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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL

L'Ordre du jour appelle:

19 novembre 1996-Le ministre du Travail-Deuxième lecture et renvoi au Comité permanent du développement des ressources humaines du projet de loi C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence.
L'hon. Alfonso Gagliano (ministre du Travail et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je propose:

Que le projet de loi C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi sur la déclaration des personnes morales et des syndicats et d'autres loi en conséquence, soit immédiatement renvoyé au Comité permanent du développement des ressources humaines.
Nous référons le projet de loi C-66 au Comité permanent de la Chambre du développement des ressources humaines afin qu'il l'étudie et nous fasse ses recommandations.

Le projet de loi C-66 amende la partie I du Code canadien du travail et modifie la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats. Le Code canadien du travail n'a pas fait l'objet d'une réforme. . .

[Traduction]

M. Johnston: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Il ne semble pas y avoir d'interprétation anglaise.

Le vice-président: Je demanderais au ministre du Travail de s'interrompre un instant pour que nous puissions nous assurer que l'interprétation fonctionne bien.

[Français]

M. Gagliano: Monsieur le Président, je disais donc que le Code canadien du travail n'a pas fait l'objet d'une réforme en profondeur depuis plus de 25 ans. Il fallait donc le moderniser en regardant fermement vers l'avenir. Nous avons pris cet engagement, j'aimerais le rappeler à mes collègues, lors du dernier discours du Trône.

Mon premier objectif est d'assurer une approche ordonnée des relations de travail. Je crois sincèrement que des règles claires et bien équilibrées entre les droits et les responsabilités des différentes parties sont essentielles au bon fonctionnement de notre système de négociations collectives.

Je crois aussi que la réforme proposée par notre gouvernement répond précisément à ces critères d'équilibre. C'est pourquoi elle a reçu un endossement substantiel des parties régies par le Code canadien du travail.

[Traduction]

Les modifications proposées à la partie I du Code canadien du travail sont importantes, opportunes et essentielles, mais non radicales. Elles ne révolutionneront pas notre système, mais elles favoriseront des relations ouvrières-patronales empreintes de coopération et des négociations collectives constructives.

Nous voulons mettre au point un cadre législatif positif. La mesure à l'étude crée un ensemble de règles justes et équitables pour le processus de négociation collective. Elle permettra aux parties de définir leurs propres conventions et d'avoir la flexibilité nécessaire pour trouver des solutions appropriées aux pressions concurrentielles de notre environnement en pleine évolution.

Notre ensemble de réformes reflète un large consensus parmi les parties intéressées et répond aux recommandations du groupe de travail indépendant présidé par Andrew Sims. Ces recommandations figurent dans le rapport intitulé Vers l'équilibre.

(1030)

[Français]

Nous voulons améliorer l'administration du Code. C'est pourquoi nous remplaçons le conseil actuel par le Conseil des relations industrielles qui, avec des responsabilités élargies, sera plus efficace et plus représentatif du milieu.

Nous avons resserré le processus de négociation pour permettre un règlement plus rapide et harmonieux des différends grâce à un avis de négociation quatre mois avant l'expiration de la convention collective; une seule procédure de conciliation en une seule étape; un vote secret dans les 60 jours avant un arrêt de travail; et un préavis de 72 heures avant une grève ou un lock-out.

Nous voulons favoriser de meilleures communications entre les employés, les employeurs et leur syndicat. D'autre part, nous reconnaissons le droit des patrons d'exprimer directement leur point de vue aux employés, à la condition de ne pas user de pratiques déloyales. Par ailleurs, le syndicat pourra obtenir du Conseil la liste des employés travaillant à l'extérieur des entreprises et l'autorisation de les contacter, à la condition de protéger leur vie privée et leur sécurité.

Au fil des ans, jamais les groupes patronaux et syndicaux n'ont réussi à trouver un consensus sur la question des travailleurs de


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remplacement. Il fallait donc faire des choix. Au terme d'une méticuleuse analyse, le gouvernement a privilégié une approche modérée, raisonnable, qui, une fois de plus, équilibre les droits et les responsabilités des uns et des autres.

L'équation repose sur la bonne foi des intervenants. Dans des circonstances normales, l'employeur pourra avoir recours à des travailleurs de remplacement pendant un arrêt de travail légal. Toutefois, si la preuve est faite que cette mesure vise à miner la capacité de représentation d'un syndicat, plutôt qu'atteindre les objectifs légitimes de négociation, une telle pratique serait considérée comme étant déloyale.

Nous accordons donc au syndicat le droit de référer tout cas litigieux directement au Conseil des relations industrielles qui est habilité à interdire le recours aux travailleurs de remplacement pendant le conflit.

Notre réforme prévoit aussi que les travailleurs de remplacement ne font pas partie de l'unité de négociation, de sorte qu'ils ne peuvent participer à aucun vote, y compris le retour au travail. Au terme de l'arrêt de travail, les syndiqués auront le droit de retrouver leur ancien poste avant tout autre employé. Ils pourront aussi conserver divers avantages sociaux pendant l'arrêt de travail, à condition d'assumer le paiement des primes. De plus, tout congédiement ou mesure disciplinaire pourrait être soumis à l'arbitrage.

[Traduction]

Pendant tout arrêt de travail, nous devons nous assurer que soient maintenues les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité du public. Aucune activité particulière ne sera précisée dans le code. J'estime que les parties devraient avoir l'occasion de négocier une entente. Si elles n'y parviennent pas, le conseil aura le pouvoir de trancher la question.

Une importante modification garantit que les droits à la négociation collective et la convention collective seront maintenus en cas de transfert d'activités d'un gouvernement provincial au gouvernement fédéral. Cela est particulièrement important en cette époque où les changements de propriété peuvent être fréquents. Cette disposition préviendra les perturbations inutiles dans les relations patronales-syndicales et dissuadera ceux qui voudraient profiter d'un changement d'autorités compétentes pour se soustraire à leurs obligations relatives aux négociations collectives.

Le point suivant a trait aux contrats successifs de fourniture de services dans l'industrie aéroportuaire. Quand un marché de services, comme le ravitaillement d'avions en carburant ou le contrôle de sécurité, est transféré par suite d'un changement de fournisseur, le nouveau fournisseur est tenu de verser une rémunération équivalente aux employés. Dans le passé, à l'expiration de chaque contrat, un groupe de travailleurs composé essentiellement de femmes et d'immigrants perdaient leur rémunération et leur emploi. J'estime que notre responsabilité première est de protéger ces travailleurs contre un processus concurrentiel au terme duquel le marché serait accordé à celui qui paye les plus bas salaires.

Cette modification nivellera les conditions pour tous les fournisseurs de services dont les employés sont syndiqués et réduira les taux de remplacement, ce qui constitue un élément important du maintien du niveau de sécurité la plus élevée possible dans nos aéroports.

(1035)

En vertu du nouveau code, les manutentionnaires de grain et leurs employeurs conserveront le droit de grève ou de lock-out. Dans l'éventualité d'un arrêt de travail d'autres parties d'activités portuaires, y compris, les débardeurs, les services relatifs au transport du grain doivent être maintenus.

Le transport du grain est une industrie évaluée à plusieurs millions de dollars. Nous exportons du grain dans plus de 70 pays et le gagne-pain de plus 130 000 agriculteurs dépend de notre réputation en tant que fournisseur et exportateur fiable.

Quand un arrêt de travail de débardeurs ou d'autres travailleurs portuaires perturbent les exportations de grain, l'imposition d'une loi spéciale est devenue la réaction normale. Cela a effectivement découragé les parties à régler eux-mêmes leurs différends.

L'obligation de maintenir les services qui touchent l'expédition de grain amènera les parties à régler leurs différends d'une manière moins destructrice, à assumer la responsabilité de leurs propres actes et à renoncer à recourir au Parlement pour le règlement de leurs différends. Nous croyons que cette mesure préviendra la vaste majorité des perturbations des exportations de grain dans les ports canadiens.

En 1999, nous réexaminerons l'efficacité de la loi et, au besoin, nous envisagerons des mesures plus sévères comme celles qui ont été recommandées par la Commission d'enquête sur l'industrie des ports de la côte ouest pour régler cet important problème pour tout le pays.

Enfin, je voudrais qu'il soit absolument clair que les modifications proposées à la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats ne diminuent en rien l'obligation des syndicats de rendre des comptes. Au contraire, Statistique Canada a trouvé un moyen plus efficace, plus efficient et plus économique pour recueillir les données. Celles-ci seront comprises dans le sondage de la main-d'oeuvre que Statistique Canada reçoit tous les mois de la part des syndicats.

Cette simple opération fera économiser 300 000 $ par année à Statistique Canada tout en fournissant des données fiables sur une base régulière. C'est donc une amélioration sensible par rapport à la pratique précédente, et je suis heureux de la présenter dans le projet de loi C-66.

[Français]

En guise de conclusion, j'aimerais partager avec mes collègues une sage réflexion contenue dans le rapport Sims. Le rapport soutenait, et je cite: «Le Code canadien du travail doit faire la part des choses entre des valeurs et des intérêts opposés; ceux des travailleurs et ceux des patrons; les priorités sociales et les priorités économiques; il doit aussi équilibrer droits et responsabilités; ceux des individus et ceux de la majorité; l'intérêt public et la libre négociation collective.»

Voilà précisément ce que nous avons voulu faire avec cette réforme du Code canadien du travail. Je demande donc à mes


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collègues d'appuyer cette motion. Ainsi, le projet de loi C-66 sera immédiatement étudié par le Comité permanent. Toutes les parties intéressées pourront faire valoir leur point de vue devant les députés membres du comité qui nous feront par la suite rapport des suggestions.

C'est ainsi que tous mes collègues peuvent contribuer à faire du Code canadien du travail un outil moderne et utile, tant au patronat qu'aux syndicats, pour résoudre leurs conflits de travail.

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, le moins que l'on puisse dire, ce matin, c'est que la réforme du Code canadien du travail, le ministre va en convenir, était attendue. À plusieurs reprises, nous nous sommes levés dans cette Chambre pour poser des questions concernant l'une ou l'autre des dispositions du Code, et chaque fois, le ministre nous renvoyait au dépôt de la réforme qu'il a faite, il y a trois semaines. Je voudrais qualifier de façon générale la réforme que le ministre nous propose en disant qu'il y a certainement des éléments qui témoignent de sa bonne volonté.

Je sais bien que le ministre est un homme courtois, mais j'ai le sentiment que le ministre n'est pas allé jusqu'au bout de sa pulsion réformiste et qu'il a été un peu inhibé dans certaines de ses interventions. J'espère bien que nous aurons l'occasion, en comité, de pousser le ministre à aller plus loin, à se dépasser, et de faire en sorte que le projet de loi soit encore meilleur, puisque vous savez que c'est là le rôle de l'opposition et vous avez pris conscience depuis fort longtemps que c'est un travail à plein temps.

(1040)

Cela étant dit, il y a des choses positives. Évidemment, quand le ministre propose des mesures qui vont dans le sens d'une plus grande célérité dans l'audition des parties, nous ne pouvons que souscrire à cela. Quand le ministre nous propose la possibilité de convoquer un seul tribunal, un tribunal d'une seule personne pour faire en sorte que l'on puisse être plus diligents dans le travail du Conseil canadien des relations de travail, nous en sommes. Quand le ministre veut changer le nom du Conseil canadien des relations de travail, qui est passé très près d'une crise qui a failli conduire à son éclatement, l'hiver dernier, nous en sommes.

Ce que le ministre devra préciser, cependant, c'est s'il entend se rendre, dans le projet de loi que nous étudierons au Comité du développement des ressources humaines, à la volonté exprimée, à maintes reprises, de faire en sorte que le Conseil canadien des relations de travail, tribunal quasi judiciaire extrêmement important dans l'équilibre que le ministre souhaite atteindre, le ministre entend-il se rendre à la revendication d'en faire un organisme véritablement représentatif? Auquel cas, va-t-il acquiescer à la demande de faire en sorte que les membres puissent être nommés à partir de listes qui seront déposées, comme cela se fait dans d'autres instances gouvernementales? Et pour bien s'assurer que les décisions du Conseil canadien des relations de travail ne soient jamais remises en cause, il faut convenir, à ce moment-là, que le Conseil canadien des relations de travail doit devenir un outil représentatif.

Trop souvent, par le passé, il est arrivé que des nominations ne reflétaient pas tout le talent, l'expertise et la connaissance qu'on est en droit d'attendre des gens qui siègent à ce tribunal quasi judiciaire.

Le ministre sait très bien que, à l'instant où on se parle, il y a une disposition qui est plutôt vague dans le projet de loi. Le ministre dit qu'il va consulter. Évidemment, consulter, c'est quelque chose qui n'est pas précis. Il est vrai que lorsque l'on fait des nominations de cette portée, c'est important, mais je crois que l'équilibre serait beaucoup mieux servi si le ministre pouvait s'inspirer de listes qui sont présentées à la fois par le patronat, à la fois par le syndicat, et à partir de ces listes, répondre aux vacances qui peuvent survenir à l'un ou l'autre des moments de la vie du Conseil.

Vous comprendrez également que cette réforme, et la position de l'opposition, et la bonne entente qui nous animera dans les prochaines semaines, parce qu'on est très conscients, de ce côté-ci de la Chambre, qu'on s'engage dans un processus qui sera relativement long, puisque le Code canadien des relations de travail est un outil extrêmement important à la démocratie syndicale, vous êtes bien conscients que toute la question des travailleurs de remplacement va être au centre de nos préoccupations.

Je dois dire que c'est sans doute l'aspect du projet de loi qui est le plus décevant. C'est sans doute l'aspect du projet de loi où le ministre s'est le plus fait violence à lui-même, où il n'a pas été à l'intérieur de ce qu'il aurait eu le goût de faire. On peut dire que ce que le ministre nous propose peut certainement être qualifié par le philosophe Pascal, comme une réforme dont on pourrait dire que «le centre est nulle part et la périphérie partout».

On ne sait pas d'où ça sort. Cela ne sort pas du rapport Sims, cette volonté de dire que l'on va reconnaître le droit au recours à des travailleurs de remplacement seulement lorsque le rôle de représentativité du syndicat sera miné. Tout d'abord, cela ne s'inscrit dans aucun courant jurisprudentiel. Il n'y a aucun partenaire. Je mettrais au défi le ministre de se lever et de nous dire qui, à l'occasion de la révision dans le cadre du groupe de travail Sims, a demandé une formule comme celle-là? Qui demande, tant du côté patronal que du côté syndical, une formule aussi alambiquée, une formule dont on ne sait pas quels vont en être concrètement les résultats et quelle en sera la portée?

Il suffit que la négociation se poursuive un tant soit peu, il suffit que l'on soit assis à la même table, pour dire qu'on ne va pas miner la représentativité des syndicats et faire en sorte qu'on n'a pas le droit au recours à des travailleurs de remplacement.

Je ne peux souscrire à la phrase du ministre qui dit que s'il n'y a pas de consensus, le ministre ne peut pas aller de l'avant. Je crois que c'est mal connaître le contexte dans lequel est survenue la législation adoptée par l'Assemblée nationale en 1977. S'il faut attendre qu'il y ait un consensus, c'est évident qu'en pareille matière, nous sommes condamnés au statu quo et je crois que ce serait un manque de courage de la part des législateurs et de la part des parlementaires que nous sommes que de ne pas permettre cet exercice profondément sain en démocratie, dans un cadre balisé. On convient que cela ne doit pas se faire de n'importe quelle manière, qu'il faut baliser le cadre d'exercice du recours aux travailleurs de remplacement.

(1045)

Je crois qu'il faut se rendre à ce qu'a demandé la FTQ, la CSN, le Congrès du travail du Canada et l'inscrire très concrètement au nombre des pratiques déloyales. C'est vrai, à l'instant où on se parle, il y a sept pratiques déloyales qui existent, libellées, définies dans la Code canadien du travail.

Qu'est-ce qu'une pratique déloyale? C'est une allégation selon laquelle un employeur, un syndicat ou un particulier a pris part à une


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activité interdite par le Code canadien du travail. Pourquoi ne pas l'avoir inscrite nommément, clairement, sans ambiguïté? Il aurait été beaucoup plus facile, pour le Conseil canadien des relations de travail, de faire les arbitrages qui s'imposent.

On convient, de part et d'autre, que la grève est un moyen ultime. On reconnaît qu'il doit y avoir des étapes intermédiaires. Mais pour les cas où c'est inévitable-et on reconnaît que cela fait partie de la démocratie syndicale-je crois qu'il aurait été souhaitable que cela figure clairement au titre des pratiques déloyales reconnues, au même titre que l'article 24, que l'article 50 portant sur la négociation de mauvaise foi, que l'article 94 traitant de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires du syndicat, au même titre que l'article 37 qui concerne le devoir de juste représentation du syndicat, de même que l'article 95 qui porte sur les actes interdits pour les syndicats.

Je le répète, cela sera le centre de la réforme. Vous savez bien que c'est une revendication pour laquelle l'opposition officielle ne lâchera pas prise. On invitera le ministre à aller jusqu'au bout de sa pulsion réformiste, parce que je sais bien que le ministre n'est pas un être conservateur.

Il y avait également une revendication importante des syndicats concernant la question des changements technologiques. À plusieurs reprises, le ministre s'est levé en cette Chambre et a rappelé combien le marché du travail était en mutation, à quel point les pratiques traditionnelles sont en train de se résorber.

Une des revendications importantes était le droit de recourir à la grève, de réouvrir une convention collective lorsque des changements technologiques importants interviennent entre la période où on a signé une convention collective et celle où on a le droit de la renégocier. Je pense qu'il y a là un point qui doit nous animer. Il y a un travail d'interpellation que l'on devra faire en comité concernant cette revendication.

Je crois que le ministre aurait dû également aller au bout du rapport Sims et prendre acte d'une revendication, d'une recommandation très importante concernant les pouvoirs qui lui sont dévolus. Le ministre ne peut pas avoir oublié, tout studieux qu'il est, qu'il y avait une recommandation très claire qui proposait l'abolition de huit pouvoirs, donc d'autant d'articles de loi, qui donnent présentement des pouvoirs au ministre qui apparaissent un peu archaïques dans la façon de faire et la réalité d'aujourd'hui.

Je pense à l'article 57 concernant son pouvoir de nommer les arbitres et le conseil d'arbitrage, à l'article 59 concernant son droit de recevoir des copies des sentences arbitrales, à l'article 71 concernant le droit de recevoir les avis de différends. Il y en a une huitaine comme ça. Je crois que de part et d'autre, les membres du groupe de travail Sims s'entendaient pour dire que ces pouvoirs étaient un peu désuets.

Vous comprendrez également la déception de l'opposition en ce qui a trait à la GRC. Nous avions même-et c'est le travail de celui qui vous parle-déposé une motion pour inviter le ministre à mettre fin à la situation discriminatoire vécue par les travailleurs et les travailleuses de la GRC. La GRC est le seul corps policier au Canada qui n'a pas le droit de négocier collectivement ses conditions de travail.

Je crois que le rapport Sims avait été très clair. Le ministre en est sûrement au courant. On reconnaissait qu'il n'était pas souhaitable d'accorder le droit de grève. D'ailleurs, il n'y a personne parmi les travailleurs de la GRC qui demande ce droit. Ce que l'on demande, c'est le droit à la négociation collective, avec un arbitrage obligatoire, une formule très répandue parmi les corps policiers municipaux.

Une autre omission majeure, sur laquelle on aura l'occasion d'intervenir lors de l'étude en comité, touche une revendication très importante de l'Alliance canadienne de la fonction publique, que le ministre tient en haute estime jusqu'à preuve du contraire. L'Alliance canadienne de la fonction publique demandait à ne plus être assujettie à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, mais d'être couverte par le Code canadien du travail.

(1050)

Pourquoi l'Alliance canadienne de la fonction publique et ses travailleurs et travailleuses se sont-ils exprimés démocratiquement sur une revendication comme celle-là? Parce que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est ainsi faite qu'elle ne leur donne pas le pouvoir de négocier des dispositions aussi importantes que la sécurité d'emploi prévue par une loi autre que celle sur les relations de travail. C'est également vrai pour la protection contre les changements technologiques, la classification des postes, les nominations, l'avancement et les mutations.

En conclusion, je reconnais que le ministre est animé par une bonne foi, cette bonne foi qui l'a toujours caractérisé, mais nous devrons pousser plus loin la réforme qu'il nous propose et nous devrons nous rendre à un certain nombre de changements majeurs souhaités, notamment par le milieu syndical. Je suis convaincu qu'à la fin de l'exercice auquel on se livrera en comité, le ministre fera siennes les revendications de l'opposition officielle.

