Le vice-président: On avait promis d'accorder cinq minutes au député de Gaspé à la période de questions et commentaires, mais il semble que ce ne soit pas possible, car le député de Gander-Grand Falls n'est ici.
M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais quand même faire un commentaire.
Le vice-président: D'accord.
M. Bernier (Gaspé): Monsieur le Président, je suis sûr que le député de Gander-Grand Falls sera très intéressé d'entendre le commentaire que j'ai à faire à la suite de son discours.
Il y a deux points dans mon commentaire. Le député de Gander-Grand Falls a souligné que le Bloc et le Parti réformiste étaient contre un si bon projet de loi qui, d'après lui, protège les méchants pays qui viennent pêcher dans nos zones chevauchantes. Le député de Gander-Grand Falls prétend que nous, du Bloc, nous opposons à cela, ce qui est faux.
J'espère qu'il viendra répondre à cela, parce que le Bloc québécois a tout de suite donné son appui lorsque M. Brian Tobin, à l'époque, a voulu proposer une loi protégeant justement les zones chevauchantes pour nous permettre d'utiliser la force nécessaire, s'il le fallait. Le Bloc québécois a accepté et ce fut un moment historique à l'époque. Le secrétaire d'État à l'Agriculture et aux Pêches était présent. Le Bloc québécois a accepté de procéder, dans une seule journée, aux trois étapes de cette loi-là. Est-ce que ce n'est pas de la collaboration, ça, lorsque le gros bon sens est là?
Y a-t-il du gros bon sens dans le projet de loi actuel? C'est tout cela qu'on remet en question. On vous a prouvé qu'on est capables de vous appuyer lorsque des choses intelligentes sont présentées, ce qui n'est pas le cas actuellement.
J'ai un deuxième commentaire. Je reconnais que le député de Gander-Grand Falls, qui a peut-être 20 ou 25 ans d'expérience politique ici en Chambre, a vu passer de nombreux gouvernements, qu'ils soient conservateur, libéral, ou libéral, conservateur. Il y a eu des changements de gouvernement dans sa propre province, les Tories, les Grits, les libéraux, les conservateurs, mais dans toutes les lamentations qu'il a faites tout à l'heure, il ne nous a pas dit que quelque part, dans son projet de loi, le gouvernement fédéral met à l'abri sa propre province.
(1210)
Où retrouve-t-on dans le projet de loi que le ministre des Pêches de Terre-Neuve aura son mot à dire pour s'assurer que le Canada et le ministre des Pêches protègent les stocks comme il faut? Nulle part. On ne mentionnne cela nulle part.
On a souvent vu Clyde Wells, premier ministre libéral de Terre-Neuve, venir à Ottawa dire à l'ancien ministre des Pêches, un conservateur, M. Crosbie, qu'il fallait arrêter la surpêche étrangère. Il n'y avait aucun lien officiel, le ministre des Pêches fédéral n'était obligé, d'aucune façon, d'écouter le ministre des Pêches provincial.
Qu'est-ce que cela a donné? L'histoire a traîné en longueur. Qu'est-ce que ça a pris pour qu'il y ait finalement une loi visant à arrêter la surpêche? Il a fallu peut-être un concours de circonstances. Il y avait M. Tobin, un ministre libéral originaire de Terre-Neuve, il y avait aussi un gouvernement libéral provincial, celui deM. Clyde Wells. Moi-même, représentant le Bloc en cette Chambre, j'ai dit que cela représentait le bon sens, qu'on allait voter en faveur de cette loi.
Où est-il prévu que le gouvernement de Terre-Neuve pourra se faire dûment entendre? Les choses ne seront pas toujours comme elles sont aujourd'hui. Imaginez le retour des conservateurs ou peut-être les réformistes formant le gouvernement. Qu'en sait-on? Pensez-vous que le ministre des Pêches de Terre-Neuve pourra s'entendre avec un premier ministre réformiste? Nous, du Bloc, on ne veut pas prendre le pouvoir. Le reste du Canada devra se débrouiller par lui-même.
Pensez donc à un mécanisme qui permettra aux provinces de se faire dûment entendre. Terre-Neuve a une frontière avec l'océan. Terre-Neuve doit avoir son mot à dire, ce n'est pas seulement le gouvernement central qui doit décider.
Si le député de Gander-Grand Falls est responsable, il devra s'assurer que, la prochaine fois, ce gouvernement présente des mesures mettant sa province à l'abri.
Le vice-président: Le Président avait promis quelques minutes supplémentaires au député de Gaspé, c'est pourquoi on lui a permis de parler encore cinq minutes.
Comme tout le monde le sait, le député qui a provoqué cette réponse n'était pas dans la Chambre. Généralement, on n'a pas le droit de parler sans que le député qui ait fait l'intervention soit à sa place.
M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, je veux commencer en disant à mon ami, le député de Gaspé, que je suis d'accord avec beaucoup de ce qu'il a dit au sujet de notre ami de Gander-Grand Falls-
[Traduction]
. . .qui fait porter la responsabilité de tout ce qui est arrivé dans le domaine des pêches aux conservateurs, se gardant bien d'en attribuer une partie aux libéraux.
Le gouvernement a déposé à la Chambre le projet de loi C-62, la Loi concernant les pêches. Cette mesure législative va modifier de façon radicale la gestion des pêches telle que nous la connaissions depuis 150 ans. S'il est adopté, le projet de loi C-62 donnera au ministre des Pêches et des Océans des pouvoirs discrétionnaires illimités pour scindre le secteur de la pêche publique en zones de pêche privée ou exclusive. C'est désastreux.
Rien, dans cette mesure, n'exige que les accords de pêche exclusifs avec des intérêts privés soient publiés. Il n'y a pas de lignes directrices quant au choix des parties avec lesquelles on pourrait conclure de tels accords. Les accords de pêche exclusifs primeront les règlements régissant les pêches publiques édictés par le gouverneur en conseil, c'est-à-dire par le Cabinet.
Ces accords de pêche seraient similaires aux accords de pêches que le gouvernement conclus avec des bandes autochtones dans le cadre de la Stratégie sur les pêches autochtones. Le député de Gander-Grand Falls n'a rien dit de tout cela.
(1215)
Aux termes de ce projert de loi, le ministre pourra, à sa discrétion, établir sa propre réglementation et organiser les pêches par décrets ou ordonnances ministérielles. Ces ordonnances ministérielles pourront même avoir prépondérance sur les conditions des permis. Le projet de loi donnerait au ministre le pouvoir de supprimer un droit historique en vertu de la common law, le droit public de pratiquer la pêche, en échange d'un privilège attribué à la seule discrétion du ministre.
Le gouvernement pourra transférer aux provinces ses responsabilités constitutionnelles concernant la gestion des pêches, l'application de la législation et la protection de l'habitat, sans jamais avoir à faire sanctionner ses décisions par le Parlement.
Le gouvernement présente ce nouveau projet de loi parce qu'il est politiquement forcé de le faire, étant donné les trois décisions rendues par la Cour suprême en août dernier. La cour avait alors statué que la Constitution n'accordait pas aux autochtones de la Colombie-Britannique le droit d'avoir leur propre entreprise commerciale de pêche au saumon. Les décisions de la cour ont claire-
ment démontré que les arrangements du gouvernement quant à la pêche commerciale réservée aux autochtones n'étaient que de la frime.
Auparavant, la population avait toujours été convaincue que les tribunaux obligeaient le gouvernement à accorder ce privilège de pêche aux autochtones. Nous savons maintenant que la Loi sur les pêches ne donne pas au gouvernement le pouvoir d'accorder aux autochtones un droit de pêche commerciale distinct. Le gouvernement a agi en dehors de la loi.
Sans les nouveaux pouvoirs prévus dans le projet de loi, le ministère des Pêches et des Océans serait probablement incapable d'accorder un droit de pêche commerciale distinct aux autochtones. Il serait aussi tenu d'admettre que les pêcheurs avaient raison de critiquer cette pêche commerciale réservée aux autochtones.
