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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-UNE DÉCLARATION DES DROITS DES VICTIMES

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.) propose:

Que la Chambre exhorte le gouvernement de charger le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de procéder à la rédaction d'une déclaration des droits des victimes et que, lorsque le Comité estime qu'un droit est davantage du ressort d'une province, le ministre de la Justice entreprenne des consultations avec les provinces afin d'en arriver à une norme nationale concernant une déclaration des droits des victimes.
-Madame la Présidente, c'est un honneur que de saisir la Chambre de cette question qui revêt une importance capitale.

Nombre de gens nous ont aidés à élaborer cette déclaration depuis l'été de 1994. Nous en avons fait une motion visant à faire bouger la Chambre des communes. La motion portant établissement d'une déclaration des droits des victimes sera mise aux voix à18 h 30 ce soir. J'invite tous ceux qui nous regardent et nous écoutent à prendre note de la position de la Chambre des communes sur une déclaration nationale des droits des victimes. Ils verront alors que nous séparerons les faits de la fiction, le bien du mal.

En ce moment même à la Chambre, je trouve assez embarrassant que le gouvernement va déposer un projet de loi sur les droits des homosexuels lorsque les victimes du pays tentent, avec l'aide du Parti réformiste, d'obtenir des droits. C'est totalement embarrassant que les priorités touchent une composante de la société, mais pas l'autre.

Je dédie mon discours aux centaines de milliers, voire de millions, de victimes au Canada aujourd'hui. Plus particulièrement, je voudrais dédier mon discours à Sheena, qui a perdu la vie à cause d'un conducteur en état d'ébriété. Nous n'oublierons jamais les joies qu'elle nous a procurées, et sa famille ne l'oubliera jamais.


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Nombre de gens pensent que les droits des victimes concernent des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants, l'abrogation de l'article 745, la Loi sur la libération conditionnelle, la loi sur les armes à feu ou une foule d'autres lois que compose le dédale des lois pénales au Canada. Ce n'est pas le cas. Ces lois nous aident à distinguer le bien du mal. Ces lois sont censées protéger les gens pour qu'elles ne deviennent pas des victimes. Ce sont ces lois que les victimes voudraient voir changées.

D'autre part, les droits des victimes reflètent la protection dont les victimes ont besoin après la perpétration d'un acte criminel. Ce sont les droits dont les victimes doivent jouir pour garantir la justice et veiller à ce qu'elles ne fassent pas les frais du système.

C'est Keith Kempt, un homme que j'ai rencontré à Mission, en Colombie-Britannique, qui m'a le mieux exposé le problème. Cet homme a perdu son jeune ami quand un individu l'a tiré et l'a tué. Keith m'a dit il n'y a pas si longtemps que les criminels avaient besoin d'une punition, alors que les victimes avaient besoin d'une réadaptation. On ne saurait mieux dire de la part d'une victime.

J'espère que le débat d'aujourd'hui sera constructif. Nous savons qu'un grand nombre de victimes ont été informées de la tenue de ce débat et qu'elles sont à l'écoute en ce moment même. Je demande à ceux et celles qui suivent le débat d'écouter attentivement afin de savoir s'ils arrivent à la même conclusion que nous sur la nécessité d'une déclaration nationale des droits des victimes. Si vous portez attention au contenu et à la sincérité des discours, vous comprendrez pourquoi nous avons besoin d'une telle déclaration. J'exhorte tous les Canadiens à nous écrire. Écrivez à votre député, envoyez-moi vos commentaires à la Chambre des communes. Les victimes ont besoin de notre aide. Elles ont besoin d'une déclaration nationale des droits.

Les provinces sont aussi touchées, car elles auraient à administrer certaines dispositions d'une telle déclaration. Elles ont collaboré avec le gouvernement fédéral à la mise en oeuvre d'une réforme de la négociation de plaidoyers, elles peuvent collaborer aussi dans le cas d'une déclaration des droits des victimes. Ne nous accusons pas mutuellement de faire obstacle à l'adoption d'une telle déclaration, mais collaborons pour en élaborer une.

(1205)

Somerset Maugham a déjà dit: «C'est étrange, mais, dans la vie, lorsque vous n'acceptez que ce qu'il y a de mieux, vous l'obtenez souvent.» Inspirés de cette pensée, travaillons ensemble, et aussi avec les victimes, pour donner à celles-ci ce qu'il y a de mieux.

L'Ontario et la Colombie-Britannique ont récemment tenté d'apporter une solution au problème par voie législative. J'ai examiné les projets de loi et je peux affirmer que ces droits sont, dans une certaine mesure, conditionnels. Ils sont accordés sous réserve, par exemple, des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de la Loi sur l'accès à l'information et des droits des criminels. Je ne crois pas que nous devrions en mesure de dire que les droits des criminels l'emportent sur ceux des victimes. Je crois que les droits des victimes ne devraient être soumis à aucune condition. Il faut plus que des droits conditionnels pour rassurer les victimes. Ces personnes ont besoin de plus de cohérence.

Il existe beaucoup de groupes canadiens de défense des droits des victimes qui appuient notre position et les critères que nous utilisons pour définir les droits des victimes. Ne laissons pas ces groupes se battre seuls. Appuyons-les, appuyons leurs membres et toutes les victimes.

Il y a des groupes comme CAVEAT, CRY, Victimes de violence, Citizens United for Safety and Justice, le Centre de documentation sur les victimes, Fair Justice, Move the Rock et Peace and Justice for Canadians, pour ne nommer que quelques-uns de ceux qui appuient notre initiative.

Je voudrais lire les critères que nous avons adoptés pour définir les droits à inclure dans une déclaration canadienne des droits des victimes et les déposer à la Chambre. Ensuite je vais expliquer chacun des articles afin que les députés libéraux puissent bien comprendre les principes qui sous-tendent cette mesure.

Il est important de donner d'abord une idée de certains des obstacles auxquels nous nous heurtons dans ce pays. Un criminaliste, Me Russ Chamberlain, avocat de la défense, a écrit dans le Vancouver Province que ce que veulent les victimes de crime, c'est oeil pour oeil, dent pour dent. Elles veulent que quelqu'un d'autre règle leurs petits problèmes et espèrent convaincre le jury de rendre un verdict qui appuie leur désir de vengeance personnelle.

La déclaration de la victime n'est qu'un moyen pour la victime de se vider le coeur. Elle ne joue aucun rôle utile dans le processus de justice et devrait être interdite complètement.
Les conséquences du crime sont évidentes pour toute personne intelligente. Il est inutile de laisser les victimes de crime passer leur temps à pleurer devant un jury.
Je demande à toute personne raisonnable et logique de réfléchir à ce qu'a dit ce criminaliste. Je crois sincèrement que les milieux judiciaires voient la victime comme un élément superflu dans le processus. C'est malheureux et c'est ce que nous allons changer ici.

Je veux faire consigner au compte rendu exactement les critères que nous voulons établir, et je vais ensuite expliquer pourquoi. Croyez-le ou non, il n'existe aucune définition de ce qu'est une victime à l'échelle nationale, ni dans beaucoup de provinces. Une victime se définit comme étant quiconque subit, par suite d'une infraction, un préjudice physique, psychologique ou financier, ou tout conjoint, frère, soeur, parent ou enfant de la personne contre qui l'infraction a été perpétrée, ou toute personne ayant une relation équivalente sans qu'il y ait nécessairement un lien de consanguinité. Voilà ce qu'est une victime.

Voyons maintenant ce dont les victimes ont besoin. Les victimes ont le droit d'être informées de leurs droits à chaque étape du processus, notamment de leurs droits concernant l'indemnisation par le contrevenant. Elles doivent également être informées des services auxquels elles peuvent avoir accès. Ce n'est pas trop demander.

Deuxièmement, les victimes ont le droit d'être informées du statut du contrevenant tout au long du processus. Cela comprend, entre autres, des renseignements sur les arrestations, les dates de comparution, les dates de détermination de la peine, les possibilités de libération conditionnelle du détenu, y compris l'endroit où il sera


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libéré, les conditions de sa libération, les dates et ainsi de suite. Tous ces renseignements doivent être communiqués aux victimes sur demande.

Troisièmement, les victimes ont le droit de choisir entre faire une déclaration orale ou écrite avant la détermination de la peine ainsi que lors des audiences de libération conditionnelle et des examens judiciaires.

(1210)

Quatrièmement, les victimes ont le droit d'être informées à temps et avant la défense des détails de la négociation de plaidoyer que la couronne a l'intention de proposer. Ce n'est pas trop demander.

Cinquièmement, les victimes ont le droit de savoir pourquoi la couronne ou la police décide, le cas échéant, de ne pas porter d'accusation.

Sixièmement, les victimes ont le droit d'être protégées contre toute personne qui les intimide, les harcèle ou empiète sur leurs droits.

Septièmement, les victimes ont le droit de savoir que la police va donner suite à des accusations de violence conjugale. Une fois qu'une victime a porté plainte, la police devrait pouvoir y donner suite jusqu'au bout.

Huitièmement, et finalement, les victimes ont le droit de savoir si une personne reconnue coupable d'agression sexuelle est atteinte d'une maladie transmissible sexuellement.

Aucune de ces exigences ne me semble poser de problème. J'ai travaillé auprès de nombreuses victimes depuis que j'ai été élu et je me suis rendu compte qu'elles ne demandent, en fin de compte, que de l'équité, c'est-à-dire des mesures raisonnables qui leur permettent de sentir qu'elles ont autant de droits que les criminels.

Je voudrais revenir un peu en arrière et expliquer la raison d'être de certaines de ces mesures. Pourquoi donnons-nous une définition de la victime? Peu après la mort de Sian Simmonds, une jeune fille de ma circonscription, je me trouvais en compagnie de son père, Chris, dans la salle de séjour de sa résidence. Sue, la mère de Sian, a traversé une période très éprouvante après la mort de sa fille. Les deux parents ressentaient à la fois de la rage et de la tristesse de voir que Sue ne pouvait bénéficier d'aucun service de counseling pour l'aider. Pourquoi? Parce que Sue n'était pas, officiellement parlant, la victime.

Si la mère d'une jeune fille assassinée n'est pas une victime, qui l'est? La personne décédée n'est plus une victime, mais les parents qui lui survivent le sont. Nous devons définir ce qu'est une victime.

Les victimes ont le droit d'être informées à toutes les étapes des procédures. Fait intéressant, il y a deux semaines, un vendredi, je me suis rendu à une audience de détermination de peine dans ma circonscription. Mme Tami McKenzie, la mère de la victime, y était. Je lui ai demandé si elle allait tenter d'obtenir que la déclaration de la victime soit lue pour les fins du compte rendu, au lieu d'être lue par le juge et versée dans le dossier.

Elle ne savait même pas ce qu'était une déclaration de la victime. J'ai dû lui expliquer. Je n'aurais pas dû avoir à le faire. Beaucoup de Canadiens ignorent en quoi consistent une déclaration de la victime ou quelque autre procédure que ce soit. Nous devons avoir la volonté d'informer les victimes de leurs droits et créer le mécanisme voulu pour le faire.

Un soir où je regardais l'émission «To Serve and Protect» à la télévision, j'ai vu la GRC lire ses droits au criminel alors que la femme qu'il venait de frapper gisait en pleurs dans la rue, les mains en sang. La GRC ne faisait pas attention à elle et elle n'a probablement jamais su quels étaient ses droits. Où va-t-elle aller? Qui va porter plainte? Va-t-elle se pourvoir en justice? Dans ce cas, va-t-elle avoir de l'aide? Pas dans ce pays. Il faut que ça change.

Les victimes devraient avoir le droit d'être constamment informées de ce qui arrive au délinquant. Toujours dans ma circonscription, une femme qui était séparée de son mari l'a vu un soir réapparaître à la maison. Après avoir répandu de l'essence dans toute la maison, il y a mis le feu. Ils ont réchappés des flammes. Il a été condamné à quelque chose comme un an de prison. Sa femme a expressément demandé que, s'il était libéré, on lui fasse savoir et qu'on l'informe également de la date de sa libération, des conditions de sa libération, et de l'endroit où il allait habiter après sa libération. Que s'est-il passé? Personne ne l'a informée de quoi que ce soit. Elle a reçu un appel téléphonique. Il était sorti de prison. Le cauchemar a recommencé.