[Traduction]

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, le Code canadien du travail n'a pas été modifié depuis plus de vingt ans. Au cours de cette période, la population active s'est transformée de façon radicale grâce à l'expansion rapide de la technologie.

Dans l'ensemble, le Code du travail nous a bien servis et il suffira de quelques changements pour améliorer le fonctionnement du Conseil canadien des relations du travail et pour faire en sorte que les grèves et lock-out n'affectent pas la santé, la sécurité et le bien-être économique des Canadiens.

Les projets de loi présentés par le gouvernement actuel montrent à l'évidence qu'il a tendance à aller trop loin, comme en témoigne notamment l'enregistrement des armes à feu.

Dans le cas du projet de loi C-66, le gouvernement empiète beaucoup trop sur les droits des travailleurs, des employeurs et de la population en général. Soucieux de plaire à tout le monde en même temps, le gouvernement a imposé ce projet de loi vicié au ministre du Travail.

Le Code canadien du travail régit seulement 700 000 travailleurs, mais les industries relevant de la compétence du gouvernement fédéral sont dans bien des cas le cordon ombilical des fabricants, producteurs et industries de transformation canadiens. Ces


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industries sont principalement axées sur les services et participent à la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes au Canada. En raison du caractère unique du régime fédéral, il arrive souvent que des sources de remplacement ne soient pas disponibles.

Toute loi et réglementation devrait viser à créer un environnement propice à la croissance économique.

Le gouvernement devrait saisir l'occasion pour remplir une des promesses du livre rouge, c'est-à-dire créer des emplois, en s'assurant que le Code canadien du travail permette aux entreprises et à leurs employés de bénéficier de règles du jeu équitables.

On sait que les impôts tuent l'emploi. Les programmes d'infrastructure du gouvernement et autres projets de création d'emplois ne créent pas d'emplois permanents. De vagues lois et règlements adoptés à la pièce n'en créeront pas davantage.

Comme le chômage se situe à 10 p. 100 et touche 1,4 million de personnes et que plus d'un Canadien sur quatre craint de perdre son emploi, on s'attend normalement à ce que le gouvernement fasse tout son possible pour créer un environnement stable favorable aux entreprises.

La semaine dernière, le ministre du Commerce extérieur a dévoilé une étude qui montre que le coût d'établissement, après impôt, d'une entreprise au Canada est en moyenne 6,7 p. 100 moins élevé qu'aux États-Unis. Ces chiffres sont une bonne nouvelle pour les Canadiens et pourraient servir de catalyseur à la création d'emplois par des entreprises qui cherchent un endroit pour prendre de l'expansion et pour investir.

Le gouvernement devrait les aider en leur offrant une infrastructure sûre et fiable qui leur garantirait la libre livaison de leurs produits au marché et la libre réception des matières premières. Le projet de loi C-66 ne ferait que brouiller la situation et aurait pour effet de décourager plutôt que d'encourager la croissance économique et la création d'emplois.

Tous les Canadiens ont intérêt à ce que nous ayons un accès fiable aux services essentiels, à ce que l'emploi demeure à l'intérieur de nos frontières, à ce que nous nous bâtissions et maintenions une réputation d'exportateurs fiables.

Des relations de travail stables contribueront à encourager les investissements et les réinvestissements. Le projet de loi C-66 ne clarifie pas ce qui constitue un service essentiel, ni ce que c'est que miner la capacité de représentation d'un syndicat lorsqu'il est fait appel à des remplaçants en cas de grève ou de lock-out. Ce n'est pas juste pour les travailleurs, les employeurs ou les tiers qui ont souvent le plus à perdre dans les conflits de travail qui se produisent dans les industries sous régime fédéral.

Des tas de témoins qui ont comparu devant la commission d'enquête sur les relations de travail dans les ports de la côte ouest ont parlé des répercussions des grèves et des lock-out sur les agriculteurs et les producteurs dont les produits ne peuvent plus atteindre les marchés.

(1055)

Ces témoins ont convaincu les membres de la commission qui, à son tour, a fait un certain nombre de recommandations valables pour régler le problème. Malheureusement, les auteurs de cette mesure législative n'ont pas tenu compte de l'avis de la commission et sont arrivés à une solution que l'on peut au mieux qualifier d'édulcorée ou de partielle.

Cette demi-mesure permettrait de veiller à ce que le grain, une fois arrivé au port, soit chargé sur les bateaux. Cependant, elle ne contient aucune disposition permettant de veiller à ce que le grain arrive au port en cas de conflit de travail à un autre niveau du système. En cas de conflit, il sera fait appel au Parlement qui devra légiférer le retour au travail de tous les travailleurs.

Ces 20 dernières années le Parlement a légiféré la fin de 19 grèves dans le secteur de la manutention et du transport du grain. Les syndicats, le patronat, les producteurs et les transformateurs ont intérêt à ce que les conflits puissent être réglés sans l'intervention du Parlement.

Face à l'importance croissante de l'économie mondiale, il est nécessaire que l'acheminement des marchandises par les ports canadiens se fasse de façon fiable et ininterrompue. L'interruption coûteuse des affaires gouvernementales est inutile. Une certaine réglementation est nécessaire au niveau des divers paliers de gouvernement, mais il n'est pas pratique de mettre en place des mesures d'urgence chaque fois que le syndicat et le patronat n'arrivent pas à une entente satisfaisante. Les différends entre les deux parties peuvent être réglés sans qu'il soit besoin d'interrompre le cours régulier des affaires gouvernementales.

Il faut mettre en place un mécanisme de règlement permanent et équitable, qui ne soit pas soumis aux caprices du gouvernement. Nous avons besoin d'une mesure législative permanente qui permette aux deux parties de s'en tenir à des règles prévisibles et à un calendrier de négociation. Le Canada a un système de transport et une infrastructure de communications de classe internationale qui devraient être à l'abri des fermetures.

Toute perturbation dans l'exploitation courante des secteurs vitaux des transports empêche l'économie nationale de fonctionner. Les conséquences potentielles d'un arrêt de travail, même de courte durée, dans n'importe quel service fédéral, sont catastrophiques pour l'entreprise canadienne et pour l'économie du pays dans son ensemble. Une grève dans le secteur du rail ou des transports routiers perturbe l'industrie automobile qui doit constamment acheminer les produits finis, les matières premières et les pièces dans toute l'Amérique du Nord.

Les gens de l'Ouest dépendent considérablement des chemins de fer. Chaque année, environ 80 millions de tonnes de marchandises, en grande partie des produits en vrac comme le grain, le charbon, le soufre et la potasse, quittent les Prairies par chemin de fer à destination des consommateurs sur les marchés national et internationaux. Pour le CN et le CP, 50 p. 100 du tonnage et une même proportion de recettes ont pour origine les Prairies.

Même s'il est impossible de fixer un prix aux torts faits à notre réputation d'exportateurs fiables, les coûts directs du différend dans


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les ports de la côte ouest, en 1994, se montaient, selon certaines estimations, à plus de 125 millions de dollars. Les coûts indirects, les pertes de marchés futurs, etc. dépassaient 250 millions de dollars et menaçaient 500 millions de dollars de ventes de grain.

Nous devons minimiser les risques pour les emplois canadiens. Non seulement un nombre important d'emplois seront perdus dans le secteur de l'exportation si ces différends ne peuvent pas être résolus, mais les emplois et les ports seront en danger lorsque l'on commencera à utiliser des moyens de remplacement pour expédier les marchandises. L'utilisation de ports américains pourrait entraîner une perte de tonnage et une perte d'emplois dans les ports canadiens.

J'ai fréquemment recommandé ici l'arbitrage des propositions finales et j'ai fait la même recommandation au groupe de travail Sims et à la commission d'enquête sur les ports de la côte ouest. L'arbitrage des propositions finales est un outil pour résoudre efficacement et de façon permanente les conflits de travail dans les secteurs qui relèvent de la compétence fédérale. C'est une forme d'arbitrage qui ne favorise ni un côté ni l'autre. Je vais vous rappeler comment il fonctionne.

Si le syndicat et l'employeur ne peuvent en venir à une entente avant la fin du contrat, le syndicat et l'employeur fournissent au ministre le nom d'une personne qu'ils recommandent conjointement comme arbitre. Le syndicat et l'employeur soumettent ensuite à l'arbitre une liste des points sur lesquels ils se sont entendus et une liste des points qui font toujours l'objet d'un différend. Pour les questions non résolues, chaque partie soumet son offre finale. L'arbitre choisit alors la proposition finale soumise par le syndicat ou celle soumise par l'employeur; il prend l'une ou l'autre en totalité. La décision de l'arbitre est alors exécutoire pour les deux parties.

Les mesures contenues dans le projet de loi C-66 ne permettront pas, toutefois, d'atteindre l'équilibre que recherche le ministre. Elles ne conduiront pas à des relations de travail harmonieuses et elles ne préviendront pas l'interruption de l'acheminement des produits vers les marchés.

(1100)

Si le Canada espère jouer un rôle important sur les marchés mondiaux, il nous appartient en tant que législateurs de ne pas nous mêler des relations de travail, mais de mettre en place des mesures législatives logiques et saines permettant aux travailleurs et aux entreprises de fonctionner.

M. Maurizio Bevilacqua (York-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir à la Chambre aujourd'hui pour parler du projet de loi C-66 qui modifiera la partie I du Code canadien du travail, ainsi que la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats. Je suis heureux parce que ce projet de loi illustre bien tout le potentiel qui se concrétise lorsque le gouvernement, les syndicats et le patronat travaillent en collaboration, dans un climat de confiance et de coopération.

Le projet de loi modernisera le volet du Code canadien du travail portant sur les relations de travail et il facilitera, pour les travailleurs et le patronat, l'adaptation à une économie de plus en plus mondiale et la réussite dans un tel contexte.

Cela est particulièrement vrai lorsqu'on songe que les modifications proposées toucheront quelque 700 000 Canadiens dans diverses industries de base comme l'activité bancaire, les télécommunications, la radio et la télédiffusion, le transport ferroviaire, routier et aérien, l'exploitation des aéroports et bien d'autres encore. Ces industries forment la charpente de notre économie nationale. Dans bien des cas, ce sont elles aussi qui offriront les emplois de l'avenir.

Il est si rare de voir le patronat et les syndicats partager la même opinion qu'il était important de le mentionner ici je crois.

Il est vrai qu'un travail considérable a été investi dans la préparation de cette mesure législative. Le projet de loi C-66 est le résultat d'un vaste processus de consultations qui ont été menées par une équipe d'intervention réunissant des experts en relations de travail et par un groupe de travail formé de représentants des employeurs et des organisations syndicales, et qui ont aussi donné lieu à une série de rencontres entre le ministre du Travail, les syndicats, le patronat et les autres parties en cause.

L'équipe d'intervention était présidée par Andrew Sims, un avocat d'Edmonton spécialisé dans l'arbitrage et le règlement des conflits de travail. Il a été admirablement secondé par deux collègues chevronnés, une arbitre, spécialiste de la médiation et des enquêtes, Mme Paula Knopf de Toronto, et un arbitre québécois, professeur à l'Université Laval, M. Rogrigue Blouin.

Le groupe de travail a reçu plusieurs mémoires et a rencontré des délégations d'employeurs et de syndicats ainsi que des représentants des milieux universitaire et juridique un peu parout au pays. Il a également invité les organisations syndicales et patronales dont les membres sont assujettis au Code canadien du travail à créer un groupe de travail qui sera chargé de débattre ces questions en vue d'en arriver à un consensus.

Son rapport, intitulé «Vers l'équilibre», expose le consensus auquel en est arrivé le groupe de travail syndical-patronal dans un certain nombre de dossiers. Outre ses propres conclusions et celles du groupe de travail dont il vient d'être question, le groupe de travail Sims a pris en compte les recommandations de la Commission d'enquête chargée d'étudier les relations de travail dans les ports de la côte ouest, qui a soumis son rapport en décembre 1995.

Quand la partie syndicale et la partie patronale expriment leur appui aux recommandations du groupe de travail en vue d'aboutir à cet équilibre, on peut à juste titre parler d'exploit. Le consensus réalisé est un bon exemple de ce qu'on peut accomplir quand on travaille ensemble dans un climat marqué au coin de la bonne foi et du respect mutuel.

Sous plusieurs aspects, le projet de loi C-66 témoigne du consensus qui s'est fait entre les employeurs et les syndicats. Ces modifications permettent au gouvernement d'agir comme une force de changement. Le gouvernement propose des stratégies visant à moderniser le code, à encourager les parties à régler leurs différends en agissant moins comme des ennemis.

Au nombre des modifications figure la création d'un nouveau conseil représentatif, le Conseil canadien des relations industrielles, qui se composera d'un président et de vice-présidents impartiaux et d'un nombre égal de membres représentant les employés et leurs employeurs. Ce conseil remplacera l'actuel Conseil canadien des relations de travail qui n'a rien d'un organisme représentatif.


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Le nouveau conseil jouira d'une flexibilité accrue, ce qui lui permettra de régler d'une façon rapide les problèmes, qu'ils soient courants ou urgents. Les pouvoirs du conseil seront clarifiés ou élargis pour qu'on étudie pleinement les questions complexes liées aux relations industrielles, comme les questions découlant de la révision des unités de négociation ou des ventes d'entreprises, et pour qu'on trouve des remèdes appropriés en cas de pratiques déloyales de travail, comme le fait de ne pas négocier de bonne foi.

L'actuel processus de conciliation en deux étapes sera remplacé par un processus en une seule étape, assorti d'un choix de procédures, qui prendra au plus 60 jours.

Le droit de grève ou de lock-out sera assujetti à la tenue d'un vote au scrutin secret dans les 60 jours précédents sous réserve d'un préavis de 72 heures.

(1105)

Les parties engagées dans un arrêt de travail seront tenues de maintenir les services nécessaires pour protéger la santé et la sécurité du public. En cas d'arrêts légaux de travail décrétés par une tierce partie dans les ports, les services touchant les expéditions de céréales seront maintenus.

Il n'y aura aucune interdiction générale concernant le recours à des travailleurs de remplacement. Cependant, si on y recourt en vue de miner la capacité de représentation du syndicat, le conseil peut déclarer que ce recours constitue une pratique déloyale de travail et ordonner à l'employeur de cesser d'y recourir pendant la durée du conflit.

Les employés auront droit au maintien des programmes d'assurances et d'avantages sociaux pendant un arrêt de travail.

Les modifications confirmeront également le droit des employés de l'unité de négociation qui étaient en grève ou en lock-out de reprendre leur poste au terme d'un arrêt de travail, de préférence à toutes les personnes engagées pour les remplacer.

En tant que président du Comité permanent du développement des ressources humaines, je m'attends à ce que le débat soit très intéressant et à ce que d'autres opinions soient formulées par des députés de tous les partis. Nous trouverons des moyens d'améliorer cette mesure législative.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir, ce matin, sur le projet de loi C-66, d'autant plus, je vous dirais que, peut-être, en quelque sorte, nous, de l'opposition, et moi, en tant que critique officielle à l'époque de la grève du rail, j'en ai peut-être incité en partie la rédaction.

Je me souviens en effet, alors que la grève du rail se déroulait à travers le Canada, que nous, du Bloc québécois, défendions le droit à l'exercice de la grève, suivant le Code canadien du travail, que de nombreux Canadiens nous disaient que nous mettions en danger le Canada. Je répétais alors: «If the Canadian economy cannot afford the Canadian Labour Code, then change it. Until then, we defend those who use the Canadian Labour Code.»

Alors, ce que je comprends, c'est que le gouvernement a voulu modifier le Code canadien du travail pour qu'il aide mieux à la résolution des conflits dans des industries qui sont vitales pour l'économie du Canada.

Nous ne pouvons pas ne pas être d'accord avec l'intention. Cependant, et mon collègue critique qui a fait un éloquent discours l'a dit abondamment, nous allons le répéter et je suis certaine que nous allons l'entendre abondamment au moment des audiences du comité, cette intention ne peut pas être favorisée par n'importe quelle disposition. En matière de relations de travail, rien ne peut être plus pernicieux, pour le législateur, que de penser que ce qu'il doit rechercher, ce n'est pas l'équilibre des forces. Le législateur doit savoir que dans la vraie vie, dans la réalité quotidienne, si des syndicats forts se sont forgés, c'est qu'il y avait des entreprises fortes et que celles-ci avaient des moyens.

Mais nous pouvons dire, au Québec et au Canada, que les syndicats sont devenus de plus en plus responsables, ont voulu participer au développement économique des industries dans lesquelles ils sont, et ils comprennent que des relations de travail hostiles et conflictuelles peuvent être nocives. Mais, en même temps, ils savent que la paix ne viendra pas si on leur arrache les dents. Dans l'histoire, et pas seulement canadienne, quand les relations de travail n'assurent pas cet équilibre, elles n'assurent pas la paix, qui est ce qu'on recherche.

(1110)

Permettez-moi de dire que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de conflit dans une entreprise, qu'il y a la paix. Je pourrais rappeler, à titre d'ancien professeur de relations de travail, que rien n'est plus nocif pour une entreprise que des employés mécontents, des employés frustrés, des travailleurs qui ont le sentiment que l'entreprise n'est pas bien gérée et qu'ils n'ont pas leur mot à dire. Rien n'est plus nocif, parce qu'alors, cette productivité, dont tout le monde parle, ne sera pas là.

La productivité, celle qui vient des travailleurs et non de l'investissement, est possible quand les travailleurs ont le sentiment que l'entreprise est bien gérée et que ce qu'on leur demande est faisable et qu'on leur en donne les moyens. Mais pour y arriver, ils doivent être en mesure de s'exprimer.

Dans ces conditions, des syndicats qui deviennent de plus en plus responsables, qui prennent sur leur dos, et parfois en devant faire, quand il s'agit des exécutifs, des débats vigoureux avec leur assemblée, quand des syndicats assument la nécessité du développement des entreprises, de sa gestion, qu'ils deviennent des interlocuteurs de première force, et je pense à certains que je pourrais nommer, comme dans les ports par exemple, à ce moment-là, le syndicat s'attend à ce que de l'autre côté, on le reconnaisse comme un représentant des travailleurs qui participent au développement de l'entreprise, qui y participent à part entière. Et ils s'attendent à être reconnus comme tels, y compris dans ces périodes légales, convenues, pour le renouvellement des conventions collectives.

Ainsi, quand on veut introduire, comme on le fait, des principes de services essentiels sur lesquels, dans le fond, personne ne peut être en désaccord, et qu'en contrepartie, on n'assure pas les syndicats que les travailleurs qui ne sont pas membres de l'unité, les


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travailleurs de remplacement, qu'on nomme sur le terrain des vaches des «scabs», ne seront pas interdits, les syndicats ne pensent être reconnus à part entière. Alors, la confiance qu'on leur accorde pendant le déroulement de la convention collective, on ne la leur accorde plus au moment de la reconnaissance légale d'une période de renouvellement où, ce qui joue effectivement, c'est le rapport de force. C'est un rapport de force économique. Et ce rapport de force économique est la vérité qui va entraîner le résultat chez les travailleurs, mais aussi chez l'entreprise.

Dans le dossier épineux du rail, on a vu souvent les employeurs avoir recours au lock-out, alors que les travailleurs, eux, se disaient disposés à travailler jour et nuit pour faire des déchargements essentiels. Ils savent qu'ils ne peuvent faire autrement. Mais il est important de savoir, quand ces dispositions existent, que les employeurs, de leur côté, ne peuvent être autorisés à saboter cet instrument de bonne gestion, quand la convention collective est signée, qu'est un syndicat responsable.

Laissez-moi dire ceci: Si les entreprises pensent qu'en utilisant, en temps de grève, des travailleurs de remplacement, ils vont pouvoir compter ensuite sur des syndicats collaborateurs-pas collaborateurs au sens qu'ils ne défendront pas les intérêts de leurs membres, mais dans le sens qu'ils voudront participer au développement de l'entreprise-je pense que les employeurs se trompent.

Il me semble que le ministre doit comprendre que dans cette matière, il ne doit pas attendre que les employeurs soient d'accord avec une loi antibriseurs de grève. Ce serait leur demander à eux de se priver d'un puissant moyen. Alors, il faut que le ministre ait la force de donner à ces milieux de travail l'instrument essentiel de l'équilibre.

