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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Je suis maintenant prêt à rendre une décision sur la motion M-1, inscrite au nom du député de Glengarry-Prescott-Russell.

[Français]

L'honorable député de Glengarry-Prescott-Russell m'a avisé, par écrit, que suite à sa récente nomination aux charges de ministre de la Coopération internationale et de ministre responsable de la Francophonie, il est dans l'impossibilité de proposer la motion M-1, laquelle est inscrite en son nom au Feuilleton dans l'ordre de priorité établi pour les affaires émanant des députés.

[Traduction]

En conséquence, puisque, conformément à l'alinéa 94(1)a) du Règlement, il incombe au Président de «prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer le déroulement ordonné des affaires émanant des députés», je demande au greffier de faire rayer la motion M-1 du Feuilleton.

(La motion est retirée.)

* * *

(1805)

LE MAINTIEN DE LA PAIX

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, tous les projets d'engagement en matière d'imposition ou de maintien de la paix prévoyant la participation de plus de cent Canadiens devraient faire l'objet d'un vote libre à la Chambre pour décider de leur approbation ou de leur rejet.
-Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole pour présenter la motion M-31, qui fera l'objet d'un vote, pour donner au Parlement l'occasion de discuter de l'importante question du maintien de la paix. Si elle est adoptée, la motion M-31 permettra de consulter réellement les députés chaque fois qu'on veut envoyer un contingent important de nos militaires, hommes et femmes, pour de dangereuses missions à l'étranger.

La motion s'énonce ainsi:

Que, de l'avis de la Chambre, tous les projets d'engagement en matière d'imposition ou de maintien de la paix prévoyant la participation de plus de cent Canadiens devraient faire l'objet d'un vote libre à la Chambre pour décider de leur approbation ou de leur rejet.
Si ma motion traite uniquement de missions prévoyant la participation de plus de 100 militaires, c'est pour laisser au gouvernement suffisamment de flexibilité pour autoriser le genre de missions plus modestes dont le besoin se fait sentir de temps à autre, pour observer une situation, mener des opérations de déminage ou surveiller la tenue d'élections, par exemple, sans que le Parlement ait à l'approuver formellement.

La motion M-31 est très simple. Elle est sans artifices et se résume à ceci: en tant que députés, nous avons une responsabilité à exercer envers notre pays et envers nos militaires. Quand des soldats de ma circonscription ou de celle de n'importe quel député reçoivent l'ordre d'aller risquer leur vie, je tiens à savoir que tous les députés ont examiné tous les faits et toutes les questions que la mission peut susciter avant de prendre la décision qui s'imposait à ce sujet.

Il est inacceptable que les décisions à ce sujet soient prises par une poignée de personnes derrière des portes closes. Les Canadiens s'attendent à ce que le Parlement tout entier assume la responsabilité d'envoyer ainsi nos militaires en missions. La décision de participer aux missions de maintien de la paix est une décision canadienne qui devrait être approuvée par toute la Chambre des communes. Avant de prendre une décision, les députés se doivent, au nom de nos soldats, d'intervenir en leur faveur dans le cadre d'un débat et de bien réfléchir avant de se prononcer.

À plusieurs occasions au cours des dix dernières années, les députés libéraux ont soulevé la même question et ont dénoncé le mépris manifesté à l'égard de la Chambre lorsque la participation de nos troupes à de grandes missions était décidée avant même que la Chambre soit consultée. Les habitants de nos circonscriptions s'attendent à ce que nous soyons consultés et à ce que nous puissions leur expliquer les raisons pour lesquelles les soldats canadiens participent à des missions de maintien de la paix.

De nos jours, non seulement les missions de maintien de la paix sont plus dangereuses, mais elles coûtent beaucoup plus cher. Nous investissons des milliards de dollars dans diverses missions. Cet argent provient directement de la poche des contribuables canadiens. Au nom de tous les citoyens qui financent ces missions, nous nous devons d'évaluer les faits et de tenir un vote libre avant de nous lancer tête première dans de nouvelles aventures.

Bon nombre de députés se sont faits demander par leurs électeurs pourquoi nous consacrions tel ou tel montant à une mission en particulier. Nos troupes font de l'excellent travail, mais nos électeurs ont droit à une réponse.

Donner un chèque en blanc aux Nations Unies est inadmissible de nos jours. Les Canadiens veulent que nous leur rendions des comptes. Ils veulent savoir, avant que la décision soit prise, si les risques et les coûts en valent la peine. La seule façon de veiller à ce qu'ils obtiennent tous les renseignements possibles consiste à tenir un grand débat parlementaire et un vote libre.

À l'issue du débat, la seule façon pour nous de rendre des comptes est de participer à un vote libre. Les députés auraient alors l'occasion de joindre l'acte à la parole et de clairement se prononcer pour ou contre la participation du Canada à une mission particulière.

(1810)

Comme l'enjeu de cette décision n'est pas qu'un montant d'argent énorme, mais aussi la vie de nos soldats, il est crucial, il va sans dire, que les députés puissent voter selon leur conscience ou selon les voeux de leurs électeurs. S'il y a jamais un seul vote libre à la Chambre, il faudrait que ce soit sur le maintien de la paix. Cela ne


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devrait présenter aucun caractère politique ou sectaire. C'est un sujet qui s'impose à l'évidence pour la tenue d'un vote libre. Lorsqu'il s'agit de la vie et du bien-être de nos soldats, le sectarisme n'a pas sa place. Ce n'est pas une question pour laquelle le whip ordonne aux députés de voter de telle ou telle manière. C'est une question de vie ou de mort, et il faut laisser les représentants élus décider.

Comme c'est l'heure des initiatives parlementaires, il n'y a pas beaucoup de monde, mais il y en a encore plus que lors de certains de ces débats spéciaux bidons sur les missions de maintien de la paix.

Nous ne connaissions pas tous les faits, alors. Les décisions, bien souvent, avaient déjà été prises et communiquées à la presse. Les députés n'avaient pas eu l'occasion de faire connaître leurs vues pour que le gouvernement en tienne compte. Il n'y avait pas de vote libre. En fait, il n'y a jamais eu un vote à la fin de ces débats. Pas étonnant que les députés s'y soit peu intéressés, que les médias n'aient guère fait attention, que les Canadiens n'aient pas été informés comme ils auraient dû l'être. Pas étonnant que, lorsque des Canadiens les interrogeaient sur la valeur de ces missions, beaucoup de députés aient été incapables de répondre.

D'ici quelques mois, deux grandes missions de maintien de la paix doivent se terminer. En ce moment, tout porte à croire qu'elles seront reconduites. Le ministre a déjà en main un chèque en blanc. Je ne doute nullement qu'on tiendra des consultations bidons qui, comme toujours, ne serviront qu'à tromper la population canadienne.