Ce n'est pas un cas isolé. On voit ça tout le temps dans ce pays. Je suis heureux de voir que le ministre de la Justice m'écoute avec beaucoup d'attention. Beaucoup de victimes suivent aujourd'hui le débat que nous avons à la Chambre des communes. J'espère sincèrement que nous trouverons des solutions.

Les victimes devraient avoir le droit de faire des déclarations orales ou écrites. Seulement, comme je l'ai dit plus tôt, cela pose des problèmes à la poursuite comme à la défense. La raison en est principalement que le crime est perpétré contre la Couronne et non contre la victime. Dans ce cas, la victime est considérée comme secondaire, une situation difficile pour les avocats. Ce n'est pas normal.

(1215)

Les victimes devraient avoir le droit d'être informées en temps opportun des détails des intentions de la poursuite de négocier un plaidoyer. J'aimerais avoir plus de temps pour parler à la Chambre d'Allen et de Debbie Wayne, dans ma circonscription. Un jeune, qui était sous le coup d'une interdiction de conduire, a volé une quatre roues motrices et est allé percuter la voiture du fils d'Allen qui a eu les deux jambes, le bras et le bassin fracturés, la tête fracassée et qui n'a guère de chance de s'en sortir. En fait, sa mère, Debbie, m'a dit, il y a plusieurs semaines, qu'on devait lui amputer la jambe. Les parents ont expressément demandé que la poursuite ne négocie pas de plaidoyer. Ils ont demandé qu'en cas de négociation, on leur fasse savoir si on proposait une réduction de la peine.

Le contrevenant faisait face à huit chefs d'accusation. C'est moi, et personne d'autre, qui leur a appris que les huit chefs d'accusation avaient été ramenés à trois accusations mineures. Le gars s'en tire bien, mais cela n'en fait pas un gentil garçon. On lui interdisait déjà de conduire. Qu'a-t-il reçu? Quinze mois de garde en milieu ouvert, je crois, c'est-à-dire qu'il peut rentrer chez lui; une journée purgée


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concurremment pour avoir conduit sans permis et retrait du permis de conduire pour quelque chose comme trois ans, ce qui était déjà le cas au moment de l'infraction. Je ne pourrais trouver les mots pour dire à la Chambre à quel point les victimes sont renversées et atterrées par une telle situation. Aujourd'hui, Allen et Debbie Wayne sont en colère, et je ne les blâme pas.

Les victimes ont le droit de savoir pourquoi les accusations ne sont pas portées. Est-ce une décision du ministère public ou de la police? N'y a-t-il pas de solution sensée à des situations comme celle-là? Ma propre secrétaire, à mon bureau de circonscription, s'est fait cambrioler trois fois, l'an dernier, par les mêmes personnes. Aucune accusation n'a été portée. Je me suis occupé de l'affaire, j'ai fait des pieds et des mains, mais j'ai découvert qu'on n'allait porter aucune accusation. Pourquoi? Parce qu'on cherche à coincer ces criminels pour une affaire de drogues. Ma secrétaire n'a jamais obtenu qu'on porte des accusations contre ces gens.

Les victimes ont le droit d'être protégées contre quiconque les intimide, les harcèle ou viole leurs droits? Pourquoi pas? Le ministre de la Justice peut bien dire que tout est prévu dans la Charte des droits et libertés à cet égard, ce n'est pas vrai. Il faut insister là-dessus.

Dans ma circonscription, Joan a été agressée sexuellement sous la menace d'une arme. On a attrapé le coupable. On a trouvé qui il était; il a été accusé et incarcéré. Depuis, il lui écrit. Joan a 65 ans. Cet homme lui écrit des lettres à partir de l'établissement de détention provisoire de Vancouver. Il lui téléphone et communique avec elle par tous les moyens. Nous devons faire plus pour remédier à ce genre de situation.

Il faut que la police donne suite aux accusations de violence familiale. Il suffit de regarder ce qui s'est passé à Vernon. L'une des victimes est allée se plaindre à la police que son conjoint la guettait et qu'il allait s'en prendre à elle, mais elle a demandé qu'on ne fasse rien à ce sujet, parce qu'elle avait peur d'être tuée s'il s'en apercevait. La police n'a donc rien fait. Tout ce qu'elle avait à faire, c'était continuer son enquête et elle se serait aperçue que le type avait acheté et enregistré des armes à feu.

Enfin, nous devrions savoir si une personne reconnue coupable d'un délit sexuel est atteinte d'une maladie transmissible sexuellement. J'ai beaucoup à dire sur Jose Mendoza, ce que j'ai déjà fait. Tasha, qu'il a violée, pas agressée sexuellement, violée, n'a pas pu savoir s'il était atteint d'une maladie transmise sexuellement. Pourquoi? Parce qu'il voulait que personne ne le sache. Il ne voulait pas que Tasha, ou qui que ce soit d'autre, le sache. Ça ne regardait personne d'autre que lui.

Il vaut mieux bien agir que bien parler. Nous devons faire ce pourquoi nous avons été envoyés ici. C'est une question qui intéresse tous les partis. J'espère bien sincèrement que les libéraux et, en particulier, le ministre de la Justice vont y réfléchir. Qu'ils permettent que la motion se rende au Comité de la justice pour qu'il l'étudie et qu'en coopération avec les procureurs généraux de ce pays, il décide comment améliorer un système qui en a bien besoin.

Les gens comme Darleen Boyd, Chris et Sue Simmonds, Corinne et Ron Shaeffer, Chuck et Donna Cadman, Dawn et Bill Bakeburg, tous des gens avec qui j'ai travaillé, Debbie et Dan Mahaffy-Debbie est ici aujourd'hui-Gail et Terry Smith, Paul et Marilyn Cameron et des millions d'autres Canadiens espèrent tous que nous aurons bientôt une déclaration des droits des victimes. On peut s'y mettre dès aujourd'hui, dès 18 h 30. Laissons de côté pour aujourd'hui la question des droits des homosexuels et penchons-nous plutôt sur les droits des victimes. Essayons véritablement de faire quelque chose de positif dans ce pays.

(1220)

J'aimerais terminer sur une citation de Robert F. Kennedy qui a dit: «Certains voient les choses comme elles sont et se demandent pourquoi il en est ainsi. Je rêve de choses qui n'ont jamais existé et je me dis pourquoi pas.» Pour moi, cela résume parfaitement la question. Ce n'est pas impossible. Nous n'avons pas besoin d'excuses. Il n'y a pas besoin de dire que les réformistes ont voté contre le projet de loi C-68 ou n'importe quel autre projet de loi. Ce sont des mesures législatives relatives à la justice criminelle. Nous devons prendre un engagement aujourd'hui.

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, le gouvernement, le ministre et tous les députés à la Chambre désirent fermement faire tout ce qu'ils peuvent pour venir en aide aux victimes de crimes. Nous avons proposé diverses mesures législatives à cette fin.

Je me demande, alors que tant de groupes de défense des droits des victimes appuient la loi sur le contrôle des armes à feu, pourquoi le Parti réformiste a voté contre cette mesure.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Madame la Présidente, je savais que ce serait l'approche adoptée aujourd'hui.

Que les gens peuvent être obtus. Je viens de dire qu'il existe, dans ce pays, un droit criminel qui différencie le bien du mal. Les gens ont besoin d'une déclaration des droits des victimes lorsqu'ils sont victimes d'un crime.

Nous considérons que le projet de loi C-68 était très lacunaire. Nous cherchions des moyens de combattre la criminalité. Ce projet de loi comportait de graves lacunes, mais là n'est pas la question. Voilà justement ce que j'essaie de dire. Il faudra discuter toute la journée pour faire valoir ce point, car je crois que ces députés libéraux ne comprennent pas ce que nous disons. Nous allons donc tenter de maintenir le débat à ce niveau plus clair si nous le pouvons.

Nous avons voté contre le projet de loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants. Pourquoi? Parce qu'il n'allait pas assez loin. Le gouvernement le sait très bien. Et, sur le plan de la criminalité, les jeunes contrevenants représentent encore un problème très important au pays. Cela ne signifie pas que nous ne voulons pas défendre les droits des victimes. Pas du tout. En fait, nous ne pouvons pas élaborer une Loi sur les jeunes contrevenants ou une loi sur le contrôle des armes à feu et dire que nous le faisons pour les victimes. À moins que le député n'ait pas entendu ce que je viens tout juste de lire, il doit reconnaître que ces lois n'ont rien à voir avec les victimes.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais commencer par féliciter le député de Fraser Valley-Ouest et ses collègues de


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profiter d'une journée d'opposition pour présenter cette résolution à la Chambre des communes. Cela nous donne l'occasion de considérer la situation de gens qui, trop souvent, sont négligés par le système de justice criminelle.

Jusqu'à tout récemment, les victimes étaient les orphelines du système judiciaire. Bien que des mesures aient été prises et que des progrès aient été réalisés ces dernières années, ils sont encore insuffisants. Il reste beaucoup à faire.

Pendant les deux ans et demi où j'ai eu le privilège de servir le gouvernement et le public en ma capacité actuelle, j'ai tenté, chaque fois que j'en avais la possibilité, de rencontrer ceux dont la vie avait été touchée par le crime. En général, il s'agissait de membres de la famille de personnes qui avaient été assassinées.

(1225)

J'ai trouvé ces rencontres très difficiles, en raison de l'émotion intense. Souvent, les questions qu'on me pose n'ont pas de réponses simples. En fin de compte, il n'y a rien que l'on puisse faire-que l'on soit ministre, député, agent de police, juge, ami ou même être cher-qui puisse remplacer de façon satisfaisante la personne disparue en raison de l'acte criminel.

J'ai participé à ces rencontres parce que je pense tout d'abord que c'est une partie importante de mon travail. Il est important que les personnes qui ont connu une telle tragédie aient la possibilité de parler directement à celui qui a la responsabilité du système de justice criminelle du Canada et de lui faire part de leur expérience et leur perspective. J'ai eu ces rencontres afin d'en apprendre quelque chose. Ma vision, ma compréhension, ma perspective des questions de justice criminelle s'est trouvée enrichie et élargie par ce que j'ai appris de ces rencontres avec des Canadiens qui avaient une expérience directe, personnelle et tragique du système de justice criminelle.

Je dois dire, tout d'abord, que je ne pense pas que qui que ce soit puisse prétendre que le système de justice criminelle devrait être organisé pour les victimes seulement. Leur perspective est essentielle et importante. Il y a beaucoup que nous pouvons faire pour améliorer le système en ce qui les concerne.

Toutefois, la victime n'est pas le seul participant ni le seul intéressé au système de justice criminelle. Il y a le public qui a le droit de voir que le système est juste et équilibré et fonctionne pour son bien. Il y a la police qui doit continuer à patrouiller les rues et à prendre le risque de faire appliquer la loi et d'aider l'instruction. Il y a ensuite le délinquant. Un des principes de la détermination des peines, en droit criminel, c'est que nous devons tenter la réhabilitation lorsque c'est possible. La forme de protection du public la plus sûre et la plus efficace qui soit, c'est encore de réadapter le contrevenant afin qu'il puisse réintégrer la société sans risque de récidive.

Le point de vue de la victime n'est pas le seul aspect à considérer lorsqu'il s'agit de concevoir un système de justice pénale, mais c'en est un très important. Je l'ai dit et je le répète, il arrive trop souvent que l'on reste insensible aux besoins et à la situation de la victime.

Je n'aime pas énumérer les mesures législatives adoptées, comme s'il s'agissait d'autant de solutions simples à un problème complexe. Je ne prétends pas que nous avons fait tout ce qu'il fallait faire ou que nous avons amélioré suffisamment le système de justice pénale au cours des deux années et demie qui viennent de s'écouler. Néanmoins, je trouve que l'on n'aurait pas fait le tour de la question si l'on n'avait pas souligné les efforts que notre gouvernement a accomplis en faveur des victimes.