(1115)

Je me permets de dire que lorsque le Parti québécois, au pouvoir en 1977, a adopté la loi antibriseurs de grève, cela a fait énormément de vagues au début. Je vous dis que les employeurs attendaient de tous leurs voeux le renouvellement du gouvernement, en 1985, alors que le gouvernement libéral de M. Bourassa a été élu. Ils attendaient de M. Bourassa qu'il fasse disparaître la disposition antibriseurs de grève.

Or, qu'est-ce que M. Bourassa leur a dit? C'était écrit en toutes lettres dans le journal Les Affaires de l'époque. M. Bourassa leur a dit: «Écoutez, vous avez la paix sociale maintenant, pourquoi voulez-vous bousculer tout cela, renverser tout cela?» Et M. Bourassa a maintenu la loi antibriseurs de grève, parce qu'elle crée des règles qui permettent, et d'une certaine manière même, qui obligent les syndicats à être ces instruments responsables dont on a besoin.

On a besoin à la fois que les travailleurs puissent avoir des représentants autorisés, démocratiques, qui parlent en leur nom et qui aient une certaine force, et on a besoin d'entreprises qui soient bien gérées, où les employeurs ont les droits de gérance essentiels au développement des entreprises, à leur bonne marche et à leur profitabilité, nous en sommes.

Le temps nous est compté, je le sais, mais je tenais à insister sur ce point, parce qu'il m'apparaît majeur. C'est un point qui n'est pas seulement précis ou limité. Non. Malgré les bonifications, et j'en conviens, qu'il y a dans le Code, si cette disposition des travailleurs de remplacement légaux est maintenue, je pense que l'ensemble de l'esprit ne sera pas celui que le ministre veut y mettre.

Comme l'a si bien indiqué, dans son éloquent discours, notre critique, nous allons travailler de toutes nos forces à aider le ministre à faire les changements souhaitables.

[Traduction]

M. Robert D. Nault (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais profiter de l'occasion pour dire quelques mots en faveur du projet de loi. Tout d'abord, j'appuie les propos de mes collègues concernant la nature équitable et équilibrée de ce projet de loi.

J'aborde ce débat avec mon expérience de syndicaliste, de celui qui a été assis de l'autre côté de la table. Dans ce genre de discussions, il est très important de se rappeler que, en toute justice, pour que le système fonctionne, on doit non seulement donner l'impression qu'il est équitable et équilibré, mais aussi faire en sorte qu'il le soit vraiment.

Comme certains députés l'ont déjà mentionné, on peut aussi se montrer radical et interdire aux gens de retirer leurs services ou à un employeur de recourir au lock-out. Si l'on veut adopter une position aussi extrême, on n'a pas besoin d'assurer l'équilibre et l'équité qui marquent le Code canadien du travail depuis un certain nombre d'années.

Avant d'aller plus loin dans mon exposé, je souligne que la mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui représente un consensus entre les groupes d'employeurs et d'employés de partout au Canada. Comme le ministre l'a déclaré, le projet de loi n'est peut-être pas le moyen par excellence pour réformer complètement le Code canadien du travail, mais il propose des mesures et des modifications qui l'amélioreront.

Il s'agit d'une bonne mesure pour les Canadiens et pour les entreprises canadiennes. Je vais expliquer comment les modifications proposées par le gouvernement aideront les employeurs. Étant donné mon expérience, il me serait très facile de consacrer le peu de temps dont je dispose à parler de l'importance de la mesure pour les travailleurs, mais je parlerai de son importance pour les employeurs. Si je suis satisfait de la mesure, j'imagine que d'autres députés le seront également. Je voudrais d'abord dire quelques mots sur le processus de consultation.

(1120)

C'est un processus de consultation que beaucoup de députés, qu'ils soient anciens ou qu'ils ne siègent à la Chambre que depuis quelques années, contestent sans arrêt. Le gouvernement du Canada et les administrations provinciales ne font pas assez.

Ce qu'il y a d'unique dans les relations de travail, c'est que très peu de choses ne se passent sans qu'on ne tienne de vastes consulta-


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tions. Le processus de consultation a effectivement été lançé il y a deux ans lorsque le gouvernement a pris conscience, étant donné l'évolution de la main-d'oeuvre, de la nécessité d'apporter d'importants changements au Code canadien du travail.

Je suis sûr que personne à la Chambre ne prétendra qu'il n'y a pas eu de consultations. Le groupe de travail Sims a sillonné le pays. Le groupe s'est rendu à Halifax, Vancouver, Toronto, Ottawa, Edmonton, Montréal et Winnipeg pour rencontrer les Canadiens et écouter leurs points de vue. Il a également organisé des tables rondes à l'Université Laval, à l'Université de Toronto et à l'Université de Calgary. Il a évidemment rencontré un grand nombre de gens intéressés dans des réunions officieuses et a reçu un grand nombre de mémoires.

Comme nous avons pu l'entendre au cours d'interventions qui ont été faites à la Chambre, le groupe de travail a formé une équipe patronale-syndicale pour étudier les recommandations de la Commission d'enquête sur les relations de travail. Je n'entrerai pas dans les détails, car il suffit de dire que cette équipe a fait un travail remarquable et qu'elle l'a fait avec une grande détermination.

Cela ne m'étonne pas, compte tenu de mes antécédents, car les relations de travail ont toujours été au centre des discussions entre les employeurs et les employés, et c'est la raison pour laquelle la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd'hui s'est révélée si efficace au cours des années et le sera encore davantage une fois que ces modifications auront été apportées.

À l'issue de ses consultations, le groupe de travail a présenté un rapport intitulé: «Vers un équilibre». Ses recommandations étaient fondées sur quatre grands principes qu'il faut toujours, à mon avis, avoir à l'esprit.

Premièrement, le Code canadien du travail, dans sa version actuelle, continue de bien servir les parties intéressées. Cela signifie évidemment que l'économie va évoluer à un bon rythme, ce qui rendra le système plus équitable et plus équilibré pour les employeurs et pour les employés.

Deuxièmement, la stabilité est fortement souhaitable, car les modifications boiteuses qui sont apportées au code ne sont dans l'intérêt ni des parties intéressées ni de la population en génral. C'est un des principes que le ministre et les divers groupes de consultation ont fait valoir durant les discussions. Ni la droite ni la gauche dans notre pays ne peuvent penser apporter des changements qui s'écarteraient trop du juste milieu en voulant rétablir l'équilibre dont je parlais tout à l'heure. C'est inacceptable. C'est que les paramètres de cet équilibre sont si subtils que, si l'on va trop loin dans un sens ou dans l'autre, on risque de compliquer les discussions et les négociations entre les deux parties.

Si nous acquiescions au voeu formulé par certains députés d'en face en abolissant le droit de grève et en imposant l'arbitrage des propositions finales, nous arriverions certes à nos fins, mais il faudrait, pour cela, changer les choses de façon draconienne, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, et cela se ferait au détriment de l'excellent système de relations de travail dont s'enorgueillit le Canada.

Troisièmement, le consensus entre les deux parties doit être au coeur des modifications législatives. Ce principe nous ramène à la tendance de l'opposition officielle à toujours vouloir faire des changements sans consensus. Si vous procédez ainsi, vous risquez d'être accusés de chercher la solution à tout prix dans le présent cas. Si le résultat n'est pas tout à fait parfait, peu importe, puisque les politiciens devraient être des chefs de file dans un domaine et se maintenir à l'avant-garde de la population et du consensus, qui surviendra bien avec le temps.

Comprenez-moi bien, je crois sincèrement que certaines parties du code du travail du Québec sont très efficaces pour cette province et pour cette société en particulier, ce qui est excellent. Cependant, nous ne parlons pas ici d'une province, mais bien de toute une nation, géographiquement très vaste, et de plusieurs autres provinces.

(1125)

Même si on le voulait, on ne pourrait pas prendre des mesures valables pour une province et les appliquer à tout le pays. Les choses ne fonctionnent tout simplement pas de cette façon.

Il importe de savoir que ce projet de loi et les modifications proposées reflètent un consensus entre les toutes parties, ce qui est fort souhaitable dans le domaine des relations de travail.

La quatrième recommandation préconise des mesures réalisables, durables et fondées sur le concept du volontariat. Je crois que nous reconnaissons tous le bien-fondé de ces principes. Il est facile de voir pourquoi les recommandations du groupe de travail ont été acceptées tant par les syndicats que par le patronat.

Nous parlons aujourd'hui de l'appui de ces deux groupes, c'est-à-dire le patronat et les syndicats, comme s'il s'agissait d'un phénomène courant. Nous savons tous que ce n'est pas vrai. Tout le monde sait que les objectifs des syndicats et des entreprises, la sécurité d'emploi d'un côté et l'utilisation la plus efficace des ressources humaines de l'autre, sont difficiles à concilier. Quiconque s'est assis, comme je l'ai fait, à une table de négociations, sait que c'est parfois un miracle que nous puissions parvenir à des ententes, vu toutes les difficultés qui peuvent se présenter.

Sans vouloir me lancer dans un grand nombre d'exemples de certains des groupes, je voudrais mentionner pourquoi le gouvernement a proposé certaines des modifications. Tout le monde se rend compte que les mesures qui aident à résoudre les différends de travail plus rapidement et dans un meilleur climat, sont bonnes pour les employeurs, les travailleurs et tous les Canadiens. Ce que ces modifications vont faire, c'est rationaliser certains des aspects de la loi.

Il y a d'abord des modifications qui touchent le cycle de négociations et qui profitent aux employeurs. L'objectif principal de ce groupe de modifications est de réduire les retards dans le processus de négociations. Les avantages de cela devraient être clairs pour


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tout le monde. Une modification permettra de donner un avis de négociation quatre mois avant l'expiration de la convention collective. Actuellement, le délai est de trois mois.

Le groupe de travail a pensé que si l'on avançait la date, on encouragerait les parties à s'intéresser plus tôt à la convention collective et on leur donnerait suffisamment de temps pour conclure une entente avant l'expiration de la précédente.

Une autre modification prévoit un processus de conciliation à un seul palier. Employeurs et employés contestent l'efficacité du système actuel qui comporte deux paliers et peut prendre assez longtemps pour résoudre les différends. Une conciliation à un seul palier est l'un des points sur lesquels les groupes de travail employés-employeurs se sont entendus.

J'espère avoir l'occasion de parler de cette question particulière lors de l'étude à un autre stade, parce qu'il est important de voir comment le processus de conciliation fonctionne et sa signification pour le Code canadien du travail et les relations de travail au Canada.

En vertu de cet article, il est nécessaire de soumettre l'entente à un vote secret avant que les travailleurs aient le droit de faire grève. Ce vote devra se tenir au plus 60 jours avant l'exercice du droit de grève. Bien que la plupart des syndicats tiennent déjà des votes de cette nature, le Code canadien du travail ne l'exige pas actuellement. L'exigence des 60 jours au plus avant une mesure de grève fera en sorte que ce soit moins une tactique de négociation, pour faire pression sur les employeurs, qu'une expression authentique du désir des employés. Je peux dire par expérience que, parfois, c'est un outil de négociation.

Avant que les députés ne se lancent trop loin dans ces modifications, ils devraient consulter un peu les groupes syndicaux dans leur circonscription et se faire une idée de ce qu'ils en pensent. Ils constateront alors qu'il y a un consensus sur ces modifications.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur la déclaration des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence. Ce projet de loi, comme le ministre le disait dans sa présentation, vise à amender le Code canadien du travail qui n'a pas fait l'objet d'une réforme en profondeur depuis plus de 25 ans. Il fallait donc le moderniser en regardant vers l'avenir.

Ce qui est triste, c'est que le gouvernement a finalement accouché d'une réforme inachevée. Il y a des éléments importants, d'actualité, qui n'ont pas été intégrés dans cette réforme et qui sont pourtant sur la table depuis plusieurs années.

(1130)

Juste ici en Chambre, deux projets de loi privés ont été déposés pour interdire l'embauche de briseurs de grève et chaque fois, le vote a eu un accueil toujours un peu plus favorable. Le nombre de députés qui ont voté en sa faveur a presque permis, la dernière fois, son adoption. Aujourd'hui, dans le projet de loi déposé par le gouvernement, on ne retrouve pas de mesures concrètes pour empêcher l'embauche de briseurs de grève.

C'est même un peu choquant parce que, plutôt que de dire qu'on ne fera rien du tout, on retrouve dans ce projet de loi des mesures un peu ridicules. On dit que l'employeur qui négocie pourra, lui, engager des briseurs de grève, tandis que l'employeur qui ne négocie pas, on pourra le punir en disant qu'il ne peut pas en engager. En relations de travail, vous savez qu'il est très facile de donner l'apparence de négociation.

Un employeur peut, à tout moment, montrer qu'il négocie. Il peut se présenter aux tables de négociations tous les matins sans que rien n'évolue. Tout le secteur touché par le Code canadien du travail, parce qu'il ne faut pas l'oublier, concerne les secteurs comme les télécommunications, la radio, la télédiffusion, le transport international et interprovincial, les aéroports, les compagnies aériennes, les ports, le débardage, le transport du grain, les banques, dont on connaît le passé en matière de relations de travail, la façon dont ils peuvent traiter les gens, l'impact des changements technologiques dans ce domaine. Il est très clair et très net que le gouvernement, s'il ne change pas sa position, passe à côté d'un élément important de la réforme, celui d'avoir un projet de loi qui permet, comme au Québec depuis 15 ans, d'interdire l'embauche de briseurs de grève.

Le résultat de l'expérience au Québec démontre qu'il y a eu un assainissement très évident des relations de travail et que cette loi, qui empêche l'engagement de briseurs de grève, est un des éléments importants de cet assainissement des relations de travail. Le ministre, qui représente un comté du Québec, aurait dû être plus sensible aux représentations qui ont été faites, d'autant plus que la dernière grève à la compagnie Ogilvie à Montréal, qui a duré près de deux ans, se faisait principalement sur ce thème. Il est ministre d'un comté qui est presque voisin du lieu où était située cette entreprise. Il y a eu des représentations faites auprès de tous les actuels ministres fédéraux du Québec et, on ne sait pas trop où, mais quelque part un lobbying s'est élevé faisant qu'aujourd'hui, le gouvernement accouche d'une souris. Il ne livre pas la marchandise sur ce thème.

Donc, vouloir qu'un employeur ait le droit d'engager des briseurs de grève s'il négocie, c'est cosmétique, ce n'est pas une solution acceptable. C'est quelque chose qui devrait absolument être transformé lors de l'étude en comité.

Un autre aspect de l'actualité a souvent été soulevé ici, soit le droit à la syndicalisation des agents de la GRC.

La Gendarmerie royale du Canada n'a pas toujours été les grands amis des souverainistes au Québec. Par contre, c'est un corps policier qui a des fonctions à remplir et qui a droit à un certain niveau d'indépendance par rapport à son employeur pour être capable de faire son travail correctement. Il y a une revendication là aussi sur la table depuis plusieurs années. Il y a des pratiques existant dans la gestion des relations de travail avec des corps policiers dans quelques provinces du Canada. Il y a syndicalisation, et la vie syndicale, les relations de travail sont bonnes. De ce côté aussi, le gouvernement fédéral passe à côté de la réforme qu'il voulait réaliser.


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Le ministre dit qu'il n'y a pas eu de réforme depuis 25 ans, il faut en faire une en profondeur. Si on veut faire une réforme en profondeur, il faudrait qu'il y ait ces deux éléments au départ, soit des éléments empêchant l'embauche de briseurs de grève et aussi de permettre la syndicalisation de la GRC.

Il y a un autre élément sur lequel le ministre n'a pas écouté les recommandations qui ont été faites par le comité chargé de la consultation dans ce domaine. C'est le fait que les gens qui sont nommés au Conseil canadien des relations industrielles, le milieu industriel, autant chez les employeurs que chez les syndicats, aurait aimé que les nominations se fassent à partir de listes fournies par les représentants des employeurs et par les représentants des syndiqués.

Le ministre se laisse la porte ouverte pour possiblement pouvoir y nommer des gens qui n'auront pas nécessairement l'aval d'une des parties concernées par le domaine des relations industrielles, mais qui pourrait peut-être plus avoir l'aval, par exemple, possiblement, du Parti libéral du Canada. En tout cas, il se laisse une porte d'entrée pour permettre de laisser un peu l'aléatoire politique prendre sa place et faire qu'il y ait des nominations de nature politique.

(1135)

Je pense que le ministre aura le temps de réfléchir là-dessus. Le comité parlementaire aura la sagesse, je le souhaite, de proposer des modifications pour permettre que les nominations se fassent vraiment parmi les spécialistes pour que le Conseil canadien des relations industrielles puisse s'établir une réputation enviable, une réputation solide, basée sur sa compétence, sur le fait que les gens qui en sont membres représentent vraiment le monde du travail, autant du côté des employeurs que du côté des employés.

Un élément supplémentaire dans une réforme qu'on dit importante, qui ne s'est pas faite depuis 25 ans, n'a pas été soulevé, c'est l'absence de tout point concernant le retrait préventif pour les femmes enceintes. Au Québec, des mesures existent à ce sujet. On a une pratique depuis plusieurs années.

Ici, au Canada, on ne retrouve rien de ce côté. Pourtant, il y a des secteurs où la représentation féminine est très importante, où les gens vivent des situations qui peuvent être difficiles à l'occasion. On utilise maintenant, et ce, de plus en plus, de nouvelles technologies. Souvent, l'effet de ces technologies n'est pas très connu. Dans le cas d'une grossesse, on ne peut pas prendre le risque de placer quelqu'un en situation où l'enfant qui grandit dans le ventre de sa mère peut être mal formé ou avoir un problème quelconque. Ce n'est pas un domaine où on peut faire de l'expérimentation pour être sûr qu'après, on a un résultat intéressant.

Je pense que la société canadienne, la société québécoise, avec l'état de modernisation dans lequel on est rendu en termes de technologie, devrait avoir le même niveau de modernisation dans la façon dont elle traite les travailleurs. Sur la question du retrait préventif pour les femmes enceintes, je souhaite que le gouvernement améliore, en comité, la réforme du Code du travail qu'il a déposée. Différents groupes feront des représentations pour amener le gouvernement à changer certaines de ses positions, à être sensible à des arguments, et c'en est un autre, celui-là, à propos duquel il serait pertinent d'agir.

Je pense que les femmes du Canada seraient reconnaissantes envers le gouvernement si cet article était ajouté dans la loi. Il est très étonnant que le gouvernement actuel n'ait pas trouvé pertinent d'agir dans ce domaine pour tout le secteur du Code canadien du travail.

En conclusion, je voudrais dire que le Code canadien du travail est un autre exemple assez flagrant que les champs de juridiction au Canada auraient besoin d'un bon dépoussiérage. Dans une province, présentement, des gens sont régis par le Code du travail du Québec et d'autres, par le Code canadien du travail. Dans les deux cas, il n'y a pas de similitude. Pour des conditions de travail qui devraient être les mêmes, il y a des travailleurs, au Québec, qui ne seront pas couverts par la loi antibriseurs de grève et il y en a d'autres qui vont l'être, parce qu'ils sont couverts par le Code québécois. Cela m'apparaît être des situations aberrantes.

C'est un résultat de l'application de la Constitution canadienne, sans nécessairement avoir apporté, au cours des années, des changements, des améliorations, et aujourd'hui, on a deux citoyens, deux poids, deux mesures. Cela veut dire qu'il y en a qui sont couverts par un code qui est peut-être plus proche des gens au provincial, où le gouvernement est plus près des réalités, est sensible à des aspects comme la question du retrait préventif pour la femme enceinte. Le fait qu'on soit responsable de l'application des lois sociales a peut-être donné une sensibilité particulière. C'est peut-être aussi le type de gouvernement qu'on a eu, parce qu'effectivement, c'est un secteur où le Québec a été en avance pendant longtemps.

On fêtait, la semaine dernière, les 20 ans du Parti québécois. C'est évident qu'il y a eu là une mise en place d'une batterie de mesures qui ont donné des résultats satisfaisants. Mais il est encore temps, et je conclurai là-dessus, pour le gouvernement du Canada, de se mettre à l'heure du jour et d'actualiser sa réforme.

