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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR LA DÉCLARATION DU COÛT DES PROGRAMMES

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 6 novembre, de la motion: Que le projet de loi C-214, Loi visant à améliorer les renseignements relatifs au coût des programmes proposés par le gouvernement, soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui dans le cadre du débat sur le projet de loi présenté par le député libéral de Durham. Je pense que, cette fois-ci, il a parfaitement raison. Comme il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, je peux personnaliser le débat et insister sur le fait que j'appuie pleinement l'objectif général et le but du projet de loi à l'étude.

Le projet de loi exigerait que le coût estimatif annuel et le coût par habitant de chaque nouveau programme du gouvernement soient publiés dès que le projet de loi autorisant ce programme est déposé au Parlement ou que la réglementation qui le met en oeuvre est prise. L'avis du vérificateur général sur l'estimation des coûts devrait aussi être publié.

Lorsqu'un projet de loi serait présenté à la Chambre à l'étape de la deuxième lecture, le gouvernement devrait exposer à la Chambre ses coûts et ses répercussions économiques. L'exigence qui existe vraiment est que le gouvernement explique l'incidence économique pour permettre aux députés et aux Canadiens de comprendre la nature du projet de loi. Ce serait une amélioration considérable par rapport à ce que nous faisons maintenant à la Chambre des communes. Je vais vous donner deux exemples pour montrer ce que ce projet de loi pourrait améliorer: le projet de loi sur le tabac et les dispositions du Régime de pensions du Canada sur l'invalidité.

Le projet de loi sur le tabac fait l'objet de débats et de contestations passionnés. C'est une question difficile. La ligne est mince entre le fait d'essayer d'imposer une réglementation et des impôts astronomiques sur cette substance légale-il est légal de vendre des produits du tabac-et les mesures visant à restreindre les effets de cette substance sur la santé et le bien-être des Canadiens, les jeunes surtout, à cause de ses propriétés fortement toxicomanogènes.

Nous avons débattu ce projet de loi. L'industrie du tabac et ses lobbyistes ont dit que les dispositions du projet de loi sur le parrainage et la publicité ainsi que sur les restrictions touchant la vente des cigarettes les ont forcés à diminuer leur financement.

Le ministre de la Santé ne nous a fourni aucune donnée sur les répercussions économiques que la loi aura sur le parrainage et la publicité. Il a relevé les taxes de 1,50 $ la cartouche. Il a dit qu'il ne pouvait pas les relever davantage, que le comité l'avait informé qu'une plus forte hausse provoquerait une recrudescence de la contrebande. Le ministre aurait pu nous communiquer certaines données, comme les recettes supplémentaires qui seront tirées de la hausse des taxes.

Pourquoi les cigarettes peuvent-elles être vendues au prix de 44 $ la cartouche en Colombie-Britannique où les taxes sont élevées, ce qui encourage la contrebande d'est en ouest? Quand ils iront à Toronto, les gens iront dans les grands entrepôts et achèteront des cartouches à 19 $. Ils dépenseront 500 $ pour économiser 500 $. Cela ne paie que le billet d'avion. S'ils achètent pour 1 000 $ de cigarettes, ils pourront vraiment faire des économies.

Quand des projets de loi sont présentés, ces choses-là ne sont pas expliquées aux députés. Si ce genre d'explication était donnée, un projet de loi comme celui sur le tabac ne serait pas débattu uniquement sur le plan des émotions, du caractère toxicomanogène du tabac, des effets du tabac sur les jeunes, du fait que cette substance dangereuse est néanmoins légale. Les arguments émotifs seraient contrebalancés par les arguments économiques.


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Le gouvernement tente de présenter son projet de loi sur le tabac depuis 14 mois, mais n'a pas réussi. Des gens meurent à cause de la cigarette. Quand, soudainement, le ministre de la Santé le fait, le projet de loi doit être adopté maintenant, avant Noël. Il doit être adopté à toute vapeur parce que des gens meurent et que c'est tout ce qui compte.

Si les projets de loi devaient être accompagnés de données sur leurs répercussions financières, ils devraient faire l'objet d'un examen plus approfondi au niveau du ministère avant d'être présentés au Cabinet. Si le Cabinet les approuvait avec leurs répercussions financières, c'est ainsi qu'ils nous seraient présentés. Cela ferait une grande différence pour tous les parlementaires. Nous pourrions alors prendre une décision plus éclairée sur ces projets de loi.