[Français]

Par exemple, nous avons modifié la Loi sur les jeunes contrevenants avec le projet de loi C-37 en ajoutant, pour la première fois, le recours pour les victimes dans le processus de description de leur expérience. Les déclarations par les victimes, pour la première fois, ont été ajoutées par le projet de loi C-37.

Avec le projet de loi C-41, nous avons modifié l'article 745 pour assurer que les victimes participent au processus d'application des modifications en ce qui a trait à la libération conditionnelle, et nous avons modifié le Code criminel en ce qui concerne le rôle de la victime dans le processus.

Avec le projet de loi C-41, nous avons également ajouté des articles concernant la restitution pour que les victimes aient l'occasion de recouvrir la propriété d'un bien ou de l'argent, en restitution, du délinquant.

[Traduction]

Grâce au projet de loi C-42, il sera plus facile pour les victimes de violence familiale d'obtenir des ordonnances restrictives ou des ordonnances de bonne conduite, ce qui aura pour effet de tenir l'abuseur à l'écart et de faire en sorte que le plus souvent ce sera la victime, et non pas l'abuseur, qui sera autorisée à occuper le foyer conjugal.

(1230)

[Français]

Dans le projet de loi C-68 concernant un contrôle plus strict des armes à feu, nous avons modifié la loi pour y ajouter les peines obligatoires et minimales de quatre ans de prison pour quelqu'un ayant utilisé une arme à feu dans la commission de dix crimes inclus dans le Code criminel.

Dans le projet de loi C-72, nous avons agi pour faire face à la défense, dans la loi criminelle, de l'ivresse volontaire. Nous avons clairement dit que l'ivresse volontaire ne serait pas une réponse pour quelqu'un qui est accusé de crime avec violence contre autrui et nous avons changé la loi après une décision de la Cour suprême du Canada à cet égard.

Dans le projet de loi C-104, nous avons ajouté des articles pour que les corps policiers puissent, avec la permission de la cour, prélever des échantillons d'ADN.

[Traduction]

Les dispositions du Code criminel relatives aux échantillons d'ADN accordent expressément, pour la toute première fois, aux


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agents de police le pouvoir de demander aux tribunaux un mandat leur permettant de prélever des échantillons de substance corporelle pour analyse génétique, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir le consentement du contrevenant, une mesure qui, rappelons-le, a également été appuyée par mes collègues d'en face.

Nous avons également saisi le Parlement de mesures visant à rendre les peines plus sévère dans les cas de harcèlement criminel, surtout s'il y a eu meurtre, de mesures de nature à protéger les enfants contre cette forme de victimisation qu'est la prostitution juvénile et à punir plus sévèrement les souteneurs, ainsi que des mesures qui feront en sorte qu'il sera désormais plus facile pour les enfants de témoigner contre leurs souteneurs quand ceux-ci sont mis en accusation.

De plus, dans les semaines à venir nous allions présenter, en collaboration avec le solliciteur général, des mesures qui vont modifier davantage le droit pénal dans le but de trouver une meilleure solution pour les délinquants qui sont condamnés à des peines d'emprisonnement déterminées mais qui, on le sait, ont de fortes chances de commettre à nouveau des crimes violents une fois libérés. On va soumettre à la Chambre des modifications concrètes au Code criminel pour qu'on puisse superviser ces personnes pour des périodes allant jusqu'à dix ans après leur libération de prison.

Je sais que le député de Fraser Valley-Ouest sait que la façon dont le système de justice pénale fonctionne en général et plus particulièrement, la façon dont il traite les intérêts des victimes, est une responsabilité que se partagent les gouvernements fédéral et provinciaux. Je ne dis pas cela pour éviter la responsabilité que nous avons au niveau fédéral, et que j'accepte, mais c'est le gouvernement provincial et non le gouvernement fédéral qui décide de l'administration du droit pénal, de l'organisation des tribunaux, de la façon dont les poursuites sont menées et des normes que les procureurs de la Couronne suivent. Ainsi, c'est vraiment une responsabilité partagée que nous devons assumer ensemble.

Je pose alors la question suivante: Que pouvons-nous faire, de notre côté, pour encourager et faciliter la réalisation des objectifs que nous partageons? Je peux dire à la Chambre que ce n'est pas la première fois qu'on soulève la question du traitement des victimes dans le système par les deux ordres de gouvernement.

Comme la Chambre le sait peut-être, chaque année, le procureur général fédéral et ses homologues provinciaux et territoriaux se réunissent pour discuter de questions qui intéressent tous les ordres de gouvernement. La réunion de cette année doit avoir lieu à Ottawa, dans environ deux semaines. À ma demande, on a mis à l'ordre du jour de la réunion la question des victimes, de leur place et de la façon dont on les traite dans le système de justice pénale.

J'ai l'intention de soumettre à mes collègues provinciaux et territoriaux une proposition réaffirmant les principes fondamentaux qui doivent guider le traitement des victimes dans le système.

En 1988, dans le cadre d'une réunion de ce genre, les procureurs généraux fédéral et provinciaux ont souscrit à une déclaration de principe au sujet de la façon de traiter les victimes. Je voudrais en lire un extrait si vous le permettez. Elle rejoint à bien des égards les principes qui figurent dans la déclaration qu'a lue le député de Fraser Valley-Ouest.

(1235)

En 1988, les ministres ont adopté cette déclaration:

En reconnaissance de la déclaration des Nations Unies au sujet des principes fondamentaux de justice à l'endroit des victimes de crime, les ministres fédéraux et provinciaux responsables de la justice pénale conviennent que les principes ci-après devraient guider la société canadienne pour promouvoir l'accès à la justice, un traitement équitable et l'offre d'une aide aux victimes de crime .
1. Les victimes devraient être traitées avec courtoisie, compassion et dans le respect de leur dignité et de leur vie privée, et devraient souffrir le moins possible des inconvénients que nécessite leur participation au système de justice pénale.
2. Les victimes devraient obtenir, au moyen de procédures officielles et officieuses, une réparation rapide et équitable des torts qu'elles ont subis.
[Français]

3. Les victimes devraient être informées de la réparation qu'elles peuvent obtenir et des mesures à prendre à cette fin.
4. Les victimes devraient être informées du rôle qu'elles joueront dans le cadre du procès, de la date des audiences, du déroulement de l'affaire et de la décision finale du tribunal.
5. On devrait déterminer quelles sont les opinions et les préoccupations des victimes et leur fournir l'aide dont elles ont besoin pendant tout le procès.
6. Lorsque les intérêts personnels de la victime sont en cause, ses opinions et ses préoccupations devraient être portées à l'attention du tribunal si les règles de droit et de procédure en matière pénale le permettent.
7. On devrait, au besoin, prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des victimes et de leurs familles et les protéger contre les menaces et les représailles.
[Traduction]

8. Une formation améliorée devrait être offerte aux employés de la justice pénale pour les sensibiliser aux besoins et aux préoccupations des victimes et, le cas échéant, il faudrait élaborer des lignes directrices à ces fins.
9. Les victimes devraient être informées de l'accessibilité de services de santé et de services sociaux et d'autres sources d'aide pertinentes pour qu'elles puissent continuer de recevoir l'aide médicale, psychologique et sociale nécessaire qui est offerte dans les programmes et les services existants.
10. Les victimes devraient signaler le crime et collaborer avec les autorités chargées de l'application de la loi.
Voilà la déclaration des principes fondamentaux que les ministres ont adoptée il y a huit ans. J'ai l'intention de la soumettre de nouveau aux ministres le mois prochain et de les inviter à réaffirmer ces principes parce que, selon mon jugement et mon expérience, même s'il est facile d'adopter ces principes fort louables, il en va tout autrement de les faire appliquer dans la vie courante par les tribunaux.


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On néglige trop souvent de consulter la victime sur la remise d'un procès. Il arrive trop souvent qu'on ne respecte pas suffisamment le point de vue de la victime en ce qui concerne la peine et que, dès que l'affaire est classée et que le contrevenant a commencé à purger sa peine, on oublie la victime. Il n'y a aucun suivi, aucun service, aucun effort pour informer la victime des recours qui sont à sa disposition.

Je profiterai de la réunion du mois prochain pour rappeler à mes collègues les engagements pris il y a huit ans et pour les inviter à prendre des mesures concrètes afin de mettre en application ces principes et trouver moyen de les améliorer.

Je promets au député de Fraser Valley-Ouest qu'en vue de la réunion avec mes collègues, j'examinerai la déclaration des principes qu'il a citée ce matin et je verrai quelle partie pourrait être ajoutée au document dont j'ai lu un extrait afin de l'améliorer et d'élargir sa portée.

La motion dont nous sommes saisis aujourd'hui nous donne l'occasion de débattre un sujet important. C'est une excellent façon d'utiliser le temps de la Chambre. Je partage l'inquiétude que le député a exprimée. Je ne suis peut-être pas entièrement d'accord avec tous les moyens qui, selon lui, nous permettraient d'atteindre les objectifs, mais ce sont des objectifs que nous acceptons.

Je conviens aussi que nous avons un bout de chemin à faire pour que le système de justice pénale serve les intérêts des victimes comme il devrait le faire, mais je sais et je rappelle que ce n'est pas le seul objectif auquel il faut penser.

(1240)

Je voudrais dire au député de Fraser Valley-Ouest que nous serons heureux d'appuyer sa motion et de charger le Comité de la justice de se pencher sur cette question. Je ferai rapport au comité de toute question pouvant être soulevée au cours de mes réunions avec mes homologues des provinces et des territoires, afin qu'ensemble, dans un esprit de collaboration, et non de parti, nous nous efforcions d'améliorer la situation aussi bien que le système de justice pénale.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, ce que j'ai entendu me paraît encourageant. Je crois, d'après ce que j'ai entendu, que nous assisterons ce soir à un vote positif de la part des libéraux afin de saisir un comité de cette question et lui confier la tâche d'élaborer une déclaration nationale des droits des victimes. C'est bien. C'est dans cette direction que portent nos efforts et c'est ce que nous demandons.

Je sais que le ministre rencontre beaucoup de victimes. Je viens, je le suppose, de la vieille école selon laquelle il vaut mieux bien agir que bien parler, que voir c'est croire, et ainsi de suite.

Le ministre a lu une déclaration de principes de 1988. Bien qu'ils puissent faire l'objet d'une telle déclaration, ces principes ne sont pas mis en pratique aujourd'hui au Canada. Voilà ce que nous tâchons de faire comprendre. Voilà pourquoi nous empruntons ce moyen pour faire en sorte qu'ils soient mis en pratique. Je pourrais évoquer une longue liste de cas pour illustrer ce que je viens de dire.

Le ministre parle des projets de loi C-68 et C-69 de le l'article 745. Il s'agit d'une autre question dont nous discuterons plus tard. Nous parlons plus précisément aujourd'hui de choses aussi simples que de faire connaître leurs droits aux victimes. Ce n'est sûrement pas une déclaration de principes de 1988 adoptée aux Nations Unies ni ailleurs dans le monde qui le prescrit, mais bien le simple bon sens. Ce n'est pas une chose difficile à faire aujourd'hui.

Puisque les libéraux ont laissé entendre qu'ils allaient voter en faveur de la motion ce soir, nous allons poursuivre obstinément ces questions jusqu'au bout. Il ne suffit plus aujourd'hui de dire que nous ferons une chose. Il faut le faire.

Je voudrais demander encore une fois au ministre de confirmer qu'il votera pour la motion, et en fait que le gouvernement libéral votera en faveur de la motion ce soir. Si c'est bien le cas, nous pouvons maintenant discuter de la façon dont on peut mettre en pratique cette déclarations de principes en huit points, de même que de la définition de la victime. Le ministre parle beaucoup des lois, des victimes et le reste, mais comme on n'a même pas défini ce qu'est une victime, nous ne savons pas de quoi nous parlons. Qu'est-ce qu'une victime? Je voudrais obtenir du ministre la confirmation que le gouvernement libéral votera ce soir en faveur de la motion.