Il n'y aura pas de réforme du Code canadien du travail tous les ans. Il n'y en a pas eu depuis 25 ans. Donc, le gouvernement canadien, à l'étude en comité, devra faire son travail. Je répète, en conclusion, les quatre points qui m'apparaissent principaux: s'assurer qu'il y aura des mesures réelles pour empêcher l'embauche de briseurs de grève; permettre que le membership du Conseil canadien des relations industrielles soit nommé à partir des listes fournies par le milieu; s'assurer qu'il y ait des mesures pour assurer le retrait préventif pour les femmes enceintes; et généralement, dans l'ensemble des mesures qui seront prises, on ait vraiment un Code canadien du travail pour l'avenir.

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, c'est également avec grand plaisir aujourd'hui que j'appuie la motion visant à renvoyer le projet de loi C-66 au Comité permanent du développement des ressources humaines.

(1140)

Cette étape du comité sera la dernière d'une longue série de consultations qui se sont déroulées à travers le Canada sur ce projet de loi qui réforme et modernise le Code canadien du travail.

Je crois que le ministre du Travail nous a clairement démontré à quel point il a pris cette réforme au sérieux. Il a aussi fait preuve de grandes qualités de conciliateur et de rassembleur. En effet, il s'était donné comme objectif de procéder à une réforme équilibrée, équita-


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ble et juste. Il a certes largement atteint ces objectifs, puisque son projet de loi a reçu un endossement substantiel de toutes les parties impliquées dans ce dossier.

Bien sûr, tous auraient aimé que le ministre endosse totalement leur position, et plusieurs se présenteront devant le comité pour demander des amendements en leur faveur. Cela est normal, prévisible et conforme à la tradition politique et parlementaire de ce pays.

Cependant, tous ceux qui ont participé aux nombreuses consultations sur cette réforme se sont dit satisfaits que le ministre ait bien respecté les consensus qui se sont dégagés entre les parties. Je ne suis pas étonné. Je connais le ministre du Travail comme un homme de parole qui dit ce qu'il fait et qui fait ce qu'il dit.

Je suis content également que d'autres aient découvert ses grandes qualités. Surtout dans ces circonstances, il est tellement rare de voir le patronat et les syndicats s'entendre sur quelque chose, et particulièrement sur les qualités d'un ministre du Travail.

Évidemment, les députés du Bloc québécois soutiennent que le ministre n'est pas allé assez loin, qu'il aurait dû adopter la position des syndicats les deux yeux fermés. Encore une fois, les députés du Bloc québécois tombent dans l'excès et dans l'abus. C'est toujours tout ou rien. Ils ne savent pas faire la part des choses, ni concilier des positions, ni faire des consensus.

Prenons par exemple l'article du projet de loi sur les travailleurs de remplacement. Le Bloc dit: «Il faut faire comme au Québec, les bannir complètement.» Effectivement, au Québec, dans les années 1970, le gouvernement a adopté une loi bannissant les travailleurs de remplacement. Aujourd'hui, en 1996, presque à l'an 2000, le contexe économique et social est bien différent de ce qu'il était il y a 20 ans et les entreprises se restructurent. Elles doivent affronter la compétition, non seulement d'autres entreprises canadiennes, mais de concurrents de partout au monde. Dans beaucoup de cas, malheureusement, cela se traduit par la mise à pied de plusieurs centaines d'employés.

Nous ne sommes plus à l'époque de solutions radicales, du «tout ou rien». Le ministre du Travail l'a bien compris et il cherche à moderniser le Code du travail de façon à ce que tout le monde ait des droits et que les parties cherchent à régler leurs différends avant d'en arriver à une grève ou à un lock-out.

Si mes collègues du Bloc regardent bien le projet de loi C-66, ils verront que tout est prévu pour simplifier la procédure et permettre aux parties de se parler, de régler entre elles les différends ou de faire appel au Conseil canadien des relations industrielles pour les aider. C'est dans cette optique que le ministre a prévu que les employeurs auront, dans des circonstances normales, le droit d'utiliser des travailleurs de remplacement pendant un arrêt de travail légal.

Cependant, le ministre n'a pas voulu laisser les travailleurs sans ressources, et c'est le génie de sa formule, à mon avis. En effet, si l'employeur utilisait les travailleurs de remplacement pour miner la capacité du syndicat représentant adéquatement ses membres, cette pratique serait perçue comme une pratique déloyale, et là, le syndicat pourrait référer la question au Conseil.

Après avoir étudié le cas, si le Conseil en vient à la conclusion que, de fait, il y a eu pratique déloyale de la part de l'employeur, le Conseil a maintenant le pouvoir d'interdire l'utilisation des travailleurs de remplacement pendant toute la durée du conflit en cause. Cela est une position articulée, moderne et adaptée aux besoins du monde du travail de l'an 2000. Les employeurs ont des droits, les travailleurs aussi.

De plus, le ministre a proposé d'autres amendements qui complètent bien cette mesure importante et lui donnent encore plus de valeur. D'abord, il a restructuré le Conseil. Désormais, le nouveau Conseil canadien des relations industrielles sera composé d'un président et de vice-présidents neutres nommés par le gouvernement. Chaque cause que le nouveau Conseil entendra sera présidée par un de ses vice-présidents neutres.

(1145)

Par ailleurs, contrairement à l'ancien conseil, le nouveau sera représentatif des parties, c'est-à-dire composé d'un nombre égal de représentants du monde patronal et du monde syndical. Ce n'était pas le cas avant. À l'avenir, tant les employeurs que les travailleurs auront leur mot à dire. Ils pourront participer concrètement aux décisions du conseil. Pour moi c'est un grand pas en avant et les députés du Bloc québécois devraient au moins l'admettre.

De plus, le projet de loi C-66 prévoit une nouvelle procédure à suivre avant le déclenchement d'un arrêt de travail. L'avis de négociation peut être envoyé quatre mois à l'avance, au lieu de trois, afin de donner plus de temps aux parties de discuter et de s'entendre. Un vote secret sur l'arrêt de travail doit être tenu au plus 60 jours avant le déclenchement d'une grève ou du lock-out. Encore une fois, le gouvernement veut que les parties prennent bien conscience de l'importance de ce geste et ne précipitent jamais leurs décisions.

[Traduction]

Une autre modification majeure propose que les travailleurs impliqués dans un arrêt de travail, qu'il s'agisse d'une grève ou d'un lock-out, aient préséance lorsqu'il s'agira de combler les postes qu'ils occupaient. Il est important que les employés sachent que, à l'issue d'un arrêt de travail, personne ne pourra leur enlever leurs postes. En somme, j'estime que les travailleurs ont fait des gains importants dans le cadre de cette réforme, et ils en sont bien conscients.

[Français]

Je trouve dommage que les députés du Bloc servent de haut-parleurs inconditionnels aux syndicats. En tant que bon représentants de toute la population qui les a élus, incluant les employeurs, je crois qu'ils devraient faire la part des choses, apprécier les nuances. Ils devraient surtout appuyer le projet de loi équilibré et équitable que nous a présenté le ministre du Travail. Je les invite donc à réfléchir à tout cela.

Ils pourront profiter des travaux du comité permanent pour poser au ministre toutes les questions qu'ils désirent. J'espère que lorsque


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le projet de loi C-66 reviendra devant la Chambre, ils décideront d'appuyer cette excellente réforme du Code canadien du travail.

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-66 modifiant le Code canadien du travail, déposé par le ministre du Travail le 4 novembre dernier. Il réforme la partie I du Code, qui régit la négociation collective entre les employeurs et les syndicats des secteurs privés de compétence fédérale.

Les points saillants de la réforme sont: la création du Conseil canadien de relations industrielles disposant de nombreux pouvoirs; le changement du processus de conciliation; l'établissement des droits et obligations des parties durant un arrêt de travail; l'obligation de maintenir les services essentiels lors d'un conflit; les pratiques destinées à miner la capacité de représentation d'un syndicat en grève ou en lock-out; l'accès à la négociation pour les travailleurs à distance et l'obligation de maintenir les services qui touchent l'expédition du grain en cas d'arrêt de travail.

J'ai de nombreuses critiques à formuler à l'égard de ce projet de loi. Mais dans la présente intervention, je me limiterai à aborder la question des dispositions antibriseurs de grève. L'article 42 ne prévoit l'interdiction des travailleurs de remplacement que dans les cas où un employeur les utilise dans le but de miner la capacité de représentation d'un syndicat. Par exemple, si un employeur refuse de négocier tout en utilisant des briseurs de grève, le nouveau Conseil des relations industrielles pourra interdire l'emploi de ceux-ci.

Cependant, il suffit à une entreprise de négocier avec le syndicat, même si c'est un semblant de négociation, pour éviter cette interdiction et continuer à utiliser des «scabs». C'est inacceptable. Il sera difficile, voire impossible, de démontrer que cette pratique déloyale vise à miner la capacité de représentation d'un syndicat. Dans la plupart des cas, le conflit aura été réglé sans que cette preuve puisse être faite.

(1150)

Les principes généraux sur lesquels repose notre régime des rapports collectifs de travail démontrent l'illégitimité de la présence de travailleurs de remplacement durant une grève ou un lock-out. Cette pratique injecte un corps étranger dans un conflit impliquant exclusivement deux parties bien identifiées, débalance l'équilibre des forces et brime la liberté d'expression des grévistes.

La logique de l'exercice des moyens de pression économique veut que la privation de salaire amène les employés à agir avec prudence et à accepter le plus rapidement possible un règlement. Il devrait en être de même pour l'employeur. En tout cas, il n'y a pas de commune mesure entre les difficultés quotidiennes de subsistance des employés et celles de l'employeur qui peut continuer à produire avec son personnel de gérance.

Les employés risquent, lors d'une grève, de s'endetter pour longtemps et d'hypothéquer leur vie professionnelle, sans parler des difficultés financières auxquelles ils peuvent être confrontés. Au cours des nombreuses années où j'ai oeuvré au sein du mouvement syndical, j'ai été témoin de situations dramatiques à cet égard.

Lorsque l'employeur procède à l'engagement de travailleurs de remplacement, les salariés en conflit réagissent viscéralement. C'est la frustration totale. Ils ont l'impression d'être victimes d'une attaque dirigée personnellement contre eux. Ils considèrent cette pratique patronale comme déloyale. L'objet du conflit est dès lors déplacé vers ceux qui sont perçus comme des voleurs d'emploi, comme des briseurs de grève, plutôt que vers les conditions du travail. La frustration durcit le conflit. La réaction viscérale des grévistes est par ailleurs exacerbée par le fait que le problème de l'emploi est devenu un défi de société. Le recours aux remplaçants a donc un effet extrêmement négatif sur le comportement des grévistes.

Le mouvement syndical est très déçu du fait que le gouvernement n'ait pas interdit radicalement le recours aux briseurs de grève dans les amendements apportés au Code canadien du travail. Mme Nancy Riche, vice-présidente exécutive du Congrès du travail du Canada, a déploré que le gouvernement ait, encore une fois, raté l'occasion de mettre fin à la confrontation en cas de grève ou de lock-out.

M. Clément Godbout, président de la FTQ, déplore lui aussi que le projet de loi ne prévoit pas de dispositions contre l'utilisation de briseurs de grève. La FTQ compte près de 100 000 salariés relevant de la compétence fédérale.

Le 22 octobre dernier, j'ai déposé le projet de loi C-338 modifiant le Code canadien du travail et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Il vise à interdire l'utilisation des travailleurs de remplacement durant une grève ou un lock-out, comme c'est le cas au Québec et en Colombie-Britannique.

De plus, il contient des dispositions quant au maintien des services essentiels lors d'un conflit. Il a aussi pour objectif de maintenir l'équilibre des forces entre les parties au cours des négociations afin de réduire la durée et éviter la violence durant les conflits de travail. Mon projet de loi touchera les quelque 700 000 travailleurs canadiens oeuvrant dans des secteurs sous juridiction fédérale.

Par le dépôt du projet de loi C-338, j'ai rempli un engagement pris envers les travailleurs et travailleuses canadiens et québécois. J'estime qu'il est impératif que des mesures antiscabs soient adoptées.

(1155)

Je fais appel aux nombreux députés libéraux qui, dans le passé, se sont prononcés en faveur d'une telle disposition, à faire pression en ce sens auprès du ministre du Travail et de leur gouvernement. Pour une fois, il faut que ce gouvernement écoute les revendications du mouvement syndical dans ce domaine. Le Bloc québécois et moi-même poursuivrons nos efforts jusqu'à l'adoption de dispositions législatives interdisant le recours à des travailleurs de remplacement.

J'écoutais tout à l'heure le ministre de Travail mentionner que l'absence de consensus entre le mouvement syndical et patronal l'avait amené à ne pas déposer de véritables dispositions antibri-


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seurs de grève. C'est une excuse inacceptable. Il n'y aura jamais de consensus dans ce domaine. C'est le gouvernement qui devrait avoir le courage de prendre des décisions importantes, vitales, comme le gouvernement du Québec l'a fait en 1977, lorsqu'il a adopté des dispositions au Québec qui, aujourd'hui, ont des résultats très positifs pour régler les conflits de travail dans les plus brefs délais.

Je dois également déplorer que ce projet de loi ne contienne aucune disposition concernant le retrait préventif pour les femmes enceintes. Au Québec, par exemple, ces femmes enceintes sont protégées par la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Mais les femmes québécoises qui travaillent pour le gouvernement fédéral ne sont pas protégées par cette disposition très importante.

Je déplore également que le projet de loi soumis par le ministre ne contienne pas de dispositions permettant à la GRC de négocier collectivement les conditions de travail. J'ai beaucoup de critiques à l'égard de ce projet de loi. Nous aurons le temps de les faire valoir au sein du comité et ensuite en discussion en troisième lecture dans cette Chambre.

[Traduction]

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir exprimer mon appui au projet de loi C-66. J'aimerais insister particulièrement sur un aspect du projet de loi, soit les travailleurs de remplacement.

Quand on remonte dans le passé du mouvement syndical, on constate que, au début du siècle, il s'agissait d'abord et avant tout de réclamer une juste rémunération pour le travail effectué. Avec le temps, en Grande-Bretagne, en Europe, aux États-Unis et au Canada, les syndicats sont devenus de plus en plus puissants, surtout dans la période d'après-guerre, après la Seconde Guerre mondiale.

Dans les années 70 et 80, outre une juste rémunération, le mouvement syndical a commencé à exiger quelque chose de plus, c'est-à-dire que le travailleur puisse participer aux profits de l'entreprise.

À mon avis, ce qui s'est dégagé du travail organisé, surtout dans les années 70 et 80, c'est le sentiment que si les travailleurs syndiqués travaillaient pour une société très prospère, ils profitaient des négociations de travail pour réclamer des salaires et des avantages de plus en plus élevés. Personne d'entre vous, j'imagine, ne voit rien à redire à cela. Il semble raisonnable de penser que des employés qui ont fortement contribué à la réussite d'une entreprise puissent avoir droit aux bénéfices réalisés, au même titre que les actionnaires.

Néanmoins, les temps changent et ils changent parfois très rapidement. À la fin des années 80 et au début des années 90, nous avons observé le phénomène de la mondialisation des marchés. Il y a d'abord eu l'accord de libre-échange nord-américain, puis la mode actuelle est aux échanges commerciaux partout dans le monde. Voilà un changement qui n'est pas sans conséquences pour des pays comme le Canada puisqu'il touche ses relations avec les travailleurs.

(1200)

Si l'on veut que les industries d'un pays soient concurrentielles sur la scène mondiale, il est désormais impératif qu'elles maîtrisent leurs coûts, notamment ceux de la main-d'oeuvre. Ainsi, particulièrement aux États-Unis, par exemple, le mouvement syndical fait l'objet de critiques simplement parce que le travailleur américain moyen, surtout l'ouvrier non qualifié, doit concurrencer directement les travailleurs du Mexique, de l'Extrême-Orient et d'autres pays.

Il y a deux tendances qui s'opposent ici. Nous sommes sortis des années 80 animés du désir d'accorder aux employés syndiqués une plus grande part des bénéfices recueillis par les entreprises, mais, par ailleurs, les entreprises doivent être de plus en plus concurrentielles.

En 1993, le gouvernement ontarien a présenté un projet de loi interdisant le recours à des travailleurs de remplacement. Ce projet de loi constituait une évolution logique dans le mouvement syndical. Il accordait plus de pouvoir aux syndicats et de meilleures garanties aux travailleurs qu'ils partageraient les bénéfices de l'entreprise.

Cette mesure législative était arrivée trop tard. Elle était en retard sur son époque. Dès 1993, il était très évident pour toute personne qui s'intéressait au commerce, aux finances et à l'étude des marchés mondiaux que cette loi qu'avait adoptée le gouvernement néo-démocrate de l'Ontario n'était pas dans l'intérêt de l'économie de la province, car elle nuisait à sa capacité de livrer concurrence sur d'autres marchés.

Il y avait beaucoup de résistance au moment où la mesure législative avait été présentée. Il y avait une résistance considérable par la suite. La raison en était simple. Étant donné mon expérience du secteur des communications, je peux dire que la technologie avait créé une situation où les travailleurs de remplacement dans les secteurs de pointe pouvaient être recrutés à partir de chez eux. Ils pouvaient réellement travailler depuis leur domicile au lieu de se rendre à un bureau. L'interdiction relative aux travailleurs de remplacement a fait en sorte qu'il est devenu très difficile pour les entreprises de haute technologie de créer un environnement où elles pouvaient utiliser des travailleurs qui, non seulement n'étaient plus sur place, mais ne se trouvaient pas dans la ville où l'entreprise était installée.

Dans le secteur de la haute technologie, l'interdiction relative aux travailleurs de remplacement a considérablement nui à la position concurrentielle des industries de l'Ontario. Parce que cette interdiction a donné un outil si puissant au mouvement syndical, elle a mis en péril les entreprises qui cherchaient à renégocier des contrats de travail dans l'espoir de ramener le taux de rémunération de leurs travailleurs à un niveau leur permettant de mieux soutenir la concurrence des marchés mondiaux.

Une des premières mesures du gouvernement conservateur de l'Ontario a été de révoquer la loi prévoyant cette interdiction. Je ne suis pas entièrement d'accord avec ce que le gouvernement ontarien a fait. Je crois qu'en dépit des pressions exercées par les marchés mondiaux sur le mouvement syndical, en tant que Canadiens et que


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politiciens, nous devons nous porter à la défense des traditions du mouvement syndical.

Au bout du compte, les syndicats luttent pour les droits des travailleurs. Quand nous voyons ces terribles pressions exercées sur le mouvement syndical, nous avons toutes les raisons de souhaiter qu'il ne cède pas, comme cela se produit aux États-Unis. Le mouvement syndical subit un changement radical aux États-Unis. Son influence et son importance diminuent rapidement.

Le projet de loi C-66 s'attaque au problème des employés de remplacement. Il y a un excellent rapport intitulé «Vers l'équilibre» sur l'examen du Code canadien du travail. C'est un document que je recommande à tous ceux qui s'intéressent à la position des syndicats à l'égard de la conjoncture économique au Canada. L'examen et l'analyse que présente ce document sont excellents.

(1205)

Il traite du problème découlant de fait que les forces du marché poussent les entreprises à vouloir briser les syndicats. Ainsi, les entreprises sont tentées de confronter les syndicats et même de les mettre dehors. Puis, il y a le risque de grèves dures et brutales qui mènent à la destruction de certains syndicats. Étant donné l'abondance de travailleurs sur le marché, des entreprises peuvent être tentées de remplacer les travailleurs syndiqués par des travailleurs non syndiqués. Ce n'est pas bon non plus.

Au lieu d'interdire complètement le recours à des travailleurs de remplacement, comme on l'a fait en 1993 en Ontario et comme la loi le prévoit actuellement en Colombie-Britannique et au Québec, le projet de loi C-66 prévoit qu'une entreprise confrontée à une grève peut recourir à des travailleurs de remplacement pour la durée de la grève, pourvu qu'il soit très clair qu'elle ne le fait pas dans le but d'abattre le syndicat.

Une fois réglé le conflit de travail, le projet de loi C-66 oblige l'entreprise qui a eu recours à des travailleurs de remplacement à reprendre les employés syndiqués. Cela permet d'éviter une situation où une entreprise peut tenter délibérément de briser une grève en recourant à des travailleurs de remplacement pour ensuite embaucher ces derniers après la grève.

Le projet de loi propose une mesure très positive en abordant les pressions antagonistes du mouvement syndical qui est confronté aux pressions écrasantes du marché mondial qui tentent de réduire l'efficacité des syndicats.

