a fait avec le général Cédras? On lui a bourré les poches d'argent et on lui a dit: «Vous pouvez quitter, impuni.» Précédemment, sous le régime Duvalier, c'était la même chose. Pendant des années et des années, une dictature a imposé la torture au peuple d'Haïti. Mais à un moment donné, ces gens-là s'en vont et il n'y a pas de conséquence.
En ex-Yougoslavie, on voit les responsables de l'épuration ethnique qui en sont à se pavaner devant les télévisions, et la communauté internationale semble incapable de faire quoi que ce soit.
Ce qui est le plus triste, c'est que cela ne s'arrête jamais. Il y a d'autres foyers et ce qui est particulièrement dommage, c'est que le Canada entretient des relations avec ces pays où on permet et où on utilise la torture. Pensons à la Chine où, systématiquement, les droits de la personne sont violés, où il y a des restrictions à la liberté d'expression: on muselle les dissidents politiques, on attaque les défenseurs des droits de la personne, etc.
Pensons au Nigeria, où on élimine les dissidents. On les élimine, avec une petite nuance. Dans le cas du Nigeria, parce que c'est un pays qui n'est pas tellement fort, le Canada va peut-être essayer d'initier des mesures économiques contre le Nigeria. Le fera-t-on contre la Chine? Le fera-t-on contre l'Indonésie? Le fera-t-on contre le Vietnam? Il y a un double langage, de beaux discours où on parle un petit peu des droits de la personne.
Je recevais dernièrement du ministre de la Coopération internationale un document sur la façon dont l'ACDI entend faire la promotion des droits de la personne. On dit: «Renforcer le rôle et les capacités de la société civile, de manière à accroître la participation de la population à la prise de décisions. Consolider les institutions démocratiques. Accroître les compétences du secteur public. Améliorer les capacités des organisations qui ont pour fonction de protéger les droits de la personne et d'en faire la promotion. Inciter les dirigeants à respecter davantage les droits de la personne, à gouverner de manière démocratique et à gérer efficacement les affaires publiques.»
Pendant qu'on fait ces discours, pendant qu'on écrit ces beaux textes, le gouvernement canadien, par sa politique étrangère, ne frappe qu'un seul clou et toujours le même: les relations commerciales. Les relations commerciales sont plus importantes que n'importe quoi.
Je rappelle encore ici le pénible cas de Tran Trieu Quan, un citoyen de ma circonscription, qui s'est lancé dans le fil conducteur de la politique étrangère du Canada. Il a tenté de faire du commerce avec le Vietnam et se retrouve en prison depuis deux ans. Le gouvernement canadien se dit incapable de faire quoi que ce soit. Le gouvernement canadien utilise les programmes d'aide au développement non pas pour faire la promotion et la défense des droits de la personne et la promotion du développement économique, mais pour faire la promotion des relations commerciales. Ainsi, on accorde à des pays comme le Vietnam des programmes d'aide, une soixantaine de millions sur quelques années, non pas pour protéger les droits de la personne, mais en espérant qu'en faisant cela, nous ouvrirons des portes au commerce alors qu'on devrait et qu'on pourrait se servir des budgets de l'aide pour faire la promotion et travailler à la défense des droits de la personne à travers le monde.
(1230)
C'est extrêmement décevant que la politique étrangère du Canada ait si facilement renoncé à ce qui a fait la gloire du Canada. Qu'est-ce qui a fait la gloire du Canada? Les programmes d'aide au développement, les missions de paix et la défense des droits de la personne. Le gouvernement a simplement baissé les bras.
[Traduction]
M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Madame la Présidente, tout à l'heure, lorsqu'il a parlé d'un monument devant être érigé à Montréal, le député d'Ahuntsic a dit que le gouvernement fédéral, qui n'approuvait pas ce monument, était intervenu dans le dossier.
Le député a peut-être une chance de corriger la situation et de nous dire si le premier ministre du Québec, l'ancien chef de son parti, érigera ce monument et s'entendra avec son collègue, le maire de Montréal, à ce sujet. Le député prend-il cet engagement ici aujourd'hui?
[Français]
M. Paré: Madame la Présidente, c'est amusant de voir l'habileté consommée qu'ont développée les députés d'en face chaque fois qu'ils sont coincés par une question délicate à propos de laquelle leur gouvernement refuse de prendre position. Chaque fois, ils ont développé une espèce de réflexe inné de dire: «Pourquoi le gouvernement du Québec, lui, ne ferait-il pas quelque chose?»
Nous sommes ici à la Chambre des communes, à ce que je sache. Pourquoi faudrait-il toujours que tous les modèles d'intervention viennent du Québec? Est-ce que cette Chambre, est-ce que ce gouvernement n'est pas capable de temps à autre de tracer la voie et d'indiquer les voies à suivre? Mais non, c'est toujours le même vieux réflexe, toujours le même réflexe, il faut que ce soit le gouvernement du Québec.
Si le gouvernement du Québec ne s'implique pas sur une question délicate, on vient de justifier l'inaction, l'inertie de leur propre gouvernement. C'est proprement honteux.
[Traduction]
M. Assadourian: Madame la Présidente, je veux simplement donner au député la possibilité de corriger la situation et d'engager l'argent qu'il faut pour réaliser ses projets. Je suis désolé de dire que les paroles de nos vis-à-vis ne valent pas grand-chose.
Il y a quelques années, le Québec a adopté une résolution condamnant le génocide. Le premier ministre du Québec devait, il y a quelques mois de cela, ériger le monument à Québec ou à Montréal, peu importe où, pourvu qu'il soit érigé dans la province de Québec. Ce monument ne doit pas nécessairement se trouver à Montréal.
Pourquoi le député ne s'engage-t-il pas à parler au premier ministre pour obtenir l'assurance que le monument sera érigé quelque part au Québec, au nom de tous les Québécois? Ce serait là un exemple pour nous tous. Peut-être, après cela, pourrions-nous ériger un monument à Ottawa au nom de tous les Canadiens?
[Français]
M. Paré: Madame la Présidente, à entendre le député de Don Valley-Nord, je présume qu'il s'apprête à déménager au Québec pour pouvoir se faire élire et influencer le gouvernement du Québec. Ça semble être sa seule zone d'intervention.
Le gouvernement du Québec a déjà adopté une résolution comme celle qu'on essaie de faire adopter en cette Chambre. Le gouvernement du Québec n'a pas de leçon à recevoir, surtout pas du Parti libéral. On essaie de voir aujourd'hui si le Parti libéral, si le gouvernement libéral acceptera de reconnaître l'histoire et de s'engager sans toujours chercher des faux-fuyants et de voir si quelqu'un d'autre ne pourrait pas intervenir à sa place. C'est dans leur camp aujourd'hui, et j'espère qu'ils appuieront la motion.
(1235)
J'espère qu'ils voteront dans le sens de la reconnaissance du drame qui est arrivé aux Arméniens.
Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Madame la Présidente, j'ai presque les larmes aux yeux en voyant la façon dont les députés de l'opposition défendent maintenant les droits d'une communauté ethnique au Québec. J'en ai presque les larmes aux yeux, car, pendant la campagne référendaire récente, des leaders qu'ils appuient et qu'ils défendent ont dit que s'ils avaient perdu le référendum, c'était à cause des ethnies et des riches de la province de Québec.
À ce jour, l'ancien leader de l'opposition officielle, M. Bouchard, ne s'est quand même pas éloigné de ces paroles. Je trouve curieux qu'ils soient aujourd'hui les grands défenseurs de la communauté arménienne.
S'il y a une preuve bien vivante ici dans cette Chambre d'un représentant de la communauté arménienne qui défend cette communauté arménienne, c'est certainement mon collègue de Don Valley-Nord ici présent, qui a également présenté une résolution dans cette Chambre visant à continuer de défendre les intérêts de ce peuple.
C'est ce gouvernement qui défend les intérêts. Et j'ajoute qu'il est curieux qu'un parti qui a quand même dans son mandat de détruire ce pays tente de nous donner des leçons de droits humains dans ce pays.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Madame la Présidente, le 24 avril marquera cette année le 81e anniversaire du génocide arménien survenu en 1915 pendant la Première Guerre mondiale. Bien triste anniversaire s'il en est. Ce premier génocide du XXe siècle, qui sera suivi malheureusement de plusieurs autres, reste encore aujourd'hui non reconnu par le gouvernement canadien. J'interviens donc en appui à cette motion visant à reconnaître la semaine du 20 au 27 avril comme la semaine commémorant l'inhumanité de l'être humain envers son prochain.
