M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole pour expliquer pourquoi j'appuie le projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence.
Ce projet de loi aurait pour effet de modifier l'article 745 du Code criminel, qui porte sur la révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle dans les cas de peines d'emprisonnement à vie pour meurtre ou haute trahison.
Je remarque, à titre d'information pour les députés, que l'article 745 est maintenant appelé article 745.6 par suite de l'entrée en vigueur du projet de loi C-41, la Loi sur la détermination de la peine, le 3 septembre 1996. Aux termes de l'article 745.6, dans son libellé actuel, un délinquant ne peut demander une révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle que s'il a purgé au moins 15 ans de sa peine.
Pendant une telle révision, la décision de réduire ou non la période d'inadmissibilité est prise par un jury de 12 citoyens ordinaires choisis au sein de la région où le crime a été commis. À l'heure actuelle, le décision peut être prise par une majorité de 8 sur 12 membres du jury, soit les deux tiers. C'est une modalité de la disposition qui serait touchée par le projet de loi C-45. Le jury prendrait sa décision après avoir entendu des témoignages présentés par le requérant et la défense.
Il convient de mentionner qu'aux termes de l'article 745.6, le jury n'a pas le pouvoir de faire libérer le délinquant. Tout ce qu'il peut faire, c'est permettre au requérant de demander une audience devant la Commission des libérations conditionnelles avant l'expiration de la période d'inadmissibilité de 25 ans. Après avoir déterminé si la libération du requérant représenterait un risque indu pour la société, la Commission des libérations conditionnelles prend la décision d'accorder ou non la libération conditionnelle.
Si elle décide de libérer un requérant dont la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle a été réduite, la commission impose toutefois des conditions à cette libération. Ces conditions ainsi que la peine d'emprisonnement à vie continuent de s'appliquer jusqu'à la fin de la vie du requérant ou de la peine et le requérant peut être renvoyé en prison s'il enfreint les conditions de sa libération.
Autrement dit, le délinquant risque en tout temps, jusqu'à la fin de ses jours, d'être réincarcéré s'il enfreint les conditions de sa libération.
Je tiens également à souligner, à titre d'information pour tous les députés, que notre système de révision de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle après 15 ans se compare à celui de nombre d'autres pays occidentaux où le délai préalable à la libération conditionnelle est fixé à 15 ans, voire, dans certains cas, à moins de 15 ans. Aux États-Unis, la durée moyenne de la peine purgée par les meurtriers qui ne sont pas exécutés est de 18 ans au niveau fédéral et de 15 ans au niveau des États.
(1520)
Comme les députés le savent, l'article 745.6 a été adopté en 1976 lorsque la peine de mort a été abolie au Canada. On avait jugé à l'époque que l'article 745.6 était nécessaire comme source d'espoir pour la réadaptation des personnes reconnues coupables de meurtre et comme source de protection pour les gardiens de prison. Nous pouvons tous imaginer des situations où des personnes reconnues coupables de meurtre ont un faible espoir d'être libérées si elles se comportent mieux. Si elles savaient d'avance qu'elles passeraient le reste de leur vie derrière les barreaux, qu'est-ce qui les empêcherait de mettre en danger la vie des gardiens de prison?
L'adoption de l'article 745.6 reconnaissait également que, dans certains cas, il n'est pas dans l'intérêt public de garder des criminels en prison plus de 15 ans. Nous savons tous que l'article 745.6 suscite bien des préoccupations. Beaucoup de gens ont demandé l'abrogation de cette disposition parce qu'ils s'inquiètent de la sécurité publique. D'autres ont parlé de la revictimisation de la famille de la victime lors d'une audience tenue 15 ans après le procès initial, à un moment où les terribles blessures causées par le crime ont peut-être commencé à se cicatriser. D'autres ont mis l'accent sur la période minimum d'incarcération qui devrait s'appliquer à l'infraction la plus grave prévue dans le Code criminel.
Je partage les préoccupations des Canadiens au sujet de la nécessité d'assurer la sécurité publique. Je suis ému par la douleur ressentie par les familles des victimes de ces crimes souvent brutaux et insensés. L'idée de voir les familles des victimes revictimisées à l'occasion d'une révision publique devant un jury dans des cas où le détenu n'a aucune chance raisonnable de succès est l'un des facteurs qui a amené le gouvernement à présenter ce projet de loi à la Chambre. Toutefois, je ne suis pas en faveur de l'abrogation de l'article 745.6. Je crois que les raisons qui en ont justifié l'ajout au Code criminel en 1976 tiennent encore aujourd'hui. Le projet de loi C-45 modifie l'article 745.6 afin que ce recours ne soit accessible que dans les cas où cela convient.
Avant de passer aux trois principaux éléments du projet de loi qu'on cherche à modifier, je veux parler brièvement de certains principes qui sous-tendent notre droit pénal. Ces principes ont évolué pendant des centaines d'années grâce à la jurisprudence des tribunaux britanniques, du Commonwealth et aussi des tribunaux canadiens. Nous devons toujours penser à ces principes lorsque nous pesons certains des arguments avancés dans ce débat, particulièrement ceux en faveur de l'abolition de cette disposition.
Si nous nous arrêtons à ce que nous avons entendu au sujet de notre système de justice pénale, un certain nombre de ces principes sacrés nous viennent à l'esprit. Le plus évident est probablement celui selon lequel, lors d'un procès criminel, pour avoir un verdict de culpabilité, il faut que la culpabilité ait été prouvée hors de tout doute raisonnable. Je suppose que, dans certains cas, les auteurs d'un crime ont été acquittés à cause de cette norme très élevée. Nous pourrions avoir une autre norme prévoyant que la personne est peut-être coupable et qu'il faut donc la condamner, ou encore qu'elle est probablement coupable et que nous devrions peut-être alors la condamner. Le droit a évolué dans notre société civilisée de manière à éviter autant que possible d'emprisonner des personnes innocentes. D'où cette règle très rigoureuse qui exige de prouver la culpabilité de quelqu'un hors de tout doute raisonnable. Ceux qui remettent ce principe en question devraient d'abord se rappeler pourquoi il a été adopté à l'origine.
(1525)
Une autre règle apparue au fil des ans est celle qui interdit l'application rétroactive d'une loi pénale. Que dit cette règle? Elle dit qu'on ne peut pas apporter une modification importante à une loi pénale de manière à ce qu'elle affecte la vie d'une personne après le fait. Autrement dit, nous ne pouvons pas faire en sorte qu'une nouvelle loi s'applique à des actions passées.
Cette règle s'est probablement développée dans la jurisprudence il y a plusieurs siècles. C'était une façon pour le pouvoir judiciaire de protéger les citoyens contre les caprices de l'État, qui était moins soucieux du respect des droits des accusés. Supposons qu'une personne commette à un moment donné un acte qui n'est pas illégal et qu'un gouvernement modifie ultérieurement la loi et rende cet acte illégal. Il serait certainement absurde d'accuser la personne de cet acte après le fait puisqu'il n'était pas illégal lorsqu'elle l'a commis.
C'est la même chose dans le cas d'un individu qui a commis un acte criminel passible d'une peine maximale de tant d'années d'emprisonnement et voilà que le gouvernement décide de modifier la loi et rend l'infraction passible d'une peine d'emprisonnement beaucoup plus sévère. Que dire de la peine de mort? Il serait certainement injuste d'imposer une peine plus lourde que celle en vigueur au moment de la commission de l'infraction. Ce principe est incontestablement reconnu dans la Charte des droits. Ne blâmons pas la Charte aussi souvent que les réformistes ont tendance à le faire. Cette règle a évolué au fil des siècles car il fallait protéger les citoyens des actions capricieuses du gouvernement.
Il y a des années, les gouvernements n'avaient pas autant d'égards pour l'individu. N'oublions pas de nous reporter à l'histoire pour voir comment ces règles évoluent, pour voir quels abus elles avaient pour but de prévenir, avant de les rejeter.
Nous pensons que l'individu doit avoir une idée de ce qui est légal ou non et de ce qu'il en coûte de commettre un acte. C'est pourquoi le législateur a inscrit dans les lois du pays et dans le code les interdictions et ce qu'il en coûte à ceux qui les enfreignent. La société doit pouvoir savoir quelles sont ces interdictions pour ne pas les enfreindre. C'est logique.
Si on y réfléchit, que signifie cette règle de la non-rétroactivité de l'abrogation de l'article 745? Cela signifie qu'à l'avenir, même si cet article était abrogé, les gens qui se trouvent déjà dans le système, c'est-à-dire ceux déjà condamnés pour meurtre et purgeant une peine de prison pouvant aller jusqu'à 25 ans, pourront encore faire une demande en vertu de cet article s'ils ont été condamnés assez récemment.
Les réformistes disent aux gens de faire campagne pour l'abrogation de l'article 745 de sorte que la personne qui a commis un crime contre un de leurs êtres chers ne puisse pas faire une demande en vertu de cet article. C'est ce qu'ils font. C'est un fait. C'est ce que les réformistes disent aux victimes de la criminalité de faire. Le député de MacLeod l'a clairement dit dans une intervention qu'il a faite lundi. Il a préconisé à une personne de faire campagne en faveur de l'abrogation de l'article 745, de revivre les horreurs passées, de dépenser son argent et son temps à faire campagne pour faire en sorte que l'individu qui avait commis le crime en question ne puisse faire une demande en vertu de cet article.
(1350)
Les réformistes ne peuvent pas n'avoir pas compris ce principe qui est l'un des fondements de notre droit pénal ou, s'ils ne l'ont pas compris, leurs recherchistes sont sûrement conscients de ce principe très fondamental. Ils auraient pu dire aux victimes de ces horribles crimes les données réelles du problème plutôt que de les inciter à se soulever contre cette mesure législative, leur faisant croire qu'on pourrait empêcher la personne qui a commis cet horrible crime contre leur famille de présenter sa demande. Voilà la véritable exploitation de la douleur des victimes et de leur famille. C'est exploiter à des fins politiques des gens qui ont connu la pire douleur qui soit.
Le Parti réformiste veut toujours parler des conséquences pour les victimes. Je demande: qu'en est-il des conséquences pour les victimes de ce genre d'exploitation scandaleuse? Les réformistes feraient bien de dire aux gens qui leur demandent conseil ce que signifierait exactement l'abrogation de l'article 745 de la loi avant de les envoyer faire campagne à leur place.
C'est très troublant de voir ces gens qui ont été reconnus coupables d'horribles crimes et qui ne cherchent qu'à faire parler d'eux,
parce qu'ils savent bien qu'ils ne sortiront jamais de prison, utiliser le Parti réformiste pour se faire de la publicité.
Je me souviens d'une fois, au Comité de la justice, où le député de Calgary-Nord-Est a lu d'un air enflammé une lettre d'un criminel notoire. Le député espérait au-delà de tout attirer l'attention en lisant cette lettre. Le Parti réformiste doit y penser à deux fois avant d'aider sciemment des personnes qui n'ont aucun espoir de sortir de prison et qui ne cherchent qu'à faire parler d'eux. Ils devraient se demander s'il vaut la peine de leur donner ce qu'elles cherchent. Ils devraient réfléchir sérieusement à ce genre de tactique et modifier leur comportement en conséquence.
Notre mesure législative traite de façon réaliste l'article 745 et les modifications nécessaires. Nous reconnaissons que même son abolition ne modifierait pas le système. Les modifications que nous proposons à la loi, à l'exception de l'une d'entre elles qui ne peut être rétroactive, étant une modification de fond, visent la procédure et peuvent donc être appliquées.
Je vais maintenant passer en revue les modifications que propose le gouvernement. Les trois éléments que modifie le projet de loi visent à assurer que seuls les individus qui ont des chances d'être acceptés fassent une demande.
(1535)
La première modification prive du droit de demander une révision judiciaire les personnes qui, à l'avenir, commettront plus d'un meurtre en même temps. Cela comprend les tueurs en série. La modification que nous proposons est conforme à une notion qui se trouve dans le Code criminel et selon laquelle la répétition d'un délit devrait être traitée plus sévèrement qu'un délit unique. Par conséquent, un individu qui commet plusieurs meurtres n'aura pas le droit de bénéficier de l'article 745.
La deuxième modification que nous proposons relève de la procédure. Elle crée un mécanisme d'examen initial des demandes selon lequel un juge d'une cour supérieure décide, au vu des documents accompagnant la demande, si celle-ci à des chances raisonnables d'être acceptée, et ce avant même de procéder à une audience complète. Cela devrait contribuer à assurer que seuls les cas méritants comparaissent devant un jury assemblé en vertu de l'article 745, que seuls les cas répondant aux critères fassent l'objet d'une audience en bonne et due forme. Dans les cas de demandes fantaisistes sans aucune chance d'aboutir, cela assurerait aux victimes qu'elles n'aient pas à revivre les horreurs de la situation.
La troisième modification prévoit qu'une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle ne peut être réduite que par décision unanime du jury. La conséquence de cette disposition est qu'une demande de réduction de la période d'inadmissibilité sera rejetée lorsqu'un jury décide qu'elle doit l'être ou simplement s'il n'y a pas unanimité à ce sujet au sein du jury. En outre, le jury peut décider, lorsqu'il rejette une demande, si le détenu aura l'autorisation de présenter une autre demande et si oui, dans combien de temps; quoi qu'il en soit, le délai minimum sera de deux ans.