Voilà le genre d'équilibre que le gouvernement libéral, dans sa sagesse, est parvenu à établir entre la droite très conservatrice qui souhaiterait voir disparaître la plupart des syndicats, et l'extrême-gauche qui a créé au fil des années une situation où les syndicats ont plus de pouvoir qu'il n'est acceptable pour préserver la position concurrentielle du Canada. J'approuve vraiment cet aspect.

Je voudrais ajouter une autre observation à propos d'un autre aspect très positif du projet de loi. Il aborde également un problème qu'on a déjà éprouvé dans le secteur de la manutention du grain dans nos ports. Nous avons connu dans le passé des situations où le pays était littéralement tenu en otage alors que nos ports étaient paralysés, non pas seulement par les syndicats des transports, mais aussi par des syndicats affiliés, parfois de tout petits syndicats, qui avaient dressé des lignes de piquetage. Bien sûr, les autres syndicats respectent ces lignes de piquetage, ce qui a eu parfois pour effet de nous priver de notre capacité d'expédier de précieuses denrées.

La disposition du projet de loi qui limite le droit de faire grève, de paralyser les ports, aux syndicats de travailleurs directement engagés dans ce genre d'activité est une disposition très positive.

J'espère que les députés des deux côtés de la Chambre jugeront bon d'appuyer le projet de loi, car il est excellent.

[Français]

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Madame la Présidente, depuis trois années maintenant que les ministres du Travail se succèdent, on nous promet de fois en fois un Code du travail passablement renouvelé, une petite merveille, disait-on.

Eh bien le ministre, récemment, il y a quelques semaines, a finalement accouché de sa petite merveille. Ce n'est pas évident mais ce n'est pas une merveille non plus. Il y a des points qui sont une amélioration, appelons-les comme ça, mais il y en a qui font défaut. On commencera par un point que j'ai noté, entre autres, que l'on peut appeler une petite bonification.

(1210)

On parle de la reconnaissance de la résidence familiale comme lieu de travail. Il faut vivre en 1996, on est à l'aube du XXIe siècle. C'est normal, maintenant c'est rendu comme ça et c'est reconnu. C'est une bonne chose d'avoir pensé à l'insérer dans le Code canadien du travail. Naturellement, ils ont dû s'inspirer de certains discours du Bloc québécois pour en arriver à de tels résultats.

Il est important que le Code canadien du travail crée un rapport d'équilibre des forces. J'écoutais mes collègues d'en face lorsqu'ils vantaient les mérites du projet de loi nouvellement déposé. Ils disaient qu'enfin il y avait un équilibre des forces, en prétendant continuellement que cet équilibre qui existait au préalable était même amélioré.

Tout à l'heure, en parlant de ce qui se passait au Québec concernant la loi antibriseurs de grève, il y a même un collègue qui a dit que c'était maintenant dépassé, qu'il fallait vivre en 1996 et que le contexte du travail n'est plus le même. C'est déplorable d'entendre de pareilles choses. On sait qu'au Québec le processus antibriseurs de grève est en vigueur depuis 1977 et que le Québec obtient sans cesse de bons résultats, tant en ce qui concerne les négociations qu'en ce qui a trait à la durée et au contenu des négociations.

Tout le monde est content, les syndicats et les patrons parce que les grèves durent moins longtemps. Tout le monde est content. Il ne faut pas oublier que quand il y a une grève, il y a une ligne de piquetage bien entendu, mais qu'il y a aussi des familles derrière ces personnes, des conjoints, des enfants. Les familles subissent les répercussions d'une grève et cela s'étend ensuite aux commerces, aux services, etc.

Je ne ferai pas la nomenclature de tous ceux qu'une grève touche, mais cela va beaucoup plus loin que les seuls grévistes. Souvent on dit que ce sont des enfants gâtés qui gagnent 12 $ de l'heure et veulent en gagner 13, alors ils font une grève de 6 mois. C'est


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beaucoup plus que ça, c'est une qualité de vie qu'on va chercher quand on fait la grève.

La grève c'est un équilibre des forces. Si on n'insère pas dans le Code canadien du travail des mesures empêchant les travailleurs de remplacement, cela signifie qu'on ne tient pas compte de l'équilibre des forces. Cela veut dire qu'on consent à ce qu'une des deux parties soit plus forte que l'autre.

Après on se demande pourquoi il y a de la violence sur les lignes de piquetage, des gens frustrés. Quand il n'y a pas d'équilibre des forces, il y a des gens frustrés. C'est la nature, on est comme ça. En quelques mots l'absence totale de volonté du gouvernement libéral à empêcher les travailleurs de remplacement constitue la plus importante lacune de cette réforme. On voit qu'il n'y a aucune volonté de toucher à cet aspect. J'y reviendrai tout à l'heure.

Un autre aspect dont on ne parle pas beaucoup concerne les pouvoirs du ministre. Alors que le rapport Sims demandait le retrait de certains pouvoirs des mains du ministre, celui-ci en a plutôt ajouté. En plus d'une quinzaine d'interventions du ministre déjà possibles dans le processus de négociation, celui-ci en a ajouté un de plus: le pouvoir d'ordonner la tenue d'un scrutin sur les dernières offres de l'employeur à un syndicat; pas à personne d'autre qu'au syndicat. C'est donc l'ingérence dans l'administration de la centrale syndicale affectée par le conflit. À mon avis, cela est vraiment tendancieux. C'est proche d'être-je ne dirai pas le mot-mais je dirai que c'est tendancieux, pour être très gentil.

À quel moment voit-on dans le Code canadien du travail une mesure par laquelle le ministre oblige la compagnie à prendre une décision sur des offres syndicales sincères. Ça sous-tend continuellement que c'est le syndicat qui est malhonnête. Cela peut arriver qu'un syndicat soit malhonnête, ça peut arriver. Cela peut arriver qu'un employeur le soit aussi. Mais il y a un déséquilibre marqué encore là.

(1215)

Le temps court un peu, donc je vais me rattacher au point suivant qui est le refus du ministre d'accéder à la demande de l'Alliance de la fonction publique qui veut être régie par le Code canadien du travail et non par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. On peut ajouter aussi la GRC, le seul corps policier au pays-et ce n'est pas banal, il y a beaucoup de monde au pays, 27 millions-qui n'a pas le droit de se syndiquer. C'est une belle image, n'est-ce pas? Peut-être que leurs chevaux auraient plus le droit de se syndiquer qu'eux. Cela n'a pas de sens, on est en 1996 quand même.

J'entendais tout à l'heure des députés dire qu'en 1977, la loi du Québec était un peu désuète. Je vous lirai juste une recommandation qui concerne le dossier des postes. Vous savez, il y a des négociations à l'heure actuelle. Regardez bien quelle allure cela peut prendre si on n'insère pas un projet de loi antibriseurs de grève. Je vous le cite: «Recommandation no 15: Que, dans le cas où le processus de négociation collective n'aboutisse pas aux ajustements nécessaires, sans interruption du service-je parle des postes ici-le gouvernement soit prêt à prendre des mesures appropriées afin de protéger l'intérêt public immédiat et d'assurer la viabilité financière à long terme de la Société canadienne des postes stratégiquement repositionnée.»

Juste cela, ajouté au Code canadien du travail, cela veut dire qu'à n'importe quel moment, les Postes pourront embaucher des briseurs de grève, et on sait ce que cela a donné déjà. Je ne sais pas comme il se fait qu'ils n'aient pas compris encore quel danger cela peut occasionner d'embaucher des briseurs de grève. La recommandation no 15 est pourtant claire: si vous n'acceptez pas cela, on a le droit d'embaucher des briseurs de grève et on va le faire. Ce n'est quand même pas banal.

J'aimerais soulever un dernier point, parce que je sais que les minutes filent. Tout près d'ici, il y a la compagnie Bradson Mercantile qui sous-contracte pour le gouvernement en matière de sécurité dans les bâtiments ici, à Hull, à Ottawa, un peu partout. Ses employés sont en grève à l'heure actuelle. Des briseurs de grève ont été embauchés pour les remplacer. Que s'est-il passé récemment? Ce n'est pas acceptable, mais, que voulez-vous, il faut en parler. Les employés ont assisté à une réunion où on leur a dit qu'il fallait passer au vote pour savoir si on est en faveur du retour au travail. Imaginez, il y a une trentaine de briseurs de grève qui sont là pour voter aussi. On a compté 17 personnes qui ont voté en faveur du retour au travail.

Cela veut dire que des briseurs de grève ont voté pour que les gens n'entrent pas au travail. C'est ce que l'absence d'une loi antibriseurs de grève peut donner dans un Code canadien du travail. Il est normal que ces briseurs de grève aient voté pour que les employés n'entrent pas au travail; ils vivent du fait que les gens ne s'entendent pas entre eux. Ils viennent influencer le vote de telle sorte que si les gens rentrent au travail et que l'entente est bonne, ils perdent leur job. Eh bien, ils ont participé au vote. C'est grave.

Ce sont des abus de la sorte sur lesquels le gouvernement ferme les yeux, en ce qui concerne le Code canadien du travail, juste pour reconnaître aux travailleurs ce que ma collègue de Mercier a qualifié, tout à l'heure, d'équilibre des forces. Cela ne devrait même pas être un privilège, c'est un droit. L'équilibre des forces, dans le Code canadien du travail, devrait transparaître à chacune des pages. Mais parce qu'il n'est pas là, on se rend compte un peu partout, par différents exemples comme ceux que je viens de vous donner et comme ceux que mes collègues vous ont donnés au cours de l'avant-midi, qu'il y a de l'abus.

Je terminerai là-dessus, en signalant ma déception face à certaines omissions dans le Code canadien du travail.

(1220)

[Traduction]

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Madame la Présidente, je veux parler aujourd'hui des modifications que l'on propose d'apporter à la partie I du Code canadien du travail et dire à quel point elles sont importantes pour les travailleurs visés. Ces modifications, telles qu'elles sont définies dans le projet de loi C-66, présentent des avantages durables pour cet important intervenant qu'est l'employé sur un marché du travail en mutation rapide.

Ces modifications donnent suite à des recommandations du groupe de travail sur la réforme du Code canadien du travail. Dans son rapport, intitulé: «Vers l'équilibre», le groupe de travail s'est effor-


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cé de trouver un équilibre entre des intérêts opposés, dont ceux du patronat et ceux des syndicats.

Les modifications dont nous sommes saisis aujourd'hui visent à moderniser la législation fédérale du travail et ne constituent nullement une réforme en profondeur du Code canadien du travail. Et pourtant, je crois qu'elles vont servir les intérêts des travailleurs canadiens.

La partie I du Code canadien du travail s'applique aux quelque 700 000 travailleurs du secteur privé relevant du fédéral et à leurs employeurs. Sont compris là-dedans les hommes et les femmes qui travaillent dans nos banques, qui assurent la sécurité et la qualité de nos services de transport aérien, et qui transportent nos céréales à exporter jusqu'au port d'embarquement de Halifax, par exemple. Ils sont au nombre des travailleurs qui font marcher notre pays.

Quelles sont les préoccupations de cet important groupe de travailleurs? Mises à part quelques questions qui intéressent plus particulièrement le secteur industriel pour lequel ils travaillent, leurs exigences ne diffèrent pas de celles des autres travailleurs. Par exemple, ils veulent la stabilité. Ils veulent pouvoir exercer certains droits démocratiques, tel celui de se syndiquer. Ils veulent pouvoir se faire entendre au travail pour que leur point de vue soit bien compris. Ces éléments sont au centre des modifications.

Une chose qui ne changera pas avec ces modifications, c'est la possibilité de se lancer dans des négociations collectives. Le droit des travailleurs et des employeurs de se syndiquer et de mener des négociations collectives est au coeur de toute société démocratique ayant une économie de marché.

Cela me rappelle un ouvrage intitulé The Company Store, qui est bien connu dans ma région. On y raconte comment les travailleurs des mines de charbon du Cap-Breton étaient terriblement maltraités dans les années 1920 par des sociétés comme la Dominion Coal Company. On y montre bien la nécessité d'avoir des négociations collectives au Canada et de défendre les droits des travailleurs.

Il y en a certains qui pensent que, de nos jours, les syndicats sont devenus très puissants, mais l'histoire montre bien pourquoi le processus de négociation collective est nécessaire et pourquoi il est important de protéger les droits des travailleurs.

La négociation collective est un aspect fondamental du Code canadien du travail. Elle garantit aux employés une rétribution juste et satisfaisante pour leur travail et elle leur permet de participer, en tant qu'égaux, à l'élaboration des politiques qui les touchent directement et considérablement.

Notre processus de négociation collective actuel a bien servi le Canada. C'est ce que les employés et les employeurs ont dit au groupe de travail. Nous pensons que les modifications à l'étude permettront d'améliorer la coopération entre toutes les parties.

Voici certaines des modifications clés qui seront importantes pour les employés:

La création du Conseil canadien des relations industrielles, conseil représentatif dont le président et les vice-présidents seront impartiaux et qui comptera un nombre égal de représentants des employés et des employeurs. Le conseil pourra ainsi mieux répondre aux besoins de la clientèle qu'il est censé servir. L'ancien Conseil canadien des relations du travail n'était pas représentatif. Le nouvel organisme reflétera mieux l'évolution de la population active canadienne.

Le nouveau conseil aura des pouvoirs de redressement plus vastes qui garantiront une négociation de bonne foi. Il aura les pouvoirs et la souplesse voulus pour traiter rapidement des questions courantes ou urgentes.

Les modifications proposées visent aussi à accélérer les processus d'accréditation et de révocation de l'accréditation syndicale. Elles protégeront les droits des employés lorsqu'ils passent de la compétence de la province à celle du gouvernement fédéral.

Le code actuel ne garantit pas le maintien de la reconnaissance des agents de négociation ni des conventions collectives lorsque des contrats de services sont octroyés à un autre employeur à la suite d'un nouvel appel d'offres. À cause de cela, à la fin de chaque contrat, il s'ensuit des pertes au chapitre de la rémunération et de l'emploi pour les travailleurs qui sont à l'emploi de fournisseurs dans le secteur du transport aérien, secteur qui est notamment important dans ma circonscription, Halifax-Ouest, en raison de l'Aéroport international de Halifax. Bon nombre des travailleurs dans ce secteur sont des femmes et des immigrants. Les fournisseurs qui obtiendraient les nouveaux contrats seraient tenus de verser aux employés une rémunération équivalente à celle accordée par leurs prédécesseurs. C'est une modification très importante.

(1225)

Cette proposition vise à décourager une concurrence fondée sur le versement de la rémunération la plus basse. Il s'ensuivra des règles du jeu équitables pour tous les fournisseurs, que leurs employés soient syndiqués ou non, et cela contribuera à réduire les taux de roulement, une considération importante pour nous tous, en cette époque difficile. Même dans ce domaine, les libéraux se préoccupent des taux de roulement.

Comme le secteur de l'emploi non conventionnel et, en particulier, le travail à domicile sont en pleine croissance au Canada, il faut s'assurer que les travailleurs de ce secteur puissent aussi bénéficier des avantages de la négociation collective. La plupart des personnes qui travaillent à domicile sont des femmes. On estime que les deux tiers des personnes qui travaillent à partir de chez elles sont à l'emploi d'un organisme dont les bureaux sont situés ailleurs.

Alors que le travail à domicile présente des avantages pour bien des gens, d'autres estiment être dans une situation vulnérable, n'ayant pas droit aux habituels avantages sociaux. C'est pourquoi nous avons proposé que le conseil ait le pouvoir d'exiger la remise à un représentant autorisé d'un syndicat des noms et adresses des


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employés qui travaillent habituellement ailleurs que dans les locaux de l'employeur.

Le syndicat aura ainsi accès aux travailleurs à distance à la condition de respecter la protection de leur vie privée et leur sécurité. Le Conseil canadien des relations industrielles peut énoncer les conditions et il peut dire, dans ce cas particulier, par exemple, qu'il communiquera ce genre de renseignements pour que le syndicat puisse contacter les personnes en cause d'une manière qui convient dans les circonstances et qui ne porte pas préjudice à la protection de la vie privée et à la sécurité des personnes en cause.

Comme le ministre l'a dit dans son discours, l'un de ses principaux objectifs était de maintenir un certain ordre dans les relations industrielles au Canada. Par conséquent, certaines modifications ont pour effet de clarifier les droits et les obligations des parties durant un arrêt de travail légal. Le recours aux travailleurs de remplacement pendant une grève légale a toujours été une question controversée. Aussi loin que je puisse me souvenir, les employeurs et les syndicats ne se sont jamais entendus là-dessus.

Il n'est guère surprenant que le processus de consultation n'ait pas débouché sur un consensus à l'égard des travailleurs de remplacement. Cette division est également apparue au sein du groupe de travail Sims, dont un membre a déposé un rapport minoritaire. À la fin, le ministre et le gouvernement ont dû décider, et c'est ce qu'ils ont fait. Ils ont opté pour une formule modérée, juste et équitable fondée sur la bonne foi des parties.

Aucune règle générale n'interdit le recours aux travailleurs de remplacement durant une grève légale, mais leur utilisation afin de miner la capacité de représentation du syndicat serait considérée comme une pratique déloyale. Le syndicat pourrait présenter une plainte au Conseil canadien des relations industrielles. Si le conseil détermine qu'une infraction a été commise, il peut ordonner à l'employeur de cesser de recourir à des travailleurs de remplacement pour toute la durée du conflit.

Les modifications confirment également le droit des travailleurs d'une unité de négociation en grève ou en lock-out de reprendre leur poste après l'arrêt de travail, de préférence à toutes les personnes engagées à leur place. En outre, les travailleurs pourront conserver les programmes d'avantages sociaux et d'assurance pendant les arrêts de travail.

Ce sont là quelques-unes des modifications clés qui toucheront les travailleurs aux termes de la partie I du Code du travail. Le projet de loi traite aussi des intérêts des employeurs et est donc équilibré et équitable dans son approche et ses objectifs. Son objectif de coopération accrue devrait se traduire par une hausse de la productivité, une plus grande sécurité d'emploi et une plus grande participation des travailleurs dans les décisions sur le travail. C'est un bon projet de loi tant pour les travailleurs que le pays tout entier.

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui dans le débat sur le projet de loi C-66, qui modifie le Code canadien du travail. Il s'agit d'un projet de loi juste, équilibré et très sérieux, et c'est pourquoi je suis fier de l'appuyer.

Le projet de loi C-66 est le point culminant de consultations poussées auprès des intéressés dans tout le Canada. Ces consultations publiques ont commencé il y a deux ans sous forme de discussions préliminaires avec le mouvement ouvrier et les groupements d'entreprises. Ces discussions ont fait ressortir les sujets sur lesquels il était possible de s'entendre facilement et les points de désaccord dans les modifications possibles à la partie I du Code canadien du travail. Après ces discussions préliminaires, un groupe de travail composé de spécialistes des relations de travail exceptionnellement compétents et crédibles a été formé pour examiner la partie I du code et faire des recommandations au ministre.

(1230)

Ce groupe de travail était présidé par Andrew Sims, c.r., et était composé de lui, ainsi que de Paula Knopf et Rodrigue Blouin. Il a tenu des consultations publiques à Halifax, Vancouver, Toronto, Ottawa, Edmonton, Montréal et Winnipeg. Il a reçu plus de 90 mémoires écrits de près de 50 groupes et particuliers, dont le Congrès du travail du Canada, la Fédération canadienne du travail, la Chambre de commerce du Canada et un groupe d'employeurs régis par le gouvernement fédéral.

Dans la plupart des villes où il est passé, le groupe de travail a aussi rencontré de façon informelle des avocats et des administrateurs spécialisés en droit du travail. Il a eu des réunions d'une journée à l'Université Laval, à l'Université de Toronto et à l'Université de Calgary ce qui a donné aux universitaires spécialisés en droit du travail et en administration la possibilité d'exprimer leurs opinions.

Le groupe a également profité du travail du groupe consensuel patronal-syndical, qui était composé de représentants du Congrès du travail du Canada, de la Confédération des syndicats nationaux, de la Fédération canadienne du travail, des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, de la Western Grain Elevator Association et de l'Association des banquiers canadiens. Le groupe consensuel a joué un rôle très utile en délimitant les questions sur lesquelles il était possible de s'entendre.

Le groupe de travail a produit un rapport contenant de nombreuses recommandations au début de l'année. En avril, il a eu une dernière série de consultations-auxquelles le ministre a participé-auprès de représentants des travailleurs, des administrateurs et d'autres groupes à Vancouver, Regina, St. John's, Montréal, Toronto et Ottawa. Ces rencontres ont permis au ministre de constater par lui-même les réactions aux recommandations du groupe de travail.