Il peut en être autrement. Je sais qu'il y a des députés dans tous les partis représentés à la Chambre qui voudraient vraiment apporter leur contribution. Ils adoreraient discuter de tous les faits dans le cadre d'un bon débat et prendre ensuite la meilleure décision pour notre pays au moyen d'un vote libre.

Je songe notamment aux membres des comités des affaires étrangères et de la défense. Je songe aux députés qui ont un fils ou une fille dans les forces armées. Je songe aux députés qui ont une base militaire dans leur circonscription ou qui sont des anciens combattants. Tous ces députés ont quelque chose à apporter, qu'ils soient libéraux, bloquistes, réformistes ou néo-démocrates.

Le présent débat touche à la vie de nos jeunes et à la place de notre pays dans le monde. Depuis de nombreuses années, le maintien de la paix constitue un élément important de la politique étrangère du Canada. Il incombe à tous les députés d'assumer sérieusement leurs responsabilités et de prendre la parole au sujet de ces motions.

Je suis presque sûr que le whip du Parti libéral a déjà ordonné à l'un des députés d'en face de prononcer une allocution du genre de ceci: «Nous remercions le député de Red Dear pour son idée. Le Parti libéral est toujours préoccupé par le maintien de la paix et la consultation de la population, mais nous n'appuyons pas cette motion.» Puis on nous servira probablement quelque raison compliquée pour laquelle ma motion est inapplicable, impertinente ou antiréglementaire, mais on emploiera sûrement l'un ou l'autre de ces qualificatifs.

Cela me fait penser à une motion qui a été présentée il y a quelques années sur l'accès à l'information. Des députés ont pris la parole les uns après les autres pour dire combien cette motion était extraordinaire, que c'était exactement ce dont la Chambre avait besoin en ce qui a trait à l'obligation de rendre des comptes, mais qu'ils allaient voter contre parce que le gouvernement allait de toute manière faire quelque chose à cet égard en moins d'un an. Or, il y a deux ans de cela et rien n'a encore été fait.

Quel que soit le député qui a été choisi pour prononcer un tel discours, je l'exhorte à y penser à deux fois avant de s'exécuter. Il ferait bien de songer au devoir qu'il a en tant que député de représenter ses électeurs, de promouvoir les intérêts du Canada et de soutenir nos troupes. Tout cela devrait être plus important que de servir aveuglément les huiles omniscientes du parti.

J'exhorte les députés libéraux qui n'ont pas reçu d'ordres de leur whip de dire librement le fond de leur pensée. Ils devraient s'inspirer à cet égard de ce qu'ont déjà dit certain ministres libéraux. Je vais citer quelques-uns de ces propos et je veux que les députés libéraux obligent leurs ministres à tenir parole parce que ce qu'ils ont dit est à l'appui des principes sur lesquels repose la motionno 31.

(1815)

Je vais commencer par citer le ministre des Affaires étrangères: «Je me réjouis de la collaboration de tous les partis dans cette nouvelle législature. Cela permettra aux Canadiens et Canadiennes d'être entendus par leurs députés sur une question importante qui touche les affaires étrangères. Je tiens également à dire que la consultation d'aujourd'hui ne sera pas la dernière que nous aurons sur la politique étrangère du Canada.» Dans le cas d'Haïti, il a dit: «Je promets que, dans la mesure du possible, les débats à venir se tiendront dans de meilleures conditions.»

Étant donné que les Canadiens profiteraient de la tenue d'un débat plus approfondi, je ne puis que supposer qu'il appuierait la motion M-31.

Voici une deuxième citation du ministre: «Nous avons tiré des enseignements d'expériences passées. Nous savons que, lorsque les Nations Unies acceptent de jouer un rôle, il faut qu'il y ait des ressources suffisantes pour la tâche à accomplir.» Le Parlement devrait savoir si ces ressources existent. Si elles existent, tous les faits devraient être connus. Si elles n'existent pas et que le gouvernement accepte la mission de toute façon, il est clair que les propos du ministre au sujet des enseignements tirés de l'expérience sonnent un peu creux.

Voici une troisième citation: «Pour que le point de vue des Canadiens soit davantage pris en considération, nous avons exposé la question sur Internet et nous avons reçu tout un éventail d'opinions de la population.» De toute évidence, le ministre entend se mettre à l'écoute des gens et croit en la démocratie parlementaire,


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comme le font les autres partis. Il est clair qu'ils veulent que la voix des députés soit entendue.

Autre citation: «Nous avons encore besoin de recueillir l'avis des députés.» De toute évidence, le meilleur moyen de le faire est de tenir des votes libres à la Chambre.

Enfin, le ministre des Affaires étrangères a dit: «Nous tâchons de trouver des solutions, mais nous avons encore besoin de recueillir l'avis des députés.» En lisant toutes ces citations, on conclut que le ministre dit vouloir la tenue de débats plus approfondis, les faits étant communiqués aux députés pour qu'ils puissent prendre une décision éclairée. Or, c'est exactement ce que prévoit la motion no 31.

Le ministre des Affaires étrangères n'est pas le seul ministre qui semble appuyer les principes de la motion M-31. Je vais citer maintenant les paroles de l'ancien ministre de la Défense nationale, qui a dit, et je cite: «Je crois que les députés de Red Deer et de Charlevoix ont fait valoir des points très intéressants quand ils ont dit qu'il fallait en savoir plus au sujet des coûts avant de participer à ces missions.» Encore une fois, le ministre se trouvait à dire clairement qu'un débat parlementaire plus approfondi serait la meilleure façon d'obtenir ces renseignements.

Il a également dit ceci: «Pour ce qui est des règles d'engagement, nous devons être tout à fait sûrs de savoir sous quels auspices nous allons opérer. Nous avons déjà eu des expériences désagréables, notamment en Somalie, et nous en avons tiré bien des leçons.» Encore une fois, je signale qu'il se trouve ici à promouvoir fortement le concept de la motion M-31.

Je crois que nous constaterons aussi que nous avons tenté diverses expériences dans nos comités pour faire en sorte que cela fonctionne. En fait, nous avons déployé beaucoup d'efforts pour voir ce que nous pourrions faire ici.

Une dernière citation de ce ministre: «Le mandat qui nous sera confié doit se justifier dans les circonstances et être réalisable. Nous devons connaître les règles d'engagement. Nous devons savoir quelles seraient la taille et la composition idéales de ces services.» C'est exactement cela. Nous devons connaître les faits, nous devons être informés et, en tant que parlementaires, nous devons nous sentir à l'aise lorsque nous prenons la décision de dépenser cet argent et de risquer ces vies.

D'après ce que j'ai lu et ce que j'ai lu à la Chambre, j'en viens à la conclusion que le Cabinet serait fortement en faveur de la motion M-31.