Le projet de loi accorderait un pouvoir discrétionnaire illimité au ministre, qui pourrait ainsi réglementer les pêches, conclure des accords de pêche privés, transférer le contrôle aux provinces sans obligation de rendre des comptes, sans barème pour mesurer la conduite du gouvernement.
Une nouvelle loi sur les pêches devrait s'attaquer aux vrais problèmes dans le secteur des pêches, non pas seulement simplifier la vie des membres du gouvernement. Elle devrait résoudre des problèmes, non pas en créer de nouveaux. Elle devrait respecter les lois en place et non pas tenter de les contourner.
Permettez-moi de rappeler au gouvernement certaines questions que le projet de loi C-62 aurait dû aborder. John Fraser, ancien Président de la Chambre fort respecté, avait relevé certains défauts du ministère des Pêches et des Océans dans son étude de 1994 sur la mauvaise gestion de la pêche au saumon dans le Fraser. Au printemps de 1995, le gouvernement a entrepris de mettre en oeuvre toutes les 35 recommandations formulées par M. Fraser.
Une étude entreprise au printemps de cette année par le MPO évaluait le succès du ministère en ce qui concerne la mise en oeuvre des recommandations de M. Fraser. Je vais vous lire directement l'étude du MPO, car elle expose éloquemment les échecs du ministère. Une des recommandations de M. Fraser était:
Nous recommandons que le MPO conserve et exécute ses responsabilités constitutionnelles en matière de conservation et que son rôle de conservateur des ressources relevant du palier fédéral ne soit aucunement diminué. La conservation doit être l'objectif premier des gestionnaires des pêches et de tous les autres participants dans les pêches. L'éthique de conservation doit être omniprésente et être respectée par tous.L'étude d'évaluation a constaté que: «la conservation du saumon rouge du Fraser était menacée, que le MPO ne pouvait pas espérer réussir sans une vision claire de ce qu'il essayait de faire.» Par conséquent, le premier besoin est une définition explicite de la conservation. On peut y lire aussi: «Il ne peut pas y avoir de conservation à long terme du saumon rouge du Fraser sans une protection appropriée de l'habitat dont les stocks de poisson dépendent.»
Le projet de loi C-62 ne contient aucune définition de la conservation et, de plus, il affaiblit la protection de l'habitat. En effet, le projet de loi C-62 permettrait au gouvernement de transférer aux provinces la responsabilité de la protection de l'habitat, ce qui est contraire aux recommandations de M. Fraser.
(1220)
Laissez-moi continuer avec les recommandations de M. Fraser. Il disait que le MPO et la Commission du saumon du Pacifique, dont n'a pas parlé le député de Gander, devaient adopter une stratégie de gestion fondée sur la minimisation du risque, en raison de la grande incertitude qui règne en ce qui concerne les évaluations des stocks, des prises saisonnières et des problèmes environnementaux. L'étude d'évaluation entreprise cette année en vertu d'un contrat du MPO a constaté que l'on n'avait toujours pas conçu de stratégie fondée sur la minimisation du risque. Nous avons constaté que les activités du MPO n'ont pas résulté d'une stratégie de gestion de minimisation des risques explicite, clairement définie, mais elles ont plutôt représenté une réaction aux événements uniques qui se sont produits dans le secteur des pêches en 1995.»
On peut donc conclure que le projet de loi C-62 ne contient aucune disposition prévoyant une stratégie de gestion de minimisation des risques, ni même une définition, ce qui est contraire à ce que recommandait le rapport Fraser. Passons à une autre recommandation du rapport Fraser:
Nous recommandons que le MPO élabore des systèmes de communication mieux coordonnés entre les membres de son personnel et entre son personnel et la CSP, les Premières nations, les groupements de pêcheurs commerciaux et sportifs et qu'il intensifie la coopération dans le but d'améliorer la gestion en cours de saison et l'évaluation a posteriori et en vue d'établir de meilleures relations de travail ente toutes les parties-Voilà ce que recommandait M. Fraser. L'étude d'évaluation révèle ceci: «Des tensions persistent entre Pêches et Océans et la Commission du saumon du Pacifique, surtout en ce qui concerne la libre circulation des données, qui est considérée comme la véritable source d'intégration entre les pêches dans l'océan et les pêches pratiquées par les autochtones dans les rivières.»
Nous estimons que le projet de loi C-62 ne contient aucune disposition prévoyant la libre circulation de données scientifiques entre Pêches et Océans et la commission du saumon. En fait, le projet de loi C-62 tiendrait encore la commission à l'écart des ouvertures concernant les pêches qui seraient faites aux autochtones. Comme il s'agit du seul et même poisson, il ne convient pas que deux organismes rivalisent entre eux pour assurer la gestion de cette ressource.
Le projet de loi C-62 accorderait au ministre le pouvoir illimité de conclure de telles ententes, ce qui va à l'encontre de la recommandation du rapport Fraser. Permettez-moi de citer une autre recommandation de M. Fraser:
Nous recommandons que la section canadienne du Comité du Fraser soit chargée de la gestion en cours de saison de la pêche du saumon rouge et rose du Fraser dans les eaux canadiennes au-delà de la zone couverte par la Convention CSP actuelle. En outre, en vue de faciliter la communication (entre le MPO et la CSP) et la bonne interprétation des estimations de stocks et de montaisons produites en cours de saison, un membre de la Division de l'évaluation des stocks du MPO devrait être chargé de maintenir un contact étroit avec la CSP.Au lieu de cela, à la suite de cette recommandation, le groupe chargé de l'étude d'évaluation a conclu qu'il existe encore des problèmes dans l'intégration des activités du MPO et de la Commission du saumon du Pacifique, surtout en ce qui concerne le transfert de renseignements. À la suite de nombreuses entrevues avec des
employés du MPO et des représentants de l'industrie, on s'est aperçu qu'il y a encore certains problèmes d'intégration.
À la suite de l'étude d'évaluation, on constate que les relations entre le MPO et la CSP sont plutôt tendues depuis quelques années. On ajoute que la communication et la coopération efficaces entre les deux organisations sont essentielles à la conservation et à la bonne gestion du saumon rouge du Fraser. On dit aussi qu'il faut prendre immédiatement des mesures pour assurer des communications et une coordination efficaces entre le MPO et la CSP, que les problèmes soient de nature politique ou personnelle.
(1225)
Le projet de loi C-62 fait fi de ce problème. Étant donné qu'il s'agit d'un problème structurel qui touche deux organisations distinctes, chacune fonctionnant aux termes de sa propre loi, le fait de reconnaître de façon précise ce problème dans ce projet de loi pourrait permettre, dans une large mesure, de le résoudre. Ce n'est pas en faisant fi de ce problème qui se pose depuis longtemps sur la côte ouest qu'on va le faire disparaître. Malheureusement, on peut être certain, au contraire, qu'il va continuer de se poser indéfiniment.
Examinons une autre recommandation du rapport Fraser:
Nous recommandons qu'un Conseil de conservation des pêches du Pacifique indépendant soit créé en tant qu'organisme de supervision chargé de faire rapport aux ministres et au public chaque année ou plus souvent, selon les besoins.Que nous apprend l'évaluation effectuée à la suite de cette recommandation? On s'est aperçu que jusqu'à maintenant, le MPO n'a pas élaboré un processus d'examen annuel comme le rapport Fraser le recommandait. On a constaté qu'on n'a pas encore mis en oeuvre le processus d'examen annuel consolidé qu'on réclamait.
La Commission Fraser a fait toute une série de recommandations. M. Fraser est un homme très respecté. L'étude d'évaluation, qui a suivi de près la présentation du rapport de la commission, a établi qu'on a fait fi de la plupart de ses recommandations ou, du moins, de beaucoup de ces dernières.
Le projet de loi C-62 est une bonne nouvelle, mais seulement pour le ministre des Pêches. Pour la pêche, les pêcheurs et les Canadiens, c'est une mauvaise nouvelle. Les réformistes ne peuvent absolument pas appuyer le projet de loi C-62.