En juin, avant les vacances, le comité permanent a reçu des témoins qui avaient une opinion très tranchée sur l'article 745.6. Certains ont demandé qu'il soit purement et simplement aboli. Je ne peux être d'accord avec eux car, outre tous les autres problèmes dont j'ai déjà parlé, l'abrogation de l'article 745.6 n'est tout simplement pas la bonne chose à faire selon moi.
D'autres témoins étaient résolument en faveur du maintien de cet article dans son état actuel. À la lumière des témoignages entendus lors des audiences du comité, qui reflètent les opinions diamétralement opposées exprimées durant les consultations préalables à la présentation de ce projet de loi, je crois que le projet de loi C-45 atteint le juste équilibre entre ceux qui veulent garder l'article tel quel et ceux qui veulent l'abroger.
Lorsque le ministre de la Justice a présenté le projet de loi C-45 le 11 juin dernier, j'ai espéré que la Chambre adopte les modifications très rapidement, avant l'ajournement d'été. Malheureusement, ce ne fut pas possible. Je demande aux députés d'appuyer le projet de loi et de l'adopter rapidement afin que les modifications proposées puissent entrer en vigueur le plus tôt possible.
[Français]
M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, j'interviens pour une troisième fois sur le projet de loi C-45, en plus des interventions que j'ai faites au Comité permanent de la justice.
L'honorable député de Prince-Albert-Churchill River a tenu ce que l'on a entendu depuis le début, un double langage. D'un côté, il dit: «Nous n'abolissons pas l'article 745 du Code criminel. Il ne faut pas l'abolir, il faut laisser l'espoir», et d'un autre côté, les dispositions mêmes du projet de loi C-45 sont des dispositions qui rendront, à toutes fins utiles, la libération en vertu de l'article 745 impossible dans plusieurs parties du Canada.
On va commencer par le début. Quand l'article 745 est-il arrivé dans notre droit criminel? Il y a 20 ans cette année, en juillet 1976, suivant les compromis qui avaient été négociés à l'époque par le solliciteur général, député de Notre-Dame-de-Grâce à l'époque et encore aujourd'hui, des amendements avaient été déposés au projet de loi abolissant la peine de mort au Canada. On a qualifié ces amendements du nom de leurs proposeurs, les amendements Prud'homme-Fleming.
(1540)
Pourquoi? Que s'est-il passé? Il n'y avait pas de ligne de parti à suivre à l'époque, c'était un vote libre, à la Chambre des communes, et les partisans de l'abolition de la peine de mort manquaient tout simplement de votes; les chiffres n'y étaient pas. Et si le vote avait été pris sur le simple projet de loi que le gouvernement Trudeau avait déposé, le projet de loi a été battu par 4, 5 ou 6 votes. Les négociations du député de Notre-Dame-de-Grâce et les amendements Prud'homme-Fleming ont fait en sorte que les 6 votes ont été
rattrapés, et je crois que c'est par cette majorité que la peine de mort a été abolie. Mais quand on négocie, on fait des compromis.
Il y avait un compris à faire à ce moment, avec les gens qui étaient plutôt partisans de la peine de mort, mais qui avaient quand même une marge de manoeuvre dans leur conscience ou dans l'élaboration de leur pensée. Les députés de l'époque qui ont participé aux négociations ont pu leur dire: «Écoutez, le choix fondamental n'est pas de choisir entre 25 ans, 10 ans 15 ans ou autre chose, c'est de décider si on abolit la peine de mort.» C'est ainsi qu'on a réussi à convaincre des gens qui étaient même contre une sentence ferme de 25 ans de se rallier quand même à ces 25 ans, sinon, la peine de mort aurait été maintenue. Le gouvernement avait été très clair à l'époque. Je me rappelle avoir entendu M. Trudeau en cette Chambre dire: «Si le projet de loi est refusé, ne comptez pas sur le Cabinet pour user systématiquement de la prérogative royale de commutation des peines. Il y en aura, des exécutions, au Canada, des échafauds seront dressés.» Le message était très clair. Les députés qui ont voulu en tenir compte en ont tenu compte.
Alors l'article 745 qu'on nous présente aujourd'hui, et le député de Prince Albert-Churchill River semble nous montrer l'article 745 comme une mesure de clémence, mais c'est loin d'une mesure de clémence. En 1976, c'était une aggravation de l'état du droit. Jusqu'en juillet 1976, une personne qui était condamnée à mort et dont la peine était commuée en prison à perpétuité ou une personne trouvée coupable de meurtre au premier degré et condamnée à la prison à perpétuité était éligible à une libération conditionnelle après dix ans. Elle n'avait pas à se présenter devant un jury; elle se présentait devant la Commission des libérations conditionnelles pour demander, suivant les circonstances, sa libération. Et de fait, la moyenne de temps passé par un détenu condamné à perpétuité pour meurtre était de 13,2 ans. On est bien loin des chiffres de l'article 745 qui nous disent que ça doit être un minimum de 25 ans.
Alors toutes ces négociations ont fait en sorte qu'on a aggravé l'état du droit; on ne l'a pas amélioré pour les détenus. L'article 745 est venu nous dire que la personne trouvée coupable de meurtre au premier ou au deuxième degré et qui a une sentence supérieure à 15 ans d'emprisonnement peut, après 15 ans, faire une demande au juge en chef de la Cour supérieure ou de la Cour suprême de sa province pour que celui-ci convoque un jury. Le juge en chef n'a pas de discrétion, il doit convoquer le jury, et le jury examine.
Suivant la preuve qui lui est présentée, suivant les discussions, les rapports de sociologues, de psychologues, de travailleurs sociaux, de gens du milieu carcéral et aussi de certaines informations qui peuvent être données par les familles des victimes, le jury examinera si, oui ou non, nous recommandons la remise en liberté du détenu, parce que le détenu, lui, est toujours condamné à une peine à perpétuité qui le suivra toujours. Ce n'est donc pas une loterie, cette procédure établie à l'article 745.
Le jury, suivant les dispositions actuelles de l'article 745, doit prendre une décision suivant les deux tiers de ses membres, 8 sur 12, ce qui, en l'espèce, m'apparaît tout à fait raisonnable, puisqu'il ne s'agit pas de déterminer la culpabilité, il ne s'agit pas, suivant les critères qui remontent à plusieurs siècles, de juger au-delà de tout doute raisonnable. Il suffit de faire une appréciation de la preuve, de juger effectivement, suivant une prépondérance de preuve, finalement.
(1545)
Est-ce que, dans les circonstances, ce détenu mérite d'avoir accès à une libération accélérée? A-t-on besoin de l'unanimité pour faire cela? Je ne le crois pas.
Je pense qu'en 1976, le législateur a utilisé une certaine sagesse en déterminant que les deux tiers du jury pouvaient agir. Le maintien de la règle des deux tiers du jury, je vous le soumets, fera en sorte qu'on aura la même norme d'application du droit partout au Canada. Peu importe la province où on habite, on aura accès aux mêmes règles de droit en pratique et pas seulement en théorie.
On a entendu le discours réformiste. Ce discours reflète une réalité canadienne qu'on ne peut ignorer. Ces députés représentent une portion non négligeable de la population canadienne qui demande le rappel de l'article 745 ou l'adoption du projet de loi C-45 pour que les peines soient plus sévères. Il y aura donc des parties du Canada, particulièrement dans l'Ouest, où les jurys seront nécessairement plus sévères.
Si les députés qui représentent les circonscriptions de l'Ouest ont réclamé avec tant de vigueur le rappel de l'article 745 du Code criminel, les juges des provinces de l'Ouest canadien, les jurys qui seront formés dans l'Ouest canadien refléteront la même réalité sociale, je présume.
Ces députés ne doivent pas être déconnectés de leur réalité. Alors, on aura une réalité pour l'Ouest, une pour l'Ontario, une pour le Québec, une autre pour les provinces Atlantiques. Je vous soumets que le droit criminel étant de compétence fédérale, il doit y avoir une norme qui s'applique de l'Atlantique au Pacifique à l'Arctique, sans distinction. La norme d'avoir une possibilité de jouer avec quatre jurés, une marge d'erreur, une marge d'appréciation, m'apparaît excellente.
Comme je disais tout à l'heure, après 15 ans, le détenu a un droit strict, sous l'empire du droit actuel, de demander au juge en chef, la convocation d'un jury. On a vu au cours des débats, et des collègues l'ont dit, que c'est une minorité de personnes qui font cette demande. Dans bien des cas, ils savent très bien que cette demande pourrait être refusée.
Le juge en chef convoque le jury, le jury fait une recommandation. Si le jury recommande que la personne puisse être remise en liberté, la personne pourra s'adresser à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Ce qui signifie que lorsque le délai de 15 ans est expiré, il peut y avoir plusieurs mois d'attente avant qu'une décision ne soit prise.
Une chose que l'on a vue, c'est des gens qui ont fait leur demande et qui ont été remis en liberté beaucoup plus tard. Si le jury ne se rend pas aux arguments qui lui sont présentés, le jury fixe un moment où la personne pourra à nouveau présenter une demande de
libération conditionnelle ou de remise en liberté avant d'avoir purgé 25 ans fermes de sa peine.
L'honorable député de Crowfoot a posé à la plupart des témoins, lors des audiences, tant sur le projet de loi C-226 que sur le projet de loi C-45, une excellente question. Sa question était la suivante et il pourra me corriger si je la reformule mal. Il a demandé aux témoins quelle était la sentence appropriée pour une personne trouvée coupable de meurtre. C'est une question capitale, c'est le point cardinal de tout le débat.
À partir du moment où on a répondu que la sentence qui doit frapper une personne coupable de meurtre n'est pas la peine de mort, à partir du moment où l'on élimine la possibilité de la peine de mort, quelle est la sentence? Rien ne peut remplacer une vie, c'est une chose qu'on nous apprend dès le bas âge, c'est une valeur-j'allais dire presque universelle-qui gagnerait à être davantage universalisée. Dans le monde dans lequel on vit, c'est une des valeurs suprêmes que nous connaissons.
On ne pourra jamais remplacer la vie d'une personne disparue dans des circonstances comme celles-là. Et puis, le Parlement canadien a décidé que d'enlever la vie à quelqu'un, parce qu'il en avait tué un autre, n'était pas une bonne façon de montrer qu'il ne fallait pas tuer.
Or, on est un peu mal pris. On ne peut quand même pas remettre les gens en liberté, il faut donner une peine.
(1550)
Est-ce que c'est 20 ans? Est-ce que c'est 25 ans? Est-ce que c'est la prison à perpétuité? C'est quelque chose dans cet ordre-là, je suis incapable de définir quoi; 25 ans m'apparaît quelque chose d'intéressant, la prison à perpétuité avec une possibilité de révision, oui. D'une part, il faut laisser la possibilité qu'il y ait un espoir. Il faut laisser l'espoir chez l'être humain, c'est ce qui lui permet de vivre. Condamner une personne sans lui donner l'espoir qu'un jour elle pourra être remise en liberté, c'est au moins aussi pire que de l'exécuter.
D'un autre côté, la sentence doit être exemplaire, le meurtre étant le crime le plus grave, à mon avis, qui existe dans le Code criminel. On ne peut pas donner une sentence suspendue pour un meurtre au premier ou au deuxième degré. Il faut donc quelque chose qui soit assez sévère pour qu'il y ait un exemple, pour que la société soit protégée, que la personne trouvée coupable soit punie et pour que la famille, le milieu se sente en sécurité. Les gens ont le droit d'être protégés.
Nous l'avons dit en deuxième lecture, nous voulions un révision de la loi qui a maintenant 20 ans. Cette révision-là, nous avons une journée et demie, deux jours pour le faire, en siégeant à peu près jour et nuit. Nous nous attendions à une révision de l'Atlantique au Pacifique. Comme dans le cas de l'assurance-chômage, semble-t-il que tout était décidé à l'avance. Nous avons entendu les témoins en catastrophe. Il n'a pas été possible de faire un travail en commission parlementaire qui soit digne de ce nom, bien que la très grande majorité des témoins qui se sont présentés, la John Howard Society, la Société Elizabeth Fry, et même des gens représentant des victimes sont venus dire: «Ne touchez pas à l'article 745.»
Où était l'urgence d'agir? Les manifestations publiques, où étaient-elles pour demander des modifications qui touchent à peu près 75 ou 76 personnes qui ont fait des demandes en 20 ans? Il y a des problèmes qui ont beaucoup plus d'acuité qui mériteraient une attention beaucoup plus immédiate. On aurait eu le temps de faire une révision approfondie.
Est-ce qu'il ne serait pas mieux maintenant, étant donné que 20 ans ont passé, de revenir à la situation qui existait avant 1976 et qu'on juge chaque cas au mérite devant la Commission des libérations conditionnelles? C'était une option.
