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CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 9 décembre 1996


La séance est ouverte à 11 heures.

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Prière

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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.) propose: Que le projet de loi C-309, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (ingrédients des aliments vendus dans les restaurants), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, les restaurants sont des lieux importants dans notre société. Que ce soit pour le plaisir, par affaires ou durant les voyages, la plupart des Canadiens y mangent de temps à autre.

Les familles dont certains membres souffrent d'allergies alimentaires savent à quel point cela peut être dangereux et source de confusion. C'est donc avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-309, que j'ai parrainé moi-même et qui propose de modifier la Loi sur les aliments et drogues afin de mieux protéger les Canadiens qui souffrent de graves allergies alimentaires.

Quand il aura pris effet, le projet de loi C-309 obligera les propriétaires de restaurant à mettre à la disposition des clients tous les renseignements requis relativement aux ingrédients entrant dans la composition des aliments figurant sur leur menu. Il n'exigerait pas l'étiquetage.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais attirer votre attention sur Mme Betty Lou Taylor, de Burlington, la mère de Christian Taylor. Ce dernier est décédé à l'âge de 17 ans après avoir mangé un dessert aux pommes aromatisé à la noisette moulue.

C'est un peu grâce à la persévérance de Mme Taylor que le projet de loi s'est rendu aussi loin. En effet, Mme Taylor n'a pas ménagé ses efforts pour veiller à ce que les Canadiens souffrant d'allergies alimentaires soient protégés. Grâce aux efforts qu'elle déploie pour sensibiliser la population à la gravité des allergies alimentaires, un plus grand nombre de Canadiens sont informés des réactions allergiques possibles à certains types d'aliments.

À 17 ans, Christian Taylor savait très bien quels effets les noisettes auraient sur lui. Il prenait bien soin d'éviter d'en manger. Cependant, puisqu'il avait déjà acheté des chaussons aux pommes dans des restaurants-minute, il a supposé que celui qu'il achetait ce jour fatidique ne présentait aucun danger. Cette supposition et l'absence de liste des ingrédients sur l'emballage lui ont coûté la vie. Pourtant, Christian ne faisait que ce que la plupart d'entre nous faisons régulièrement: il mangeait au restaurant. Malheureusement pour Christian, cette sortie a eu un dénouement très tragique.

Dans notre débat sur les avantages et les inconvénients du projet de loi, j'exhorte tous les Canadiens, qu'ils soient allergiques ou pas à des aliments, à se souvenir que nous avons la possibilité d'appuyer un projet de loi témoignant de notre préoccupation pour la santé et la sécurité des Canadiens et de notre volonté d'adopter des mesures raisonnables.

Le projet de loi C-309 répond à ces deux critères. Il n'impose pas de règles d'étiquetage. C'est une mesure très simple. Il demande aux propriétaires de restaurants et à leur personnel d'assumer leurs responsabilités et de reconnaître que certains de leurs clients souffrent d'une maladie contre laquelle les médicaments ne font rien, mais dont les conséquences peuvent être évitées par l'information.

Le projet de loi concerne un trouble médical connu sous le nom de choc anaphylactique. Au moins 50 Canadiens meurent chaque année à la suite de réactions anaphylactiques. Ces réactions peuvent être déclenchées par une quantité infime d'allergène. Par exemple, en 1994, un élève en excursion scolaire dans le parc Algonquin, en Ontario, est mort après avoir ingéré une quantité infime de beurre d'arachide qui se trouvait dans un pot de confiture. Essentiellement, l'anaphylaxie est une réaction allergique grave qui, si elle n'est pas traitée, peut entraîner une mort rapide. Comme les réactions allergiques moins graves, l'anaphylaxie se produit lorsque le système immunitaire du corps humain réagit à des substances inoffensives comme s'il s'agissait de substances très nocives.

Toutefois, au lieu de provoquer les symptômes habituels comme l'écoulement nasal ou une éruption cutanée, l'anaphylaxie provoque une réaction extrême. Cette réaction peut commencer par une démangeaison, des vomissements ou l'enflure des lèvres et du visage. En quelques instants, la gorge peut commencer à se fermer. Ne pouvant plus respirer, la personne perd conscience et peut même mourir.

Au moins 25 000 Canadiens risquent actuellement de subir des réactions anaphylactiques causées par des aliments. Comme je l'ai déjà mentionné, en moyenne deux Canadiens meurent chaque mois de réactions anaphylactiques provoquées par des allergies alimentaires.

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Un enfant sur quinze souffre d'une allergie alimentaire. Tous les décès attribuables à l'anaphylaxie ne sont pas déclarés comme tels parce qu'ils sont habituellement consignés dans les registres pro-


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vinciaux comme des décès attribuables à des causes naturelles. Un adulte sur cinquante souffre d'une allergie alimentaire. Entre 35 et 60 p. 100 des Canadiens évitent certains ingrédients spécifiques chaque jour pour des raisons médicales. Cette question touche donc de nombreux Canadiens, jeunes et vieux, sans discrimination. Pourtant, que dit la loi actuelle à cet égard?

Dans le moment, la Loi sur les aliments et drogues contient des dispositions concernant la déclaration des ingrédients dans l'industrie alimentaire, mais ces dispositions s'appliquent uniquement aux aliments préemballés vendus dans les magasins d'alimentation. Les personnes chez qui l'ingestion de certains aliments provoquent des réactions graves dépendent entièrement des renseignements sur les ingrédients. Il n'existe pas de médicament ou d'injection qui permette de prévenir la réaction alimentaire, mais dès qu'elle se manifeste chez une personne celle-ci doit recevoir immédiatement de l'adrénaline. EpiPen et Anakit sont les deux produits disponibles pour les personnes qui souffrent d'allergies alimentaires. EpiPen est un dispositif qui permet l'auto-injection d'adrénaline et Anakit contient des capsules de Bénadryl et une double dose d'adrénaline à injecter.

Comment prévenir une réaction anaphylactique? La seule façon consiste à éviter de consommer certains aliments et le projet de loi C-309 peut justement, à cet égard, faire la déférence entre la vie et la mort. Combien parmi nous savent que les noisettes sont couramment utilisées dans les vinaigrettes ou ajoutées à des mets comme le poulet ordinaire et le poulet de Cornouailles? Combien de députés sont au courant que l'huile d'arachide est fréquemment utilisée pour frire les aliments? Cette huile relève la saveur du poulet frit. Certains restaurants on même bâti leur réputation sur l'utilisation de cette huile, qui peut pourtant causer la mort de certaines personnes. Combien de gens savent que les amandes moulues servent fréquemment d'additif dans les pâtisseries et que des noisettes moulues sont couramment ajoutées au chocolat parce qu'elles lui donnent une saveur incomparable?