J'ai lu le discours prononcé par le député de Durham au début du débat sur le projet de loi. Il a dit que beaucoup de députés finiraient par voter comme leur parti l'exige, mais qu'ils ne comprenaient pas vraiment pour quoi ils votaient ni pourquoi ils votaient ainsi.

Je suis présentement membre du Comité permanent des comptes publics. Notre comité vient de terminer l'examen du chapitre 17 du Régime de pensions du Canada, qui porte sur l'invalidité. Dans son rapport, le vérificateur général a déclaré que la qualité de la gestion posait un problème dans la fonction publique. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le vérificateur général.

Il n'y a pas suffisamment de leadership, pas suffisamment d'orientation, pas suffisamment de règles pour que les gestionnaires puissent administrer efficacement les programmes qui leur sont confiés. Il n'y a pas suffisamment de règles d'application sur lesquelles s'appuyer au moment d'accepter ou de rejeter les demandes de prestations d'invalidité de certaines personnes. Les règles sont archaïques. Elles ont été ajoutées après 1970. C'est une abomination.

(1335)

Certains fonctionnaires ont besoin d'aide. En tant que législateurs nous sommes dans leur jambes. C'est nous qui leur avons donné les outils avec lesquels travailler et tout ce qui leur reste à faire, c'est de dire oui ou non aux personnes qui demandent des prestations. Il y a beaucoup de plaintes. Ce genre de projet de loi permettrait au présentateur de faire les changements nécessaires et de parler des répercussions financières.

L'examen global du RPC auquel nous procédons s'impose, mais il faut accorder une attention particulière au secteur des prestations d'invalidité. Depuis 1993, le ministère a procédé à la réévaluation de 24 000 dossiers de prestataires de pensions pour invalidité de longue durée et a constaté que 34 p. 100 de ces prestataires n'avaient plus droit aux prestations qu'ils continuaient pourtant de recevoir. Heureusement, plus de la moitié de l'argent pourra être récupéré.

C'est une question importante. Il faut un mécanisme obligeant à présenter une analyse coûts-avantages des projets de loi qui modifient des lois ou en établissent de nouvelles pour que tout le monde comprenne quel genre de société nous tentons de créer ou comment nous voulons nous occuper des Canadiens et quelles sont les répercussions économiques de ce que nous voulons faire.

Il est très important que nous, les législateurs, donnions à la fonction publique les outils nécessaires pour qu'elle puisse bien gérer les deniers publics. Il est maintenant trop facile pour les politiciens d'accuser les fonctionnaires de trop dépenser. Si nous disons cela, c'est que nous n'assumons pas notre responsabilité qui consiste à adopter des lois efficaces qui rendent les dépenses plus transparentes. C'est dans l'intérêt de tous les partis politiques et de tous les Canadiens qui, en bout de ligne, doivent payer la note. Nous devons savoir qui dépense cet argent, qui doit rendre des comptes et si l'argent est dépensé de façon judicieuse, et c'est ce que nous dit le projet de loi C-214.

Nous pourrions modifier le projet de loi quelque peu en y ajoutant une disposition de temporisation qui nous obligerait, à la fin de la période de cinq ans, à examiner chacun de ces programmes pour voir s'il permet d'atteindre les objectifs visés.

Je ne suis peut-être pas entièrement d'accord avec mon collègue de Durham en ce qui concerne l'avis du vérificateur général sur l'estimation des coûts, qui doit aussi être publié.

J'estime que le rôle du vérificateur général est de vérifier après coup, et non de faire des prédictions. Le travail du vérificateur général consiste à évaluer si les mesures législatives et les programmes mis en oeuvre par le gouvernement ont permis d'atteindre les objectifs visés. C'est ce qu'il fait maintenant, et je crois qu'il peut continuer de le faire. Il effectuerait les vérifications de l'optimisation des ressources, mais, par exemple, ce serait beaucoup plus facile si le ministre de la Santé ou le ministre de l'Environnement avaient présenté toutes les répercussions financières de la Loi sur le tabac.

Il y a aussi la Loi sur les espèces en péril. Combien coûtera chaque loi et quel en sera l'impact? Il n'y a pas un député qui sait ce que coûteront ces mesures législatives. Pourquoi les ministres ne nous ont-ils pas donné ces renseignements?

Nous avons le droit de savoir comment l'argent sera dépensé et qui devra payer. Ce sont là des renseignements très importants, très critiques. Je félicite le député de Durham d'avoir présenté un tel projet de loi d'initiative parlementaire.