M. Rock: Madame la Présidente, permettez-moi de préciser ma position. Je vais appuyer cette résolution ce soir. Je crois qu'elle fera l'objet d'un vote libre pour les députés de ce côté-ci de la Chambre.

M. Benoit: Vous le croyez? Bien, très bien.

M. Rock: C'est la pratique ou la coutume de ce côté-ci de la Chambre d'inviter les députés à voter comme bon leur semble. Je n'ai pas de mal à appuyer ce genre de résolution dans ce domaine, qu'elle prenne la forme d'une résolution comme telle ou d'un projet de loi d'initiative parlementaire.

À mon avis, il n'est pas inutile dans le cadre du présent débat de rappeler les autres mesures législatives que nous avons présentées. Je ne prétends que cela soit suffisant, mais je ne crois pas non plus que le débat serait complet si nous ne les mentionnions pas.

Le projet de loi C-37 modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants permettait pour la première fois aux victimes de faire une déclaration ce qui est tout à fait remarquable. Je suis convaincu que les députés sont d'accord avec cette proposition.

Dans le projet de loi C-41, l'article 745 du Code criminel a été modifié de façon à permettre aux victimes de participer aux audiences. Cette décision découlait directement d'une discussion que j'ai eue avec Marie King Forrest dont le mari, un agent de la Gendarmerie royale du Canada, en poste en Saskatchewan, a été assassiné. Le contrevenant avait fait une demande aux termes de l'article 745 et cette dame ne pouvait participer au processus. Par conséquent, j'ai déposé le projet de loi C-41 afin d'ajouter à l'article 745 du Code criminel une disposition précise où l'on mentionne qu'il faut tenir compte du point de vue des victimes lorsqu'une demande aux termes de l'article 745 est présentée.


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(1245)

Dans l'affaire Daviault portée devant la Cour suprême du Canada, il était question d'intoxication volontaire et d'une agression sexuelle. Il y avait une victime. Étant donné la nature de la cause et le principe que nous nous devions de défendre, nous avons présenté le projet de loi C-72 pour bien préciser que l'intoxication volontaire ne devrait et ne pouvait pas être invoquée dans les circonstances. Il fallait penser à la victime.

Pour ce qui est du projet de loi C-104 sur l'analyse génétique, je me rappelle que M. Manning s'était présenté sur la colline du Parlement il y a un an et nous avait décrit en termes très éloquents l'incident dont il a été victime. Lui et d'autres victimes auront profité de ce projet de loi.

Contrairement au député, je ne crois pas que ces mesures législatives doivent être écartées du débat, puisqu'elles contribuent grandement à défendre la cause de la justice, y compris la présentation du point de vue des victimes, et qu'elles illustrent fort bien l'importance que le gouvernement accorde à cette cause.

Le député dénonce, et ce, à juste titre, les nombreuses façons dont le système actuel est injuste envers les victimes, mais bon nombre des problèmes qu'il mentionne sont liés à l'administration et relèvent, par conséquent, des provinces. En cette période d'austérité, toutes les provinces du Canada sont appelées à réduire leurs dépenses. Des procureurs de la Couronne se retrouvent sans emploi et le personnel des tribunaux de même que les services sont réduits.

Si nous voulons respecter l'énoncé de principes adopté il y a huit ans, nous devrons le faire avec des moyens réduits. Je tiens à préciser à mes collègues d'en face et à tous les députés que c'est un aspect très important du défi que nous avons à relever. Que nous ayons les ressources nécessaires pour fournir le genre de services requis au niveau fédéral ou provincial, cela demeurera un défi. Il faudra accorder la priorité à ces initiatives et réaffecter les sommes réservées à l'origine à d'autres fins. À mon avis, la mesure s'impose.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Madame la Présidente, je félicite le ministre de la Justice pour les belles paroles et les magnifiques propos avec lesquels il a décrit les victimes et a appuyé aujourd'hui la motion de mon collègue.

Ce qui m'ennuie chez le gouvernement libéral, c'est qu'il y a un abîme entre ce qu'il dit et ce qu'il fait. En effet, il donne l'impression à la population canadienne qu'il fait quelque chose de bien alors que, dans les faits, il ne va pas assez loin ni ne s'attaque directement au problème.

J'aime bien sa façon de voir les victimes comme les orphelins du système judiciaire. Puis il réaffirme sa foi dans les principes de base concernant les victimes et cite une liste vieille de huit ans. Il explique comment il va recommander à nouveau cette liste aux ministres provinciaux de la justice.

Ce qui m'ennuie, c'est que ces principes n'ont pas force de loi. Ce qu'il nous faut, c'est une loi. La motion que mon collègue propose aujourd'hui constitue une étape dans la modification de la loi en vue de protéger les victimes. Tel est l'appui que nous recherchons.

Je voudrais savoir si, dans ses rencontres avec ses homologues provinciaux, le ministre de la Justice amènera ceux-ci à modifier la législation de notre pays en les convaincant d'appuyer par des lois provinciales la loi fédérale qu'il présentera afin d'établir une déclaration des droits des victimes.

M. Rock: Madame la Présidente, le problème avec les principes de 1988, ce n'est pas leur âge, mais la mesure dans laquelle on peut les appliquer. Nous parlons aujourd'hui de principes et non d'une loi précise.

Des mesures concrètes ont été prises à partir de 1988. Après que ces principes eurent été adoptés, le Code criminel a été modifié de telle sorte qu'on puisse reconnaître et rendre leurs biens aux victimes d'un vol, qu'on interdise la publication de l'identité de certaines victimes, qu'on se serve des déclarations des victimes, qu'on prévoie une suramende compensatoire et des dispositions relatives au dédommagement. Des mesures ont donc été prises à partir de 1988.

On s'entend en général aujourd'hui pour dire que ce sont de bons principes. Ils peuvent même être améliorés comme le propose le député de Fraser Valley-Ouest. Nous allons examiner la question, mais on peut dire qu'on ne s'est pas suffisamment efforcé de respecter et d'appliquer ces principes.

(1250)

J'ai fait allusion à un projet de loi que nous avons présenté. Il ne fait aucun doute que nous pouvons et voulons faire plus. Ce qui importe, c'est de donner vie à ces principes en rédigeant et en administrant la loi en conséquence. Nous nous entendons là-dessus.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Madame la Présidente, le Parti réformiste présente aujourd'hui une motion exhortant le gouvernement de charger le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de procéder à la rédaction d'une charte des droits des victimes, parce qu'il s'agit vraiment d'une charte, ce qu'on nous demande aujourd'hui.

J'aimerais tout d'abord soumettre qu'il s'agit d'une question qui relève principalement de la compétence provinciale. Il faut être très clair là-dessus, et je vais l'expliciter.

Le Québec s'est doté d'une loi, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui a été sanctionnée le 13 décembre 1993. Cette loi a remplacé la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels.

Cette loi prévoit, pour la victime d'un acte criminel, le versement de diverses indemnités telles qu'une indemnité de remplacement du revenu, une indemnité pour retard scolaire, une indemnité pour perte d'intégrité physique ou psychique, une indemnité de décès, une indemnité pour l'entretien de l'enfant né par suite d'une infraction criminelle à caractère sexuel. Cette loi prévoit aussi le remboursement de certains frais d'aide personnelle et de réadaptation.


2049

Enfin, cette loi prévoit le support administratif requis pour la mise en application de cette loi.

Un bureau d'aide et un fonds d'aide ont été créés. Grâce à ce fonds d'aide, des centres d'aide ont été mis sur pied dans les différents districts afin de réconforter les victimes et de les soutenir tout au long du processus judiciaire. C'est la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui a reçu le mandat d'administrer cette loi. Cette Commission dispose de bureaux régionaux.

Par ailleurs, le Parti réformiste nous propose aujourd'hui d'entreprendre des consultations avec les provinces afin d'en arriver à une norme nationale concernant cette fameuse charte des droits des victimes. C'est une proposition inacceptable, puisque cette matière relève principalement des gouvernements provinciaux.

Tout d'abord, mentionnons qu'une norme nationale ne peut être dégagée que dans une matière relevant de la juridiction exclusive du gouvernement central, tel que le sont la défense, la faillite et l'insolvabilité, le divorce, le service postal, l'assurance-chômage, les Indiens, le Code criminel, le droit criminel, les banques et les poids et mesures.

En dehors des sujets explicitement énumérés à l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique que je viens de citer, toute intervention de cette Chambre est sujette à recevoir une opposition des provinces, à moins que le champ soit libre ou inoccupé, ou à moins que la législation proposée soit accessoire à une législation dans un domaine énuméré à l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867.

Il est loisible à cette Chambre de décréter toutes les dispositions accessoires ou auxiliaires nécessaires pour rendre sa législation efficace et complète. Cette Chambre ne peut légiférer sur les droits des victimes que de façon accessoire, c'est-à-dire à l'occasion d'une législation dans un domaine de compétence expressément mentionné à l'article 91.

(1255)

Sommes-nous en présence d'une question d'intérêt national? Sûrement pas. Cependant, le gouvernement fédéral peut intervenir et le fait à l'intérieur de ces champs de compétence. Ainsi, le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel contiennent des dispositions qui visent directement les victimes d'actes criminels.

Le Code criminel prévoit, notamment, que les procès et les enquêtes préliminaires peuvent être tenus à huis clos, qu'une ordonnance de non-publication peut être émise par le tribunal afin de protéger l'anonymat des témoins dans des procédures relatives à des infractions d'ordre sexuel ou encore dans lesquelles est alléguée l'utilisation, la tentative ou la menace de violence.

D'autres dispositions visent à permettre l'emploi d'un enregistrement magnétoscopique afin de tenir lieu du témoignage d'un témoin ou encore à permettre certains témoignages à l'extérieur de l'enceinte du tribunal afin d'éviter au témoin d'être en présence de l'accusé.

Ces dispositions font d'ailleurs l'objet de deux projets de loi qui ont été récemment déposés en Chambre, c'est-à-dire le projet de loi C-27 et le projet de loi C-217 que j'ai moi-même déposé dans cette Chambre. Ces deux projets de loi, s'ils sont adoptés, faciliteront encore davantage le témoignage des victimes d'actes criminels.

Le Code criminel prévoit en plus qu'un tribunal peut, sur demande d'une personne lésée, lors de l'infliction de la peine, ordonner que l'accusé paie à cette victime un montant en réparation ou dédommagement pour la perte de biens ou le dommage à des biens qu'a subi cette personne suite à la commission de l'infraction.

La Loi sur le système correctionnel prévoit qu'une victime peut fournir des renseignements qui permettront à la Commission des libérations conditionnelles de déterminer s'il y aura une libération octroyée au détenu et à quelles conditions. De plus, la Commission ou le Service correctionnel doivent, à la demande de la victime, lui communiquer certains renseignements, par exemple, la date du début de la peine, la durée de la peine, les dates auxquelles le détenu devient admissible aux permissions de sortir sans surveillance et à la libération conditionnelle.

D'autres renseignements peuvent être communiqués, si le président de la Commission ou le commissaire du Service correctionnel estime que l'intérêt de la victime justifie nettement une éventuelle violation de la vie privée du détenu. Voici certains de ces renseignements: si le détenu est sous garde, le pénitencier où il est incarcéré, la date de toute audience prévue, le type de mise en liberté en cause et la date de la mise en liberté, la destination du détenu et les conditions de sa mise en liberté.

Beaucoup de victimes préfèrent tourner la page et cherchent à oublier le drame qu'elles ont vécu. Par égard pour elles, la Commission et le Service correctionnel n'envoient pas automatiquement des renseignements aux victimes. Elles doivent donc présenter une demande écrite si elles désirent obtenir des informations.

Bref, la situation actuelle ne justifie pas l'intervention proposée par le Parti réformiste. Les provinces sont mieux placées pour protéger les victimes d'actes criminels et elles peuvent le faire de façon plus adaptée à leur réalité particulière, ce qui n'empêche pas le ministère de la Justice fédéral de continuer à améliorer l'état du droit dans des domaines qui peuvent affecter les victimes d'actes criminels.