Le temps nous dira si c'était des paroles en l'air ou si les ministres étaient sérieux lorsqu'ils parlaient de consultation sur une question aussi importante pour les Canadiens que le maintien de la paix.

Je vais maintenant parler d'une de ces missions qui se terminera dans un mois, celle à Haïti. C'est un exemple parfait d'une mission spéciale où l'on va d'une crise à l'autre. La mission doit prendre fin bientôt, mais rien n'a été dit au Parlement sur la prolongation du mandat du Canada. Les députés sont tenus dans l'ignorance. Je prévois qu'un jour, il y aura un débat précipité à la Chambre des communes sur la prolongation pendant six autres mois de la présence canadienne.

(1820)

Les députés qui font partie du comité des affaires étrangères savent qu'on nous avait dit que ce ne serait qu'une prolongation de six mois, que les choses seraient alors rentrées dans l'ordre et que nous n'aurions vraisemblablement pas à prolonger notre mission au-delà de décembre de cette année. Les moyens sont nettement insuffisants compte tenu des problèmes.

L'ancien ministre de la Coopération internationale avait déclaré à Haïti que le Canada prouverait son amitié et sa solidarité. C'était très gentil de sa part de dire cela, et je suis heureux pour lui qu'il ait pris plaisir à conclure des accords secrets avec des dirigeants étrangers tout en gardant le Parlement du Canada dans le noir. Je voudrais rappeler à la Chambre que les libéraux ont hurlé au meurtre lorsque les conservateurs ont fait la même chose qu'ils font maintenant. Il semble que certains membres du Cabinet actuel ait raffiné les techniques des conservateurs, mais je sais que la majorité des députés conviendront qu'il doit y avoir un franc débat sur la question et que les députés doivent consulter les électeurs de leurs circonscriptions avant de prendre une décision. C'est justement le but de la motion M-31.

Les réformistes veulent examiner la situation à Haïti et revoir les faits une nouvelle fois. Nous savons quelle est la situation, nous lisons des rapports sur ce qui se passe dans ce pays. Nous savons que le taux d'analphabétisme est encore de 85 p. 100 et que le taux de chômage dépasse les 80 p. 100. Nous savons que M. Aristide attend en réserve. Nous savons que la démocratisation n'a pas beaucoup progressé. Nous savons qu'il y a moins de 100 familles riches qui n'apportent absolument rien à ce pays. Nous savons que les expatriés ne sont pas encouragés à investir dans ce pays.

Les Canadiens ont besoin d'en savoir plus. Quels sont les avantages, les solutions à long terme? Y a-t-il un plan à long terme? Nous, à la Chambre des communes, pouvons élaborer un tel plan pour un pays comme Haïti. Ce pays est dans notre hémisphère. Nous pouvons trouver une solution. Il faudra peut-être 20 ou 30 ans pour y arriver, mais nous devons au moins essayer.

C'est le genre de chose que la Chambre peut faire. Nous pouvons trouver une solution à long terme, une solution que tous les Canadiens comprendront et accepteront. Un débat de deux heures à la toute dernière minute n'est pas une bonne façon de résoudre ces problèmes de maintien de la paix.

La solution serait peut-être d'aller à l'OEA, de dire aux 31 autres pays membres qu'il est temps que nous assumions nos responsabilités. C'est dans notre hémisphère, cela nous cause des problèmes, alors prenons la situation en mains. Essayons au moins de trouver


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une solution durable, et non pas une solution temporaire qui ne fonctionnera probablement pas.

Avec les capacités, les ressources intellectuelles, le pouvoir de réflexion et l'intelligence que nous avons à la Chambre, nous pourrions faire quelque chose de bien. Les affaires étrangères sont certainement un domaine où nous pouvons laisser de côté les considérations partisanes et chercher une solution à long terme qui sera avantageuse pour nous tous.

Cette motion devrait être adoptée à l'unanimité. Nous devrions tous être capables de nous entendre sur ce point. Mes électeurs seront heureux si je travaille pour le bien du pays et non pour le bien de mon parti. Ils seront contents que nous laissions de côté les considérations partisanes pour travailler en collaboration, pour faire preuve de leadership et pour amener la Chambre à faire ce qu'il y a de plus utile.

(1825)

M. Francis G. LeBlanc (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat actuel, en tant que secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, mais également comme membre du Comité des affaires étrangères et du commerce international. À ce titre, j'ai participé, de concert avec le député de Red Deer et d'autres, aux débats sur les missions canadiennes de maintien de la paix, notamment la plus récente à Haïti.

Je tiens d'abord à m'élever contre la prémisse qui sert de fondement à la motion, à savoir que si la participation du Canada à une mission de maintien de la paix ne fait pas préalablement l'objet d'une vote libre à la Chambre, elle est présumée ne pas avoir été débattue par les députés.

Ce n'est manifestement pas le cas. Nous tentons, avec le concours du comité dont le député est membre, de trouver un moyen réaliste de permettre aux députés qui s'intéressent à la question du maintien de la paix de donner au gouvernement des conseils éclairés et opportuns au sujet du renouvellement des missions de paix et de la création de nouvelles missions.

En outre, on a tenté de faire valoir que, parce que le débat concernant le renouvellement d'une mission de paix a lieu vers la fin d'une mission, le gouvernement n'a pas fait les efforts nécessaires pour tenir un débat. Cette présomption est également sans fondement.

Le député sait que le contexte international à l'origine des missions de maintien de la paix change constamment. À une certaine étape, compte tenu des renseignements dont nous disposons, il devient indiqué de tenir un débat pour obtenir les bons conseils des députés de tous les partis politiques. Notre gouvernement, et en particulier le ministre des Affaires étrangères, s'efforce précisément d'utiliser les ressources du Parlement à cette fin.

C'est la politique que le gouvernement pratique et entend continuer d'appliquer. Toutes les fois que ce sera nécessaire et possible, nous demanderons l'opinion de la Chambre avant d'envoyer des troupes à l'étranger.

Compte tenu du contexte international, cependant, le gouvernement canadien doit être en mesure d'agir, mais il doit surtout pouvoir le faire rapidement. Il doit pour cela avoir une liberté d'action. Le Canada est depuis quarante ans un chef de file dans le domaine des missions de maintien de la paix.

Au cours de la 50e réunion annuelle de l'Assemblée générale des Nations Unies en 1995, l'ancien ministre des Affaires étrangères, l'honorable André Ouellet, a déposé l'étude canadienne sur la capacité d'intervention rapide des Nations Unies.

L'étude reconnaissait que les Nations Unies devaient avoir les moyens d'intervenir plus rapidement dans les crises qui surviennent dans le monde d'aujourd'hui. Les Nations Unies ne peuvent rien faire sans le soutien de pays comme le Canada qui contribuent au maintien de la paix.