Une des conclusions majeures du groupe de travail Sims, c'est que le Code canadien du travail est accepté par la grande majorité des groupes de travailleurs et d'employeurs comme document de référence pour la négociation de conventions collectives dans le secteur privé régi par le gouvernement fédéral. Cependant, les lieux de travail auxquels le code s'applique ont subi des transformations majeures ces dernières années.

La privatisation des services gouvernementaux a entraîné le transfert de certains emplois vers des entreprises du secteur privé régies par le Code. Les politiques de déréglementation, comme Ciels ouverts et l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau,


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ont modifié les conditions de la concurrence dans de nombreuses industries régies par le Code.

Cette situation a eu des répercussions directes sur le processus de négociation collective, les syndicats et le patronat s'étant rendu compte des conséquences graves qu'un arrêt de travail peut avoir sur leur part du marché et sur leur rentabilité. Les changements apportés aux politiques commerciales, l'adoption de nouvelles technologies et la modification des conditions du marché ont également eu des effets importants sur les secteurs privés relevant de la compétence du gouvernement fédéral.

Face à ces changements, les syndicats ont en général adopté une attitude défensive tandis que les employeurs exigeaient des changements dans les relations de travail et que l'existence même du processus de négociation collective était remise en question.

Je rejette l'opinion selon laquelle la négociation collective est maintenant désuète. Le Canada a grandement bénéficié de ce processus. La liberté des travailleurs et des employeurs de s'organiser et de tenir des négociations collectives constitue une pierre d'angle de notre société démocratique, axée sur les lois du marché. La négociation collective permet d'établir des frais de main-d'oeuvre équitables et elle est une garantie de stabilité, de prévisibilité et d'efficience. En période de changements économiques spectaculaires, de mondialisation de l'économie et de création de nouveaux blocs commerciaux, il est essentiel de pouvoir compter sur un système de négociation collective qui soit efficient, efficace et souple.

Je crois que nous commençons à voir apparaître un nouveau niveau de coopération entre le patronat et la main-d'oeuvre. Nous voyons la déconcentration des organisations et l'apparition de nouveaux styles de négociation. Les membres du groupe du travail Sims ont reconnu que pour favoriser une telle collaboration il fallait trouver un équilibre entre un certain nombre d'objectifs concurrents. Il faut trouver un équilibre entre des objectifs sociaux et économiques. Le travail est une forme d'expression personnelle et une source de sécurité sociale. Pourtant, de nombreuses entreprises continuent d'exporter des emplois dans le cadre de leur recherche du profit. Il faut aussi trouver un équilibre entre les instruments d'une politique du travail. La protection de la liberté d'association, par exemple, doit être mise en parallèle avec la protection des droits à la propriété. Un équilibre doit être trouvé entre les droits et les responsabilités.

(1235)

Même si notre système de négociation collective accorde des droits aux employeurs et aux employés, il est également basé sur l'espoir que les deux parties honoreront leurs responsabilités, notamment celle de négocier de bonne foi.

Finalement, il faut trouver un équilibre entre la négociation collective et l'intérêt public.

Le projet de loi C-66 est une mesure législative juste et équilibrée qui prend en considération ces changements importants, qui reconnaît la nécessité d'équilibrer des objectifs concurrents et qui fera en sorte que le code continuera de fonctionner efficacement au siècle prochain.

Je voudrais utiliser le temps qu'il me reste pour parler d'aspects de la mesure législative qui conduiront à une administration plus efficace de la partie I du code.

Le projet de loi C-66 va améliorer considérablement l'administration de la partie I du code en restructurant le Conseil canadien des relations du travail. Ce conseil non représentatif sera remplacé par le Conseil canadien des relations industrielles. Le nouveau conseil sera constitué d'un président et de vice-présidents neutres et d'un certain nombre de membres représentant à part égale les syndicats et les employeurs.

Ceci devrait accroître la confiance de ceux qui se présentent devant le conseil, puisqu'ils seront ainsi assurés que leur cas sera parfaitement compris et convenablement examiné. Les décisions prises par le conseil, en particulier celles qui concernent l'exercice des pouvoirs discrétionnaires du conseil, seront plus crédibles aux yeux des syndicats et des employeurs.

La nomination de membres régionaux à temps partiel, représentants des syndicats ou des entreprises, améliorera de façon marquée l'efficacité financière du conseil, donnera au conseil l'accès à l'expertise de personnes qui sont actives dans le domaine des relations de travail et améliorera le lien entre le conseil et la communauté des relations de travail.

Les mesures pour réorganiser le conseil qui sont contenues dans le projet de loi C-66, le rendront également plus souple et lui permettront de répondre plus rapidement aux questions de routine et aux questions urgentes. Plutôt qu'un groupe de trois membres, le seul vice-président pourrait résoudre certains cas. C'est parfaitement logique dans le cas des motions préliminaires ou des demandes de prolongation de délais. L'accès au conseil serait amélioré par l'abrogation de la disposition qui exige que les parties obtiennent le consentement ministériel avant de déposer une allégation de négociation de mauvaise foi. Ce serait particulièrement important dans les cas où des audiences immédiates du conseil sont nécessaires pour surmonter une impasse dans les négociations.

Le projet de loi C-66 donnerait aux arbitres de griefs un certain nombre de nouveaux pouvoirs importants sur le plan de la procédure. C'est nécessaire parce que le processus d'arbitrage est devenu de plus en plus complexe. Les modifications rendront le processus d'arbitrage plus souple et plus efficace, et c'est une étape importante pour faire en sorte que l'arbitrage des griefs existe pour la résolution des conflits que les parties ne peuvent pas résoudre elles-mêmes.

(1240)

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Je regrette, mais votre temps est écoulé.

La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.


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Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Convoquez les députés.

Le vote sur la motion est reporté à demain, après la période réservée aux initiatives ministérielles.

* * *

LA LOI SUR LES JUGES

La Chambre passe à l'étude des amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur les juges et une autre loi en conséquence.

L'honorable Douglas Peters (pour le ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) propose:

Que l'amendement apporté par le Sénat au projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur les juges et une autre loi en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et agréé.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?

Des voix: Non.

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de parler au sujet de la motion portant que la Chambre lise pour la deuxième fois et approuve l'amendement que le Sénat a apporté au projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur les juges et une autre loi en conséquence.

Les députés se rappelleront que le projet de loi C-42 a été lu pour la toisième fois à la Chambre le 18 juin 1996. Au Sénat, le gouvernement a proposé et le Sénat a accepté une modification à l'article 5 du projet de loi que la Chambre avait adopté. Il s'agissait d'une disposition d'application générale concernant les activités internationales des jugés nommés par le gouvernement fédéral.

Le but initial de cette disposition était de préciser dans quelles conditions les juges pouvaient participer à des activités internationales à l'étranger, par exemple dans le cadre de projets d'assistance technique dans des pays en développement. Cette mesure devait modifier la loi actuelle en autorisant les juges qui participent à pareilles activités, sous réserve de l'approbation du Canada, de recevoir de l'argent au titre de leurs dépenses d'une organisation internationale.

En outre, l'article 5, dans sa première version, devait établir un cadre de travail dans lequel les juges pouvaient, avec l'autorisation du Canada, travailler pour une organisation internationale oeuvrant dans un pays donné ou pour une institution de celui-ci. Dans ces cas, un juge pourrait, sous réserve de l'approbation du gouverneur en conseil et après consultation avec le président du Conseil canadien de la magistrature, demander un congé non rémunéré afin de pouvoir être payé directement par l'organisation internationale.

Lors de l'étude du projet de loi C-42 au Sénat, certains se sont interrogés sur les répercussions éventuelles de certains aspects de l'article 5 sur l'autonomie des juges. Il était devenu évident que, pour faire adopter ce projet de loi sans plus tarder, le gouvernement devait accepter de modifier l'article 5 de façon à limiter son application à un cas précis, celui de la juge Louise Arbour.

(1245)

Comme les députés se le rappellent, la juge Louise Arbour, de la cour d'appel de l'Ontario, avait été nommée à l'unanimité, par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, à la recommandation du secrétaire général des Nations Unies, au poste de procureur en chef des tribunaux des Nations Unies chargés de juger les crimes de guerre commis dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda. Pour des motifs d'indépendance, les Nations Unies insistent pour que le procureur en chef ne reçoive pas son traitement et ses indemnités d'un pays membre, mais plutôt directement des Nations Unies.

L'article 5 adopté par la Chambre en juin tenait compte de considérations générales et pratiques raisonnables et respectait pleinement le principe de l'indépendance de l'appareil judiciaire. En proposant une modification de l'article 5 au Sénat, le gouvernement n'acceptait pas les arguments de ceux qui disaient que l'article 5, tel que libellé à l'origine, aurait menacé l'indépendance de l'appareil judiciaire.

Le gouvernement a proposé sa modification pour la seule et simple raison qu'il ne voyait aucun autre moyen de faire avancer rapidement le projet de loi. La modification de l'article 5 proposée par le Sénat autoriserait expressément et uniquement la juge Louise Arbour à prendre un congé pour exercer ses fonctions de procureur en chef des tribunaux des Nations Unies chargés de juger les crimes de guerre commis dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda.

Elle l'autoriserait également à choisir de prendre un congé non rémunéré et de recevoir un traitement et des indemnités directement des Nations Unies, dans le cadre de ses fonctions de procureur en chef. Autrement dit, par cette modification, l'article 5 cesserait d'être une modification générale visant les juges canadiens qui participent à des activités internationales.

J'ajouterais que, même si le Conseil canadien de la magistrature aurait préféré que l'article 5 soit adopté tel que la Chambre l'avait d'abord approuvé, il ne s'oppose pas à la version amendée de l'article.

Le projet de loi C-42 permettrait à madame la juge Arbour d'accepter la demande du Secrétaire général des Nations Unies et du Conseil de sécurité et de jouer un rôle à l'échelle internationale d'une énorme importance pour le monde entier. On s'attend que le Canada prendra les mesures nécessaires pour qu'elle puisse servir de manière à répondre aux besoins raisonnables et compréhensibles des Nations Unies.

Bien sûr, nous pouvons tous être fiers qu'une des nôtres, qu'une de nos juges représente notre pays à une tribune de cette importance. J'invite donc les députés à approuver sans tarder l'amendement apporté par le Sénat à l'article 5 du projet de loi C-42.


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Toutes les autres dispositions du projet de loi C-42 adopté par la Chambre en juin sont inchangées. Le projet de loi prévoit le transfert du Cabinet aux juges en chef le pouvoir d'autoriser un congé pour fonction de nature judiciaire allant jusqu'à six mois, comme l'ont recommandé les deux dernières commissions triennales sur le traitement et les avantages des juges et comme l'a approuvé le Conseil canadien de la magistrature.

Le projet de loi reconnaît l'importance de la Cour d'appel de la cour martiale du Canada en incluant le juge en chef de ce tribunal parmi les membres du Conseil canadien de la magistrature, et autorise le versement au juge en chef de ce tribunal d'une modeste indemnité maximale de 5 000 $ par an pour frais de représentation dont il devra rendre compte.

Les juges en chef des cours d'appel du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest auraient aussi droit à des indemnités similaires pour frais de représentation.

Le projet de loi C-42 autoriserait également la nomination à l'échelle du Canada d'au plus trois autres juges aux cours d'appel provinciales qui sont aux prises avec des charges de travail qui s'alourdissent et des arriérés depuis plusieurs années.

Selon l'opinion déclarée du ministre, il faudrait que deux de ces nouvelles nominations soient faites à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, qui a besoin d'un plus grand nombre de juges pour s'attaquer à sa charge de travail, et que la dernière soit faite à la Cour d'appel de l'Ontario, afin de remplacer madame la juge Arbour.

(1230)

Enfin, le projet de loi corrigerait des erreurs techniques et clarifierait le libellé de la Loi sur les juges. J'invite donc tous les députés à appuyer les modifications proposées à la Loi sur les juges.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir d'intervenir sur ce projet de loi en qualité de critique de l'opposition officielle en matière de justice, compte tenu que le projet de loi C-42 a déjà été débattu en cette Chambre et qu'il a été renvoyé par la suite au Sénat. C'est à la suite de certaines modifications que le Sénat voudrait voir apportées à ce projet de loi qu'il nous revient en cette Chambre.

Je pense que pour bien comprendre les tenants et aboutissants des modifications proposées par le Sénat, il faut au moins voir si le projet de loi, dans sa forme initiale, respectait certaines exigences. Il faut voir si le projet de loi, dans sa forme initiale, a passé à travers le processus législatif normal, c'est-à-dire la première lecture, la deuxième lecture et la troisième lecture.

Est-ce que le gouvernement, l'opposition officielle et le troisième parti se sont penchés sur ce projet de loi de façon sérieuse pour voir s'il y avait des modifications à apporter à ce projet de loi? Est-ce que le projet de loi C-42 a été étudié en comité? Est-ce qu'on l'a étudié article par article devant le comité parlementaire d'élus de cette Chambre? Est-ce qu'on l'a adopté à l'étape du rapport?

À toutes ces questions, on peut répondre oui. Le projet de loi C-42 a passé ces étapes. Ceux qui ont reçu un mandat très clair de la population, qui se trouvent dans la Chambre des communes, ont analysé le projet de loi C-42 et ils l'ont adopté. Oui, selon le système actuel, ce projet de loi doit aller dans l'autre Chambre, au Sénat. Pourquoi? Parce que c'est comme cela, parce que le système fonctionne comme cela.

Cependant, il ne faut pas dénaturer ce projet de loi lorsqu'il nous revient également. Je pense que les objectifs qu'on voulait atteindre l'ont été par le projet de loi C-42 tel qu'il a été adopté par la Chambre des communes. Il y a quatre grands thèmes, quatre grandes idées sur lesquelles le projet de loi C-42 élaborait et pour lesquelles les députés de cette Chambre ont décidé que oui, effectivement, c'était un bon projet de loi et qu'on devrait l'adopter.

J'ai essayé de comprendre les modifications du Sénat et je pense que si on veut permettre aux gens qui nous écoutent, aux gens qui suivent un peu les débats, de comprendre un petit peu l'idée derrière les modifications du Sénat, ils doivent au moins comprendre, connaître les quatre grandes idées du projet de loi C-42.

Nous, du Bloc québécois, étions d'accord avec ce projet de loi pour bien des raisons. Entre autres, il y avait une série d'articles qui créaient de nouveaux postes de juge. On sait que la loi actuelle permet aux provinces canadiennes et au Québec de créer sept postes de juge supplémentaires. Avec l'amendement proposé dans le projet de loi C-42, qui a été adopté par la Chambre, on permet aux assemblées législatives de chaque province de décider, si besoin il y avait, d'augmenter de sept à dix les juges supplémentaires.

Compte tenu de ce qu'on vit dans les provinces, de ce qu'on vit au Québec, entre autres, en Ontario et dans les autres provinces, vu les délais de cour, vu la charge de travail pour les juges, c'était l'amendement normal. Il ne faut pas toucher à cela. On l'a adopté en cette Chambre.

On avait aussi une série de modifications cléricales et de phraséologie. C'était aussi normal de rafraîchir cette loi, de la moderniser et de la mettre plus juste. On avait les congés des juges, et l'idée derrière cela était sur le plan de l'indépendance des juges. C'est un critère extrêmement important si on veut évaluer à leur juste valeur les modifications du Sénat, modifications qui passent par le gouvernement pour être adoptées ici.

(1255)

Dans cette modification relative aux congés des juges, il y avait un nouveau paragraphe prévoyant dans C-42 que, dorénavant, seuls les congés demandés par des juges pour plus de six mois devront être autorisés par le gouverneur en conseil. Actuellement, c'est un congé d'un mois. Si un juge voulait avoir un congé d'un mois, il devait se présenter ou faire une demande au gouverneur en conseil.

Par cette modification, on veut éloigner le conseil exécutif, on veut éloigner toute politique d'une décision d'un juge. C'était un choix délibéré, c'était une modification extrêmement importante pour le système judiciaire canadien, pour le système judiciaire québécois. On a applaudi cette modification et on l'a appuyée en cette Chambre.

La quatrième modification qu'on retrouvait dans C-42, qui était extrêmement innovatrice, qui répondait à un besoin contemporain et qui, là, est touchée directement par ce qu'on a ce matin venant du Sénat, était la possibilité pour un juge de participer, avec l'autorisation du gouvernement, à des activités légales mais internationales. Jusqu'à maintenant, les juges devaient se consacrer exclusivement à leurs fonctions judiciaires. En plus de la tradition qui exige une


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obligation de réserve selon laquelle les juges doivent éviter de s'impliquer dans des situations qui pourraient les forcer à prendre une position en public, c'est donc une dérogation qu'on prévoyait dans C-42, dérogation à notre tradition juridique que de permettre aux juges de participer à des activités internationales. Mais c'était une bonne dérogation puisqu'elle était très bien balisée dans le projet de loi C-42, et qui avait été dûment adoptée par la Chambre des communes.

On prévoyait également dans ce projet de loi, ce qui était normal, qu'un juge ne pouvait pas avoir une double rémunération. C'est-à-dire que s'il acceptait une fonction internationale, il ne pouvait pas en même temps avoir des congés payés ou avoir une rémunération quelconque venant de son pays qui l'avait nommé juge.

On voit donc très bien que les modifications de C-42, dans leur ensemble, répondaient à un besoin national, à un besoin immédiat, à un besoin dans le milieu et aussi à un besoin international avec les grands conflits, avec les procès internationaux que nous avons de façon très contemporaine, surtout régulièrement. La législation répondait en quelque sorte aux attentes internationales.

Ce projet de loi a été étudié sérieusement par une équipe de recherchistes chevronnés, au cours d'analyses minutieuses, et on a décidé de l'adopter tel quel, d'apporter en comité certains commentaires, mais les élus du peuple ont décidé, très démocratiquement, d'adopter ce projet de loi C-42 de cette façon.

Mais vous savez, dans le Canada, comme je le disais au début de mon analyse, on a une autre Chambre, une Chambre de non-élus, de personnes que je pourrais dire déconnectées un petit peu de la réalité dans certains cas, c'est effectivement vrai, qui dorment au gaz de la partisanerie à l'occasion. Un sénateur s'est réveillé un bon matin et a dit, dans un moment d'éveil passager, rassurez-vous: «Ce projet de loi, on ne peut pas le laisser passer tel quel. On va le modifier pour bien justifier notre salaire ici au Sénat. Il faut au moins justifier une partie des 43 millions qu'on dépense annuellement au Sénat.»

Ils ont donc décidé de prendre un cas spécifique. Ils ont dit: «On va modifier le projet de loi C-42 de façon spécifique, pour un juge en particulier. Comme ça, chaque fois qu'un juge voudra faire du travail au plan international, il faudra qu'il procède de nouveau de la même façon: venir à la Chambre des communes, par la suite au Sénat. On aura de l'ouvrage un petit peu. On pourra mettre notre nez dans ces affaires. On pourra faire des modifications. Ce sera le fun.» Ce qui fait que de l'idée globale du projet de loi C-42, le Sénat, pour une grande partie de ce projet de loi, a décidé d'en faire un cas spécifique. Il a décidé de modifier ce projet de loi pour l'appliquer à un cas spécifique qui est celui du juge Arbour, juge de la cour d'appel de l'Ontario.

(1300)

Pour nos auditeurs qui doivent se dire: «Ah, c'est un bloquiste; ce doit être encore pour protéger les Québécois», les libéraux d'en face disant tout le temps qu'on prêche seulement pour le Québec, là, c'est pour un principe, celui de l'indépendance. Et dans le cas spécifique du Sénat, alors que les libéraux sont complices un peu de l'attitude du Sénat, c'est pour un juge de la Cour d'appel de l'Ontario.

Cette modification intervient après que la Chambre des communes se soit prononcée de façon très claire: première lecture, deuxième lecture, troisième lecture, sans compter l'étude en comité, étude article par article en comité, l'étape du rapport, et là il faut recommencer, il faut revoir les grandes modifications du Sénat. Mais quelles justifications autres que partisanes ont motivé le Sénat à faire de telles modifications?

Je me suis amusé un peu, c'est très rare que je fais cela, à lire les grands débats philosophiques de l'autre Chambre. Une fois de temps en temps au cours d'un mandat, il faut au moins lire ce que le Sénat et les sénateurs peuvent dire sur un sujet en particulier.

