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CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 7 novembre 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

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Prière

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[Traduction]

RECOURS AU RÈGLEMENT

LE COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES QUESTIONS JURIDIQUES-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé par le député de Fraser Valley-Est le lundi 28 octobre 1996 au sujet du statut du député de Wild Rose comme membre substitut du Comité permanent de la justice et des questions juridiques.

[Français]

Je remercie l'honorable député de Fraser Valley-Est d'avoir soulevé cette question et le whip en chef du gouvernement de sa contribution au débat.

[Traduction]

Cette question a été portée à mon attention une première fois le mardi 22 octobre 1996 par le député de Wild Rose. À ce moment-là, il a expliqué à la présidence comment il avait été choisi comme substitut pour le Parti réformiste, à partir de la liste des membres associés du Comité permanent de la justice et des questions juridiques, et que, à ce titre, il avait assisté à la réunion du comité, le lundi 21 octobre 1996. Le député a affirmé qu'il avait tenté de présenter un avis de motion, mais que la présidence avait déclaré sa demande irrecevable parce qu'il n'était pas membre en titre du comité. Le député a ajouté qu'il s'était efforcé de faire résoudre ce problème au comité même, mais qu'il avait échoué dans sa tentative.

[Français]

L'honorable député de Fraser Valley-Est a soulevé la question une deuxième fois le 28 octobre. Dans son exposé, il a soutenu qu'à titre de substitut dûment choisi en vertu de l'article 114 du Règlement, le député de Wild Rose aurait dû être autorisé à présenter son avis de motion, malgré la règle interne du Comité qui veut que l'étude de toute nouvelle affaire soit précédée d'un avis de 48 heures.

Après avoir examiné les arguments invoqués, je trouve nécessaire d'apporter certains éclaircissements.

Le Règlement pourvoit à un mécanisme en vertu duquel les députés qui sont membres associés d'un comité peuvent devenir substituts de membres réguliers du Comité, à l'occasion d'une séance en particulier. Après examen minutieux du libellé de l'article du Règlement en cause, il est clair que les conditions étaient remplies et que le député de Wild Rose agissait à titre de membre substitut en règle du Comité permanent de la justice et des questions juridiques à la séance du 28 octobre 1996.

[Traduction]

Il n'y a pas de doute dans l'esprit de la présidence que les membres substituts doivent être traités sur un pied d'égalité avec les membres permanents pendant la période de remplacement. Les règles internes qu'un comité peut avoir adoptées pour son utilité ne peuvent pas modifier ce statut. Autrement, il y a risque que les comités aient deux classes de membres à leurs séances.

Dans ma décision du 20 juin 1994, consignée à la page 5583 des Débats, que le député de Fraser Valley-Est a aussi mentionnée, j'ai souligné:

Bien que, selon la tradition de la Chambre, les comités soient maîtres de leurs délibérations, ils ne peuvent instituer de procédure qui dépasse les pouvoirs que la Chambre leur a conférés.
Les comités ont jugé utile d'établir leurs propres procédures internes, telle l'exigence d'un avis de 48 heures pour l'étude de toute nouvelle affaire que le Comité permanent de la justice et des questions juridiques a adoptée à sa réunion d'organisation du 12 mars 1996. Je demanderais aux députés qui participent aux travaux de comités de se rappeler que ces règles internes et ces procédures ne doivent pas être établies de manière à amoindrir le rôle des membres substituts dont la capacité de remplir intégralement leur mandat est un statut que la Chambre leur a conféré.

[Français]

La compréhension des règles et des pratiques relatives aux membres substituts de comités a soulevé des difficultés. Aussi, je trouve que cet incident me donne l'occasion d'exprimer mes vues sur le sujet.

(1010)

[Traduction]

Par le passé, j'ai signalé la tradition de la Chambre établie depuis longtemps selon laquelle le Président n'intervient pas dans les questions de procédure soulevées aux comités. Je souhaite que, se rappelant ce que j'ai dit, les membres du Comité permanent de la justice et des questions juridiques et le député de Fraser Valley-Est puissent trouver un terrain d'entente sur cette question précise.


6226

J'espère que ma déclaration d'aujourd'hui sera utile aux députés et à tous ceux qui s'occupent des travaux des comités.

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6226

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à six pétitions.

* * *

LA LOI SUR LA CONCURRENCE

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.) demande à présenter le projet de loi C-67, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et une autre loi en conséquence.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

[Français]

LOI VISANT À CHANGER LE NOM DE CERTAINES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

M. François Langlois (Bellechasse, BQ) demande la permission de déposer le projet de loi C-347, Loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales.

(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

CODE DE CONDUITE

M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.): Monsieur le Président, je me lève en ma qualité de coprésident du Comité mixte spécial sur un code de conduite. Au lieu d'un rapport, le Comité m'a suggéré de proposer une motion aujourd'hui. Je propose donc, si la Chambre donne son consentement:

Que, en relation avec les ordres de renvoi adoptés par le Sénat le 21 mars 1996 et le 19 juin 1996, et par la Chambre des communes le 12 mars 1996 et le 19 juin 1996, la date limite à laquelle le Comité mixte spécial sur un code de conduite doit faire rapport soit reportée au vendredi 13 décembre 1996.
[Traduction]

Que, si la Chambre ne siège pas lorsque le comité aura terminé son rapport final, ledit rapport soit déposé auprès du greffier de la Chambre des communes et soit réputé avoir été présenté à la Chambre des communes; et
Qu'un message soit envoyé au Sénat pour lui demander de se joindre à la Chambre à ces fins.
Le vice-président: Le député de Kingston et les Îles a-t-il le consentement unanime de la Chambre?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Il n'y a pas consentement unanime.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Le député de Kingston et les Îles vient de présenter une demande à la Chambre concernant cette motion. Comme le consentement unanime a été refusé, cela donne la possibilité de consulter les collègues. Je voudrais que vous demandiez le consentement unanime de la Chambre pour oublier le préavis habituel de 48 heures et reporter la motion à la rubrique des motions de demain. Je pourrais ainsi consulter mes collègues en vue de donner l'approbation que demande le député relativement à la motion.

(1015)

Le vice-président: Je crois comprendre que nous revenons à l'étape des motions, s'il y a consentement unanime. Y-a-t-il consentement unanime pour procéder comme il le propose?

Des voix: D'accord.

* * *

PÉTITIONS

LE MARIAGE

M. Pat O'Brien (London-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai le devoir et le plaisir de présenter deux pétitions à la Chambre aujourd'hui. La première est signée par un certain nombre de mes électeurs et par d'autres Canadiens du sud-ouest de l'Ontario.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'adopter une loi définissant le mariage comme l'union volontaire d'un homme et d'une femme.

Je suis heureux de présenter cette pétition.

LA FISCALITÉ

M. Pat O'Brien (London-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition est signée par plusieurs centaines de personnes du sud-ouest de l'Ontario, y compris des habitants de ma circonscription, London-Middlesex. Au nom de ces Canadiens, je veux faire part de cette pétition à la Chambre, même si le gouvernement a déjà réglé cette question.

Les pétitionnaires demandent au gouvernement de ne pas imposer de taxe sur les livres. Je me fais un plaisir de présenter cette pétition.


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QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le vice-président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

* * *

[Français]

LE DISCOURS DU TRÔNE

REPRISE DU DÉBAT SUR L'ADRESSE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 1er novembre 1996, de la motion: Qu'une Adresse soit présentée à Son Excellence le Gouverneur général en réponse au discours qu'il a prononcé à l'ouverture de la session.

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, tout d'abord, je tiens à vous aviser que je partagerai mon temps avec le député de Bourassa.

Je suis heureuse de pouvoir intervenir aujourd'hui pour répondre au discours du Trône prononcé par le Gouverneur général, en février dernier, au nom du gouvernement. Je me rends compte évidemment que le temps passe vite et que cela fait déjà huit mois que ce discours a été prononcé.

Malgré tout, débattre de ce discours aujourd'hui présente un certain intérêt, puisque nous pouvons profiter d'un bon recul afin de faire le bilan des engagements pris par le gouvernement à ce moment-là.

À la lecture du discours du Trône, nous constatons, entre autres, que le gouvernement y jetait officiellement les bases de sa stratégie postréférendaire à l'endroit du gouvernement. Cette stratégie, que tout le monde connaît sous le nom de plan B, consiste essentiellement à durcir la position du gouvernement quant à la liberté du peuple québécois de se prononcer sur son avenir politique.

À cet égard, le Gouverneur général affirme ceci, et je cite: «Tant qu'il sera question d'un autre référendum au Québec, le gouvernement s'acquittera de sa responsabilité, qui est d'assurer que l'on joue cartes sur table, que les règles sont équitables, que les conséquences sont clairement énoncées et que les Canadiens, où qu'ils vivent, ont leur mot à dire sur l'avenir de leur pays.»

Pris au dépourvu, l'an dernier, devant la quasi-victoire souverainiste au référendum du 30 octobre, et devant les critiques qui fusaient de toute part du Canada anglais quant au rôle joué par le gouvernement lors du référendum, ce dernier a jugé que politiquement, il était plus rentable de jouer plus dur. Mais en fait, la stratégie du gouvernement de recourir au plan B ne fait que confirmer l'incapacité chronique du fédéralisme canadien à se renouveler et à chercher des solutions durables aux revendications traditionnelles du Québec.

Quelques jours avant le référendum, voyant que les sondages étaient de plus en plus favorables au oui, le premier ministre a eu la frousse de sa vie. Il est donc sorti de sa torpeur légendaire et a osé faire la promesse, à Verdun, d'enchâsser le caractère distinct du Québec dans la Constitution et de lui accorder un droit de veto.

Dans un article intitulé The Secret Summit, publié dans le numéro du 21 octobre dernier de la revue Maclean's, extrait du livre Double Vision que s'apprêtent à publier deux journalistes, on y apprend que quelques jours après le référendum, le premier ministre était devenu obsédé par la promesse qu'il avait faite à Verdun de faire reconnaître le Québec comme société distincte.

(1020)

Dans le but de coincer le successeur de M. Jacques Parizeau, en l'occurrence Lucien Bouchard, le premier ministre, en vain, a élaboré un scénario lui permettant d'enchâsser dans la Constitution le concept de société distincte. Il lui fallait donc l'appui de 7 provinces comptant au moins 50 p. 100 de la population canadienne. À cet égard, l'article de Macleans's nous apprenait que le premier ministre pouvait compter sur l'appui des premiers ministres de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, du Manitoba et de la Saskatchewan. Évidemment, il fallait écarter l'appui du premier ministre de Terre-Neuve de l'époque, Clyde Wells.

Sachant que le premier ministre ne pouvait pas non plus compter sur les leaders de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, il devait nécessairement obtenir l'appui de Mike Harris, de l'Ontario.

De plus, Maclean's nous apprend que le premier ministre, trois jours après le référendum, organisait une rencontre secrète avec Mike Harris afin de lui expliquer son projet d'insérer la société distincte dans la Constitution.

Malheureusement pour le premier ministre, Mike Harris a refusé d'appuyer sa stratégie postréférendaire. Il ne faut pas se leurrer, ce qui motivait avant tout le premier ministre, c'était de sauver le peu de crédibilité qu'il lui restait au Québec et de nous forcer la main afin d'accepter un concept vidé de son sens.

Si la stratégie du premier ministre avait fonctionné, c'est-à-dire si Mike Harris avait décidé de l'appuyer, l'odieux aurait été mis sur Lucien Bouchard, bien évidemment.

Devant son échec et afin de préserver au moins les apparences de ses engagements référendaires de dernière minute faits à Verdun, le premier ministre faisait adopter, en décembre 1995, une simple résolution du Parlement, déclarant, sous forme de voeux pieux, que le Québec est une société distincte, ainsi qu'une loi reconnaissant au Québec et aux quatre autres grandes régions du Canada un droit de veto ayant comme effet pervers de rendre encore plus improbable tout amendement constitutionnel.


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Depuis, le premier ministre répète à qui veut l'entendre qu'il voudrait inclure ces deux mesures dans la Constitution, mais que la présence d'un gouvernement souverainiste à Québec l'en empêche. Avec le recul, nous savons très bien aujourd'hui que l'argument invoqué par le premier ministre est un faux-fuyant.

En effet, il y a deux semaines, le premier ministre, exaspéré par toute cette question, déclarait, sur les ondes de RDI, avoir assez agi dans ce dossier, disant vouloir concentrer maintenant ses efforts aux questions économiques.

En fait, maintenant qu'il a mis le feu aux poudres, le premier ministre préfère enterrer toute la question constitutionnelle, parce qu'il sait très bien que tout amendement à la Constitution propre au Québec ne recevrait pas l'appui nécessaire des autres provinces.

Devant ce constat, le ministre de la Justice nous apprenait, en début de semaine, qu'il envisageait même de demander à la Cour suprême de définir la portée d'une reconnaissance du Québec comme société distincte, si le ministre des Affaires intergouvernementales n'arrivait pas à dégager un consensus sur cette question dans les prochains mois.

C'est à croire que ce gouvernement ne peut gouverner sans l'avis de la Cour suprême. Au mois de septembre dernier, nous avions le renvoi à la Cour suprême sur la question de la légalité de la souveraineté du Québec. Maintenant, nous avons cette perspective de recourir à la Cour suprême pour définir le concept de société distincte.

Se référer continuellement à la Cour suprême pour régler des questions essentiellement politiques a de quoi nous inquiéter. En recourant constamment à la Cour suprême, le gouvernement fait tout simplement fi de ses responsabilités.

La Confédération, faut-il le rappeler, est un compromis entre deux peuples fondateurs, dont l'élément francophone se retrouve essentiellement au Québec. Ces deux peuples se sont donné une entente confédérale dans laquelle les diverses unités politiques, c'est-à-dire les provinces, ont délégué certains pouvoirs au gouvernement central.

(1025)

Ce pacte solennel entre les deux nations a par ailleurs toujours été perçu, du moins par le Québec, comme un pacte ne pouvant être modifié sans le consentement des deux parties. Ce contrat a cependant été violé au moment du rapatriement de la Constitution par le gouvernement fédéral, en 1982.

En effet, avant le référendum du Québec sur la souveraineté-association, en 1980, le premier ministre de l'époque, Pierre Elliott Trudeau avait pris l'engagement, le 15 mai 1980, qu'un non serait interprété comme un oui au renouvellement du fédéralisme canadien.

Au lieu de cela, deux ans plus tard, la Constitution a été rapatriée et une Charte des droits a été insérée dans la Constitution, sans l'accord du Québec. L'égalité de tous les Canadiens, d'un océan à l'autre, garantie par la Charte canadienne des droits et libertés, empêche la reconnaissance particulière du Québec en tant que société dans la Constitution. De même, le principe du multiculturalisme est constitutionnalisé, mais non celui de la dualité du Canada et du caractère distinct du Québec. Les mesures constitutionnelles de 1982, mises en oeuvre malgré l'opposition persistante du Québec, dénotent le mépris qu'avait le gouvernement de l'époque à l'égard du Québec.

Les débats constitutionnels des trente dernières années, et plus récemment les échecs de Meech et de Charlottetown, ont démontré à l'évidence que le fédéralisme ne peut être réformé dans le sens des intérêts du Québec. Les cinq conditions de Meech, les plus faibles jamais soumises par un gouvernement québécois, ont déjà fait frémir le Canada anglais et tout permet de croire que les relations entre le Québec et Ottawa sont vouées à l'enlisement.

Le Québec, qu'on le veuille ou pas, est toujours confronté à l'impasse au sein de la fédération. Est-ce que nous comprendrons, une fois pour toutes, que ce serait un gaspillage de temps, d'énergie, de fonds publics, que de reprendre la route des négociations constitutionnelles vouées inévitablement à l'échec.

Dans les circonstances, tant le peuple québécois que le peuple canadien ont intérêt à régler une fois pour toutes cette question. La seule solution qui permettra aux deux peuples de s'épanouir passe par l'indépendance du Québec. En partenaires égaux et souverains, les deux peuples pourront dès lors passer à autre chose et évoluer côte à côte dans l'intérêt de chacun.

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais également répliquer au discours du Trône en abordant notamment les relations entre le Canada et l'Amérique latine, et la visite prochaine du président chilien.

Avant de traiter du sujet principal, j'aimerais vous dire que je suis très sensible et préoccupé par la situation tragique, par le désastre humanitaire que vit la région des Grands Lacs en Afrique. Il faut une intervention immédiate de la communauté internationale pour venir en aide au million et plus de réfugiés qui se trouvent au Zaïre.

Il y a eu un sommet à Nairobi, il y a deux jours. Huit pays ont demandé l'envoi d'une force multinationale neutre dans la région pour assurer des corridors humanitaires et des sanctuaires temporaires pour les réfugiés. Malheureusement, jusqu'à présent, le Rwanda s'y oppose. Je fais un appel au gouvernement fédéral pour qu'il fasse tout en son possible pour qu'on envoie, dans les plus brefs délais, cette aide humanitaire. Je souhaite à la mission présidée par l'ambassadeur, M. Raymond Chrétien, beaucoup de succès.

Dans le discours du Trône, on dit que le Canada va tout faire pour élargir l'ALENA, ce traité nord-américain qui regroupe le Canada, les États-Unis et le Mexique. Également, le Canada s'engage à établir des relations prioritaires avec l'Amérique latine.


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(1030)

Mais l'extension de l'ALENA a été, jusqu'à présent, un échec. C'est en décembre 1994 que les chefs d'État du continent se sont rencontrés à Miami. Ils ont décidé d'inviter le Chili à faire partie de l'ALENA. Cela fait deux ans et aucun nouveau pays n'a adhéré à ce traité.

Le Canada et le Chili ont décidé, en janvier dernier, de commencer les négociations d'un accord bilatéral provisoire pour faciliter l'adhésion du Chili à l'ALENA. Cependant, je m'attendais à ce que les négociations réussissent dans les plus brefs délais, ce n'est pas encore le cas. Le président du Chili, Eduardo Frei, était supposé visiter le Canada au début d'octobre, du 1er au 4 octobre. Cette visite a été suspendue, reportée jusqu'aux 17, 18 et 19 novembre, faute d'entente concernant ces négociations.

Vous savez que je suis originaire du Chili, je porte beaucoup d'intérêt, beaucoup d'importance à la visite du président chilien dans les jours qui viennent. Il visitera Ottawa et Toronto. Mais je dois déplorer dans cette Chambre que le président ne se rende pas au Québec, malgré une invitation du premier ministre et du gouvernement du Québec. J'espère que le gouvernement fédéral n'est pas responsable de cette décision. Parfois, j'ai constaté personnellement qu'il y a des interférences lorsqu'il s'agit de relations entre le Québec et d'autres pays.

Je suis heureux que le Chili soit retourné à la démocratie en 1990, après 17 ans de dictature et de violations systématiques des droits de la personne. Moi-même, je suis venu au Québec en 1974, à la suite de cette dictature féroce que le Chili avait connue pendant 17 ans. Aujourd'hui, le Chili est un pays qui a un taux de croissance très élevé. Il a repris sa place au sein de la communauté internationale.

Santiago est le siège de la CEPAL, cette prestigieuse commission économique pour l'Amérique latine. Elle connaît une croissance annuelle d'environ 7 p. 100 et compte 14 millions d'habitants. Elle est le siège de nombreuses rencontres internationales. Dans les jours qui viennent, 21 pays se rencontrent à Santiago. C'est le Sommet ibéro-américain, qui ne comprend pas seulement les pays de l'Amérique latine, mais également l'Espagne et le Portugal. Ce sommet traitera non seulement de problèmes économiques, mais aussi de problèmes sociaux, politiques, de la question de la démocratie, des droits humains.

En mars 1997, se tiendra également au Chili le sommet des chefs d'État et de gouvernement des Amériques, qui regroupe environ 44 pays, et auquel participera le premier ministre du Canada. Le Chili fait partie également de l'APEC, le «Asia Pacific Economic Corporation Forum» qui se rencontre à Manille dans quelques semaines et auquel le premier ministre du Canada, le président du Chili et d'autres chefs d'État et de gouvernement participeront.

Je me réjouis également que les relations entre le Chili, le Canada et le Québec soient très bonnes. Elles sont au plus haut niveau dans tous les domaines économiques et commerciaux. Le premier ministre du Canada s'est rendu, l'année dernière, au Chili et dans d'autres pays de l'Amérique latine. Heureusement que le Canada a finalement décidé d'adhérer à l'OEA, l'Organisation des États américains en 1990.

Le Québec est très près de l'Amérique latine. Nous partageons beaucoup de liens fraternels et d'amitié liés à latinité. Les relations s'intensifient de plus en plus.

(1035)

L'ancien ministre libéral, M. Caccia, est allé au Chili. M. Bernard Landry l'a fait également à la fin août, au début septembre. La communauté chilienne du Canada, qui compte environ 35 000 personnes dispersées un peu partout dans ce pays, particulièrement à Montréal, Toronto et Vancouver, est très contente et satisfaite de cette visite. C'est une première. Au moins depuis 50 ans, aucun chef d'État ou de gouvernement du Chili n'a visité le Canada.

On s'attendait à ce que cet accord commercial bilatéral soit signé. Mais tout indique que, jusqu'à présent, ce ne sera pas le cas, parce que les négociations se sont avérées plus difficiles que prévu. Il y a encore quelques points, quelques détails à résoudre. Je ne pense pas que d'ici dix jours, ces problèmes vont être solutionnés.

Cependant, une entente de sécurité sociale va être signée lors de cette visite entre le Chili et le Canada, qui prévoit des bénéfices en termes de pensions de vieillesse, d'invalidité, de pensions pour veuf ou veuve, pour les personnes qui ont travaillé dans les deux pays, des Chiliens qui ont travaillé au Chili et qui sont aujourd'hui ici, ou des Canadiens qui travaillent présentement au Chili. C'est une entente sur laquelle j'ai beaucoup insisté depuis que le Chili est devenu un pays démocratique. C'est une entente qui est, je pense, aussi une réponse aux aspirations de la communauté chilienne du Canada. J'espère que le Canada va signer d'autres ententes en ce domaine avec d'autres pays qui ont envoyé ici beaucoup de leurs ressortissants, comme le Salvador ou le Guatemala.

Mais je déplore également que, étant donné que le président ne se rend pas au Québec, l'entente de sécurité sociale entre le Québec et le Chili ne sera pas signée cette fois-ci, malgré qu'il y ait 10 000 Chiliens, 10 000 Québécois d'origine chilienne, qui demeurent dans cette province et qui aimeraient que cette entente soit signée dans les plus brefs délais.

On assiste aujourd'hui, sur le plan continental, à une libéralisation des échanges des biens et des services. Les investissements canadiens en Amérique latine augmentent de jour en jour. Au Chili seulement, c'est presque huit milliards de dollars, particulièrement dans le secteur des mines, de la forêt, des télécommunications, etc.