J'en profite également pour saluer et accorder toute ma sympathie au peuple arménien, et plus particulièrement aux quelque 1 540 familles de la communauté arménienne de Laval, qui a trouvé au Québec une terre d'accueil où il participe et contribue au développement de la société québécoise.
Le 24 avril 1915 débutait le génocide du peuple arménien par le gouvernement turc. En ce jour fatidique, cet épisode de l'histoire devait se conclure par la mort de plus d'un million de personnes et par la déportation de milliers d'autres. Ce devait être le premier d'une série de génocides perpétrés contre les peuples, car un peuple qui revendique le droit d'exister encourt le risque d'être massacré. À preuve, l'holocauste des Juifs durant la Deuxième Guerre mondiale, les massacres récents au Rwanda et au Burundi et évidemment, la situation en Bosnie. Ce sont autant d'exemples qui démontrent le risque qu'il y a toujours, encore au XXe siècle, à oser s'affirmer comme peuple.
Tous ces événements sont là pour nous rappeler que les États, trop souvent, usent de la force et de la violence pour réprimer les causes qu'ils ne partagent pas.
Comme je l'ai souligné plus tôt, le génocide du peuple arménien s'est soldé par 1,5 million de morts et par plus de 500 000 déportés. Non seulement le gouvernement turc a-t-il presque totalement usurpé le territoire arménien, mais il n'a pas hésité à détruire nombre d'établissements religieux et scolaires. Ce sont donc les structures mêmes de la communauté arménienne qui ont été détruites. Les droits des arméniens ont été complètement déniés, le but étant d'éliminer cette population considérée hostile à la Turquie.
Le temps est souvent porteur d'oublis, mais jamais la démocratie ne doit cautionner la négation de la vérité. Ce premier génocide du XXe siècle était et est toujours un crime contre l'humanité et la civilisation. L'Organisation des Nations Unies déclarait d'ailleurs, dans une résolution adoptée le 26 novembre 1968 et portant le numéro 2391, que «le génocide était un crime contre l'humanité, et que ce crime est imprescriptible, indépendamment de la date ou du lieu où il a été commis.»
(1240)
À l'époque, évidemment, l'ONU n'existait pas: aucun pays n'a osé alors dénoncer clairement le génocide arménien, aucun État n'a demandé à la Turquie d'assumer l'odieux de ses actes.
Aujourd'hui, au sein d'un Parlement reconnu internationalement pour son respect de la démocratie et qui n'hésite pas à se proclamer défenseur des droits de la personne, nous avons ensemble l'occasion d'adopter une motion de reconnaissance du génocide arménien et de se rappeler les autres génocides survenus depuis dans l'histoire de l'humanité. Il est du devoir de la Communauté internationale et du Parlement de dénoncer clairement de tels gestes, afin que cesse la violence entre les peuples.
La Communauté internationale a unanimement dénoncé le régime nazi d'Adolf Hitler à la suite de l'holocauste du peuple juif. Un tribunal international, celui de Nuremberg, a jugé les criminels de guerre relativement aux crimes commis contre l'humanité et la civilisation.
Le génocide arménien, lui, reste impuni. Pourtant, il est sans conteste un fait historique indéniable. Certains États ont d'ailleurs reconnu ce génocide. Ainsi, le 10 avril 1980, l'Assemblée nationale du Québec adoptait à l'unanimité une résolution condamnant le génocide arménien. L'Assemblée législative de l'Ontario fit de même en 1980 également.
Depuis 1980, depuis 16 ans, près des deux tiers de la population canadienne reconnaît clairement le génocide dont a été victime le peuple arménien. Ce que nous demandons au gouvernement du Canada, c'est de reconnaître aujourd'hui la vérité, toute cruelle qu'elle soit.
En condamnant le génocide arménien par une résolution adoptée en 1987, le Parlement européen mentionnait que: «[. . .] le refus de l'actuel gouvernement turc de reconnaître le génocide et d'autres violations plus récentes du droit international par ce pays constitue des obstacles incontournables à l'examen d'une éventuelle adhésion de la Turquie à la communauté européenne.»
Comment expliquer que ce qui semble clair pour la Communauté internationale ne le soit pas pour le gouvernement canadien? Qu'attend ce gouvernement pour reconnaître et condamner ce fait historique qu'est le génocide arménien?
Aujourd'hui, nous commémorons le 81e anniversaire du génocide. Le temps est un bien mauvais allié pour justifier un refus de prendre position et de condamner ce geste. Bien au contraire, la reconnaissance du génocide par les États de la Communauté internationale fait en sorte de démontrer que de tels agissements sont inacceptables et que jamais dans l'avenir le silence ne servira de cautions à d'autres génocides. Le Canada se positionne comme un défenseur de la démocratie et des droits humains. Il doit condamner ce génocide comme il a condamné l'holocauste juif.
Finalement, je me dois de rappeler que le Canada a signé, le 2 novembre 1948, la Convention internationale sur la prévention et la répression du crime de génocide et que cette convention est en vigueur depuis le 2 décembre 1950. Le crime de génocide étant un crime imprescriptible, il n'est pas trop tard pour le gouvernement canadien de rejoindre les autres États qui ont dénoncé le génocide arménien et d'être conséquent avec ses positions antérieures en respectant cette Convention internationale dont il est partie prenante.
La promotion et la protection des droits humains universellement reconnus doit être notre principale motivation dans le débat sur cette motion. Les intérêts économiques ne doivent pas dicter notre ligne de conduite quant au respect des droits humains fondamentaux. En adoptant cette motion, la Chambre démontrera qu'elle accorde un appui inébranlable au respect des droits de la personne et des peuples.
M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Madame la Présidente, j'aimerais faire un commentaire à la suite des propos soulevés par ma collègue, mais surtout lui poser une question. Je vais intervenir dans quelques minutes sur le même débat et j'aurai l'occasion d'expliquer mon point de vue.
Effectivement, je pense que l'opposition officielle joue son rôle comme il se doit en soumettant à la Chambre ce genre de motion qui, en fait, et j'expliquerai davantage ce point de vue dans quelques minutes, nous permet de voir le côté très questionnable dans la gestion du gouvernement par rapport à son attitude quant au commerce international.
(1245)
C'est sur ce propos-là que j'aimerais entendre ma collègue nous expliquer davantage son point de vue. Est-ce que maintenant que nous en sommes à l'heure du commerce international, des accords internationaux, nous devons privilégier le commerce au détriment des droits de la personne? Je connais son point de vue, mais j'aimerais qu'elle élabore davantage là-dessus.
Si ce n'est pas le cas, comment devons-nous concilier commerce international et droits de la personne?
Mme Dalphond-Guiral: Madame la Présidente, je remercie mon collègue de sa question. C'est tout un débat de société que le député de Mégantic-Compton-Stanstead pose. Comment choisir entre l'économie, qui est essentielle au bien-être de nos sociétés, et les droits de la personne qui sont aussi essentiels au respect que nous méritons à titre de personnes et que tous les êtres humains méritent?
Je pense que c'est une décision qui doit être réfléchie. Il y a une chose qui est fondamentale: quand un être humain n'est pas respecté, il devient de moins en moins un être humain quelque part. Lorsqu'on dit que l'emploi, c'est important, c'est vrai; quand on dit qu'il faut que les gens mangent, c'est vrai; quand on dit qu'il faut que les gens aient tout ce dont ils ont besoin, c'est vrai. C'est vrai dans nos sociétés, c'est vrai dans les pays en développement où quelquefois les droits humains sont vraiment en situation fort difficile.
Il faut se poser la question: Qu'est-ce qui est le plus important? Est-ce que c'est de garder l'être humain dans ce qui le distingue, donc sa fierté, sa réalité, comme constituant d'une société, ou si
c'est finalement de le détruire tranquillement en ne lui donnant que des biens de consommation?
Je sais que ce n'est pas facile. Je sais que c'est plus facile dans l'opposition de critiquer, mais je sais également que les problèmes difficiles doivent nécessairement passer par des solutions de partage. Dans ce contexte, ce que je demande au gouvernement canadien, c'est de prêter une oreille attentive, une oreille positive aux suggestions qui viennent de ce côté-ci de la Chambre. Ce n'est pas parce que cela vient de ce côté-ci que c'est nécessairement inutile et non avenu.