J'ai lu les débats du Sénat du lundi 28 octobre, du 7 novembre et du 22 octobre 1996 pour voir ce qu'on y disait sur le projet de loi C-42. Je dois vous dire que j'ai été extrêmement surpris de la profondeur de l'étude des sénateurs, du sérieux avec lequel ils étudient la législation et surtout les sources qui les motivent à apporter des modifications.

Une de ces sources, pour un sénateur que je ne nommerai pas par respect pour sa personne, cite la fabuleuse et très sérieuse revue à potins Frank au sujet de laquelle le sénateur dit: «Écoutez, dans le cas de Mme Arbour, ça n'a pas de sens, il faut apporter une modification spécifique.» Dans le numéro du 23 octobre 1996, on pouvait lire, dans la revue à potins Frank, un article sur les amis haut placés du juge Arbour: «Mme Arbour a beaucoup d'amis et d'alliés qui peuvent l'aider à se hisser au sommet. C'est M. Goldstone qui a usé de ses talents pour obtenir la nomination de Mme Arbour aux Nations Unies. Au Canada, c'est son conjoint de fait, le boutonneux sous-procureur général de l'Ontario, M. Larry Taman, qui a dirigé la manoeuvre dans les cercles juridiques.»

En partant de ce petit journal à potins, d'un article qu'on peut qualifier de feuille de choux, le sénateur a dit: «Il faut faire un cas spécifique, il faut utiliser le projet de loi C-42, le modifier, proposer un amendement pour encercler toute la nomination de Mme le juge Arbour.» Si ce n'était que le seul critère d'évaluation, à savoir si, oui ou non, il faut modifier une législation qui vient, je le répète encore une fois, de la Chambre des communes composée d'élus démocratiquement. Tous les quatre ou cinq ans, on va devant le peuple pour se faire élire. Je ne pense pas qu'un sénateur, avec de très grandes capacités intellectuelles de ce genre, qui cite Frank, aimerait bien aller une fois de temps en temps devant la population pour se faire élire.

Ce même sénateur dit, dans son élan d'analyse: «On m'a dit que le contrat du juge Arbour fixait sa rémunération à 250 000 $ US non imposables. Il prévoyait plusieurs milliers de dollars additionnels pour son compte de dépenses. Avec une telle rémunération, il n'y aura bientôt plus personne dans les rangs de la magistrature si les juges canadiens ont le droit de solliciter, auprès des instances internationales, des postes prévoyant une rémunération de cet ordre.»


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Encore là, qu'est-ce que ça peut faire aux sénateurs que la personne gagne 250 000 $ US? Si le sénateur a peur que les banquettes des juges soient vides, parce qu'il y aurait plusieurs juges qui décideraient d'aller travailler à l'échelle internationale, qu'il se rassure.

(1305)

Je pense que ça va faire plaisir au ministre de la Justice et au gouvernement canadien de renommer de leurs petits amis aux postes de juge. Et je dis cela dans sa grandeur, «petits amis». On sait fort bien, au fédéral, que ce sont des nominations politiques. Mais jusqu'à maintenant, bien que ce soient des amis du régime, je ne me plaindrai pas, en tout cas pour ce qui est du Québec. Ayant été un praticien avant d'être député, j'ai vu que les juges étaient quand même très compétents.

On voit que quand le gouvernement est conservateur, ce sont tous des juges à allégeance conservatrice, et quand le gouvernement est libéral, ce sont tous des juges d'allégeance libérale, mais ça fait partie de la «game», comme on dit chez nous.

Mais qu'on se comprenne bien. Pour rassurer les sénateurs dans leur ensemble, qu'ils n'aient crainte, qu'ils n'aient pas peur, on va toujours trouver des juges, on va toujours trouver quelqu'un de très compétent à nommer au poste de juge, quelqu'un ayant une bonne formation. Les murs du temple de la justice canadienne ne s'effriteront pas parce qu'un, deux ou trois juges décident de rendre service à l'échelle internationale et de mettre leur savoir au service de cette communauté. Peut-être que ce n'est qu'un sénateur qui pense des choses semblables, j'ai lu encore, et malheureusement, il n'est pas le seul.

Il y a un autre sénateur ici qui a déjà été député. Maintenant, il a été honoré par un gouvernement antérieur au poste de sénateur. Lui dit qu'il faut véritablement modifier. Il est d'accord avec l'amendement proposé et il dit: «Écoutez, l'indépendance de la magistrature est un des éléments que tous les parlementaires canadiens doivent s'appliquer à protéger et à défendre.» C'est d'une profondeur, et c'est vrai. Il a beaucoup réfléchi pour cela.

«L'indépendance de la magistrature est un des derniers remparts du respect des valeurs démocratiques de ce pays.» Venant de quelqu'un qui n'est pas élu, de l'autre Chambre, c'est assez spécial qu'il invoque lui-même les valeurs démocratiques, surtout que l'amendement proposé par le Sénat, je pense, fait justement échec à l'esprit d'indépendance.

Au Canada on a des règles écrites, des règles non écrites, des coutumes et tout ce que vous voudrez. Mais le ministre de la Justice ou son secrétaire parlementaire savent qu'il existe une règle non écrite qui veut que jamais le Parlement ne devrait adopter une loi spécifique pour un juge. Jamais, c'est un accroc, c'est un coup qu'on donne à l'esprit d'indépendance du pouvoir exécutif et du tribunal, au plan juridique, de la nomination du juge.

Par la modification que le Sénat veut faire, je sais bien que ce n'est pas une législation spécifique, je sais bien que dans le projet de loi C-42 on ne traite pas que du cas de la juge Louise Arbour, mais en faisant un amendement spécifique dans ce sens, en modifiant l'esprit de cet article, en le rendant spécifique à un cas, en le rendant directement adapté à un cas particulier pour régler un problème, je pense qu'on fait une loi pour un juge, pour un cas en particulier.

Je trouve qu'il est dangereux et même déplorable que le gouvernement décide d'abdiquer ses pouvoirs par rapport à des voeux de l'autre Chambre. Le gouvernement avait fait son lit dans le projet de loi C-42. Le gouvernement avait clairement décidé de sa position. Pour des considérations que lui seul connaît, il décide de se plier au Sénat pour faire modifier la législation et, par conséquent, et indirectement, porter atteinte à un principe qui est reconnu.

Il s'est dit beaucoup de choses lors du débat en première lecture sur le projet de loi C-42 concernant l'impartialité, les nominations des juges, tout le système juridique dans lequel cette législation doit être prise en considération. Je ne les répéterai pas.

(1310)

Cependant, si le gouvernement se sert du Sénat pour modifier une loi, pour apporter des modifications à une loi ou à des parties précises d'une loi parce qu'il ne l'avait pas vu, c'est inquiétant. Je pense pas que ce soit le cas. Je connais le ministre de la Justice. On peut être ou ne pas être d'accord avec sa position dans certains dossiers, entre autres, sa décision d'un renvoi à la Cour suprême afin que les juges de la Cour suprême se prononcent sur une question très politique touchant le Québec, on peut ne pas être d'accord avec toutes ses décisions, mais je pense que le ministre de la Justice est un homme qui connaît à fond ses projets de loi.

C'est un homme qui, avant de prendre une décision, fait analyser le projet de loi par ses conseillers, par son équipe de recherchistes, par des avocats chevronnés. Tout ce processus a été fait et ensuite, il a décidé de déposer un projet de loi. On en a rediscuté, il s'est repositionné, on a adopté un projet de loi après en avoir discuté, après avoir parlementé entre le gouvernement et les partis d'opposition, et on a adopté un projet de loi.

Je pense qu'en 1996, il est impensable que le Sénat puisse faire reculer le gouvernement sur une question aussi importante que la question d'indépendance des tribunaux.

J'informe le gouvernement et je dis à ses représentants qu'ils font fausse route, qu'ils ne devraient pas agir ainsi. Ils devraient plutôt mettre le Sénat au pas sur une question semblable. Sur cette question, nous ne suivons pas le gouvernement libéral, le gouvernement canadien quant à cette modification. Et même, si je n'avais craint que ce soit interprété comme une opposition au projet de loi C-42, j'aurais demandé à cette Chambre qu'on ne lise jamais ce projet de loi en deuxième et troisième lectures. Mais sur le fond, comme je vous l'ai dit plus tôt, on est d'accord avec le projet de loi C-42.

À titre de parti d'opposition, nous sommes contre la modification, l'amendement que le Sénat apporte par l'intermédiaire du gouvernement. Donc, on va voter contre cette modification.

J'invite le gouvernement à refaire ses devoirs. J'invite le gouvernement à consulter de nouveau ses avocats, ses recherchistes, ses conseillers spéciaux, ceux qui l'avaient conseillé préalablement dans la rédaction du projet de loi C-42. J'invite le gouvernement à refaire ses devoirs, à aller les voir de nouveau, pour avoir l'heure


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juste sur cette question extrêmement importante, pour qu'on ait une loi claire, non pas une législation qui puisse encourager les juges à s'expatrier du Canada, ce n'est pas l'objectif du Bloc québécois, mais qu'on ait une législation qui soit claire. Que les juges connaissent d'avance les règles du jeu et si un juge a une compétence dans un domaine, que ce juge veuille rendre service au plan international en prêtant, à un tribunal extérieur, ses compétences, je pense qu'il faut favoriser cela avec une loi qui soit claire en ce sens.

Il faut prévoir de l'équité, de la justice pour toutes les personnes qui voudraient bénéficier de cette expérience internationale. Par la modification proposée par le Sénat, c'est impossible. Chaque cas sera un cas d'espèce, chaque cas sera évalué selon la pression qu'on fera sur le gouvernement d'en face. Je pense que c'est extrêmement néfaste dans une société qui se dit démocratique et qui veut surtout avoir de l'indépendance entre l'exécutif et le judiciaire.

Pour conclure, j'invite le ministre de la Justice à revoir ses calculs, s'il en a fait, à revoir le tout avec ses conseillers juridiques, pour rajuster son tir et décider, en fin de compte, que l'amendement proposé par le Sénat n'est pas opportun pour le système judiciaire canadien, et par conséquent, pour le système judiciaire québécois.

(1315)

[Traduction]

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Madame la Présidente, j'ai écouté le débat jusqu'ici et surtout l'intervention du député de Prince Albert-Churchill River. On aurait dit un discours rédigé par le ministre de la Justice, qui n'a pas jugé l'affaire assez importante pour venir ici le lire lui-même. Cela dit, quel est le contenu de l'intervention? Le député nous a exhorté à adopter l'amendement rapidement, à nous précipiter pour faciliter les choses au gouvernement. Qu'est-ce qui presse donc tant?

Comme il a été dit, il y a un problème, celui de Mme Louise Arbour, juge de l'une des cours supérieures de l'Ontario, qui a accepté une affectation au niveau international. Ce qui presse, c'est de régulariser sa situation.

L'article 55 de la Loi sur les juges dit ceci:

Les juges se consacrent à leurs fonctions judiciaires à l'exclusion de toute autre activité, qu'elle soit exercée directement ou indirectement, pour leur compte ou celui d'autrui.
Nous savons que Mme Louise Arbour ne se consacre pas à ses fonctions judiciaires. Elle se trouve à l'étranger, au service des Nations Unies. Elle a accepté une nomination de l'ONU. Voilà pourquoi le gouvernement est pressé.

Le discours de ce matin nous a aussi appris que le Sénat avait du mal à accepter le projet de loi C-42. Comme l'a dit le député de Prince-Albert-Churchill River, afin de faire adopter le projet de loi rapidement et afin de résoudre légalement le dilemme actuel de Madame la juge Louise Arbour, qui ne se consacre pas exclusivement à ses fonctions, le gouvernement a apporté au Sénat un amendement au projet de loi, dont la Chambre est maintenant saisie.

Le député a pris quelques minutes pour nous exposer cet amendement. Or, il est intéressant de constater qu'il y a deux amendements, pas un mais deux amendements. Si j'ai bien entendu ce qu'il a dit, le député n'a pas mentionné qu'il y avait deux amendements. Il a parlé d'un seul amendement.

Je voudrais citer le premier amendement dont l'autre Chambre nous a saisis:

Que le projet de loi C-42 soit modifié par substitution, à la ligne 1, page 1, de ce qui suit: Préambule:
Attendu que le Conseil canadien de la magistrature a été consulté sur certaines dispositions de la présente loi, notamment l'article 5, et est d'accord sur l'objet de cet article. . .
Le Conseil canadien de la magistrature est composé des juges en chef et est présidé par le juge en chef Lamer de la Cour suprême du Canada. Il s'agit de la plus haute instance judiciaire du pays et il s'agit du juge le plus élevé de ce tribunal. Il n'est peut-être pas inhabituel pour eux de se prononcer sur des mesures législatives avant qu'elles ne prennent force de loi, mais il est évident qu'afin de faire adopter cette mesure législative aussi rapidement que possible à l'autre endroit, le ministre a décidé de proposer ce nouveau préambule disant que le Conseil de la magistrature, présidé par le juge en chef Lamer, approuvait cet article du projet de loi et, en fait, approuvait tout le projet de loi.

Je voudrais parler de l'apparence d'indépendance et d'intégrité. Nous savons tous que le juge en chef Lamer est un homme intègre. Sa réputation n'est pas le moins du monde contestée. Je trouve cependant très discutable le fait que le ministre de la Justice ait placé le juge en chef dans une position très embarrassante en proposant à l'autre Chambre ce préambule au projet de loi dont nous discutons actuellement.

Pourquoi? Tout simplement parce que l'article 3 du projet de loi C-42 accorde un avantage au juge en chef et à son épouse, qui siège elle aussi à un tribunal fédéral. Autant que nous sachions, l'article 3 du projet de loi C-42 accorde cet avantage au juge en chef et à son épouse uniquement. Nous avons entendu le ministre de la Justice dire qu'il y avait un autre couple, mais il n'en a pas divulgué les noms. Nous ne sommes donc pas certains qu'il existe un autre couple. S'il en existe un autre, cela fait un maximum de quatre personnes, mais nous savons qu'il y en a deux. Le juge en chef et sa femme bénéficient donc de l'article 3 du projet de loi C-42, et pourraient très bien en bénéficier de façon importante.

(1320)

Le ministre de la Justice a écrit au juge en chef de la Cour suprême pour lui demander ce qu'il pensait du projet de loi C-42, pour savoir s'il en était satisfait. Comme l'article 3 du projet de loi C-42 est avantageux pour le juge en chef, qu'est-ce que celui-ci est censé répondre. Il se trouve dans une situation des plus délicate et des plus compromettantes parce que le ministre de la Justice lui a écrit pour lui demander ce qu'il pensait du projet de loi C-42.


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L'intégrité du juge en chef de la Cour suprême est compromise par suite de ce préambule et ce préambule existe par la volonté du ministre de la Justice.

Le fait est que l'indépendance du pouvoir judiciaire est maintenant compromise de la pire manière à cause de cette odieuse modification. Je dis «odieuse», car que pouvait dire le juge en chef? Il pouvait approuver le projet de loi et accepter l'avantage que lui confère le projet de loi. Peut-être a-t-il approuvé l'article 5 en raison de cet avantage. J'espère que non. Comme je l'ai dit, il est un homme intègre, et je ne mets nullement son intégrité en doute. Mais je regrette beaucoup que le ministre de la Justice l'ait placé dans cette situation. Voilà pourquoi cette modification doit être rejetée. Si nous avons le moindre respect pour le pouvoir judiciaire, nous devons rejeter cette modification.

Ce matin, j'ai invoqué le Règlement du fait que cette mesure constitue désormais un projet de loi hybride, un projet de loi d'intérêt privé et public parce que le nom de Madame le juge Louise Arbour y est spécifiquement mentionné.

Si je puis me permettre de revenir sur le fait que le juge en chef a été mêlé à ce projet de loi, je voudrais citer le compte rendu de l'Alberta du 28 octobre 1996, à la page 27. Le professeur Morton, de l'Université de Calgary, dit ceci au sujet de ce projet de loi devant le comité sénatorial:

Le professeur Morton a bien dit aux sénateurs à quel point il importe que les juges aient l'air impartial. En 1984, la Cour suprême a décrété que l'impartialité réside dans l'absence de parti pris réel ou apparent. Plus tôt, cette année, le Conseil canadien de la magistrature, dont le juge Lamer est le président en titre, a dit qu'une mauvaise conduite de la part d'un juge était une conduite risquant de miner suffisamment la confiance de la population.
Voici ce que disait récemment le professeur des sciences politiques à la retraite de l'Université de Toronto, Peter Russell: «Il est très troublant que le principal bénéficiaire de la modification soit le juge en chef. C'est à se demander s'il y a vraiment eu communication entre le gouvernement et lui. Je crois que la population a droit à des explications.»
C'était avant que le préambule soit modifié. Nous savons maintenant qu'il y a eu communication entre le gouvernement et le juge en chef, et cela rend la situation extrêmement délicate.

Pour en revenir à Madame le juge Louise Arbour, j'ai signalé ce matin que le fait que Madame le juge Louise Arbour soit exemptée de l'article 55 de la loi relève nettement du projet de loi privé. On peut lire ceci dans le compte rendu de l'Alberta du 28 octobre 1996, à la page 27, et je cite:

Madame le juge Arbour a elle-même sollicité et obtenu le poste de l'ONU.M. Rock a alors convenu de modifier la Loi sur les juges afin que les juges puissent prendre des congés sans traitement.
S'il ne s'agit pas là d'une requête d'un particulier, d'une personne qui veut se soustraire à l'application de la loi, je me demande bien ce que c'est.

J'ai cité une décision rendue par le Président de l'autre endroit et je vais encore en citer un passage: «Le projet de loi d'intérêt public est l'expression de la politique du gouvernement, tandis que le projet de loi d'intérêt privé traite de questions qui présentent un intérêt ou un avantage particuliers pour une ou plusieurs personnes. Un projet de loi renfermant le genre de dispositions qui caractérisent essentiellement un projet de loi d'intérêt privé ne peut être déposé à titre de projet de loi d'intérêt public. Le projet de loi qui a pour objet de soustraire une personne à l'application d'une loi est un projet de loi d'intérêt privé; il ne saurait être dit d'intérêt public.»

(1325)

Cela semble assez évident à la lecture du rapport de l'Alberta. Le fait que la juge Louise Arbour ait posé avec succès sa candidature auprès de l'ONU et qu'elle ait ensuite convaincu le ministre de la Justice de proposer qu'elle soit soustraite à l'application de la loi pour qu'elle puisse exercer ses fonctions, cela me semble une façon plutôt odieuse de se soustraire à l'application de la Loi sur les juges. L'indépendance et l'intégrité sont fort discutables en l'occurrence.

Je songe au commentaire 1055 de Beauchesne qui recommande, au sujet des projets de loi d'intérêt privé, de faire particulièrement attention, car il convient de ne pas écarter inconsidérément les lois en faveur d'une personne ou d'un lieu. Ce n'est certainement pas avec une attention toute particulière que l'on traite le contenu de ce projet de loi, dont l'objet est bel et bien une question d'intérêt privé.

Par conséquent, je propose:

Qu'on modifie la motion en retranchant tous les mots suivant le mot «Que» et en les remplaçant par ce qui suit:
«un message soit envoyé au Sénat pour faire savoir à Leurs Honneurs que la Chambre s'oppose aux amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur les juges et une autre loi en conséquence, étant donné que l'amendement no 1 place le président du Conseil canadien de la magistrature en situation de conflit d'intérêts et que l'amendement no 2 constitue un rejet de l'intention initiale du projet de loi C-42 consistant à modifier la politique publique et introduit une dérogation à l'article 55 de la Loi sur les juges à l'intention de Madame la juge Louise Harbour, ce qui, d'après les règles et usages de la Chambre des communes, devrait faire l'objet d'un projet de loi d'intérêt privé et non pas figurer dans un projet de loi public.»
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La présidence examinera l'amendement proposé et communiquera ses conclusions au député. Celui-ci veut peut-être poursuivre le débat.

M. Williams: Je peux poursuivre, madame la Présidente, si vous voulez avoir le temps de décider si l'amendement est acceptable ou non. J'espère évidemment que vous rendrez une décision favorable.