Les emballages des aliments achetés à l'épicerie comportent une étiquette qui permet d'éviter aisément les réactions anaphylactiques, mais dans les restaurants les consommateurs jouent à la roulette russe. Le projet de loi C-309 propose le juste milieu entre la nécessité d'assurer la sécurité des consommateurs et les préoccupations légitimes des restaurateurs concernant le coût prohibitif de l'étiquetage obligatoire de tous les aliments provenant des restaurants.

Comme je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises, le projet de loi C-309 ne propose pas de rendre l'étiquetage obligatoire. Il vise plutôt à protéger les personnes souffrant d'allergies alimentaires en leur donnant un moyen simple mais indispensable, c'est-à-dire l'accès à une information fiable concernant la composition des aliments.

Cette solution pourrait s'appliquer de deux façons, l'une s'appliquant aux restaurants individuels et l'autre aux chaînes de restaurants. Dans les restaurants individuels, les clients souffrant d'allergies alimentaires ou ayant des inquiétudes au sujet de certains ingrédients pourraient s'informer auprès d'un employé de l'établissement. Cet employé recommanderait au client en question de s'adresser au responsable, en principe le cuisinier, pour savoir quels ingrédients il utilise dans la préparation du plat. La liste n'a pas besoin d'être longue. Il suffit de dire: «Je vais utiliser cette huile,

cette boîte de thon, et ces pâtes. Vous n'avez qu'à lire les ingrédients et décider.» Ce n'est pas compliqué.

Dans un restaurant faisant partie d'une chaîne, le client poserait la question à un employé qui, encore une fois, lui demanderait de s'adresser au responsable ou de se reporter à la liste. Dans certains restaurants, la liste des ingrédients est indiquée sur un tableau que le client peut consulter. La plupart des restaurants McDonald ont une sorte de cahier que l'on peut consulter. D'autres chaînes de restaurants déchirent le côté de la boîte dans laquelle les pains pour hamburgers leur ont été livrés et, en cas de changement de fournisseur, l'indiquent au dos du cahier. Le client peut ainsi décider.

Ce projet de loi a connu un fort appui depuis que j'ai commencé à en parler. Plusieurs fois, le Star de Toronto, le Citizen d'Ottawa et le Spectator de Hamilton ont consacré une page entière à cette question. Au moins 36 municipalités, 15 commissions scolaires ainsi que plusieurs associations et groupes nationaux et provinciaux ont adopté des résolutions demandant au gouvernement fédéral de prendre des mesures à ce sujet. Plusieurs écoles canadiennes ont élaboré des politiques afin de protéger les enfants allergiques à certaines substances. Quelques-unes ont pris des mesures plus radicales que d'autres en cessant complètement d'acheter certains types d'aliments.

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Le gouvernement fédéral a publié une brochure récemment, en collaboration avec l'association des conseils scolaires, pour aider les écoles à s'organiser en tenant compte de ce problème. C'est un petit manuel extraordinaire, et les écoles en avaient terriblement besoin.

L'Association canadienne des restaurateurs et des services d'alimentation a mis en branle en 1991 un programme de sensibilisation aux allergies. C'est un programme volontaire qui exige que les restaurateurs donnent la liste des ingrédients aux clients qui le demandent. Toutefois, comme la participation est volontaire, il est difficile à mettre en oeuvre et peu surveillé, et le taux de participation est faible. Cette association ne regroupe pas tous les restaurants du Canada.

Il y a un risque que les employés comprennent mal le principe. Pour vérifier l'efficacité du programme, j'ai demandé à une personne qui arborait fièrement une pancarte annonçant ce programme, sur les lieux d'un congrès, de m'expliquer de quoi il s'agissait. Cette personne m'a dit que c'était un programme de sensibilisation aux allergies. Je lui ai alors demandé ce qu'elle me dirait, au sujet des aliments servis, si j'étais allergique aux noix. La personne m'a dit de ne pas manger de noix. J'avais besoin d'information vitale au sujet des aliments que cette personne me servait, mais elle n'avait aucune idée de l'objectif du programme.

Je me suis adressée à l'Association médicale canadienne. Le Dr Peter Noel, de Terre-Neuve, m'a été une précieuse source d'information et m'a en outre prêté assistance et encouragements.

J'ai fait un sondage auprès de tous les députés. La réaction que j'ai reçue a été extraordinaire. Quatre-vingt-sept pour cent des députés appuient le projet de loi. Plus important encore, les habitants de Burlington appuient le projet de loi. Nous avons recueilli


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plus de 100 000 signatures sur une pétition demandant au gouvernement fédéral d'agir dans ce domaine.

Que disent les opposants au projet de loi C-309? Ils affirment que certains restaurants seront acculés à la faillite à cause des coûts d'une telle mesure. Ils disent que ce sera trop difficile à gérer. Je leur propose de réfléchir aux points suivants. Le projet de loi C-309 ne demande pas l'étiquetage obligatoire. Il n'est certainement pas déraisonnable de vouloir obtenir des renseignements au sujet de ce que l'on s'apprête à manger. Il n'est pas déraisonnable d'espérer que le chef ou le cuisinier connaisse les ingrédients contenus dans les aliments qu'il nous sert. C'est une question de vie ou de mort pour certaines personnes. Cela n'impose pas des coûts excessifs aux propriétaires de restaurants. Fournir un registre des ingrédients représente une façon peu coûteuse de résoudre une situation de vie ou de mort.

La question n'en est pas une de coûts, mais plutôt de santé et de sécurité. Les allergies alimentaires ne sont pas des affections banales. Elles ne sont pas faciles à contrôler et peuvent être mortelles. Les gens sujets aux réactions adverses aux aliments sont de plus en plus nombreux.

Ce projet de loi propose une façon facile de mettre en place un programme de prévention. En insistant sur la prévention, on permet aux consommateurs de faire des choix éclairés au lieu de jouer à la roulette russe.