Le vice-président: Je remercie le député de Nanaimo-Cowichan de témoigner du fait que les discours sont maintenant de dix minutes et qu'il n'y a pas d'autres questions ou observations.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, il me fait extrêmement plaisir de parler sur le projet de loi C-62 concernant les pêches, qui a été qualifié à quelques reprises, par le ministre des Pêches, comme étant le projet de loi du siècle. Mais en réponse, le critique du Bloc québécois a souvent dit que ce projet de loi du siècle était fort mal ficelé.
Pourquoi disons-nous, du côté du Bloc québécois, que c'est un projet de loi mal ficelé? Tout simplement, parce que ce projet de loi ne répond pas à la demande du milieu. Il ouvre la porte à toutes sortes d'activités. Il ouvre la porte à du patronage de la part du ministre. Aussi, au lieu d'aider le milieu, je pense que ce projet de loi compliquera drôlement la vie des personnes et des compagnies qui, selon le ministre, il voulait aider par ce projet de loi.
Il y a trois irritants majeurs dans ce projet de loi C-62, selon le Bloc québécois. Le premier irritant est l'accord de gestion des partenaires impliqués, à la discrétion du ministre. Immédiatement, on voit que le ministre se donne le beau jeu de décider qui seront ses vis-à-vis, qui seront ceux qui se retrouveront autour de la table pour prendre des décisions.
On voit immédiatement que ce n'est sûrement pas le voeu du milieu, que ce soit le ministre ou ses hauts fonctionnaires, parce qu'on voit, par les temps qui courent, que les ministres ne connaissent pas grand-chose à leur ministère. On voit, par les temps qui courent, que ce sont les hauts fonctionnaires et même de petits fonctionnaires qui mènent les ministres par le bout du nez; avec les réponses qu'on reçoit en cette Chambre, c'est à peu près la conclusion qu'on peut en tirer. C'est donc dire que ces fonctionnaires décideront, en lieu et place des gens qui, dans le milieu, auraient aimé s'y trouver pour décider des vraies affaires, pour parler des vraies affaires, pour améliorer ce domaine des pêches qui a besoin d'un coup de barre.
On le dit, oui, pas parce qu'on est contre un projet de loi qui va moderniser et améliorer le sort des pêcheurs. Au contraire, c'est notre désir. Mais pas de la façon que le ministre l'a fait.
Donc, le premier irritant assez important est la discrétion que le ministre s'accorde pour identifier les joueurs qui vont se retrouver à la table avec lui pour décider de l'avenir des pêches.
(1230)
L'autre, c'est la délégation de pouvoirs. C'est carrément insuffisant et contradictoire. Le ministre fédéral des Pêches et des Océans dit, d'un côté, qu'il va transférer des pouvoirs aux provinces, mais de l'autre côté, il se garde les leviers.
Il y a une contradiction majeure, puisque d'une main le ministre délègue l'émission de permis et de licences aux provinces, et de l'autre, il cherche à conclure des accords sur la gestion et la protection de la ressource directement avec les gens de l'industrie, sans devoir impliquer les provinces dans ce type de discussion.
Ce doit être cela, lorsqu'on entend dire dans chaque discours du Trône, d'année en année, que le gouvernement fédéral est un gouvernement flexible. Oui, le gouvernement fédéral est flexible, du moment qu'on se plie comme il le veut. C'est cela, la flexibilité du gouvernement fédéral.
Mais ce que je vois dans un projet de loi somme toute simple, un projet de loi où le fédéral pourrait démontrer sa flexibilité, où le fédéral pourrait démontrer clairement aux provinces qu'elles ont plus de juridiction et plus de pouvoirs, dans un projet de loi semblable, on voit que le bras droit du gouvernement ignore ce que fait le bras gauche.
Le troisième point, et c'est un point majeur, sur lequel je voudrais vous entretenir, c'est la création des offices des pêches. C'est un véritable paravent pour le ministre, et je dirais même que c'est un
véritable nid à patronage. Pourquoi est-ce que je vous dis que je vais parler de cela plus spécifiquement? Vous savez fort bien que je suis critique à la justice, et c'est sous cet angle que j'ai examiné les article 65 et suivants du projet de loi concernant la création des offices de pêche.
On comprend que c'était pour répondre à un besoin, à certaines difficultés que le ministère éprouvait. Cependant, deux problèmes majeurs se posent à la création de ces offices. Tout d'abord, on n'a qu'à consulter le projet de loi C-62 et on va comprendre d'où émergent les difficultés que je vois dans la création de ces organismes.
Cela se trouve à la partie III, à l'article 65, dans les sanctions administratives. Immédiatement, on doit arriver à la conclusion que les offices seront des tribunaux administratifs. Quand on dit tribunal administratif, on doit conclure que des gens vont rendre des décisions avec des sanctions administratives, avec des amendes qui peuvent être extrêmement importantes. Ils ont un champ d'application; il y a l'Office des pêches de l'Atlantique, l'Office des pêches du Pacifique.
À l'article 69, on voit le mandat des membres:
(1) Sauf révocation motivée de la part du gouverneur en conseil, les membres exercent leurs fonctions à titre inamovible pour un mandat maximal de trois ans.
(2) Le mandat des membres est renouvelable.Un mandat de trois ans n'est pas tellement long, surtout lorsqu'on sait que le ministre va faire les règles du jeu. Il va établir ce qu'il veut, bien souvent à l'insu du Parlement. Il fera une réglementation et ce sont les personnes des offices des pêches qui vont l'appliquer. Un mandat de trois ans n'est pas long. On peut bien dire que c'est inamovible, mais si ces personnes veulent avoir une carrière un petit peu plus longue que trois ans, elles sont bien mieux de marcher comme le ministre le veut.
Tout le monde comprend cela et je pense que seulement sur ce critère de trois ans, cela ne respecte même pas le paragraphe 11d) de la Charte canadienne des droits. Je m'interroge en plus sur la nomination de ces membres du conseil. Qui va décider que telle personne siégera à cet office?
Une voix: Les amis du Parti.
M. Bellehumeur: Ce sera, comme je l'entends des députés d'en face en plus, ils ont le culot de me répondre que ce sera les amis du Parti. Oui, c'est vrai que ce sera les amis du Parti. Je suis content de l'entendre d'en face. Je suis content de l'entendre des députés en face de moi. Oui, le ministre va nommer des amis du Parti. C'est vrai, c'est ça le patronage du Parti libéral du Canada.
En plus, les amis du Parti qui seront nommés à ce tribunal administratif n'ont même pas besoin d'avoir des compétences juridiques.
(1235)
Les seules exigences, c'est que les personnes soient compétentes dans le domaine des ressources halieutiques canadiennes ou dans celui de la prise de décisions administratives. Dans des sujets aussi importants, on aurait dû exiger, pour le moins, des gens possédant une formation juridique. Je pense que c'est un argument extrêmement important compte tenu de l'implication de la sanction administrative qui sera appliquée aux gens de l'industrie des pêches.
Cela démontre l'orientation que le gouvernement veut prendre avec ce projet de loi. On part de beaux principes, on l'a vu à plusieurs reprises de la part du gouvernement, on brasse beaucoup de choses, on fait de beaux écrans de fumée et finalement, peu de choses changent. Malheureusement, nous avons un gouvernement de façade.
On l'a vu à plusieurs reprises concernant les lobbys, la justice. Je suis critique à la justice. On fait de grands exposés, de grands discours contre la violence, contre les criminels dangereux, contre ci et contre ça. Pourquoi? Pour l'électorat. Cela se vend bien.
C'est la même chose en ce qui concerne le projet de loi sur les pêches. Lorsque j'entends un député libéral dire qu'ils ne font jamais ça, il admet qu'ils font de la petite politique dans un dossier semblable. C'est inadmissible, surtout de la part du secrétaire dans ce dossier.
On aurait pu parvenir à un consensus avec le milieu parce qu'il voulait des changements. Mais non, le gouvernement libéral, le ministre, le secrétaire du ministre ont fait de la petite politique comme toujours, pour leurs gains personnels, leur propre ambition politique et non pas pour l'industrie. C'est pour cela que nous voterons contre ce projet de loi.
[Traduction]
M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Madame la Présidente, je voudrais répondre à certains commentaires que le député de Gander-Grand Falls a faits ce matin, au cours du débat.