Mais il y a encore des problèmes à résoudre. Il y a de nombreux pays latino-américains qui se plaignent des tracasseries pour obtenir un visa de visiteur pour venir ici. C'est le cas de l'Amérique centrale. Le problème est encore plus grave là-bas, parce que le Canada n'est pas représenté sur le plan des ambassadeurs dans certains pays de l'Amérique centrale: ni au Honduras, ni au Nicaragua, ni au Salvador.


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C'est un problème, parce que les gens doivent se déplacer pour demander un visa. J'espère que le gouvernement canadien sera un jour représenté par des ambassadeurs dans tous les pays de l'Amérique latine, parce qu'il y a un principe de réciprocité en droit international qui devrait être respecté. Ces pays ont des ambassades à Ottawa, comme la Bolivie, par exemple.

J'ai dit que j'étais d'accord pour ces efforts d'intégration économique au niveau continental, mais j'ai quelques réserves également, parce qu'un processus d'intégration devrait pouvoir bénéficier à l'ensemble de la population des pays concernés. Et ce n'est pas le cas aujourd'hui. En Amérique latine, on voit encore qu'il y a une extrême pauvreté dans beaucoup de pays, que les différences entre les classes sociales sont immenses, qu'une grande majorité n'a pas de services essentiels, parfois pas de logement, n'a pas accès à l'éducation et a des problèmes très graves.

(1040)

J'aimerais que, lors des rencontres et des discussions entre l'Amérique latine et le Canada, on puisse aborder également le problème de la pauvreté, du chômage, du sous-emploi, d'exclusion et la question des droits humains. J'espère que, lors de la visite du président chilien, entre les deux gouvernements, on puisse aborder non seulement les questions économiques, d'investissement, des échanges de biens et services, mais aussi les questions sociales, culturelles et politiques qui préoccupent l'ensemble des populations chilienne et canadienne.

J'aimerais également que ce Parlement puisse faire des efforts additionnels pour créer des liens entre les parlementaires canadiens et latino-américains. Depuis que j'ai été élu en cette Chambre, en 1993, personnellement, avec l'appui de mon parti, le Bloc québécois, j'ai fait beaucoup d'efforts pour intensifier et renforcer les relations parlementaires entre le Canada et l'Amérique latine. J'ai personnellement visité le Chili et l'Argentine, Cuba et l'Amérique centrale. J'ai pris contact avec beaucoup de parlementaires.

Je pense que nous avons les moyens, la capacité de faire plus. Avec le Mexique, par exemple, nous avons un groupe d'amitié parlementaire, mais il faudrait avoir une association parlementaire reconnue. Il y a d'autres associations, particulièrement avec l'Europe et les États-Unis ou le Japon. Les groupes parlementaires n'ont pas les moyens de réaliser des choses effectives.

Je tiens à saluer la visite du président Frei en tant que député d'origine chilienne. Je lui souhaite beaucoup de succès. Ces échanges auront lieu ici, à Ottawa, entre les deux gouvernements. J'ai déjà salué la visite du président argentin Carlos Menem, du président du Mexique Zedillo et des présidents de l'Amérique centrale. J'espère que le gouvernement canadien pourra inviter d'autres chefs d'État et chefs de gouvernement. On partage le même continent. Nous avons des problèmes communs et on devrait avoir plus de relations.

Ici, à Ottawa, j'ai beaucoup d'échanges avec les ambassadeurs latino-américains; on parle la même langue. Parfois, ils ne comprennent pas très bien la structure politique, juridique et constitutionnelle de ce pays parce qu'en Amérique latine, en général, tous les États sont centralisés. On ne comprend pas, par exemple, que s'ils veulent conclure une entente dans le domaine de la sécurité sociale, il faut qu'ils négocient séparément avec le Québec et séparément avec le Canada, car la question de la sécurité sociale est de juridiction partagée. Les provinces au Canada ont beaucoup d'autonomie. C'est un effort à faire, et quand je le peux, je les rencontre et j'explique la situation au Canada. J'explique également la situation du Québec.

Je pense que le gouvernement fédéral a envoyé un message erroné à l'Amérique latine en disant que le Canada est un pays uni et homogène. Il a beaucoup insisté sur l'unité canadienne sans jamais informer la communauté internationale que le Québec a des aspirations légitimes, qu'il veut, par des moyens démocratiques, devenir un pays souverain, et c'est légitime. Les Nations Unies ont reconnu plus de 25 pays au cours des dix dernières années. Il n'y a rien qui aille contre la démocratie dans ces démarches du Québec et du peuple québécois.

Encore une fois, j'espère que cette visite du président chilien contribuera à l'accroissement des relations qui sont déjà très bonnes entre le Canada et le Chili, entre le Chili et le Québec.

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je désire féliciter le député de Bourassa de la leçon qu'il nous a donnée. Son exposé était très précis et il a très bien vulgarisé ce nouveau contexte nord-américain en ce qui a trait aux échanges et à l'importance des relations avec le Chili.

(1045)

J'aimerais lui poser une question, dans un autre ordre d'idées. Dans le discours du Trône, duquel nous débattons aujourd'hui, on prévoyait qu'il y aurait une révision du Code canadien du travail pour permettre de répondre aux exigences des travailleurs et des employeurs canadiens. Cette semaine, quant à moi, le ministre du Travail a accouché d'une souris lorsque, dans le document qu'il a déposé, il a refusé d'inclure dans ce nouveau Code du travail, une véritable règle antibriseurs de grève.

Je connais l'expérience passée du député de Bourassa dans le domaine des relations de travail. J'aimerais qu'il me dise effectivement s'il ne pourrait pas nous raconter un peu quel a été l'impact, au Québec, de cette mesure antibriseurs de grève qui a permis de régulariser les relations de travail, de diminuer le nombre de jours de perte de travail dû à des conflits. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen que le gouvernement fédéral puisse comprendre la pertinence d'une telle mesure par l'expérience vécue au Québec? Je sais qu'il existe une mesure semblable en Colombie-Britannique.

Est-ce qu'on ne peut pas dire, à ce moment-là, que le gouvernement fédéral, dans ses actions, ne respecte pas le mandat qu'il s'était fixé lors du discours du Trône? Finalement, dans ce domaine comme dans bien d'autres, les paroles ont été des voeux pieux. Est-ce que le député de Bourassa pourrait commenter sur ce sujet


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pour essayer de convaincre les députés d'en face que le projet de loi déposé est actuellement insuffisant?

M. Nunez: Monsieur le Président, j'apprécie la question que m'a posée mon collègue et ami, le député de Kamouraska-Rivière-du-Loup, parce qu'il s'agit d'un sujet extrêmement important.

Dans le discours du Trône, le gouvernement avait promis de procéder à une réforme globale du Code canadien du travail. Cela a tardé. Le projet de loi a finalement été déposé, il y a quelques jours, mais sans de véritables dispositions antibriseurs de grève.

Depuis de nombreuses années, le Parlement discute de ce sujet. Il y a plus de 700 000 travailleurs au Canada qui sont de juridiction fédérale, qui sont régis par le Code canadien du travail et qui ne jouissent pas des dispositions antibriseurs de grève, comme c'est le cas au Québec et en Colombie-Britannique, et comme c'était le cas, jusqu'à il y a quelques mois, en Ontario. Le gouvernement conservateur de l'Ontario les a abolies.

On constate qu'au Québec, depuis la mise en vigueur des dispositions antibriseurs de grève, en 1977, qu'il y a moins de violence dans les conflits de travail. Ils se règlent plus vite. Aujourd'hui, au Québec, on a une paix sociale comme on n'en avait jamais connu dans le passé.

Je connais très bien ce domaine, parce que j'ai oeuvré dans le mouvement syndical pendant 19 ans. J'ai moi-même déposé un projet de loi contenant des dispositions antibriseurs de grève très précises. J'espère que le moment venu, on va compter sur la collaboration, sur l'appui du gouvernement actuel. On sait qu'il y a beaucoup de députés libéraux qui sont très sensibles à cette question, mais tout ce que le ministre du Travail a dit, c'est qu'il peut prévoir certaines dispositions antibriseurs de grève, seulement lorsque l'employeur essaie de casser les syndicats.

Prouver cela est extrêmement difficile. Comment allez-vous savoir si l'intention de l'employeur est de briser les syndicats? On ne peut pas le prouver. C'est une disposition qui n'aura aucun effet immédiat et concret sur les relations de travail.

Je déplore énormément cette absence et j'espère que le gouvernement, lors des modifications à ce projet de loi, lors de son étude en comité, pourra revenir sur sa position antérieure et présenter de véritables dispositions antibriseurs de grève dans le Code canadien du travail.

[Traduction]

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, pour ceux qui regardent le débat à la Chambre des communes ce matin, je précise une fois de plus que nous débattons et commentons le discours du Trône du gouvernement qui a été présenté il y a près d'un an, mais qui revient au Feuilleton de temps en temps.

Le discours du Trône était long d'environ 13 pages et portait sur un certain nombre de questions. Le gouvernement faisait valoir aux Canadiens qu'il allait s'occuper de ces enjeux de telle ou ou telle manière et précisait les mesures qu'il allait adopter.

(1050)

Ce matin, je ferai porter mon intervention sur les questions de justice et de sécurité publique et sur ce qu'on en disait dans le discours du Trône. Je ferai aussi quelques observations sur l'orientation que, selon moi et selon mon Parti, le Canada devrait prendre dans ce domaine important.

Sur les questions de justice, le discours du Trône comportait un petit paragraphe de sept lignes, en treize pages de texte. J'espère que ce n'était pas une manière de montrer aux Canadiens l'importance et la priorité que le gouvernement accorde à la sécurité publique.

Cependant, ces sept lignes ne disent pas grand-chose et, surtout, ne donnent aucune précision. Ces sept lignes traitent du caractère non violent de notre pays, affirmant que les citoyens y sont en sécurité. Je suppose que le gouvernement n'a pas examiné les tendances récentes de la criminalité. En fait, les crimes avec violence ont triplé en nombre, depuis 1962. Les délits contre la propriété ont atteint des sommets inégalés au cours de la même période. Le plus inquiétant, c'est que les crimes avec violence commis par de jeunes contrevenants ont augmenté de 244 p. 100 seulement entre 1980 et 1993.

Statistique Canada, un service du gouvernement, estime que pas moins de 90 p. 100 des agressions sexuelles ne sont pas déclarées, que 68 p. 100 des autres types d'agression ne le sont pas et que 53 p. 100 des vols ne le sont pas.

Quand, en tant que représentants élus, nous en discutons avec les Canadiens un peu partout au pays, nous constatons de plus en plus aisément que les Canadiens ne se sentent plus en sécurité dans notre pays que le gouvernement se plaît à qualifier de pays non violent.

Nous devons prendre cette question au sérieux et envisager sérieusement de prendre des mesures qui assureront aux Canadiens des foyers et des rues où ils seront en sécurité.

Le gouvernement essaie de trouver des moyens de garder les gens hors de prison et d'éviter qu'ils n'aient affaire au système de justice pénale. Il me semble que les mesures mises en place ne sont pas efficaces. Le gouvernement parle de réformer la procédure en matière criminelle pour mieux servir les victimes de crimes. Je pense que c'est un objectif très louable que tous les Canadiens approuvent. Malheureusement, les réalisations des libéraux sont loin de la marque.

En fait, si on regarde les principaux projets de loi présentés par ce gouvernement, on détecte une tendance très troublante: il continue à donner préséance aux droits des criminels et des hors-la-loi au lieu de voir comment le système judiciaire pourrait accorder plus d'attention et de considération aux victimes.

Si on regarde les cinq principaux projets de loi présentés par le ministre de la Justice dans le domaine de la justice, je pense que


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nous devons évaluer très rapidement l'efficacité et l'efficience avec lesquelles le gouvernement a tenu les promesses qu'il a faites aux Canadiens dans le discours du trône.

Tout d'abord, il y a le projet de loi C-41, qui était censé porter sur les crimes haineux, mais qui accorde plus importance aux intentions du criminel qu'aux effets du crime sur la victime. Nous maintenons que les voies de fait sont toujours répréhensibles, quelles que soient l'identité de la victime et les raisons qui ont conduit à l'agression. Si un individu se fait rouer de coups, ça lui fait mal. Il faut qu'il y ait réparation. Il faut qu'il y ait protection. Mettre l'accent sur ce que le criminel avait en tête n'est d'aucun réconfort pour les Canadiens dont les droits et la sécurité ont été violés.

Ensuite, il y a le projet de loi C-45, qui continue à maintenir en place une disposition du Code criminel qui permet à un assassin ayant abattu sa victime de sang froid d'être libéré après n'avoir purgé que 15 ans de sa peine. En fait, la peine obligatoire pour meurtre prémédité est la prison à vie. Toutefois, après seulement 15 ans, les meurtriers peuvent faire une demande de libération conditionnelle anticipée que, très souvent, ils obtiennent. On constate, encore une fois, que les victimes de crimes, leurs familles et leurs amis ont droit à beaucoup moins d'égards que les meurtriers.

(1055)

Le projet de loi C-53 porte sur les permissions de sortir pour les détenus. Il multiplie par quatre la durée de ces permissions pour les criminels. Quelqu'un a décrit ce projet de loi en disant qu'il donnait aux criminels la possibilité de demander un congé de deux mois, quel que soit le motif, même pour faire du magasinage. Dans certains cas, des personnes profitant de l'absence de surveillance ont commis d'autres crimes.

Le projet de loi C-55 est la pièce maîtresse de la législation que le gouvernement propose pour resserrer le contrôle des délinquants dangereux. Malheureusement, il comporte bien des lacunes, qui ont été longuement débattues à la Chambre des communes. Les délinquants dangereux seront quand même libérés sous une surveillance minimale.

En outre, le projet de loi C-55 comporte une disposition assez bizarre et inquiétante. Elle prévoit que des citoyens ayant été ni accusés ni trouvés coupables d'une infraction criminelle pourront être surveillés électroniquement. On constate à nouveau que le gouvernement n'ose pas prendre des mesures énergiques pour protéger la société, mais qu'il intervient dans la vie de citoyens respectueux des lois qui n'ont été trouvés coupables d'aucune activité illégale que ce soit.

Nous avons les mêmes réserves à l'égard du projet de loi C-68, sur le contrôle des armes à feu. Il impose un contrôle aux citoyens respectueux des lois, mais ne fait rien ou presque pour endiguer la marée d'armes à feu illégales et lutter contre leur utilisation croissante.

Malgré les belles paroles sur la sécurité publique, qui occupent sept lignes dans le discours du Trône, le dossier du gouvernement à cet égard est lamentable.

Il ne convient pas de critiquer des mesures à moins de pouvoir proposer autre chose de plus valable et c'est pourquoi je suis heureuse de présenter à la Chambre les mesures que le Parti réformiste propose pour améliorer la sécurité publique afin de mieux protéger nos familles et nos collectivités.

D'abord, nous promulguerions une déclaration des droits des victimes. Nous avons déjà présenté à la Chambre les dispositions d'une telle déclaration en demandant au gouvernement de les adopter. Les victimes, des citoyens innocents et respectueux des lois du pays, devraient être prioritaires. Cependant, le gouvernement libéral a une toute autre philosophie à l'égard de la sécurité de la population.

En 1971, le solliciteur général libéral s'est levé en cette Chambre et a déclaré: «Nous allons donner la priorité à la réadaptation des personnes et non à la protection de la société.» Les projets de loi du gouvernement libéral actuel perpétuent cette philosophie. Les droits et prérogatives des criminels passent avant ceux des victimes. Les Canadiens en ont assez. Ils veulent un virage complet. Ils veulent que le système de justice change afin que la protection de la société et des citoyens innocents et respectueux des lois soit prioritaire. C'est exactement ce qui devrait être fait.

Nous abrogerions le registre universel des armes à feu, créé par le gouvernement, et le remplacer par des lois qui ont du bon sens pour contrôler les armes à feu et lutter contre leur utilisation à des fins criminelles.

Nous remplacerions la Loi sur les jeunes délinquants. Comme nous le savons tous, au cours des 20 ou 25 dernières années, la criminalité chez les jeunes a monté en flèche. C'est un aspect particulièrement inquiétant de notre société. Les jeunes eux-mêmes sont les premières victimes de cette augmentation de la criminalité. Beaucoup de jeunes Canadiens ne se sentent pas en sécurité dans leur école ou leur localité. Nous en voyons des exemples constamment. Il faut faire quelque chose à ce sujet. Nous devons nous attaquer à cette question sérieusement. Le Parti réformiste propose des mesures pour cela. Nous estimons que la société doit tenir les jeunes criminels responsables de leurs actes.

(1100)

Nous réformerions le système des libérations conditionnelles et abolirions la libération anticipée des meurtriers au premier degré. Nous préparerions aussi un référendum national sur le retour de la peine capitale. De nombreux citoyens s'inquiètent du fait que l'on n'avertisse pas avec suffisamment de vigueur ceux qui enfreignent les lois de ce pays, et en particulier les meurtriers de sang-froid, que nous ne tolérerons pas ce genre d'atteinte à l'égard de membres innocents de notre société.

Il faut regarder le détail des approches utilisées par le passé en matière de justice, lesquelles se sont révélées inefficaces pour protéger notre société. En 1991, le gouvernement conservateur de Brian Mulroney a présenté de nouvelles mesures de contrôle des armes à feu. À cette époque, le vérificateur général avait critiqué ces mesures parce qu'elles n'étaient pas accompagnées des données de base et de l'évaluation susceptibles de démontrer qu'elles auraient l'effet anticipé. Autrement dit, lorsque les mesures sont mises en place par les gouvernements, il devrait y avoir des critères objectifs de mesure de l'efficacité, en fonction du coût et en fonction du fait


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que nous parlons ici de la vie, de la propriété et de la liberté de nos citoyens.

Pour ajouter à un processus déjà entaché, le ministre de la Justice libéral a présenté, en 1995, le projet de loi C-68. Ce projet de loi met en place un registre universel des armes à feu, ce qui comprend les fusils de chasse et les carabines. Naturellement, l'enregistrement des armes de poing existe depuis plus de 60 ans déjà.

La majorité des sénateurs conservateurs qui avaient accepté les mesures de 1991 ont appuyé le projet de loi C-68. Leur chef, le député de Sherbrooke, ne s'est pas présenté pour le vote sur cette mesure à la Chambre des communes.

Nous, les réformistes, avons été les seuls à nous opposer activement à l'enregistrement des fusils de chasse et des carabines. Nous l'avons fait de façon constante. Il est très clair pour nous que ce registre universel des armes à feu va gaspiller des ressources déjà maigres pour l'application des lois, ainsi que du temps et de l'argent. Nos policiers vont maintenant passer un temps considérable à traiter du papier au lieu de lutter contre la véritable criminalité.

Notre opposition à ce registre ne doit pas être interprétée comme étant une preuve que nous sommes contre tout contrôle des armes à feu. Tout le monde en ce pays, moi la première ainsi que les autres députés de mon groupe, est d'avis qu'il y a tout lieu de contrôler l'utilisation criminelle des armes à feu, fléau qui menace la sécurité de nos rues et de nos citoyens. Nous avons une très rigoureuse politique de tolérance zéro contre les crimes commis avec des armes à feu.

Selon nous, le gaspillage de ressources pécuniaires et autres qu'entraînerait la création d'un registre universel où figureraient les noms de citoyens respectueux des lois, mesure à laquelle nous nous opposons, ne pourrait à long terme qu'entraver la réalisation de notre objectif qui est la sécurité publique, que recherchent nos concitoyens. Nous voulons que cet objectif soit pris en charge de façon efficace et non pas selon les moyens que le gouvernement a choisis.

Une révision du système carcéral s'impose. Nous avons en tête des propositions de nature à améliorer son efficacité en termes de réadaptation et de dissuasion. Ainsi, dans la plupart des prisons canadiennes, les détenus ne sont pas forcés de travailler. On leur offre, aux frais du contribuable, des commodités dont de nombreux citoyens respectueux lois ne jouissent pas.

Mon collègue de Fraser Valley-Ouest a parlé cette semaine d'un vieux couple de sa circonscription qui n'a pas pu ramasser l'argent nécessaire pour que la femme puisse obtenir les soins dentaires dont elle a grand besoin. Or nos criminels peuvent en tout temps bénéficier de ces services, et ce, sans qu'il ne leur en coûte un sou. Il y a quelque chose qui cloche là-dedans.

(1105)

Dans certains établissements correctionnels, les détenus ont même accès à des terrains de golf, des tables de billard, le câble et des installations sportives complètes. Ils ont droit à des services de counselling gratuits, des services médicaux et dentaires complets, des cours universitaires gratuits, ainsi que l'aide juridique.

Bon nombre de nos jeunes se demandent avec anxiété s'ils pourront s'offrir la formation et les études universitaires qui leur sont nécessaires pour obtenir des emplois et se bâtir un bon avenir. Les frais de scolarité augmentent et le fardeau des diplômés qui ont dû faire des emprunts s'alourdit. Il nous faut donc nous pencher sur les priorités d'un gouvernement qui offre gratuitement ce genre de service à ceux qui ont enfreint les lois.

Au Canada les détenus ont même le droit de voter. Ces gens ont bafoué la loi. Ils s'en sont pris à d'innocents citoyens respectueux des lois. Ils conservent tous les droits et les privilèges que confère la citoyenneté. Ils bénéficient même de commodités et de services qui ne sont pas à la portée du portefeuille de certains contribuables qui sont des citoyens respectueux des lois. Il faut à tout prix corriger cette lacune.

Pour ce qui est de la Loi sur les jeunes contrevenants, les jeunes commettent plus de cambriolages que les deux groupes d'âge suivants. En 1991, les jeunes ont été accusés de 18 000 crimes avec violence. Ce chiffre a doublé en cinq ans. En fait, entre 1986 et 1994, les crimes violents commis par les jeunes délinquants ont augmenté dans toutes les catégorie. En effet, le nombre d'homicides, d'agressions sexuelles et de voies de fait graves a augmenté de 36 p. 100, 16 p. 100 et 78 p. 100 respectivement, et dans le cas des vols qualifiés, on a constaté une augmentation incroyable de 131 p. 100. Il faut s'attaquer sérieusement à ce problème.

Le Parti réformiste remplacerait la Loi sur les jeunes contrevenants inefficace par des mesures qui tiendraient vraiment les jeunes responsables de leurs crimes. Cela touche une petite minorité de jeunes. La plupart des jeunes Canadiens sont des citoyens honnêtes qui travaillent dur pour se bâtir un avenir et pour acquérir les compétences nécessaires pour leur assurer un bon avenir. Ils ne devraient pas être déshonorés par la petite minorité de jeunes qui violent la loi pratiquement en toute impunité.