Est-ce qu'il y aurait lieu de maintenir l'article tel qu'il est ou de regarder toute autre avenue? C'est ce que nous voulions faire et c'est ce qu'on ne nous a pas permis de faire et on nous arrive avec une loi qui est fondamentalement rétrograde puisqu'elle obligera désormais l'unanimité du jury avec les conséquences dont j'ai parlé tout à l'heure. Elle obligera également le prévenu qui veut présenter sa demande à s'adresser au préalable à un juge pour lui démontrer, par une preuve littérale, non pas lors d'une audition adversariale où chaque parti fait valoir son point de vue, à envoyer ses papiers au juge qu'il ne verra même pas. La Common Law nous dit que le juge peut toujours décider d'entendre les parties mais il n'y a aucun droit statutaire d'être entendu si le prévenu ne peut pas exiger d'audition. Le juge, suivant qu'il appartient à telle ou telle école de pensée en matière de sentencing pourra dire: Il n'y a pas de probabilité qu'un jury pourrait vous libérer, je ne fais pas droit à la requête.
Personne ne sera donc jugé deux fois. Il y aura deux juges des faits. En matière criminelle, généralement, et si on veut être logique pour la comparaison avec le jury, lorsqu'il y a procès devant jury celui-ci est maître des faits, le juge est le maître du droit. Ici le juge va devenir le maître des faits, il jugera une première fois sur les faits. Si les faits ne lui paraissent pas être suffisamment probants, il ne permettra pas au prévenu ou au détenu de s'adresser à un jury. S'il le permet, le prévenu devra refaire une preuve.
C'est lui qui a le fardeau de la preuve. Qu'on ne nous fasse pas croire encore une fois qu'on veut protéger le système et qu'on veut étendre ce que l'on connaît traditionnellement du jury au système qui existe en vertu de l'article 745. Le prévenu qui s'adresse à 12 jurés pour demander de pouvoir être libéré après 15 ans, il a le fardeau de convaincre les 12. Ce n'est pas la Couronne qui est là pour dire: En m'opposant, il faut que je convainque les 12 d'être unanimes dans leur opposition à la libération.
Le fardeau de la preuve repose sur le prévenu. C'est un fardeau qui nous apparaît beaucoup trop élevé et qui va amener les conséquences qu'on a décrites tout à l'heure.
On mentionnait le projet de loi C-226 contre lequel je me suis battu, qui posait beaucoup plus clairement la question en demandant tout simplement le rappel de l'article 745.
(1555)
Nous étions au moins avec une question claire et un langage qui n'était pas double, où on pourra dire dans l'Ouest canadien: «Regardez bien, on ne libérera plus les gens en vertu de l'article 745, on a serré la loi», et on pourra dire, en Ontario et au Québec: «Regardez, les travailleurs sociaux, les psychologues, on croit à la réhabilitation, on a modifié, on a rendu encore plus alléchantes les dispositions de l'article 745.» On tiendra ce langage. Comme disait un des mes professeurs à la faculté de droit, la meilleure chose, quand on veut gagner une cause et qu'on n'en a pas une, c'est de mêler le juge.
Le juge, en matière électorale, c'est la population. Quand on veut gagner une cause et qu'on n'en a pas, on mêle le peuple, et quand on a mêlé le peuple, il y a une chance que le jour du scrutin le peuple soit mêlé et fasse son x au mauvais endroit. On a seulement une chance de faire notre x le jour du scrutin, sinon c'est quatre ou cinq ans plus tard. Il ne faut pas s'y méprendre, c'est ce que fait le gouvernement.
Au moins, l'honnêteté a été démontrée par ceux qui prônent l'abolition pure et simple de l'article 745. Je ne partage pas ce point de vue, mais leur demande a été claire, leurs discours ont été clairs. Le discours alambiqué qu'a tenu le gouvernement est dans une toute autre direction. Je tiens cependant à féliciter le courage de l'honorable député de Kingston et les Îles, qui a tenu son point tout au cours du débat et qui, hier encore à l'étape du rapport, a présenté un amendement, a voté contre l'adoption du projet de loi, de même que l'ancien solliciteur général et député de Notre-Dame-de-Grâce, qui a fait la même chose, et quelques autres collègues du côté libéral.
On peut vivre un certain temps dans le double langage. Suivant l'adage bien connu, on peut tromper une personne tout le temps, on peut tromper plusieurs personnes pendant un certain temps, mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps. C'est ce que le gouvernement libéral a essayé de faire depuis le début de son mandat, en croyant qu'on allait améliorer le sort des chômeurs, en croyant qu'on allait améliorer le système carcéral canadien, qu'on allait améliorer le système des transports en privatisant, malgré toutes les remarques qui ont été faites et les nombreuses interventions de mon collègue de Beauport-Montmorency-Orléans. Vous savez comme moi que ses remarques étaient à pic et tombaient à point dans tout ce débat.
Un jour ou l'autre, la poussière va retomber et l'électorat, qui n'est pas dupe, va pouvoir porter son jugement. L'honorable député de Prince-Albert-Churchill River disait aussi tout à l'heure que l'article 745 allait être amélioré parce que le tueur multiple, la personne qui avait commis plus d'un crime, peu importe que ce soit en même temps ou de façon consécutive, n'était plus admissible à l'article 745. C'est de la régression. On peut très bien imaginer une personne commettre plus d'un crime dans une situation qui pourrait justifier une remise en liberté.
Prenons le cas de quelqu'un qui décide de braquer une banque, qui se prépare avec son arme et qui se présente à la banque et qui n'avait peut-être pas l'intention criminelle au début, mais suivant les règles du meurtre par interprétation tue deux personnes lors de la commission d'un même hold-up. C'est un acte regrettable, condamnable, et la personne sera condamnée. Est-ce que cette personne devrait être privée, si elle n'a rien d'autre à son dossier judiciaire, de l'application de l'article 745 au même titre qu'un meurtrier du même ordre que celui qu'on a vu il y a si peu de temps dans le cas dont parlait mon collègue de Mégantic-Compton-Stanstead, le cas d'Isabelle Bolduc, où on a eu un meurtre crapuleux avec viol de personne, avec des choses qu'on n'ose même pas décrire en cette Chambre tellement c'est sordide. Il y a des personnes qui semblent irrécupérables à ce stade-ci pour la société. Souvent, un seul meurtre dans les conditions les plus horribles est bien pire.
On veut aussi établir une gradation dans les meurtres. Est-ce qu'en tuer deux, c'est moins pire qu'un? Est-ce qu'un est moins pire que trois, quatre? Il y a des situations qui méritent une étude particulière et non pas une règle générale comme on veut le faire à l'heure actuelle.
Là, on veut asphalter de mur en mur. Cela a été la mode, cela a aussi été la mode dans la ville de Québec, il y a une vingtaine d'années. Cela a été le bétonnage de la ville de Québec, mais aujourd'hui, il faut défaire le béton pour refaire l'architecture si belle que cette ville a connue. Aujourd'hui, on remet une couche d'asphalte à ce fameux parking du 745 en pensant qu'avec le dégel ça ne travaillera pas trop. Bien oui, on connaîtra les effets pervers dans un an, dans deux ans. On va les connaître dans les prisons, parce que je vous disais tout à l'heure que si on enlève l'espoir aux personnes, on va les forcer à commettre des gestes de désespoir.
(1600)
Est-ce que les agents de prison, les agents de la paix seront plus en sécurité? Est-ce que quelqu'un qui sait qu'il ne sortira jamais de prison ne risquera pas de se faire un ou deux gardiens parce qu'il n'y a plus de mesure d'espoir pour lui? Je pense qu'on s'attaque au problème de façon tout à fait erronée et que le maintien du statu quo aurait été beaucoup plus justifié.
Aucun des amendements de l'opposition n'a été retenu, ni même les amendements du gouvernement proposés par l'honorable député de Kingston et les Îles n'ont été retenus par le gouvernement. Est-ce que son projet de loi était si bon? Il est déposé en première lecture le 11 juin, motion d'attribution de temps pour la discussion en deuxième lecture, et à la vapeur, en comité, pendant une journée et demie ou deux jours, où on a presque siégé jour et nuit. Est-ce qu'on a l'éclairage suffisant pour dire «oui, hors de tout doute raisonnable ou avec une certitude forte, voilà un bon projet de loi qui va améliorer la situation au Canada»? Je vous soumets que non, que ce projet de loi est un mauvais projet de loi qui va faire régresser la situation du droit au Canada.
En fin de discours, après vous avoir indiqué que l'opposition officielle votera contre ce projet de loi, je désire déposer l'amendement suivant, qui se lit comme suit:
Qu'on modifie la motion en retranchant tous les mots suivant le mot «Que» en les remplaçant par ce qui suit: Le projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en
conséquence, ne soit pas maintenant lu une troisième fois mais qu'il soit lu dans six mois à compter de ce jour.Le Président: Mon cher collègue, il me semble que cette motion est acceptable.
[Traduction]
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, j'appuie le report. En fait, j'aimerais que ce projet de loi soit reporté aux calendes grecques, sans le moindre espoir qu'il revienne un jour.
Avant de parler directement du projet de loi C-45, je voudrais faire quelques observations sur deux points de l'intervention du secrétaire parlementaire du ministre de la Justice.
Il disait aujourd'hui, dans son discours, que l'élimination de la possibilité de demander la libération conditionnelle est interdite par le principe de non rétroactivité. C'est exactement le sujet de l'article 745. C'est un article qui permet de demander la réduction de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle dans le cas d'une condamnation à perpétuité. Selon les avis juridiques que j'ai reçus, l'élimination de l'article 745 toucherait toutes les personnes qui sont actuellement en prison et qui souhaiteraient demander à profiter de cet article. Cela leur enlèverait le droit de demander un examen et ce serait parfaitement logique et constitutionnel.
(1605)
J'ai écouté soigneusement la déclaration du secrétaire parlementaire qui disait que les députés, y compris les députés réformistes au Parlement, utilisent les peines et les souffrances des familles qui ont eu leur enfant assassiné à des fins politiques. Si je le comprends bien, à mon humble avis, cette déclaration est méprisable.
Je m'oppose à cette mesure législative qui, à mon avis et à celui de beaucoup de Canadiens, fait peu de cas de la vie humaine. Le projet de loi C-45 démontre clairement que le ministre de la Justice libéral et une majorité de ses collègues libéraux n'accordent pas un grand prix à la vie des Canadiens.
Je voudrais que chacun des députés de cette Chambre qui ont voté en faveur du projet de loi C-45, qui ont voté pour permettre que des meurtriers au premier degré aient la possibilité d'être libérés par anticipation se posent cette question: «Quelle valeur accordent-ils à la vie de leurs frères et de leurs soeurs, ou à la vie de leurs enfants? Est-ce qu'ils pensent que ces vies ne valent que 15 ans de prison? Est-ce que 15 ans suffisent pour oublier la joie que donnait la voix de leurs jeunes enfants et petits-enfants?»
J'aimerais que le ministre de la Justice demande aux Rosenfeldt, qui ont assisté aux audiences du Comité de la justice aujourd'hui, s'ils ont oublié le sourire et le rire de leur fils ou s'ils ont oublié la sensation de bien-être que l'on éprouve avec un jeune enfant dans les bras?
J'aimerais demander au ministre de la Justice qu'il demande au Rosenfeldt ce qu'ils ont ressenti le jour où ils ont appris que Daryn avait été torturé, agressé sexuellement et tué par un maniaque comme Clifford Olson.
Je voudrais inviter le ministre de la Justice à demander à Mme Rosenfeldt comment elle se sent chaque fois qu'elle est forcée de penser aux dernières heures de Daryn ou comment elle s'est sentie le 12 août lorsque Clifford Olson a décidé d'exercer le droit que le gouvernement libéral lui a accordé de demander une libération anticipée.
Le ministre de la Justice devrait regarder Mme Rosenfeldt dans les yeux et lui expliquer pourquoi il appuie la demande de libération anticipée du tueur de son fils. Je voudrais que le ministre de la Justice et tous les députés pensent un instant à nos propres enfants et petits-enfants et qu'ils essaient ensuite d'expliquer à Mme Rosenfeldt pourquoi la vie de son fils ne vaut qu'une peine de 15 ans d'emprisonnement.
Le ministre est directement responsable de la demande que Clifford Olson a présentée le 12 août pour obtenir une libération anticipée. Il doit rendre des comptes directement à la famille Rosenfeldt et aux dix autres familles qui pleurent la mort d'un enfant tué par cet homme.
Le ministre de la Justice est responsable du fait que Clifford Olson cherche maintenant à obtenir une mise en liberté anticipée. Le ministre de la Justice a prétendu que le projet de loi C-45 n'avait rien à voir avec Clifford Olson, qu'il ne découlait pas de la possibilité qu'avait cet individu, le 12 août 1996, de demander une libération anticipée. Pourquoi alors le ministre et son gouvernement ont-ils tant insisté pour que le projet de loi soit adopté avant les vacances d'été? Pour quelles raisons le gouvernement libéral nous a-t-il demandé, ainsi qu'au Bloc, de ne pas retarder indûment l'adoption de cette mesure?
Nous nous sommes montrés coopératifs même si nous ne souscrivons pas au projet de loi C-45. Nous nous sommes engagés à ne pas empêcher l'adoption du projet de loi, car nous ne voulions absolument pas être responsables de la demande de libération anticipée de Clifford Olson. Nous ne voulions pas que la famille Rosenfeldt et les autres familles aient à revivre le cauchemar dans lequel elles sont plongées depuis 15 ans.