Compte tenu qu'il s'agit d'une matière essentiellement de compétence provinciale, que les provinces, dont le Québec, ont déjà légiféré dans ce domaine, nous prenons position contre la motion du Parti réformiste.

(1300)

[Traduction]

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Madame la Présidente, je partagerai mon temps avec mon collègue, le député de Nanaïmo-Cowichan. Je suis très reconnaissante de pouvoir aujourd'hui participer au débat sur la motion visant la rédaction d'une déclaration des droits des victimes.

La violence ne laisse aucun d'entre nous indifférent, quels que soient le parti auquel nous appartenons, notre sexe ainsi que nos caractéristiques culturelles, sociolinguistiques et économiques. Nous nous rallions tous dans la lutte que nous menons contre les crimes violents et leurs répercussions exaspérantes, frustrantes et déchirantes.

Même si tous les aspects de cette déclaration des droits sont très importants, en tant que porte-parole pour les questions concernant la Situation de la femme, je m'intéresse particulièrement aux problèmes des victimes de violence familiale.


2050

Depuis que j'ai été élue à cet endroit, j'ai vu, à maintes occasions, les conséquences d'un système judiciaire qui néglige le bien-être des victimes d'actes criminels. Ces conséquences sont particulièrement frappantes et dévastatrices pour les victimes de crimes violents et de violence familiale. Pour montrer à quel point elles sont dévastatrices, je vais présenter à mes collègues quelques-uns des nombreux cas qui sont survenus dans ma circonscription, celle de Calgary-Sud-Est.

Ces exemples de violence familiale comprennent des cas de pédophilie et de harcèlement avec menaces. La sensibilité et le caractère confidentiel de ces cas font que je ne donnerai pas le nom des électeurs concernés, sauf le cas de Helen Leadly. Cette dernière a courageusement fait connaître son histoire au public, et le Parlement la connaît déjà.

Au début de 1994, Helen Leadly a contacté notre bureau pour obtenir de l'aide. Ses craintes étaient fondées sur le fait qu'un délinquant violent condamné du nom de Robert Paul Thompson pouvait demander une libération conditionnelle en 1995, et elle s'inquiétait pour la sécurité de sa famille. Elle m'a expliqué que Thompson avait été condamné pour le meurtre de sa fille et conjoint de fait de Thompson, Brenda Fitzgerald. Le casier judiciaire de Thompson remontait à 1969. Le meurtre pour lequel il purge maintenant une peine a été commis alors qu'il jouissait d'une semi-liberté de l'établissement correctionnel de Bow Valley, où il était incarcéré pour deux condamnations de délit de fuite. Thompson a été pris, trouvé coupable par un jury et emprisonné pour son crime.

Helen et ses petits-enfants n'ont jamais eu la chance de vivre une vie normale par la suite. Helen a passé les dix années suivantes de sa vie en craignant pour la vie de ses proches. Thompson a proféré des menaces de mort à Helen et à sa famille, promettant que dès sa libération-et il avait assez confiance d'être libéré-il concrétiserait ses menaces.

Alors que l'État prend soin de Thompson, la famille Leadly vit dans la crainte sans jamais pouvoir oublier la tragédie du décès de Brenda, car elle a passé des heures innombrables à lutter contre la libération de Thompson et à s'en inquiéter.

Le 13 juin 1995, j'ai assisté à l'audience de libération conditionnelle de Thompson à Renous, au Nouveau-Brunswick. J'ai pu alors présenter une déclaration écrite à la Commission des libérations conditionnelles au nom de Helen par laquelle celle-ci demandait à la commission que Thompson purge sa peine d'emprisonnement à perpétuité au complet. Helen n'a pas obtenu la permission de faire toute déclaration verbale devant la commission. Aussi inimaginable que cette décision puisse être, il reste que les victimes ne sont pas autorisées à prendre la parole lors des audiences de libérations conditionnelles.

Heureusement, la commission a refusé une libération à Thompson, mais il pourra présenter de nouvelles demandes chaque année, tant qu'il n'aura pas réussi.

Helen fait des pieds et des mains pour garder ensemble les morceaux de sa vie familiale, mais elle doit aussi trouver la force de lutter pour assurer sa propre protection, car l'État semble incapable de le faire. Quand sera-t-elle libérée de ce fardeau? Tant et aussi longtemps que nous négligerons les victimes d'actes criminels, les gens comme Helen continueront de vivre dans la crainte et la douleur.

Plus récemment, une autre électrice de ma circonscription est venue me voir pour obtenir de l'aide afin de protéger sa famille d'un criminel condamné pour avoir commis des agressions sexuelles contre la fille de cette femme et six autres fillettes, dont ses deux propres filles. Aussi ridicule que cela puisse paraître, cet individu, qui a été reconnu coupable de sept agressions sexuelles il y a trois ans et a été condamné à neuf ans de prison, est admissible à une libération conditionnelle anticipée depuis février dernier.

L'électrice m'a demandé d'assister aux audiences de la commission des libérations conditionnelles à l'établissement de Bowden, en Alberta. Encore là, ni les victimes, ni leurs parents n'ont pu se faire entendre aux audiences. Dans ce cas, la décision a été rendue en faveur de la société et des victimes, et la demande de libération conditionnelle a été refusée.

Cependant, cet heureux dénouement a été assombri par l'incertitude dans laquelle ont été plongées les victimes pendant qu'elles attendaient la décision de même que par l'angoisse qu'elles ont vécue en se faisant douloureusement rappeler ces terribles crimes. Le plaidoyer très importun du pédophile, qui s'est servi des audiences pour chercher l'absolution de ses crimes, était très dérangeant.

Je voudrais partager avec les députés l'histoire de cet homme qui, pendant sa peine de prison, a envoyé des menaces de mort à son ancienne femme et à son mari. Ce délinquant devait être remis en liberté vers le 4 avril dernier. Les autorités m'ont informée que l'homme obtiendrait probablement sa libération. Elles m'ont également confirmé qu'il est capable de mettre ses menaces à exécution. On a diagnostiqué chez lui un trouble dégénératif de la personnalité, maladie qui le rend de plus en plus agressif et dangereux.

(1305)

Ce contrevenant a proféré des menaces contre moi et contre le personnel de mon bureau de circonscription. Lorsque j'ai communiqué avec la GRC pour demander ce qui pouvait être fait pour protéger non seulement mes électeurs, mais aussi moi-même et mon personnel contre cet homme dangereux, on m'a dit qu'il n'y avait pas grand-chose à faire à part de la surveillance jusqu'à ce qu'il récidive. Notre système de justice a respecté sa promesse et libéré ce criminel à la date prévue, mais il continue de fermer les yeux sur la menace très réelle que cet homme représente pour ses victimes et pour le reste de la collectivité.

À la lumière de ce qui précède, je profite de l'occasion pour exprimer mon appui à l'égard de la charte des droits des victimes. Pendant trop longtemps nous avons travaillé pour protéger les accusés aux dépens des victimes. Bien que je comprenne la nécessité de voir à ce que les accusés soient traités de façon juste en vertu de nos lois, doit-on le faire aux dépens des personnes innocentes qui


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ont déjà été victimes d'abus et d'humiliation et qui, en plus, éprouveront désormais constamment un sentiment d'insécurité?

Combien de temps encore allons-nous accepter l'argument selon lequel la réadaptation des criminels doit passer avant toute autre chose? Que faisons-nous de la protection des citoyens? Que faisons-nous de la nécessité de tenir les individus responsables de leurs actes? Que faisons-nous des droits des victimes et des victimes potentielles dans notre société? Il est grand temps que nous cessions de donner la priorité aux criminels et aux délinquants violents qui s'en prennent à nos familles et à nos enfants.

En voyant l'augmentation des cas de violence familiale, nous devons nous demander ce que nous pouvons faire pour changer cette réalité. Bien que je préconise le recours à des mesures préventives pour enrayer la croissance du nombre d'infractions avec violence perpétrées au sein des familles, je crois aussi qu'il est grand temps que nous mettions en oeuvre des mesures efficaces pour répondre aux besoins des victimes de plus en plus nombreuses dans notre pays.

Comme nous pouvons le voir d'après les exemples cités, on ne donne pas aux victimes la protection dont elles ont besoin ni même la chance de contribuer au processus.

La violence familiale présente des problèmes particuliers pour le système de justice pénale. Certains des crimes les plus violents de notre société sont commis à la maison par des amis proches ou par des membres de la famille. Malheureusement, les enfants et les femmes subissent une part démesurée de ces agressions.

Une des études les plus connues sur la violence conjugale, une publication gouvernementale de 1993 intitulée «Un nouvel horizon: éliminer la violence, atteindre l'égalité», a révélé que 34 p. 100 des Canadiennes ont déjà été agressées par un partenaire danbs une relation intime. Cinq pour cent des femmes ont déclaré avoir reçu des menaces, 39 p. 100 ont affirmé avoir été agressées sexuellement et 50 p. 100 ont déclaré avoir été exploitées. Quarante-cinq pour cent des femmes, un taux terriblement élevé, ont dit avoir été victimes de violence de la part de leur mari ou concubin.

Les enfants sont aussi victimes d'agression et de violence. Le risque qu'un enfant témoin de violence conjugale adopte plus tard un comportement violent représente un danger tout aussi préoccupant. Les recherches du gouvernement canadien montrent que les enfants qui sont témoins de violence, en particulier contre la mère, risquent davantage de devenir des adultes violents. C'est est extrêmement troublant, compte tenu du fait que 39 p. 100 des femmes ont déclaré que leurs enfants avaient déjà été témoins d'actes de violence commis contre elles.

Cela met en évidence une crise grandissante qui a de graves répercussions sociales au Canada. Un des obstacles à l'élimination de la violence conjugale est l'incapacité de mettre un terme au cycle des agressions après que le conjoint violent a été reconnu coupable et a purgé sa peine. Les anciens détenus tentent systématiquement de revoir leur ancienne conjointe ou les membres de la famille, ce qui a des résultats catastrophiques. Les victimes ignorent souvent que leur agresseur a recouvré la liberté. Ces derniers reviennent à l'improviste, parfois avec des intentions violentes. Les victimes

devraient être avisées lorsqu'un agresseur est libéré de prison afin de pouvoir prendre les mesures voulues pour assurer leur propre protection et celle de leurs enfants.

Encore une fois, il y a un déséquilibre, dont le ministre de la Justice a parlé il y a quelques instants. J'estime que le système de justice pénale doit viser davantage à protéger les victimes contre le harcèlement et l'intimidation.

La déclaration des droits des victimes met le système de justice pénale au défi de donner suite, du début à la fin, aux accusations de violence conjugale. En effet, le système en est venu à tenir compte des droits des accusés et des personnes condamnées, mais il ne traite pas aussi bien les victimes. Une déclaration des droits des victimes contribuerait sans aucun doute à corriger ce déséquilibre.

(1310)

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, je remercie la députée de ses observations. Je me joins à elle, comme l'ensemble des députés, dans le débat sur les moyens qu'on pourrait prendre pour aider les victimes dans les limites des possibilités du système de justice pénale.

Les procureurs généraux et ministres de la Justice des gouvernements fédéral et provinciaux ont adopté un énoncé de principes en 1988. Depuis ce temps, on a pris des mesures législatives concrètes au gouvernement fédéral et, dans certains cas, au sein des gouvernements provinciaux, pour aider les victimes d'actes criminels.

Au gouvernement fédéral, nous avons adopté des mesures comme le projet de loi C-68, une mesure de contrôle des armes à feu prévoyant la constitution d'un registre universel. Ceux qui ont été victimes de violence conjugale peuvent intenter des poursuites en justice. Quand les armes à feu seront enregistrées, la police pourra saisir les armes d'une personne qui a menacé ou agressé un de ses semblables.