Cette motion établit un processus rigide et entraîne le risque que le gouvernement du Canada n'ait les mains liées lorsque la communauté internationale fera appel à notre aide. Elle ne reconnaît pas que chaque mission de maintien de la paix est différente et doit être traitée comme telle.

Elle ne reconnaît pas l'importance que les Canadiens et la communauté internationale attachent à nos gardiens de la paix. C'est pourquoi cette motion n'a pas l'appui du gouvernement.

[Français]

Dans des circonstances normales, lorsqu'on examine, renouvelle ou lance une mission de maintien de la paix, le débat est encouragé, et l'appui de la Chambre sera demandé. Toutefois, il peut se produire dans l'avenir des situations exceptionnelles où il sera essentiel de ne pas perdre de temps. Afin d'éviter un désastre, il peut être nécessaire de réagir rapidement.

Dans ces conditions, le gouvernement ne peut pas être freiné par une loi exigeant qu'un vote ait lieu à la Chambre avant que les forces canadiennes ne soient déployées. Le gouvernement doit pouvoir envoyer rapidement des troupes canadiennes là où elles sont nécessaires. Exiger un vote de la Chambre empêcherait en fait le gouvernement de faire son devoir. Cela pourrait prendre du temps alors que nous n'en avons pas, précisément dans ces situations-là.

[Traduction]

La nature des opérations de maintien de la paix change. La communauté mondiale n'attend pas toujours que les choses soient stables pour intervenir.

Les Nations Unies et d'autres organismes internationaux travaillent maintenant à empêcher que des conflits n'éclatent et ne se généralisent. Ils déploient des troupes pendant que se poursuivent les combats, quand il n'y a pas de paix à maintenir. On se concentre maintenant sur l'action plutôt que sur la réaction. Afin de remplir son rôle de gardien de la paix prééminent, le Canada doit pouvoir agir vite et sans hésiter lorsqu'on fait appel à lui. Un conflit peut s'intensifier en quelques semaines, si ce n'est en quelques jours. Un cessez-le-feu peut être rompu ou une ville peut être détruite. L'intervention des troupes de maintien de la paix peut aider à empêcher que la situation ne se détériore et ne finisse en tragédie.


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(1830)

[Français]

Nous espérons que le monde a tiré des leçons précieuses des opérations comme celle menée au Rwanda. Il n'est plus possible de se croiser les bras. Si une tragédie doit être évitée, alors une intervention est nécessaire avant que la situation ne devienne incontrôlable. Attendre que le calme soit revenu dans un secteur n'est plus une solution viable.

Quand des gardiens de la paix sont demandés, il faut quelquefois les déployer dans une localité immédiatement. Dans une situation dangereuse, on leur demande d'arrêter la violence pendant qu'elle se produit ou avant qu'elle ne commence et non après que les horreurs se sont accomplies. Il faut répondre à l'horreur des massacres ethniques par des mesures énergiques. Le Canada doit prendre sa place pour aider à conserver la sûreté et la sécurité auxquelles nous tenons tant en tant que peuple.

Cette motion ne permettrait pas au Canada d'intervenir. On considère que les gardiens de la paix canadiens sont parmi les meilleurs au monde. C'est pourquoi on compte sur le Canada pour se joindre à presque toutes les missions organisées par l'ONU. Le mot «canadien» est devenu synonyme de gardien de la paix. Un de nos premiers premiers ministres, le très honorable Lester B. Pearson, a reçu le prix Nobel de la paix parce qu'il avait lancé le concept de maintien de la paix. En 1988, les gardiens de la paix eux-mêmes se sont vus décerner une médaille en reconnaissance de leurs actions.

Si nous ne pouvons pas répondre quand l'ONU demande notre appui, les autres pays commenceront à mettre en doute l'engagement du Canada à l'égard de cette organisation et, par conséquent, la pertinence de l'ONU comme outil de maintien de la paix.

Si nous sommes prêts à faire la sourde oreille aux demandes des Nations Unies, alors beaucoup d'autres pays remettront en question la confiance qu'ils portent à cette organisation. Nous ne devons pas laisser cela se produire. Quand l'ONU et la communauté internationale ont besoin de nous, nous devons être là. Nous devons pouvoir intervenir dans les plus brefs délais, si cela est nécessaire.

[Traduction]

Les soldats de la paix assument maintenant un rôle plus dynamique, mais ont aussi accepté d'être des travailleurs chargés d'apporter des secours humanitaires. Maintenant, les troupes des Nations Unies doivent non seulement séparer les factions ennemies, mais doivent en plus protéger les populations civiles et leur fournir des vivres et des abris.

La nouvelle Disaster Assistance Response Team, DART, en est un parfait exemple. Ses 180 membres doivent pouvoir être déployés dans les 48 heures en cas de désastre. L'équipe a pour responsabilité d'assurer l'infrastructure nécessaire aux organisations onusiennes et aux organisations non gouvernementales qui la suivront sur place dans les semaines à venir. Entre-temps, l'équipe doit apporter un soutien médical et structurel à la collectivité environnante.

Ce serait impossible si le départ de l'équipe devait être retardé à cause de la nécessité d'avoir un débat à la Chambre. En cas de désastre, la situation peut se détériorer aussi rapidement qu'en cas de conflit armé. Un retard peut coûter la vie à des centaines d'innocents. Il pourrait même rendre impossible le déploiement des forces.

En revanche, si l'équipe arrive à temps, elle peut empêcher un nouveau désastre. Le Canada doit être en mesure d'empêcher qu'une tragédie ne se produise. Si nous pouvons le faire, ne nous embarrassons pas dans des exigences législatives inutiles pendant que des gens meurent. Ne nous créons pas de raisons de ne pas venir en aide à ceux qui ont besoin de notre aide pour survivre. Ne mécontentons pas les Canadiens, ne leur faisons pas honte.

[Français]

Le Canada perdrait sa position de chef de file parmi les pays qui fournissent des gardiens de la paix s'il ne pouvait pas répondre quand on a besoin de ses hommes et de ses femmes. Le Canada, l'année dernière, a présenté une étude intitulée «Les opérations de paix de l'ONU: vers une capacité de réaction rapide».

Dans le passé, on a vu qu'il fallait prendre les mesures rapides dans les situations de crise. Le Canada, en publiant ce rapport, a maintenant fourni un modèle pour l'avenir.

Je vois que mon temps de parole est expiré, alors je vais essayer de résumer rapidement. Le gouvernement est d'accord avec le fait que nous devons avoir un débat sur nos engagements en Chambre ou devant le Parlement canadien.