Nous devons, dans toute la mesure du possible, protéger la santé et le bien-être de tous les Canadiens et de ceux qui nous entourent. Le projet de loi C-309 fait écho à cette responsabilité. Ce projet de loi vise à assurer qu'aucune autre mère ne perdra son enfant comme l'a fait la maman de Christian Taylor.

J'espère que tous les députés appuieront ce projet de loi. Je demande à la Chambre d'accorder son consentement unanime afin que le projet de loi C-309 fasse l'objet d'un vote.

Le vice-président: La députée a proposé que la question fasse l'objet d'un vote. Y a-t-il consentement unanime à cet égard?

Des voix: Oui

Des voix: Non.

Le vice-président: J'ai entendu un faible non. Je dois donc dire que le projet de loi ne pourra pas faire l'objet d'un vote pour le moment.

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole au sujet de ce projet de loi. Avant d'être députée, j'ai passé un certain nombre d'années dans le domaine des soins de santé en tant qu'infirmière dans un hôpital où j'ai vu beaucoup de cas d'allergie, de choc anaphylactique et autres choses de ce genre.

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Ce projet de loi m'inspire des sentiments mitigés. En effet, bien que l'objet de cette mesure soit très louable dans l'ensemble, j'éprouve des réserves à l'égard du fardeau de la responsabilité qu'il implique. Il me semble que nous imposons une lourde responsabilité aux fournisseurs, aux producteurs et aux restaurateurs. La responsabilité devrait être également partagée par les consommateurs.

Il aurait été utile que l'orateur qui m'a précédée donne des chiffres indiquant la proportion de personnes allergiques par rapport à la population générale. Combien de personnes ont effectivement souffert de ce genre de problème du fait d'avoir consommé des aliments provenant d'un restaurant?

Pour en venir à certaines de mes autres inquiétudes, je dirais que le projet de loi tel qu'il est exigerait des restaurateurs qu'ils familiarisent tous leurs employés à la question des allergies alimentaires et aux graves conséquences qu'elles peuvent avoir, afin qu'ils puissent répondre aux questions des clients sur les ingrédients que pourraient contenir les plats servis au restaurant ou préparés par la cuisine du restaurant pour emporter. C'est un des scénarios possibles.

La deuxième solution pour répondre à cette exigence serait d'avoir un employé désigné qui connaîtrait ces renseignements ou pourrait s'y reporter. Je souligne ici, comme l'a d'ailleurs fait la députée plus tôt, qu'il n'est pas question ici de transformer toutes les serveuses en nutritionnistes, ni de leur faire apprendre par coeur tous les ingrédients des plats au menu.

Le projet de loi exigerait des restaurateurs qu'ils tiennent un registre de tous les ingrédients de tous les aliments préparés et vendus dans la succursale. Je ne sais pas exactement ce qu'il en est des succursales de chaînes de restaurants, mais cela ne me paraît pas une exigence déraisonnable. Je ne parle pas seulement des restaurants ici, mais également des comptoirs où l'on peut prendre des sandwiches ou des salades.

Ce qui me vient à l'esprit, et je ne semble pas capable de me débarrasser de cette idée, c'est que c'est un peu comme si on imitait le programme SIMDUT au sujet des poisons en milieu hospitalier. En vertu de ce programme, dans le milieu de travail-j'avais dit les hôpitaux, mais en fait c'est dans le milieu de travail partout au pays-toutes les matières susceptibles d'être dangereuses doivent être répertoriées et on doit indiquer les mesures à prendre si un employé vient en contact avec une de ces matières.

Il en est sorti deux choses. La première c'est que c'est une tâche d'organisation épouvantable. Il appartient aux fabricants de fournir avec leurs produits suffisamment de renseignements pour que les employeurs puissent les mettre dans un registre auquel les employés peuvent avoir facilement accès.

Le deuxième problème est celui des secrets de fabrication concernant le produit. Dans le cadre du SIMDUT, si une entreprise juge que le secret de la composition de son produit est menacé, elle peut s'adresser à un comité pour s'assurer que les ingrédients vont demeurer secrets. La société Poulet Frit Kentucky est un exemple évident avec les célèbres 11 épices et herbes qu'on retrouve dans son poulet.

Il ne s'agit pas de faire en sorte que la serveuse ou la personne désignée connaisse la recette. Il est plutôt question de connaître la


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liste des produits chimiques contenus dans le produit, tout comme cette liste figure sur les boîtes de conserve qu'on achète au magasin. Cela pourrait aider à remédier au problème du secret de la recette.

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Il y a un autre avantage à tout ceci. On appose des étiquettes sur les produits vendus dans les magasins d'alimentation pour mieux informer les clients au sujet de leurs achats. Lorsque je fais un pain de viande à la maison, si je veux savoir ce qu'il y a dedans, je n'ai qu'à lire les étiquettes sur lesquelles figurent les ingrédients. Il ne semble donc pas trop difficile de passer à la prochaine étape. Au lieu de cuisiner moi-même le pain de viande, quelqu'un d'autre va le préparer dans un restaurant. Cependant, je devrais être encore en mesure de savoir quels produits chimiques entrent dans la recette de ce pain de viande.

Il y a beaucoup de craintes au sujet des répercussions de tout ceci sur le travail des serveurs ou des cuisiniers. Il est très important que le restaurant n'ait pas à assumer toute la responsabilité. Il n'incombe pas au restaurant de garantir aux gens qu'ils n'auront pas de réactions allergiques. Il faut le souligner. Si les gens peuvent consulter un tel registre, ils sauront si certains des plats servis au restaurant contiennent des ingrédients auxquels ils sont allergiques. La seule responsabilité du restaurant, c'est de fournir ce registre. On ne semble pas le souligner dans le projet de loi.

C'est peut-être un peu discutable, mais on devrait inclure d'autres sources d'aliments comme les charcuteries, les boulangeries et les aires de restauration. Je voudrais qu'on élargisse la définition de «restaurant» pour inclure toutes les sources de produits alimentaires. Les consommateurs devraient savoir exactement quels produits chimiques entrent dans la composition des aliments qu'ils achètent.

Le choc anaphylactique est une urgence médicale à laquelle on doit répondre très rapidement. Dans la plupart des cas, on n'a que 10 ou 15 minutes pour réagir. Vous rappelez-vous que, dans le passé, certaines personnes pouvaient mourir en quelques minutes après avoir été piquées par une abeille? On a ensuite trouvé une solution; la personne allergique pouvait conserver sur sa personne une seringue avec une petite ampoule d'adrénaline.