Je pense que c'est le débat auquel nous avons à faire face à l'aube du troisième millénaire et je crois sincèrement que le Canada devrait être un leader en ce qui touche les droits de la personne.
[Traduction]
M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Madame la Présidente, je suis très heureux de participer au débat concernant cette très importante question. Je remercie le député d'Ahuntsic d'avoir abordé le sujet et je remercie les députés de ce côté-ci de la Chambre qui ont participé au débat. Mes collègues prendront également la parole cet après-midi.
Le 20 mars, j'ai informé la Chambre de mon intention de présenter de nouveau la motion que j'avais déposée l'an dernier. Ma lettre portait la date du 20 mars 1996, mais je n'ai pas encore reçu de réponse officielle au sujet du libellé de la résolution.
Cependant, l'année dernière, lorsque j'ai présenté ma motion, j'ai consulté de nombreux députés, dont celui qui a présenté la motion aujourd'hui. J'aurais espéré qu'il fasse preuve de la même courtoisie et me consulte, moi et les communautés intéressées, pour que la Chambre puisse être saisie d'une motion qui n'aurait pas été empreinte de sectarisme et qui aurait reçu l'appui de tous les partis. Je suis très déçu que le député ait eu recours à cette tactique de bas étage en faisant connaître ses intentions à la dernière minute, soit à 21 heures, dimanche.
Si j'avais été informé une semaine à l'avance, nous aurions pu participer à l'élaboration de la motion et en faire quelque chose de respectable dont tous les Canadiens auraient été fiers.
(1250)
J'espère que la Chambre fera la même chose l'an prochain. Les trois partis pourront joindre leurs efforts puisqu'il s'agit d'un sujet étranger à l'esprit de parti. Cette question ne concerne pas seulement le Bloc québécois, le Parti réformiste, le NPD ou les libéraux. Elle touche tout le monde au Canada, et j'irais même jusqu'à dire qu'elle concerne tous les habitants de la planète.
Je voudrais citer rapidement une lettre que le premier ministre a adressée à la communauté arménienne du Canada en fin de semaine dernière. Il dit:
Je suis heureux d'offrir mes salutations et mes meilleurs voeux à tous les membres de la communauté arménienne du Canada, à l'occasion du 81e anniversaire de la tragédie arménienne de 1915.
Le gouvernement et le peuple canadiens déplorent la disparition des nombreux Arméniens qui ont trouvé la mort dans une guerre qui a entraîné la chute de l'Empire Ottoman. Nous offrons nos condoléances à la communauté arménienne.
Le Canada a considérablement bénéficié de la venue de nombreux Arméniens sur ses rivages et leurs descendants continuent d'enrichir la société canadienne. J'espère de tout coeur que les souvenirs du passé nous aideront à nous rappeler l'importance de la tolérance et du respect pour la diversité, ainsi que notre attachement historique aux principes qui ont fait en sorte que le Canada est devenu une source d'espoir pour les peuples du monde entier.
Je vous prie d'agréer mes meilleurs voeux en cette occasion solennelle.Je voudrais également faire part à la Chambre d'une partie du message envoyé par le sénateur Dole, candidat aux élections présidentielles américaines de novembre prochain. Le message porte la date du 22 avril et dit ceci:
Bien que le 24 avril ait été désigné pour commémorer cette traqédie, à l'occasion du génocide de 1915, un million et demi d'Arméniens ont été victimes d'une campagne d'extermination systématique dans le cadre de l'application d'une politique préconisant la déportation, la torture, la famine et l'hécatombe. Je me joins aux membres de la communauté arménienne des États-Unis pour pleurer la perte des disparus et rappeler les souffrances et les sacrifices des victimes de cette tragédie.Cette question est très importante, notamment pour les Canadiens d'origine arménienne. Après tout, les Arméniens forment, avec les Kurdes, les Arabes, les Grecs, les Chypriotes et beaucoup de gens d'autres nationalités qui étaient alors assujettis à l'Empire Ottoman, une des minorités qui ont souffert en 1915.
Depuis lors, on dit, comme le veut le proverbe, «ne pas condamner le crime, c'est l'encourager». Beaucoup de crimes ont été commis, à commencer par l'holocauste, Chypre, le Burundi, le Cambodge, l'Afrique du Sud et le Rwanda. Il est important que nous désignons une semaine afin de commémorer tous ces crimes contre l'humanité.
Je suis sûr que tous les députés de la Chambre partagent cette préoccupation. La question est de savoir comment faire pour contenter tout le monde. C'est là où l'opposition a manqué. Comme je l'ai dit plus tôt, ce n'était pas très bien de faire de cette question une question partisane, plutôt qu'une question humanitaire, une question de droits de la personne.
Que faut-il faire? Les députés pourraient écrire personnellement au représentant du gouvernement turc à Ottawa ou demander à la Turquie de reconnaître le génocide, ce que d'autres pays feront, espérons-le, au cours des prochaines années, et de reconnaître aussi que le génocide ne paie pas. La Turquie doit reconnaître ses erreurs, comme l'Allemagne l'a fait, et commencer à négocier avec la République d'Arménie pour régler le problème. Je suis sûr qu'il faudra offrir un dédommagement pour régler la question. Cela nous aiderait à surmonter les difficultés que nous connaissons aujourd'hui.
En parlant des crimes nazis commis à Nuremberg, le juge américain Robert Jackson a dit: «Ces crimes-il parlait de l'holocauste-sont inacceptables.» L'une des raisons qui lui faisaient dire qu'ils étaient inacceptables n'était pas le nombre de victimes, mais plutôt le fait que des gens se soient réunis pour planifier ensemble l'extermination d'une nation.
C'est exactement ce qui s'est produit en 1915. Le cabinet a pris la décision de massacrer et de tuer tous les Arméniens vivant dans
l'Empire ottoman. On a utilisé la Première Guerre mondiale comme prétexte. Magnifique excuse! Tout le monde avait une excuse pour tuer et pour éliminer des minorités, durant la guerre. On a donc attiré des sujets arméniens dans l'armée et on les a envoyés à l'étranger pour combattre les alliés. C'est alors qu'on leur a tiré dans le dos.
(1255)
D'autre part, des Arméniens se sont joints aux forces alliées. On les appelait les petits alliés. Ces Arméniens espéraient que, en faisant leur part auprès des alliés pour contrer la puissance centrale, ce qu'ils ont fait, l'Arménie obtiendrait son indépendance. L'Arménie a effectivement obtenu l'indépendance en 1918, mais ce bonheur devait être de courte durée en raison des politiques internationales.
À cette époque, les puissances occidentales ont recommencé à chercher à se faire du capital politique avec leur traitement de plusieurs enjeux fondamentaux pour les droits de la personne. J'en appelle de nouveau à mes collègues de l'opposition: il ne faut pas qu'ils se fassent de capital politique avec ce genre d'enjeux. Une telle façon d'agir rejaillit sur tout le monde et nuit à tous.
Je veux partager mon temps de parole avec ma collègue de Saint-Denis. Je terminerai en répétant ce que j'ai dit lorsque j'ai présenté la motion 282. À propos de ma visite à Der-zor, j'ai déclaré:
Aujourd'hui encore, il suffit d'enfouir la main dans six pouces de sable pour toucher des ossements et des restes humains. La rivière qui traverse Der-zor est un lieu historique pour les Canadiens d'origine arménienne et pour tous les Arméniens du monde, car elle a vu flotter des corps, comme on a pu en voir au Rwanda. Je me suis rendu à cet endroit, j'ai marché dans cette rivière et je me suis souvenu du passé, de l'année 1915.Je terminerai par ces mots: À moins de tirer leçon du passé, nous sommes condamnés à le répéter. J'espère que tous les députés dénoncent unanimement le passé afin que jamais plus ne se produisent des massacres, des actes de discrimination et des génocides de la sorte.
[Français]
M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Madame la Présidente, je laisserai de côté les considérations partisanes de part et d'autre pour rappeler l'action efficace du député par le passé au service de sa communauté et pour lui poser une question bien simple.
Je sais que la ligne de parti joue toujours, quelles que soient nos positions respectives, mais il a toujours été un défenseur de sa communauté.
Il a mentionné à plusieurs reprises dans son intervention que des intervenants d'autres pays ou d'autres députés ont mentionné le mot génocide. Ce matin, la proposition mentionnait spécifiquement le mot génocide en parlant des événements de 1915. L'amendement du gouvernement parlait de tragédie, alors que le sous-amendement du Parti réformiste propose à nouveau le mot génocide.