(1835)

Ce n'est pas la même chose que de demander qu'il y ait un vote au préalable, avant que le Canada ne s'engage, chaque fois que le Canada s'engage, précisément pour les raisons que j'ai avancées dans ce discours.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, à mon tour, je vais m'exprimer sur la motion M-31 présentée par le député du Parti réformiste, qui a pour objectif d'impliquer davantage les parlementaires, lorsque le Canada enverra des soldats participer aux forces de maintien de la paix dans le cadre des opérations des Nations Unies.

Il s'agit d'un objectif très louable d'impliquer davantage le Parlement dans ces décisions. Cela dit, il y a des modifications, des ajustements que l'on voudrait voir dans la proposition. Sur le fond de cette proposition, je pense que c'est souhaitable d'impliquer les parlementaires dans des débats aussi importants.

On sait qu'à quelques reprises, déjà, c'est arrivé. Des débats d'urgence avaient eu lieu pour appuyer des décisions qui, dans certains cas, avaient été prises ou devaient être prises pour envoyer des soldats canadiens participer à des missions de maintien de la paix. À la fin de mon exposé, je proposerai un amendement à cette proposition.

Un des objectifs que l'on atteint lorsqu'on réussit à pouvoir s'exprimer comme députés, nous sommes des élus de la population, mais dans nos comtés, dans nos familles, il y a beaucoup de gens qui sont impliqués dans les forces armées et tous, de près ou de loin, nous en avons dans nos comtés. Ce sont des gens originaires de nos comtés. Certains ont des bases militaires ou d'autres types d'installations militaires dans leur comté. C'est un réseau important d'individus à la grandeur du pays. De cette façon, dans des débats comme celui-ci, nous pouvons donner le point de vue de nos commettants


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qui nous font part de leurs remarques, de leurs opinions lorsqu'on les rencontre dans certains événements ou assemblées.

Le Bloc québécois s'était déjà prononcé sur ce sujet dans un rapport dissident qui avait été déposé sur la politique étrangère, en novembre 1994, après l'élection. Je vais vous citer des parties de ce rapport. Dans le dernier paragraphe, on se positionnait spécifiquement sur l'objet de la motion du député réformiste.

Le Bloc québécois disait considérer qu'un des rôles primordiaux des forces canadiennes sur la scène internationale doit être de soutenir, par sa participation, les opérations de maintien de la paix. C'est là un atout incontestable du Canada et l'un de ses fleurons internationaux. Toutefois, le Canada devrait soumettre ses interventions futures à des critères plus précis.

Je vous cite une partie de ce rapport: «Les coûts et la complexité des interventions nouvelles requièrent l'émergence d'une culture nouvelle de la part de la communauté internationale. Les événements du Rwanda et de la Bosnie sont éloquents à cet égard. Le Canada doit tirer des leçons de ces opérations. Le cas récent d'Haïti nous a ainsi rappelé la nécessité d'appuyer nos interventions sur une légitimité démocratique et une planification rigoureuse. Il importera dorénavant de définir, sous l'égide des Nations Unies, des objectifs et des ordres de mission précis.» Je poursuis: «Bien d'accord avec la recommandation du rapport majoritaire-rapport présenté par le gouvernement, à ce moment-là-sur la nécessité de donner aux forces canadiennes une configuration spécialisée, il en va de la crédibilité de nos interventions. Le Bloc québécois tient cependant à préciser les orientations que devrait prendre le Canada à cet égard. D'abord, nous croyons-et croyons toujours-que le Canada doit réviser ses alliances militaires actuelles, l'OTAN et NORAD, pour que ces dernières adaptent leurs missions stratégiques en fonction des besoins des Nations Unies.»

Je cite toujours le rapport minoritaire: «Une telle approche fournirait un souffle nouveau à ces organisations et actualiserait leur utilité dans la préservation de la sécurité et la solution des conflits. Tout cela en permettant également au Canada d'atteindre ses objectifs de sécurité collective qui sont cruciaux pour sa propre sécurité territoriale. Par ailleurs, nous considérons que le Canada doit favoriser la création d'un contingent permanent mis à la disposition de l'ONU pour accomplir ses missions de paix à l'étranger. De plus, à notre avis, le Canada doit plafonner les effectifs qu'il est prêt à consacrer aux missions de paix. À titre d'exemple, il pourrait limiter à 2 000 ou 2 500, ou entre 2 000 et 2 500, le nombre de militaires engagés simultanément dans les missions de paix.»

C'est ce qu'on disait tantôt. À l'heure actuelle, on parle de près de 2 000 soldats canadiens impliqués dans des missions de maintien de la paix à l'extérieur. Évidemment, il s'agit de forces qui sont en mission en général pour des mandats de six mois, donc, il y a une rotation.

On terminait en disant: «Enfin, selon nous, le Canada devrait soumettre ses décisions de participer à des missions de paix à un vote à la Chambre des communes, et ce, dans des délais rapides lorsque le temps le permet.»

(1840)

C'est dans ce sens que nous allons suggérer un amendement. J'ouvre une parenthèse ici parce qu'évidemment intervenir dans les missions de maintien de la paix est, à l'heure actuelle, un des secteurs d'intervention les plus importants de nos forces armées. Personne ne croit que, demain matin, le Canada sera menacé d'une invasion quelconque. Notre rôle est donc beaucoup plus, en tant que pays, de fournir des gens qui participent au maintien et au développement de la paix un peu partout dans le monde.

D'ailleurs, toute la révision de ce qui se passe à la Défense nationale devrait toujours être faite dans cet état d'esprit, d'orienter maintenant davantage les budgets vers ces missions importantes que sont les missions de maintien de la paix, tout en assumant un rôle pouvant être très utile à l'intérieur du pays et au niveau d'interventions à caractère plus civil. Cela dit, on ferait certainement des économies en gérant davantage de cette façon.

Donc, la politique du Bloc québécois contenue dans ce rapport est toujours la même qui s'applique. On y retrouve l'essence de certaines positions qu'on peut prendre par rapport aux missions des Nations Unies.

Pour ce qui est de la modification, ce que je veux expliquer, c'est que tel que libellé, ça fait référence à un nombre de militaires. C'est assez limitatif lorsqu'on parle de plus de 100 Casques bleus. L'utilité du chiffre 100 peut être remis en question. C'est toujours difficile de définir un chiffre de façon arbitraire. L'autre élément, c'est qu'est-ce qu'on fait s'il arrivait un événement majeur, une crise internationale quelque part, une crise dans un pays en particulier le 31 juillet, le 2 août, le 27 décembre? À ce moment-là, avec le libellé de l'autre motion, on devrait convoquer le Parlement d'urgence avec les délais que cela implique avant de prendre une décision.