Nous croyons que pour prévenir la criminalité, il est essentiel de renforcer les familles et les collectivités plutôt que de se fier exclusivement sur les systèmes judiciaire et pénitentiaire, ainsi que sur celui des libérations conditionnelles. Dans le cas des jeunes contrevenants, il s'agit de faciliter la mise sur pied de programmes destinés à déceler rapidement et à prévenir la criminalité chez les jeunes. Il faut également mettre en oeuvre des mesures de réadaptation plus efficaces, ainsi que des mesures pour soutenir l'éducation et l'alphabétisation, l'acquisition de nouvelles compétences, la discipline et les services communautaires.

Dorénavant, les droits des victimes et des citoyens respectueux des lois passeraient avant ceux des accusés. Je le répète, nous remplacerions la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous redéfinirions les jeunes délinquants comme des personnes âgées de 10 à 15 ans. Nous permettrions également la publication des noms de tous les jeunes contrevenants violents reconnus coupables d'un crime. Les auteurs de crimes graves âgés de 14 à 15 ans ou tout autre délinquant de plus de 16 ans seraient jugés par un tribunal pour adultes.

Un gouvernement réformiste abrogerait l'article 745 du Code criminel qui permet la libération anticipée d'auteurs de meurtres au premier degré. Nous veillerions également à ce que les délinquants violents purgent leur peine en entier, que les récidivistes violents soient déclarés criminels dangereux et que toutes les libérations conditionnelles soient méritées et surveillées de très près.

Ce sont les mesures que les Canadiens réclament. Elles sont sensées et conçues pour dire clairement à ceux qui enfreignent la loi


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qu'on ne tolérera pas qu'ils violent les droits de citoyens innocents. J'exhorte le gouvernement à remplacer ce paragraphe vague de sept lignes dans le discours du Trône par certaines des mesures vraiment efficaces que le Parti réformiste propose.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, j'ai apprécié les propos de notre honorable collègue du Parti réformiste. Lorsqu'on parle du discours du Trône, on a amplement matière à trouver des défectuosités dans la manière dont le gouvernement donne suite aux préoccupations de la population.

(1110)

La députée réformiste a longuement parlé des problèmes reliés à la criminalité. Or, en matière de crime, il y a deux aspects qui doivent être considérés. Il me semble que mon honorable collègue a négligé de parler d'un des aspects, et je vais l'y inviter, dans quelques minutes. Pourrait-elle m'éclairer, quant à sa pensée, quant à ses convictions, sur un aspect qui, me semble-t-il, a été négligé?

Elle a surtout parlé de ce qui se passe après qu'un crime a été commis et des problèmes, entre autres, pour les victimes. Elle n'a pas parlé de la façon d'éviter que des crimes soient commis et, par conséquent, qu'il y ait des victimes. Or, vous le savez, le gouvernement fédéral, depuis quelque temps, et de façon plus prononcée au cours des présentes années, se retire de l'appui financier qu'il accordait aux provinces en matière d'éducation, de santé et de bien-être, avec le résultat que de jeunes personnes n'ont plus l'encadrement qui leur serait nécessaire pour débuter la vie du bon pied.

Évidemment, lorsqu'on retrouve, plus tard dans la vie, quelqu'un qui a mal tourné, qui commet un crime et parfois des crimes tout à fait sordides, il y a des gens qui en sont victimes. Ces victimes méritent notre compassion, tout comme leur famille et leurs amis également.

Mon propos, c'est de dire ici qu'il eût mieux valu d'éviter que quelqu'un se dirige dans la voie du crime, d'éviter, donc, qu'il y ait des victimes. Or, le gouvernement fédéral assumait, jusqu'à récemment, des responsabilités importantes en termes d'appuis financiers aux provinces pour ce qui est de l'éducation, de la santé et du bien-être. En se retirant, les provinces sont maintenant coincées et certaines, durement touchées. On n'a qu'à penser au cas de l'Ontario. Ces provinces doivent maintenant exercer des coupures sérieuses, radicales, draconiennes, qui font en sorte que des segments de la population, soit des gens démunis ou des gens qui auraient eu besoin d'un appui, or, ces gens ne seront plus en mesure de le recevoir.

On sait que dans certains cas, pas dans tous les cas, la majeure partie des gens qui sont pauvres sont d'honnêtes gens, mais ça ne donne tout de même pas, et les statistiques sont là pour le démontrer, une chance aux plus jeunes de partir du bon pied. Dans certains cas, malheureusement, ces gens sont entraînés dans une voie qui va les mener au crime. Le gouvernement fédéral a donc un rôle ici à jouer lorsqu'il s'agit de l'argent de la population. On parle ici de prévention. Le gouvernement fédéral n'assume plus ce rôle ou l'assume de moins en moins, au grand détriment des provinces.

Est-ce que mon honorable collègue réformiste n'est pas d'accord avec moi pour dire que ce désinvestissement fédéral a aussi des conséquences sur le taux de criminalité et que, par conséquent, le gouvernement fédéral ne devrait pas uniquement s'occuper de régler les problèmes après le fait, mais aussi et surtout et davantage avant le fait, ce qui serait bien plus sécuritaire pour l'ensemble de la population canadienne?

[Traduction]

Mme Ablonczy: Monsieur le Président, j'ai remarqué que le député était réellement en train d'écouter mon discours, ce qui m'a fait bien plaisir. Je lui en sais gré. Je sais à quel point les députés sont parfois occupés. Nous ne pouvons pas prêter attention à toutes les interventions, mais je vous sais gré de l'avoir fait et de soulever d'excellents arguments.

Dans mon discours, j'ai effectivement abordé toute la question de la prévention. Je conviens avec vous que nous devons nous pencher là-dessus.

(1115)

Le vice-président: La députée voudrait-elle bien faire semblant de s'adresser à la présidence?

Mme Ablonczy: Je suis désolée, monsieur le Président. J'ignore comment j'ai bien pu vous laisser de côté. C'était très malséant. Veuillez accepter mes excuses.

Monsieur le Président, dans mon intervention, j'ai effectivement abordé toute cette question de la prévention. Je conviens avec le député qu'elle est très importante. Il y a quelques mois, je me suis entretenue avec certains agents de police de Calgary et, selon eux, ils peuvent dire si un enfant, dès l'âge de cinq ans, risque d'avoir des prédispositions à une vie de crime et d'infraction aux lois. J'ai trouvé cela très intéressant. Quand le député laisse entendre qu'il est possible de prévenir et de détecter précocement une tendance à commettre des activités criminelles, je crois que cela est confirmé par certaines choses que j'ai entendues ou lues.

Le Parti réformiste est d'avis qu'il faudrait favoriser la mise en oeuvre de programmes de prévention et de détection précoce de la criminalité chez les jeunes. Il doit y avoir davantage de programmes de réadaptation plus efficaces, non seulement pour isoler ou garder des gens dans un établissement fermé pour un certain temps, mais pour qu'ils consacrent ce temps à des activités qui mettent en valeur l'éducation et la formation. De cette manière, ils ont l'occasion de devenir des membres productifs de la société. Il faut mettre l'accent sur la discipline et le service à la collectivité.

Selon le Parti réformiste, la clé de la prévention du crime consiste à renforcer la famille et la collectivité, plutôt que de se fier exclusivement à un appareil judiciaire qui mise sur l'emprisonnement et la libération conditionnelle.

Je vais dire deux choses concernant l'inquiétude que le député a exprimée à l'égard de la baisse du financement de telles activités. Le Parti réformiste s'oppose à des mesures telles que l'enregistrement universel de toutes les armes à feu que possèdent les citoyens respectueux des lois. Cela représente un déploiement inefficace de rares ressources, au moment même où nous avons besoin de chaque dollar pour financer des programmes susceptibles d'accroître notre


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sécurité. Cependant, nous affectons tout l'argent disponible à des activités qui ne font que compliquer la vie des citoyens respectueux des lois et réduire la prévention du crime et le temps consacré à l'exécution. Le Parti réformiste s'oppose à cette façon de faire.

Deuxièmement, le Parti réformiste répète que les gouvernements ne peuvent continuer à emprunter. Quand le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir, il y a trois ans, il devait acquitter des intérêts dont le montant s'élevait seulement à 38 milliards de dollars-je ne devrais pas dire seulement, parce que c'est beaucoup d'argent-, mais aujourd'hui, ce montant atteint 48 milliards de dollars. En trois courtes années, nous avons perdu 10 milliards de dollars qui, au lieu de servir à payer nos créanciers, auraient pu être utilisés pour financer les programmes dont mon collègue et moi avons parlé, des programmes qui préviennent le crime, qui le détectent précocement et qui aident vraiment les gens à devenir des citoyens respectueux des lois et non des criminels. Nous devons faire en sorte que le gouvernement contrôlent les dépenses, afin d'empêcher la diminution constante des ressources dont nous avons besoin pour ces programmes importants.

[Français]

M. de Savoye: Monsieur le Président, j'apprécie les propos éclairés de ma collègue lorsqu'elle parle effectivement d'aider les jeunes à partir dans la bonne direction, de faire de la prévention. Là, elle tombe en plein dans les choses qui me tiennent à coeur.

Effectivement, voilà un sujet où, pour chaque dollar que nous allons investir, que ce gouvernement investirait dans la prévention, ce sont des dizaines de dollars qui seraient économisés dans les problèmes d'administration de la justice, d'incarcération après coup.

Effectivement, dans un pénitencier fédéral, quelqu'un qui y est incarcéré coûte aux alentours de 100 000 $ par année. C'est une somme d'argent faramineuse. Alors que pour aider un jeune qui est en difficulté, on parle d'une somme de quelques milliers de dollars seulement. Quelle extraordinaire économie on pourrait faire en plaçant l'argent au bon endroit.

J'aimerais savoir si ma collègue du Parti réformiste partage ce point de vue.

(1120)

[Traduction]

Mme Ablonczy: Monsieur le Président, le député fait valoir un argument essentiel. Nous devons l'écouter. Nous parlons beaucoup de la façon de traiter le crime après coup, mais pas assez de prévention et d'aide, en particulier auprès de nos jeunes. Je suis totalement d'accord avec le député.

Il faut nous attaquer plus sérieusement à cet aspect de l'appareil judiciaire. Je remercie le député d'avoir soulevé ces arguments.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de poursuivre aujourd'hui le débat au sujet du discours du trône prononcé il y a quelques mois. À en juger par l'enthousiasme que l'on sent aujourd'hui à la Chambre, le sujet revêt encore de l'intérêt et il y a beaucoup de dossiers dont se préoccupent les députés.

Je voudrais aborder quatre thèmes distincts du discours du trône et du programme d'action actuel du gouvernement qui en découle ou dont il avait été question dans le discours du trône.

Le premier a trait à la relance économique et à la création d'emplois. C'est un thème qui préoccupe les gouvernements depuis de nombreuses années, et cela restera probablement toujours le cas. Le gouvernement avait établi un plan d'action qu'il se proposait de mettre en oeuvre une fois élu en 1993, et le plan de relance économique reste un thème dominant du dernier discours du trône.

Tout le monde à la Chambre conviendra que la création d'emplois est tributaire de la situation économique. Les gouvernements ne peuvent tout simplement pas s'amener avec un tas d'argent, le distribuer dans une ville ou une région et espérer que cela donnera naissance à des emplois. Ce n'est pas ce qui arrive. La création d'emplois se produit quand l'économie se met vraiment à rouler, quand les chefs d'entreprise décident d'embaucher, d'investir dans de nouvelles installations de production, et vendent plus de produits. C'est quand toutes ces fonctions d'entreprises sont positives que des emplois sont créés.

Que fait le gouvernement pour favoriser les conditions économiques qui donnent naissance à ces emplois? Il existe plusieurs indicateurs, des centaines en fait. Parmi les plus importants, j'en ai choisi quatre qui révèlent un progrès très positif de l'économie, du genre à donner lieu à la création d'emplois. Je ne les présente pas dans un ordre particulier.

Le compte courant du Canada, c'est-à-dire la balance des paiements, est devenu positif pour la première fois depuis plusieurs années. La tendance a été difficile à renverser. En 1993, lorsque le gouvernement a été élu, beaucoup jugeaient la situation désespérée. Je me réjouis de voir que nous enregistrons maintenant un excédent du compte courant pour le tout dernier trimestre et que nous prévoyons le maintien de cette position excédentaire pour les trimestres et les années à venir.

Cela a bien sûr une incidence très positive sur le dollar canadien, dont la valeur est passée récemment au-dessus de la barre des 75c. américains et qui devrait, selon les prédictions des économistes, continuer de s'apprécier. Cela a l'air formidable, mais je sais qu'il y a au Canada des exportateurs qui ne sont pas toujours heureux de voir le dollar s'apprécier, car cela veut dire que les produits et les services canadiens deviennent plus chers pour les acheteurs étrangers.

Le deuxième thème a une importance primordiale. Il s'agit du combat pour éliminer le déficit. Personne à la Chambre ne nie les progrès considérables que le gouvernement a accompli sous la direction du ministre des Finances en ce qui concerne l'élimination du déficit. Le déficit se situe actuellement autour de 2 p. 100 du PIB. Nous nous sommes fixé comme objectif pour la prochaine année financière de ramener le déficit à 1 p. 100 du PIB.

Nous pensons que vers le deuxième trimestre de 1998 le gouvernement n'aura plus besoin d'emprunter. Nous n'aurons simplement plus besoin d'emprunter pour financer les opérations courantes. Il faudra continuer d'éponger la dette publique, mais c'est quand même un point important à mentionner. Je ne devrais peut-être pas faire de prévisions, mais les modèles économiques indiquent que nous n'aurons plus besoin d'emprunter d'ici disons le deuxième trimestre de 1998.


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(1125)

Dans les autres pays du G-7, comme la France, les États-Unis, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, les comptes publics ne sont pas tenus comme les comptes du Canada. Si nous tenions nos comptes publics comme ces pays, je pourrais vous prédire l'élimination complète du déficit d'ici le deuxième trimestre de 1998. Cependant, nous agissons différemment.

Nous ne pouvons pas changer de méthode, car nous donnerons alors l'impression de trafiquer les livres et de modifier les règles du jeu. Par conséquent, nous continuerons d'appliquer notre méthode comptable bien à nous et de viser l'élimination du déficit selon nos normes. Je crois que nous devrions atteindre cet objectif vers 1999 ou 2000. Il n'en tient qu'aux Canadiens qui dépensent leur argent et qui paient des taxes et des impôts et au ministre des Finances qui tient les cordons de la bourse.

Le dernier indicateur de la prospérité est certes les taux d'intérêt. Pas plus tard qu'hier j'ai signalé qu'on annonçait des taux hypothécaires à 5,4 p. 100. On n'a pas vu de tels niveaux de taux d'intérêt depuis, je dirais, la fin de la dernière guerre.

Avant mon élection à cette Chambre, j'ai rencontré des gens qui détenaient des hypothèques de 30 ans garanties par la SCHL à des taux d'intérêt d'environ 5 p. 100, 6 p. 100 et 7 p. 100. Ces hypothèques auraient dû être amorties et remboursées vers la fin des années 70 ou le début des années 80. Je me rappelle qu'on disait qu'on ne reverrait plus jamais des taux d'intérêt pareils, qu'ils faisait désormais partie de l'histoire. Nous sommes en 1996 et nous revoyons des taux d'intérêt de ce genre.

Ce que je veux faire valoir, c'est que nous, Canadiens, maîtrisons effectivement nos taux d'intérêt. Le gouvernement est en mesure de faire des choses qui influencent directement les taux d'intérêt. Nous n'aurions peut-être jamais cru pouvoir faire cela avant, mais nous voyons aujourd'hui que c'est possible puisque nous l'avons fait. Je crois que nous pouvons nous féliciter de tout ce que nous avons fait. Ce n'est pas seulement une décision du ministre des Finances. Ce n'est pas seulement la décision d'une banque. C'est tout un ensemble de décisions politiques et l'acceptation par les Canadiens d'un programme financier qui allait permettre aux taux d'intérêt de baisser.

Laissons l'économie et parlons maintenant de la confiance qu'inspire le gouvernement. J'ai siégé au cours de la 34e législature et, au cours de mes deux premières semaines ici, la Chambre a dû traiter d'une question de confiance. Cela a fait l'objet de ma première intervention ici, en 1989. Il est juste de dire que, dans les deux, trois ou quatre dernières années, les incidents susceptibles de miner la confiance de la population ont été plus rares qu'avant. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas eu. Il y en a toujours.

Toutefois, le premier ministre nous indique à cet égard des normes que nous pouvons facilement suivre et que nous suivrons encore pendant bien des années, je l'espère. Je suis fier de respecter ces normes et les Canadiens le savent.

Les sondages d'opinion, avec leurs questions variées, indiquent que les Canadiens commencent à avoir confiance dans le gouvernement. Ce n'est pas qu'ils croient que le gouvernement peut tout faire-cela ne s'est jamais vu et ce n'est tout simplement pas possible-mais ils croient au moins dans l'intégrité du premier ministre et dans les normes élevées de notre gouvernement. À l'instar du Cabinet et, je pense, des députés d'en face, je sais en quoi consistent ces normes. Je crois que nous réussissons beaucoup mieux à les respecter.

(1130)

Nous montrons que nous respectons ces normes, notamment au chapitre de l'obligation de rendre compte. Les journalistes, les politiciens et les Canadiens parlent de cela. Le gouvernement a vraiment essayé de rendre directement des comptes. C'est une réalisation très importante.

Lorsque j'ai tenté de me faire élire à la Chambre comme député libéral, j'ai axé ma campagne sur les orientations exposées dans le livre rouge. Je m'en suis servi durant ma campagne et je m'en inspire souvent dans mon travail, lors des votes à la Chambre et dans certains de mes discours. Le premier ministre et le Cabinet respectent le contenu du livre rouge, comme l'a prouvé le premier ministre, il y a quelques semaines, lorsqu'il a décidé de publier les promesses du livre rouge que lui, son Cabinet et le gouvernement ont réalisées.

Certains ont vu dans cela un exercice politique pour la tribune. Cet exercice revêtait effectivement un caractère politique. Il visait toutefois à rendre compte aux Canadiens de ce que le gouvernement a accompli en regard du livre rouge. Certaines personnes peuvent contester le bilan et dire que nous n'avons tenu que huit promesses sur dix et qu'il en reste encore deux à réaliser. C'est toutefois acceptable. Par cet exercice, nous avons voulu dire que, d'après nos calculs, nous avons respecté 78 p. 100 des engagements que nous avons pris dans le livre rouge et qu'il reste encore à peu près un an à notre mandat. Chaque semaine, chaque mois, le gouvernement fait des annonces et prend des décisions qui continuent d'améliorer son dossier en matière d'obligation de rendre compte. J'en suis fier.

Je comprends que, à un moment donné, je devrai peut-être dire aux électeurs de Scarborough-Rouge River que le gouvernement n'a tenu que 86 ou 87 p. 100 de ses engagements. Dans le monde moderne et complexe où nous vivons, je mets n'importe quel gouvernement et n'importe quelle institution ou société, qu'il s'agisse d'un hôpital, d'un école ou d'une entreprise commerciale, au défi de tenir 100 p. 100 de ses engagements au fil des ans. N'oubliez pas que nous composons avec une réalité gouvernementale qui est très complexe et vaste. Je suis très à l'aise avec le processus qui vise à rendre des comptes.

À mon avis, le premier ministre et le gouvernement ont aussi prouvé qu'ils rendent davantage de comptes dans la décision novatrice qu'ils ont prise, celle qui a consisté à désigner un commissaire chargé de superviser les activités du Centre de la sécurité des télécommunications, organisme de renseignement sur les transmissions qui est doté de moyens d'écoute électronique très sophistiqués. D'après ce que j'ai pu comprendre, cet organisme existait


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depuis la Seconde Guerre mondiale mais n'avait pas de mandat législatif et n'était pas tenu de rendre des comptes. Il y avait certainement un ministre à la Chambre, mais rares sont les questions qui ont été posées à cet égard à la Chambre. Et les réponses ont été encore plus rares.

Maintenant, un juge retraité a été nommé au poste et le mécanisme de reddition de comptes pour aider le Parlement, pour partage la responsabilité, est une innovation qui n'existait pas avant. Je suis très fier de faire partie d'un gouvernement qui a eu le courage de s'attaquer à cette question.

(1135)

En troisième lieu, qu'est-il arrivé dans la région que je représente en ce qui concerne le discours du Trône? Qu'a fait le gouvernement? Quels effets a eu le discours du Trône? Ma circonscription, celle de Scarborough-Rouge River, fait partie de l'agglomération de Toronto. Il est difficile d'analyser séparément une circonscription de cette région.

Toutefois, je sais que les milieux d'affaires de la rue Bay se réjouissent des réalisations du gouvernement. Je sais que, pour une deuxième année de suite, les exportations du Canada ont atteints des sommets inégalés. Nous n'avons jamais autant exporté que tout récemment, ce qui se traduit par des emplois pour les Canadiens.

Jamais je ne me suis senti autant branché sur le monde en tant que Canadien. Je vois des biens et services qui sont exportés dans toutes les parties du monde à partir de ma circonscription et du Grand Toronto. À l'heure actuelle, les Canadiens exercent leur activité partout dans le monde dans les domaines de la commercialisation, de la vente, de la construction et de l'expertise. Il faut s'en réjouir. Beaucoup de Canadiens aux capacités diverses travaillent dans ces secteurs.

Le parc de la vallée de la Rouge est un espace exceptionnel de 5 000 acres au coeur de Toronto. Le gouvernement fédéral a fait sa part. Il a rempli son engagement sur le plan du financement. Nous sommes très fiers que le regroupement du parc de la vallée de la Rouge aille de l'avant avec la collaboration de tous les autres paliers de gouvernement-le gouvernement provincial, le conseil municipal ainsi que le conseil régional de conservation-pour atteindre ces objectifs.

Le premier ministre, le ministre de la Défense nationale et les députés de la région du Grand Toronto sont déterminés à transformer une partie de la base aérienne de Downsview en espace vert et en d'autres infrastructures utiles pour la région du Grand Toronto.

La commercialisation de l'aéroport de Toronto est en cours. Le vieux tapis a été enlevé; les portes d'entrée de l'aérogare II, qui n'avaient jamais fonctionné, ont enfin été remplacées; une nouvelle tour de contrôle est en construction; une nouvelle piste est en voie d'aménagement et les autres sont réparées. Des millions de dollars sont investis dans l'aéroport Pearson, qui génère une activité économique intense. C'est la porte d'entrée du Canada central et, pour beaucoup de gens de partout dans le monde, c'est la porte d'entrée du Canada.