C'est ce qui va se passer avec cela. Le président du Conseil du Trésor a dit ceci: «Nous devons nous doter de meilleurs systèmes pour évaluer les actions du gouvernement de manière à pouvoir en répondre véritablement, d'abord et avant tout devant nos concitoyens, qui sont à la fois nos clients et les contribuables.» Il ne montre pourtant pas son appui à l'égard de ce projet de loi. Il reste neutre parce qu'il dit que c'est une mesure d'initiative parlementaire. Il dit que c'est aux comités permanents de s'enquérir des répercussions financières des projets de loi.

Mon collègue de Lloydminster, dans un discours antérieur, a signalé à quel point les comités permanents étaient efficaces pour ce qui est d'obtenir ce genre de renseignements. Le ministre dit qu'une analyse des coûts confirmant les répercussions financières d'une mesure est déjà fournie au Cabinet dans une note de service confi-


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dentielle. Si c'est le cas, qu'on partage ces renseignements avec les Canadiens et avec la Chambre des communes. Le ministre devrait pouvoir appuyer ce projet de loi sans problème.

Je vais conclure en citant les paroles du député de Durham. J'aime bien cette citation et je donne au député tout le crédit qu'il mérite: «Les forces qui voudraient remettre le gouvernement sur la voie de l'irresponsabilité budgétaire sont à l'oeuvre aujourd'hui.» Et elles sont encore là. «Elles se demandent déjà comment dépenser les excédents annuels projetés même si la dette s'élève à plus de 600 milliards de dollars. La mesure à l'étude servira à mettre ces forces en échec.»

(1340)

M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je vous remercie de m'avoir permis d'exprimer mon point de vue à la Chambre au sujet du projet de loi C-214.

Il propose que le gouvernement informe le Parlement du coût estimatif annuel de tous les nouveaux programmes qu'il entend mettre en oeuvre. Je remercie le député de Durham de m'avoir donné la possibilité de rappeler à la Chambre les progrès que le gouvernement a fait ces dernières années et les efforts qu'il continue de déployer dans cet important domaine.

En guise d'exemple, je citerai le programme d'amélioration de l'information fournie au Parlement, qui répond au besoin d'une meilleure reddition de compte. Dans le cadre de ce projet, le gouvernement collaborera avec le Parlement pour lui fournir de l'information fiable et utile non seulement sur les coûts des programmes gouvernementaux mais sur les résultats obtenus dans la poursuite de ses objectifs.

Nous reconnaissons tous l'importance de cette initiative, étant donné que ces programmes et leurs résultats sont financés avec l'argent dont les contribuables nous ont confié la gestion et que ces derniers attendent des ministères et organismes fédéraux qu'ils leur fournissent les services dont ils ont besoin.

Afin d'améliorer l'information fournie au Parlement, le gouvernement s'efforce de faire appel aux compétences de tous les intéressés, parlementaires, fonctionnaires, professionnels et les clients et les électeurs que nous servons.

L'amélioration de l'information fournie au Parlement constitue également un élément essentiel des deux autres initiatives récentes du gouvernement, à savoir l'examen des programmes fédéraux et le programme de redressement du gouvernement.

L'examen des programmes gouvernementaux en est à sa deuxième phase. Nous avons examiné à fond toutes les activités du gouvernement fédéral en vue de soulever toutes les questions importantes pour nous, notamment: Quelles activités le gouvernement doit-il conserver? Comment doit-il les exercer? Quel niveau de gouvernement doit s'en charger? Si c'est le gouvernement fédéral, de quels ministères ou organismes ces activités relèveront-elles? À quel coût et pour quelle qualité de service?

L'examen des programmes fédéraux a produit de nombreux résultats marquants. Nous avons clarifié les rôles, responsabilités et priorités des ministères et organismes fédéraux. Nous avons engagé un processus de réflexion touchant les solutions de remplacement au chapitre des tribunes organisationnelles et des mécanismes de prestation des programmes.

En fin de compte, l'examen des programmes fera en sorte qu'en 1998-1999, les dépenses annuelles des programmes fédéraux devraient avoir diminué de 9 milliards de dollars et leur prestation sera assurée par une fonction publique réduite, plus efficace et moins coûteuse.

Le redressement du gouvernement est un programme complémentaire qui vise à moderniser les programmes et services fédéraux, permettre au gouvernement de respecter ses obligations et de répondre aux attentes présentes et futures de ses clients.

J'invite tous les députés qui ne l'auraient pas encore fait à lire le document intitulé «Repenser le rôle de l'État: rapport d'étape», déposé à la Chambre des communes le 7 mars 1996. Il explique ce que nous avons fait pour clarifier les rôles et responsabilités de l'État, assurer un meilleur gouvernement et repenser la prestation des programmes pour mieux s'adapter à la réalité moderne et relever les défis qui nous attendent.