Bien sûr, le député a parfaitement raison de dire que la surpêche étrangère dans les eaux canadiennes et juste à l'extérieur nuit à nos stocks de poissons.
De même, il a bien raison de faire remarquer que, au terme d'accords conclus entre 1984 et 1992, le gouvernement conservateur a radicalement intensifié la pêche étrangère dans les eaux canadiennes.
Je ne pense pas que nous soyons saisis de modifications proposées à la Loi sur les pêches. Je sais c'est comme cela que le gouvernement les traite. Mais, en y regardant de plus près, ce projet de loi propose en fait une nouvelle loi. Il remplace presque toute la loi actuelle.
Évidemment, certains aspects du projet de loi sont excellents. Le problème, et c'est toujours la même chose avec de nombreux projets de loi du gouvernement, c'est que les parties de la mesure que nous pouvons appuyer cachent de nombreux autres aspects que nous jugeons totalement répréhensibles. Par conséquent, nous devons rejeter toute la mesure législative,
J'espère que les députés qui sont fermement opposés à la pêche étrangère dans les eaux du Canada et à l'extérieur de ses eaux territoriales, pêche qui nuit à nos stocks de poissons, comprendront notre position, selon laquelle le projet de loi aurait des conséquences d'une portée tellement considérable que nous ne pouvons l'ap-
puyer. Étant donné le peu de temps dont je dispose, je vais donner les principales raisons de notre opposition.
Au Canada, aujourd'hui, pratiquement tous les types de pêches sont confrontées à des difficultés. Dans certains cas, Dieu merci, les problèmes ne sont pas très nombreux ou très graves pour l'instant. Cependant, l'exception n'est pas la règle.
(1240)
Qu'il soit question du saumon du Pacifique, du poisson de fond ou du homard de l'Atlantique, la plupart des pêches au Canada font face à des difficultés d'un ordre ou d'un autre et, dans certains cas, il y a des problèmes graves.
En 1992-1993, le gouvernement a dû imposer un moratoire sur le poisson de fond et la morue au Canada atlantique. Nous avons entendu des scientifiques parler notamment des conditions environnementales et des populations de phoques, mais la réalité, c'est que ces poissons ont été l'objet d'une surpêche constante, et ce, pendant de très nombreuses années.
Pourquoi y a-t-il eu surpêche? C'est que les décisions prises concernant les limites des captures, les titulaires des permis et la gestion de la ressource l'ont été essentiellement en fonction de considérations politiques, non en fonction de considérations scientifiques ou de bon principes de gestion des affaires. Les décisions ont été motivées par des considérations politiques, et les résultats sont évidents.
Je me souviens clairement avoir observé l'ancien ministre des Pêches et Océans sous le gouvernement conservateur, M. Crosbie, lors d'une conférence de presse à Terre-Neuve. Entouré de ses collaborateurs, il disait: «On nous a présenté des preuves scientifiques nous donnant à penser que nous devrions réduire nos quotas et les taux de capture de morue. Nous ne sommes cependant pas prêts à prendre ces décisions parce que trop de gens dépendent de la pêche pour vivre. Comme les preuves scientifiques ne nous paraissent pas suffisamment convaincantes, nous allons tout simplement permettre aux pêcheurs de continuer à pêcher la morue selon les taux de capture actuels.» Et c'est ce qu'ils ont fait. Ils ont pêché jusqu'à épuisement de la ressource.
Oui, des facteurs environnementaux ont peut-être contribué à aggraver le problème, comme la prolifération des phoques, par exemple, mais ce ne sont pas les phoques ni les facteurs environnementaux qui ont principalement contribué au problème. Les stocks de poisson ont été pêchés jusqu'au point d'extinction. Reste à savoir aujourd'hui si les stocks de poissons vont se reconstituer avec le temps.
Il y a des signes, et une lueur d'espoir, que certains de ces stocks commencent à se rétablir actuellement et que la situation s'améliore depuis deux ans à la suite de l'imposition du moratoire. Cependant, même pour les stocks qui se rétablissent, la situation ne s'est améliorée que marginalement. Il n'y a pas d'augmentations massives des populations de poisson. Il y a eu une amélioration légère qui peut cependant paraître encourageante pour tous ceux qui dépendent de la pêche.
Le problème tient surtout au fait que les décisions ont été inspirées par des considérations politiques. Que le gouvernement soit conservateur ou libéral, rien ne change. C'est la politique qui dicte toujours les décisions.
Ainsi, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques dit avoir observé une augmentation minime des stocks. Il y a un certain espoir de régénération de la ressource. Il est question cet automne de la possibilité de rouvrir à une exploitation commerciale limitée les pêcheries de Terre-Neuve, du fleuve Saint-Laurent et de la baie de Fundy.
Cela peut se comprendre, à dire vrai, mais le Conseil voudrait avoir des renseignements plus nombreux et de plus grande qualité sur l'état des stocks. C'est pourquoi il recommande une reprise extrêmement limitée de l'exploitation. À mon avis, le gouvernement commettrait une grave erreur en autorisant dans les circonstances une reprise de l'exploitation commerciale. Je redoute que le ministre n'annonce bientôt qu'il a été décidé de la reprendre l'an prochain.
(1245)
Il faut que la politique cesse de dicter ces décisions. Le projet de loi ne règle aucun des problèmes dont j'ai parlé. Il va donner au ministre beaucoup de pouvoirs. La raison fondamentale? Il veut que la politique puisse peser davantage sur les décisions et pas moins.
Le ministre veut pouvoir conclure des accords avec des groupes et des organismes au sujet de l'exploitation exclusive des stocks. Cela ne s'est jamais vu au Canada jusqu'à maintenant. Nous savons que la grande motivation du gouvernement est qu'il cherche à justifier la stratégie des pêches autochtones en Colombie-Britannique. Nous savons qu'il n'existe aucun fondement constitutionnel ni juridique aux ventes pilotes prévues dans cette stratégie, et c'est ce que le gouvernement essaie de protéger.
Compte tenu des décisions rendues cette année par les tribunaux, le gouvernement n'a absolument aucun fondement sur lequel il puisse appuyer cette stratégie et ces ventes pilotes en Colombie-Britannique. Néanmoins, il semble déterminé à poursuivre dans la même direction, et il espère pouvoir soutenir cette décision au moyen de ce projet de loi.
Je constate que mon temps de parole est terminé. Nous allons poursuivre le débat sur cette question.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, je veux féliciter l'autre Président.
[Traduction]
J'aimerais féliciter le nouveau Président de la Chambre de sa promotion provisoire.
[Français]
Naturellement, je m'inscris contre le projet de loi C-62, un peu à l'instar de mes collègues. Il est bizarre de constater qu'on est en train de discuter d'un projet de loi qui va gérer les pêches, alors que cela aurait dû être fait depuis longtemps. On sait qu'il s'agit d'une vieille loi de 1867 et le Bloc québécois n'a rien contre le fait de rafraîchir cette loi, mais de la façon dont c'est fait, on doit s'inscrire en faux, particulièrement sur la centralisation excessive qui apparaît dans ce projet de loi.
Je veux d'abord faire un petit bout sur une notion d'environnement, parce que je vous avoue qu'avant de me lancer en politique, j'étais syndicaliste et j'ai été avec plusieurs groupes environnementalistes, entre autres, plusieurs groupes sociaux. Il est dommage de constater aujourd'hui que peut-être une centaine d'années, peut-être 150 ans après la première loi, on se retrouve aujourd'hui du côté de l'environnement avec des stocks de poissons qui sont absolument déplorables. Je pense que l'océan, particulièrement dans l'est du pays, a été vidé de son contenu. Même avec des tentatives de rafraîchissement de loi, on est en train de constater que maintenant, c'est dans l'ouest du Canada que la mer est en train de se faire vider.
Il est donc important qu'il y ait une consultation massive, avec le plus d'intervenants possible, et les provinces sont extrêmement importantes dans ce débat, pour qu'on puisse corriger la situation afin de rétablir les stocks de poissons qui, à notre point de vue, est en train de disparaître complètement.
Pourquoi dit-on qu'il s'agit d'une centralisation excessive? Le noeud du problème est à l'article 17.