Je voudrais demander bien humblement au député s'il ne convient pas que pour parler des événements tragiques de 1915, il convient d'utiliser le mot génocide.
[Traduction]
M. Assadourian: Madame la Présidente, comme je l'ai déjà dit durant mon discours, il aurait mieux valu que le député me téléphone. Je ne suis pas du tout satisfait de sa façon de procéder, surtout dans un dossier comme celui-ci.
S'il avait communiqué avec moi, nous aurions pu formuler une politique ou rédiger un projet qui fasse l'unanimité. Je regrette de devoir répéter que ce n'est pas ce qu'il a fait. Voilà pourquoi nous sommes dans la situation actuelle. Non pas à cause de la politique gouvernementale, mais à cause de la façon de faire du Bloc québécois. Le Bloc québécois, le Parti réformiste et notre parti auraient pu collaborer pour présenter cette motion. Ça aurait été formidable et tous les partis auraient été satisfaits. C'est ce que nous souhaitons et c'est ce que j'ai fait l'année dernière. C'est aussi ce que j'avais l'intention de faire cette année. Je regrette que les choses ne se soient pas déroulées ainsi.
[Français]
Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Madame la Présidente, j'aimerais commencer en félicitant les représentants de la communauté arménienne et tous les Canadiens d'origine arménienne avec qui j'ai eu le plaisir de travailler depuis des années et que j'ai aujourd'hui aussi le plaisir de représenter, du moins une partie de cette communauté, dans cette Chambre des communes.
(1300)
J'aimerais aussi féliciter mon collègue de Don Valley-Nord, membre de cette communauté et du gouvernement libéral, pour son travail exceptionnel et continu dans ce dossier. Et je déplore comme lui qu'un député du Bloc ait joué avec les sentiments d'une communauté et ait décidé d'annoncer le dépôt de cette motion avant même, par respect, de l'avoir présentée à la Chambre.
Le XXe siècle a vu naître deux guerres mondiales ainsi qu'une multitude de conflits historiques. Malgré cela, les crimes contre l'humanité ne sont pas une atrocité du passé mais continuent d'être le lot quotidien d'un trop grand nombre de pays, des pays qui imposent la torture, l'esclavage et la déportation massive à leur population civile. Au quotidien, nous sommes témoins de la persécution de minorités sur la base de différences d'opinions politiques, de race ou de religion.
[Traduction]
Ces actes d'inhumanité inacceptables continuent en dépit du fait que la Convention de Genève les condamne. Même si la communauté internationale a admis qu'on ne devrait pas pratiquer des actes semblables, nous sommes loin d'avoir atteint notre but.
Le procès de Nuremberg contre les crimes de guerre a été le premier à juger les auteurs de crimes contre l'humanité. Ces crimes, définis à l'article 6 de la Charte de Londres, comprennent le meurtre, l'extermination, l'esclavage, la déportation et autres actes inhu-
mains commis contre une population civile avant ou pendant la guerre, ou la persécution pour des raisons politiques, raciales et religieuses.
Même si tous les criminels n'ont pas été jugés, la communauté internationale reconnaît l'holocauste et le commémore chaque année, afin que tout le monde se souvienne de cette tragédie et fasse en sorte qu'elle ne se reproduise jamais. En dépit de cela, nous continuons à vivre dans un monde où la purification ethnique est encore pratiquée, comme en témoignent les horreurs récemment commises dans l'ex-Yougoslavie.
Pouvons-nous continuer à être un membre actif de la communauté internationale et permettre que ces atrocités continuent? Je ne pense pas. Toutefois, nous devons d'abord être en mesure de reconnaître au niveau international que les atrocités contre l'humanité sont inacceptables.
Le génocide arménien, commis par les Turcs ottomans pendant la Première Guerre mondiale, est peut-être l'exemple le plus flagrant de génocide en tant qu'instrument de politique nationale. Ce qui rend le génocide arménien un exemple particulièrement criant, c'est que, contrairement au génocide des juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale, la communauté internationale n'a pas essayé de juger les criminels de guerre ou même de reconnaître formellement que ces massacres aient eu lieu.
Pourquoi, direz-vous, est-il tellement important de reconnaître un événement qui s'est produit il y a plus de 80 ans? Nous devons toujours nous souvenir que ceux qui ne tirent pas les leçons de l'histoire sont condamnés à répéter les erreurs du passé. Essayons de penser à ce qui ce serait produit si la communauté internationale avait réagi à cela comme elle aurait dû le faire. Est-ce que les atrocités de la Deuxième Guerre mondiale se seraient produites? Peut-être pas.
Il n'y a rien que nous puissions faire pour ressusciter les victimes ou pour modifier le passé, mais il est nécessaire de désigner une semaine de l'année, comme mon collègue de Don Valley le proposait en avril dernier, pour se souvenir de l'inhumanité de l'homme envers son prochain et pour s'assurer que les générations futures n'oublient pas ces événements tragiques et, surtout, ne les répètent pas.
Même si la communauté européenne et plusieurs autres pays, notamment l'Italie, la France, Israël et, plus récemment, la Russie, ont adopté des décrets parlementaires reconnaissant formellement cet événement, la communauté internationale dans son ensemble n'a jamais pris les mesures nécessaires pour condamner ces actes horribles contre l'humanité.
Je répète, notre gouvernement a reconnu cet incident tragique qui a vu l'exécution brutale de 1,5 million de personnes par les Turcs ottomans qui désiraient purifier leur pays, en éliminant tous les étrangers. Nous comprenons les souffrances ainsi provoquées et la nécessité pour la communauté arménienne de faire reconnaître cette tragédie par tous les membres de la communauté internationale. C'est pourquoi nous appuyons le principe d'une semaine pour commémorer les crimes contre l'humanité.
[Français]
À titre de représentants d'un pays reconnu pour son appui aux droits humains, nous savons que les Canadiens condamnent la pratique du génocide et l'utilisation de la violence en tant qu'instrument de pouvoir. En ne reconnaissant pas ces actes comme tels, nous cautionnerions leur utilisation comme politique nationale.
C'est un triste constat de réaliser que les bulletins de nouvelles font encore trop souvent des manchettes avec les horreurs reliées au non-respect des droits de l'humanité.
[Traduction]
Ces atrocités sont des exemples de crimes commis contre l'humanité, mais malheureusement il y en a eu de nombreuses autres dans le passé et c'est encore le cas de nos jours. Certaines sont bien connues. D'autres, comme la catastrophe qui s'est produite en Asie Mineure en 1922, le sont moins.
(1305)
[Français]
À la fin de la Première Guerre mondiale, près de deux millions de Grecs habitaient la région de l'Asie Mineure sur la côte ouest de la Turquie actuelle. Des Grecs habitaient cette région depuis plus de 3 000 ans. En 1922, ces gens, comme les Arméniens et d'autres minorités de Turquie, ont été victimes de la première entreprise de purification ethnique du XXe siècle.
Au cours de l'été de cette année tragique, 600 000 Grecs d'Asie Mineure ont été exterminés par les forces de Mustafa Kemal, le père de la Turquie moderne. Un million et demi d'habitants ont aussi été forcés de quitter leurs demeures ancestrales et ont abouti en Grèce à titre de réfugiés. Ces opérations n'étaient ni sporadiques ni spontanées, mais relevaient plutôt d'une politique de purification ethnique froide et calculée du nouvel État turc. Dans le cadre de cette série de massacres bien orchestrés, le gouvernement a aussi incendié et détruit des églises, des écoles et même des villes et des municipalités qui étaient associées aux Grecs.
Des diplomates et des correspondants étrangers ainsi que des milliers de personnes de tous les milieux ont été témoins des atrocités, mais la communauté internationale n'a rien fait pour les condamner.
[Traduction]
Même si les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Italie avaient des navires et des troupes sur la côte de l'Asie Mineure, ils ont refusé d'intervenir. Le refus de ces pays de condamner les actions du gouvernement turc à l'époque a encouragé les autres États à se livrer à des génocides, dans le cadre de leur politique.
Une agression sans réponse ne peut conduire qu'à d'autres actes de barbarie et à d'autres génocides. Depuis quatre ans seulement, nous sommes témoins du cataclysme qui ébranle l'ancienne Yougoslavie. Toutes les factions en guerre ont procédé à des massacres,
au nettoyage ethnique et au génocide culturel à divers degrés. Le tribunal des crimes de guerre où le Canada est représenté examine à l'heure actuelle les preuves. Cette enquête va, sans aucun doute, dévoiler la tragique et triste réalité sur ce qui s'est produit dans l'ancienne Yougoslavie.