En arrivant à Toronto, les visiteurs peuvent voir le nouveau centre du commerce en construction sur les terrains de l'Exposition nationale canadienne. Ce centre verra le jour grâce au programme d'infrastructure fédéral-provincial, un programme qui était annoncé dans le livre rouge. Cet immense et attrayant centre du commerce sera inauguré bientôt. Dans ce centre, nous, les Canadiens, pourrons vendre nos produits et nos services partout dans le monde. Nous pourrons soutenir la concurrence des centres du commerce à l'échelle de la planète. Il y en a de magnifiques dans le monde et celui de Toronto n'aura rien à leur envier.

Je ne peux pas parler du discours du Trône sans parler de l'unité nationale. Le gouvernement a un programme dont on a discuté à la Chambre. Nous voulons moderniser la fédération petit à petit parce que nous avons constaté que les grosses bouchées étaient trop dures à avaler pour les Canadiens et pour la Chambre des communes. Nous n'avons pas pu procéder à des réformes globales. Nous oeuvrons dans de nombreux secteurs: coopération fédérale-provinciale, élimination des dédoublements, formation professionnelle, protection de l'environnement, création d'une commission nationale des valeurs mobilières-ce qui, à mon avis, est un excellent objectif-, lutte aux partitionnistes du Québec qui seraient prêts à diviser le Canada. On les appelle des séparatistes ou des sécessionnistes.

(1140)

C'est là une question dont il faut s'occuper et dont nous continuerons peut-être de nous occuper pendant encore 100 ans. Cependant, je crois que les Canadiens et les Québécois réussiront à trouver une solution, aussi difficile cela soit-il. Nous devons laisser beaucoup de liberté à toutes les provinces, y compris au Québec, pour que toutes les régions du Canada puissent atteindre leurs buts. Je ne doute pas que le gouvernement, dirigé par le premier ministre actuel, réussira à réaliser cet objectif et tous les autres.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je ne sais pas par où commencer. Nous avons un débat animé sur le discours du Trône qui a été prononcé il y a neuf mois. Le gouvernement ne doit pas avoir grand-chose sur son menu législatif pour tenir ce débat aujourd'hui. Il devrait avoir honte.

Le député a décrit d'un ton très positif toutes les choses merveilleuses qui se passent dans notre pays. Il a parlé de confiance, sujet que je veux aborder moi aussi. Je crois qu'il est également important d'examiner certaines vérités.

Il est vrai que, lorsque les libéraux étaient dans l'opposition, ils se sont opposés à l'ALENA et au libre-échange en général. En fait, leur chef a basé sa campagne sur son opposition au libre-échange. Ils ont promis dans le livre rouge que l'ALENA ne serait pas approuvé tant que le mécanisme de règlement des différends n'aurait pas été modifié. Cela aurait permis d'éviter l'accord inutile et déplaisant qui a été négocié récemment concernant le bois d'oeuvre. Ce ne sont pas là de bonnes nouvelles.


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Lorsqu'ils étaient dans l'opposition, les libéraux se plaignaient constamment de la philosophie de Crow, le gouverneur de la Banque du Canada, et de sa politique anti-inflationniste. Lorsqu'ils étaient dans l'opposition, ils étaient contre cette politique, et voilà qu'ils s'en attribuent tout le mérite. C'est cette politique de la Banque du Canada qui nous a aidés à traverser une période difficile, et c'était la bonne chose à faire. Les Canadiens le savaient, mais les libéraux ne le savaient pas lorsqu'ils étaient dans l'opposition. Ils étaient contre cette politique.

Maintenant, ils s'attribuent tout le mérite des taux d'intérêt peu élevés et de l'expansion des exportations. C'est ce qui fait croître l'économie. La croissance est nulle au Canada. Lorsque les taux d'intérêt sont vraiment bas, c'est un signe d'échec. Cela veut dire que l'économie est stagnante. Les libéraux ne devraient pas se féliciter.

Les banques et tous les prêteurs veulent abaisser leurs taux pour encourager les gens à emprunter. Pourquoi? Parce qu'ils n'empruntent pas. Nous devrions parler de l'autre côté de la médaille.

Les libéraux affirment que dans deux ans le déficit sera de neuf milliards de dollars et qu'il ne sera plus nécessaire d'emprunter. Selon eux, nous aurons atteint l'équilibre budgétaire en raison de la manière dont les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques mesurent leurs déficits.

Examinons un peu cette logique. Nous aurons un déficit de neuf milliards. Selon le député, lorsque le déficit sera inférieur à 10 milliards, nous aurons atteint l'équilibre budgétaire et il ne sera plus nécessaire d'emprunter. Où le gouvernement va-t-il trouver les neuf milliards manquants? Il va les emprunter du régime de pensions de la fonction publique. Il contractera donc un emprunt, c'est-à-dire une dette. Les libéraux ne devraient pas dire aux Canadiens qu'il n'y aura plus de financement déficitaire ou d'emprunt. C'est déformer la vérité. Je trouve gênant que le ministre des Finances tienne un pareil discours et laisse le premier ministre dire des choses semblables. Ils arrangent les chiffres. C'est comme s'ils disaient qu'ils sont venus à bout du déficit, mais sans dire toute la vérité à la population.

Voilà ce qui va se passer vraiment. Disons que que nous avons un déficit de neuf milliards de dollars. Le gouvernement va puiser dans le régime de pensions de la fonction publique et ira dire ensuite que malgré un manque à gagner de neuf milliards, il a atteint l'équilibre budgétaire. Ce n'est pas la vérité.

Le gouvernement se vante des mesures qu'il a prises et de ses compressions budgétaires. J'ai hâte de voir ce qui se passera lorsque le député se présentera devant ses électeurs pour leur demander de le réélire. Son gouvernement est responsable des pertes d'emplois dans les rangs des infirmières et des enseignants. Qui a réduit les dépenses au chapitre de l'éducation et des soins de santé de sept milliards de dollars? Le gouvernement. Qui doit maintenant en supporter les conséquences? Les gouvernements provinciaux et pendant ce temps, les gens d'en face se donnent des tapes dans le dos et reprochent aux provinces de faire du mauvais travail. Je regrette, mais c'est là une bien piètre façon de diriger un pays. Le gouvernement n'a pas le courage de prendre ses responsabilités et de dire la vérité aux Canadiens.

(1145)

Le gouvernement fédéral a réduit les transferts aux provinces de 42 p. 100, mais ses coûts administratifs n'ont diminué que de 1,3 p. 100. Comment le gouvernement a-t-il réalisé ces réductions? Aux frais des provinces, et il s'en vante.

Je voulais simplement parler pendant cinq minutes. J'en laisserai autant à mon collègue pour sa réplique. Mais voilà l'autre côté du tableau. Nous savons maintenant ce qu'il en est. Notre rôle consiste justement à considérer toutes les facettes de ce qu'on nous présente. Je laisse maintenant la parole au député.

M. Lee: Monsieur le Président, je suis déçu d'entendre les propos pessimistes du député d'en face. La situation n'est pas aussi terrible qu'il semble vouloir le dire.

Ses commentaires à l'effet que de faibles taux d'intérêt annoncent une débâcle économique sont tout à fait risibles. Il aurait peut-être dû rendre visite aux Japonais, il y a un an ou deux, pour leur dire: «Franchement, votre économie doit être en déroute totale puisque vos taux d'intérêt se situent à 5,5 ou 6 p. 100 seulement»? C'est une vraie farce. Le député ne comprend pas ce que des taux d'intérêt peu élevés signifient. Mais oublions cela et passons à autre chose.

Le député a laissé entendre que les libéraux n'ont pas toujours approuvé la politique monétaire de la Banque du Canada au cours des dix dernières années. Parfois nous n'avons pas été d'accord avec cette politique, c'est vrai. En ciblant un taux d'inflation extrêmement bas, de l'ordre de 1 à 2 p. 100, la Banque du Canada a mal évalué les capacités de notre économie et, par conséquent, a causé une longue récession.

Les gens ne le sauront pas, mais c'est ce qui s'est produit. La politique choisie par la banque, et adoptée par le gouvernement, a prolongé et a exacerbé la récession de 1991-1992. Les libéraux auraient procédé autrement, comme nous avons trouvé d'autres façons de réduire les dépenses gouvernementales. Il y a toujours plusieurs routes qui mènent au but.

Parce que nous pensions que nous aurions pu conclure un meilleur accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique, le député croit que c'est là une raison suffisante pour renoncer au commerce. Le Canada ne commerce pas uniquement avec les États-Unis et le Mexique. Il échange avec le monde entier. Notre commerce avec les autres pays du monde est en pleine expansion.

Le député se trompe entièrement en affirmant que l'accord de libre-échange est l'axe principal, le dénominateur commun sur lequel le gouvernement actuel fonde sa politique de développement du commerce avec le reste du monde. L'accord de libre-échange ne s'applique tout simplement pas à ce genre de commerce. Cependant, les règles de l'Organisation mondiale du commerce s'appliquent et c'est sur elles que nous misons.

Selon le député, il y a déjà longtemps que le discours du Trône a été prononcé et nos projets en cours doivent être bien peu nombreux pour que nous nous intéressions ainsi à un discours livré il y a déjà


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neuf mois. Je suis convaincu que le député conviendra, avec moi, que nous avons été tellement occupés par des projets de loi très importants à la Chambre des communes que nous n'avons pas eu le temps, ni la possibilité, de discuter du discours du Trône, qui était excellent par ailleurs.

Un jour, le député et son parti remercieront le premier ministre et son gouvernement de nous avoir menés vers une économie stable, peu importe leur façon de calculer le déficit.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je félicite le député libéral qui a osé prendre la parole. C'est le seul, ce matin, qui ose défendre le discours du Trône. Il n'y en a pas d'autres qui parlent, il est le premier qu'on entend, mais il n'y en a eu aucun du Québec.

Je voudrais lui demander s'il ne croit pas que nous sommes, nous, les députés de l'opposition officielle, la preuve que ce gouvernement n'a absolument rien livré concernant le problème principal qui le confronte? Il a été élu et il a en face de lui comme opposition officielle un parti souverainiste qui veut faire du Québec un État souverain. En trois ans et demi, ce gouvernement n'a absolument rien réglé relativement à cette question.

(1150)

Quand vous dites que vous serez contents de retourner à vos électeurs pour leur faire part du résultat de 86 p. 100 que vous avez obtenu, qu'est-ce que vous allez leur dire quand ils vous diront que vous n'avez aucunement diminué l'impact, dans le Parlement canadien, des gens d'en face qui veulent transformer complètement l'entité canadienne, en faire deux pays distincts? Pensez-vous que les Canadiens vont être fiers du résultat que le gouvernement libéral a obtenu?

Voici l'autre question que je veux vous poser, très rapidement. C'est vrai que les taux d'intérêt ont diminué, mais pour acheter une maison, aujourd'hui, il faut avoir un emploi. Qu'est-ce que vous avez fait pour que les Canadiens aient des emplois?

Le vice-président: Veuillez s'il vous plaît diriger vos remarques à la Présidence.

[Traduction]

M. Lee: Monsieur le Président, je connais les motifs du député. Tout le monde les connaît. Il a un rôle à jouer dans l'opposition. Il critique le gouvernement parce qu'il n'a pas aidé l'opposition dans la poursuite de ses objectifs.

Le gouvernement ne risque certainement pas d'aider l'opposition officielle à atteindre son objectif premier, la partition du Canada. Je suis désolé, je regrette de ne pouvoir l'obliger. Je ne suis même pas sûr que, du point de vue légal, nous pourrions le faire même si nous le voulions. J'espère qu'il n'en voudra pas trop au gouvernement pour cela.

Pour ce qui est de la modernisation de la fédération, nous avons fait des progrès. Après le référendum, l'an dernier, le gouvernement s'est engagé à faire trois choses que nous avons toutes réalisées, partiellement ou entièrement. Je sais que le député d'en face conviendra que le gouvernement a tenu son engagement. Cela ne va sans doute pas l'aider à accomplir ce qu'il a sur sa liste. Cela ne va sans doute pas dissoudre la fédération canadienne. Cela ne va sans doute pas aboutir à l'éclatement du Canada, mais ça répond au besoin de moderniser la fédération.

Le gouvernement va continuer à y travailler, petit à petit. Si la Colombie-Britannique a un problème X et que le Québec a un problème Y, le gouvernement fédéral va s'efforcer de les résoudre. C'est ce que le fédéral a toujours fait, à condition que les voies de communication soient ouvertes entre les provinces et le gouvernement fédéral. Il y a déjà eu beaucoup de progrès et il y en aura d'autres, je pense.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui en réponse au discours du Trône, même si c'est un discours du Trône qui date de février dernier, parce que finalement, on a une espèce de regard en perspective sur ce que le gouvernement fédéral a fait depuis six mois, depuis qu'il nous a fait des promesses dans le discours du Trône. Aujourd'hui, on est capables d'évaluer de façon assez précise quels en sont les résultats.

La semaine dernière, en comité, j'étais en face du président du Conseil du Trésor qui a dit, en gros, que le rôle d'un gouvernement était de répondre aux attentes des citoyens.

Évaluons le travail du gouvernement par rapport au discours du Trône en fonction de ce résultat. Est-ce qu'il a répondu aux attentes des citoyens depuis un an? Est-ce qu'il répond aux objectifs, aux situations politiques, aux choses à corriger?

La première chose est la lutte au déficit. On peut dire que oui, ils ont réussi à diminuer le déficit globalement en apparence, mais dans la réalité, la députée réformiste l'a très bien dit tout à l'heure, 42 p. 100 des coupures ont été faites dans les paiements de transfert aux provinces. Cela veut dire qu'aujourd'hui, si en Ontario il y a des manifestations avec 50 000, 60 000 personnes qui bravent le gouvernement provincial, c'est le résultat en partie, et de façon significative, de ces coupures.

Si 20 cégeps au Québec sont en grève, c'est le résultat de ces coupures du fédéral. Le fédéral a décidé d'enlever l'argent dans ce domaine parce que c'était plus facile de couper sur le dos des provinces que de faire le ménage chez lui, de régler les questions chez lui. La preuve la plus évidente de cela, c'est que cette semaine, la majorité libérale s'est prononcée contre la motion d'abolition du Sénat.

Le Sénat représente 43 millions de dollars attribués chaque année pour une institution non élue, de gens nommés par pure partisanerie politique. On a décidé de fermer les yeux là-dessus, on a décidé qu'on continuerait de payer ces 43 millions de dollars, mais pendant ce temps, cela ne nous dérange pas de couper 1,2 milliard de dollars


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dans les paiements de transfert aux provinces. Que les provinces se débrouillent avec leurs problèmes, ce sera parfait comme cela.

C'est ce que le gouvernement fédéral a fait par rapport à la lutte au déficit. Sa note est donc inférieure à la note de passage. C'est évident que les Québécois, les Canadiens ne sont pas satisfaits des résultats, surtout dans une circonscription comme la mienne où on se rend compte qu'on a maquillé la question de la lutte au déficit sous les prestations d'assurance-chômage.

On a réformé une loi, et on va le voir au cours des prochains mois, parce que le vrai anniversaire du gouvernement fédéral, ce n'est pas encore aujourd'hui. Ce sera quand les gens vont recevoir leur dernier chèque d'assurance-chômage en février, mars, avril 1997. Ils vont se rendre compte que la réforme a coupé 10, 12, 15 semaines et qu'ils seront obligés de faire la démarche d'aller à l'aide sociale, alors que la même Caisse de l'assurance-chômage a un surplus de cinq milliards de dollars.

(1155)

C'est inacceptable, et j'aurais presque le goût de dire que ce geste est quasiment immoral. Le fait d'avoir en même temps augmenté le surplus de la Caisse d'assurance-chômage et de faire que des gens vont crever de faim, en bout de ligne, à cause de cela, voilà le résultat du gouvernement libéral, le résultat de l'actuel discours du Trône en regard de la lutte au déficit.

Par rapport à l'emploi maintenant, est-ce que ce gouvernement-là a livré la marchandise? Il a fait une campagne électorale, il y a deux ans et demi, sur le thème suivant: on va créer des emplois, on va mettre les gens au travail. Il en a créé un certain nombre, mais il en manque 800 000 pour atteindre le nombre d'emplois qu'il y avait avant la récession de 1990.

Mais il y a surtout un problème, c'est qu'il ne règle pas la difficulté d'emploi de ceux qui sont présentement au chômage. On peut mettre en place toutes les mesures possibles au monde pour améliorer la compétitivité du Canada en matière de technologie, faire que des ingénieurs, des techniciens spécialisés aient de l'emploi, et c'est tant mieux, bravo. Il faut que ce soit ainsi. Mais aujourd'hui, le problème, c'est qu'en même temps qu'on implante des technologies, on a plein de personnes qui n'ont pas de formation spécialisée et, systématiquement, on les envoie au chômage et on ne réussit pas à les recycler pour qu'elles puissent décrocher de nouveaux emplois qui leur permettent de leur vie et être fières. C'est ça, le défi que le gouvernement libéral n'a pas relevé, d'aucune façon. Il fait du surf sur la croissance économique. Là, les taux d'intérêt ont diminué. Tant mieux. Mais ça ne règle pas les problèmes des gens qui n'ont pas les capacités d'investir dans l'économie. Si on n'a pas d'emploi quand on a 25 ans, on ne bâtit pas de famille, on n'achète pas de maison, on ne contribue pas à la société et on n'est pas heureux en fait.

Le gouvernement fédéral aurait une leçon à tirer du Sommet économique du Québec où, en solidarité, les syndicats, les patrons, le gouvernement, les groupes communautaires se sont tous entendus sur une chose: il faut que l'emploi soit un objectif précis et clair. Quand ce gouvernement-ci a-t-il accepté de se donner un objectif de création d'emplois, comme il s'en est donné un de lutte au déficit? Ce serait un objectif intéressant que ce gouvernement dise ce qu'il est prêt à faire pour que, dans un, deux ou trois ans, le taux de chômage ait diminué, au Canada, de 2, 3 ou 4 p. 100 et qu'on voit les impacts sur la qualité de vie, sur les dépenses sociales. Il serait intéressant pour les Canadiens, que leur premier ministre se lève en Chambre et dise: «Notre défi sera de faire que le taux de chômage au Canada ait diminué de 2 p. 100 dans les deux prochaines années.» C'est d'ailleurs ce que lui demandent les fédérations de travailleurs. Est-ce que ne serait pas une marque significative pour qu'après cela, tout l'appareil gouvernemental fonctionne en vertu de cet objectif?

Ce sera ça, des gestes concrets, pas un discours du Trône dans lequel on ne trouve rien pour régler vraiment la situation et où on se fie aux forces du marché, ce qui fait que les gens qui sont forts, qui réussissent à s'en sortir, tant mieux, ils performent bien, mais ceux qui ont moins la capacité et à qui on a moins donné la chance dans leur éducation, eux autres, non. Ce gouvernement s'évalue sur la façon dont il donne une chance aux plus forts, alors qu'une société, un gouvernement, sa responsabilité est de s'évaluer sur la chance qu'il donne à chacun de performer dans cette société.

On devrait évaluer la société sur l'utilisation du potentiel humain qui la compose. Il y a des gens aujourd'hui qui n'ont pas réussi à compléter leur secondaire V, qui n'ont pas d'emploi et qu'on n'a pas réussi à recycler. On sera un Parlement correct, il y a un gouvernement correct, la journée qu'on sera assuré que tout le monde est utilisé au maximum de son potentiel et qu'il a la chance de contribuer à la société correctement.

Donc, dans le discours du Trône, là-dessus, il y avait des mots, mais la réalité n'est pas là, il n'y a pas de résultat et c'est très insatisfaisant. À la fin de l'automne et au début de l'hiver, il faut se promener dans nos circonscriptions pour voir l'insécurité qu'il y a face à l'emploi et voir les problèmes que vivent surtout les travailleurs saisonniers en pensant à ce qu'ils auront à vivre aux mois de février et mars avec la réforme de l'assurance-chômage.

On a appelé cela l'assurance-emploi. C'est un coup de marketing épouvantable. Si on dit «assurance-emploi», ça devrait être un système qui permet de garantir un emploi à quelqu'un qui a un potentiel et qui peut le réaliser. On change le nom, on change l'emballage du produit, mais ce qu'on y met est encore de moins bonne qualité qu'avant. C'est inacceptable, et le gouvernement sera sûrement jugé par la population là-dessus. Je l'invite d'ailleurs, s'il le veut, à se présenter devant la population aujourd'hui sur ce sujet. Vous pouvez être sûr que vous auriez un message très clair et très direct des Québécois.

Il y a un autre élément que je veux soulever et qui remet en question quelque chose de plus fondamental, et c'est la question du leadership de ce gouvernement. C'est un gouvernement qui gère à la petite semaine. Il y a trois ans, 54 députés du Bloc québécois ont été élus, représentant un parti sécessionniste, un parti souverainiste, qui veut créer deux pays dans le Canada, dans l'ensemble canadien. Le message n'était pas assez clair.


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(1200)

Le premier ministre avait dit que le problème des Québécois était un problème économique; donc, allait créer de l'emploi, diminuer le déficit et il n'y aurait plus de problème. Sauf qu'il y a eu la surprise du 30 octobre 1995, et on s'est rendu compte que, malgré tout, 49,4 p. 100 des Québécois avaient voté pour la souveraineté. Cela les a brassés un peu dans la gestion à la petite semaine. Pendant près d'un mois, on a dit: «Seigneur, c'est grave pour vrai, il va falloir faire des promesses, il va falloir faire quelque chose, aboutir.»

Le lendemain des résultats, on a commencé à dire que le seul effort que pouvait faire le gouvernement fédéral, c'était de présenter une petite résolution en Chambre sur la société distincte, en se disant qu'ainsi l'effort aurait été fait.

Je n'ai jamais été un partisan de M. Mulroney, mais comparer l'effort qu'il peut avoir fait, dans le passé, pour ramener le Canada ensemble, avec ce manque d'effort devant une situation d'urgence créée par le référendum, il y a tout un monde entre les deux. Le gouvernement actuel manque de leadership en ce qui a trait à la situation du Québec. Il ne faut pas s'étonner que les Québécois soient les seuls, actuellement, au Canada, qui soient profondément insatisfaits du gouvernement fédéral: 68 p. 100 des Québécois sont insatisfaits de la performance du gouvernement fédéral.

Malgré une période de croissance économique, malgré les résultats, dans un certain sens, par rapport à la lutte au déficit, est-ce qu'il n'y a pas là un message que le gouvernement fédéral devrait comprendre, devrait s'ajuster, devrait proposer des choses? Il n'y a rien sur la table. On ne propose rien et on dit qu'on ira jusqu'à frapper le mur, et après, quand on aura frappé le mur, on réagira. Cela me semble vraiment une situation aberrante. On attend des gestes concrets de ce gouvernement montrant qu'il va réagir.