On y mentionne que le ministre peut, au nom de Sa Majesté du chef du Canada, conclure un accord de gestion des pêches avec toute association qui, à son avis-et c'est là le problème: «à son avis»-représente une catégorie de titulaires ou de personnes.
Donc, c'est le ministre, avec une batterie de fonctionnaires autour de lui, qui décidera, autant dans l'est que dans l'ouest, dans tous les lieux où il y a juridiction. Il y a aussi certaines juridictions qu'il a déléguées, entre autres, les eaux douces qui ont été déléguées aux provinces, mais c'est une délégation. En tout temps, le ministre peut dire qu'il veut reprendre ce qu'il avait délégué. On sait que cela peut causer des problèmes, mais le fait demeure que le ministre a toutes les cartes en main. Je trouve que de la façon dont le projet de loi est rédigé, on laisse de côté les provinces ainsi que des groupes extrêmement importants.
À cet effet, vous savez que je suis critique aux affaires indiennes. Je pense qu'il y a un problème majeur avec les pêches autochtones, et ce problème n'est réglé d'aucune façon avec le projet de loi à l'étude.
(1250)
On sait qu'on vient d'avoir un rapport d'une commission royale d'enquête qui a duré cinq ans. Cette commission a été mise sur pied par les conservateurs et a déposé, la semaine dernière, une étude d'au-delà 4 000 pages avec 400 recommandations. Certaines de ces recommandations se rapportaient, justement, à la pêche faite par les autochtones. Nulle part dans le projet on ne retrouve que le ministre est obligé de les consulter. C'est «à son avis».
Le danger aussi n'est pas seulement une centralisation, c'est que le ministre peut se permettre, par ses décisions, de jouer des jeux politiques. Déjà, plusieurs personnes l'ont mentionné. Le ministre peut jouer des jeux politiques. Plus tard, je vous donnerai l'exemple de Restigouche.
Tout d'abord, je veux vous expliquer de quelle façon se comportent les autochtones dans les cas de négociations. Pour eux, cela a toujours été important. D'ailleurs, avant que les Européens arrivent, les autochtones avaient des gouvernements, ils avaient leur propre système politique, leur propre système de justice. C'était souvent par consensus qu'on en arrivait à des décisions.
Remarquez bien que ça prenait des discussions beaucoup plus longues. Lorsqu'on y va du côté de la majorité, on a tendance à dire: Écoutez, on peut écourter les débats, de toute façon la majorité l'emportera. Je vous avoue d'ailleurs que c'est une façon de procéder que le gouvernement a découverte, il y a très longtemps. On s'est fait mettre le bâillon à plusieurs reprises. Il est sûr qu'il est difficile d'atteindre un consensus dans une Chambre comme ici, cependant le gouvernement présente régulièrement des motions pour bâillonner l'opposition. Cela est loin d'être basé sur des discussions larges permettant de peaufiner les projets de loi, où on peut s'expliquer entre nous, où on peut faire des compromis. Malheureusement, le gouvernement a recours un peu trop souvent à ces bâillons. Ce n'est pas dans la mentalité des autochtones. Pour eux, c'était le consensus.
Si on regarde le projet de loi, non seulement les provinces peuvent être exclues, mais les autochtones sont exclus. Le ministre peut décider, de son avis, des catégories de titulaires ou de personnes. À un moment donné, il peut dire qu'il ne considère pas les autochtones. À un autre moment, pour des motifs politiques, comme à Restigouche, il peut dire qu'il les considère et qu'ils ont des droits qu'il fera appliquer.
Malheureusement, il n'y a aucun mécanisme de négociation dans ce projet de loi. C'est encore une fois un ministre qui, du haut de son autorité, avec ses fonctionnaires, peut imposer une façon de procéder, une façon d'établir les limites, une façon d'émettre les permis. Tout lui est permis au ministre, sans consultation avec les provinces, sans consultation avec les groupes, c'est à sa guise.
Vous comprendrez que, pour un critique de l'opposition en matière d'affaires indiennes, avec un rapport aussi étoffé que celui qui a été déposé la semaine dernière, je trouve que le ministre passe carrément à côté de l'objectif d'une recherche de consensus, de l'objectif de discussions prolongées, de l'objectif de préserver efficacement les stocks de poissons. Lorsqu'on a plusieurs partis qui s'entendent sur une chose, c'est beaucoup plus facile de l'appliquer que si le ministre décide d'imposer sa propre vision et que le Québec ou une autre province s'oppose, ou que les autochtones s'opposent au ministre.
C'est ce qui s'est passé à Restigouche d'ailleurs. C'était une complète improvisation à Restigouche. Les autochtones et les Micmacs de Restigouche ont pris une décision un jour et ils ont dit: «Nous, on recommence notre pêche de subsistance.» Vous savez que pour la Cour suprême, il y a une pêche de subsistance pour les autochtones et il y a une pêche commerciale. Pour la pêche de
subsistance, c'est clair, net et précis, les règles sont assez précises: si la conservation n'est pas menacée, il n'y a aucun problème pour que ce soient les autochtones qui pêchent en premier pour assurer leur subsistance.
Le problème à Restigouche, c'est que justement les stocks sont en danger et le ministère a complètement improvisé sur ce point. Il est en train d'essayer d'imposer des choses, probablement pour des motifs politiques. C'est la chicane là-bas. Les autochtones disent qu'ils ont le droit de pêcher pour leur subsistance; ceux qui ont déjà des permis disent que les stocks sont déjà menacés et qu'on ne devrait pas laisser entrer plus de personnes pour pêcher, qu'il y aura épuisement des stocks.
Finalement, on se rend compte que le ministre manque une occasion de mettre là un mécanisme de négociation. Il aurait été simple de dire que ce ne doit pas être seulement «de son avis» mais qu'il doit automatiquement et formellement consulter les provinces, les groupes ayant des droits, tels les autochtones, et consulter ceux qui ont des licences. Cela ferait en sorte d'imposer un minimum de consensus en ayant une majorité afin d'avoir une chance de réussir.
(1255)
Malheureusement, ce n'est pas ce qui se passe avec ce projet de loi. On constate que le ministre veut tout simplement imposer son autorité sur tout le monde et il a la capacité de le faire avec le projet de loi.
J'aurais donc une suggestion à faire. Naturellement, on ne peut appuyer la deuxième lecture du projet de loi. Évidemment, ce projet de loi sera renvoyé à un comité. Je pense que le ministre des Pêches et des Océans devrait sérieusement consulter son collègue, le ministre des Affaires indiennes, et voir à ce qu'il y ait des choses qui puissent être aménagées.
J'espère que nos représentants et nos collègues au Comité permanent des pêches et océans auront cette préoccupation. Je pense que du côté des provinces, c'est extrêmement important que le gouvernement, dans son projet de loi, mène une consultation. Il devrait être presque obligatoire que les provinces soient consultées.
Ainsi, quand tous les groupes d'intérêt, y compris les provinces, seront dans le coup, je pense qu'il y aura une chance de réussite. J'espère qu'on ramènera les stocks de poissons et qu'on aura les stocks de poissons qui existaient, il y a déjà une centaine d'années.
[Traduction]
M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole à propos du projet de loi C-62, la nouvelle loi concernant les pêches.
Il se passe quelque chose d'étrange dans ce projet de loi. Ses articles 17 à 22 visent à abolir le droit du public de pratiquer la pêche. Voilà qui est étrange. Ce droit public remonte à la Grande Charte de 1215. Le projet de loi conférera au ministre, à l'État en somme, sans besoin d'aviser le public, le pouvoir d'accorder le droit privé de pratiquer la pêche à des fins commerciales ou sportives à tout groupe qui aurait la faveur du pouvoir en place.
L'actuelle Loi concernant les pêches n'autorise pas une telle pratique. Elle est fondée sur la prémisse que la pêche est une ressource publique et, donc, que cette activité est réservée à tous les Canadiens, et non pas à seulement un petit nombre. Tous les Canadiens ont un accès égal à cette activité.