Le cycle de la violence n'a pas cessé. Pour s'en convaincre, il suffit de voir les massacres qui ont lieu en Somalie, au Rwanda et au Cambodge. Dans tous ces cas, l'extermination et le déplacement forcé de la population font partie d'une politique délibérée et ne sont pas simplement des excès isolés de la part de rebelles ou de forces gouvernementales non contrôlées. De nombreux gouvernements ferment les yeux et refusent de reconnaître que ces atrocités ont eu lieu.
[Français]
En reconnaissant ces événements historiques comme des crimes contre l'humanité, nous affirmons que les crimes de ce genre, passés et présents, ne sauraient être tolérés. En tant que parlementaires, nous devons encourager la Communauté internationale à redoubler d'ardeur pour prévenir les crimes contre l'humanité.
[Traduction]
Le Canada continuera de jouer un rôle de chef de file sur la scène mondiale pour ce qui est de promouvoir la paix entre les membres de la communauté internationale. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de l'opposition officielle. Comme nous le savons tous, elle a pour mandat de diviser notre pays si respecté au niveau international. La réputation que nous avons de respecter et promouvoir les droits de la personne pourra, sans aucun doute, nous aider à atteindre cet objectif.
Ce que je suis sur le point de dire peut être considéré comme sectaire, mais je tiens à préciser que nous n'avons pas de leçons à recevoir de l'opposition. Comme mon collègue de Don Valley l'a déclaré, les paroles de nos vis-à-vis ne valent pas grand-chose. L'opposition peut bien présenter une motion, elle peut dire tout ce qu'elle veut, mais ses paroles n'ont pas les mêmes conséquences.
Un gouvernement comme le nôtre qui s'est montré responsable à tous les niveaux, agit de façon responsable. Il y a des conséquences juridiques et internationales autant pour les paroles que pour les actions. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de nos vis-à-vis. Dans le cadre du récent référendum au Québec, nous savons la haute estime qu'ils avaient pour les communautés ethniques du Québec. J'ai vécu au Québec, j'ai été élevé au Québec, et j'ai passé de nombreuses années à lutter contre le grand nombre de signes de discrimination et de racisme qu'on retrouve dans cette société. Nos vis-à-vis n'ont pas de leçons à nous donner.
M. Boudria: Madame la Présidente, si vous le demandez, je crois que vous obtiendrez le consentement unanime pour reporter jusqu'à la fin de la période réservée aux initiatives ministérielles les votes qui avaient déjà été reportés à 17 h 30 aujourd'hui.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
(1310)
[Français]
M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'exposé de ma collègue de Saint-Denis. Je lui dis que le gouvernement du Québec respecte pleinement le droit des minorités. C'est une société très ouverte. J'en suis moi-même l'exemple, un député qui n'est pas francophone, qui a été élu par une majorité de francophones et par les communautés ethniques.
La députée qualifie le génocide des Arméniens de «tragic incident». C'est beaucoup plus qu'un incident tragique; c'est l'extermination d'un million et demi d'Arméniens; c'est la déportation d'un demi-million de personnes; c'est la destruction de beaucoup d'églises, de monastères; c'est la dispersion des Arméniens un peu partout dans le monde.
Je m'étonne que le gouvernement du Canada refuse obstinément de reconnaître ce génocide qui a été reconnu par d'autres pays, y compris par des pays d'Amérique latine dont l'Uruguay et l'Argentine. Il y a eu des monuments en Colombie, etc. C'est inacceptable pour un gouvernement qui prône la démocratie et les droits humains dans le monde de tenir un discours très contradictoire lorsqu'il s'agit de donner préséance aux droits humains en regard du commerce. C'est le commerce qui l'emporte sur les droits humains.
J'ose demander à ma collègue comment elle peut justifier cette obstination du gouvernement canadien à ne pas reconnaître ce génocide comme tel.
Mme Bakopanos: Madame la Présidente, je vais relire pour le député de l'opposition l'amendement que nous avons présenté en cette Chambre à la motion à l'étude. On dit: «. . .la tragédie arménienne qui a causé la perte de presque un million et demi de vies.» Je crois qu'il n'a jamais été question qu'on ne reconnaisse pas ce massacre. Jamais ce gouvernement a dit qu'il ne le reconnaissait pas.
En ce qui concerne le fait de savoir si la province de Québec vit dans la démocratie, je rappelle à mon collègue de l'opposition que c'est le Canada qui est reconnu comme le pays le plus démocratique, le plus tolérant et le plus ouvert, quand même.
C'est grâce à cela que nous avons aujourd'hui l'opposition que nous avons à la Chambre des communes, parce que nos différences sont reconnues dans cette société. Nous avons reconnu que nous étions un gouvernement qui se bat pour les droits humains partout dans le monde. C'est un gouvernement qui a toujours essayé de défendre partout dans le monde ceux qui ne peuvent pas se défendre. On a toujours, je le redis, reconnu qu'il y a quand même eu des pertes de vie de 1,5 million d'Arméniens.
[Traduction]
M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Madame la Présidente, le discours de la député de Saint-Denis m'a beaucoup plu. Beaucoup de Canadiens d'origine arménienne habitent la circonscription de Saint-Denis.
En 1939, lorsque Adolf Hitler envahissait l'Europe et massacrait les juifs d'un pays à l'autre, quelqu'un lui a demandé comment les générations à venir réagiraient à son holocauste, au massacre et au génocide qu'il avait commis. Il a répondu: «Après tout, qui se souvient des atrocités commises en Arménie, du génocide arménien?»
La députée convient-elle avec moi que, si le monde avait condamné le génocide commis en Arménie, cela aurait empêché l'invasion du nord de Chypre par les forces turques environ 67 ans plus tard?
Mme Bakopanos: Madame la Présidente, comme je l'ai dit dans mon exposé, nous ne devons jamais oublier l'histoire. Si nous l'oublions et que nous ne reconnaissons pas les atrocités qui ont été commises dans le passé, nous sommes condamnés à les répéter. Je crois fermement que ce qui s'est passé à Chypre ne serait peut-être pas arrivé si l'on avait reconnu l'existence de cette tragédie.
[Français]
M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Madame la Présidente, je suis très heureux d'intervenir dans ce débat. Ce débat a pris forme par la motion de mon collègue d'Ahuntsic au cours de cette journée de l'opposition.
(1315)
Cette motion reprend intégralement la motion du député de Don Valley-Nord présentée en 1994. Je suis un peu surpris de constater la réaction de notre collègue de Don Valley-Nord et de la députée de Saint-Denis qui accusent l'opposition de vouloir faire de la partisanerie en soulevant cette question à la Chambre aujourd'hui.
Je l'ai mentionné, le texte original de la motion de mon collègue d'Ahuntsic, du Bloc québécois, est essentiellement, mot pour mot, la motion qu'a déposée le député de Don Valley-Nord en cette Chambre l'an passé. À la suite des pressions de son parti, cette motion n'a pu faire l'objet d'un vote. Il a été déclaré qu'elle ne pouvait pas faire l'objet d'un vote en 1994.
L'opposition officielle a tenu à ramener ce débat à la Chambre étant donné l'importance du sujet, mais également étant donné le peu de cas que le gouvernement porte actuellement aux droits de la personne en regard du commerce international. Si j'interviens dans ce débat comme porte-parole de l'opposition officielle en matière des droits de la personne, c'est précisément pour soulever cette question.
Bien sûr, il faut dénoncer, au-delà de la partisanerie politique-je le dis surtout pour nos collègues libéraux-ces gestes qui se reproduisent encore trop souvent aujourd'hui, gestes qui ont été perpétrés à l'endroit d'un peuple et qui avaient comme objectif de l'exterminer, de l'éliminer complètement. C'est pour cela que je suis un peu surpris de la réaction de notre collègue de Don Valley-Nord. Il me semble qu'on ne puisse pas ne pas convenir de la gravité des événements qu'ont vécus des peuples, entre autres, le peuple arménien. Il nous faut en conséquence dénoncer sans aucune espèce de réserve, sans aucune espèce de nuance ce genre d'événement pour, espérons-le, qu'il ne soit pas vécu de nouveau à l'avenir.