De nos jours, un autre aliment peut être mortel pour certaines personnes, le beurre d'arachide. Je conseille très fortement aux personnes souffrant de formes d'allergie très aiguës de prendre leurs précautions sur le plan médical. Elles devraient toujours porter sur elles le médicament qui leur est indispensable. On ne saurait s'attendre à ce que le personnel d'un restaurant soit en mesure de sauver la vie de quelqu'un qui est en proie à un choc anaphylactique ou à une réaction allergique quelconque. Au moment d'interpréter les données statistiques, il convient également de savoir quelles sont les réactions allergiques qui constituent un danger de mort.

À mon avis, ce projet de loi présente à la fois de bons aspects et des aspects qui mériteraient d'être approfondis. Il est question de recettes dans ce projet de loi. J'aimerais qu'on parle plutôt des ingrédients chimiques qui entrent dans la fabrication des produits.

Il est très courant qu'un restaurant standardise ses recettes pour que la soupe aux légumes du lundi, par exemple, goûte la même chose que celle des autres jours. Il s'agit généralement d'une recette standardisée; c'est une simple affaire d'économie. Au lieu de laisser chaque cuisinier agir à sa guise, on élabore des recettes standardisées. L'autre objectif poursuivi, c'est, bien sûr, que le client acquiert un goût pour le plat en question et si c'est bon, il va revenir.

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Dans le cas d'une recette standardisée, si l'on utilise du ketchup comme on l'a déjà mentionné, il ne serait pas difficile d'enlever l'étiquette de la bouteille ou de la copier d'une façon quelconque, puis d'insérer le tout dans un manuel.

Je voudrais insister très fortement sur le fait qu'à mon avis il n'est pas nécessaire que chaque serveuse possède des notions nutritionnelles concernant les produits alimentaires qu'on sert au restaurant ou même qu'on s'attende à ce qu'il y ait toujours quelqu'un sur place qui soit en mesure de la faire. Si quelqu'un désire savoir quels ingrédients contient un produit alimentaire, il devrait pouvoir obtenir la liste de ces ingrédients pour décider s'il consommera ce produit.

Ce sont là les principaux points que j'ai à faire valoir à ce sujet. Si l'on devait se retrouver devant une situation du genre SIMDUT, cela susciterait un débat entièrement nouveau, car le programme du SIMDUT pose un certain nombre de problèmes. Je ne voudrais surtout pas que cela se produise.

Pour en venir au fond de la question, il faudrait passer de recettes aux ingrédients. Il faudrait que ce soit clair que c'est le consommateur qui est responsable en fin de compte. En outre, les employés devraient avoir accès à l'information. Les employés ne devraient pas être tenus d'expliquer ou quoi ce que soit, car c'est le consommateur, et non l'employé, qui doit s'assurer que le produit est sans danger. Il revient au consommateur, et non à la serveuse ou au cuisinier, de savoir quels ingrédients renferme un produit alimentaire.

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais faire quelques observations sur le discours que vient de prononcer la députée réformiste de Surrey-Nord.

La députée semble très inquiète du projet de loi d'initiative parlementaire que parraine la députée de Burlington. Selon cette mesure, les propriétaires de restaurants seraient tenus de fournir la liste de tous les ingrédients contenus dans les aliments qu'ils servent, de manière à éviter tout décès par suite d'un choc soudain causé par une réaction à des aliments.

Je m'étonne que la députée de Surrey-Nord ne soit pas plus perspicace. La députée réformiste reproche à notre collègue de vouloir imposer une responsabilité trop lourde aux restaurateurs. Par contre, à son avis, nous ne pouvons pas nous attendre que les restaurateurs sauvent la vie des personnes qui ont une grave réaction allergique, car chacun est responsable de sa propre vie. Pour ma part, je crois qu'un restaurateur doit savoir ce que contient ses produits, car la vie de ses clients peut en dépendre.

La députée de Surrey-Nord a aussi laissé entendre qu'il faudrait avoir plus de statistiques qui justifient ce projet de loi. C'est terrible. Faut-il qu'il y ait un, 100 ou 1 000 décès dans Surrey, en Colombie-Britannique, ou à Montréal?

Les gens veulent savoir ce que contiennent leurs aliments.

M. McClelland: Ce n'est pas ce qu'elle a dit.


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M. Bellemare: J'entends des députés réformistes qui disent que j'exagère. Il est évident qu'ils ne veulent pas que les restaurateurs renseignent leurs clients. D'après eux, il serait exagéré d'exiger que tous les employés connaissent le contenu des aliments qu'ils servent.

La députée a également déclaré que les restaurateurs dévoileraient ainsi leurs secrets commerciaux.

M. McClelland: Eugène, dites au moins la vérité.

M. Bellemare: Je dois manifestement toucher un point sensible chez les réformistes à en juger d'après les interpellations venant d'en face. Ils voudraient protéger, par exemple, les secrets de fabrication de l'assaisonnement du poulet rôti de la chaîne Kentucky. Imaginez, 11 herbes! Nous ne voulons pas savoir en quoi elles consistent, nous voulons savoir si la formule comporte un ingrédient qui pourrait provoquer une réaction, comme les arachides par exemple. Nous ne voulons pas connaître les secrets, nous voulons connaître les ingrédients susceptibles de provoquer une réaction.

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J'espère qu'il y aura davantage de députés d'opposition pour appuyer le projet de loi, du moins en principe.

Les consommateurs qui paient pour des aliments devraient recevoir de bons aliments. Ils devraient pouvoir obtenir de l'information sur les aliments qu'ils achètent. Je félicite la députée de Burlington d'avoir abordé le problème avec tant de sensibilité.

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, le débat est assez animé ce matin.

Avant de poursuivre, je tiens à signaler que le député d'en face a complètement déformé les paroles de la députée de Surrey-Nord. Je trouve toujours cela très désolant lorsque de telles choses se produisent à la Chambre. Sans honnêteté, nos efforts sont voués à l'échec. Voilà pourquoi nous devons faire preuve de politesse et de respect envers nos collègues. La députée de Surrey-Nord a, en fait, appuyé le projet de loi avec certaines réserves. Chaque député a assez de jugement pour l'admettre lorsqu'il entend un de ses collègues faire ce genre d'affirmation. Cela me contrarie. C'est d'ailleurs une chose qui m'ennuie depuis mon élection à la Chambre.