Et même si le projet de loi C-45 donnerait à un individu comme Clifford Olson la possibilité d'en appeler à un juge, ce qui est vraiment au-dessous de tout, il se peut qu'on lui refuse l'audience devant juge et jury à laquelle il a droit, à l'heure actuelle, aux termes de l'article 745 du Code criminel.
Le ministre de la Justice a eu presque trois ans pour présenter le projet de loi C-45, mais il a choisi de faire traîner les choses. Il a décidé de présenter cette mesure à la onzième heure. Il a choisi de jouer avec les émotions des Rosenfeldt et des autres dix familles dont les enfants ont été tués par Olson, et il a perdu. Le projet de loi C-45 n'a pas été adopté et encore une fois Olson en a profité, bien sûr, pour jouer les vedettes.
(1610)
Pour le bénéfice des députés de la Chambre qui ne siègent pas au Comité de la justice j'aimerais lire le témoignage que Sharon Rosenfeldt a rendu le 18 juin:
Un choc émotif, c'est ce que j'ai ressenti le 8 février 1996 quand j'ai appris que Clifford Olson, l'assassin de mon fils, avait demandé un examen judiciaire en vue d'obtenir une libération conditionnelle après 15 ans. Je sais bien que la demande en bonne et due forme ne peut pas être présentée avant le 12 août, mais je sais que toute la paperasse est prête. Je sais depuis longtemps qu'il en a le droit et que c'est vraisemblablement ce qu'il va faire. Cependant, pour une raison ou pour une autre, même si mon esprit était bien conscient de ce fait, mon coeur, mes émotions et mon âme le rejetaient. J'avais peur d'y penser, donc j'ai donc pris l'habitude de maîtriser mes émotions. Je sais comment faire taire certains sentiments. J'ai appris à survivre à cela.
Voyez-vous, je dois rester forte car j'ai promis à mon fils au moment où on mettait son cercueil en terre que je ferais tout mon possible en tant que maman pour que justice soit rendue à la personne responsable de sa mort. Je sais que je dois le laisser reposer en paix et qu'il mérite de reposer en paix, mais les lois de notre pays nous empêchent tous les deux de goûter toute paix.
En apprenant qu'Olson avait fait la demande j'ai été estomaquée. Toutes sortes d'images ont traversé mon esprit. J'en ai été toute bouleversée, mais je ne devrais pas être bouleversée. J'étais furieuse, mais je ne devrais pas être furieuse. J'ai eu mal, mais je ne devrais pas avoir mal. Je me suis sentie trahie, j'étais paniquée. Je ne pouvais pas respirer et rester tranquille. Je passais d'une pièce à l'autre. Je voulais pleurer. Je voulais crier et m'enfuir à nouveau. [. . .] Pourquoi faut-il encore revivre tout cela? Je me sentais faible et vulnérable. Je ne voulais pas perdre encore ma dignité. [. . .] Je suis allée dans la salle familiale et j'ai pris la photo de mon fils sur le cabinet. Je me suis assise et je l'ai contemplé avec amour, suivant le contour de son visage avec les doigts. Il était si beau. Voyez-vous, je dois constamment reconstruire son visage dans mon esprit parce qu'il a été défiguré par un marteau. Il a été battu à en être méconnaissable. J'ai placé sa photo sur mon coeur et j'ai reformulé la promesse que j'avais faite il y a 15 ans.
Je me suis agenouillée et j'ai demandé à Dieu de me donner la force de conserver ma dignité. C'est très important pour moi parce qu'en enlevant la vie à mon fils Clifford Olson m'a aussi enlevé ma dignité pendant quelque temps. Je ne laisserai pas Olson et le système répéter cela.Le ministre de la Justice n'a pas su arrêter Olson et empêcher Sharon Rosenfeldt, sa famille et les dix autres familles dont les enfants ont été assassinés par Olson, d'être bouleversées et furieuses, d'avoir mal et de se sentir trahies, faibles et vulnérables. Au lieu de cela, le ministre de la Justice et le gouvernement libéral protègent les droits de Clifford Olson en refusant d'abroger l'article 745 du Code criminel. Pour étayer ma déclaration, je voudrais citer les propos de Mme Debbie Mahaffy:
Vous, le Comité de la justice, et je parie, tous les députés fédéraux et provinciaux au Canada, n'avez pas entendu les cris de terreur et les pleurs de votre enfant lorsqu'elle implore ses assassins de lui laisser la vie, de la laisser rentrer chez elle. Mais tout le monde a vu les larmes de crocodile des meurtriers qui veulent qu'on assure leur sécurité en prison ou qui veulent une meilleure nourriture, ou une cellule plus grande, ou pas de compagnon de cellule, ou un compagnon différent, ou leur mise en liberté. Les voeux et les désirs des meurtriers reçoivent même une priorité financière par rapport aux besoins des familles des victimes, dont les membres doivent être suivis par des conseillers professionnels, les mères, les pères, les frères et soeurs de tout âge, les grands-parents, les cousins et les amis, dont la vie est changée à jamais.Je ne peux même pas imaginer la douleur que ces parents ont éprouvée lorsqu'on leur a dit que leurs enfants leur avaient été enlevés. J'essaie d'empathiser avec les familles des victimes de meurtre. Cependant, je ne peux pas pleinement comprendre toute l'horreur qu'elles ont vécue. Que cette douleur atroce soit avivée par une demande dont le gouvernement du Canada a accepté la présentation en vertu de l'article 745, c'est tout ce qu'il y a de plus méprisable. Comme ces familles, j'estime que la vie de leurs enfants vaut beaucoup plus que 15 ans.
Le projet de loi C-45 et l'ultime tentative du ministre de la Justice d'adopter un projet de loi de cette nature montrent clairement que le ministre n'empathise pas avec les familles de victimes de meurtre et ne sait rien des cauchemars qu'elles font lorsqu'elles revivent les crimes haineux qui ont été commis contre leurs enfants et leurs petits-enfants. Sa sympathie se dirige plutôt vers les meurtriers de nos enfants, les Olson et les Bernardo.
(1615)
Le projet de loi C-45 montre clairement que le ministre est resté indifférent à la lettre que lui a envoyée la grand-mère de Sylvain Leduc, Teresa McQuaig. La douleur de cette grand-mère et sa supplication n'ont eu aucun effet sur la position du ministre en faveur de la libération conditionnelle anticipée pour ceux qui commettent des meurtres au premier degré ou sur son attitude envers la justice.
Voici ce que la grand-mère de Sylvain a écrit au ministre de la Justice:
Dans la vie, la plus grande douleur consiste à vivre en sachant que son enfant est couché nu et froid à la morgue. Mon petit-fils a été à la morgue durant trois jours. J'étais gelée jusqu'au coeur. Je n'arrivais pas à me réchauffer. J'ai pris des bains chauds pendant trois jours. Je n'ai pas pu tenir en place tant que je n'ai pas su qu'on l'avait rhabillé.
Mon coeur est une pompe qui fait constamment circuler le sang dans mes veines. Il y a, dans mon ventre, un lieu sacré. D'où l'expression «avoir du coeur au ventre». Moi, je dis que c'est le siège de mon âme, une source d'amour, de haine, de courage, de foi, d'humour, de colère, de compassion, de bonheur, de conscience et de bienveillance. Le meurtre horrible de mon petit-fils a troublé profondément mon âme. Certains jours, elle est paralysée, d'autres jours, elle est comme de la gélatine. Elle a perdu le goût de vivre. Les choses ordinaires de la vie ne l'intéressent plus. Elle n'a plus d'appétit pour les aliments, le sexe, le plaisir, les voyages ou les livres. Il y a un vide là, un trou qui restera toujours béant. Mon petit-fils a quitté ce monde, mais il en a emporté une partie. L'horreur et la peur ont aussi pris place dans mon âme.
Ce sont les meurtriers de Sylvain qui m'ont fait cela. Quand tout est calme, je ne peux empêcher mon esprit d'imaginer la douleur et l'horreur que Sylvain a ressenties avant de mourir. Je dois prendre des somnifères pour atténuer ces images horribles. Je reçois des soins psychiatriques, mais il m'est difficile de parler de Sylvain au passé et il me faut tant d'énergie pour faire ce cheminement douloureux. De plus, je trouve cela désespérant. Je me sens comme une fleur fanée qu'on a piétinée. J'ai l'impression d'avoir été volée.Ce passage est extrait de la lettre au ministre de la Justice. Le ministre de la Justice a tort de laisser sourdre cette angoisse, de permettre que les plaies de cette grand-mère s'ouvrent encore et encore. Pourtant, c'est précisément ce que fait le projet de loi C-45. Chaque fois qu'un tueur demande une révision judiciaire aux fins d'une libération conditionnelle, la famille de sa victime et la société revivent des souvenirs horribles et sont terrifiées à l'idée qu'un jour ce tueur jouisse d'une libération anticipée.
Je voudrais partager avec les députés les sentiments et les souvenirs de deux autres mères d'enfants qui ont été tués et qui ont comparu devant le Comité de la justice. Le ministre de la Justice
aurait dû être présent au cours du témoignage de Mesdames Boyd et Mahaffy. Il aurait dû affronter ces deux mères qui souffrent pour leur expliquer pourquoi il juge que 15 ans d'emprisonnement peuvent compenser la vie de leurs enfants et pourquoi il ne protège pas ces mères plutôt que ceux qui ont tué leurs enfants.
Tout d'abord, Darlene Boyd a déclaré:
En 1982, Laurie, notre fille de 16 ans, a été enlevée, agressée sexuellement à maintes reprises et poignardée 18 fois. Elle n'a eu droit à aucune dignité. On a arrosé son corps d'essence et on y a mis le feu. Elle était la deuxième victime. Il y avait eu la fille de High River. Le scénario avait été identique, mais on l'avait frappée à la tête avec un démonte-pneu.
C'est de cela que nous parlons. Nous parlons de gens qui commettent de tels crimes odieux. Je crois fermement que l'homme qui a enlevé la vie de notre fille et celle de la jeune fille de High River n'a pas et n'aura jamais ce qu'il faut pour être réadapté, surtout après avoir passé seulement 15 années en prison. Il faut pour cela une étincelle de remord, et James Peters n'en a jamais donné aucun signe. Le risque est trop grand de voir des hommes comme James Peters revenir dans la société après 15 ans avec le système que nous avons à l'heure actuelle. Ce serait creuser d'autres tombes pour des personnes innocentes.
Il faut que la peine corresponde vraiment à la gravité du crime. La peine maximale pour meurtre dans notre pays est l'emprisonnement à perpétuité sans admissibilité à la libération conditionnelle durant au moins 25 ans. Cela est cependant un mensonge, et un mensonge qui se perpétue. On répète encore ce mensonge au moment du prononcé de la peine. Personne ne nous avait parlé de l'article 745. C'est un journaliste qui nous en a appris l'existence, non la commission des libérations conditionnelles ni le système juridique. Voilà qui suffit à rabaisser la valeur de la vie de Laurie.(1620)
L'article 745, le projet de loi C-45 et les députés d'en face ont rabaissé la valeur de la vie de Laurie Boyd comme ils l'ont fait de la valeur de la vie de tous les Canadiens en continuant de défendre le droit du meurtrier à une libération anticipée. L'article 745 fournit aux tueurs une possibilité de libération anticipée. Cela tourne en dérision l'expression emprisonnement à perpétuité.
Faute de la peine de mort, le seul châtiment juste et équitable pour le meurtre prémédité, au premier degré, est la prison à perpétuité. À ceux qui disent que nous n'avons pas de lueur d'espoir sans l'article 745, je fais remarquer qu'il existe une lueur d'espoir après 25 ans parce que c'est ce que prévoit la loi. Pas de libération conditionnelle avant 25 ans. Il est possible aux meurtriers d'obtenir la libération conditionnelle après avoir purgé 25 ans de prison.
Debbie Mahaffy n'est pas en faveur du rétablissement de la peine capitale, mais elle souhaite l'abrogation pure et simple de l'article 745 du Code criminel. Mme Mahaffy croit que l'abrogation de cet article s'impose parce qu'elle estime que la vie de sa fille Leslie vaut au moins l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Je cite le témoignage que Mme Mahaffy a livré le 18 juin dernier:
Ne pas aller jusque-là, ce serait au mieux être irresponsable et déraisonnable, et manquer aux valeurs des Canadiens qui réclament une tolérance zéro pour la violence; ce serait continuer à miner le caractère sacré et précieux de la vie et de la justice. Ma famille et tous les membres des familles des victimes doivent se rétablir après une mort qui n'est pas normale. Le deuil ne se fait pas normalement, la peine n'est pas normale, le rétablissement n'est pas normal. Pour bâtir, redéfinir et vivre une nouvelle vie normale, il faut le reste de la vie. Pas seulement 25 ans, mais le reste de ma vie.