Si on veut parler de partisanerie politique, je prendrai comme exemple l'amendement apporté par la secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la Situation de la femme qui substitue le mot «génocide» au mot «tragédie». On le voit dans les interventions de nos collègues libéraux, et j'imagine que ce sera comme cela toute la journée, on insiste, dans le cas de l'Arménie en particulier, pour parler de tragédie plutôt que de génocide.
Je ne pense pas qu'on puisse apposer ces deux termes. Je lisais dans le journal ce matin, dans presque tous les quotidiens d'ailleurs au Québec on rappelait, comme c'est le cas tous les jours malheureusement ou au moins toutes les semaines, les nombreux accidents d'automobiles qui surviennent. Dans le journal ce matin, on mentionnait un accident d'automobiles qui est survenu dans la région limitrophe à la mienne, en Montérégie où trois jeunes gens ont malheureusement perdu la vie. Dans l'article du journal, on parlait de tragédie; tragédie pour la famille, tragédie pour les proches, tragédie pour les amis.
La semaine passée, le 18 avril, on rappelait partout à travers le monde la tragédie d'Oklahoma City où l'an passé, près de 200 personnes ont perdu la vie dans une explosion due à un acte complètement dément. On parlait de tragédie.
(1320)
Malgré la gravité, l'énormité de ces événements comme les accidents d'automobiles, la tragédie d'Oklahoma City, qui est épouvantable, est-ce que, sincèrement, on peut comparer ces événements malheureux à une volonté, non seulement une volonté, mais des gestes posés afin d'éliminer un peuple, d'éliminer une communauté? Est-ce qu'on peut vraiment faire cette comparaison?
Quand on parle de tragédie, dans le dictionnaire Larousse on donne deux sens. Je pense que les mots doivent avoir un sens. On dit toujours que le législateur ne parle pas pour ne rien dire, donc si la secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la Situation de la femme, au nom du gouvernement, a déposé un amendement en cette Chambre pour remplacer le mot «génocide» par le mot «tragédie», c'est qu'il y avait une intention derrière ce geste-là. On n'a pas fait cela simplement pour allonger la motion de l'opposition officielle. Il y avait une intention.
Qu'est-ce que cela veut dire, «tragédie»? Quelle est la signification de «tragédie» dans le dictionnaire Larousse? Dans le Petit Robert on donne à peu près la même signification. Au sens littéraire, cela veut dire: «pièce de théâtre dont le sujet est généralement emprunté à la légende ou à l'histoire, qui met en scène des personnages illustres et représente une action destinée à susciter la peur ou la pitié par le spectacle [. . .]»
Est-ce cela l'intention du gouvernement qui accuse l'opposition officielle de partisanerie, de vouloir soulever cette question sans que le gouvernement en ait été avisé suffisamment longtemps à l'avance, selon le député de Don Valley-Nord?
Je pense qu'en utilisant le mot «tragédie», on veut précisément masquer la situation réelle. Avec le mot «génocide», on parle de l'extermination d'une population ou d'un peuple. Ce n'est pas la même chose. Je le répète, les mots doivent avoir un sens.
Le député de Don Valley-Nord, dans sa motion, il l'a répété ce matin, utilise le terme ou l'expression «crime contre l'humanité». C'est toujours une tragédie, un crime contre l'humanité, mais c'est différent. C'est différent lorsqu'on utilise ce terme-là, qui s'apparente à génocide, c'est différent de l'utilisation du terme «tragédie» qui, au sens littéraire, fait référence à du théâtre pour émouvoir, mais qui fait référence également à un événement malheureux, à des événements malheureux.
Il faut que l'on comprenne. On n'a pas d'autre choix que d'interpréter-je ne sais pas si je peux parler d'interprétation-que de conclure que l'intention du gouvernement est de nuancer, d'amenuiser la portée des événements vécus par les Arméniens au début de ce siècle.
Est-ce qu'on peut comparer à une tragédie-je reprends mon exemple-l'extermination d'un million et demi de personnes, la déportation de 500 000 autres, le fait qu'en Arménie, on ait détruit au-delà de 2 000 églises, plus de 200 couvents, qu'on ait visé spécifiquement des gens à cause de leur race ou de leur appartenance religieuse? On voudrait simplement que cette Chambre, que le Parlement canadien, qui est un exemple de par le monde de respect des droits de la personne et de démocratie, on voudrait simplement que ce Parlement considère comme une tragédie de tels événements? C'est un non-sens.
Nous nous devons, et je dois conclure que l'intention du gouvernement en déposant cet amendement est d'atténuer l'interprétation qu'on doit faire de l'histoire par rapport au génocide arménien, et également à d'autres situations semblables.
(1325)
Mes collègues ont soulevé cela, et on devra revenir là-dessus pendant la journée, à savoir comment le gouvernement canadien ne s'est pas gêné pour parler de génocide au Rwanda, ce qui était le cas, mais comment il se fait qu'on ait temps de difficulté à reconnaître le génocide du peuple arménien.
Cette motion du député nous amène également à parler de l'attitude du gouvernement canadien et ce sera là l'essentiel de mon propos, l'attitude du gouvernement canadien par rapport aux droits de la personne, droits de la personne que l'on est en train de «bargainer», si vous me permettez l'expression, avec le commerce entre le Canada et d'autres pays.
Mon collègue d'Ahuntsic l'a rappelé, le fait que le gouvernement canadien soit en négociations, depuis plusieurs années déjà, avec le gouvernement de la Turquie pour faire du commerce à différents niveaux, entre autres, et peut-être même la vente d'un réacteur Candu, indique peut-être qu'il n'y a pas là un désintérêt total relativement au fait de vouloir mettre de côté, de vouloir pousser sous le tapis la question arménienne. J'espère que je fais erreur lorsque j'établis ce lien.
Depuis l'élection de l'actuel gouvernement, nombre de décisions ont été prises qui nous portent à conclure que la question du commerce l'emporte sur la question des droits de la personne. Je rappellerai à cette Chambre le voyage d'Équipe Canada, en fait les deux voyages d'Équipe Canada, particulièrement en Asie où le premier ministre a insisté sur les avantages énormes du Canada et de ses interventions afin d'améliorer le commerce avec les pays d'Asie.
Tout le monde au Canada convient, l'opposition officielle comme l'ensemble des partis, de l'importance d'améliorer notre dossier en ce qui concerne le développement économique. Tout le monde convient que le Canada doit être compétitif, qu'il faut faire la promotion de nos produits, mais est-ce qu'on doit le faire à tout prix? Est-ce qu'on doit le faire en reniant nos principes les plus fondamentaux, particulièrement en ce qui concerne les droits de la personne? La réponse à cette question est, de toute évidence, non et c'est ce que l'opposition officielle voudrait entendre de la part du gouvernement. Nous voudrions entendre un non catégorique, fort, non seulement en cette Chambre, mais en dehors de cette Chambre.
Lorsque les autorités gouvernementales, le premier ministre en tête, voyagent de par le monde, elles devraient envoyer un message clair. Oui, le Canada est ouvert au commerce international; oui, le Canada veut aplanir, abolir même le plus possible les barrières qui empêchent le commerce international, mais en même temps, le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, tous les députés du gouvernement ont la responsabilité et le devoir d'insister sur le fait que les droits de la personne ne sont pas négociables.
En conclusion, je veux rappeler à mes collègues de cette Chambre, particulièrement aux députés du gouvernement, qu'il a fallu qu'un jeune de 13 ans, M. Kielburger, de la région de Toronto, confronte le premier ministre sur cette question pour que soudainement, on lui porte un intérêt particulier.
(1330)
Il a fallu que ce jeune homme dénonce l'utilisation des enfants au travail, particulièrement dans les pays d'Asie, pour que, tout à coup, on porte un certain intérêt à la question des droits de la personne.
Je sais que mon temps est expiré, mais je veux dire en conclusion qu'on n'a pas le droit, en tant que parlementaires, d'atténuer, en utilisant des mots comme tragédie, la portée des événements qui sont survenus à travers le monde et particulièrement en Arménie. Quand on parle de génocide, on parle de génocide; quand on parle d'utiliser des enfants pour faire du travail, on parle d'utiliser des enfants. Il faut que les mots aient un sens, et c'est ce que je souhaite, par mon intervention, et c'est ce que l'opposition officielle veut en faisant adopter cette motion.
[Traduction]
M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Madame la Présidente, pour la troisième fois depuis deux heures, je demande au député du Bloc québécois de joindre le geste à la parole. S'engagera-t-il devant la Chambre à consulter son caucus, à adopter une résolution et à demander au premier ministre du Québec, l'ancien chef du Bloc québécois, d'ériger un monument à Montréal ou à Québec pour commémorer le génocide des Arméniens en 1915? Le fera-t-il, oui ou non?