Le projet de loi C-309 que propose la députée de Burlington aurait pour objet, s'il est adopté, d'obliger les propriétaires de restaurant à fournir à ceux qui souffrent d'allergies alimentaires des renseignements fiables sur les ingrédients que contiennent les mets qu'ils servent. Vous avouerez que ces renseignements sont nécessaires. Personne ne dira le contraire. Nous devons être en mesure de prendre des décisions éclairées. C'est le but de l'exercice.

Le projet de loi ne prévoit pas l'étiquetage obligatoire. J'en sais quelque chose, car j'ai moi-même présenté un projet de loi qui visait l'étiquetage obligatoire, ce qui n'est pas le cas avec la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd'hui. Avec ce projet de loi, nous ne visons qu'à informer la population. Les consommateurs doivent connaître les ingrédients des mets qu'ils mangent, surtout s'ils ont des problèmes de santé. Toutefois, à l'instar de la députée de Surrey-Nord, je conviens que les gens qui souffrent d'allergies alimentaires ou de problèmes de santé ont aussi leur part de responsabilités.

Je pense notamment à un incident qui est survenu et qui n'a rien à voir avec les allergies alimentaires. Un restaurant McDonald faisait face à des poursuites judiciaires à cause d'un café renversé. C'est la personne qui avait acheté le café qui l'a renversé. La réclamation qui était exigée et qui a été accordée était tout à fait ridicule. Il semble qu'on ne soit plus responsable lorsqu'on commande un café. Si le café est trop chaud, on n'a qu'à en imputer la faute au restaurant. C'est ce qui m'inquiète. C'est cela qui ne va pas.

La députée de Burlington a dit que les propriétaires et le personnel des restaurants prendront la responsabilité des aliments qu'ils servent. J'espère qu'ils sont disposés à le faire. Cependant, les conséquences juridiques de cet énoncé me préoccupent, étant donné l'incident du café chaud chez McDonald. C'est le comble du ridicule. Nous avons maintenant des restaurants, un peu partout au Canada, qui ont peur de servir du café chaud. C'est une mise en garde que je tiens à faire.

La vraie responsabilité revient, bien entendu, à la personne qui souffre d'allergie. Je suis d'accord avec la députée de Surrey-Nord. On pourrait remettre aux clients, comme l'a proposé la députée de Burlington, un cahier d'information dans lequel tous les renseignements seraient consignés. Cela réglerait le problème de la responsabilité légale et c'est la personne qui souffre d'allergie qui serait alors responsable. Ce changement pourrait aider. Je me demande ce qu'en pense la députée de Burlington.

Je conviens avec la députée de Burlington que les noix broyées, l'huile d'arachide, les amendes et les noisettes broyées sont utilisées dans une foule d'aliments. Il faut reconnaître qu'elles donnent du goût, qu'elles sont savoureuses et que la plupart d'entre nous aimons les aliments qui en contiennent. Cela dit, je voudrais vous faire part de quelques autres réflexions.

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Cela n'étonnera personne, je crois, d'apprendre que je suis très préoccupée par l'avenir de notre chaîne alimentaire. Et je ne suis pas la seule à être extrêmement inquiète. J'ai regardé trois émissions de télévision là-dessus en fin de semaine.

La députée de Burlington parle de décisions éclairées. C'est ce qui me préoccupe. J'ai présenté deux projets de loi. Le premier concerne l'étiquetage de tout produit contenant de l'hormone de croissance recombinante bovine ou de la somatotropine bovine recombinante, soit toutes les denrées alimentaires. Si le Canada se met à recourir aux injections de STbr, on en trouvera aussi dans le beurre, le fromage, le yaourt et le lait que nous consommons. C'est l'une de mes principales préoccupations. Une autre de mes préoccupations concerne l'étiquetage de tout produit qui a subi des modifications génétiques. Si l'on a eu recours à la biotechnologie pour fabriquer un produit, il faudrait que cela soit indiqué sur l'étiquette. Il n'est pas nécessaire d'expliquer de quoi il s'agit au juste, mais le consommateur doit être au courant. Pourquoi?


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Nous avons aujourd'hui une tomate qui se conserve apparemment plus longtemps en présentoir tout en demeurant savoureuse. Ce n'est plus la tomate à laquelle nous étions habitués et nous ne savons pas quelles seront, à longue échéance, les conséquences de sa consommation.

Il y a aussi, en Colombie-Britannique, un saumon génétiquement modifié avec, ce qui est intéressant, des gènes de poisson. Un scientifique a dit en fin de semaine que ce saumon est notamment plus agressif lorsque vient le temps de se nourrir. S'il est lâché dans la nature, cela signifiera peut-être la fin du saumon non transgénique dont il volera la nourriture.

Il y a aussi le canola et le soja. Des végétariens de tout le Canada sont très inquiets des transformations que l'on fait subir au soja.

En tant que parlementaires, quand devenons-nous vraiment responsables envers nos électeurs? Quand prenons-nous conscience de tous ces changements et faisons-nous quelque chose à cet égard? Ce n'est pas un sujet à traiter à la légère. Permettez-moi de dire à tous les députés qu'il s'agit d'une question très grave.

J'ai vu récemment le film Parc jurassique. Je ne vais pas souvent au cinéma, mais j'ai vu ce film à la télévision le week-end dernier. Il ne m'a pas trop terrifiée, mais ce qui m'a inquiétée, c'est l'idée avancée à propos des changements scientifiques. Je suis certaine que tous ceux qui ont vu le film se sont interrogés non pas sur la possibilité, mais sur l'opportunité de procéder à pareils changements. Les députés qui estiment que les personnes qui s'inquiètent de ces questions sont d'extrême gauche ont intérêt à revoir leur position. Nous devrions assumer notre responsabilité par rapport à ces changements, car si nous, les élus, ne sommes pas responsables, qui l'est? S'il ne nous incombe pas d'informer nos électeurs sur ce qui se passe, à qui cela incombe-t-il?

À mon arrivée à la Chambre, je ne savais rien de la STbr. Je me suis renseignée. Des députés des deux côtés de la Chambre m'ont dit de ne pas m'inquiéter, que c'était inoffensif. Heureusement, je ne me suis pas contentée de cela. J'ai rencontré des universitaires, dont le professeur Joseph Cummins. J'ai pris le temps de me renseigner sur un sujet que je ne connaissais pas et j'ai découvert que la STbr pouvait, j'ai bien dit pouvait, avoir des effets très préjudiciables.