Dans le but de s'assurer que la décision peut quand même être prise mais qu'elle sera soumise par la suite au Parlement, nous déposerons tout à l'heure un amendement qui permet d'avoir un peu plus de souplesse, mais de s'assurer que par exemple, si cela devait se présenter, si le gouvernement prenait une décision d'envoyer des soldats ou de participer à une force de maintien de la paix durant la période estivale ou durant la période où la Chambre ne siège pas, que dès son retour, à ce moment-là, le Parlement aurait à se prononcer.

Vous allez me dire: «Oui, mais on a déjà envoyé les gens.» Cela dit, si le Parlement décidait que ce n'était pas nécessaire, on pourrait revenir sur la décision et ne pas renouveler le mandat à la fin de son terme de six mois, ou retirer les Casques bleus, pas de façon immédiate évidemment, parce que ça prend quelqu'un pour prendre la relève et on a quand même des engagements à respecter à l'intérieur des Nations Unies.

Donc, cela aurait quand même une certaine influence. Cela permettrait de tenir un débat public sur le sujet, d'exprimer le point de vue des gens dans nos différents secteurs, et si le gouvernement, selon les partis d'opposition, n'a pas pris une bonne décision, le faire valoir à ce moment-là. Mais ça permettrait davantage de souplesse, ce ne serait pas limitatif dans le sens qu'on ne devrait pas


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convoquer de toute urgence le Parlement. C'est pour cela que notre amendement va apporter un peu plus de souplesse à ce niveau.

J'ouvre une parenthèse pour dire cependant que j'aimerais qu'on aie davantage de formation pour nos militaires qui vont à l'extérieur sur la compréhension des enjeux qui se passent et qui sont souvent politiques économiques ou sociaux, pour s'assurer qu'ils nous représentent dignement.

Beaucoup de gens ont accompli des gestes extraordinaires lors de leur participation. Il faut quelques incidents malheureux comme ceux qui se sont produits par exemple en Somalie ou ailleurs pour détruire la réputation qu'on prend des années à bâtir. En ce sens, il faudrait accentuer nos efforts pour former ces gens avant qu'ils ne partent pour s'assurer qu'ils vont bien comprendre le travail qu'ils vont faire là-bas, et qu'en même temps ils nous représentent fièrement. En ce sens, je pense qu'on a un effort à faire et on doit éviter des événements comme ceux qui se sont produits en Somalie.

Je termine en vous disant que je propose:

Qu'on modifie la motion en retranchant tous les mots suivant le mot «engagements» en les remplaçant par ce qui suit:
«militaires à l'étranger impliquant des troupes canadiennes doivent dans les meilleurs délais faire l'objet d'un vote en Chambre afin d'en recommander au gouvernement l'approbation ou le rejet.»
Ceci pour répondre aux objectifs que je vous ai mentionnés précédemment. J'aimerais présenter cet amendement.

(1845)

Le Président: Cet amendement est recevable.

[Traduction]

Je vois qu'il nous reste 18 minutes. J'ai l'intention de donner la parole au député de Saanich-Les Îles-du-Golfe et au député de Renfrew-Nipissing-Pembroke.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole sur la motion M-31 visant à donner aux députés l'occasion de faire connaître l'approbation ou la désapprobation de leurs électeurs concernant la participation du Canada à d'importantes missions de maintien de la paix.

J'ai été sidéré d'entendre le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères prétendre que cette motion empêcherait le Canada de réagir rapidement à certaines situations. Je me demande sur quel planète il vit. A-t-il déjà vu l'ONU agir si rapidement, de toute façon?

J'étais également sidéré d'entendre le député du Bloc demander ce qui se produirait s'il fallait prendre une décision dans le temps des Fêtes, par exemple. Quand on envoie des Canadiens bien vivants, des gens comme nous, affronter une situation dangereuse, c'est sûr que les députés ont la responsabilité de réagir et de revenir à la Chambre, quel que soit le moment où cela se produit, au milieu de l'été ou n'importe quand. Nous avons la responsabilité de revenir et de discuter de la pertinence de confier cette mission à nos militaires. Les congés ne devraient évidemment pas être une considération. Pour remplir leurs obligations envers tant le Canada que les Forces canadiennes et leurs électeurs, les députés doivent participer à la décision.

Les militaires des Forces canadiennes sont les seules personnes, dans notre société, qui se soient engagées à donner leur vie sur commande, en situation de combat. On ne demande à personne d'autre de faire un tel sacrifice. Nous sommes obligés d'en tenir compte et de veiller à confier à ces militaires des missions qu'ils peuvent accomplir, pour lesquelles ils sont suffisamment équipés, ainsi de suite.

Je peux citer des exemples d'erreurs. Il suffit de repenser au moment où nous avons envoyé nos forces participer à la FORPRONU, dans l'ancienne Yougoslavie. Quel était leur mandat? Personne ne le savait. Comment étaient-elles équipées? Inadéquatement. Nous le savions. Comment nos militaires vivaient-ils là-bas? Très, très pauvrement. Ils étaient complètement dépourvus. Ils ont été gardés en otage. Tout a mal tourné dans cette mission. Pourtant, ils s'en sont tirés admirablement dans les circonstances, étant donné les conditions dans lesquelles ils se trouvaient. Cela, personne ne le remet en question, mais nous avons failli à notre devoir quand nous les avons envoyés là-bas.

Combien de Canadiens savent que, quand nos militaires sont partis en Somalie, ils n'y allaient pas en tant que gardiens de la paix, mais en tant que pacificateurs? Ils devaient aller rétablir l'ordre là-bas. À l'époque, le territoire était occupé par des guerriers qui sillonnaient les lieux dans leurs jeeps et d'autres véhicules équipés de mitrailleuses et qui attaquaient tous ceux qu'ils pouvaient pour saisir leurs biens et de leurs provisions. Nos militaires sont allés là-bas pour rétablir l'ordre et ils s'en sont bien tirés.

Quand nous déployons nos troupes à l'étranger, de quoi devrions-nous discuter? Que devons-nous approuver et désapprouver? D'abord, nous devons définir le problème. Qu'est-ce qui est à l'origine du problème dans ce pays? Que faudrait-il pour le régler? Quelle sorte de force est nécessaire pour appliquer les mesures qui s'imposent? Quelles mesures ont déjà été prises? Qu'est-ce qu'on essaie de faire, là-bas? Est-ce que ça marche ou pas? Est-ce que ça marche jusqu'à un certain point?

Les parties en cause sont-elles disposées à résoudre le problème? Cherchent-elles une solution pacifique? Les casques bleus sont-ils en général bien accueillis? Les belligérants acceptent-ils l'intervention d'une tierce partie pour essayer de régler le problème ou de calmer les choses? Pour les Canadiens la question suivante revêt une importance particulière: Les casques bleus canadiens sont-ils bien accueillis? Seront-ils mieux accueillis que quiconque pour essayer de désamorcer la situation?