[Français]
M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Madame la Présidente, je rappellerai d'abord au député de Don Valley-Nord que le Québec a reconnu le génocide arménien en 1980, que mon
collègue d'Ahuntsic, il me semble, a répondu aux attentes du député de Don Valley-Nord, puisque le gouvernement municipal de Montréal, son maire en tête, avait l'intention d'ériger un monument pour commémorer le génocide arménien et que, à la suite des pressions du ministre du Commerce international, pendant la campagne électorale, la ville de Montréal a changée d'idée. Le maire de Montréal n'a pas, jusqu'à maintenant, nié cette information que son projet ait été mis de côté à la suite des pressions d'un des membres du gouvernement.
Alors, si j'interprète bien les propos du député de Don Valley-Nord, s'il parle au nom de l'ensemble de son caucus et du gouvernement, je suis convaincu que la ville de Montréal-et je ne vois pas pourquoi le gouvernement du Québec aurait objection à s'y associer-ne refuserait pas de souligner ou de rappeler à notre population et à la face du monde le génocide arménien en érigeant un monument. Je ne vois pas du tout d'incohérence dans nos propos, puisque nous sommes favorables à le reconnaître. Non seulement nous sommes favorables, mais nous reconnaissons le génocide arménien. Et quant à nous, on ne veut pas ramener ces événements malheureux à une simple tragédie parmi tant d'autres dans l'humanité, mais on veut souligner qu'il est inacceptable que des gouvernements puissent intentionnellement et de façon systématique vouloir éliminer tout un peuple.
Le député de Don Valley-Nord a parlé de l'holocauste dans son intervention, non pas dans ses questions mais dans son intervention, à quelques reprises. Le terme holocauste nous rappelle l'extermination du peuple juif durant la Deuxième Guerre mondiale. On parle d'extermination d'un peuple. Alors, non, l'opposition officielle ne fait pas preuve d'incohérence, nous reconnaissons, et c'est l'objet de cette motion, le génocide arménien. Nous dénonçons ce genre de crime contre l'humanité, et, bien sûr, je ne pense pas que l'opposition officielle s'objecterait de quelque façon que ce soit, ni le gouvernement du Québec, à ce que ce soit commémoré d'une façon particulière en érigeant un monument.
(1335)
[Traduction]
M. Assadourian: Madame la Présidente, ma question était simple. Je refuse d'être sermonné. Le député accepterait-il qu'on érige un monument à Québec? Oui ou non. Tout ce qu'il a à dire, c'est oui, il accepte, ou non, il refuse. C'est tout ce que je veux. Je refuse d'être sermonné.
[Français]
M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Madame la Présidente, je ne sais pas si le député de Don Valley-Nord est à la recherche de financement, mais si c'est le cas, on peut se joindre à lui pour demander au gouvernement de procéder en la matière.
Je viens de souligner que s'il y a une incohérence de la part des parlementaires, c'est de leur côté qu'elle se situe quand on essaie de ramener ou de diminuer la portée de ces événements en faisant référence à une tragédie alors qu'on parle de l'extermination d'un peuple.
C'est ma réponse et si cela ne convient pas au député, il peut toujours poser la question à nouveau.
M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Madame la Présidente, j'aimerais faire un petit commentaire et mettre en parallèle les paroles du président d'Amnistie Internationale et une déclaration du premier ministre. Je demanderai à mon collègue de commenter.
Lors d'une visite qu'il faisait récemment à Ottawa, Pierre Sané, le président d'Amnistie Internationale, disait ceci, entre autres: «Le combat pour le respect des droits de la personne ne peut être que global, sans quoi il est perdu d'avance.»
Regardons maintenant ce qu'a déclaré le premier ministre lors de son premier voyage en Asie: «Je pourrais faire un discours fracassant sur les droits de la personne et faire les manchettes, mais je préfère ouvrir des marchés, faire du commerce. Les murs finiront par tomber.»
Est-ce que mon collègue pourrait me donner une perspective, d'après les paroles du premier ministre, quand est-ce que les murs tomberont? Dans cent ans ou dans deux cents ans?
M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Madame la Présidente, la question de mon collègue de Louis-Hébert est très pertinente. D'ailleurs, au début de mon intervention, j'ai souligné cette espèce de maquignonnage que le gouvernement est en train de faire en négociant-et la référence aux propos du premier ministre est tout à fait éloquente-les droits de la personne et le commerce international. C'est non seulement inacceptable, et le terme n'est pas trop fort, c'est strictement odieux.
Je rappellerai, pour aller dans le même sens que mon collègue de Louis-Hébert vient de le faire, que malgré tous les reproches qu'on pourra adresser au précédent gouvernement, le gouvernement conservateur de M. Mulroney, je pense que l'ensemble des parlementaires de cette Chambre et des observateurs de la scène politique vont reconnaître que M. Mulroney n'a pas raté une occasion de dénoncer le sort qui était réservé à différentes communautés à travers le monde et de mettre de l'avant la promotion des droits de la personne. Je rappelle que cela s'est fait sous un gouvernement conservateur, à l'époque, donc en principe, plus d'allégeance de droite dans notre jargon politique.
On voit maintenant un gouvernement qui se dit libéral en ce qui a trait à son allégeance politique, mais dans les faits, ses décisions vont encore plus à l'extrême droite. Quand mon collègue de Louis-Hébert rappelle les propos du premier ministre, comme je le disais tout à l'heure, c'est cela le message qu'on retient, de par le monde, de l'enlignement politique du Canada par rapport aux droits de la personne.
Si ce message est entendu dans le monde, il sera sûrement entendu et compris aussi par un bon nombre de personnes et de groupes à l'intérieur même du Canada, et cela met en danger l'avenir de nos droits et libertés, si nous n'y prêtons pas attention.
Voilà pourquoi il est justifié pour l'opposition officielle, et c'est non seulement justifié, mais l'opposition officielle manquerait à son devoir si elle omettait de soulever ce genre de débat en cette Chambre. C'est pour cette raison que nous avons déposé cette motion aujourd'hui. Nous voulons, nous souhaitons que tous les députés de cette Chambre qui appuient, dans leurs discours, les droits de la personne, aient l'occasion de dire, en votant sur cette motion, au gouvernement d'être, lui, cohérent, et d'en faire la promotion au niveau international.
(1340)
M. Lincoln: Est-ce que je peux poser une question?
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Je regrette, mais la période de questions et commentaires est terminée.
[Traduction]
M. Peterson: Madame la Présidente, si la Chambre y consent, je serais heureux d'accorder quelques minutes de mon temps au député pour qu'il pose des questions s'il le désire.
[Français]
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Nous sommes maintenant à l'étape de la reprise du débat. Après votre intervention, si des questions vous sont adressées, nous procéderons à une période de questions de dix minutes pendant laquelle des questions pourront vous être adressées. Nous reprenons le débat et vous avez présentement la parole.
[Traduction]
M. Jim Peterson (Willowdale, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de me prononcer sur cette motion et tiens à féliciter le député d'Ahuntsic qui a présenté la motion visant à reconnaître le génocide arménien de 1915.
Je voudrais signaler officiellement que notre parti appuie la motion que la Chambre reconnaisse, à l'occasion du 81e anniversaire de la tragédie arménienne qui a causé la perte de quelque 1,5 million de vies humaines le 24 avril 1915 et en raison d'autres crimes commis envers l'humanité, la semaine du 20 au 27 avril de chaque année comme la semaine commémorant l'inhumanité de l'être humain envers son prochain.
Dimanche, j'ai eu l'insigne honneur de prendre part à une cérémonie au centre communautaire arménien de Toronto. Pendant deux heures et demie, nous nous sommes rappelés le génocide de 1915. Ce qui m'a le plus impressionné à propos de la cérémonie, ce fut de voir tant de jeunes, à travers le chant, la présence, les discours et une attidude de leadership, se souvenir de ce qui s'est passé il y a 81 ans. Le souvenir du génocide fait partie intégrante de leur vie et de leur culture.
Ce n'était pas la première fois que je prenais part à pareille cérémonie. Il y a bien longtemps, j'ai eu le privilège, en ma qualité de député, de me réunir avec mes amis au centre communautaire arménien.