Je parle d'absolus. Ce doit être absolument 25 ans avant toute possibilité de libération, parce que c'est la peine la plus sévère que peut infliger le gouvernement, la plus comparable à ma peine absolue et à la peine absolue des familles d'autres victimes, à la lente redécouverte d'un bonheur qui ne sera jamais aussi grand pendant le reste de mes jours. Ce chagrin absolu est ressenti par de plus en plus de Canadiens-leur nombre grandit d'heure en heure-qui éprouvent cette perte absolue de toute joie. La mort de ceux que nous aimons est absolue. Les assassins n'ont rien de plus absolu que la garantie de passer 25 ans de leur vie en prison.Le projet de loi C-45 ne donne pas la garantie absolue qu'ils passeront au moins ces 25 ans en prison. C'est précisément pourquoi le projet de loi C-45 suscite l'opposition de Debbie Mahaffy, de Sharon Rosenfeldt, de Darlene Boyd, de l'Association canadienne des policiers et, à mon avis, de la majorité des Canadiens.
Mardi dernier, le ministre de la Justice s'est entouré des représentants de l'Association canadienne des policiers et de ceux des chefs de police pour présenter le projet de loi C-55 au sujet des délinquants dangereux. À propos du projet de loi C-55, Darlene Boyd a dit ce qui suit: «Le ministre essaie de faire oublier le projet de loi C-45, qui prête à controverse, en présentant des mesures au sujet des délinquants dangereux. Il essaie de détourner l'attention alors que rien de moins que l'abrogation totale s'impose.»
L'Association canadienne des policiers et les chefs de police ont appuyé cette semaine le projet de loi que le ministre de la Justice a présenté au sujet des délinquants dangereux. Il a exploité leur appui à la conférence de presse. Je voudrais faire connaître à la Chambre et à l'ensemble des Canadiens l'opinion du vice-président de l'Association canadienne des policiers au sujet de l'article 745. Ce faisant, je voudrais signaler que le ministre de la Justice n'a pas fait grand état de l'opposition de l'Association canadienne de police ni de celle des chefs de police au projet de loi C-45.
Le 18 juin 1996, devant le Comité de la justice, M. Grant Obst, vice-président de l'Association canadienne de police, a déclaré:
Dans le monde où je vis, je rencontre des victimes à qui on a arraché un être cher en commettant le crime le plus répréhensible qu'on puisse commettre: le meurtre. C'est une perte dont elles ne se remettront de toute leur vie. Ce n'est pas une chose qui dure 25 ans ou 15 ans; il n'y a pas de révision judiciaire ou d'article 745 pour les victimes des meurtriers ou pour leur famille. Pour elles, il n'y a pas de deuxième chance. Rien ne peut leur restituer la plénitude de leur vie. Il n'y a pas dans le Code criminel un article qui allège leur douleur.
J'ai assisté aux audiences sur l'article 745 dans ma localité, et j'ai eu l'occasion de me lier d'amitié avec la famille d'une victime. J'ai vu les effets des audiences sur cette famille. J'ai parlé avec des officiers de police, des collègues de tout le pays et c'est presque unanime, ils pensent tous que l'article 745 doit disparaître. C'est l'opinion de ceux d'entre nous qui ont une expérience directe du meurtre, des meurtriers et des victimes.
À cause de l'article 745, on se méfie du système de justice criminelle. Dans une large mesure, mes collègues et moi-même avons de plus en plus de mal à défendre le système dont nous faisons partie, un système auquel nous croyons et auquel nous voulons croi-
re. Nous avons toujours cru, nous croyons encore et nous continuerons de croire que l'ensemble de l'article 745 doit être abrogé.(1625)
M. Neil Jessop, de l'Association canadienne des chefs de police, a exprimé les mêmes sentiments, tout comme Scott Newark, le directeur exécutif de l'Association canadienne de police, qui a également déclaré le 18 juin dernier:
L'article 745 porte atteinte non seulement à la confiance du public, mais également aux principes qui, depuis longtemps, servent à étayer notre système de justice criminelle.C'est la sensiblerie de ceux qui veulent laisser une lueur d'espoir aux meurtriers qui va à l'encontre de la philosophe de notre système de justice. Ce sont eux qui ridiculisent notre système pénal en accordant aux meurtriers les droits que ceux-ci ont délibérément et sauvagement retirés à leurs victimes.
Les meurtriers et violeurs condamnés et tous ceux qui décident d'attaquer ou de tuer un être humain renoncent à leurs droits la minute où ils lancent leur attaque meurtrière, sauf leur droit à un procès juste et à un traitement humanitaire s'ils sont incarcérés.
Le fait que le système de justice criminelle offre aux tueurs ce qu'on appelle une faible lueur d'espoir ou rétablisse leurs droits porte encore davantage atteinte aux victimes, aux familles des victimes et à tous les Canadiens. Voilà la position fondamentale du Parti réformiste en ce qui concerne la justice, position qu'appuient des milliers et même des millions de Canadiens.
Le projet de loi C-45 va à l'encontre de cette position, mais, plus important encore, il diminue la valeur d'une vie humaine. Voilà pourquoi je m'oppose à ce projet de loi. Il ne mérite pas notre appui.
[Français]
Le vice-président: J'accorde la parole à l'honorable députée de Berthier-Montcalm.
Mme Lalonde: De Mercier, monsieur le Président.
Le vice-président: De Mercier, excusez-moi. L'honorable députée de Mercier.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, mes concitoyens vous en voudraient de ne pas apprécier ce comté de l'extrême est de Montréal, célèbre pour sa proximité du fleuve Saint-Laurent en même temps que pour ses pétrolières.
J'ai tenu à intervenir sur ce projet de loi en appui à l'amendement de mon collègue, parce que je tiens à dire que les propos que j'ai entendus à répétition dans cette Chambre de la part des collègues qui sont situés géographiquement à ma gauche sont des propos outranciers qui, malgré leurs prétentions, ne servent pas les Canadiennes et Canadiens.
Je veux parler également en appui à l'amendement de mon collègue parce que j'estime que le projet de loi C-45, à la lecture même, à l'audition même des arguments du ministre, est un projet qui contredit l'essence des propos qui sont tenus par le ministre et qui contredit également l'ancienne réforme, oui, qui avait besoin sans doute d'être revue, mais pas dans le sens ci-indiqué.
Il est important de rappeler une fois de plus, mes collègues l'ont fait, que les dispositions des libérations conditionnelles prévues à cet article 745 ne sont pas des dispositions frivoles ou légères.
(1630)
Avant que quelqu'un qui a été un criminel de premier ou de deuxième degré puisse avoir accès à une libération conditionnelle, il lui faut d'abord, suivant le degré de sa peine, avoir purgé une partie importante de celle-ci, mais surtout, il lui faut franchir trois étapes cruciales. D'abord, qu'un juge soit convaincu qu'il puisse convaincre un jury; qu'il y ait une sorte de procès devant un jury de 12 concitoyens avec témoins qui ne tranchent pas, mais qui vont décider de la possibilité, pour la Commission des libérations conditionnelles, d'entendre et de réviser la peine.
C'est donc au terme d'un processus où les citoyens, comme jurés, sont intégrés, et c'est donc au terme d'un processus qui ne ressemble en aucune façon aux mailles larges d'un filet, qu'il est possible à une personne qui a été punie pour un crime de premier ou deuxième degré, d'obtenir la libération conditionnelle.
Le gouvernement a profité d'une situation qui a énervé, et on le comprend, la population de l'Ouest, alors qu'un tueur en série était éligible à la libération conditionnelle pour présenter le renforcement, cette transformation complète du processus de libération conditionnelle. Je dirais, en faisant de la démagogie, parce qu'à première vue, pour quelqu'un qui n'est pas spécialiste mais qui peut utiliser son jugement, il n'y a aucune espèce de chance que ledit condamné Olson puisse avoir franchi toutes les étapes qui lui auraient permis d'atteindre à la libération conditionnelle. D'aucune espèce de façon, on peut penser qu'il eut pu le faire.
J'en veux pour preuve le fait que parmi les personnes, et je cite des statistiques qu'on a répétées, mais il faut le dire, au 31 décembre 1995, 175 détenus éligibles à demander une révision judiciaire ne l'ont pas fait. Seuls 76 avaient effectué une telle demande et 13 de ces demandes étaient toujours en suspens. Sur les 63 demandes traitées, 39 ont obtenu une réduction de leur délai d'inadmissibilité à la libération et, au 31 décembre 1995, un seul des délinquants ayant bénéficié d'une réduction de délai a récidivé, ce dernier ayant commis un vol à main armée.
Il est donc important de noter que c'est prenant prétexte de cette situation qui a affolé une partie de la population que le gouvernement a voulu se donner un air de matamore. Influencé sans doute par les discours des collègues réformistes qui alimentent l'intolérance, et surtout l'inquiétude, le gouvernement n'a pas su faire mieux que de céder, d'autant plus facilement qu'en réalité, dans l'application, attendu que le jury sera composé, en Alberta, de jurés albertains et au Québec de jurés québécois où on a vu que la société distincte se manifestait, il y a de fortes chances qu'en réalité, la même loi soit appliquée de façon fort différente.
(1635)
Pourquoi? Notamment parce que cette révision de l'article 745 prévoit qu'à l'étape du jury, contrairement à ce qui existait avant où il fallait les deux tiers des jurés pour qu'un jugement favorable soit rendu, il faudra maintenant l'unanimité des jurés. À toutes fins pratiques, cela équivaut presque à rendre inopérante cette disposition.
Il y a une question qu'il faut se poser. Face aux statistiques que l'on connaît, on a vu que 39 personnes sur 175 ont obtenu une réduction du délai d'inadmissibilité et que de ces personnes, au 31 décembre, un condamné a récidivé. Il faut constater qu'il peut y avoir réadaptation en prison.
En réalité, il y a eu une volonté de réadaptation par une série d'instruments, de formation, en particulier. Si des citoyens, des citoyennes, après avoir payé chèrement leur crime peuvent devenir des citoyens utiles pour la société alors qu'ils coûtent cher en prison, je pense qu'il faut leur en donner la chance. Faut-il rappeler que pour des crimes de premier degré, un détenu coûte 76 000 $ par année?
Après qu'un détenu ait manifesté qu'il avait payé sa dette et qu'il ne présente plus de danger après avoir passé par les mailles de ce filet qui n'est pas large, les trois étapes dont j'ai parlé: un juge, un jury et ensuite la Commission, comment peut-on priver la société de citoyens qui sont désormais prêts à faire leur part et à payer pour leur vie?
Il y a bien sûr deux approches complètement différentes qui s'opposent, dont une qui est punitive, sous un prétexte qui est celui de protéger la société. Comment peut-on protéger la société, comment peut-on faire en sorte que ces crimes qui désolent, qui peinent, qui meurtrissent, ne se produisent plus quand on encourage l'intolérance de toutes les façons?
Je ne suis pas une experte, mais je vois trois grandes sortes de crimes. Il y a les crimes crapuleux, il y a les crimes que j'appellerais sordides, à caractère sexuel et qui soulèvent l'indignation. On pardonne mais on n'oublie pas. Il y a aussi un grand nombre de crimes passionnels. Des personnes, sous le coup de l'émotion, en ayant préparé leur coup, bien sûr, par amour, par esprit de possession peuvent commettre un crime. C'est hautement répréhensible comme façon de régler les problèmes. Mais quand on veut prévenir, ce n'est pas en s'assurant que ces personnes, alors qu'elles ont payé leur dû, alors qu'elles ne présentent plus de menace pour la société, restent en prison. Pourquoi? Au nom de quoi?
(1640)
Parler de prévention, c'est aussi parler de valeurs, parce que garder en prison pendant toute leur existence les prisonniers qui y sont n'assure pas la sécurité des citoyens quand ceux et celles qui sont en liberté ne partagent pas des valeurs de tolérance, de générosité, de règlement de leurs conflits autrement que par la violence, que ce soit la violence faite aux femmes qui, souvent, mène au crime.
Qu'on s'attaque à ce problème, qu'on donne des moyens à celles et à ceux qui travaillent dans les milieux où on sait qu'il y a des risques. Mais de s'acharner sur les personnes qui, après qu'elles aient payé cher, souvent, en ne leur laissant pas la possibilité d'avoir ce raccourcissement de peine, est un acharnement inutile qui, loin de protéger la société, entretient un climat et des valeurs qui sont bien plus de nature à susciter et à justifier les intolérances et la violence que le contraire.
Il faut se parler des vraies choses. Il faudrait aussi se parler de ce que j'ai appelé les crimes liés à la mafia. C'est autre chose. Il faut s'y attaquer avec des moyens adéquats.
Le gouvernement libéral ne s'est pas grandi avec cet amendement, qui rendra presque inapplicable la disposition de l'article 745. Il sera peut-être quand même un peu plus applicable au Québec, mais encore, il le rend extrêmement difficile. C'est pourquoi, au Bloc québécois, à la suite de notre collègue de Bellechasse, nous demandons au gouvernement de surseoir à l'adoption de cette loi, de regarder davantage la situation pour ce qu'elle est, d'identifier ce qui est vraiment sujet d'insécurité, de voir vraiment ce qui fait que la population n'est pas en sécurité. Ce n'est pas en agitant des épouvantails, alors qu'on ne prend pas les bons moyens pour faire en sorte que la violence diminue, qu'on peut rassurer.