Je me demande si le ministre et les députés d'en face savent ce que veut dire l'expression «accès égal». Je jette un coup d'oeil sur un bon nombre de décisions que le gouvernement a prises ces derniers temps dans l'intérêt, à ce qu'il prétend, de l'ensemble des citoyens. Plus on les examine, plus on se rend compte qu'elles ne profitent qu'à un nombre très restreint d'entre eux. J'en veux pour preuve le projet de loi C-62.
Voyons ce qui se passe en Colombie-Britannique, par exemple. Je sais de première main ce que le gouvernement a décidé dans le secteur de la pêche. Les libéraux aiment à dire qu'ils tiennent à faire des consultations. Je me demande parfois s'ils consultent leurs parents et leurs grands-parents pour voir s'ils approuvent certaines des choses qui sont adoptées à la Chambre. Voyons ce qui se passe à la rivière Adams qui, soit dit en passant, baigne ma circonscription. Les frayères de la rivière Adams étaient autrefois célèbres dans le monde entier.
Le gouvernement, dans sa grande sagesse-je devrais peut-être dire dans sa grande stupidité-a décidé que la meilleure chose qu'il pouvait faire pour la population de la Colombie-Britannique et de la circonscription d'Okanagan-Shuswap, c'était de fermer l'écloserie. Sur la côte ouest, le gouvernement a fermé la plupart des écloseries situées à l'intérieur des terres, à l'issue de consultations. Je voudrais bien savoir qui il a consulté. Il n'a parlé à aucun maire des localités de ma circonscription. Il a simplement décidé de fermer l'établissement.
(1300)
Pour quelle raison? Il a dit que l'établissement n'était pas assez rentable. L'établissement en question n'était pas ouvert depuis assez longtemps. Quiconque connaît un peu les écloseries sait qu'il leur faut environ neuf ans avant de produire des bénéfices acceptables. Le gouvernement a décidé que quatre ans et demi ou cinq ans, c'était assez concluant pour les écloseries de la côte ouest.
À l'instar de bien d'autres personnes, je me demande comment les libéraux peuvent fermer ce qui constituait un maillon fondamental de la chaîne alimentaire. On avait déjà investi des millions dans la mise en place de ces écloseries. À un moment donné, j'ai dit au ministre que si son ministère avait des problèmes avec le saumon, l'écloserie pourrait certainement être convertie pour faire éclore des truites. Croyez-le ou non, le ministre a alors fait valoir que cela pourrait porter préjudice aux stocks naturels. Quelqu'un voit-il la logique dans cela?
Nous pourrions étiqueter ces poissons, les remettre dans la nature et imposer un moratoire sur la capture de poissons à l'état sauvage pendant un certain temps, jusqu'à ce que le stock redevienne assez important pour pouvoir être exploité. Il semble que le ministre n'ait nullement tenu compte de cette idée. Il ne pouvait pas comprendre cela. Il semblait déterminé-comme il l'est toujours-à réserver à la côte ouest le même sort que Terre-Neuve a déjà connu.
Les députés comprennent-ils ce qui s'est produit à Terre-Neuve à cause de l'inaction-de l'inertie absolue-et des décisions stupides des gouvernements? Savent-ils que, là-bas, il y a des gens qui souffrent actuellement à cause de pareilles décisions stupides?
La seule chose qui soit un leurre à Terre-Neuve, c'est le livre rouge. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Cela me rappelle que, dans l'Ouest, on dit du gouvernement qu'il est une tique politique. Comme chacun sait, une tique est un parasite qui se nourrit du sang des humains. La tique est bien pire que le maringouin, elle peut causer une grave maladie.
La tique politique, quant à elle, est un parasite à deux jambes siégeant au gouvernement. Neuf fois sur dix, elle se trouve sur les banquettes d'en avant. Elle s'accroche ensuite aux contribuables et suce leur sang jusqu'à la dernière goutte. Malheureusement, il n'y a qu'un remède contre ce parasite: les élections. Cependant, on ne peut recourir à ce remède que tous les quatre ou cinq ans, au gré de l'insecte à l'origine des dégâts. Cela peut sembler étrange, mais c'est ce à quoi nous sommes confrontés quand sont présentés des projets de loi comme celui-ci à la Chambre.
Ces projets de loi viennent d'un gouvernement qui a licencié plus de travailleurs que tout autre gouvernement de l'histoire du Canada. Les députés ministériels prennent la parole tous les jours à la Chambre et déforment tant qu'ils peuvent les propos des partis de l'opposition. Ils sont passés maîtres dans l'art de la duperie.
Si on examine ce qui s'est passé, on constate que le taux de faillite n'a jamais été aussi élevé. Les députés ministériels aiment à parler des pays du G-7. Ils aiment à dire combien nous soutenons la comparaison avec les autres pays du G-7. C'est l'aspect le plus louche qui soit.
(1305)
Les libéraux ont présenté ce terrible monceau d'ordures à la Chambre. Ils se sont vantés de leur rendement. Or, nous avons le plus haut taux de faillite de tous les pays du G-7. Nous avons le plus grand nombre de sans-emploi et de sous-employés. Nous avons la pire dictature de tout le monde libre tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Les article 17 à 22 du projet de loi sont là pour le prouver. En effet, ils permettront à un ministre, sans besoin d'aviser le public, d'accorder des permis de pêche privés. C'est totalement inacceptable.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, c'est un immense plaisir pour moi, un député de Montréal, de prendre la parole sur un projet de loi très important pour l'économie, le projet de loi sur les pêches.
Je me suis toujours fait un devoir de m'intéresser à l'ensemble des considérations qui peuvent affecter les intérêts du Québec. Avant de m'exprimer sur le fond du projet, je ne voudrais pas me priver de l'occasion-je crois que cela fera l'objet d'un consensus en cette Chambre, tant du parti ministériel que du côté réformiste-pour rendre un vibrant hommage au député de Gaspé.
Il faut bien le dire, dans ce dossier, il a été un peu comme un petit poisson dans l'eau, il a nourri le caucus, de semaine en semaine, de son expertise. Il faut reconnaître que le député de Gaspé est un homme qui a le sens de l'adversité sans avoir le goût de la confrontation.
Le député de Gaspé a bien fait de nous alerter sur ce qui est un subterfuge du gouvernement fédéral. Il a été très éloquent pour dire qu'il fallait moderniser cette loi. Cette loi datant de 1868 a à peine été revue depuis. Elle a été revue concernant la contingence, de manière un peu subsidiaire. Pour l'essentiel, nous sommes en présence d'une loi revue, de fond en comble, si j'ai bien compris l'enseignement judicieux de mon collègue de Gaspé.
Malgré ce travail de révision en profondeur, on trouve le moyen de mécontenter les principaux partenaires. Voilà une conclusion à laquelle il faut arriver. Puisque vous me permettrez d'aborder la question, je dirais qu'il y a une conclusion à tirer entre le secteur des pêches et la Confédération canadienne. La conclusion que je m'empresse de tirer c'est: ce n'est pas parce qu'on tente de la moderniser qu'on y réussit.
Dans un cas comme dans l'autre, encore une fois, le député-et son aimable adjointe qui a joué un rôle extrêmement soutenant à ses côtés-nous rappelle bien qu'il aurait été souhaitable que le Québec récupère finalement la totalité de la juridiction en matière de pêches.
Cela étant dit, nous n'escamoterons pas les questions de fond et ayant pris soin au cours des derniers jours d'étudier les questions, je crois pouvoir vous rappeler que nous avons trois objections que je me permets de vous réitérez.
Il y a des irritants, j'affectionne un peu le terme c'est connu, et je le reprends. Nous avons trois oppositions de fond sur le projet de loi C-62, que le député de Gaspé me permet de réitérer. Ce projet de loi a fait l'objet d'une étude approfondie par mon collègue, le député de Gaspé. Alors, un peu de sérieux dans ce Parlement. Je crois que le député de Verchères devrait quitter cette enceinte, s'il veut me permettre de livrer mon discours. Je veux que vous sachiez que j'ai retrouvé mon sérieux, un sérieux qui ne m'a jamais véritablement quitté.
(1310)
Alors, nous nous opposons donc sur la base du fait que, dans l'optique dans laquelle le ministre propose des accords de gestion, il y a de sérieuses inquiétudes quant à l'éventualité qu'il n'y ait pas de véritables partenariats.