C'est le député de Don Valley-Nord qui, le premier, m'a fait connaître ce dossier que j'ignorais. Il était alors le directeur exécutif du centre communautaire. Lui et d'autres membres de la communauté, dont Aris Babikian qui est venu de Toronto pour être parmi nous à la Chambre aujourd'hui, m'ont parlé de la terrible tragédie où 1,5 million d'Arméniens ont été massacrés au hasard du simple fait qu'ils étaient Arméniens. Cette tragédie est présente dans l'âme des Arméniens où qu'ils soient dans le monde.
Après 81 ans, on se demande, pourquoi ne saurait-on oublier? La réponse est simple. Le gouvernement turc n'a jamais reconnu sa responsabilité dans ce génocide. Comment les survivants de cette tragédie ou leurs parents et amis pourraient-ils taire ce fait historique que leurs auteurs n'ont jamais reconnu? Même l'holocauste, pendant la Seconde Guerre mondiale, a été reconnu comme tel.
(1345)
Quand on peut, comme individu, accepter la réalité et y faire face, plutôt que de plonger la tête dans le sable, on peut venir à bout de tous les ennuis. Cette négation est une insulte aux victimes du génocide d'il y a 81 ans.
Je ne suis pas particulièrement fier de l'attitude qu'affiche le reste du monde. Nous avons mis du temps à reconnaître ce qui s'était vraiment passé. Les faits sont pourtant clairs. Il ne peut y avoir la moindre ambiguïté ou ambivalence. La tragédie a eu lieu. Le génocide est un fait historique. Peu importe la façon d'en parler, c'est un fait incontournable.
Pourquoi hésitons-nous tant à nous joindre à nos frères et soeurs de la communauté arménienne, et à reconnaître cette vérité pure et simple? Cela fait probablement partie du monde de la realpolitik et de la langue de bois. Il y a probablement d'autres raisons qui expliquent que nous ne voulons pas en parler. Je trouve cela offensant.
En tant que député, j'ai demandé publiquement la reconnaissance du génocide arménien. Cette reconnaissance reste encore peu probable ou alors elle n'est pas exprimée dans les mots que nous voudrions entendre. J'ai toutefois l'intention d'appuyer la motion, telle que modifiée par notre parti, qui fait nettement ressortir le fait que tant de gens ont été tués ainsi que l'ampleur de la tragédie. Il reste toujours la souffrance de ceux qui se souviennent. Un jour, nous trouverons peut-être un moyen à la Chambre des communes de reconnaître, comme quelques pays l'ont déjà fait, que le meurtre de 1,5 million d'Arméniens en 1915 a vraiment été le premier génocide du XXe siècle.
Pourquoi est-il si important de réfléchir à un événement qui s'est produit il y a 81 ans? Qu'il me suffise de rappeler qu'à l'époque où il se préparait à faire disparaître tous les juifs du monde, Hitler avait déclaré: «Qui peut m'arrêter? Qui se souvient du génocide arménien?» Voilà une raison pour ne pas oublier. Si nous ne pouvons pas regarder l'histoire en face, si nous ne pouvons pas tirer les leçons des tragédies qui se sont produites, nous serons enclins à rester sans rien faire et à faire semblant de ne pas voir les autres actes de génocide qui se produisent.
Nous avons été témoins de la tragédie bosniaque où des gens ont été massacrés simplement parce qu'ils appartenaient à une certaine ethnie ou à une certaine religion. Nous avons entendu parler des champs de massacre cambodgiens. Nous avons vu des guerres faire rage partout dans le monde entier, fondées sur le fait que des gens, parce qu'ils étaient d'une certaine nationalité, religion ou race, étaient considérés comme des inférieurs et des ennemis. Cela va tout à fait à l'encontre des principes auxquels adhèrent tous les députés et tous les partis à la Chambre.
(1350)
Au Canada, nous avons non seulement un code des droits de la personne, mais aussi une charte des droits qui interdit toute discrimination fondée sur la race, la couleur, la religion, la foi, le sexe et l'âge et qui échappe totalement à la compétence des assemblées législatives et est inattaquable. Nous avons évoqué les droits de la personne que nous voulons voir respectés au sein de notre pays. Nous sommes signataires de nombreux documents et traités qui imposent cette obligation de reconnaître des droits à l'échelle internationale.
Quant à la situation existant aujourd'hui en Turquie, nous y voyons une guerre menée par le PTK, le Parti des travailleurs kurdes, dans le but de créer un État séparé. Nous avons vu le gouvernement turc exercer une répression extrêmement violente. Il est également bien établi qu'il y a eu de nombreuses violations des droits de la personne en Turquie.
Le Canada a condamné ces violations tout à fait normalement, comme nous en avons le devoir en tant que membres de la communauté mondiale. Nous avons préconisé une solution politique au problème séparatiste, plutôt qu'une solution militaire. Nous espérons qu'en collaboration avec nos alliés et avec les autorités turques, nous réussirons à accomplir un certain progrès à cet égard.
Je me reporte en pensée à cette merveilleuse cérémonie du souvenir, tenue il y a deux jours, à l'occasion du 81e anniversaire du génocide arménien. Le député de Don Valley-Nord, le député de Scarborough et le sénateur Haidasz assistaient avec moi au service commémoratif. Nous avons tous été impressionnés par l'intensité de l'émotion que nous avons ressentie durant cette cérémonie.
J'ai mentionné plut tôt le fait que tant de jeunes gens avaient fait de la non-reconnaissance du génocide un élément de leur philosophie et de leur mission. Ces jeunes gens ne seront pas satisfaits tant qu'on n'aura pas rétabli la vérité. Ils ne cherchent pas à obtenir une réparation ou des procès internationaux. Ils veulent simplement qu'on reconnaisse les souffrances que leur peuple a endurées, qu'on reconnaisse que cette tragédie a eu lieu, et que le reste du monde accepte de se joindre à eux par solidarité pour honorer la mémoire de ceux qui sont morts et de ceux qui ont survécu et leurs familles.
La motion dont nous sommes saisie, telle que modifiée par notre parti, constitue un pas dans la bonne direction. Ce n'est peut-être pas tout ce que nous voulons obtenir et cela ne signifie pas que nous abandonnerons nos efforts pour obtenir davantage. Je félicite cependant le député de Don Valley-Nord pour tous les efforts qu'il a déployés, et je félicite tous les députés à la Chambre qui appuient la motion.
(1355)
M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je sais que le député de Willowdale a fait des observations parfaitement sincères, comme tous les autres qui ont pris la parole à la Chambre.
Cependant, il me semble y avoir ici une incohérence. Le Bloc et, avant lui, le Parti québécois ont pris soin d'aborder la question et se sont efforcés de faire reconnaître le génocide arménien au moins depuis 1980. Au début des années 80, le gouvernement du Québec et celui de l'Ontario ont adopté à l'unanimité des résolutions à ce sujet. Pourtant, lorsque le gouvernement fédéral est saisi de la question, il semble en atténuer la portée. C'est ce que fait encore une fois aujourd'hui l'amendement que proposent les libéraux et qui vise à supprimer le mot «génocide». Je crois comprendre que cela vise à rendre la motion plus acceptable, en particulier pour la Turquie, pays avec lequel nous entretenons de bonnes relations mutuellement avantageuses.
Le député de Willowdale pourrait-il élaborer sur le fait que nous devions ménager la chèvre et le chou?
M. Peterson: Monsieur le Président, je ne peux donner une réponse qui satisfera le député ou peut-être même tout autre élu ici présent, y compris moi-même.
À mon avis, nous devons prendre des dispositions, préférablement au moment opportun, pour appeler un chat un chat, et un génocide un génocide. Malheureusement, les gouvernements réa-gissent souvent plus lentement que nous ne le souhaiterions ou que ne l'exigeraient la raison ou les sentiments. Nous ne pouvons pas toujours obtenir ce que nous voulons au moment où nous le souhaitons. Je pense que c'est une des principales choses que m'ont apprises plusieurs années passées à la Chambre. On n'a pas bâti Rome en un jour et on ne l'a pas restaurée en un jour non plus.
Nous progressons dans ce domaine à petits pas, pas à pas de géant. Ce n'est peut-être pas satisfaisant. Il n'y a peut-être pas d'explications qui correspondent parfaitement à ce que nous savons de la réalité historique. Quoi qu'il en soit, compte tenu de nos obligations internationales, de nos alliés, des pressions internationales qui s'exercent. . .
Le Président: Chers collègues, comme il est maintenant14 heures, nous passons aux déclarations de députés.