J'ajoute que l'emprisonnement sans possibilité, après avoir franchi des étapes normales, est important, bien sûr. Je suis la première en tant que femme, en tant que mère, à ne pas vouloir que quelqu'un qui est jugé dangereux soit libéré, y compris pour lui-même. Mais je connais des gens qui sont réadaptés, qui sont désormais des citoyens qui se possèdent bien mieux que d'autres qui n'ont jamais passé par cette terrible épreuve et par une situation qui continuera à être dramatique dans leur tête. C'est extrêmement important qu'on donne l'occasion aux personnes qui peuvent contribuer utilement à la société de le faire.
(1645)
L'approche punitive préconisée qui voudrait emprisonner à perpétuité le plus de monde possible entre en flagrante contradiction, par ailleurs, avec le credo de mes collègues géographiquement situés à gauche, ceux du Parti réformiste, parce que les prisonniers coûtent cher, même s'il n'y a pas d'autre solution que l'emprisonnement, dans certains cas. On le sait, on le dit surtout des prisons fédérales, quelqu'un qui entre là-et là je ne parle pas de criminels dangereux-après une peine de deux ans, s'il n'était pas un criminel endurci, peut sortir de prison criminel endurci. Il faut le dire, il faut se parler des vraies choses.
Quand on préconise l'emprisonnement à perpétuité, alors que les coûts sont grands, sans qu'on cherche à valoriser, à la place, des mesures préventives, on se trouve devant des situations aberrantes-je le dis comme je le pense-comme celle proposée en Ontario, où le ministre de la Sécurité propose de bâtir d'immenses prisons où, pour diminuer les coûts, la surveillance se ferait de façon électronique. Cela a déjà été essayé ailleurs. Ce que cela fait, c'est de créer d'énormes jungles où les prisonniers établissent les règles qui sont les leurs. On n'aime autant ne pas penser à ce que cela veut dire. Ce sont des cauchemars qui dépassent l'imagination.
Alors, il faut être cohérent dans l'ensemble de ses positions et faire en sorte d'être prudent avant de céder à la démagogie. Il faut protéger les citoyennes et citoyens. Il faut que les vieilles dames-j'en suis-qui sortent le soir n'aient pas peur. Oui, il faut viser une société où on puisse vivre sans avoir peur. Mais il faut identifier les bons moyens. Et si les bons moyens sont seulement l'emprisonnement, de toute manière, on ne parviendra pas à rassurer les citoyens, parce que les causes de cette criminalité sont à chercher dans la société elle-même; elles sont à chercher dans la pauvreté, dans les
réseaux criminels, dans la difficulté rencontrée par les personnes dans leur jeunesse, auxquelles on n'a pas apporté le soutien suffisant. Cette violence qu'on peut voir, et je pense encore à la violence qui s'exprime dans les couples et qui peut se terminer par des crimes également, elle brise la vie des enfants ensuite.
J'appuie donc mon collègue. Je regrette infiniment que le ministre de la Justice, encore une fois, ait cédé à la démagogie qui ne vise pas à protéger les Canadiennes et les Canadiens.
[Traduction]
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt la députée du Bloc. Je voudrais lui poser la question que j'ai posée à des témoins qui ont comparu devant le Comité de la justice, lors de l'étude de ce projet de loi, mais aussi d'autres mesures législatives connexes.
C'est une question à laquelle la société a du mal à répondre. La voici: Qu'est-ce qui constitue une peine juste et équitable pour le meurtre prémédité d'un innocent? Quelle devrait être la peine dans ce cas? Devrait-il ne s'agir que de trois ans si au bout de cette période l'individu est complètement réadapté aux yeux des autorités et si elles sont convaincues qu'il ne commettra plus jamais de meurtre? Devrait-il s'agir de 15 ans ou de 25 ans? Voilà la question.
Il convient de rappeler que lorsque nous, en tant que société, déterminons quelle devrait être la peine, nous attribuons une valeur à la vie d'un être humain.
(1650)
Je demande à ma collègue ce qu'elle estime être une peine juste et équitable pour le meurtre planifié et prémédité d'un innocent.
[Français]
Mme Lalonde: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je dois commencer par vous dire qu'à l'âge que j'ai, j'ai suivi les débats sur la peine de mort. J'étais déjà à l'âge adulte.
Ce qui m'avait le plus frappé, c'était qu'une des raisons importantes qui avait favorisé cette décision du gouvernement libéral d'abolir la peine de mort était la conviction à laquelle on était arrivés par étude que la peine de mort elle-même, dans plusieurs cas, n'empêchait pas le meurtre. Par exemple, si c'était un crime passionnel, prémédité, mais sous le coup de la passion, quelle que soit cette passion, la passion fait intimement partie de la bête que nous partageons.
Votre question est une bonne question, mais le projet de loi et nos interventions, que disent-ils? On ne met pas en cause la loi actuelle qui dit 25 ans, surtout que dans certains cas on est passé à travers un triple tamis: le juge, le jury-les pairs-et ensuite si le jury est affirmatif, la Commission des libérations conditionnelles, et j'ajoute ensuite des conditions qui sont sévères et qui font en sorte que quelqu'un, s'il trahit ces conditions, est ramené en prison.
Il me semble que depuis des années des citoyens ont bâti un système qui répond, je crois, qui essayait de répondre à la question que vous posez. Jamais je ne dirais trois ans. De toute façon, je ne suis pas qualifiée pour cela.
Ce que je constate, c'est que depuis des années cette société, c'est vrai et c'est vrai avec des couleurs différentes, cette société s'est donné des moyens. Oui, il y a eu quelques cas, mais finalement est-ce qu'il faut, parce qu'il y a eu ces cas, condamner à rester en prison des personnes qui sont prêtes à reprendre leur vie active de citoyen? C'est pour cela que je dis que l'approche, ou bien elle est punitive, ou bien elle estime qu'à un moment donné, oui, la peine a été telle que quelqu'un maintenant peut reprendre sa vie en société et participer avec les autres citoyens.
Je pense que la situation qui est là, encore une fois je ne suis pas spécialiste, je suis vraiment comme Mme Tout-le-Monde dans ce débat, mais quand on regarde l'ensemble des difficultés à travers lesquelles quelqu'un qui a commis cet affreux crime doit passer avant d'obtenir une libération conditionnelle, il me semble que c'est la réponse à votre question. Ce n'est pas trois ans, ce n'est pas six ans, c'est au minimum 15 ans. Ce n'est pas peu.
C'est le mieux que je puisse vous dire, mais pour moi, encore une fois, la conclusion principale, c'est que pour empêcher le crime, même la peine de mort n'y parvenait pas. Alors oui, la société a à décider jusqu'à quel point elle fait payer. Qu'est-ce qui lui sert à la société? Est-ce que c'est que quelqu'un qui pourrait être un citoyen utile après 15 ans demeure 10 ans de plus en prison à 76 000 $ par année? Est-ce que c'est de ça que la société canadienne a besoin? C'est cela la vraie question.
Nous, nous pensons que quand quelqu'un est passé à travers les trois tamis successifs, qu'il y a des conditions à remplir, on pense que la société doit lui permettre de faire sa part. C'est seulement ce qu'on dit. Ce serait inutile, non seulement inutile mais contre-productif sur le plan social. C'est ce que je voulais dire.
(1655)
Le vice-président: Est-ce que tous les députés peuvent adresser leurs paroles et leurs remarques à la Présidence, sinon je me sens très seul.
[Traduction]
M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une question à poser à la députée.
Ce que nous essayons maintenant de déterminer, c'est le prix de la vie humaine. La députée a dit que, d'après elle, c'est 15 ans. Toute personne projetant de tuer une autre personne, de commettre un meurtre au premier degré n'écoperait que de 15 ans. À mon humble avis, c'est loin d'être suffisant.
Quand ce débat s'est tenu il y a 25 ou 30 ans, dans les années 70, au moment où la peine capitale a été abolie au profit d'une nouvelle peine d'emprisonnement à vie, cette peine a été assortie d'une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans. Telle était la nouvelle peine. Tel est le compromis qui a été réalisé. Telle est la disposition sur laquelle les politiques de l'époque pensaient s'être entendus. Une peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Tel était le prix à payer pour avoir tué quelqu'un.
Quel châtiment, autre que la peine capitale, mérite celui qui a tué quelqu'un? Quelle est la peine qui servira de moyen de dissuasion à la place de la peine capitale que, de toute évidence, la députée abhorre, et qui, d'après elle, ne serait pas un bon moyen de dissuasion? Bien des gens partagent ce point de vue, ce qui se comprend bien. Le prix était une vie pour une vie. Nous n'exécuterons plus
personne, mais nous mettrons les meurtriers à l'écart de la société pour la vie. « Nous ne voulons pas que vous fassiez cela. Votre peine est l'emprisonnement à vie. Toutefois, s'il est possible qu'on puisse vous réhabiliter, nous prendrons 25 ans pour déterminer si vous avez appris votre leçon et si vous pouvez de nouveau apporter une contribution à la société. »
Maintenant, ces gens-là peuvent réintégrer la société après seulement 15 ans. Le juge a entendu des témoignages et a prononcé sa sentence. Quel est le sens de la détermination de la peine après que le juge et le jury ont condamné un délinquant à une peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans quand, après avoir purgé une partie de sa peine, le délinquant peut se présenter devant la Commission des libérations conditionnelles, qui n'était pas présente au procès, qui n'a pas entendu les témoignages, qui n'a pas ressenti elle-même toute l'intensité du procès et qui peut, 15 ans plus tard, décider d'atténuer la peine ou d'accorder une libération anticipée au délinquant?
Il s'agit là d'une injustice. C'est cruel et c'est faire peu de cas de la valeur de la vie humaine. Les peines doivent avoir un sens. À défaut de la peine capitale, il faut que la peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans soit appliquée dans toute sa rigueur. La disposition relative aux 15 ans doit disparaître.
[Français]
Mme Lalonde: Monsieur le Président, j'ai deux choses à souligner. La première, c'est que je sais qu'il y a eu 10 années pendant lesquelles la peine de mort n'était en réalité pas appliquée. La peine moyenne était, à ce moment-là, de 12 à 13 ans. J'ai entendu des criminalistes dire à certaines émissions que justement, la peine moyenne-je parle à mon honorable collègue qui ne m'écoute pas, je n'ai pas le droit de le dire mais je le fais quand même-la peine moyenne, quand la peine de mort existait mais n'était pas appliquée, n'était pas de 25 ans, elle était d'environ 12 à 13 ans. C'était cela la réalité.
J'ai toutes les raisons de croire les personnes que j'ai entendues dire cela. Ce sont des personnes fiables et en autorité. J'ai aussi lu des textes auxquels je me fie aussi. Si, à ce moment-là, la peine réelle était de 12 ou 13 ans, alors, quand la peine de 25 ans avec possibilité de libération conditionnelle après 15 ans a été introduite, ce n'était pas un adoucissement. C'était, en réalité, pour le régime en place depuis 10 ans, un durcissement. C'est ce que j'ai compris.
(1700)
Il faut appeler un chat, un chat. Il me semble que c'est la première chose. La deuxième est qu'à partir du moment où vous avez la certitude, et je pense qu'on se donne les moyens d'avoir une certitude morale avec ces trois instruments, à partir du moment où vous avez cette certitude, pourquoi laisser quelqu'un en prison? Pour prévenir qu'il ne commette de nouveau un crime? Nous savons que ce n'est pas vrai, la peine de mort n'empêchait pas cela.
Monsieur le Président, je ne sais pas si l'honorable collègue a déjà pénétré de loin, disons, le milieu carcéral. Qu'il s'approche, qu'il s'informe de ce que c'est. Dans bien des cas, le milieu carcéral ressemble pas mal à l'enfer. Je n'ai pas parlé du purgatoire, j'ai parlé de l'enfer.
[Traduction]
M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'appuyer la motion visant à en finir avec ce projet de loi. En fait, je suis d'accord avec mon collègue de Crowfoot qu'il faut en finir une fois pour toute avec ce projet de loi pour qu'il ne revienne jamais devant la Chambre. Avec un peu de chance, peut-être pourrons-nous profiter des prochaines élections pour faire le même sort à cet ingénieur social qu'est le ministre de la Justice. Il y a quelque chose ici d'excessivement exaspérant.
Nos vis-à-vis ne semblent pas se rendre compte que des milliers de Canadiens s'inscrivent à l'organisation Victims of Violence parce qu'ils en ont assez. Mais nos vis-à-vis ne semblent pas comprendre le message. Monsieur le Président, croyez-vous que les Canadiens aiment se présenter année après année à des réunions ou à des manifestations pour tenter de faire comprendre au gouvernement qu'ils n'en sont pas satisfaits? Pas du tout. Ils aimeraient mieux avoir la paix et voir les problèmes se régler.
Chaque jour, à la Chambre des communes, de nombreuses pétitions en faveur de l'abolition de l'article 745 sont présentées. Les signatures se comptent probablement par millions à l'heure actuelle. En plus de cela, il y a tous les articles de journaux et toutes les annonces auxquelles des gens ont répondu. Que faisons-nous de l'article 745? Les Canadiens veulent qu'il soit aboli.