Je veux donner un autre exemple. Dans le discours du Trône, on a parlé de la pertinence de réformer la façon dont les transports maritimes sont gérés au Canada. Je pense qu'effectivement, le diagnostic est assez évident. Depuis 30 ans, le gouvernement fédéral a laissé aller ses installations en décrépitude. La preuve, c'est que 80 p. 100 des installations, aujourd'hui, ne servent à peu près plus à rien parce qu'on n'a jamais réussi à les mettre en valeur. On a fait du rapiéçage à tout bout de champ.

On a une situation problématique. Le gouvernement dit qu'il faut changer cela et le premier constat qui est fait et que nous partageons, c'est que c'était géré de trop loin par des gens qui ne pouvaient pas avoir les préoccupations de chacune des régions, qui ne pouvaient pas faire du marketing séparément, qui ne pouvaient pas permettre de concurrence entre ces installations. Il a fallu voir à des solutions partout au Canada pour que, finalement, le gouvernement comprenne un certain nombre d'éléments, de la latitude qu'il doit donner à ces installations. Mais il y a encore beaucoup d'aspects qui ne sont pas réglés.

Je profite de l'Adresse en réponse au discours du Trône pour dire au gouvernement que lorsqu'on étudiera le projet de loi sur le transport, à l'étape du rapport ou en troisième lecture, il y aura encore beaucoup d'efforts à faire. Depuis la Confédération, ce domaine a été marqué par beaucoup de partisanerie politique. Tout le monde a une petite histoire dans sa circonscription pour dire: «Ce monsieur a été maître de port parce qu'il était bleu pendant une période, l'autre, parce qu'il était rouge pendant une autre période.» Ces situations n'ont jamais été réglées.

Hier, en comité, j'ai proposé un amendement pour assurer que les gens nommés soient des personnes qualifiées. La majorité libérale s'est refusée à cet amendement. Je ne demandais pas que le ministre ne nomme plus les gens, je ne demandais pas qu'il ne puisse pas même choisir entre des personnes, je voulais juste qu'on s'assure de leurs qualifications. Là encore, l'appareil a été trop long pour être capable de s'ajuster et pour réagir en conséquence. C'est un problème spécifique précis qui accompagne la partisanerie, mais qui est important pour la population. Il est important d'avoir des signes d'apparence de justice de la part du gouvernement.

Il y a plus fondamental que ça. Dans cette réforme, il est prévu que les ports régionaux, les ports qui font du commerce, mais qui ne sont pas nécessairement des ports d'envergure internationale, puissent être cédés à des intérêts locaux.

(1205)

On a essayé, et il faudra essayer encore, de mettre dans la loi des éléments permettant d'enlever l'arbitraire politique afin de s'assurer que les décisions d'investir à Baie-Comeau, à Cacouna, au Nouveau-Brunswick ou dans l'Ouest ne soient pas prises en rapport avec la couleur politique des gens qui les représentent, mais en rapport avec les intérêts économiques. Qu'on utilise les profils économiques et les statistiques qui ont été préparés par les fonctionnaires du ministère des Transports et qu'on donne des idées claires sur la question.

Un autre élément important est de s'assurer que les ports qui n'ont pas d'activités économiques commerciales mais qui sont simplement des ports d'accueil pour un traversier, par exemple, de Rivière-du-Loup à Saint-Siméon ou de Trois-Pistoles aux Escoumins sur la Côte-Nord, puissent être vendus à des prix intéressants et que les milieux puissent les prendre en main sans interruption de parcours. C'est un très bel exemple de l'imperfection de notre système et de son besoin de réformes. Le fait d'ignorer la nécessité des réformes est vraiment une erreur majeure de leadership de la part du gouvernement canadien.

Si on ne donne pas de garanties, on pourrait se retrouver dans des situations aberrantes. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait décider de ne plus entretenir une installation portuaire, décider de l'aliéner, par exemple le port de Rivière-du-Loup, même si le traversier offre un service essentiel reconnu par le gouvernement du Québec et qu'il y a une subvention pour ce service.

Et le gouvernement fédéral, responsable des quais, pourrait décider qu'il n'a plus d'argent et qu'il ne veut plus maintenir l'installation. La région se retrouverait alors dans une situation complète-


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ment inacceptable. Le gouvernement a besoin de bouger, de réagir, d'appliquer des solutions concrètes.

C'est vrai que dans le cas dont je parle, C-44, il y a eu beaucoup de consultations. Il y eu des suggestions qui ont été adoptées, mais il reste encore plusieurs points à régler. J'espère qu'on trouvera la façon d'y répondre.

En résumé, est-ce que les Canadiens peuvent être satisfaits de ce qu'ils retrouvent dans le discours du Trône et dans la façon dont il se concrétise?

Ma réponse est celle que les gens, dans la rue, chez le coiffeur ou chez le dépanneur me donnent. Ils me demandent où sont les jobs que toutes les actions du gouvernement sont supposées donner. Ils me demandent ce qui se passe. Comment se fait-il qu'on ne voit pas de résultats? La valse des millions dans les coupures et dans les investissements, les gens n'y croient plus. Ils veulent savoir si leur voisin aura un emploi, si on réussira à obtenir un résultat intéressant quelque part.

Dans une circonscription comme la mienne, Kamouraska-Rivière-du-Loup, pour voir si l'action du gouvernement donne des résultats concrets, il faudra attendre quelques mois. Il faudra voir si les transactions permettant au milieu de prendre en main les installations portuaires de Cacouna et assurant l'avenir des traversiers de Rivière-du-Loup à Saint-Siméon et de Trois-Pistoles aux Escoumins se réalisent. Ce sont de tels gestes qui seront importants.

Il faudra aussi qu'en ce qui concerne la réforme de l'assurance-emploi quelqu'un dépose un projet qui permettra aux travailleurs saisonniers de transformer leur contribution à l'économie. Il faut que les travailleurs saisonniers puissent avoir de l'emploi l'hiver. Le gouvernement a augmenté le nombre de semaines nécessaires pour être admissible et a diminué le nombre de semaines pendant lesquelles on peut recevoir des prestations. Si on ne garde que la partie négative de la réforme de l'assurance-chômage, on s'en va vers une crise sociale grave. Donc je lance un appel urgent au gouvernement fédéral. Trouvez des solutions, écoutez les organismes qui vous font des propositions.

Chez nous il y a un regroupement des sociétés qui travaillent en aménagement forestier. Ils ont un projet en développement pour assurer qu'on puisse augmenter le nombre de semaines des saisonniers de trois ou quatre semaines, soit au printemps ou à l'automne, pas pour créer de l'emploi artificiellement, pas pour les payer à ne rien faire, mais pour que des solutions d'aménagement forestier, le fait de transformer les produits forestiers, de développer de nouveaux produits leur permette d'atteindre des résultats intéressants. À ce sujet c'est un cri du coeur que je lance au gouvernement.

On a combattu beaucoup la réforme de l'assurance-emploi, si le gouvernement veut donner des signaux évidents et clairs aux régions où il y a beaucoup de travailleurs saisonniers pour leur dire qu'il n'y avait pas seulement un aspect négatif dans cette réforme, le temps presse. Il est minuit moins cinq et c'est très urgent. Les gens de ma circonscription vont vous juger sur vos actions.

(1210)

Je pense que, dans la réponse au discours du Trône, on peut dire, et je conclus là-dessus, que le gouvernement fédéral a fait preuve et fait preuve d'un manque de leadership flagrant, notamment dans la lutte au déficit, en ne coupant pas aux endroits où il le devrait dans son système. Dans le domaine de l'emploi, il n'a pas les bonnes solutions, et en matière constitutionnelle, il ignore le Québec. Dans un sens, il l'insulte, et ce sera probablement la meilleure façon, le meilleur allié objectif, si le gouvernement fédéral continue de la même façon, parce que les Québécois sont très patients.

C'est la deuxième fois qu'ils demandent au Canada d'ajuster son tir, de leur proposer quelque chose, il ne l'a pas fait. La troisième fois sera la bonne. L'ensemble canadien économique sera complètement transformé et il y aura, au Canada, dans l'espace canadien, deux pays, pour qu'enfin les Québécois puissent décider de tout ce qui les préoccupe, de tout ce qui assure leur avenir.

[Traduction]

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, le voudrais féliciter le député du Bloc de sa critique très constructive du discours du Trône. Je voudrais m'attarder sur un point qui était dans le discours du Trône et qui est particulièrement important pour son parti et les objectifs de son parti.

Il y avait une vague promesse du premier ministre, il y a des mois, lorsque le discours a été prononcé-je ne me souviens pas des détails exacts-qui disait que tous les Canadiens auraient leur mot à dire lors du prochain référendum sur la séparation. C'est une question très importante et je voudrais que le député nous éclaire et clarifie un certain nombre de choses, parce que je ne comprends pas très bien deux ou trois choses qui se sont produites lors du dernier référendum.

Le député disait dans son discours que 49,5 p. 100 des Québécois-le résultat était très serré-ont voté oui et que cela devrait constituer un message pour Ottawa. Je suis d'accord avec lui. Le gouvernement n'écoute pas. Il n'écoute ni les gens de l'Ouest ni les Québécois, là je suis d'accord.

Là où je ne suis plus d'accord, c'est au sujet de la solution. Je ne pense pas que la séparation soit la solution. Cela m'inquiète, car j'aimerais bien que le Québec demeure dans le Canada. Je voudrais voir les Québécois et le Bloc québécois défendre les intérêts du Québec comme un parti d'opposition et utiliser les outils dont ils disposent.

J'ai trouvé que la question du dernier référendum était ambiguë, alambiquée et que ce n'était pas une question simple et directe que l'on adressait aux citoyens de la province de Québec. Je peux vérifier cela avec les sondages d'opinion, les informations qui m'ont été communiquées par les personnes qui écrivent les articles du Devoir, qui disaient que 39 p. 100-ou un pourcentage plus


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élevé-des Québécois n'avaient pas vraiment compris ce pourquoi ils votaient. Ils pensaient que le Québec pouvait se séparer et rester dans le Canada et avoir une sorte d'association économique.

Je ne vois pas pourquoi il devrait y avoir un autre référendum. Les Québécois ont déjà voté deux fois sur cette question et deux fois ils ont décidé de rester dans le Canada. Si les habitants du Québec voulaient un autre référendum et que le député obtenait son référendum, est-ce qu'il serait d'accord pour accepter une question simple et directe? Ce serait préférable pour tout le monde, il y aurait bien moins de contestations, bien moins d'emportements. La question serait, en français et en anglais, quelque chose comme: Voulez-vous vous séparer du Canada, oui ou non?

Si la réponse à une question aussi simple et directe était oui, ce que je ne souhaite pas, est-ce que le député pourrait me dire, m'expliquer ce qu'est le plan du Bloc québécois? Quand et comment prévoit-il négocier l'entente de séparation et à quelles conditions? S'il n'y a pas de mécanisme en place-et il n'y en a pas actuellement puisque c'est illégal, il n'y a rien dans la Constitution qui permet une province de se séparer-, quand commenceront les négociations? Qui procédera aux négociations. Comment le Bloc québécois se propose-t-il de régler les questions, par exemple, l'importance de la dette, le type de monnaie, la communication des parties est et ouest du Canada à travers le Québec? Des questions de ce genre sont extrêmement importantes.

Voilà les questions pour lesquelles j'aimerais avoir des précisions de la part du député.

(1215)

[Français]

M. Crête: Monsieur le Président, je remercie le député réformiste de sa question. Je trouve très significatif que ce soit un député de ce parti qui pose la question. D'ailleurs, ce matin, les libéraux ne posent pas de question. Je ne sais pas ce qui se passe; on dirait qu'ils ont honte du discours du Trône.

Ce sont ces questions-là qu'il faut que les Canadiens se posent. Ce sont ces questions qu'il faut qu'on se pose à l'extérieur du Québec, afin de voir comment on va trouver une solution et ce qu'on va faire pour régler la situation.

On dit ceci: Lors du prochain référendum au Québec, est-ce que les Canadiens auront un rôle? Moi, je dis que le rôle des Canadiens, c'est maintenant qu'ils en ont un. Si vous voulez réussir à prouver aux Québécois qu'il y a un avenir dans ce pays, c'est à vous de le faire. C'est aux Canadiens à mettre ça sur la table, à nous dire ce qu'ils ont à nous proposer. Mais quand on ne propose rien, on ne peut pas donner de réponse, on ne peut rien suggérer. Il n'y a pas de leadership dans le gouvernement actuel. Personne ne propose quoi que ce soit de significatif. Plus clairement et encore plus choquant pour les Québécois, c'est que la réforme du gouvernement actuel est que tout cela est superficiel.

Au mois d'octobre 1995, ça chauffait, on leur a fait des petites propositions à droite et à gauche. Un mois après, on a commencé à l'oublier et, le mois passé, le premier ministre est retombé sur le discours de l'automne 1993. La situation au Canada est un problème économique; quand l'économie ira bien, les Québécois comprendront et ils trouveront que le Canada est le plus beau pays du monde et ils y resteront.

Je vous dis que même si la situation économique au Québec et au Canada était la meilleure du monde, il y a une démarche au Québec. Il y a un peuple en marche. Il y a un peuple qui apprend tranquillement, qui est passé de 40 p. 100 en 1980 à 49,4 p. 100 l'année dernière, et si le gouvernement du Canada ne répond pas à ses attentes, il choisira de devenir un État souverain.

Il le fera à la suite d'une question qui sera définie par l'Assemblée nationale du Québec; c'est le seul Parlement dans lequel les Québécois sont majoritaires, et c'est partagé autant par le chef du gouvernement actuel, M. Bouchard, que ce peut l'être par le chef de l'opposition, Daniel Johnson ou le chef de l'action démocratique, Mario Dumont.

Tous les Québécois sont d'accord au sujet de la question. On est des gens mûrs. On n'est pas dans un système de république de bananes. On est des gens qui ont posé une question deux fois. La première fois, en 1980, on a demandé aux gens un mandat de négocier. On a obtenu 40 p. 100, seulement sur un mandat de négocier. Et l'année dernière, on a obtenu 49 p. 100 sur la volonté de créer un pays et de faire une offre de partenariat au reste du Canada. Le progrès est très significatif, parce que si on avait de nouveau posé la question de 1980 l'an passé, le résultat aurait peut-être été de 55 ou de 60 p. 100. C'est hypothétique, mais c'est une réalité. En tout cas, il y a une progression, il y a un message clair au gouvernement libéral actuel.

Donc, en ce qui a trait à la question, ce sera celle que le Parlement du Québec aura décidé, celle des élus. Mais d'ici là, les Canadiens ont le temps de nous dire ce qu'ils veulent. Ils ont le temps de nous faire des propositions.

La Confédération canadienne, ce n'est pas immuable. Depuis qu'il y a des francophones et des anglophones en Amérique du Nord, il y a eu trois ou quatre formes différentes de gouvernement: le Haut et le Bas-Canada, l'Union canadienne et là, la Confédération. Il faut trouver les formules qui répondent à cet ensemble économique. Avec les nouvelles règles du jeu, comme l'accord de libre-échange, c'est très évident.

Quand j'ai traversé l'Ouest canadien avec le Comité des transports, je l'ai senti de façon particulière. Maintenant, tous les échanges se font Nord-Sud. Tout le monde nous demande des lignes de chemin de fer, des autoroutes vers le Sud. Cela va transformer fondamentalement le Canada, indépendamment des options des hommes politiques. Donc, il y a là quelque chose de fondamental à regarder. Il faut trouver une relation adulte entre les Québécois et les Canadiens pour dire que, dans l'avenir, on veut fonctionner sous une autre forme, une collaboration différente.


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Donc, la question suivante: «Est-ce qu'on va se séparer ou pas?» ne m'apparaît pas la bonne question à poser. Il faut poser une question qui dira aux Québécois: Y a-t-il une formule, un ensemble qui ferait votre affaire, parce que la formule actuelle ne fait pas la vôtre? Cette formule a toujours été à la base qu'il y ait un État souverain, et il faut que tous les pouvoirs de décision soient au Québec.

Il faut se rappeler qu'en 1867, ce que les Québécois ont accepté, c'est d'avoir la sécurité culturelle, la sécurité éducationnelle, mais on a continué à grandir et à vieillir et aujourd'hui, on est prêt à prendre toutes les responsabilités. On s'en rend compte. Depuis que je suis critique en matière de transports, je me rends compte à quel point le fait que les Québécois n'aient pas eu le contrôle de la juridiction sur les transports leur a créé des problèmes majeurs. Pas parce que les Canadiens s'acharnaient systématiquement sur le Québec, mais parce que des décisions ont été prises, par exemple, sur le développement d'est en ouest plutôt du nord au sud, ce qui a eu des effets dévastateurs sur l'économie québécoise.

(1220)

Maintenant on retombe dans les choses intéressantes de ce côté-là. On a un défi, au début du XXIe siècle, et quel que soit l'ensemble canadien, on aura ce défi de correspondre du Nord au Sud, mais il faut adapter nos institutions politiques à cette réalité.

Je vais conclure en disant que la plus grande critique qu'on peut faire du gouvernement libéral actuel c'est qu'il manque fondamentalement de leadership pour régler les problèmes de l'an 2000. Régler ceux qu'on a cette année, vivre avec, ce n'est pas si mal dans les tendances, mais un gouvernement n'est pas seulement responsable dans les tendances. Il est aussi responsable d'avoir une vision d'avenir et sur ce point les libéraux n'ont pas la note de passage.

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, j'apprécie d'avoir l'occasion de dire quelques mots sur le discours du Trône du gouvernement, que je trouve très à propos actuellement.

Lorsque le Parti libéral a formé le gouvernement en 1993, le pays s'en allait, d'après moi, à la catastrophe. On était endettés d'une façon épouvantable. Avant nous il était question de dépenser, dépenser, dépenser et dépenser. L'hypothèque sur la maison, c'est-à-dire la dette nationale, augmentait de façon féroce. Chaque année nous avions un déficit qui approchait les 50 milliards environ.

Tout à coup, en 1993, le nouveau gouvernement libéral faisait face à une situation où il fallait avoir un programme économique prometteur pour les Canadiens et les Canadiennes, prometteur pour les jeunes, qu'ils aient un avenir, que ceux qui travaillent actuellement aient un avenir, et surtout que les personnes âgées puissent se sentir à l'aise dans les programmes du gouvernement.

Oui, le gouvernement a voulu faire des coupures.

[Traduction]

Le marché des obligations se présentait très mal au Canada en 1993. Les taux d'intérêt ne cessaient d'augmenter et on se demandait si les marchés internationaux des obligations allaient continuer de nous accorder la cote triple A. Nous étions au seuil de l'effondrement, nous nous dirigions tout droit vers la catastrophe et nous ne pouvions même pas espérer réaliser des ventes d'obligations.

Il fallait mettre en place un programme pour assainir nos finances. C'est précisément ce que nous avons fait. Le déficit diminue constamment.

Le gouvernement ne crée pas d'emplois. Il l'a fait par le passé, mais toujours à court terme. Ce qui importe, c'est de créer un climat propice à la création d'emplois, un climat favorable sur le plan économique.

Notre plan consiste à éliminer certains programmes. Nous réduisons la taille du gouvernement, mais nous ne le réduisons pas à néant. C'est ce qui nous distingue de certains députés de l'opposition. Notre objectif n'est pas de réduire le gouvernement à néant.

Il nous faut cesser de tendre la main à tous ceux qui s'imaginent qu'il suffit d'écrire au gouvernement pour obtenir une subvention. Or, il faut agir raisonnablement.

Ce matin, les taux d'intérêt ont encore baissé. Ils n'ont jamais été aussi bas depuis 40 ans. On peut maintenant emprunter pour acheter une maison ou pour faire d'autres investissements. C'est ce qui crée des emplois. Voilà qui est bien. On peut maintenant se permettre de dépenser. On peut maintenant se permettre d'emprunter de l'argent pour faire des investissements. Pas question, bien sûr, d'emprunter de l'argent pour le plaisir de le dépenser ou de le gaspiller. Il faut investir cet argent dans l'achat d'une maison, par exemple. La maison va prendre de la valeur et, quand viendra le moment de la vendre, son propriétaire pourra ensuite vivre de cet argent ou le léguer à ses enfants. Nous devons songer à léguer un patrimoine à nos enfants.

(1225)

Nous avons dû réduire la taille du gouvernement. On a été forcé de sabrer dans les programmes. J'avais certaines réserves à ce sujet, car il y a beaucoup de fonctionnaires et de contractuels du gouvernement fédéral dans ma circonscription. À titre de vice-président du Comité des opérations gouvernementales, j'ai fait tout en mon pouvoir pour veiller à ce qu'il n'y ait pas d'abus.

L'examen des programmes visait à réduire la taille du gouvernement fédéral. Il était question de réduire le budget d'un montant global. Il est évident qu'on devait supprimer des emplois. Nous avons dû nous y résigner pour mettre en place un meilleur système. Nous avons été forcés d'améliorer la façon dont nous travaillions. Nous avons été forcés d'abandonner des activités qui n'étaient pas absolument nécessaires.

Nous avons privatisé dans les domaines où le secteur privé pouvait accomplir un meilleur travail. Par exemple, nous avons privatisé de nombreuses activités qui relevaient auparavant du ministère des Transports. Nous avons mis sur pied Nav Canada, et un grand nombre de fonctionnaires qui travaillaient auparavant pour le ministère des Transports sont devenus des employés de ce nouvel organisme privé.

Les médias en ont conclu qu'il était question de supprimer 45 000 emplois. Je ne me suis pas réjoui de la mise à pied de 45 000 employés. Dernièrement, un journal a affirmé que, selon les nouveaux calculs, ce chiffre pourrait se rapprocher davantage de


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55 000 emplois. Il est évident que cela a des répercussions très négatives sur la collectivité. Les gens d'affaires de la région de la capitale nationale sont devennus très inquiets, et on a assisté à un ralentissement très marqué de l'économie.

Cependant, dans le cadre du processus de rationalisation de ses activités, le gouvernement s'est assuré de ne pas maltraiter ses employés. Nous avons établi des programmes, comme la retraite anticipée. Trop de personnes se sont inscrites à ce programme. De nombreux fonctionnaires, ceux qui avaient presque l'âge voulu, ont jugé que c'était une merveilleuse occasion de prendre leur retraite.

D'autres ont accepté les primes de départ anticipé. Il s'agissait surtout de fonctionnaires, de gestionnaires ou de cadres intermédiaires qui voulaient passer au secteur privé. Ils font maintenant des projets pour le gouvernement à contrat. Ce sont actuellement les entrepreneurs privés de la région de la capitale nationale.