Ensuite, nous aimerions connaître la composition du contingent. Quel est son importance? Comment sera-t-il équipé? De quelles aptitudes devra-t-il faire preuve pour accomplir la mission proposée? Les forces canadiennes sont-elles en mesure d'accepter cette mission, compte tenu des restrictions actuelles et des ressources disponibles? Ont-elles le personnel voulu? Ont-elles des effectifs suffisants? Ont-elles l'équipement nécessaire? Dans la négative, nous n'avons pas le droit de les envoyer dans cette région.


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(1850)

Il faut également que nous sachions combien de pays vont participer à la mission. De quels pays s'agit-il? Quelle sera leur participation? Combien d'hommes et de femmes vont-ils envoyer?

Qui les commandera et qui les contrôlera? C'est là l'une des questions les plus importantes à laquelle il faut répondre avant de nous engager à fournir des troupes canadiennes. Comment le commandement s'exercera-t-il? Qui est responsable? De quel recours disposons-nous à l'égard du centre de contrôle et de commandement? Qui s'occupe de la logistique? Qui est chargé de fournir à nos troupes ce dont elles ont besoin pour assurer leur activité et leur mobilité sur le terrain?

Quand le contingent est-il attendu? Quand doit-il arriver et, une fois sur place, combien de temps devra-t-il rester? Savons-nous exactement ce qu'on va demander à nos troupes de faire? Avons-nous une idée très précise de ce qu'elles devront faire pour désamorcer la situation? Dans la négative, nous ne devrions pas les envoyer. C'est quelque chose que nous devons décider ici à la Chambre.

Si ellles sont déployées sous les auspices des Nations Unies, quelles sont les voies par lesquelles le Canada peut influencer les décisions qui ont une incidence sur nos troupes? Le Canada a-t-il le droit d'avoir recours au Conseil de sécurité, ou à la personne responsable, pour s'assurer que les intérêts du Canada sont pris en compte? Dans la négative, je pense que nous ne devrions pas donner notre approbation. Nous devrions dire: «Pas question». Si nous envoyons nos troupes là-bas, nous devrions avoir le droit de participer à ce qui se décide à leur sujet.

L'une des choses les plus importantes ce sont les règles d'engagement. Quel degré de force nos militaires ont-ils le droit d'utiliser? Dans quelles circonstances peuvent-ils l'utiliser? Quelles sont les règles régissant le déploiement? Sont-elles adéquates? Si elles ne le sont pas, là encore nous devrions pouvoir dire que cela ne va pas, que nous voulons quelque chose de mieux pour nos troupes.

En raison de notre situation financière, nous devons, de toute évidence, prendre le coût en considération. Nous devons savoir combien cela coûtera. Il est important également que nous sachions qui va supporter le coût de l'opération. Si elle doit être payée par le Canada, quel ministère va payer? Est-ce que c'est la Défense? La Défense paie un peu trop souvent. Est-ce que ce devrait être les Affaires étrangères? Y a-t-il un autre organisme qui devrait contribuer à cela?

Et qu'arrive-t-il des autres pays en cause? Que contribuent-ils, non seulement en troupes, mais en aide, en argent? Est-ce qu'ils aident le Canada? Est-ce qu'ils appuient le Canada ou est-ce que le Canada paie une part disproportionnée de sa participation à ce déploiement?

Les députés ont l'obligation de connaître les faits. Nous devrions en parler et nous devrions être prêts à venir ici, avec un préavis très court, chaque fois que nous envisageons le déploiement de Canadiens dans une situation dangereuse. Je pense que dans une telle situation il devrait y avoir une décision qui ne soit pas politique. Les partis ne devraient pas entrer en cause. De toute évidence, c'est le gouvernement qui doit prendre la décision finale, mais le gouvernement doit écouter ce que nous en pensons.

Les débats que nous avons eu jusqu'à maintenant ont été inutiles puisqu'il n'y a pas eu de vote. Ils ont toujours eu lieu trop près de l'échéance. Dans un cas, deux jours avant le renouvellement de la mission, nous en parlions ici à la Chambre et il n'y a pas eu de vote à la fin de la discussion. De toute évidence, la décision avait été prise avant que le débat ait lieu. Cela n'est pas acceptable.

Je pense, si ma mémoire est bonne, que la mission de l'IFOR en Yougoslavie doit être renouvelée le 20 décembre de cette année. Jusqu'à présent, on ne nous a pas laissé entendre qu'il y aurait un débat parlementaire valable sur le renouvellement de cet engagement. Vu que nous approchons de la fin d'octobre, il me semble que nous devrions en parler. Il n'est pas juste pour les gens qui sont là-bas de les faire attendre jusqu'à la dernière minute avant de dire: «Non, nous ne jouons plus.» Il me semble que nous pourrions au moins leur donner une semaine ou deux, voire un mois d'avis que le Canada ne sera malheureusement pas en mesure de continuer.

Il semblerait que, en ce moment, nos troupes soient engagées dans un trop grand nombre de choses. Il faudrait envisager sérieusement de donner à l'IFOR un support aérien, un escadron de chasse. Ce serait une chose sensée, qui accroîtrait la puissance d'intervention de cette force. Cela donnerait à notre armée le temps de se regrouper, de récupérer et de reprendre son entraînement; cela donnerait en outre à nos troupes la possibilité de renouer leurs relations avec leur famille.

(1855)

Si le Parlement n'a pas l'intelligence, la capacité ou le courage de s'attaquer à cette situation, alors il vaut beaucoup moins, comme institution, que je ne le pensais. Cette motion devrait être adoptée.

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke, Lib.): Monsieur le Président, en abordant la motion à l'étude, je tiens à souligner qu'elle est tout à fait conforme à la politique canadienne en matière de maintien de la paix. En fait, elle est conforme à l'idéologie qui oriente notre politique actuelle.

Le gouvernement a toujours présenté à la Chambre toutes les questions concernant le maintien de la paix et il continuera de le faire. Chaque fois que ce fut possible et nécessaire, c'est exactement ce que le gouvernement a fait. Nous reconnaissons l'importance d'une discussion libre et entière sur tout déploiement proposé des forces canadiennes et nous accordons une grande valeur à l'opinion de la Chambre.

C'est pourquoi le gouvernement s'est toujours efforcé de favoriser le débat sur les engagements du Canada en matière de maintien de la paix. Le gouvernement a donc déjà atteint l'objectif apparent de cette motion, qui vise à susciter la discussion et le débat sur les engagements du Canada à cet égard.