Le gouvernement ne comprend pas que les chefs de police réclament l'abolition de cet article du Code criminel. Je n'arrive pas à comprendre qu'il y ait un député du Bloc québécois ici. Les seuls que les bloquistes savent attaquer, ce sont les réformistes parce que nous aimerions que la population obtienne ce qu'elle réclame. Nous soutenons la population en faisant en sorte que certaines choses nécessaires soient effectivement faites.
Nous aimerions obtenir un référendum sur la peine capitale, mais cela pourrait démontrer que nos vis-à-vis se trompent. Les libéraux disent qu'ils ne veulent pas de la peine de mort, que les Canadiens ne veulent pas cela. Le gouvernement n'oserait pas tenir un référendum sur la question parce que les résultats montreraient probablement qu'il a tort. Il n'ose donc pas en tenir un parce que les sondages indiquent que le moment n'est pas opportun pour la tenue d'un tel référendum. En fait, si les libéraux étaient à environ 15 p. 100 dans les sondages-ce qui va leur arriver un jour, j'en suis certain-ils ne voudraient pas non plus déclencher des élections à ce moment-là.
Le seule chose que je pourrais appuyer, c'est un projet de loi qui abrogerait complètement l'article 745 et rien de moins. Notre système de justice a pris un mauvais tournant au début des années 70 et il tourne en rond depuis ce temps. Il continuera de tourner en rond tant que nous aurons des mesures législatives comme le projet de loi C-45.
Nous avons le projet de loi C-45 et, soudainement, voici que surgit une autre mesure législative concernant les criminels dangereux. Attendez un instant, cette mesure va attirer quelque peu l'attention. C'est ce que nous attendions justement, une mesure pour régler la question des criminels dangereux. Cela semble être
un stratagème. Le gouvernement veut nous enlever l'article 745 de l'idée parce qu'il ne veut pas s'en débarrasser.
(1705)
Je ne sais pas comment jouer les jeux politiques que certains experts jouent, les ingénieurs sociaux comme le ministre de la Justice. Je dois admettre qu'ils sont très habiles. Je voudrais les voir une fois présenter une mesure qui serait appuyée à l'unanimité par la Chambre parce qu'elle serait conforme à la volonté des Canadiens. Nous sommes vraiment déficients dans ce domaine.
Au début des années 70, Jean-Pierre Goyer avait résumé le programme du gouvernement libéral dans le secteur de la justice de la façon suivante:
Nous avons décidé de mettre l'accent sur la réadaptation des individus plutôt que sur la protection de la société.Cette philosophie s'est poursuivie jusqu'en 1976 lorsque Pierre Trudeau et le député de Notre-Dame-de-Grâce-qui est avec nous aujourd'hui et qui avait affaire au ministère de la Justice à ce moment-là-ont présenté ce projet de loi qui créait l'article 745. Cela s'est fait même si la plupart des Canadiens étaient contre l'abolition de la peine de mort. Quant aux politiciens d'aujourd'hui, ils n'accordent aucune importance à ce que les Canadiens veulent, pas plus que les vieux partis. Le fait que les Canadiens voulaient la peine de mort à cette époque n'a rien changé. «C'est nous les politiciens, nous savons ce qu'il faut faire.» Cela s'appelle de la tyrannie, au cas où quelqu'un l'aurait oublié. Le gouvernement a agi sans tenir compte de la volonté populaire.
En dépit de cette mesure de remplacement, je crois que les peines étaient clairement définies à l'époque. J'estime qu'elles étaient justes et raisonnables, mais on a tenté d'apporter ces changements. Le problème, c'est que de nombreux coeurs tendres dans notre société ont estimé qu'une peine de 25 ans d'emprisonnement était une peine cruelle et inusitée. Aussi, avant de se déclarer en faveur de l'abolition de la peine capitale, ils ont fait valoir qu'il fallait inciter les détenus à avoir un bon comportement pour pouvoir demander une réduction de la période précédant l'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Cette disposition est connue, depuis, comme la disposition de la lueur d'espoir.
Le problème, c'est que, à cause de tout le magouillage qui a entouré l'abolition de la peine de mort, l'article 745 a permis d'apporter des changements qui ont rendu le système pire qu'il ne l'était. Nous récoltons aujourd'hui les fruits de cette erreur. On ne s'est rendu compte qu'en 1987 de la véritable portée de l'article 745.
La plupart des Canadiens croyaient encore que la peine applicable à un meurtre au premier degré était une peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération avant 25 ans. Le premier cas d'examen judiciaire est survenu en 1992, en Alberta, où William Nichols purgeait une peine pour vol et enlèvement et pour le meurtre d'un policier. L'examen a permis de réduire la période préalable à l'admissibilité de 25 ans à 20 ans.
Selon les statistiques du Service correctionnel du Canada, entre ce premier examen et avril de cette année, 79 p 100, un pourcentage effarent, des auteurs de meurtres au premier degré qui ont obtenu une audition en vertu de l'article 745 ont bénéficié d'une recommandation quelconque de libération anticipée. En décembre 1995, 63 meurtriers avaient déjà demandé un examen et, dans 50 cas, le jury a accordé au demandeur une chance de libération anticipée. Sur ce nombre, 33 détenus ont obtenu une libération conditionnelle totale ou une semi-liberté. Ces chiffres montrent clairement que l'article 745 a entraîné une modification fondamentale de la peine applicable aux meurtres au premier degré au Canada. L'article 745 a tellement bien fonctionné que la peine d'emprisonnement de 15 est devenue une réalité pour de nombreux meurtriers.
Je n'ai pu m'empêcher de rire quand j'ai entendu le député bloquiste demander à mon collègue dans son intervention s'il était déjà allé visiter une prison. Je me demande souvent s'il y a des gens ici qui ont déjà vu une prison. Combien d'entre vous ont déjà visité une prison? Si vous ne l'avez pas fait, je ne vous encourage pas à le faire. Vous constaterez que ces gars-là ne sont pas du genre, une fois libérés, à aider une vieille dame à traverser la rue. Ce ne sont certainement pas des gens à faire partie du choeur de la paroisse ou quoi que ce soit du genre.
Je ne crois pas que les députés savent réellement à quel genre d'individus ils ont affaire. On a complètement oublié le crime et la souffrance de la victime. La punition est la dernière chose à laquelle les législateurs pensent de nos jours et il est clair que l'on fait toutes sortes de concessions pour la réadaptation des personnes condamnées.
(1710)
Traditionnellement, la loi permet aux provinces d'établir leurs propres règles de procédure pour les audiences. Il en a résulté des disparités énormes d'un bout à l'autre du Canada quant au nombre de ceux qui obtiennent une audience de libération conditionnelle anticipée. Voici quelques chiffres publiés en avril dernier: en Alberta, les jurys ont entendu sept demandes et en ont refusé cinq; en Ontario, les jurys ont entendu onze demandes, mais n'en ont refusé que quatre; en Colombie-Britannique, les jurys ont rencontré cinq tueurs et ont accordé l'admissibilité à la libération conditionnelle à chacun d'eux; c'est par ailleurs au Québec qu'on a les meilleures chances d'obtenir une libération conditionnelle anticipée, 27 des 28 demandes ayant abouti à une réduction de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle.
Il faut régler ces disparités régionales. L'abrogation de l'article 745 est la seule mesure législative qui puisse donner des chances égales à tous les Canadiens sur ce chapitre. Ainsi, tous les criminels devraient purger 25 années complètes de leur peine de prison.
C'est intéressant d'entendre tous ces groupes qui sont en faveur de l'article 745 essayer d'en faire valoir l'utilité. Ils disent que peu de tueurs obtiennent une libération anticipée et que seuls 10 p. 100 de ceux qui l'obtiennent récidivent.
Parmi les raisons les plus pathétiques qu'on ait données de maintenir les révisions en vertu de l'article 745, il y a celle qui consiste à donner un certain espoir aux détenus. Cela les amène à tenter de donner une nouvelle orientation à leur vie. Par contre, les détenus qui ont peu d'espoir d'être jamais libérés pourraient devenir des éléments beaucoup plus dangereux en prison, s'ils n'avaient rien à perdre.
Une autre raison a rapport aux coûts. J'ai entendu beaucoup de chiffres quant aux coûts engagés, comme 76 000 $. Le chiffre qui revenait le plus souvent, c'est qu'il en coûte 45 000 $ par année pour garder un tueur en prison, tandis qu'il n'en coûte que 10 000 $ pour les surveiller durant leur libération conditionnelle. Si c'est si
cher que ça, si le prix de leur détention est trop élevé, réglons ce problème. Je n'ai rien contre. Cela ne devrait pas être difficile.
Une autre des raisons invoquées, c'est que le Parlement avait créé la révision judiciaire à titre de compromis politique, lors de l'abolition de la peine de mort en 1976.
La dernière raison mentionnée, c'est que tous les meurtriers au premier degré ne se ressemblent pas nécessairement et que certains d'entre eux peuvent avoir remboursé leur dette envers la société après 15 ans. Ce n'est pas du tout l'enjeu de la question à mon avis.
Il est difficile d'imaginer que certaines personnes appuient l'article 745. Par exemple, selon le vice-président du Conseil canadien des avocats de la défense, l'article 745 ne devrait pas être abrogé. À son avis, certains pauvres criminels sont prêts à réintégrer la société après une longue période d'incarcération.
Comme l'a souligné mon collègue, le député de Calgary-Nord-Est, ces avocats de la défense sont des activistes qui souhaitent que le système pénal demeure une porte tournante car ainsi ils s'assurent de meilleurs revenus. Il ne faut pas oublier que certaines personnes gagnent leur vie grâce à ce genre de procédures.
J'ai écouté tous les arguments de ceux qui défendent l'article 745 et finalement, je crois malgré tout que nous n'avons pas à accorder de faveurs aux tueurs en leur permettant de demander une libération anticipée. Même songer à les libérer avant la date prévue équivaut à dire que nous ne les tenons pas responsables de leurs actes.
Notre système de justice est déjà trop indulgent. À ceux qui prétendent que ces criminels peuvent être réadaptés, je dis qu'ils pourront le prouver après avoir purgé entièrement leur peine de 25 ans et pas un instant plus tôt.
Franchement, peu m'importe si les espoirs d'un tueur sont limités parce qu'il n'a pas droit à une libération anticipée. Nous ne devons pas oublier que les familles des victimes n'ont absolument aucun espoir de revoir un jour leurs êtres chers. Il n'y a aucune réadaptation possible pour la victime dans sa tombe. Une fois pour toutes, nous devrions songer aux souffrances de ces gens. Voilà ce qui devrait occuper notre pensée.
Le gouvernement ne semble pas comprendre que tous les meurtres sont des gestes répréhensibles aux yeux des Canadiens. Il n'existe pas de bons meurtriers et de mauvais meurtriers. Un criminel ne devrait pas avoir droit à un traitement de faveur parce qu'il a commis un seul meurtre. Cette classification constitue une véritable insulte pour les familles des victimes d'un meurtre unique.
En classant les meurtriers en fonction du nombre de victimes, nous ajoutons un autre palier de bureaucratie à notre système qui ploie déjà sous le poids de la bureaucratie. Nous aurons un palier qui s'occupera des personnes coupables de plus d'un meurtre alors qu'un autre s'occupera des individus soi-disant moins dangereux qui n'ont tué qu'une personne. En fin de compte, cet article qui donne une lueur d'espoir aux assassins est plus bureaucratique et revient plus cher. Un individu coupable de meurtre au premier degré ne présentera pas sa demande directement à un jury mais aura un autre obstacle à franchir. La demande doit être adressée au juge d'une cour supérieure, mais à quel prix?
(1715)
Le projet C-45 prévoit une recommandation royale, ce qui signifie que des sommes supplémentaires seront dépensées. Avant que le projet de loi C-45 ne soit présenté, l'Association canadienne des chefs de police estimait le coût des audiences à 10 millions de dollars, chiffre basé sur 40 demandes par an.
Ce coût ne peut qu'augmenter compte tenu du fait que les détenus faisant une demande en vertu de l'article 745 auront maintenant le droit de faire appel plus souvent. Un requérant pourra interjeter appel devant une cour d'appel de n'importe quelle décision prise par un juge de cour supérieure et demander une révision judiciaire plus d'une fois.
Autrement dit, toute décision judiciaire de rejeter une demande peut faire l'objet d'un appel. Le droit absolu du requérant à une audience a été remplacé par un droit absolu à faire une demande d'audience et à interjeter appel de toutes décisions défavorables.
Il est clair à mes yeux que le processus favorise encore lourdement le détenu. L'accent continue à être mis sur le criminel et sur son comportement en prison ainsi que sur ses chances de réinsertion sociale. L'information concernant le crime initial, les détails et l'impact du crime n'entre pas en ligne de compte.
En outre, le meurtrier devra comparaître devant un jury dans la juridiction où il à été trouvé coupable. Cela signifie qu'il devra se déplacer, entraînant ainsi des frais supplémentaires. Cela augmentera également les risques puisque certains meurtriers devront être transportés à de grandes distances.