Aux États-Unis, la FDA a déjà approuvé ce produit, même si un groupe d'agriculteurs du Wisconsin luttent très fort pour que leurs produits laitiers continuent de porter l'étiquette «sans STbr». Les tribunaux ont d'ailleurs été saisis de la question. Nous avons levé le moratoire au Canada, mais viendra-t-il un moment où nos autorités responsables de la santé autoriseront l'injection de ce produit à nos vaches?

J'ai lu un article de Joseph Cummins ce matin. Il dit que ces inquiétudes ne sont pas aussi graves que celles liées aux nouvelles découvertes montrant que les traitements à l'hormone de croissance recombinante bovine stimulent la vache à produire une hormone de croissance qui s'apparente à l'insuline, le facteur IGF-1, qui stimule la croissance des cellules. Il ajoute que, contrairement à ce que prétendent les autorités, le IGF-1 contenu dans le lait n'est pas détruit dans le système digestif de l'être humain. Or, un facteur IGF-1 excessif est à l'origine d'une maladie qui s'appelle le gigantisme et qui s'accompagne de tumeurs au colon. De tumeurs au colon. Devons-nous traiter cela à la légère? L'hormone prévient également la mort cellulaire programmée, ce qui se traduit par la croissance de tumeurs. La résistance à l'insuline conduisant au diabète peut résulter d'une exposition excessive au facteur d'IGF-1.

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Selon Ralph Kazer, l'exposition à l'IGF-1 à des niveaux élevés pendant la vie foetale et la puberté peut provoquer chez les personnes de sexe féminin une sensibilité anormale à l'IGF-1. On pense que cette activité joue un rôle appréciable dans le développement du cancer du sein. Nous savons combien de femmes meurent du cancer du sein tous les ans au Canada. On croit que l'IGF-1 cause une trop grande division des cellules à des périodes critiques durant le développement des seins.

Le projet de loi présenté par la députée de Burlington est important parce qu'il attire notre attention sur un grave facteur qui sévit actuellement dans notre société. Je suis d'avis que nous ne pouvons pas le traiter à part des autres parce que nous sommes frappés tous les jours par un groupe d'entre eux.

Qu'en est-il des questions de santé et de sécurité en biotechnologie? Cette question a été signalée chez Westech Microbes, qui a été chargée des questions de santé et de sécurité en biotechnologie.

Je me demande si le projet de loi présenté par la députée de Burlington pourrait être renvoyé au Comité de la santé pour y faire l'objet d'une étude plus poussée. Il y a tellement de ramifications. En tant que députés, nous devons nous assurer qu'il soit étudié sérieusement. Je remercie le Président de m'avoir donné la parole, et la députée, d'avoir présenté ce projet de loi.

Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'apporter mon soutien au projet de loi C-309, qui a été proposé par la députée de Burlington.

Le débat semble tourner autour de la question de la responsabilité, c'est-à-dire, de la question de savoir qui est responsable lorsqu'une personne meurt des suites d'une réaction allergique à un aliment. La motionnaire veut que cette responsabilité soit partagée.

Je ne pense pas que l'on tente de dire que la personne allergique ou ses parents essaient de se soustraire à leur responsabilité. Le problème c'est que, dans bien des cas, ils ne peuvent pas assumer pleinement leur responsabilité parce qu'ils ne possèdent pas tous les renseignements nécessaires.

Le projet de loi veut simplement donner aux membres de notre société les outils leur permettant de régler leur problème de façon responsable. Nous avons le soutien de 100 000 personnes qui ont demandé au gouvernement du Canada d'assumer ses responsabilités en adoptant une mesure législative exigeant que les personnes dont le métier consiste à servir des aliments puissent donner aux personnes allergiques l'information dont elles ont besoin.


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C'est une proposition modérée. Nous voulons tout simplement que les propriétaires de restaurants fassent en sorte qu'il y ait, dans leur établissement, des serveurs en mesure de répondre aux questions sérieuses posées par les clients. On ne demande pas que tous les serveurs possèdent tous les renseignements sur tous les ingrédients contenus dans les aliments vendus. On veut seulement qu'ils comprennent qu'il s'agit d'un sujet sérieux et qu'ils doivent orienter le client qui a besoin d'information vers un employé qui possède les connaissances nécessaires pour lui répondre. Dans tous les cas, un seul employé connaîtrait la liste des ingrédients, ce qui n'est pas la même chose que les secrets culinaires du restaurateur. On ne serait pas obligé de préciser les quantités, seulement la nature des ingrédients.

Un orateur précédent a demandé des statistiques. Les statistiques révèlent que 50 personnes meurent chaque année, mais ces situations font d'autres victimes lorsqu'elles se présentent. Par exemple, un restaurateur responsable voudrait avoir un tel système parce que l'émoi que ces situations causent dans un restaurant est très bouleversant pour les autres clients ainsi que pour le personnel. Pour un employeur responsable qui veut protéger son personnel et essayer de maintenir sa bonne réputation auprès de sa clientèle, il me semble qu'un système qui réglerait le problème rapidement et donnerait aux gens l'information qu'ils veulent serait avantageux pour tous.

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Évidemment, nous devons penser aux familles de ces victimes, qui sont les victimes secondaires. On ne peut pas expliquer à quel point un événement surprenant comme celui-là peut être bouleversant.

Ce qui est étrange au sujet des allergies, c'est que ceux qui en souffrent ne le savent pas toujours. Par conséquent, une réaction allergique est parfois une surprise pour la victime. Les gens qui ont déjà eu des réactions étranges à des médicaments ont vécu ce genre de situation.

Nous savons qu'entre 35 et 60 p. 100 des Canadiens évitent certains aliments pour des raisons médicales. Ils agissent de façon responsable une fois qu'ils sont conscients du problème.

En résumé, ce projet de loi mérite d'être appuyé pour certaines raisons fondamentales. Le phénomène des allergies est de plus en plus répandu dans notre société, et 100 000 Canadiens demandent au gouvernement d'assumer ses responsabilités en adoptant une mesure législative qui fournirait les renseignements nécessaires aux victimes.