Le gouvernement fédéral fait tout ce qui est en son pouvoir pour aider les victimes. La députée pourrait-elle m'expliquer pourquoi le Parti réformiste serait contre l'enregistrement des armes à feu, qui ferait du monde un endroit où les victimes sont plus en sécurité?

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Madame la Présidente, la question que nous examinons aujourd'hui est celle de la déclaration des droits des victimes. Le ministre de la Justice a dit dans son intervention qu'il estimait que cette question devait revêtir un caractère neutre et se situer au-delà du sectarisme.

Je remercie le député de son commentaire, mais il semble se contenter de mettre en relief les grandes lacunes du projet de loi C-68. C'est tout ce que je dirai à ce sujet. Certains points sont très bons, les députés de ce côté-ci de la Chambre l'ont fait remarquer, mais d'autres sont mal fondés, créent de graves iniquités, de gran-


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des injustices et ne contribuent guère à régler le problème de la criminalité au Canada.

Je prends toujours beaucoup de notes. Le 29 février, j'ai assisté, à Bowden, en Alberta, à l'audience de libération conditionnelle du pédophile dont j'ai parlé dans mon discours et qui présentait ses arguments, disant regretter son acte. La présentation en question était très égocentrique. Nous étions tous assis là silencieux, ainsi que nous avait demandé de faire la Commission des libérations conditionnelles.

Si, comme le député l'a suggéré, des mesures concrètes ont été prises à l'égard des questions se rapportant aux victimes, qui recouvrent un grand nombre de domaines, je me ferai un plaisir de lui faire une photocopie de mes notes, une douzaine de pages, qui montrent clairement que les mesures qu'il pense avoir été prises ne règlent guère le problème.

Quand on voit un détenu, qui a commis d'horribles crimes contre sept fillettes, avoir droit à un programme de réinsertion pour lui permettre d'analyser l'enfant en lui, à un cours de sexualité pour analyser son sens des relations humaines, à des programmes qui lui apprendront à gérer son stress, à des programmes secondaires, à des programmes de recherche d'estime de soi et à des programmes de counseling destinés aux personnes affligées, j'aimerais bien demander au député, ce je ferai sans doute en privé, ce qui a été fait pour les victimes.

Je voudrais qu'il nous explique les mesures concrètes que le gouvernement a prises pour s'attaquer au grand problème des victimes, qu'il nous explique la tentative désespérée qu'il a faite pour mettre à la disposition des victimes des ressources auxquelles elles n'ont pas accès, qu'il nous explique enfin la mesure de contrôle des armes à feu, cette question ridicule qu'il soulève à propos des droits des victimes.

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Madame la Présidente, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour commenter la motion proposant l'adoption d'une déclaration des droits des victimes dont nous sommes saisis aujourd'hui. Il convient, je pense, de rappeler le libellé de la motion:

Que la Chambre exhorte le gouvernement à charger le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de procéder à la rédaction d'une déclaration des droits des victimes et que, lorsque le Comité estime qu'un droit est davantage du ressort d'une province, le ministre de la Justice entreprenne des consultations avec les provinces afin d'en arriver à une norme nationale concernant une déclaration des droits des victimes.
(1315)

Je suis très heureux de rappeler que cette motion peut faire l'objet d'un vote.

C'est une initiative très attendue et opportune visant à faire des droits des victimes et de leur famille la pierre angulaire de notre système judiciaire. Le fait que le gouvernement n'ait fait aucune tentative concrète ou sincère en ce sens est un triste rappel de son manque de détermination à rendre nos rues et nos localités plus sûres; je suis toutefois encouragé par certaines des paroles prononcées par le ministre de la Justice au sujet de la motion voici un instant.

Certains de nos collègues d'en face désapprouveront surement certains de nos propos sur ce sujet. Je m'attends également à ce que certains votent contre ces propositions. Je n'ai aucun doute que, s'ils écoutent notre discussion aujourd'hui, nous attirerons l'attention sur la question des droits des victimes. J'espère que, ce faisant, nous donnons la parole dans cette Chambre aux milliers de personnes qui, chaque année, sont la proie des criminels et deviennent leurs victimes.

Aux fins de cette initiative, le terme victime comprend également la famille des personnes contre qui a été perpétré un délit. Pour elles, il n'y a pas moyen d'échapper à la souffrance. Toutes les victimes garderont les cicatrices psychologiques des événements pendant des années.

Même si une déclaration des droits des victimes ne résout pas tous les problèmes, la mesure contenue dans cette initiative leur donnerait une voix dans toutes les procédures qui touchent l'accusé. C'est sur cet aspect de la déclaration des droits des victimes que je voudrais passer le reste de mon temps.

L'article 3 de la déclaration des droits proposée prévoit que toute victime a le droit de choisir entre une déclaration orale et/ou une déclaration écrite avant la détermination de la peine, avant les audiences de libération conditionnelle et avant tout réexamen judiciaire. Cela veut dire que, actuellement, les victimes et leur famille n'ont aucune garantie d'avoir le droit de faire une déclaration orale au procès d'un accusé; pourtant l'accusé, lui, a ce droit.

Si on acceptait la déclaration des droits, une victime pourrait choisir de faire une déclaration à chaque fois que l'on considère le cas de l'accusé ou du condamné. Elle pourrait choisir de le faire verbalement, par écrit, ou les deux. Je ne pense pas que ce soit une proposition déraisonnable.

Il est important d'être autorisé à faire les deux, car cela empêcherait que les tribunaux ne modifient ou n'éditent une déclaration de victime. Cela a été fait dans le cas de la déclaration présentée par Mme Mahaffy lors du procès de Paul Bernardo. Dans cette affaire-là, Mme Mahaffy avait présenté une déclaration écrite, et elle a constaté par la suite qu'elle avait été révisée au point qu'elle ne reflétait plus ce qu'elle voulait dire au sujet de la mort de sa fille et des conséquences pour la famille.

La déclaration des droits ne s'arrête pas là. Elle permettrait aux victimes et à leur famille faire des déclarations verbales lors des audiences de libération conditionnelle d'un criminel condamné. À cet égard, je voudrais faire part aux députés de l'expérience tragique d'une de mes électrices.

Il s'agit de Mme Inge Claussen. Beaucoup, dans ma circonscription de Nanaimo-Cowichan, la connaissent comme ma très capable assistante, à Duncan. Il y a 17 ans, la fille adolescente de Mme Claussen a été enlevée et brutalement assassinée. Un homme ayant un casier judiciaire a été par la suite inculpé et condamné pour ce crime.

Quinze ans après avoir été condamné, cet homme, ou plutôt cet animal, va bientôt se présenter à une audience qui examinera sa demande de libération conditionnelle anticipée en vertu de l'article 745 du Code criminel. Entre temps, la famille de la jeune fille


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assassinée ne peut pas faire de déclaration verbale lors de l'audience de libération conditionnelle, qui pourrait remettre cet animal dangereux en liberté dans nos rues où il aura à nouveau l'occasion de s'attaquer à des enfants innocents.

(1320)

Je souhaiterais sincèrement que personne n'ait plus jamais à subir l'horreur qu'ont dû endurer cette femme et sa famille. Étant donné la réalité, je dois malheureusement reconnaître qu'une telle situation est encore possible.

Au lieu de contribuer à la douleur et à l'angoisse des victimes et de leurs familles, au lieu de bafouer, de souiller la mémoire des victimes assassinées, on devrait faire tous les efforts possibles pour leur donner une voix.

Lors des audiences de libération conditionnelle, la déclaration verbale de la victime devrait être permise, ne serait-ce que pour rappeler de manière saisissante l'impact de l'agression sur la victime et sa famille. De même, et c'est tout aussi important, cette mesure assurerait aux victimes un autre statut que celui de simples observateurs du processus judiciaire. En fait, elle leur permettrait de devenir des participants actifs ayant des arguments pertinents à présenter, des déclarations à faire, qui vont bien au-delà de ce qui s'est passé durant la perpétration du crime.

Les déclarations de victimes permettent à une personne de faire connaître au tribunal, et à l'accusé par le fait même, quelles ont été les répercussions du crime. Ainsi toutes les personnes concernées sont parfaitement conscientes de la souffrance que la victime et sa famille ont dû endurer. La catharsis d'une telle déclaration facilite le processus de guérison et permet à la victime de mettre une sorte de point final à l'incident.

Cependant, si nous nous fions aux actions passées du gouvernement, nous ne sommes pas prêts de voir sous peu les réformes que nous voulons, comme celles qui sont exposées aujourd'hui. J'espère que les propos que le ministre a tenus aujourd'hui me donneront tort.

Je ne suis pas encouragé par l'effort que déploie le gouvernement pour procéder à une réforme de la justice pénale qui se penche sur les droits de la victime. L'approche utilisée semble invariablement placer les droits de l'accusé au-dessus de ceux de la victime.

Ces dernières années, le système de justice pénale au Canada est tombé dans le discrédit parmi les Canadiens. De plus en plus, beaucoup de gens adoptent l'opinion cynique que le mot justice s'épelle et est donc considéré de deux façons différentes. Il y a «justice» qui s'épelle et est considéré de la manière traditionnelle et qui comprend les idéaux sacro-saints de l'égalité et de l'équité. Puis, il y a «juste nous» qui est la dure réalité qu'exploitent les avocats de la défense et leurs clients et selon laquelle les seuls à avoir droit aux principes de la justice sont les accusés.

Malheureusement, le récent rafistolage du Code criminel n'a rien donné, si ce n'est d'accroître cette déplorable perception chez les Canadiens. Une réforme et un leadership réels s'imposent à cet égard. Seul le courage des législateurs de la Chambre remédiera à la situation.

Je termine mes observations en exhortant les députés d'en face à mettre de côté les convictions sectaires qu'ils pourraient avoir et à examiner très sérieusement ce qu'on propose ici. Cet effort découle d'une tentative sincère pour aider les victimes de crime et pour rendre le système de justice plus équitable.

Lorsque nous voterons sur cette motion, l'enjeu ne sera pas nécessairement de déterminer les gagnants ou les perdants. Nous aurons accompli quelque chose, à condition que nous partions du principe que ces mesures bénéficieront à tous les Canadiens qui risquent un jour d'être victimes d'un crime.

Je demande aux députés de tous les partis de se joindre à moi et d'appuyer l'initiative dont la Chambre est saisie aujourd'hui.

M. Morris Bodnar (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Madame la Présidente, le député dit que justice signifie équité, égalité et protection des droits de la victime. J'en déduis qu'il est en faveur de traiter tous les gens de la même façon.

(1325)

Proposer des modifications touchant l'orientation sexuelle et les droits de la personne, ainsi que des modifications au Code criminel concernant le traitement des personnes qui sont aux prises avec le système de justice pénale, c'est une affaire de justice car il s'agit d'assurer un traitement égal, non pas une préférence marquée pour un groupe, mais un traitement égal. Le député estime-t-il que la justice qu'il évoque, et non pas « juste nous », s'applique également aux homosexuels et aux hétérosexuels, qu'elle signifie un traitement égal devant la loi, que ce soit en matière de détermination de la peine ou des droits de la personne?

M. Ringma: Madame la Présidente, je crois assurément en la justice pour tous.

L'intervention du député a en réalité pour but de distraire notre attention de la motion dont nous sommes saisis et de solliciter notre appui en faveur des droits des homosexuels dont il sera question bientôt. Or, la justice c'est la justice. Je ne crois pas que nous devrions accorder des droits particuliers à un groupe donné. Nous souhaitons la justice pour tous.

Il s'agit en l'occurrence de faire preuve de justice à l'égard des victimes, alors que l'on privilégie traditionnellement les criminels. C'est là-dessus que je souhaite que nous portions nos efforts.

M. Glen McKinnon (Brandon-Souris, Lib.): Madame la Présidente, avant d'entreprendre la partie formelle de mon discours, permettez-moi simplement d'ajouter que tous les députés à la Chambre ont vécu des événements ou des circonstances qui ont marqué des amis proches ou eux-mêmes. Les victimes sont mar-


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quées à long terme et il semble qu'elles puissent compter sur très peu de voies de recours pour rendre justice à leurs souffrances.