À mon avis, au lieu de faire une différence entre les meurtriers multiples et ceux qui n'ont tué qu'une personne, le ministre de la Justice, le spécialiste du génie social de notre gouvernement, aurait pu tout simplement recourir à un système de peines consécutives. Les peines consécutives permettraient au moins de reconnaître une certaine valeur à la vie. Par exemple, Clifford Olson aurait reçu 11 peines d'emprisonnement à perpétuité consécutives.
Dans notre système, il a tué une fois, puis la deuxième fois était gratuite, la troisième fois était gratuite, la quatrième fois était gratuite et ainsi de suite. C'est pas mal triste.
Le problème, c'est que notre ministre de la Justice ne semble pas comprendre vraiment la signification du meurtre. Par exemple, lors de la période des questions du 11 juin, le ministre laissait entendre qu'un meurtrier qui n'a tué qu'une fois mérite un traitement spécial en vertu de la loi.
Il a répondu à la députée de Beaver River: «Si la députée est incapable de saisir la différence entre les meurtriers qui tuent une personne et ceux qui font plus d'une victime, elle néglige, à mon avis, un aspect fondamental de toute cette question.» Je ne peux pas comprendre comment le ministre de la Justice d'un pays civilisé peut considérer que le fait de tuer une personne n'est pas aussi grave que le fait d'en tuer deux. Ce n'est qu'une de ses nombreuses explications de ce projet de loi.
Je ne peux toujours pas comprendre pourquoi, alors qu'il a eu des années pour présenter quelque chose comme cela, il ait attendu qu'il ne reste que huit jours de séance, en juin, sachant très bien que le projet de loi ne pourrait pas être débattu convenablement dans une période aussi courte.
Comme le disait Darlene Boyd, le fait qu'on ait tardé à présenter cette mesure législative à la Chambre des communes afin de le faire adopter à toute vapeur est une preuve de couardise. Je suis tout à fait d'accord avec elle.
Une fois de plus, c'est un autre exemple de l'idée que se fait le gouvernement de la démocratie en action. Nous avons déjà parlé de cela aujourd'hui et je ne veux pas y revenir, mais la démocratie en action, pour ce gouvernement, n'existe qu'une fois tous les quatre ans et c'est le jour des élections.
Dans l'ensemble, personne ne peut être réellement satisfait de cette maigre tentative de remédier à un grave défaut de notre système judiciaire. L'article 745, même s'il est modifié, existe encore et le ministre de la Justice essaie simplement de dorer la pilule aux Canadiens. Mettez un peu de sucre et cela camouflera l'amertume de la potion.
Environ 600 détenus auront bientôt le droit de demander une révision judiciaire. C'est un problème qui ne disparaîtra pas. D'ici la fin du siècle, le système judiciaire pourrait avoir à procéder à une révision par semaine.
Comme le disait un éditorial du Calgary Sun: «Cette échappatoire du Code criminel qui permet à des meurtriers de demander leur libération anticipée est l'une des fraudes les plus honteuses perpétrées par les politiciens aux dépens des électeurs.»
(1720)
Je suis fier de dire que ce politicien et ceux qui représentent le Parti réformiste entendent bien remettre les pendules à l'heure. Une peine d'emprisonnement à vie pour un meurtre prémédité au premier degré, ça n'a rien à voir avec la réadaptation. Il s'agit d'infliger une peine juste et équitable à quiconque a supprimé une vie humaine.
Nous ne voulons absolument rien savoir du projet de loi C-45 et nous voulons qu'il soit bien clair que toutes les personnes déclarées coupables d'un meurtre au premier degré devraient recevoir une peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle d'aucune sorte avant 25 ans et, par conséquent, que l'article 745 du Code criminel soit abrogé. Nous n'accepterons rien de moins que sa suppression.
Il faut mettre fin immédiatement à ce travestissement de la justice qu'est cette disposition si nous voulons qu'à l'avenir les tueurs ne puissent pas acquérir ce droit en vertu de l'article 745. Cette proposition a reçu l'appui de 98 p. 100 des délégués du Parti réformiste qui ont assisté à notre assemblée en juin.
Elle est appuyée pleinement par l'organisation Victimes de violence, l'Association canadienne des policiers et une grande majorité de Canadiens d'un océan à l'autre. Des millions de signatures confirment cet appui. Qu'on abroge l'article 745. Qu'on cesse de le rafistoler. Nous ne pouvons pas entrer dans le XXIe siècle en faisant abstraction des lois qui ont modifié la peine prévue en cas de meurtre au Canada.
Les raisons éculées que donnent les libéraux, comme les facteurs économiques et le surpeuplement des prisons, ne tiennent plus, tout comme leurs grands discours pleins de compassion sur le remords, la réinsertion sociale, la dissuasion, le dédommagement ou toute autre excuse sur la détermination de la peine ou les directives sournoises qui sont données aux contrevenants, comme celles qu'a données le sénateur libéral Earl Hastings.
Il a conseillé aux criminels, lorsque viendrait le temps d'une révision judiciaire aux termes de l'article 745, d'exprimer du remords, de demander de l'aide juridique avant la 15e année et d'entretenir de bonnes relations et communications interpersonnelles. Développez des qualités de leadership. Comportez-vous parfaitement bien à l'approche de cette 15e année et vous serez libérés. Ce n'est rien d'autre que de la foutaise et de la fourberie. Les libéraux sont pleins de sensiblerie et ont des raisonnements qui ne tiennent pas debout.
L'emprisonnement à vie signifie à vie, rien de plus, rien de moins. J'ai beaucoup de mal à comprendre comment quiconque de ce côté-là de la Chambre peut laisser entendre un seul instant que les signatures qui figurent sur ces pétitions et que les messages que les libéraux reçoivent des milliers de personnes qui font partie de groupes de victimes dans le pays restent entièrement sans réponse. C'est très bien parce qu'ils ont toujours raison. Ils forment le gouvernement.
Le plus triste dans tout cela, c'est que 78 simples députés d'en face ont voté en faveur de l'abolition de cet article, il y a environ deux ans, car ils savaient que c'était la chose honorable à faire.
Ils vont maintenant faire volte-face et appuyer une demi-mesure. J'ai entendu dire que cela s'appelait un pas dans la bonne direction. À mon avis, ce n'est pas un pas dans la bonne direction. C'est de l'immobilisme. Cela n'a rien à voir avec ce qui nous occupe. La question est de savoir où sont les simples députés qui ont voté contre l'article
Ils ont dit à la Chambre qu'ils refusaient de voter pour. Que leur est-il arrivé? Laissez-moi deviner. Le premier ministre et l'ingénieur social de première classe ont peut-être dit: «Nous allons changer les choses un peu et, devinez quoi. Vous allez appuyer le projet de loi. Sinon, vous serez limogés ou punis.»
Le message est clair. Effectivement, le projet de loi a reçu un appui unanime des députés d'en face. Les 78 ont simplement disparu. C'est dommage.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ce n'est pas la tentation qui me manque de répondre à certaines interrogations du Parti réformiste concernant ce projet de loi. Je me retiendrai, parce que je pense qu'on s'éloigne un peu de l'article.
On peut débattre de tout ce qui a été fait, de tout ce qui se fait dans le domaine de la libération conditionnelle, les pour, les contre et le reste. Mais je pense qu'on a dit, dès le départ, qu'il y avait des choses, dans le projet de loi à l'étude, qu'on aurait voulu modifier, mais que, somme toute, c'était un projet de loi qu'on devait examiner avec beaucoup d'attention.
(1725)
Pour ceux qui nous écoutent et qui entendent des débats philosophiques, mais qui ne savent pas trop sur quoi les députés vont voter, qui se demandent ce que comporte le projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle), il serait peut-être intéressant d'expliquer le contexte pour comprendre comment ça fonctionne, et surtout, pourquoi nous avons des réticences, nous, du Bloc québécois.
L'article 745 du Code criminel touchait déjà aux libérations conditionnelles et c'est cette partie que le ministre de la Justice veut modifier avec son projet de loi. Lorsqu'on regarde le sommaire de ce projet de loi, on voit qu'il y a trois points majeurs. Ce n'est pas une révolution de tout le Code criminel, c'est l'article 745. On peut voir que trois points majeurs sont touchés par les modifications.
Le premier retire aux personnes déclarées coupables de plus d'un meurtre le droit de demander une révision judiciaire; le deuxième introduit un mécanisme d'examen initial des demandes; et le troisième point exige que toute décision prise par un jury de réduire une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle soit unanime. Dans les faits, ce sont les trois points majeurs du projet de loi.
Il faut que les gens comprennent comme cela fonctionne. Dans un premier temps, l'individu qui est derrière les barreaux, comme on dit souvent dans le jargon, qui remplit les conditions de l'article 745, fait une demande par écrit selon les modifications proposées. Avant, cela pouvait se faire verbalement, mais maintenant, en vertu du paragraphe 745(1), on dit que la personne qui demande un bénéfice en vertu de l'article 745 doit le faire par écrit au juge en chef compétent de la province ou à un juge désigné pour l'application de cet article. C'est la première étape.
La deuxième étape est nouvelle, et c'est sur cela aussi qu'on a des réticences, au Bloc québécois, parce que c'est une première évaluation. C'est que le juge, avec les documents qu'il a, avec la demande, entre autres, avec le rapport fourni par le Service correctionnel du Canada ou tout autre document que le procureur général ou le requérant présente au juge, va décider, et pas n'importe quoi, il va décider, en se fondant sur les documents qu'il détient, si le requérant a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu'il existe une possibilité réelle que la demande soit accueillie.
Il y a déjà une évaluation faite par un juge compétent, un juge qui connaît la matière, et dont la valeur d'analyse est une possibilité réelle, une espèce de chance raisonnable que la demande du prévenu soit accueillie. Notre première réticence face à cela est qu'on ne donne pas de balises précises au juge. Cela va de son évaluation, oui, certes. Je comprends que les juges ont de l'expérience dans le domaine, qu'ils vont évaluer cela, qu'ils vont mesurer tout ça et qu'ils vont prendre une décision éclairée, mais j'aurais aimé avoir quelque chose de plus clair ou même que cette partie n'existe pas.
C'est la deuxième partie du processus. Après l'avoir fait par écrit, un juge examine tout cela et décide si oui ou non il va référer ce dossier à un autre juge pour qu'il convoque un jury. Naturellement, si le juge qui examine cela à la face même du dossier arrive à la conclusion que non, il n'y a pas de possibilité raisonnable qu'un jury bien instruit puisse accueillir la demande, c'est évident qu'il va la refuser.
Il y a deux possibilités selon l'amendement, soit de dire que le prévenu devra se présenter à nouveau devant un juge dans deux ans ou que le prévenu n'aura pas le droit de se présenter dans une période x, parce que son dossier n'est pas bon pour la libération conditionnelle, ou bien il ne dit absolument rien, il refuse, et la loi prévoit que le détenu pourra présenter une nouvelle demande dans les deux ans.
Au paragraphe 5 de l'article 745 si le juge dit oui, s'il décide que le requérant a démontré qu'il existe une possibilité réelle que la demande soit accueillie, le juge en chef charge un juge de la Cour supérieure de juridiction criminelle de constituer un jury pour entendre la demande.
Troisième étape, une autre évaluation, mais cette fois-ci devant un jury formé de 12 personnes. Le jury a toute une série de normes à respecter. Je n'ai absolument rien à dire sur les normes fixées par le ministre, elles sont conformes à la jurisprudence et à ce qui se fait présentement. Je n'ai absolument rien à dire sur ça.
Où j'ai un élément à ajouter, où ça accroche pour nous, les députés du Bloc québécois, c'est qu'on dit, au paragraphe 3 de l'article 745.3: «Le jury peut décider qu'il y a lieu de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant. La décision est prise à l'unanimité.» C'est ce sur quoi le Bloc québécois accroche: l'unanimité de 12 personnes. Il y a 12 personnes qui auront le dossier qui a déjà été examiné par un juge. Le juge a dit: «Oui, il y aurait une possibilité raisonnable que le requérant puisse convaincre un jury, on le transporte au jury.» Le jury composé de 12 personnes examine tout ça et doit arriver à une conclusion unanime. Ce sera très dur.
Finalement, si le gouvernement avait décidé qu'on devrait abolir l'article 745, on aurait dû le faire, mais sans imposer des normes excessives, parce qu'il s'agit de normes excessives que d'avoir l'unanimité sur un dossier semblable.
Monsieur le Président, vous m'indiquez qu'il ne me reste que deux minutes, alors que je croyais avoir droit à 20 minutes.
Le vice-président: À 17h30, nous passerons à l'étude des affaires émanant des députés.
M. Bellehumeur: Alors je résumerai très rapidement, monsieur le Président.
L'élément majeur que la loi recherche et avec lequel on est contre, c'est l'unanimité, puis surtout la rapidité avec laquelle le gouvernement veut adopter ce projet de loi. C'est pourquoi mon collègue, le député de Bellechasse, a déposé un amendement, pour nous permettre un délai supplémentaire de six mois pour examiner, étudier ce projet de loi et peut-être l'améliorer. On sent que le gouvernement est précipité dans ce dossier, alors qu'il s'agit d'un projet de loi qui mérite une grande attention.
Le vice-président: Comme il est 17h30, la Chambre abordera maintenant l'étude des Affaires émanant des députés, selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.