Nous avons épargné beaucoup d'argent, mais j'ai certaines préoccupations. Je veux m'assurer que le gouvernement n'épargne pas en réduisant la taille de la fonction publique, d'un côté, et en consacrant beaucoup plus d'argent à l'impartition, d'un autre côté. C'est une chose que je surveille de très près au Comité des opérations gouvernementales.

En septembre 1995, le taux de chômage dans la région de la capitale nationale était de 10,1 p. 100. Il est maintenant de 7,4 p. 100, soit une amélioration. Les gens de la région de la capitale nationale commencent à se sentir davantage en sécurité à nouveau.

[Français]

Ils se sentent bien dans leur peau, ils voient qu'il y a de l'avenir et le gouvernement canadien a décidé que la Région de la capitale nationale ne serait pas «a one horse town», qu'elle serait un mélange entre l'industrie privée et l'industrie publique.

On voit de plus des organismes, tels que Systemhouse, par exemple, où des fonctionnaires se sont lancés dans la haute technologie, et on voit un essor extraordinaire du domaine de la haute technologie dans la Région de la capitale nationale.

En somme, la Région de la capitale nationale est maintenant devenue le grand centre du nord de l'Amérique de la haute technologie.

(1230)

[Traduction]

Il y a maintenant un équilibre entre les secteurs public et privé. Je suis heureux de préciser que la fonction publique améliore constamment son efficacité et son efficience. Je demande simplement au gouvernement de faire en sorte qu'il y ait un renouveau de la fonction publique et que les jeunes aient la possibilité d'entrer dans notre réputée fonction publique.

Il faut s'assurer que les jeunes diplômés pourront venir travailler pour le gouvernement fédéral, à tout le moins à contrat. C'est tout à fait essentiel. Je suis heureux d'avoir l'occasion de parler à la Chambre du discours du Trône.

M. Maurizio Bevilacqua (York North, Lib.): Monsieur le Président, j'ai prêté attention au discours du député. Je peux témoigner de sa représentation excellente des habitants de la circonscription de Gloucester. Il est un excellent représentant.

Je voudrais lui donner une occasion de s'exprimer. Dans la capitale nationale, à la Chambre des communes, nous parlons souvent de budgets de milliards de dollars. Nous parlons de déficits dont les proportions sont énormes.

Nous parlons de la réduction du déficit, de la décision de ne pas hausser l'impôt sur le revenu des particuliers, de la diminution du taux de criminalité et de la baisse des taux d'intérêt. Je voudrais que le député nous donne une idée de ce qui s'est produit dans sa collectivité par suite de l'orientation que le gouvernement fédéral a adoptée par rapport à ces questions que je viens de mentionner.

M. Bellemare: Monsieur le Président, je remercie le député de Toronto pour ses propos bienveillants.

Dans ma circonscription, les entreprises s'en tirent bien. Le secteur privé obtient des contrats. On se dirige vers la haute technologie dans ma collectivité. Cet après-midi, j'assisterai à l'inauguration d'AMITA, une entreprise de haute technologie qu'une cinquantaine d'employés lancent actuellement dans ma collectivité.

Pratiquement toutes les deux semaines, une nouvelle entreprise voit le jour, toujours dans le domaine de la haute technologie. En raison de la mondialisation, nous devons faire les choses de façon très différente. Il est temps d'entrer dans l'ère de la haute technologie.

Nous avons beaucoup de chance du fait que, il y a quelques années, la région de la capitale nationale se soit lancée dans la haute technologie. Nous sommes maintenant la capitale de la haute technologie au nord de la frontière américaine. Il y a de la haute technologie aux États-Unis, et l'autre endroit où il y en a, c'est ici même, dans la région de la capitale nationale.

L'industrie privée est en constante évolution. Les deux universités et les deux collègues produisent des experts en haute technologie. Des emplois se créent à un rythme tel que, en ce moment, on nous dit que les milliers de postes offerts dans le domaine de la haute technologie, dans la région de la capitale nationale, ne sont pas encore comblés.

Les universités et les collègues essaient de produire aussi rapidement que possible des diplômés pouvant combler ces postes. Il s'agit là d'un atout très important pour notre collectivité. Les choses s'améliorent de plus en plus chaque jour.

Les gens éprouvent un sentiment de sécurité. Ils nourrissent de l'espoir. Ils sentent qu'il y a une croissance. La région de la capitale nationale est certes un très bel endroit où grandir et fonder une famille.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais revenir à la charge de ce que le député a dit dans son intervention au sujet des avantages qu'offrent des taux d'intérêt peu élevés. Il n'y a pas de doute que des taux d'intérêt peu élevés permettent aux consommateurs et aux entreprises de réaliser des économies importantes. Ils font circuler plus d'argent sur le marché.


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(1235)

Cependant, de ne s'intéresser qu'à cet aspect et de ne signaler que ces avantages est une erreur. Ce n'est qu'un secteur de la population du pays, c'est-à-dire les emprunteurs. Cela ne concerne que les gens qui peuvent emprunter de l'argent, qui remplissent les conditions pour obtenir un prêt, ou ceux qui ont déjà obtenu des prêts. Ce n'est pas tous les Canadiens. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour tous les Canadiens, mais bien pour ceux qui ont des dettes. C'est aussi une bonne nouvelle pour le gouvernement actuel, car cela contribue à réduire le coût de son énorme dette, ce dont tous les Canadiens pourront bénéficier.

Toutefois, comme cela ne profite qu'aux emprunteurs, quel message le gouvernement adresse-t-il à ceux qui n'ont pas de prêts et qui n'empruntent pas? Quelles sont les politiques du Parti libéral en faveur des retraités qui ont vu diminuer leur pension de vieillesse et qui ont perdu leur exemption pour personne âgée? Que dire des étudiants qui n'ont pas de prêts et qui ne peuvent emprunter d'argent? Qu'est-ce que le gouvernement. . .

Le président suppléant (M. Milliken): À l'ordre. Le député a posé une question. J'ai dit qu'elle devait être très brève. Nous avons une période de questions et observations de cinq minutes. Les cinq minutes sont écoulés. J'invite le député de Carleton-Gloucester à répondre très brièvement.

M. Bellemare: Monsieur le Président, nous venons d'entendre là le point de vue du Parti réformiste, un parti qui veut réduire sensiblement le rôle et les activités de l'État. Il ne se soucie pas des gens qui veulent investir. Pour investir, ces derniers ont besoin d'emprunter. Ils ont besoin de faire rouler l'argent. Dans l'intérêt des gens pour qui les réformistes disent vouloir protéger les taux d'intérêts, ils semblent plutôt laisser entendre que les taux d'intérêt devraient augmenter.

Les députés réformistes se soucient de leurs amis qui ont beaucoup d'argent, et de personne d'autre. Ils font peut-être la charité ici et là le dimanche matin, mais ils se soucient uniquement des riches. Ils ne se préoccupent pas de stimuler l'économie et d'encourager ceux qui veulent contribuer à son développement.

M. Tony Valeri (Lincoln, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir cet après-midi au sujet du discours du Trône, qui tient compte des besoins et des préoccupations véritables des Canadiens.

Le programme du gouvernement libéral de création d'emplois et de croissance a ravivé l'espoir des Canadiens dans l'avenir, car il est axé sur la création de possibilités pour les Canadiens. Il prévoit un climat financier favorable aux investissements, il garantit que nos jeunes posséderont les outils dont ils ont besoin pour contribuer pleinement à la croissance et à la compétitivité du Canada et il donne plus de poids à nos petites entreprises, principale source de création d'emplois et d'innovation.

À l'heure actuelle, la situation financière est bien différente de ce qu'elle était à notre arrivée au pouvoir. Les taux d'intérêt sont au plus bas depuis 38 ans, ce qui signifie que les Canadiens ont de nouvelles possibilités pour investir et croître. La baisse des taux d'intérêt avantage tous les Canadiens, des propriétaires de résidence aux petites entreprises de la circonscription de Lincoln que je représente.

Les taux d'inflation sont aussi au plus bas depuis 38 ans. Quand les taux d'inflation sont moins élevés, les Canadiens peuvent évoluer dans une économie plus stable. Ils peuvent planifier leur avenir avec plus confiance.

Le succès que le gouvernement a réalisé pour créer un climat financier plus stable n'est nulle part plus évident que dans ses efforts pour réduire l'énorme déficit dont nous avons hérité à notre arrivée au pouvoir. D'ailleurs, c'est en mettant de l'ordre dans ses finances que le gouvernement est vraiment parvenu à faire baisser les taux d'intérêt.

Après un examen des programmes et un exercice de rationalisation, nous avons réussi à contrôler les dépenses du gouvernement. Aujourd'hui, non seulement nous prévoyons atteindre notre objectif de réduction du déficit à 3 p. 100 du PIB, mais nous pensons le dépasser, de telle sorte que le déficit sera de l'ordre de 1 p. 100 du PIB en 1998-1999.

De toute évidence, la démarche que nous avons suivie pour rétablir la santé financière était mesurée, volontaire et responsable. Il a fallu réduire soigneusement les dépenses, restructurer le gouvernement et renforcer l'économie. Cette démarche est toujours conforme à la volonté des Canadiens de voir leur gouvernement adopter une position plus évoluée par rapport à la réduction du déficit. Elle n'a pas entraîné une hausse des coûts pour le contribuable, qui se serait traduite par une augmentation des impôts sur le revenu. De même, elle n'avait rien d'une politique de terre brûlée pour que le gouvernement contrôle ses dépenses.

Emprunter sur le dos de nos enfants et nos petits-enfants sera bientôt chose du passé. Incidemment, nous avons reconnu que nos jeunes représentaient une ressource indispensable à la poursuite de nos efforts pour rester compétitifs. De nos jours, de nombreux jeunes sont au chômage. Ils craignent qu'il n'y ait pas d'emplois pour eux dans l'avenir. Les employeurs soutiennent qu'il y a des emplois, mais qu'ils ont de la difficulté à recruter les travailleurs qualifiés dont ils ont besoin pour croître et soutenir la concurrence. Les spécialistes nous disent que les études constituent encore de nos jours un élément clé pour réussir sur le marché du travail. Les Canadiens clairvoyants de tous les coins du pays estiment que notre nation ne peut se permettre de gaspiller le talent et la créativité de notre jeunesse. Je sais que tous les députés ministériels sont sensibles à ces problèmes et qu'ils cherchent activement des solutions. De toute évidence, les jeunes Canadiens ont davantage besoin d'aide pour faire la transition et accéder au marché du travail. Ils ont davantage besoin d'aide pour obtenir leur premier emploi qui est si crucial.

(1240)

Le gouvernement a doublé ses programmes d'emplois d'été. Il s'est aussi engagé à collaborer avec les provinces et avec le secteur privé. On encourage ce genre de collaboration à tous les niveaux. Les Canadiens veulent savoir que tous leurs représentants élus unissent leurs efforts, peu importe l'ordre de gouvernement auquel ils appartiennent.


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Voilà pourquoi la création de partenariats est essentielle. Bien des Canadiens estiment que seuls des partenariats peuvent relever les défis à court terme et à long terme que représente l'emploi des jeunes. Nos jeunes ont besoin d'aide et ils peuvent être assurés d'en obtenir, car les députés de ce côté-ci de la Chambre en ont fait une priorité.

Permettez-moi de parler du rôle que jouent les petites et moyennes entreprises dans notre économie et dans notre pays. Les PME constituent le moteur de l'économie de la circonscription de Lincoln que je représente. Cela n'est certes pas inhabituel, puisque les petites et moyennes entreprises jouent un rôle très important dans l'ensemble de l'économie canadienne. En fait, tous les espoirs que nous nourrissons pour notre jeunesse et la compétitivité future de notre pays reposent sur la vitalité de nos PME. Les petites et moyennes entreprises, y compris les travailleurs autonomes, représentent près des deux tiers des emplois dans le secteur privé et 60 p. 100 de la production économique du Canada.

En tant que propriétaire d'une petite entreprise, je sais qu'il faut encourager et favoriser l'esprit d'initiative qui motive les petites et moyennes entreprises, car il y va de la santé de notre économie.

Que nous disent les propriétaires de petites et moyennes entreprises? Ils nous disent que l'accès au capital est encore très important pour les entreprises naissantes et les entreprises en expansion. Les banques ont accompli un certain travail dans ce domaine et elles ont réussi à accroître leur accessibilité pour les petites entreprises. Mais la demande est encore là.

Les petites entreprises veulent plus de capital emprunté de risque. Il est paradoxal qu'un certain nombre de petits entrepreneurs qui ont besoin de fonds pour se lancer ou pour prendre de l'expansion n'aient pas de biens à donner en garantie. Ils ont de bonnes idées, notamment pour l'exportation. S'ils avaient accès à des capitaux, ils pourraient donner de l'expansion à leur entreprise, créer des emplois et rehausser le PIB du Canada. Il nous faut donc davantage de ce que j'appelle le capital emprunté de risque. Les banques fournissent le capital requis en fonction de la cote de crédit des petits entrepreneurs.

En tant que gouvernement, nous devons continuer à lutter et à travailler pour que soient supprimées les barrières réglementaires et les tracasseries administratives. Nous avons fait certains progrès, à ce sujet. Or, cela demeure une préoccupation pour le secteur de la petite entreprise, et le gouvernement s'efforce toujours d'y répondre.

Comme je l'ait dit tout à l'heure en parlant des jeunes, nous avons besoin de travailleurs spécialisés. L'offre et la demande ne coïncident pas dans ce domaine. Les petites entreprises ont un urgent besoin de travailleurs spécialisés pour remplir des postes et nous disent que ces travailleurs spécialisés n'existent pas au Canada. Il faut s'attaquer à ce problème de concert avec les provinces et avec les organismes et maisons d'enseignement postsecondaire. C'est un partenariat de ce genre qu'il nous faut pour répondre à la demande de travailleurs spécialisés.

Les petites entreprises demandent aussi une certaine réduction des charges sociales, sans laquelle elles ne seront pas en mesure, disent-elles, de créer des emplois. Elles réclament en outre, notamment les micro-entreprises qui ont besoin d'aide, un programme de stimulants directs à l'embauchage. Un tel programme leur permettrait d'embaucher la ou les deux personnes de plus dont elles ont besoin pour continuer à prendre de l'expansion et à contribuer au PIB du Canada, à leur collectivité et à l'économie de leur localité.

(1245)

Ce sont là des problèmes et des préoccupations des petites entreprises de ma collectivité que partagent sans doute les petites entreprises de tout le Canada. Notre gouvernement va continuer à collaborer étroitement avec le secteur de la petite entreprise pour répondre aux besoins de celui-ci.

Le gouvernement estime que les petites entreprises sont le moteur et le fer de lance de l'économie. Nous comptons sur les petites entreprises pour aider le Canada, le gouvernement et tous les Canadiens à être concurrentiels et à créer des possibilités d'emploi et des emplois. Le gouvernement va continuer à améliorer le climat pour les petites entreprises et, certes, à leur permettre de demeurer concurrentielles au plan international. Ce secteur de notre économie est d'une importance capitale.

Pour aider à rendre le capital plus accessible aux petites entreprises, le gouvernement a annoncé il y a quelques semaines le Plan d'investissement communautaire du Canada dans le cadre duquel des localités de tout le pays participent maintenant à des programmes pilotes. La région de Lincoln a eu la chance inouïe de s'associer aux régions de Hamilton, Brantford, Burlington, Haldimand-Norfolk et aux Six Nations pour présenter, dans le cadre de ce plan, une demande qui a été acceptée.

C'est ainsi que le gouvernement va fournir les fonds d'infrastructure pour aider les localités à améliorer l'accès des petites entreprises au capital. Les petites entreprises sont les employeurs d'aujourd'hui, les moyennes entreprises et les multinationales de demain.

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'excellent exposé de mon collègue, le député de Lincoln. Je sais que le député manifeste beaucoup d'intérêt et d'enthousiasme pour les petites entreprises et les industries de sa circonscription, mais aussi pour celles de l'ensemble de notre pays.

J'ai pu m'entretenir avec un grand nombre de petits entrepreneurs de ma circonscription et ils me disent, à moi, leur député, de tenir bon et d'encourager le ministre des Finances à aller jusqu'au bout, à mettre de l'ordre dans nos finances, à maintenir bas le taux d'inflation et les taux d'intérêt, parce que c'est cela qui aide les petites entreprises et la création d'emplois qui s'ensuit.


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Ma question est fondée sur les projections que font de nombreux économistes et l'OCDE, projections selon lesquelles, en 1997, le Canada devancera tous les pays du G-7 au regard de la croissance et des progrès économiques. Que pense le député de Lincoln de cela et de toutes les mesures qui ont été prises? Considère-t-il que c'est suffisant? Y a-t-il d'autres choses que nous devrions faire pour encourager les petites entreprises, sachant que ce sont elles qui créeront de nouveaux emplois dans notre pays?

M. Valeri: Monsieur le Président, en m'entretenant avec les électeurs de la circonscription de Lincoln et avec de petits entrepreneurs d'un océan à l'autre, j'ai effectivement constaté qu'ils souhaitent que nous tenions bon. Ils veulent que nous poursuivions notre lutte au déficit, que nous nous acheminions vers sa suppression et que nous maintenions bas le taux d'inflation et les taux d'intérêt. Ils voient certainement d'un très bon oeil l'approche macro-économique du gouvernement.

(1250)

Comme l'a mentionné le député, dans les années à venir, le Canada sera en tête des pays du G-7 pour ce qui est de la croissance économique. En fait, le gouverneur de la Banque du Canada a dit hier, dans un discours prononcé à Toronto, que notre économie devrait connaître une croissance en 1997, en raison de l'approche qui a été adoptée, des taux d'intérêt qui sont bas et des mesures prises pour que le taux d'inflation ne soit pas élevé.

Que faut-il faire d'autre? Nous devons certainement veiller à ce que les petites entreprises continuent d'avoir accès aux capitaux dont elles ont besoin. Nous devons poursuivre nos efforts afin de fournir aux petites entreprises les compétences et la main-d'oeuvre dont elles ont besoin pour demeurer concurrentielles.

Pour que les petites entreprises puissent livrer concurrence à l'échelle mondiale, nous devons les aider en leur donnant les outils qui leur permettront d'exporter leurs produits. Nous devons faire en sorte que les petites entreprises prennent davantage leur place sur les marchés d'exportation. Le nombre de petites entreprises canadiennes qui exportent leurs produits n'est pas aussi élevé qu'il le devrait. Nous nous emploierons à ce que les petites entreprises aient les outils nécessaires pour pénétrer ces marchés. Nous employons à cette fin notamment l'approche de l'Équipe Canada Nous devons aussi fournir de l'information au secteur des petites entreprises. Nous devons identifier les marchés mondiaux pour ce secteur. Au niveau micro-économique, il faut intensifier nos efforts en ce sens.

Ce sont là quelques-unes des mesures que nous pouvons prendre à l'appui de l'approche macro-économique. Nous devons aussi prendre des initiatives d'ordre micro-économique pour le secteur des petites entreprises.

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt les observations du député.

Le gouvernement libéral précédent a essayé de maîtriser l'inflation en haussant les taux d'intérêt jusqu'à 24 p. 100. Il semble maintenant que cette stratégie n'ait pas été la bonne. Le premier ministre a-t-il changé si radicalement de position sur ce qui est bon et ce qui est mauvais?

J'ai entendu ce matin que le produit intérieur brut n'a augmenté que de 1,1 p. 100 l'an dernier. Le loyer de l'argent étant très faible, comment peut-il dire que le gouvernement est sur la bonne voie? Il me semble que le PIB doit augmenter plus que de 1,1 p. 100.

M. Valeri: Monsieur le Président, le député oublie de dire que si les taux d'intérêt et le taux d'inflation sont si bas aujourd'hui, c'est parce que nous avons examiné la structure et les dépenses de l'État, passé au crible les programmes, restructuré le gouvernement et réduit ses dépenses. Nous avons dit que nous ne pouvions faire plaisir à tout le monde. Nous avons décidé de mieux cibler nos efforts là où nous sommes le plus efficaces. Ce faisant, nous avons apporté les changements structurels qui ont favorisé la baisse des taux d'intérêt et du taux d'inflation.

Quand le gouvernement a adopté cette stratégie il y a quelques années, les députés d'en face ont lancé les hauts cris et affirmé que cela ne marcherait pas, qu'il fallait plutôt sabrer dans les dépenses. Telle est leur approche: Faites-le dès demain. Faites-le au plus vite. Ils ont dit que si nous maintenions le cap, nous allions nous heurter à un mur.

Nous ne nous sommes pas heurtés à un mur. Les taux d'intérêt sont maintenant bas. L'inflation est basse. Nous sommes reconnus dans le monde comme un pays qui a pris le taureau par les cornes et qui a solidifié les assises de son économie. Nous allons continuer de prospérer.

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de Kootenay-Est.

Je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le discours du Trône, même s'il y a déjà neuf mois que ce discours a été lu. D'ailleurs, plutôt que de parler du discours du Trône, nous devrions peut-être parler du vieux discours. Nous parlons aujourd'hui d'un vieux discours, d'une vieille vision et de vieilles idées éculées qui n'ont pas fonctionné dans le passé et qui ne fonctionneront pas plus dans l'avenir. Par exemple, l'idée du statut de société distincte pour le Québec, qui a été clairement et catégoriquement été rejetée par l'ensemble des Canadiens avec l'accord de Charlottetown.

(1255)

Dans le discours du Trône, le gouvernement parlait de changements législatifs et de modifications au Code criminel. Il semble qu'il y a bien eu quelques semblants de changements, mais pas les changements majeurs annoncés. Ce que l'on nous a servi est assez pauvre. Les Canadiens demandent au gouvernement, non, ils exigent du gouvernement qu'il prenne des mesures énergiques contre le crime. Par exemple, le gouvernement nous a-t-il donné une déclaration des droits des victimes? Non. Il a fallu que mon collègue de Fraser Valley-Ouest présente un projet de loi d'initiative parlementaire sur le sujet.


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La confusion règne dans notre système de justice pénale. Ce système est complètement déphasé. Il est insensible au sort des victimes et de leurs familles, il est bureaucratisé à l'excès et extrêmement lent. Nous savons tous qu'une justice différée est une justice refusée, c'est d'ailleurs une maxime en anglais. J'ai quelques exemples de tout le Canada qui montrent à quel point notre système de justice pénale est inefficace et tendre envers les criminels.

Je m'attarderai à un exemple en particulier pour illustrer le fonctionnement de ce système de justice. Il vient de ma circonscription, Yellowhead. Il s'agit du cas de Judy et Don Thwaites, de Whitecourt, en Alberta. C'est une histoire que je préférerais taire, mais elle illustre on ne peut mieux comment notre système de justice fonctionne, ou plutôt elle illustre à merveille le dérèglement de ce système.