Mon collègue d'Erie, qui partagera mon temps de parole avec moi, ajoutera ses observations aux miennes aujourd'hui. Pour ma part, j'appuie l'objectif de la proposition que nos vis-à-vis soumettent aujourd'hui.

Dans tout le Canada, depuis de nombreuses années, on essaie de mettre en place des mesures. Le Manitoba a des projets pilotes pour les services aux victimes. Je suis persuadé que cela est vrai dans d'autres régions du pays également. Diverses municipalités engagent du personnel pour essayer d'aider une famille ou la victime d'un crime, qu'il s'agisse de vandalisme, de vol ou d'une infraction quelconque. On a mis en place un système parce que les gens ont du mal à vivre après certains événements.

La préoccupation du député pour les victimes de crime est tout à fait admirable. Nous entendons souvent le public reprocher au système judiciaire de faire passer les droits des délinquants avant ceux des victimes. Le député précédent en a parlé quelque peu en ce qui concerne la justice pour tous. On ne peut défendre un côté ou l'autre dans ce cas-ci.

Je suis d'accord pour dire qu'on doit faire davantage pour protéger le droit d'une victime, mais je tiens également à souligner que nous devons être prudents. Il ne s'agit pas de diminuer les droits d'un délinquant pour protéger ceux d'une victime. C'est là l'aspect délicat de la question; il n'est pas question de remettre en cause les dispositions actuelles de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de la Charte.

(1330)

Nous devons nous demander si on doit accroître les droits de certains au détriment de ceux d'autres personnes, si on sert mieux la justice en réduisant les droits d'un accusé? La naissance d'un mouvement sur les droits des victimes au Canada est l'une des tendances les plus importantes qu'on constate depuis 20 ans dans le système de justice pénale. Pourtant, je doute qu'une seule association de victimes au Canada prône l'élimination du droit d'un accusé à un procès équitable, à une application régulière de la loi, à la protection de l'habeas corpus ou à la protection d'un accusé contre l'auto-incrimination. Est-il nécessaire de rappeler à la Chambre que ces droits sont garantis à tous les Canadiens aux termes des articles 7, 10 et 11 de la Charte des droits et libertés?

Je n'insisterai pas sur la comparaison entre les droits de l'accusé et ceux de la victime, bien que cela s'impose peut-être quand on examine la teneur d'une déclaration des droits. Je considère qu'il est plus constructif de déterminer simplement où et comment la victime devrait intervenir dans le processus de justice pénale.

Nous devrions centrer nos effort sur l'accès à la justice pour la victime. À quel moment cette dernière devrait-elle avoir son mot à dire dans le processus de justice pénale? Mon collègue a fait des propositions dans le discours qu'il vient tout juste de prononcer et je ne voudrais pas diminuer la portée de ses arguments.

Cependant, pourrions-nous examiner les diverses étapes du processus où cet accès serait possible? La victime devrait-elle être consultée pendant les activités policières, l'enquête, le procès de l'accusé et, s'il est trouvé coupable, la détermination de la peine, la prise de décision à l'égard de la libération conditionnelle et finalement la mise en liberté?

Si nous pouvons donner à la victime ou à sa famille l'accès approprié et opportun au processus de justice pénale, nous nous préoccuperons peut-être moins de savoir qui a plus ou moins de droits.

Examinons le progrès réalisé depuis deux décennies pour ce qui est de la reconnaissance générale des besoins de la victime et de mesures précises. La politique et les programmes qui traitent des victimes donnent suite en grande partie au rapport qui a été présenté par un groupe de travail fédéral-provincial sur la justice pour les victimes de crimes, au début des années 1980, et qui présentait aux deux paliers de gouvernement 79 recommandations pour améliorer les répercussions de la justice pénale sur les victimes d'actes criminels, en ce qui concerne la société et la santé.

Aux Nations Unies, en 1985, le Canada a coparrainé la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité. Partout dans le monde, on a reconnu que le Canada en avait été l'un des responsables du mouvement. Le document est vite devenu la pierre angulaire d'un énoncé de principes particulier au Canada. Ce dernier a été endossé par le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires, en 1988. Les provinces s'y sont reportées pour élaborer leurs propres politiques et leurs propres lois sur les droits des victimes, de sorte que les lois de la plupart d'entre elles sont aujourd'hui axées sur les victimes.

Il importe de noter le point de vue des provinces, puisque leur responsabilité en matière d'administration de la justice signifie que le fédéral ne contrôle pas tout l'accès à la justice.

La loi prévoit maintenant que la victime peut faire une déclaration. Conformément à l'article 735, les provinces peuvent déterminer la forme que pourront prendre les déclarations de la victime sur leur territoire. Cette disposition crée une certaine flexibilité, en permettant par exemple à des programmes de services d'aide aux victimes et aux témoins assurés par la police, ou assurés par la poursuite ou par le tribunal au besoin, de susciter des déclarations de la victime.

Le projet de loi C-89 a également ajouté au Code criminel des dispositions prévoyant une suramende compensatoire. Il s'agit d'une peine pécuniaire additionnelle imposée au délinquant au moment de l'établissement de la peine. On doit imposer une suramende compensatoire qui s'ajoute à toute autre peine imposée à un délinquant trouvé coupable d'une infraction au Code criminel ou à la Partie III ou à la Partie IV de la Loi des aliments et drogues, ou qui est remis en liberté.

(1335)

En plus des suramendes prévues dans ces cas-là, plusieurs provinces ont adopté une mesure visant à imposer une suramende compensatoire aux délinquants coupables d'une infraction aux lois


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provinciales, et cet argent peut également servir à financer les services d'aide aux victimes dans ces provinces.

Je ferai de mon mieux pour faire connaître les préoccupations et l'information qui pourront appuyer cette idée des députés d'en face.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Madame la Présidente, qu'est-ce que le député veut dire au juste lorsqu'il déclare qu'il ne faut pas laisser ce que nous faisons pour les victimes nuire à ce que nous devons faire pour les criminels? C'est le genre de déclarations qui me dérangent lorsqu'il est question des droits des victimes. Le député craint-il que les criminels perdent des droits par suite de nos efforts?

De nombreux groupes de victimes existent dans tout le Canada. Il y a le FACT, ou Families Against Crime Today, à Calgary, qui est dirigé par Stu Garrioch. Il y a les Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation, ou CAVEAT, que tout le monde connaît sûrement. Il y a le groupe CRY, en Colombie-Britannique. Il y a le groupe Move the Rock. Il y a la campagne Kid Brother, dans le sud de l'Ontario. Des milliers de personnes appartiennent à des groupes de victimes et ce qu'elles me disent toutes, c'est qu'elles voudraient bien recommencer à vivre normalement, si seulement le gouvernement écoutait.

Les libéraux sont au pouvoir depuis deux ans et demi. Ces groupes se multiplient. Pourquoi le député croit-il que ces groupes se multiplient constamment et que ces personnes ne peuvent pas recommencer à vivre normalement?

M. McKinnon: Madame la Présidente, le député d'en face a soulevé deux préoccupations très légitimes.

Je n'avais pas l'intention de vous donner l'impression qu'il ne faut pas s'inquiéter des victimes et ne se préoccuper que des délinquants. Là où je veux en avoir, c'est qu'il faut prendre garde, en modifiant la loi et la Charte des droits et libertés, de faire en sorte que le fait d'accorder des droits aux victimes ne soit pas considéré comme la suppression des droits des délinquants.

La deuxième observation concerne le nombre grandissant d'organisations regroupant les victimes. Le député a fait des ajouts au nombre de personnes qui sont membres de ces organisations. Je pense que celles-ci sont symptomatiques de l'industrie des communications, de la croissance de cette industrie au Canada. Rien ne se passe à Vernon, par exemple, sans que le reste du pays, voire le monde entier, n'en entende immédiatement parler.

J'ai une fille en Australie. Nous avons déjà pris connaissance de reportages au sujet du massacre survenu dans ce pays hier.

Il ne faut pas déplacer l'impact. Nous essayons simplement de veiller à ce que les victimes et leur famille aient leur mot à dire dans le système de justice pénale. C'est pourquoi je souscris au point de vue du député d'en face.

(1340)

M. John Maloney (Erie, Lib.): Madame la Présidente, d'entrée de jeu, je tiens à dire que je vais appuyer la motion présentée par les députés réformistes et voter en faveur de celle-ci.

Je vais tenter d'expliquer, par une approche différente, pourquoi j'appuie la motion. Je suis heureux de participer à la Chambre au débat sur la motion préconisant la rédaction d'une déclaration des droits des victimes, car c'est le crime qui crée les victimes. Je profite de cette occasion pour examiner les mesures collectives que tous les secteurs de notre société peuvent prendre pour insister davantage sur la prévention de la criminalité et des actes de violence.

La prévention de la criminalité, en particulier par le biais du développement social et d'approches multidisciplinaires, s'attaque aux causes sous-jacentes de la criminalité et des actes criminels et peut être un gage de sécurité à long terme.

Au Canada, la nécessité de prévenir efficacement la criminalité mobilise toutes les composantes de la société, à commencer par les citoyens et les organismes communautaires, les fournisseurs de services, le secteur privé et tous les paliers de gouvernement.

Aucun pays ou collectivité n'est à l'abri de la criminalité et de ses effets dévastateurs. Cependant, comme nous connaissons de mieux en mieux les stratégies globales, nos connaissances peuvent aider les collectivités qui désirent prendre des mesures. Nous savons comment mobiliser nos institutions et la population et comment concerter nos efforts pour évaluer les facteurs sociaux, conjoncturels et autres associés au crime, pour planifier et pour coordonner une approche multidisciplinaire.

Pour qu'un plan de prévention de la criminalité soit vraiment représentatif des problèmes de criminalité locaux et qu'il soit adapté à ceux-ci, la collectivité devrait participer à toutes les étapes et à tous les aspects de ce plan. Il a été prouvé que plus la collectivité est solidaire et participe aux efforts visant à résoudre les problèmes sociaux et de criminalité connexes, plus la sécurité en milieu urbain est grande.

On ne saurait trop insister sur la nécessité d'instaurer une étroite coopération entre les différents paliers de gouvernement et les collectivités et de créer de vastes coalitions réunissant tous ceux que les problèmes de criminalité préoccupent.

Une stratégie valable de prévention de la criminalité et des actes criminels comprend quatre éléments clés. Premièrement, la prévention de la criminalité par le biais du développement social suppose une approche globale visant la prévention générale de la criminalité par des mesures de développement social axées sur une combinaison de facteurs sociaux, personnels, éducatifs et économiques qui font que certaines personnes sont à risque et qui contribuent à la criminalité.

Notre recherche nous donne à penser que les divers aspects et causes du comportement criminel auraient en commun des caractéristiques comme l'échec personnel, l'échec familial et l'échec social. Une intervention basée sur les politiques, programmes et services sociaux qui existent déjà, comme le logement social, les services de santé, l'éducation et les programmes de sécurité du revenu, pourrait contrebalancer les facteurs susceptibles de pousser quelqu'un au crime.

Deuxièmement, la prévention du crime par la mobilisation de la collectivité. Tous les secteurs de la collectivité doivent nécessairement participer à la planification et à la mise en oeuvre de program-


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mes de prévention du crime. La sécurité de la collectivité et les programmes de prévention du crime devraient être définis en fonction des besoins et des priorités reconnus de chaque collectivité.

Troisièmement, les programmes ponctuels de prévention du crime, soit les mesures visant à réduire les possibilités que certains actes criminels surviennent, comme Surveillance de quartier, Parents secours et Prévention du crime par l'aménagement du milieu, peuvent aider à réduire sensiblement la criminalité au Canada. La plupart des services de police ont mis sur pied des unités de prévention du crime qui font la promotion de différents programmes communautaires de prévention de certains types de crimes, par exemple, le vandalisme, le vol et le vol avec effraction. Cependant, ces programmes ont leurs limites, particulièrement à long terme, puisque les délinquants sont simplement refoulés d'un quartier à un autre ou choisissent de commettre d'autres genres de crimes.