Au sujet de cet amendement, si je puis me permettre d'attirer votre attention sur l'amendement que je viens de vous soumettre, le Président a décidé ce matin, et dans sa décision il a cité certaines références et précédents, qu'il n'avait pas l'autorité nécessaire pour modifier un message venant de l'autre endroit et que la Chambre seule avait le droit de le faire. En ce qui concerne mon rappel au Règlement dans lequel je demandais que la partie se rapportant à madame la juge Louise Arbour fasse l'objet d'un projet de loi d'intérêt privé, le Président a statué que cette décision revenait à la Chambre plutôt qu'à la présidence. J'espère que vous reconnaîtrez que la Chambre peut débattre la motion et décider s'il convient


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d'aller de l'avant avec la mesure proposée par le Sénat en amendement au projet de loi C-42.

Toutefois, nous ne saurions trop insister sur les réserves que nous entretenons au sujet de madame la juge Louise Arbour. Je le répète, je ne doute nullement de l'intégrité de madame la juge Louise Arbour et je reconnais la valeur du travail qu'elle a accompli au sein de la magistrature.

Reconnue comme un éminent juriste, Mme Arbour est sensée avoir été choisie par les Nations Unies pour accomplir cette tâche ardue à Bruxelles, mais selon le rapport de l'Alberta, elle aurait elle-même postulé l'emploi. Elle n'a pas été choisie en raison de sa réputation internationale, mais même si c'était le cas le gouvernement lui accorderait un appui inapproprié en agissant de façon rétrospective plutôt que proactive.

(1330)

Le ministre de la Justice a répété à plusieurs reprises devant la Chambre qu'il lui incombe de maintenir la primauté du droit et c'est le cas. Voici qu'un juge canadien travaille présentement pour les Nations Unies dans un autre pays pour défendre la primauté du droit international et poursuivre les auteurs de crimes horribles. Nous ne doutons pas qu'il y ait beaucoup de travail à faire là-bas et nous ne nions pas non plus que ce soit un honneur pour une Canadienne d'être appelée à faire ce travail.

Nous nous interrogeons cependant sur l'intégrité du système judiciaire au Canada. S'il faut faire-rétroactivement, ajouterai-je-une dérogation à la Loi sur les juges pour qu'un juriste aille là-bas afin de maintenir la primauté du droit, nous transmettons le mauvais message. Nous laissons entendre que nous sommes prêts à plier et à modifier rétroactivement nos lois pour autoriser une chose, alors qu'elle est déjà là-bas pour maintenir la primauté du droit. Il y a là quelque chose d'incongru qu'il faut examiner très soigneusement.

Les règles de la Chambre ont été quelque peu contournées du fait que cette mesure a été présentée comme un projet de loi d'intérêt public, qu'elle a été adoptée par la Chambre en tant que projet de loi d'intérêt public et qu'elle nous revient sous la forme d'un projet de loi hybride d'intérêt privé et public, ce qui n'est pas permis. Il y a divergence d'opinion à la Chambre quant à savoir si les règles peuvent être contournées de cette façon. Je trouve que cela jette une ombre sur la nomination de Madame le juge Louise Arbour qui doit remplir ces obligations pour le compte des Nations Unies. Si le ministre voulait que le Canada soit perçu dans le monde comme un procureur du tribunal international de la justice, il aurait dû faire plus attention à la façon dont il s'y prenait.

Je respecte l'intégrité et la compétence de Madame le juge Louise Arbour. C'est une juriste et elle sera maintenant un procureur dans ses nouvelles fonctions. Cela veut dire qu'elle poursuivra dorénavant l'autre partie. Je ne conteste pas le fait qu'elle poursuive en justice des personnes coupables de crimes horribles. Ce que je veux dire, c'est qu'elle est maintenant un procureur, qu'elle a vraisemblablement l'intention de regagner sa place au banc des juges et de retrouver cette position impartiale. Essentiellement, elle s'est départie de son impartialité en acceptant ce poste de procureur.

Encore une fois, je crains qu'à son retour au banc des juges, son impartialité ne soit mise en doute. C'est une question très problématique. J'aurais pensé et espéré que le ministre de la Justice l'aurait bien étudiée et en aurait discuté avec les autres députés, voire peut-être avec les sénateurs à l'autre endroit, avant que le Canada ne procède à la nomination de Madame le juge Louise Arbour à ces lourdes fonctions afin qu'elle porte le flambeau de la justice partout dans le monde et au Canada.

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, je suis toujours stupéfait de voir quelles sottises peuvent proférer les députés réformistes et j'ai été étonné aujourd'hui d'entendre les idioties prononcées par rapport à ce projet de loi très important à plusieurs égards. Le projet de loi permettrait à l'un de nos éminents juristes de remplir une fonction internationale très importante, c'est-à-dire de poursuivre des criminels de guerre, à la demande des Nations Unies.

(1335)

Le Canada a toujours été à l'avant-garde de la justice sur la scène internationale. Il a toujours représenté l'intégrité et la capacité d'assumer ses responsabilités quant il devait faire sa part pour voir à ce que les crimes de guerre soient punis et à ce que notre nation contribue aux justes causes. C'est par respect pour la réputation du Canada qu'on demande souvent aux Canadiens de participer à des tribunes.

Aussi valables et nobles que celle-ci, que le Parti réformiste traîne dans la boue. Cela ne devrait surprendre personne. S'il y a un groupe qui fait obstacle à l'indépendance de l'appareil judiciaire, c'est certainement le Parti réformiste. Il ne fait aucun doute que Madame la juge Louise Arbour s'acquittera très bien de sa tâche et de celle de son pays. Nous considérons qu'il convient d'apporter les modifications requises pour qu'elle puisse jouer son rôle conformément aux règles des Nations Unies.

Les députés du Parti réformiste ont soulevé un autre point qui remettait en question l'intégrité du juge en chef de la Cour suprême. Ce projet de loi propose simplement une modification de la Loi sur les juges qui harmoniserait les pensions des juges à celles des fonctionnaires et des députés et à d'autres régimes de pensions. Cette modification est demandée depuis de nombreuses années. Elle est proposée parallèlement à d'autres modifications à la Loi sur les juges. Voilà tout.

Le Parti réformiste demande combien de juges sont mariés à d'autres juges. Nous connaissons quatre couples où les deux conjoints sont des juges. Il y en a peut-être davantage, mais les juges ne sont pas tenus de signaler au ministre de la Justice qu'ils s'aiment et qu'ils ont décidé de se marier. Encore une fois, on remet en


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question une proposition valable et adéquate qui harmoniserait ces régimes à d'autres régimes semblables et on la transforme en quelque chose de répréhensible.

Cela est très symptomatique de tout ce que représente le Parti réformiste et de tout ce qu'il propose. Il cherche à dénaturer ce qui est bon et respectable. Dans ces circonstances, je demande au député de nous dire pourquoi le Parti réformiste persiste à discréditer de bons projets de loi qui feront honneur à notre nation.

M. Williams: Madame la Présidente, je suis certainement heureux de répondre à cette intervention du député de Prince Albert-Churchill River.

Je voudrais être bien clair. Dans mon discours, j'ai dit que je n'envisagerais jamais de mettre en doute, d'une façon quelconque l'intégrité du juge en chef de la Cour suprême. Je n'ai pas l'intention non plus de mettre en doute l'intégrité de Mme le juge Louise Arbour. Je suis certain de son intégrité et je suis persuadé que le respect que l'on a pour elle est mérité.

(1340)

Ce qui n'est pas mérité, c'est la façon dont le gouvernement modifie les règles. Il place ces deux juristes éminents dans une position très difficile et même compromettante. Ils ne sont pas là parce qu'ils l'ont choisi, ils sont là parce que ce gouvernement l'a choisi.

Si le député de Prince Albert-Churchill River ne peut pas comprendre ce point, c'est peut-être pour cela que ce projet de loi et ce gouvernement sont dans la mauvaise passe où ils sont aujourd'hui en ce qui concerne ces deux situations. C'est le gouvernement qui a créé le problème. Ce n'est pas le juge en chef de la Cour suprême. Son intégrité est au-dessus de tout soupçon. C'est le ministre de la Justice qui l'a mis dans une position compromettante.

Je ne sais pas grand-chose de Mme le juge Louise Arbour, mais je présume que son intégrité est également au-dessus de tout soupçon. Le ministre de la Justice l'a également mise dans une position très difficile en lui permettant de quitter ses fonctions de magistrat, en contravention de l'article 55 de la Loi sur les juges, et de prendre un nouveau poste avant que la mesure législative nécessaire ne soit adoptée par cette Chambre et par l'autre. C'est ça le problème et le Parti réformiste estime que, de ce fait, la capacité de Mme le juge Louise Arbour de juger et d'être un modèle au Canada a été compromise. Nous sommes d'avis que c'est un grand honneur qu'une Canadienne ait été choisie pour un poste aussi prestigieux et nous sommes tout à fait d'accord avec cela.

Comme je l'ai dit plus tôt, des crimes horribles ont été commis et les responsables doivent être jugés selon la règle du droit. Il n'y a pas de doute que ceux qui jugent, ceux qui poursuivent et ceux qui parlent au nom de la communauté mondiale scandalisée par ces crimes doivent être eux-mêmes sans la moindre tache et sans le moindre problème dans leur pays d'origine, sinon ils n'inspireront pas confiance.

Ce que je dis, c'est que le gouvernement a mis ces deux personnes dans une position embarrassante et même compromettante.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Madame la Présidente, c'est avec consternation que j'entends tout le temps les députés réformistes parler sur certains sujets; du Québec, on se demande sur quelle planète ils vivent.

Je ne veux pas revenir sur la question de pensions et tout ça parce que je trouve que c'est complètement à côté de l'amendement qu'on a devant nous, mais le député semble ne pas faire la différence entre un juge nommé pour servir la population internationale, qui part avec un mandat ad hoc, un mandat particulier pour servir de procureur, ce qui est une chose, et, de l'autre côté, un juge qui décide du jour au lendemain de demander un congé sans solde pour agir comme procureur de la Couronne dans le pays, au Canada, en Ontario ou au Québec. Je pense que ce sont deux choses différentes.

Qu'un juge décide d'accepter un mandat particulier d'aller servir sur la scène internationale, pour rendre service à la communauté internationale, pour accumuler des preuves visant à condamner des personnes ayant commis des crimes extrêmement importants, c'est une chose. Mais je ne comprends pas que le député dise qu'une fois que Mme Arbour, dans ce cas particulier, reviendra au Canada, si elle retourne à ses fonctions de juge, on aura des doutes sur son impartialité. Dans quel monde les réformistes vivent-ils?

Oublient-ils que les juges, avant d'être juges, sont avocats, avocats de la Couronne, avocats dans le secteur privé, et qu'à un moment donné ils sont nommés juges? Est-ce que, parce qu'un juge vient du secteur privé, quand l'avocat de la Couronne plaide devant ce juge, n'a pas confiance ou pense qu'il sera partial ou vice versa?

(1345)

J'ai souvent plaidé devant des juges que je savais venir de la Couronne. Est-ce que je pense, dès le début, qu'ils ne vont pas faire un travail impartial? Cela fait partie de la formation d'un juriste, d'une formation professionnelle, d'être capable de faire le partage des choses.

Pour terminer, je demande au député s'il ne trouve pas que c'est valorisant pour les juristes canadiens et québécois d'aller sur la scène internationale démontrer notre savoir-faire, notre façon de procéder sur le plan de la justice et que ce n'est pas quelque chose à favoriser, cet échange international?

[Traduction]

M. Williams: Madame la Présidente, pour répondre rapidement à la question du député, oui, des procureurs et des avocats sont nommés à la magistrature et on s'attend qu'ils rendent des jugements impartiaux. Cependant, la situation est différente dans le cas qui nous occupe. Une personne quitte la magistrature pour devenir procureur. Elle suit le cheminement contraire.

On prévoit que, à une date ultérieure, elle retournera à la magistrature. On ne lui demande pas de démissionner. On lui accorde un congé. Cette question n'a jamais été examinée auparavant. Autant


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que je sache, si un juge quitte la magistrature pour devenir procureur, il ne peut pas reprendre son ancienne fonction.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Madame la Présidente, j'ai quelques observations à faire au sujet du projet de loi C-42, qui est revenu de l'autre endroit.

Je voudrais formuler quelques premières observations au sujet du porte-parole du Bloc pour la justice. De toute évidence, il ne se rappelle pas le cheminement qu'a suivi ce projet de loi. Le projet de loi n'a pas été renvoyé au Comité permanent de la justice et des questions juridiques. Des témoins n'ont pas été convoqués. Le gouvernement nous a assuré que ce projet de loi était d'ordre administratif. Le gouvernement a dit qu'il s'agissait d'un projet de loi plutôt inoffensif qui méritait d'être adopté rapidement à la Chambre. C'est exactement ce qui s'est passé.

Si nous voulons critiquer ceux qui l'ont examiné plus exhaustivement, nous devrions vraiment nous pencher sur ce qu'ils ont dit à propos du projet de loi.

Le député de Prince Albert-Churchill River, qui a dit à notre caucus qu'il s'agissait simplement d'un projet de loi d'ordre administratif et plutôt inoffensif, dit maintenant que ce projet de loi est très important.

Lorsque le projet de loi C-42 est revenu à la Chambre, j'en ai examiné les raisons. Pourquoi revient-il? Il s'agit d'un projet de loi d'ordre administratif, d'un projet de loi inoffensif. Ce projet de loi n'était pas important.

J'ai lu ce que les témoins qui ont comparu devant le comité de l'autre Chambre avaient à dire au sujet du projet de loi, de même que quelques-unes des observations des sénateurs. Pendant le peu de temps dont je dispose, je voudrais citer certains propos qu'a tenus un des témoins qui ont comparu devant le comité de l'autre Chambre au sujet du projet de loi C-42.

Je vais citer un extrait du témoignage du professeur F.L. Morton. Je n'ai pas le temps de reprendre tout son témoignage, mais je voudrais en citer un extrait: «Le gouvernement est préoccupé, à juste titre, par le statut de la juge Arbour et par les conséquences de son statut pour les responsables du ministère de la justice. Le gouvernement espère, semble-t-il, qu'en adoptant le projet de loi C-42 le plus rapidement possible il pourra légitimer rétroactivement les indiscrétions qu'aurait commises la juge Arbour, de même que d'autres peut-être.» Ce sont là de graves propos. Ils n'ont pas été tenus par quelqu'un de l'autre Chambre, qui aurait perdu quelque peu contact avec la réalité, comme l'a laissé entendre le député du Bloc il y a quelques instants; c'est un professeur de droit qui parle ainsi.

Et le professeur Morton d'ajouter: «La semaine dernière, j'ai essayé de voir si, oui ou non, la juge Arbour agit actuellement selon la lettre de la loi canadienne. Tout bien pesé, tout semble indiquer que non.»

(1350)

Je le répète, c'est un fait que nous ignorions au moment où nous avons examiné le projet de loi que la Chambre a adopté par la suite. Nous n'avons alors été au courant ni de ces opinions ni des ramifications du projet de loi.

Revenons au professeur Morton qui dit encore ceci:

Je crois savoir que la juge Arbour est partie pour La Haye le 1er août afin d'occuper de nouvelles fonctions, soit celles de conseillère spéciale auprès de la commission des Nations Unies sur les crimes de guerre et que le 1er octobre, c'est-à-dire plus de deux plus tard, elle assumait officiellement ses nouvelles fonctions de procureure en chef. Il semble que le gouvernement ait tenté d'autoriser les gestes du juge Arbour par le truchement de deux décrets, comme le prévoit l'article 54 de la Loi sur les juges. Est-ce que l'article 54 autorise le genre d'activité à laquelle la juge Arbour a déjà participé? Pas selon le témoignage que M. Rock a donné devant ce comité le 7 octobre.
Selon le professeur Morton, le ministre de la Justice aurait dit ceci:

Il n'y a rien dans la Loi sur les juges qui prévoit que l'on puisse accorder à un juge nommé par le gouvernement fédéral, comme c'est le cas de Madame la juge Arbour, un congé non rémunéré afin qu'il travaille pour une organisation internationale telle que les Nations Unies, et la loi n'autorise pas le paiement de la rémunération et des dépenses d'un juge pendant un congé par un organisme ou une entité autre que le gouvernement canadien ou, dans le cas des dépenses, par le gouvernement d'une province.
La vice-présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Que le député veuille bien me le pardonner, j'aimerais informer la Chambre que l'amendement du député de St-Albert est recevable.

Veuillez poursuivre le débat. La parole est au député de Crowfoot.

M. Ramsay: Madame la Présidente, dans son témoignage, le professeur Morton a ensuite déclaré:

Il semble que la juge Arbour ait accepté la nomination avant même qu'elle soit approuvée par le ministre de la Justice ou un autre représentant, plaçant ainsi le ministre devant un fait accompli. De plus, le ministre, au lieu de recommander à la juge Arbour de reporter son entrée en fonction jusqu'à ce que la Loi sur les juges soit modifiée, aurait cherché à légitimer temporairement les activités de la juge au moyen d'un décret, puis, un décret n'étant pas considéré comme suffisant, il aurait voulu légitimer rétroactivement le nouvel emploi de la juge Arbour en proposant des modifications générales à la Loi sur les juges, soit le projet de loi C-42, forçant ainsi la main du Parlement.
Le professeur Morton a poursuivi ainsi son témoignage:

D'aucuns diront sûrement que ce ne sont que des vétilles. Ma réponse est simple. Si le ministre de la Justice et les juges des cours d'appel ont du mal à respecter la lettre de la loi, qui y parviendra? En fait, au cours du dernier mois, le ministre de la Justice lui-même s'est prononcé sur la signification et l'importance de la règle de droit. Quand M. Rock a renvoyé à la Cour suprême la question concernant le prétendu «droit de sécession» du Québec à l'égard du Canada, il a déclaré que:
La règle de droit était «un principe fondamental de notre mode de vie démocratique. En réalité, cela signifie que tous les membres de notre société, y compris les ministres du gouvernement, les premiers ministres, les riches et les puissants, et les gens ordinaires, sont assujettis aux mêmes règles ou à la même loi du pays. Nous sommes tous liés

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par la Constitution, par le Code criminel, par les lois du Parlement et des assemblées législatives.»
(1355)

Voilà quelques observations. Le temps me permet seulement de rappeler les préoccupations du professeur Morton concernant le projet de loi C-42, mais il y en a d'autres, notamment le professeur Peter Russell, qui ont exprimé des inquiétudes à cet égard. Je crois qu'il est du devoir des députés d'examiner attentivement ces préoccupations.

Je termine en rappelant l'amendement que le député de St. Albert a fait et que j'ai appuyé. Comme cet amendement ne me satisfait pas complètement, je propose le sous-amendement suivant: «Qu'on modifie l'amendement en y ajoutant «et que la Chambre demande respectueusement à Leurs Honneurs de répondre à ce message au plus tard le 19 juin 1997.»

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Madame la Présidente, je prends connaissance de l'amendement proposé par le Parti réformiste. Je trouve un peu dangereux qu'on inscrive, dans un tel amendement, et surtout qu'on dise que le président du Conseil de la magistrature fait face à un conflit d'intérêts potentiel. On sait que le président du Conseil de la magistrature a tout simplement été consulté relativement au projet de loi C-42, parce qu'il est un joueur extrêmement important dans son application.

Il suffit de regarder ce qui s'est produit par le passé dans des dossiers très chauds comme, entre autres, celui du juge Bienvenue où tous les parlementaires se sont révoltés et se sont levés pour dénoncer le cas. En bout de ligne, les responsables du dossier étaient les membres du Conseil de la magistrature. Que l'on consulte le président du Conseil de la magistrature sur un projet de loi semblable, je pense que c'est nécessaire et très important.

J'aimerais que le député m'explique en détail comment il pense que le président du Conseil de la magistrature, dans le débat qu'on tient sur le projet de loi C-42, est en conflit d'intérêts.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Je voudrais informer la Chambre que la présidence se réserve le droit d'examiner le sous-amendement proposé par le député de Crowfoot.

M. Ramsay: Madame la Présidente, je voudrais répondre à la question de mon honorable collègue du Bloc québécois.

Le fait est que le projet de loi n'a pas été examiné à fond par la Chambre. Nous connaissons l'historique de cette mesure en ce qui concerne la Chambre. L'examen du projet de loi a été effectué par des personnes de l'extérieur de la Chambre, notamment des membres de l'autre endroit qui ont convoqué des témoins.

Le Président: Mon cher collègue, je sais que vous êtes au milieu d'une réponse, et c'est bien à contre-coeur que je vous interrompts maintenant. Si vous pouvez conserver le fil de votre pensée, vous reprendrez la parole tout de suite après la période des questions.

Comme il est maintenant 14 heures, nous passons aux déclarations des députés.

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