Judy et Don avaient des enfants, dont une fille, Norma, qui avait 17 ans le 25 janvier 1981. À cette date, Norma, qui faisait des études postsecondaires à Edmonton, était en visite chez ses parents. La nuit du 25 janvier, Norma a été étranglée, puis violée par Larry Read. Norma a été laissée dans un véhicule et son corps gelé a été découvert le lendemain par des agents de la GRC. Voilà, en gros, les faits concernant cette affaire. Il n'est pas nécessaire que je donne plus de détails sur le crime odieux dont cette jeune adolescente de 17 ans a été victime.

Dans sa lettre, Mme Thwaites ne donne pas de détails sur le meurtre de sa fille, mais elle décrit plutôt le système et ses rapports avec le système. La lettre, qui m'est adressée, est datée du 29 mars 1995. L'objet: Larry Gene Read. «Je vous écris au sujet de la personne susmentionnée, Larry Read, et de ce qu'il a fait à ma fille, Norma, le 25 janvier 1981. Je vais maintenant vous raconter en détail ce qui s'est passé après que Read a été arrêté pour le meurtre de ma fille Norma.

«Read a été arrêté moins de 24 heures après le meurtre de Norma dans la ville de Grande Prairie, en Alberta, située à environ 170 milles au nord-ouest de Whitecourt, ou à environ 300 milles au nord-ouest d'Edmonton.» Un des sentiments qui se dégagent de la lettre de Judy, c'est son grand respect pour la GRC. «Nous remercions la GRC pour cette arrestation rapide et aussi pour la compréhension dont elle a fait preuve à l'endroit de notre famille, non seulement à ce moment-là, mais durant toutes les années d'agonie et de douleur que nous avons vécues depuis ce jour jusqu'à aujourd'hui. Nous avons toujours été traités avec considération durant tout le processus, c'est-à-dire l'arrestation, l'enquête préliminaire, deux procès, qui se sont échelonnés sur quatre ans, et le prononcé de la sentence. Je voudrais que les responsables du système judiciaire au Canada sachent cela au sujet de la GRC.

«Mon mari et moi étions présents à l'enquête préliminaire, qui a eu lieu à Whitecourt, en mai 1981. Elle a duré environ deux semaines et demie. Aucun représentant de l'appareil judiciaire n'a communiqué avec nous pour nous expliquer ce qui se passerait durant cette enquête.» Le projet de loi d'initiative parlementaire de mon collègue corrige ce manque total de considération à l'égard des proches de la victime.

(1300)

«Aucun représentant de l'appareil judiciaire n'a communiqué avec nous pour nous expliquer ce qui se passerait durant cette enquête. Encore une fois, c'est la GRC qui nous a dit ce que nous avions le droit de savoir légalement.» Elle pose ensuite la question suivante: «Pourquoi n'y a-t-il rien de prévu pour aider les familles des victimes à traverser ce processus complexe et angoissant? Après l'enquête préliminaire, il a été déterminé que le tribunal avait suffisamment de preuves pour qu'il y ait un procès. Celui-ci a eu lieu à Edmonton et a commencé exactement un an après la date où Norma a été tuée.»

Elle poursuit en disant à quel point tout cela a été abject: «Je comprends que les tribunaux sont débordés, mais c'est une grossière injustice envers les membres de la famille. Là encore, on ne nous a jamais informés de ce qui allait se passer. On ne nous a même jamais informés de la date du procès. Cette information nous a été fournie par le chargé d'enquêtes de la GRC, qui a été notre seul soutien moral tout au long de cette affaire.»

Elle pose ensuite une autre question: «Pourquoi le gouvernement ne fait-il pas adopter une disposition obligeant à charger quelqu'un d'informer la famille de ce qui s'est passé depuis un an-en attendant le procès-et de ce qui l'attend plus tard? Je puis comprendre qu'on n'ait pas le temps de donner tous les détails, mais on pourrait sûrement écrire une lettre pour faire connaître la date du procès quelques semaines à l'avance.» Il s'agit là également d'une disposition du projet de loi d'initiative parlementaire, dont, soit dit en passant, le comité est censé être saisi, mais je crains bien qu'il y reste bloqué très longtemps.

«Au cours du procès, jamais personne du bureau des avocats de la poursuite ne nous a informés des tactiques qu'ils allaient utiliser pour établir la culpabilité du meurtrier. Nous avons bien cherché à parler à l'avocat de la poursuite, qui nous a révélé à contre-coeur quelques éléments de la preuve qu'il prévoyait établir contre le meurtrier. Une fois le procès terminé, le juge s'est adressé aux membres du jury pour leur expliquer ce qui constituait un meurtre au premier degré, un meurtre au second degré et un homicide, mais il a commis une erreur qui a semé la confusion chez les jurés et qui a eu pour résultat de faire réduire l'accusation à celle de meurtre au second degré.

«Read a été déclaré coupable de meurtre au second degré par les jurés, qui ont recommandé de le condamner à la peine maximale de 15 ans de prison sans possibilité de libération conditionnelle anticipée. Le juge a réduit la peine de prison à 13 ans, sans que nous sachions pourquoi.» Les Thwaites ne savent pas pourquoi.

«Parce que le juge avait semé le doute dans l'esprit des jurés en leur expliquant en quoi consistaient les trois catégories de meurtre, Read a obtenu une audience pour demander un nouveau procès, et il l'a obtenu. Le deuxième procès s'est tenu quatre ans après le premier. Il a débuté en janvier 1985 et, encore une fois, ce fut un cauchemar pour nous.


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«Certains témoins du premier procès n'ont pas être joints. C'était pour nous une catastrophe, c'est le moins qu'on puisse dire. Les témoins ne parvenaient plus à se rappeler certains faits survenus cinq ans plus tôt. Qui pourrait le leur reprocher?

«Une fois de plus, la GRC nous a informés qu'il y aurait un nouveau procès. Jamais aucun représentant de l'appareil judiciaire ne nous a écrit ou téléphoné pour nous informer que nous devrions revivre l'enfer. Un tel manque d'égard de la part du système judiciaire est le plus cruel des affronts.»

Elle pose une autre question: «Quand va-t-on cesser de materner ces meurtriers? Ma fille a subi des souffrances auxquelles je n'ose même pas penser. Read n'a rien eu à supporter et encore aujourd'hui il est protégé puisqu'on l'a placé en détention protégée. Quand les autorités vont-elles enfin se rendre compte que ces psychopathes n'apportent pas grand-chose à la société?

«Après le second procès, Read a été reconnu coupable d'homicide involontaire coupable et condamné à sept ans de prison sans possibilité de libération conditionnelle. Ce fut pour nous un coup terrible, comme vous pouvez le supposer. J'éprouvais une profonde rage devant l'iniquité de notre soi-disant justice, en laquelle j'avais cru comme tant d'autres Canadiens. Je suis maintenant beaucoup plus avisée. La justice n'existe pas dans notre pays et les gens commencent à se dire que notre système judiciaire n'a rien d'un système judiciaire, mais qu'il constitue plutôt une industrie juridique.

«Six ans après que Norma eut été tuée et violée par Larry Read, mon médecin a dû me référer à quelqu'un d'autre parce qu'il ne pouvait pas m'aider à surmonter la rage que je ressentais face à toutes les injustices que j'avais subies, et la terrible douleur d'avoir perdu ma fille, non pas dans un accident de la circulation ou à cause d'une maladie, mais aux mains d'un être humain qui l'avait délibérément assassinée pour son propre plaisir.»

(1305)

Un gouvernement réformiste ferait passer les droits des victimes avant ceux des criminels.

Voici ce que dit cette femme au sujet des services d'aide: «À l'époque, on ne connaissait personne au Canada qui ait reçu la formation nécessaire pour aider les victimes de crimes de ce genre. J'ai eu la chance d'être référée à un certain docteur Watson, à Edmonton, qui avait une connaissance approfondie des psychopathes. Il m'a dit qu'il connaissait bien mon cas parce qu'il en avait discuté avec ses collègues et avait lu les comptes rendus de l'affaire dans les journaux. Ce médecin a été la première personne à me dire que Read était un psychopathe et que sa maladie était incurable.

«Il m'a également dit qu'il n'avait jamais conseillé ni reçu de formation pour conseiller des personnes ayant subi la perte d'un proche parent victime de meurtre. À sa connaissance, personne au Canada n'avait reçu de formation au Canada ou n'était allé aux États-Unis ou ailleurs pour en recevoir».

Le président suppléant (M. Milliken): J'hésite à interrompre le député, mais j'ai déjà tenté de lui faire signe. Son temps de parole est écoulé. Je crois qu'il partage ses vingt minutes avec le député de Kootenay-Est.

Il y aura maintenant cinq minutes de questions ou observations.

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, le député peut-il nous dire comment cette femme a réagi à l'aide qu'elle a finalement obtenue de ce médecin?

M. Breitkreuz (Yellowhead): Monsieur le Président, il n'y a tout simplement pas d'aide disponible. Il n'a pas pu l'aider.

Mais l'affaire ne s'est pas arrêtée là. Read a été condamné à une peine de sept ans. On l'a laissé sortir après six ans et, seulement quelques années plus tard, après sa libération conditionnelle anticipée, comme cela se produit tout le temps dans ce pays, il a de nouveau commis un crime odieux qu'il est difficile de décrire à la Chambre.

En Colombie-Britannique, où il avait abouti, il est entré dans une maison où il a trouvé, tranquillement assises, deux petites filles âgées de 9 et 12 ans. Il les a battues, les a traînées dans le sous-sol et, avec un couteau, leur a coupé le vagin jusqu'au ventre. Il ne les a pas tuées, mais il les a certainement marquées pour le reste de leurs jours.

Il n'y a actuellement rien, au Canada, qui prévoie quoi que ce soit pour aider les victimes de violence. C'est pourquoi notre collègue a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire à ce sujet. C'est tout ce que j'ai à ajouter sur ce que j'avais dit.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, alors que nous poursuivons le débat sur le discours du trône, il est très intéressant de voir le nombre de choses qui ont changé et le nombre de choses qui n'ont pas changé.

Clairement, les choses qui n'ont pas changé se trouvent du côté des libéraux. L'une des choses les plus intéressantes a été la réaction des libéraux, l'an dernier, quand le Canada a frôlé la désintégration, à 50 000 voix près.

Il y a un vieux dicton qui dit que si ce n'est pas cassé, il ne faut pas essayer de le réparer. Mais dans le cas présent, c'est cassé et il faut le réparer.

Nous avons les conservateurs, les libéraux et les néo-démocrates, et à eux trois ils n'arrivent même pas à nous sortir une idée neuve. Ils n'ont rien de nouveau à proposer. Il n'y en a pas un qui soit capable de prendre le taureau par les cornes et de faire les choses différemment.

Mon collègue a dit que, trois jours avant le vote, le premier ministre avait eu l'idée géniale mais totalement discréditée de société distincte. Idée qu'il a proposée à la Chambre des communes et dont il a imposé l'adoption. Il voulait aussi donner le droit de veto au Québec.


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(1310)

Mais comme il n'a pas réussi, nous nous retrouvons maintenant avec cinq régions qui ont chacune un veto, ce qui réduit à néant toute possibilité d'apporter le moindre changement à la structure de ce pays et à façon dont nous nous gouvernons. Voilà ce qu'a fait le premier ministre. La plus imaginative parmi ses ministres, la ministre du Patrimoine canadien, la vice-première ministre, veut retourner en 1967 et ranimer le merveilleux esprit national de l'époque avec son programme de distribution de drapeaux, programme qui, d'après un fonctionnaire de son ministère, devait à l'origine coûter entre 6 et 7 millions de dollars.

Selon le Globe and Mail, le gouvernement a fait volte-face et évalué le coût du programme à 23 millions de dollars. Puis on nous annoncé qu'en fait il coûtera 8 millions de moins que ça. Nous savons seulement que plus de 600 000 drapeaux seront distribués aux gens de toutes les régions du pays, que ceux-ci le désirent ou non.

En fait, un article paru aujourd'hui dans Le Devoir indique que 15 de ces drapeaux ont été expédiés à des personnes qui ne voulaient pas du tout recevoir le drapeau du Canada. L'auteur de l'article écrit: «Le drapeau, il est dans un tiroir.» Mon bureau est envahi par des gens qui viennent nous dire qu'ils ne voulaient pas de ces drapeaux et qu'ils vont retourner ceux qu'ils ont reçus. En fait, mon bureau reçoit des drapeaux qu'on nous transmet en nous demandant de les retourner à la ministre.

Ce geste correspond à l'ancienne vision. Notre ministre du Patrimoine est une véritable meneuse de claque. Où est donc la nouvelle vision, la vision du Parti réformiste? Permettez-moi de citer le chef du Parti réformiste:

Au cours des dernières décennies, le Canada a été gouverné en fonction d'une idéologie voulant qu'un gouvernement central omniprésent et dépensier soit la solution à tous les problèmes, y compris celui de l'unité nationale. Le Parti réformiste ne craint pas de repenser en profondeur le rôle du gouvernement. Nous croyons que notre plan, axé sur la décentralisation et une importance accrue de la responsabilité locale, est réaliste et capable de nous mener vers un Canada plus fort et plus uni. Ce plan nous aidera à atteindre notre objectif commun, soit de garder le Québec au sein de fédération.
Examinons un peu ce qui s'est produit durant la dernière période préréférendaire. Un article paru dans le Globe and Mail du 30 octobre 1995 rapporte que, selon une enquête menée en 1995, 25 p. 100 des Québécois croyaient qu'ils pourraient encore élire des députés fédéraux. Près de 30 p. 100 d'entre eux croyaient pouvoir conserver les liens économiques qu'ils entretiennent actuellement avec le reste du Canada et plus de la moitié s'imaginaient qu'ils allaient garder le passeport canadien.

Ces choses-là ne sont pas acquises. L'ensemble de la population canadienne devra en discuter et se mettre d'accord. Aucune discussion n'a eu lieu pour savoir ce qui se passerait si les Québécois décidaient de voter en faveur de la séparation d'avec le Canada. Pas de discussion, pas de plan d'urgence, pas d'explication sur les répercussions qu'aurait pour les Québécois la décision de voter pour la séparation.

Si on se reporte à l'époque qui a précédé le référendum, on se rappellera que tous les vieux partis ont vilipendé le Parti réformiste qui offrait une nouvelle vision qu'ils ne comprenaient vraiment pas. On nous vilipendait pour avoir tenu des propos du type « Pourquoi ne pas faire connaître aux Québécois les faits tels qu'ils sont? » ou «Pourquoi ne pas prévenir les Québécois qu'ils ne vont pas avoir la vie facile?»

On nous a vilipendés en disant que nous nous préparons à ce qu'il y ait séparation. Or, il n'en est rien. Moi et les députés de mon parti sommes des fédéralistes convaincus qui réclament le maintien de l'unité de ce pays et nous ferons tout notre possible pour garder ce pays uni. Mais ce pays restera uni si on rétablit la vérité, si on expose les faits tels qu'ils sont, si on s'engage dans des discussions franches et honnêtes.

Dans le nouveau Canada que le Parti réformiste entrevoit, nous assisterons à une réduction des besoins fiscaux du gouvernement fédéral. À l'instant même, dans notre pays, il y a des gens qui, par des transactions au noir et d'autres moyens détournés, se soustraient à leurs obligations fiscales parce qu'ils estiment que les impôts sont trop élevés et qu'ils ne veulent pas être parties à une telle politique.

(1315)

Je voudrais dire clairement, en particulier à quiconque travaille pour le ministère du Revenu, que je n'approuve pas l'action des gens qui cherchent à échapper à leurs obligations fiscales. Je dis simplement qu'il y a une certaine fatigue fiscale dans ce pays et que les gens font tout ce qu'ils peuvent pour se soustraire à l'impôt. Cela devient un problème sérieux pour nos relations sociales.

Nous chercherions à réorienter les pouvoirs du gouvernement fédéral sur dix domaines d'importance nationale. Nous réformerions les institutions fédérales pour les rendre plus démocratiquement responsables et plus sensibles aux intérêts régionaux. Nous chercherions à créer un Sénat EEE, une Chambre qui ferait contrepoids à la Chambre des communes qui est basée sur une forme de représentation selon la population. Deux tiers des sièges sont concentrés en Ontario et au Québec. Nous estimons qu'un Sénat EEE, avec une représentation égale de toutes les provinces, donnerait un certain équilibre régional face aux pouvoirs de la Chambre des communes. Nous décentraliserions d'autres pouvoirs du gouvernement pour donner à toutes les provinces la liberté de se développer comme leurs citoyens le désirent et les ressources pour ce faire.

Le Québec n'est pas la seule société distincte dans ce pays. Il a une distinction supplémentaire, la langue. Mais, en fait, est-ce que les Acadiens ne sont pas aussi une société distincte? Est-ce que les gens du nord de l'Alberta, qui sont arrivés d'Europe au début des années 1900, ne sont pas une société distincte? Ce dont nous parlons ici, c'est d'une demande de la population canadienne, et une demande tout à fait valable. Elle veut avoir son mot à dire et échapper un peu à l'emprise du gouvernement fédéral. Voilà l'aspect positif de ce que nous proposons.


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De l'autre côté de la médaille, nous dirions aussi que des négociations de sécession doivent respecter les principes de la légitimité démocratique, la règle du droit et les intérêts du Canada. Le droit des Canadiens d'une province qui ferait sécession à rester au sein du Canada et à soumettre une pétition au Parlement dans ce but doit être respecté.

Je voudrais citer M. Gilles St-Laurent, de Québec, qui disait: «Je pense que la population du Québec aimerait avoir plus de contrôle sur ses propres affaires et être moins sous l'influence d'Ottawa. C'est pourquoi je pense que le plan du Parti réformiste, celui de donner plus de pouvoirs aux provinces, est un de ceux qui est le plus susceptible de conserver le Québec au sein de la fédération.»

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, je remercie le collègue pour ses propos, mais je voudrais lui demander s'il reconnaît que la demande de reconnaissance de société distincte ne vient pas du Bloc québécois, ne vient pas du gouvernement du Québec. C'est le premier ministre qui en a fait la promesse, y compris la promesse de constitutionnaliser la société distincte, promesse qu'il n'est pas été capable de tenir.

Le Québec est un peuple et une nation, pas une province comme les autres. C'est la base essentielle sur laquelle nous pouvons discuter et que seul, d'après ce que nous voyons tous les jours, un référendum sur la souveraineté peut permettre d'établir d'une façon qui permette ensuite de se parler de peuple à peuple.

[Traduction]

M. Abbott: Monsieur le Président, je suis en désaccord sur un point et je suis parfaitement d'accord sur l'autre.

Lorsque la députée laisse entendre que le Québec est, contrairement à toute autre province, un peuple et une nation, je tiens à dire rspectueusement que je ne suis pas d'accord. En effet, il y a, sans aucun doute, beaucoup de gens au Québec qui viennent de familles qui vivent dans la province depuis des générations. Le Canada est composé d'une société qui, dans une plus ou moins large mesure, ressemble à cela. Sur les 29 ou 30 millions d'habitants du Canada, environ neuf sont des immigrants arrivés récemment au pays. Je ne peux être d'accord avec la députée lorsqu'elle affirme que sa province est une nation du fait qu'il y a un certain nombre de gens qui viennent de familles qui sont établies dans la province depuis très longtemps.

(1320)

Cependant, j'admets que ni le Bloc ni le Parti québécois ne réclament qu'on reconnaisse le Québec comme une société distincte. Il est tout à fait clair dans ce cas-ci que le premier ministre essaie de tenir une vaine promesse qui n'a absolument aucune valeur.

Pour être réaliste, le Québec est une société distincte à bien des égards et les Québécois se distinguent notamment par les rapports qu'ils ont entre eux et, chose certaine, par leur joie de vivre. Selon moi, cette joie de vivre québécoise ajoute à la culture du Canada de façon merveilleuse. Les Québécois constituent une société distincte en ce sens.

Voici où réside le problème. Au moment où on consacre dans la loi des mots d'emploi courant, soit société distincte, tout à coup ces deux mots deviennent des bâtons ou des instruments qui peuvent être manipulés de diverses façons qu'on ne peut même pas imaginer. En effet, on insère ces mots de bonne foi dans la loi et tout à coup, on s'aperçoit que cela limite notre liberté d'action.

Par exemple, si la Société Radio-Canada veut sabrer dans certaines de ses émissions, elle pourrait avoir les mains liées. Si l'expression «société distincte» figurait dans la Constitution et était reconnue légalement, tout à coup, on pourrait prétendre qu'étant donné que la programmation française appuie le concept de société distincte qui est consacré par la Constitution, on ne peut alors sabrer que dans les services anglais de la Société Radio-Canada mais pas dans les services en français, au Québec. Ce n'est là qu'un exemple.

On ignore totalement les conséquences imprévues de l'inclusion de l'expression «société distincte» dans la loi. Ainsi, on ne devrait jamais insérer cette notion dans la Constitution.

M. John Richardson (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de me joindre au débat et de commenter le discours du Trône.

Le Parti libéral est fier de son bilan depuis ses trois années à la tête du gouvernement. La plupart des engagements énoncés dans le livre rouge et dans le premier discours du Trône ont été remplis ou sont sur le point de l'être.

Le discours du Trône expose le plan d'action du gouvernement pour la deuxième moitié de son mandat. Pourtant, il ne s'agit pas tant d'une nouvelle orientation que prendra le gouvernement que d'un effort pour s'inspirer des réalisations qu'il a connues jusqu'ici. Au cours de son premier mandat, le gouvernement a jeté les bases d'une prospérité renouvelée. Le discours du Trône renferme les piliers que nous avons continué de renforcer. Le discours du Trône porte surtout sur trois domaines principaux: la sécurité des Canadiens, la modernisation de la fédération, ainsi que l'emploi et la croissance. Il est incontestable que chacun de ces trois domaines revêt une importance cruciale.

La sécurité des Canadiens répond aux préoccupations que nous avons tous au sujet de l'avenir de nos programmes sociaux. Un solide filet de sécurité est très important pour tous les citoyens. Lorsque nous demandons aux Canadiens ce qui rend notre pays exceptionnel, ils disent immanquablement qu'il s'agit du filet de sécurité sociale. Aujourd'hui, des programmes comme l'assurance-maladie font partie du tissu canadien et représentent une valeur fondamentale chère aux Canadiens.