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Je remarque que, ce soir, les porte-parole du Parti réformiste ont souvent parlé de débat impartial. Auparavant, les affaires étrangères étaient exclues des débats en cette Chambre, puis les gens sont parvenus à un consensus. Il est ironique de voir que les porte-parole du Parti réformiste demandent un débat impartial alors que, lors des débats antérieurs, ils attaquaient les libéraux.

La motion M-31 demande un vote libre à la Chambre. Notre gouvernement est calqué sur le système britannique, modèle de tous les Parlements. On dit que c'est un gouvernement responsable. En vertu de notre système parlementaire, un gouvernement responsable signifie que les décisions appartiennent au gouvernement en place. Les décisions doivent être prises et parfois, comme on l'a déjà mentionné, elles doivent être prises rapidement.

On ne peut pas comparer notre processus décisionnel à celui des Nations Unies car nous sommes en train d'améliorer, de moderniser les Nations Unies; nous essayons de rationaliser les façons de procéder de cet organisme et c'est la bonne chose à faire. La façon dont les débats doivent se dérouler à la Chambre, les décisions à prendre relativement aux affaires étrangères et autres questions importantes doivent relever d'un gouvernement qui jouit d'un long mandat, qui devra rester au pouvoir assez longtemps pour assumer les conséquences de ses actes.

À propos de maintien de la paix, de pacification et de tout ce que l'on devrait faire au Parlement avant d'envoyer nos forces partout où on les réclame, je profite de l'occasion pour dire combien les Canadiens devraient être reconnaissants aux membres des Forces canadiennes qui servent dignement le Canada à l'étranger. Les Canadiens réagissent de façon responsable. Certes, il y a bien des soubresauts ici et là, mais cela n'a pas de commune mesure avec l'apport positif que les Forces canadiennes ont fourni à l'échelle mondiale et chez nous, en cas de catastrophes.

Qu'on songe à la Première Guerre mondiale, à la Seconde Guerre mondiale et à la façon dont le Canada a agi. Pourquoi a-t-il agi? Il n'y avait pas alors une organisation comme les Nations Unis, l'ONU, pour amener les pays à prendre des décisions communes. Tout le monde s'en lavait les mains et ça nous a menés à la Première Guerre mondiale, puis à la Seconde Guerre mondiale. Voilà pourquoi, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Nations Unies ont été créées. Puis, quand les communistes sont devenus de plus en plus agressifs au cours de la guerre froide, à la fin des années 1940, on a institué l'OTAN, un autre groupe de pays réunis pour prêter main-forte. Tout cela n'existait pas auparavant.

(1900)

La Corée fut le premier test de maintien de la paix pour les Nations Unies. Le test a été couronné de succès quand les Nations Unies ont obligé les Nord-Coréens à regagner le 38e parallèle.

Le Canada a pris part à la guerre du golfe Persique. Il participe à des opérations de maintien de la paix ou de pacification depuis des années. Il convient également de mentionner l'aide que les Forces canadiennes apportent aux autorités civiles.

Je tiens à signaler ici l'immense dette que l'on doit aux militaires canadiens qui sont venus en aide aux autorités civiles lors de la catastrophe au Saguenay. Voici ce qu'une personne ayant perdu sa maison et tous ses biens a dit au premier ministre quand celui-ci s'est rendu sur les lieux: «Monsieur le premier ministre, les Forces canadiennes sont parmi nous depuis le début. On ne sait pas ce qu'on aurait fait sans elles. Ces gens-là ont été merveilleux.»

Quand on songe à tout le tapage que l'on fait actuellement à propos des Forces canadiennes et à toutes les choses négatives entendues, on se dit que le moment est bien choisi pour congratuler ces hommes et ces femmes qui sont en mission. Oui, les Canadiens devraient leur rendre hommage pour le magnifique travail qu'ils accomplissent. Les autres problèmes sont alors sans importance.

Les jeunes familles qui sont là-bas sont peut-être en train de regarder ce débat. Il convient de remercier les membres des Forces canadiennes, officiers et subalternes, qui sont à l'origine de ce dont nous parlons aujourd'hui.

Pour revenir à mon propos de tout à l'heure, à l'incident qui se serait récemment produit en Hongrie et auquel auraient été mêlés quatre soldats canadiens, vous vous souvenez des manchettes de la première journée. Un journal hongrois titrait: «Des soldats canadiens ont agressé un couple, selon la police hongroise.»

Grâce à l'enquête, on a pu établir que les nouvelles selon lesquelles les soldats canadiens avaient attaqué un civil hongrois et sa petite amie étaient exagérées, comme les journalistes hongrois qui suivent les Forces canadiennes le disent maintenant.

En fait, tout semble indiquer que l'un des Canadiens a été lui-même battu à la suite d'une bagarre dans la rue. Par la suite, le rédacteur en chef du plus important quotidien de Budapest a déclaré, lundi, que l'article que son journal avait publié au cours de la fin de semaine n'était pas tout à fait exact.

Je tiens à remercier le Citizen d'Ottawa d'avoir rétabli les faits. Même si nous critiquons les médias, lorsqu'ils reconnaissent avoir commis une erreur et rétablissent les faits, ils méritent nos remerciements également.

Je tiens à souligner que, alors que nous envoyons nos troupes dans toutes les régions du monde, où elles sont confrontées à toutes sortes de cultures, de langues et de conditions géographiques ainsi que de conditions de transport, pour s'acquitter d'un travail, ceux d'entre nous qui restent ici devraient soutenir comme ils le méritent les membres de nos forces armées.

Les Forces canadiennes constituent une fière institution de notre pays. Je veux le souligner ce soir alors que j'interviens. Depuis que les opérations de maintien de la paix existent, notre pays est un chef de file international dans le domaine.

Le rôle important que nous jouons dans ce domaine découle du fait que nous sommes prêts à agir en périodes de crise. En fait, c'est


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notre volonté d'intervenir et notre capacité de le faire si rapidement qui nous vaut l'admiration de toute la communauté internationale.

Cela ne veut pas dire que le gouvernement s'oppose à un débat. Au contraire, nous reconnaissons que le débat est essentiel, surtout lorsque les hommes et les femmes membres des Forces canadiennes peuvent être mis en danger.

Un débat sur les questions importantes de maintien de la paix est essentiel, et on attache beaucoup d'importance à l'opinion de la Chambre.

(1905)

C'est la position du gouvernement. Nous avons eu des débats sur ces questions dans le passé. Nous continuerons d'en avoir à la Chambre, mais je veux souligner que c'est le gouvernement en place qui doit prendre la décision finale. C'est lui qui devra rendre des comptes, et il lui revient donc de prendre la décision. Si nous devons avoir une démocratie responsable au Canada, il faut avoir également ungouvernement responsable. Cela signifie que les membres du gouvernement respectent le gouvernement qu'ils appuient.

Le Président: L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée et l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

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