M. Joseph Volpe (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à remercier tous les députés qui sont intervenus au sujet de ce projet de loi. Ils ont exprimé des préoccupations très valables et soulevé des questions importantes.

Je dois me demander si le public pense que Santé Canada et le ministre de la Santé ne font rien. Si les députés et leurs électeurs ont cette fausse impression, c'est à nous de la dissiper.

Nous aimerions prendre l'occasion de passer en revue certaines activités de la Direction générale de la protection de la santé de Santé Canada et de l'industrie alimentaire au Canada à l'égard des problèmes d'allergies alimentaires. Santé Canada se préoccupe de ces allergies, comme tout le monde, je crois.

Il y a quelques années, le ministère a établi un programme national de sensibilisation du public à ce sujet. Ce programme inclut la distribution d'informations sur les allergies alimentaires par divers canaux comme la profession médicale et les ministères provinciaux de la santé et de l'éducation.

Santé Canada a aussi reconnu l'importance d'apprendre au consommateur ce qu'il faut faire en cas d'allergie, et a produit des fiches d'information sur les sulfites et le glutamate de sodium, appelé MSG. Ces fiches sont à la disposition de l'industrie alimentaire et des consommateurs. Elles fournissent des renseignements sur la nature de ces substances et les raisons pour lesquelles certaines personnes y sont allergiques et la façon de les éviter. Je répète que ces fiches sont à la disposition de tous: les gens qui travaillent dans l'industrie et dans les restaurants, ainsi que les consommateurs.

Les représentants de Santé Canada ont consulté certaines organisations comme l'Association d'information sur les allergies et l'asthme et la Société canadienne d'allergie et d'immunologie clinique sur l'étendue du problème des allergies alimentaires.

À la suite de ces rencontres, on a déterminé quels étaient les allergènes associés aux réactions les plus violentes ou les plus fréquentes. Des représentants de la Direction générale de la protection de la santé, au ministère de la Santé, ont consulté des représentants de l'industrie alimentaire et du secteur de la restauration sur la manière d'instituer un mécanisme qui permettrait aux clients d'être prévenus de la présence de substances allergènes.

L'industrie de la restauration a vite compris la gravité du problème causé par les allergies. Les dirigeants de l'industrie ont donc mis au point un plan détaillé quant à la manière de traiter le problème. En novembre 1991, l'association canadienne des producteurs d'aliments et restaurateurs a créé un programme volontaire pour la sensibilisation aux allergies. Les restaurants participants affichaient le symbole du programme dans la vitrine et une affiche explicative à l'intérieur.

Mme Torsney: Il arrive que les employés ne soient pas au courant.

M. Volpe: Nous n'avons pas fait de sondage auprès de tous les employés du secteur des services, mais le député pourrait peut-être s'en charger.

Chaque établissement fournit la liste des ingrédients sous au moins l'une des trois formes suivantes: un tableau des allergies et hypersensibilités alimentaires, la liste complète des ingrédients contenus dans au moins trois des plats principaux au menu et la liste complète des ingrédients contenus dans au moins trois repas pré-emballés.


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En outre, dans chaque équipe, il y un supérieur qui a accès aux recettes et au personnel cuisinier et qui est chargé de répondre aux demandes de renseignements des clients.

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Ce programme ne vise pas uniquement à fournir des renseignements aux personnes souffrant d'allergies. Il permet également de donner des renseignements sur les ingrédients que ne tolèrent pas certains consommateurs, tels que le lactose ou le gluten. Le programme a été très bien accueilli et a reçu l'approbation de la clientèle des restaurants, ainsi que des individus souffrant d'hypersensibilités alimentaires. Ce programme, qui est une première mondiale, a fait la manchette du prestigieux New England Journal of Medicine.

Santé Canada a pris plusieurs autres initiatives. Mentionnons sa contribution à l'élaboration d'un vidéo éducatif sur le problème des hypersensibilités alimentaires destiné à former les employés du secteur de la restauration. Le ministère a participé à la réalisation de ce vidéo en fournissant des ressources financières, des conseils d'experts et les porte-parole qui figurent dans le vidéo.

Les règlements ont été modifiés afin que la présence d'huile d'arachide soit clairement signalée sur tous les aliments préemballés. On a aussi proposé des modifications pour que la présence de sulfites soit indiquée sur les étiquettes des boissons alcoolisées.

Troisièmement, Santé Canada a établi un système d'enregistrement des réactions adverses aux aliments, aux ingrédients et aux additifs alimentaires. Selon les données recueillies jusqu'à maintenant, il semble que la prévalence de réactions adverses aux aliments dans la population en général soit assez faible. Cependant, elle devrait être nulle.

Grâce à ce système d'enregistrement, le ministère a pu repérer certains secteurs précis où l'application de règlements est efficace. Par exemple, étant donné la gravité potentielle des réactions à certains allergènes comme les sulfites, Santé Canada a pris des mesures pour minimiser les réactions de ce genre chez les personnes susceptibles.

Depuis que les buffets à salade ont été reconnus comme la principale source de réactions adverses aux sulfites, Santé Canada a modifié les règlements afin d'interdire l'utilisation de sulfites sur tous les fruits et légumes frais vendus ou servis crus aux consommateurs, sauf les raisins. Santé Canada appuie tous les efforts visant à atténuer les difficultés des gens susceptibles de mal réagir à la consommation de certains aliments.

Le ministère poursuivra ses efforts de sensibilisation afin d'aider les consommateurs à saisir la gravité des réactions de ce genre et continuera d'offrir de l'aide aux personnes touchées et à tous les travailleurs de l'alimentation.

Le projet de loi C-309 est destiné, je pense, à aider ceux qui réagissent à certains ingrédients alimentaires, mais il faut également garder à l'esprit tous les programmes et toutes les activités qui existent déjà. En plus, nous sommes à une époque où le gouvernement essaie de réduire le nombre de règlements qui s'appliquent aux diverses industries et il nous faut tenir compte de l'augmentation de prix que pourrait entraîner cette nouvelle réglementation sur l'industrie alimentaire. Même si c'est légitime, je rappelle aux députés que Santé Canada ne se lancera pas dans une telle activité aux dépens de la santé des Canadiens. Il est important que les députés le comprennent.

Nous estimons qu'il faut donner aux programmes en place la possibilité de conduire à des résultats tangibles pour aider les personnes qui sont sujettes à des réactions à certains produits alimentaires.