Quatrièmement, la justice efficace. La prévention efficace du crime repose sur le maintien et l'amélioration d'un système de justice pénale équitable. On peut prévenir efficacement les crimes grâce à des mesures comme la réglementation des armes à feu, la reconnaissance que les mauvais traitements infligés aux conjoints et aux enfants constituent des actes criminels et l'adoption de lois prévoyant une intervention en temps opportun auprès des jeunes contrevenants et en faisant appliquer ces lois.

La prévention du crime visant les causes sociales de la criminalité vise le long terme et constitue un effort moins apparent que l'arrestation des délinquants ou l'installation d'appareils mécaniques. Cette forme de prévention exige une approche nouvelle reposant sur la conviction que l'on peut arriver à des résultats en étant déterminés à les obtenir. On peut faire encore plus qu'aujourd'hui en matière de prévention du crime grâce à des interventions concrètes et des programmes de développement social.

Les travaux de recherche clés sur les avantages de la prévention du crime par les programmes de développement social doivent être portés à l'attention des citoyens, des collectivités et des médias préoccupés par la question. Le Canada a fait un grand pas en mettant davantage l'accent sur la prévention du crime grâce à une stratégie nationale sur la sécurité communautaire et la prévention du crime élaborée à la suite de vastes consultations avec les intervenants, d'un examen approfondi par un comité parlementaire permanent et d'un symposium national.

(1345)

La stratégie nationale est un vaste cadre d'action qui regroupe un certain nombre de partenaires et qui vise à donner aux collectivités les informations et les outils nécessaires pour concevoir et mettre en oeuvre des mesures précises pour répondre à leurs besoins.

Nous avons élaboré cette stratégie en étroite collaboration avec les intervenants, y compris les provinces et les territoires qui sont les principaux responsables de nombreux aspects de la prévention du crime et qui contribuent à la sécurité des personnes et des collectivités, notamment en ce qui concerne l'éducation, la santé, les services sociaux et l'administration de la justice.

Les mesures mises en oeuvre par les gouvernements et les organisations non gouvernementales dans le cadre de la stratégie nationale comprennent une meilleure coordination et de meilleures communications, la sensibilisation du public, l'accroissement des connaissances, le soutien aux collectivités, l'intégration de mesures législatives en matière de prévention du crime dans les mandats officiels et l'élaboration de stratégies de financement innovatrices.

L'établissement du Conseil national de prévention du crime en juillet 1994 était un élément clé de la stratégie nationale. Ce conseil est composé de 25 membres représentant divers groupes d'intervenants comme les enseignants, les travailleurs sociaux, les policiers, les victimes, le secteur privé, les criminologues, le secteur de la santé publique, et ainsi de suite. Il joue le rôle de conseiller auprès des gouvernements et d'organe central de coordination et de partage de renseignements pour unifier les efforts en matière de prévention du crime et pour élaborer des solutions pratiques pour les collectivités.

Le mandat du conseil est très vaste et reflète le fait que le Canada commence à peine à comprendre ce qu'on peut faire pour définir la prévention du crime et la victimisation et pour aider les collectivités à devenir des endroits plus sûrs.

Le Conseil national de prévention du crime a adopté le développement social comme moyen le plus efficace de prévenir le crime. Les enfants et les jeunes sont sa plus grande priorité et font l'objet de mesures de prévention précoce afin de prévenir la victimisation et le comportement criminel plus tard.

Il est en train de mettre au point des stratégies de prévention qui s'attaqueront aux facteurs fondamentaux de la criminalité, comme la pauvreté, le chômage, les mauvais parents, la violence familiale, l'absence de débouchés et la discrimination systémique. Ses membres pensent que la solution à long terme est de cibler les services et les ressources qui réduisent les effets des difficultés et du handicap socioculturel et qui fournissent aux enfants les meilleures chances de réaliser leur potentiel. Les résultats positifs de ces mesures profiteront à la société à maints égards et aideront à réduire les taux de criminalité et de victimisation.

Le travail du conseil consiste également à examiner des mesures destinées à consolider la famille pour protéger l'enfant à risque. Les travaux réalisés jusqu'ici ont fait ressortir la nécessité de prendre des mesures exhaustives aux niveaux national et international.

Ces mesures devraient viser à stabiliser la situation des familles perturbées ou des familles où la discipline est inégale, absente ou extrême, où la probabilité de mauvais traitements est élevée et où les modèles de comportement positif sont inexistants. Une intervention précoce peut aider à briser le cycle qui se perpétue de génération en génération des mauvais traitements infligés aux enfants et de la délinquance associée à cette forme d'exploitation.

La stratégie nationale de sécurité communautaire et de prévention du crime et les travaux du conseil national en sont encore à


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leurs débuts, mais je pense qu'ils sont très prometteurs et qu'ils sont un pas déterminant dans la voie des efforts déployés en vue de rendre nos communautés plus sûres. C'est grâce à ce type de travaux que l'on pourra à long terme prévenir la victimisation.

Comme je l'ai dit à nos collègues du Parti réformiste, c'est une initiative positive et constructive qui peut avoir et qui aura l'appui du député, de même que du gouvernement.

M. Paul Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une observation à formuler et une question à poser au député.

Le député ne voit-il pas que, pour assurer l'efficacité des services bénévoles aux victimes et améliorer la position des victimes dans l'ensemble du processus, il faudrait adopter une loi précise qui transforme les énoncés de principe et les bonnes intentions en mesures fermes? Cela établirait le statut de la victime et lui conférerait des droits reconnus légalement qu'elle pourrait faire respecter et qui obligerait le système de justice pénale à rendre des comptes quand il ne rend pas justice à la victime.

M. Maloney: Madame la Présidente, je suis d'accord avec mon collègue. Nous avons déjà commencé à adopter certaines mesures en conséquence. Je peux put-être lui en énumérer quelques-unes. Le projet de loi C-37 reconnaît l'admissibilité des déclarations des victimes. Le projet de loi C-41 modifie l'article 745 pour garantir que la victime puisse participer aux délibérations. Le Code criminel reconnaît le rôle de la victime dans tout le processus, les déclarations de la victime et ainsi de suite. Il y a ici toute une liste de mesures qui correspondent certainement à ce que le député voudrait voir adopter. Oui, je suis d'accord avec lui et, oui, nous nous en occupons.

(1350)

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Madame la Présidente, en tant que médecin dans ma vie antérieure, j'aimerais parler du dernier élément de la déclaration des droits des victimes, celui qui prévoit qu'une victime a le droit de savoir si un individu reconnu coupable d'une infraction sexuelle est atteint d'une maladie transmise sexuellement. J'aimerais citer le cas de Margot Blackburn. En septembre 1992, Margot vaquait à ses occupations au presbytère de la paroisse. Un prisonnier en semi-liberté faisait des travaux communautaires dans l'église. Ce criminel, qui avait un lourd passé, l'a violée.

Il s'est fait prendre, bien sûr. Reconnu coupable, il a été condamné à 12 ans de prison. Margot, au courant de l'actualité médicale, savait qu'il y avait des chances qu'il lui ait transmis une maladie infectieuse. Cet homme avait été reconnu coupable. Il avait admis l'avoir violée. Il s'était excusé, et tout le reste.

Margot a demandé s'il était possible qu'il lui ait transmis le sida. Elle a demandé au tribunal d'exiger que Louis B., le violeur, subisse un examen de dépistage du sida. Lorsque je raconte cette histoire à des élèves du secondaire, où que ce soit au Canada, ils me regardent avec horreur quand je leur dis que la réponse a été non: pas d'examen de dépistage du sida. Le détenu et ses droits ont préséance sur ceux de Margot Blackburn.

Elle voulait qu'il subisse un examen de dépistage du sida, une demande éminemment raisonnable, à mon avis, quand on sait qu'il se serait écoulé un grand laps de temps entre le moment de la contamination et le moment où un examen se serait révélé positif pour elle. Si le détenu était séropositif, elle saurait qu'elle avait bien raison de s'inquiéter.

Au Canada, dans ce cas, les droits du criminel, qui vont directement à l'encontre de ceux de Margot, ont préséance sur les siens. Je dis aux jeunes: «Que pensent les jeunes filles de la classe, que pensez-vous du système judiciaire canadien lorsque vous entendez ça? Les droits de qui devraient avoir la primauté, à votre avis?» Je n'ai pas encore rencontré un seul élève de 12e qui ait dit que les droits de Louis B. devraient avoir préséance sur ceux de Margot. Tous disent l'inverse.

Il ne fait pas l'ombre d'un doute que cette question jette le discrédit sur le système judiciaire. Les réformistes désirent changer cela. S'il existe un conflit entre les droits de la victime et les droits du criminel, les droits de la victime doivent prévaloir.

Dans un journal, j'ai trouvé un éditorial récent, très intéressant, écrit par quelqu'un qui siège ici, mais pas de ce côté, et qui déclarait cela de façon très éloquente. En 1993, le Centre canadien d'information pour les victimes de crime proposait que le Code criminel soit modifié de sorte qu'un tribunal puisse ordonner des tests sanguins lorsqu'il est persuadé que a) il existe des raisons raisonnables de penser que la victime a été exposée à un risque d'infection et que b) la prise de sang peut être faite sans porter atteinte à la vie ou à la sécurité de la personne. À mon avis, personne ne peut être en désaccord avec cela.

Je vais parler d'un deuxième cas de victime au Canada qui, à mon avis, pâtit du système. Il s'appelle Miles Fritz. C'est un jeune homme qui habite à Cayley, en Alberta. Il était maître électricien et travaillait au Yukon.

Un soir, alors qu'il lavait sa vaisselle, il a entendu des cris à l'extérieur. Son voisin de 64 ans était agressé par trois bandits. Miles est plutôt du genre malingre, comme moi. Néanmoins, il s'est précipité au secours de son voisin. Les trois bandits étaient littéralement en train de l'assommer. Il s'est jeté sur eux et les a forcés à lâcher prise. Toutefois, l'un d'eux a retiré un couteau et poignardé Miles dans l'avant-bras droit. Miles a failli perdre tout son sang, mais il a été sauvé grâce à des transfusions. Aujourd'hui, il a une invalidité permanente.

(1355)

Un maître électricien utilise beaucoup sa main droite. Miles a perdu l'usage de certains nerfs, sa force et donc son activité. Il ne sera plus jamais capable de travailler comme maître électricien.

Celui qui l'a poignardé a été libéré sur parole ce matin même. Il avait été condamné à une peine de neuf mois de prison et deux ans de probation. Qu'est-ce qu'a reçu Miles? Miles, un héros, à mon avis, qui a sauvé la vie de son voisin, n'a rien reçu. C'est dommage, Miles, pas de chance pour toi.


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Pendant ce temps-là, en prison, le coupable profite de services de counseling pour traiter sa toxicomanie, pour surmonter les problèmes de son passé, le traitement qu'il a reçu de ses parents, la pauvreté dans laquelle il a vécu. Mais Miles, lui, le héros, est laissé pour compte.

Le cas de Miles ne donne pas confiance dans notre système de justice pénale. Tous les réformistes ici présents s'accordent à dire que si les droits des victimes entrent en conflit avec les droits des criminels, ce sont les droits des victimes qui doivent prévaloir. Nous avons donc besoin d'une déclaration des droits des victimes. Je demande à mes collègues d'en face, de façon tout à fait non partisane, de mener ce projet à terme le plus rapidement possible.

Le Président: Mon cher collègue, si je vous ai montré deux doigts, cela ne voulait pas dire que vous deviez terminer votre discours immédiatement. Je vous signalais seulement qu'il était temps de passer aux déclarations. Si vous désirez reprendre la parole après la période des questions, il vous restera du temps. Est-ce que vous voudriez me dire ce que vous avez l'intention de faire?

M. Hill (Macleod): Monsieur le Président, étant donné que je partage mon temps avec le député de Surrey-White Rock-South Langley, j'ai donc terminé.

Le Président: Comme il est environ 14 heures, nous allons maintenant passer aux déclarations de députés.

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