Nous avons également une deuxième inquiétude concernant la délégation de pouvoirs aux provinces, que nous jugeons absolument et parfaitement insatisfaisante. Si je comprends bien le projet de loi, je crois que l'inquiétude de fond-cela va me permettre de faire des comparaisons avec des dossiers qui sont les miens-c'est la création d'un office des pêches envers lequel, enfin, vous allez me permettre l'expression, nous avons quelque inquiétude qu'il devienne un lieu de haut patronage.
Je voudrais reprendre cette dernière disposition. Il faut reconnaître qu'on est à faire une modernisation du Code du travail. Alors prenons l'exemple de ce que s'apprête à faire le ministre avec ce qu'a fait son collègue du Travail. Nous sommes à revoir le Code du travail, qui n'avait pas été modernisé depuis 30 ans. Votre serviteur a contribué puissamment à le moderniser.
Des voix: Bravo!
M. Ménard: J'apprécie le soutien enthousiaste d'une Chambre dont le quorum n'est manifestement pas remis en cause.
Je vous dis que nous avons contribué à moderniser le Code du travail en demandant au gouvernement de nommer au Conseil canadien des relations de travail, qui est un lieu d'arbitrage entre le patronat et le syndicat-je vous vois opiner du bonnet, monsieur le Président, ce qui est profondément rassurant-des membres en s'alimentant à même des listes soumises par les parties.
N'aurait-il pas été souhaitable que, dans la création de ces offices, on s'assure d'abord et avant tout que ce soit des gens qui connaissent bien le secteur des pêches, qui revêt une complexité. Le secteur des pêches est le fondement même de la chaîne alimentaire. Je crois que nous n'aurons de cesse de l'oublier. Nous avons des craintes avec la création de ces offices. . .
M. Bernier (Gaspé): Et les compétences administratives.
M. Ménard: Voilà! Vous comprenez bien la fougue du député de Gaspé qui nous rappelle qu'il est important qu'il y ait des gens qui ont des compétences administratives, qui connaissent le milieu des pêches.
M. Bernier (Gaspé): Il faut qu'ils connaissent les pêches, au moins.
M. Ménard: Monsieur le Président, cela n'a pas toujours été le cas. Je crois que, spontanément, je n'hésite pas à vous nommer des exemples qui viendront un peu plus tard dans le fait de nominations qui n'ont pas rendu justice au secteur des pêches.
C'est un secteur trop important. C'est un secteur en pleine croissance, où les façons de faire sont en perpétuelle transformation pour que nous n'ayons que des gens qui soient dotés d'une solide expertise, qui connaissent le milieu et qui sont capables d'apprécier une violation quand il s'agit d'une violation et qui sont capables de se prononcer sur le renouvellement des stocks et sur ce qui caractérise le milieu.
M. Bernier (Gaspé): Il nous faudrait de vrais juges, pas des semblants.
M. Ménard: J'y arrive. Il y a une spécificité que le député de Gaspé a fait ressortir à plusieurs occasions.
Encore une fois, je ne sais pas si je l'ai dit, mais je pense qu'il y aurait consentement dans cette Chambre pour reconnaître que, s'il y a quelqu'un dans cette Chambre qui a parlé d'une voix certaine, avec un jugement à propos et qui connaît bien le secteur des pêches, c'est le député de Gaspé. Je suis sûr que mes collègues vont vouloir partager mon enthousiasme en lui rendant un vibrant hommage. C'est un vrai pêcheur.
Des voix: Bravo!
M. Ménard: Moi qui suis un enfant de l'asphalte mais qui, durant toute mon enfance, ai mangé du poisson le vendredi, je mesure pleinement l'importance du secteur des pêches.
En fait, ce que nous demandons au gouvernement, et il nous semble que c'est une revendication légitime, c'est qu'à ce tribunal, enfin, ou quelque chose qui s'apparente à un tribunal administratif, il y ait de véritables avocats, des gens de droit, des gens qui ont une formation, qui connaissent le secteur des pêches.
Nous mettons en garde le gouvernement contre toute tentative de procéder à des nominations partisanes qui desserviraient le secteur des pêches. Nous serions même très déçus.
Je suis un peu déçu que mon temps file, j'aurais discouru pendant vingt minutes sur le sujet.
(1315)
Je voudrais quand même vous rappeler, et ce sera ma conclusion, qu'à Québec-le Québec est une nation, je pense qu'on le sait tous dans ce Parlement-il y a eu des revendications exprimées à la Conférence de Victoria.
Je me permets de souligner ce qui est peut-être la revendication majeure du Québec dans le secteur des pêches: pour les stocks pêchés entièrement par les résidants du Québec, vous ne serez pas surpris qu'on demande que l'administration complète de l'évaluation des stocks, l'établissement des politiques de conservation et de gestion, la délivrance des permis, cela va de soi, l'allocation des ressources à ses résidants ainsi que le contrôle et la surveillance de ses pêcheries soient transférés complètement, entièrement, sans hésitation et sans partage à la province de Québec.
C'est un point majeur que chacun d'entre nous, à titre de députés du Bloc québécois, allons reprendre. Je suis extrêmement disponible s'il y a des questions.
[Traduction]
M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Monsieur le Président, c'est la deuxième fois que je parle du projet de loi C-62.
Une voix: Cela n'est pas permis.
M. Duncan: Il s'agit d'un amendement, et c'est donc tout à fait acceptable aux termes du Règlement.
Je voudrais rappeler que, sous le couvert de la modernisation, ce projet de loi donne, en fait, au ministre, ainsi qu'aux hauts fonctionnaires du même coup, tous les pouvoirs qu'ils aient jamais pu souhaiter pour récompenser leurs amis et consolider leur emprise sur les pêches. La bureaucratie du ministère des Pêches est connue sur la côte ouest, chose certaine et dans d'autres régions, comme la plus lourde et la plus arrogante au sein du gouvernement fédéral. Il est incroyable de voir comment le regroupement de pouvoirs dans ce projet de loi peut être considéré comme une modernisation.
Les événements se bousculent, à l'heure actuelle, sur la côte ouest. Une série de négociations fédérales-provinciales sont en cours pour transférer certaines des compétences du ministère des Pêches et des Océans aux autorités provinciales. De plus, un comité fédéral-provincial d'examen des impacts sur les pêches fait probablement rapport aujourd'hui au moment où nous nous parlons. Nous sommes également témoins de l'aboutissement d'une affaire soumise à la Cour fédérale, à Vancouver, qui a établi vraiment un
précédent et qui est très intéressante. Je voudrais en parler un petit peu dans un instant.
Le comité consultatif sur le flétan qui s'est penché sur l'octroi des permis de pêche au flétan sur la côte de la Colombie-Britannique, il y a plusieurs années, a fait l'objet d'un examen. On a vivement critiqué le ministère des Pêches et des Océans. On a confirmé ce que beaucoup de gens de l'industrie, beaucoup de personnes familières avec les actions des hauts fonctionnaires croyaient depuis un certain temps déjà, mais c'est maintenant dit clairement.
Au moment où ces événements se produisent, nous sommes également témoins de la mise en oeuvre de ce qu'on appelle le plan Mifflin sur la côte ouest. La façon dont ce plan a été appliqué et le mécanisme de rachat mis en place ont été un désastre total pour les collectivités des régions reculées de la Colombie-Britannique. Les gens ont de plus en plus l'impression d'avoir affaire à une bureaucratie et à un ministère incohérentes et insensibles, qui font vraiment du tort à la côte ouest.
Nous savons ce qu'a donné la gestion sur la côte est. Cet exemple suffit aux habitants de la Colombie-Britannique, ils veulent l'éviter à tout prix. La pêche récréative, commerciale et sportive constitue une industrie très importante.