Monsieur le Président, je vous remercie de votre attention et je remercie également les députés qui ont contribué à ce débat.

Le vice-président: Aux termes de notre Règlement, la députée de Burlington peut résumer le débat. Elle a trois ou quatre minutes environ pour le faire.

Mme Torsney: Monsieur le Président, je veux m'assurer que tout le monde comprend que les gens demandent à assumer la responsabilité eux-mêmes. Là encore, le problème, c'est qu'on ne leur donne pas les outils nécessaires pour le faire.

En fait, au fil des nombreuses années, j'ai pu voir à de nombreuses reprises qu'on riait de certaines personnes ou qu'on leur disait qu'il n'y avait pas de noix de coco dans un produit ou un aliment, alors que c'était tout à fait faux. Ce n'est pas drôle du tout. C'est une question de vie ou de mort. Cinquante Canadiens ou plus meurent chaque année.

Le programme dont le secrétaire parlementaire a parlé existe depuis quelque cinq années. À l'époque, lorsqu'on l'a mis en place, on a invité les gens à prendre la chose au sérieux, car, autrement, on allait légiférer. Nous voilà donc cinq ans plus tard. Au moins 250 Canadiens de plus sont morts, et le gouvernement ne prend toujours pas la chose au sérieux.

Je mets au défi le secrétaire parlementaire de m'accompagner dans tous les restaurants dans un rayon de cinq milles d'ici et je doute que nous puissions même trouver une personne qui connaît le programme de sensibilisation aux allergies ou qui sait de quoi il est question au juste. J'ai parlé à un homme qui servait du rôti de boeuf. Cela n'a rien à voir avec les noix. Il ne comprenait rien à cette affaire. C'est une question grave. Les gens réclament un outil.

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Étant donné que les arachides constituent l'allergène le plus courant et le plus susceptible de causer la mort, je trouve ironique que le secrétaire parlementaire n'ait parlé des arachides qu'une seule fois, soit lorsqu'il a fait allusion à l'huile d'arachide contenue dans les aliments emballés. Il est question des restaurants. Nous parlons d'établissements d'alimentation qui jouent avec nos vies tous les jours. Ils n'offrent pas des produits que nous utilisons de façon externe, mais bien des produits que nous mangeons. C'est grave. Donnez-nous les outils voulus pour prendre des décisions éclairées.

De nos jours, de 35 à 60 p. 100 des Canadiens essaient d'éviter une substance dans leur alimentation pour une raison médicale. Ce n'est pas à des fins esthétiques. Ce n'est pas parce que ça les amuse. Ce n'est pas parce qu'ils n'aiment pas ça. C'est parce que leur vie est menacée.


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Le secrétaire parlementaire a raison de dire que le ministre prend la chose au sérieux. Ensemble, nous essayons de mettre au point d'autres initiatives du genre. Toutefois, ça ne suffit pas et ça ne va pas assez vite. Aujourd'hui, les députés ont la possibilité de faire quelque chose dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Les propriétaires de restaurants doivent expliquer à leurs employés qu'il s'agit d'une affaire sérieuse. Ils doivent prendre la chose au sérieux et ils doivent consigner les ingrédients que contiennent leurs produits, ou encore charger une personne de le faire. Il faut faire comprendre au client que c'est sérieux. Si c'est une question de vie ou de mort, le client doit pouvoir prendre une décision en consultant les renseignements ou en vérifiant l'emballage des produits.

Il ne s'agit pas de divulguer les recettes ou les quantités utilisées, mais plutôt de savoir si tel ou tel aliment est à base de noisette ou a été en contact avec un produit à base de noisette. Il s'agit de savoir si on s'est servi d'huile d'arachide pour la cuisson. Il s'agit de savoir ce qu'il en est des sulfates, du lactose et du gluten, comme l'a mentionné le secrétaire parlementaire. Il y va de la vie des gens, et ce, à tout moment. Ça concerne tous les Christian Taylor de notre pays qui n'ont pas la possibilité de poser ces questions et qui paient de leur vie la négligence d'employés qui ne sont pas conscients des risques qu'ils font courir.

Je demande donc le consentement unanime de la Chambre pour que le projet de loi fasse l'objet d'un vote. J'aimerais que le gouvernement travaille de concert avec les employeurs et les établissements de restauration pour faire en sorte que les consommateurs soient suffisamment renseignés.

Nous n'avons même pas touché un mot de ce qu'il en coûte aux fournisseurs de soins de santé et au système de soins médicaux pour traiter ces cas. Un médecin m'a appelé pour me faire savoir que, à trois reprises, il a dû transporter son enfant à la salle d'urgence de l'hôpital. Un médecin ne peut même pas obtenir les renseignements qu'il a besoin de connaître pour son fils parce que les serveurs dans les restaurants ne prennent pas la chose au sérieux. Certains d'entre eux travaillent très fort. Ils doivent penser à beaucoup de choses à la fois. Ils doivent s'assurer que le plat commandé est servi à la bonne table. Cependant, quelqu'un devrait pouvoir dire: «Il y a à la table no 6 un enfant allergique aux arachides. Comment nous assurer que ce pauvre enfant ne mourra pas pendant qu'il se trouve dans notre restaurant?»

La députée d'Oakville-Milton a parfaitement raison. Certes, les propriétaires devraient se préoccuper de savoir si un client meurt dans leur établissement. Ils devraient se soucier de ce que leurs clients pensent de la nourriture qu'ils servent dans leur établissement. Cela n'est pas le cas.

Cela coûte de l'argent et des vies. Il suffit de créer un programme de prévention, de sorte que les clients aient accès aux renseignements et puissent être responsables de leur propre vie.

Encore une fois, je demande l'unanimité de la Chambre pour que cette mesure fasse l'objet d'un vote. Je remercie tous les partis de m'appuyer dans cette initiative. Les députés réformistes et bloquistes et mes collègues libéraux ont appuyé l'élaboration de ce projet de loi. Si cette mesure ne fait pas l'objet d'un vote, même si le secrétaire parlementaire a pour tâche de s'assurer qu'il ne le fasse

pas, nous savons au moins que la population a pu en entendre davantage sur cette question très sérieuse. Cela évitera peut-être à des enfants et à des adultes de connaître un sort horrible.

[Français]

Le vice-président: La période allouée à l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est rayé du Feuilleton.

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