Le Parti libéral comprend l'importance de la place des Canadiens dans l'avenir de ces programmes. Il comprend à juste titre que c'est le Parti libéral qui a donné le jour à ces programmes. Comme nous le savons tous, les temps ont changé depuis leur mise en oeuvre. Comme le discours du Trône le dit avec raison, des changements


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s'imposent pour assurer le maintien de notre filet de sécurité sociale. Cependant, en fin de compte, nous nous assurerons que nos programmes sociaux réformés protégeront toujours ceux qui en ont le plus besoin.

(1325)

Le deuxième grand objectif du discours du Trône concerne l'unité nationale. Le souvenir du référendum d'octobre dernier reste encore gravé dans la mémoire de tous les Canadiens. Le Canada ne doit jamais plus se retrouver dans la situation où il était le 30 octobre dernier. Cependant, les résultats du référendum traduisaient un message clair. Il s'agissait d'un message préconisant le changement, et ce désir de changement est partagé par les habitants de toutes les régions du pays. Le gouvernement fédéral admet qu'il faut de nouvelles méthodes et il collaborera avec les provinces pour moderniser la fédération.

Le gouvernement propose de travailler avec tous ses partenaires pour explorer de nouvelles possibilités. Le premier ministre a demandé à tous les Canadiens de manifester un esprit d'ouverture et de prendre part à ces changements. Le gouvernement fédéral a déjà procédé à des changements importants depuis deux ans. Il continuera de faire tout ce qu'il faut pour moderniser davantage la fédération canadienne. Au bout du compte, il est important de se rappeler que ce qui unit les Canadiens est beaucoup plus fort que ce qui les divise. Les valeurs que nous partageons sont toujours aussi pertinentes.

Même si le référendum a fait sourcillé bien des gens, la tendance vers le nationalisme n'est pas une caractéristique unique à notre pays. L'histoire a montré que bien d'autres pays sont venus à bout de circonstances similaires. Même si le nationalisme avait le vent en poupe en octobre dernier, la menace séparatiste s'apaisera et le calme reviendra.

Les emplois et la croissance, c'était le thème final du discours du Trône. J'aimerais en parler d'une façon plus détaillée.

Depuis l'arrivée du Parti libéral au pouvoir en novembre 1993, plus de 600 000 emplois ont été créés. Le taux de chômage a baissé. Dans la circonscription que je représente, le taux de chômage était de 7 ou 8 p. 100. Aujourd'hui, il se situe à 4,7 p. 100. Je sais bien que ce n'est pas la même chose partout au Canada, mais la tendance est encourageante puisque le taux de chômage décrit une spirale vers le bas.

Le gouvernement n'entend pas s'asseoir sur ses lauriers. Il reste du travail à accomplir. C'est pourquoi le discours du Trône étaient centré sur trois éléments: les jeunes, les sciences et la technologie, et le commerce. Ce sont les éléments clés pour assurer à l'avenir le maintien de la réussite en matière de création d'emplois et de croissance.

Pas besoin d'être un génie pour comprendre que le taux de chômage chez les jeunes est beaucoup trop élevé. On l'a déjà dit, mais on ne le répétera jamais assez, les talents de nos jeunes gens représentent la plus grande ressource du Canada pour l'avenir. Les jeunes Canadiens ont besoin de plus d'aide pour réussir la transition vers le monde du travail et de plus d'aide pour décrocher le premier emploi si crucial.

Pour résoudre ce problème, le gouvernement fédéral travaillera de concert avec les provinces et avec le secteur privé pour créer de nouveaux emplois et de nouvelles perspectives d'emploi pour les jeunes. Le discours du trône a exposé à grands traits l'intention du gouvernement de doubler l'ampleur des programmes fédéraux visant à créer des emplois d'été pour l'été dernier comme pour les années à venir. Le gouvernement a également incité le monde des affaires à créer des emplois pour les jeunes.

En partenariat avec les provinces, avec le secteur privé et avec les jeunes eux-mêmes, nous nous efforcerons de créer des possibilités d'emploi pour les jeunes Canadiens. C'est en travaillant ensemble que l'on pourra résoudre le problème du chômage chez les jeunes.

Le second élément abordé sous le thème de la création d'emplois et de la croissance économique a trait aux sciences et à la technologie. Le Canada s'est acquis la réputation de chef de file dans le domaine de la technologie innovatrice. Dans le marché mondialisé d'aujourd'hui, cela veut dire plus d'emplois, des emplois durables et de qualité pour les Canadiens. Il faut cependant un leadership solide pour veiller à ce que le Canada demeure un chef de file dans ce domaine.

Pour assurer une croissance permanente, le gouvernement continuera à soutenir le développement technologique dans l'industrie aérospatiale, les technologies de l'environnement et les technologies clés, telles la biotechnologie.

Le gouvernement remplira l'engagement qu'il a pris dans le livre rouge en lançant un réseau canadien de technologie afin de promouvoir la diffusion de la technologie. Le ministre de l'Industrie en a annoncé tout récemment la mise sur pied, et des nouvelles sur les progrès de la technologie de pointe seront bientôt présentées sur l'autoroute de l'information. Elles parviendront dans des régions du Canada qui n'avaient jamais pu avoir accès à cette autoroute électronique. Le gouvernement s'est efforcé d'en améliorer l'accès dans les régions septentrionales et rurales. En soutenant ainsi le développement technologique et en restant à l'avant-garde dans ces domaines, le Canada continuera de jouir d'un avantage concurrentiel sur le marché mondial de la technologie.

(1330)

Le commerce est un autre élément du programme d'action du gouvernement pour la création d'emplois et la croissance économique. Les exportations canadiennes ont augmenté en flèche depuis deux ans. D'un mois à l'autre, Statistique Canada rapporte une hausse sensible de nos exportations, mais ces bonnes nouvelles sont devenues monnaie courante dans les pages de nos quotidiens consacrées à l'économie. Quand on additionne ces chiffres, ils révèlent un véritable phénomène économique.

En 1995, les exportations de marchandises canadiennes ont augmenté de plus de 20 p. 100, et notre excédent commercial a connu une augmentation spectaculaire de 63 p. 100 depuis 1994. Ces bonnes nouvelles se trouvent renforcées par le fait que cette croissance rapide est diversifiée et se produit dans tous les principaux marchés mondiaux. Grâce à cette robuste expansion, le commerce est devenu le plus important facteur de création d'emplois et de croissance au cours de deux dernières années. Nous devons mainte-


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nant tabler sur nos réalisations et exploiter nos réussites. C'est pourquoi le discours du Trône parle de la poursuite des missions d'Équipe Canada qui, jusqu'à maintenant, nous ont rapporté plus de 20 milliards de dollars en nouveaux marchés, montant qui ne cesse d'augmenter, comme il nous a été donné de le constater hier encore.

Tant qu'il y aura des marchés inexploités, le Canada doit sans cesse être aux aguets, à la recherche de nouveaux acheteurs pour ses biens et services. Le gouvernement annoncera aussi de nouvelles mesures de financement pour soutenir le développement des exportations.

Enfin, le gouvernement poursuivra ses efforts pour élargir le cadre de l'ALENA et libéraliser davantage le commerce mondial. Plus nombreux seront les marchés, plus considérables seront les ventes, et plus il y aura d'emplois pour les Canadiens. En prenant l'initiative pour ouvrir des marchés à nos produits, en soutenant les secteurs de croissance dans le domaine des sciences et de la technologie et en donnant à nos jeunes les compétences nécessaires pour réussir, nous garantissons notre prospérité. C'est le thème central du discours du Trône: le maintien de la prospérité. Tous les éléments du discours portent sur la prospérité et sont solidaires les uns des autres.

Un Canada moderne et uni est un Canada stable. La stabilité améliore notre capacité de création d'emplois et de croissance. Le maintien du niveau de prospérité permet aux Canadiens de continuer à profiter des programmes sociaux qui leur tiennent à coeur, et le Canada fait l'envie du monde. En assurant un leadership ferme et un bon gouvernement comme il est expliqué dans le discours du Trône, le Parti libéral nous ouvre la voie de la prospérité, à l'aube du XXIe siècle.

[Français]

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté le discours de mon confrère et je dois dire que je ne partage pas tout à fait la satisfaction qu'il éprouve du discours du Trône. Si vous me permettez, je reprendrai à ma façon les points dont il a parlé en lui donnant l'autre côté de la médaille.

Il nous parle de sécurité, de la modernisation de la Constitution et de l'emploi. Il a parlé de la sécurité sociale au Canada, mais il a oublié de nous dire si les programmes sociaux vont demeurer tels quels, malgré toutes les coupures faites par le gouvernement fédéral dans le transfert aux provinces.

En ce qui concerne la modernisation de la Constitution, il nous parle d'unité nationale. Il nous dit que depuis le référendum, le gouvernement a compris qu'il y a un désir de changement. À l'heure actuelle, non seulement le gouvernement n'a rien déposé pour satisfaire la demande des Québécois, mais le premier ministre nous dit qu'il ne veut pas parler de Constitution. Dernièrement, il admettait qu'il en a déjà assez fait, alors que pour nous, tout ce qu'il a fait, c'est déposer une motion concernant la société distincte, une motion qui ne veut rien dire.

Quant à l'emploi, ce n'est pas beaucoup mieux. On nous dit avoir créé 600 000 emplois, mais le député a oublié de nous dire que depuis ce temps-là, on en a perdu 800 000. Et le taux de chômage est là pour le prouver. Le taux de chômage est en moyenne de 9,4 à 10 p. 100.

(1335)

Le député reconnaît qu'il y a beaucoup de chômage chez les jeunes mais qu'ils créeront des emplois d'été. Un emploi d'été ce n'est pas un avenir pour un jeune, ça permet tout simplement de gagner l'argent dont il a besoin pour poursuivre ses études. Ce sont surtout les jeunes qui ont fini leurs études qui sont au chômage. C'est là que commence l'avenir pour un jeune. Il n'y a absolument rien là à cet effet.

On nous dit que les exportations ont augmenté. Dans bien des cas les exportations sont tout simplement des richesses naturelles. Ce qui est important c'est la valeur ajoutée aux richesses naturelles qui créera de l'emploi pour les jeunes. Il nous parle de la prospérité mais oublie de nous parler de la dette. Qu'est-ce qui ralentit l'économie présentement? Pourquoi a-t-on un taux de chômage si élevé? C'est tout simplement la dette. J'aimerais que le député nous parle de la dette et de quelle façon elle pourra être diminuée dans un avenir prochain?

[Traduction]

M. Richardson: Monsieur le Président, le député a soulevé un certain nombre de questions, mais au sujet d'une ou deux affirmations qu'il a faites, il devrait revoir ses additions et ses soustractions. Lorsqu'on ramène le taux de chômage à moins de 10 p. 100, il est évident que le nombre d'emplois augmente considérablement.

L'absence d'investissements directs dans certaines régions du pays s'explique en partie par le sentiment d'instabilité qui semble y régner. L'effet déstabilisateur des référendums est perçu dans certaines régions du pays. Ceux qui sont à l'origine de cet effet de déstabilisation devraient, à mon avis, en assumer une partie des responsabilités.

Le député mentionne d'autres facteurs. Ceux qui examinent nos marchés d'exportation et la nature de nos exportations devraient analyser la situation de près et la proportion de nos exportations attribuable aux produits à valeur ajoutée. Le député serait très surpris de constater la proportion de nos exportations que représentent la vente de produits à valeur ajoutée. Parmi les marchandises qu'exporte sa propre province se trouvent des produits à valeur ajoutée qui se vendent très bien sur les marchés étrangers, comme les moteurs fabriqués pour l'industrie aérospatiale.

Il y a bien d'autres bonnes nouvelles au sujet du Canada. L'économie se redresse lentement. Au cours des deux dernières semaines, la Banque du Canada et d'autres grandes banques ont observé une augmentation des sommes déposées au Canada pour y être investies de même que la hausse de la valeur du dollar canadien. Tout cela semble annoncer une reprise de l'activité économique. On prévoit que le Canada affichera l'an prochain le plus fort taux de croissance de tous les pays du G-7.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, qu'il est intéressant de parler aujourd'hui, le 7 novembre, du discours du Trône du 27 février 1996. Non seulement nous pouvons nous douter que ce que le gouvernement nous annonce est largement de la poudre aux yeux, mais désormais nous pouvons en être sûrs.


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Je rappellerai rapidement que le discours du Trône du gouverneur général au nom du gouvernement avait trois grands thèmes: une économie forte, la sécurité des Canadiens et un pays moderne et uni. On peut penser que le premier ministre prenait ses désirs pour des réalités.

(1340)

On vient d'entendre encore combien l'économie est forte. Un des problèmes majeurs, graves de ce pays, pas seulement du Québec mais du Québec aussi, est qu'il y a un très grand nombre de citoyens-et j'ose dire un nombre croissant de citoyens et citoyennes-qui ne pensent pas que la récession est terminée, qui ne pensent pas que c'est le meilleur pays au monde, parce que la vie, pour eux, est plus dure et l'espoir plus absent.

Qu'en est-il de la sécurité des Canadiens et des Québécois? Ce gouvernement est parvenu à réduire son déficit, mais qui a payé, paie encore et paiera la note? Ce sont les personnes qui en avaient le moins les moyens et qui en ont toujours moins les moyens. Permettez-moi de rappeler, parce qu'on ne le dira jamais assez, que le gouvernement n'aurait pas ce portrait à montrer s'il n'avait pas coupé substantiellement et dans l'assurance-chômage et dans les transferts sociaux. C'est là qu'est le gros de la réduction du déficit.

Rappelons qu'il y a eu deux réformes successives de l'assurance-chômage et que le gouvernement s'est fait élire en disant «jobs, jobs, jobs». Or, qu'a-t-il fait? Coupures à l'assurance-chômage et dans les transferts sociaux ont été sa principale réponse.

En ce qui concerne les emplois, pour avoir maintenant l'équivalent du nombres de personnes employées qu'il y avait en 1990, il faudrait plus de 870 000 emplois. Une des raisons importantes de la baisse du taux de chômage est la baisse du taux d'activité. Ce n'est pas glorieux. Cela veut dire que non seulement il y a moins de personnes employées, mais aussi qu'il y a moins de personnes qui se cherchent un emploi. Ces personnes ne sont pas toutes retournées aux études.

Ces coupures successives à l'assurance-chômage font en sorte, et c'est important de le dire, qu'il y aura en 2001, 1,2 milliard de moins en prestations d'assurance-chômage pour le Québec seulement. Ce sont les chiffres officiels d'Emploi et Immigration devenu Développement des ressources humaines, et j'ai compris, depuis hier, qu'il deviendra le ministère de l'Union sociale. Cela signifie que ce sont les personnes qui seront en chômage, dans les régions où il y a de fortes concentrations de chômage, qui participeront à l'effort de réduction du déficit. Ce sont les régions et les personnes qui en ont le moins la capacité qui participent le plus.

Qu'en est-il du Transfert social canadien? Je rappellerai qu'au Québec, depuis des années, on dit avoir moins d'investissements structurants, moins d'investissements en recherche et développement, moins de dépenses ordinaires du gouvernement faites au Québec. Depuis que les conservateurs ont osé donner le contrat des CF-18 à Canadair, le seul autre investissement qui a été fait, avec tambours et trompettes, a été un prêt de 87 millions duquel d'ailleurs nos collègues d'à côté n'ont pas cessé de se plaindre.

(1345)

On dit que ça nous fâche parce qu'on a plus que notre part de chômeurs et d'assistés sociaux, ce qu'on veut ce sont des investissements structurants. Eh! bien, on n'est même plus capables de dire ça parce qu'avec les coupures à l'assurance-chômage et à l'aide sociale plus ça va, plus ces subventions interrégionales, comme ils disent dans les grands livres, diminuent. C'est vrai pour le Québec et c'est également vrai pour les Maritimes, je ne me suis jamais privée de le dire. Dans les Maritimes, on a élu largement des libéraux. La première réaction a été de fortes coupures et ensuite d'autres coupures.

S'il y a quelqu'un ici qui prétend qu'il ne faut pas aider les gens à sortir de ce qu'on a appelé la dépendance c'est certainement moi. Ce n'est pas moi qui m'y opposerai. Mais pour ça, il faut que les communautés aient de vrais moyens.

Le Transfert social canadien est venu remplacer ce qui était depuis plusieurs années une sorte de redistribution entre les régions les plus riches et les régions les plus pauvres pour assurer un minimum vital à toutes les régions. C'est loin d'assurer les mêmes capacités dans toutes les régions en éducation, en santé ou en aide sociale. Ces subventions diminuent continuellement depuis leur entrée en vigueur. Mais depuis l'annonce faite en 1995, elles ont diminué de façon considérable, sept milliards répartis sur deux ans. De ces sept milliards, le Québec absorbe plus que le quart parce qu'il a plus que sa proportion d'assistés sociaux.

Le pire dans cette prétendue union sociale, c'est que, désormais quand il y aura davantage de personnes à l'aide sociale, ce qui ne manquera pas, l'aide n'augmentera pas. Même si le commun des mortels pense qu'on n'est pas sorti de la récession, il y en a une autre qui va nous tomber sur la tête. Peut-être pas l'année prochaine, mais un jour.

Malgré tous les pronostics voulant que l'économie du Canada va exploser, il reste qu'on a un taux de croissance de seulement de 1 p. 100. Un pour cent de croissance ce n'est pas loin de zéro. On va revenir à un moment donné, dans deux ans, à une récession alors il y aura de nouveau plus de personnes à l'aide sociale. Et qui paiera pour ces personnes qui vont être ajoutées à l'aide sociale? Ce sera le Québec qui ne recevra pas d'aide spéciale et les autres provinces pauvres.

Quand on entend parler d'union sociale et de préservation du filet social canadien et que, du même souffle, le gouvernement fédéral se félicite de l'efficacité de sa lutte au déficit, on ne peut faire autrement que d'être extrêmement en colère. En réalité, dans le contexte actuel, ces coupures à l'assurance-chômage et au Transfert social canadien rendent pénible la vie des personnes qui n'ont pas d'emploi, qui dépendent du soutien gouvernemental. C'est d'autant plus choquant, frustrant que ces coupures, causées directement par le Transfert social canadien, et indirectement par les coupures à l'assurance-chômage, doivent être faites par le gouvernement provincial.

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Celles qui sont causées par le Transfert social canadien directement et, indirectement, par les coupures à l'assurance-chômage


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doivent être faites par le gouvernement du Québec. Que ce soit en matière d'éducation, de santé ou d'aide sociale, les trous causés par ces fins de subventions sont graves.

Quand la troisième partie du discours du Trône parle d'un pays moderne et uni, dans ces conditions, alors qu'au niveau social la situation a largement empiré et qu'au niveau de la reconnaissance du peuple et de la nation québécoise rien n'est fait, le discours du Trône apparaît comme un exercice au mieux fantaisiste.

Je sais que mes propos peuvent choquer, mais s'il y en a ici qui s'imaginent que ce n'est pas extrêmement choquant que de vivre la situation qu'on vit au Québec, qu'ils y pensent un peu. La situation que nous avons vécue depuis le mois de janvier, depuis le caucus des libéraux, c'est qu'au lieu de chercher à faire une place, une vraie place au Québec, pas une reconnaissance d'une société distincte à la gomme, constitutionnalisée, alors qu'elle n'est même pas constitutionnalisable dans l'état actuel des choses, société distincte qui n'est pas ce qu'on veut, qui n'est pas ce qu'on est, alors que ce qu'on a connu depuis ce temps-là, qu'est-ce que c'est? C'est toute une panoplie de menaces voilées, ouvertes, directes, indirectes.

Le plan B-on pourrait dire B pour bâton-sert à essayer de faire peur, à essayer de convaincre les Québécois de ne jamais chercher à être souverains. Pas de faire qu'ils soient bien, pas de faire qu'ils aient une place, pas de faire qu'ils soient dignes dans ce pays, non, qu'ils aient peur. On sait bien que dans l'histoire ça ne marche jamais.

Récemment, on a vu sortir, parce que sans doute les élections s'en viennent, un plan A pour «appât», un plan A qui est, ma foi, bien maigre, extrêmement maigre. Quel est-il? Ce serait la constitutionnalisation de la société distincte et une nouvelle expression: l'union sociale canadienne.

Le ministre du Développement des ressources humaines a livré hier un discours généreux dans les mots mais qui, d'aucune espèce de façon, ne fait place au Québec. Il témoigne, comme d'ailleurs l'initiative prise par l'Ontario à l'occasion de la conférence de Jasper, d'une volonté des Canadiens, à l'exclusion des Québécois, de réformer le Canada. Je crois que c'est heureux que les «Canadians» discutent entre eux de la façon dont leur pays serait le mieux gouverné, de la façon dont ils gèrent les politiques sociales. Mais une chose est certaine, c'est qu'il n'y a là rien pour le Québec. Non seulement il n'y a rien pour le Québec, mais les deux mouvements qui sont à l'oeuvre depuis des années, l'un portant sur une réforme canadienne des provinces canadiennes, et l'autre sur la croissance de la force de ce mouvement des Québécois qui se reconnaissent et se veulent peuple et nation, ces deux mouvements vont en sens inverse.

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Pourtant, tout est là pour qu'ils se reconnaissent. Tout est là à une condition, c'est que le Québec soit reconnu comme peuple et nation, afin que d'un côté, les provinces canadiennes qui cherchent-et c'est souhaitable et nécessaire-à réorganiser leur pays à leur convenance, sans qu'on ne les en empêche, puissent le faire, et que de l'autre, le Québec se réorganise à sa manière avec tous ses moyens, sans qu'à son tour, le Canada ne l'empêche, et que les deux préservent l'espace économique et s'entendent sur d'autres éléments, si bon leur semble.

Là serait le vrai avenir, au-delà des discours que nous devons livrer ici, où la vérité, même quand elle est crue, doit aider à ce qu'on se comprenne, une vérité qui, au-delà des discours, permettrait d'arriver à créer les conditions qui feront qu'on pourra tous travailler à ce qui est essentiel, à ce qui presse, à ce à quoi les jeunes aspirent, qu'ils soient au Canada ou qu'ils soient au Québec.

Sans doute nous entendrons bientôt un autre discours du Trône. Combien tôt? Je ne le sais pas. Sans doute avant les prochaines élections. Une chose est certaine: nous allons surveiller, comme vous savez que nous le faisons, le sort qu'on fait aux besoins des Québécoises et des Québécois. Nous allons continuer non seulement pour le bien du Québec, mais, nous en sommes convaincus aussi, pour le bien du Canada, à dire qu'il n'y a qu'une façon pour qu'enfin nous puissions construire un avenir qui va nous permettre chacun, dans le Canada et au Québec, de nous respecter, de nous entraider mutuellement, et nous sommes convaincus que cela passe par la souveraineté du Québec.

Le Président: Mes collègues, comme il est presque 14 heures, nous allons passer aux déclarations de députés.

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