Je voudrais faire remarquer qu'il n'est rien, dans la nouvelle Loi sur les pêches, que le ministre et le ministère ne peuvent djà faire en vertu de la loi existante, excepter abolir le droit du public de pratiquer la pêche. Le principal changement en ce qui concerne la gestion des pêches, et c'est regrettable, c'est que le nouveau ministre se voit conférer le nouveau pouvoir inconditionnel de prendre des mesures qui actuellement exigent l'autorisation du Parlement ou du cabinet. Accorder un pouvoir encore plus absolu à un ministre et à un ministère qui ont tellement mal géré cette ressource serait porter atteinte à la confiance que l'on a placée en nous en tant que parlementaires.
(1320)
Cela montre encore une fois que le gouvernement est incapable de gérer et d'allouer une ressource, de même que d'honorer un droit historique en vertu de la common law, le droit du public de pratiquer la pêche.
Le droit du public de pratiquer la pêche est remplacé par des accords, ou comme ce projet de loi les appelle, des partenariats passés avec des entreprises privées. Ces accords seraient semblables à ceux que conclut actuellement le gouvernement avec les autochtones. Le principe de la pêche commerciale réservée aux autochtones a été rejeté par les jugements rendus en 1996 par la Cour suprême dans les affaires Van der Peet, NTC Smokehouse Ltd. et Gladstone.
Le tribunal s'est prononcé contre la reconnaissance d'un droit ancestral à la pêche commerciale, disant que les autochtones n'avaient pas de droits de pêche exclusifs. Selon le jugement, «la Constitution ne garantit pas aux autochtones de la Colombie-Britannique le droit de pêcher et de vendre commercialement le produit de leur pêche». Il faut maintenant tout recommencer, interjeter sans cesse appel devant la Cour suprême pour faire entendre raison aux bureaucrates et à leur ministre captif.
Le projet de loi C-62 ne s'attaque pas aux véritables problèmes dans le domaine de la pêche, par exemple, le déclin des stocks, les interceptions en Alaska et la nécessité de faire scrupuleusement respecter les mesures de conservation.
Actuellement, la population a de plus en plus l'impression que l'actuelle Loi sur les pêches ne permet pas au ministre de conclure des ententes exclusives. Il y a quelques solutions simples à ce problème. Il faut établir des critères clairs pour la délégation des pouvoirs aux provinces concernant la gestion des pêches, si les provinces veulent obtenir cette compétence. Les poissons ont tendance à ne pas tenir compte des frontières politiques.
Je tiens à préciser certains points faisant suite à une affaire très importante qui n'a pas beaucoup attiré l'attention. Le 14 novembre, à Vancouver, le juge Campbell a finalement rendu une décision. Dans cette affaire, les pêcheurs de flétan agissaient à titre de demandeurs. Ceux-ci avaient l'impression d'avoir été lésés et croyaient que le ministre avait excédé ses pouvoirs quant à la manière dont les permis de pêche au flétan seraient dorénavant répartis. D'un fonctionnement un peu approximatif-les détenteurs de permis connaissant la saison et tout le monde se précipitant pour faire la meilleure prise possible dans les délais permis-on passe à un principe de contingent individuel transférable. Le processus de consultation ayant abouti à la conception de ce système de quotas individuels a donné lieu à certaines choses que le procès a permis de mettre en lumière.
Ce que disent en fait les demandeurs, c'est que le processus est truqué, que le ministère avait un programme à réaliser, qu'il devait y avoir des gagnants et des perdants et que le personnel de Pêches et Océans responsable de l'exercice se moquait éperdument de savoir qui seraient les gagnants et qui seraient les perdants. Il a utilisé ce processus pour prédéterminer aussi exactement que possible qui seraient les perdants, mais ce fut fait sous couvert de consultations et orchestré de telle façon que cette initiative semble venir des pêcheurs de flétan eux-mêmes, alors que c'était une initiative des hauts fonctionnaires. C'est un document très intéressant, même s'il n'a qu'une cinquantaine de pages.
(1325)
Il y a des choses dans ce document dont aucun ministère ne pourrait être fier. Je prévois que les contribuables canadiens devront verser des centaines de milliers, voire des millions de dollars d'indemnité aux détenteurs de licence mécontents d'avoir été tenus à l'écart.
Je vais juste vous citer certaines choses. À la page 37 du document, par exemple, le juge constate que le processus a été mis en oeuvre par une décision autorisée de l'administration du ministère des Pêches et Océans. À la page 39, le même juge déclare qu'il va considérer cette décision comme émanant du ministre. Puis, à la page 43, il conclut que les plaignants avaient droit à une procédure équitable et à la page suivante il conclut. . .
Le vice-président: Je regrette, mais le député a épuisé son temps de parole.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, le député d'Hochelaga-Maisonneuve a été obligé, tout à l'heure, de justifier la pertinence de son discours, se disant un enfant de l'asphalte. Dans Lévis, il y a effectivement beaucoup d'asphalte aussi, mais il y a des anguilles. Mais ce n'est pas de cela dont je veux parler.
J'ai été, pendant quatre ans, attaché politique du meilleur ministre des Pêches, d'ailleurs, qu'il y a eu au Québec, entre 1980 et 1984, et je me souviens des batailles épouvantables qu'il fallait mener à ce moment-là pour faire respecter l'autonomie.
Une voix: Ne le nomme pas.
M. Dubé: Je ne le nommerai pas. On me demande de ne pas le nommer, mais tout le monde l'a reconnu. C'est quelqu'un d'ailleurs qui, lorsqu'il entre quelque part, se fait remarquer pas sa prestance. . .
M. Ménard: Et parce qu'il occupe deux sièges également.
M. Dubé: Monsieur le Président, sérieusement, nous, de l'opposition officielle, sommes contre le projet de loi C-62 qui nous est présenté en deuxième lecture. Si j'ai l'accord unanime de la Chambre, je pourrais peut-être peut-être déborder quelque peu, mais seulement de trois ou quatre minutes. J'aimerais qu'on me laisse trois ou quatre minutes, parce que je vois que le temps est presque écoulé, mais je le demanderai lorsque mon temps sera expiré.
C'est un projet de loi qui est mal ficelé. C'est un filet plein de trous. On ignore comment on pu si mal ficeler autant de choses dans ce projet de loi. Le député de Gaspé, qui a fait un travail extraordinaire, déclarait, et je suis d'accord avec lui: «Il y a anguille sous roche.» Il faut vraiment examiner la chose plus en profondeur.
Concernant la question des offices, il y a une possibilité épouvantable là-dedans. On va laisser à un club sélect le soin de déterminer les règles de la pêche en concertation avec le ministre d'Ottawa. Le ministre à Ottawa veut décider avec ses fonctionnaires de ce qui va se passer dans le secteur des pêches. Cela m'a toujours surpris. C'est d'Ottawa qu'on veut décider, alors que les poissons sont dans l'océan. C'est très difficile d'amener un fonctionnaire d'Ottawa vers les pêches.
Ces fonctionnaires, de la façon dont ils conçoivent les choses, voudraient que les poissons viennent à Ottawa afin de les examiner. Nous, on est pas des poissons, on ne se laissera pas faire. On ne laissera pas ce gouvernement faire cela sans dire un mot. Peut-être qu'à cause de leur majorité, ils finiront par adopter ce projet de loi, mais nous sommes contre.
On ne reconnaît pas suffisamment le rôle des provinces en matière de pêche. On ne laisse pas non plus assez de place à ceux qui vivent de cette ressource. On ne leur laisse pas le soin d'élaborer des règles, de meilleures façons de contrôler la ressource. On ne consulte pas assez les gens, les pêcheurs.
J'aurais mille et une choses à ajouter à cela. Je ne veux pas en ajouter davantage. Je tenais aujourd'hui à joindre ma voix à celle du député de Gaspé, et à celle du député d'Hochelaga-Maisonneuve.
À Montréal, ils n'ont peut-être pas de poisson, mais ils en mangent, du poisson. Ce sont des consommateurs importants. Au nom de cela, quelqu'un comme le député d'Hochelaga-Maisonneuve a le droit d'intervenir, et il l'a très bien fait. J'espère qu'on ne suivra pas l'exemple des députés d'en face qui restent silencieux.
C'est invisible. On ne peut pas parler d'absence en cette Chambre, mais on peut parler d'invisibilité. Je la signale.
Le vice-président: Comme il est maintenant 13 h 30, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés, selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.