De façon plus précise, repenser le rôle de l'État, c'est s'assurer que les ressources soient affectées aux besoins les plus prioritaires et répondre à la demande du public pour un gouvernement plus efficace, plus accessible et moins coûteux.

Le gouvernement est cependant conscient de la nécessité d'appliquer ce programme tout en s'assurant que le gouvernement national demeure à même d'exercer ses responsabilités fondamentales. Ces responsabilités consistent, notamment, à renforcer notre économie et l'union économique pour assurer notre prospérité et celle de nos enfants, accroître la solidarité sociale au Canada, mettre nos ressources nationales en commun pour réaliser nos objectifs communs de façon efficiente et efficace, défendre la souveraineté du Canada et représenter l'ensemble des Canadiens sur la scène internationale.

J'appuie l'objectif du projet de loi C-214, mais je crois que sa mise en oeuvre ferait augmenter les coûts du gouvernement sans améliorer sensiblement la quantité ou la qualité de l'information que le gouvernement fournit et projette de fournir au Parlement.

Je rappelle les changements dont la documentation des prévisions de dépenses de 1996-1997 nous a déjà permis de bénéficier. Outre la partie I du budget des dépenses qui donne un aperçu des dépenses fédérales, la partie II, le livre bleu traditionnel d'où est tirée la Loi des crédits, et toutes les parties III qui exposent les dépenses par ministère, il y a eu deux innovations importantes.


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Premièrement, le gouvernement a déposé un nouveau document intitulé Détails des dépenses de programmes: profil des dépenses par ministère. Ce document, qui ne fait pas officiellement partie du budget, constitue un progrès important, en ce sens qu'il réunit les détails des dépenses de programmes qui étaient jusqu'ici présentées dans la partie I du budget des dépenses et dans le budget. Cela établit un pont entre le document budgétaire et les autres documents du budget des dépenses.

Le document intitulé Détails des dépenses de programmes: profil des dépenses par ministère donne au Parlement un aperçu des dépenses de programmes dans le contexte de la partie I et de l'examen des programmes et des informations plus détaillées sur les dépenses de programmes par secteur et par ministère. Le principal avantage de l'examen des programmes est qu'il entraînera des changements structurels dans la gestion des affaires gouvernementales, dont bon nombre peuvent déjà être constatés par les parlementaires et les Canadiens.

Par exemple, dans le secteur des transports, l'accent ne sera plus placé sur le propriétaire, l'exploitant ou le subventionneur, mais sur l'organisme de réglementation et le décideur. Dans le secteur agricole, les subventions agricoles fondées sur les denrées seront remplacées, avec la collaboration des provinces, par un filet de sécurité agricole axé sur la stabilisation des revenus, plutôt que sur le soutien du revenu.

D'autres importantes initiatives de restructuration prévoient notamment le retrait de programmes qui soutiennent directement l'industrie, et la recherche de solutions aux recoupements et doubles emplois en groupant les activités, dans la mesure du possible, ce qui rendrait la prestation des programmes plus efficace et plus efficiente.

La deuxième étape de l'examen des programmes est la suite logique de la première. Des mesures précises découlent de l'Examen des programmes, partie II, visant principalement l'exercice financier 1998-1999, notamment la rationalisation des subventions, la privatisation et la commercialisation quand c'est possible, et d'autres compressions des dépenses.

Dans certains cas, on concevra, au cours des deux prochaines années, des mesures précises pour la mise en oeuvre des décisions découlant de la partie II de l'examen des programmes. Il est clair pour le gouvernement que la clé du succès consiste à innover dans le domaine des services.

Nous voulons nous écarter des structures hiérarchiques classiques pour la prestation des programmes pour adopter des processus plus efficaces et qui répondent mieux aux besoins des Canadiens. Les trois organismes dont la création avait été annoncée dans le discours du Trône et le budget sont en voie de voir le jour.

Le budget principal de 1996-1997 présentait un autre changement, outre le document présentant les dépenses ministérielles. On a en effet alors déposé six documents expérimentaux de la partie III du budget sur les plans de dépenses ministériels. Ces documents sont des essais ou des tests dans le cadre des efforts du gouvernement pour tenir compte des préoccupations des parlementaires. Ceux-ci peuvent ainsi avoir plus d'information sur les coûts des programmes gouvernementaux pluriannuels. C'est une initiative majeure dans le projet parlementaire de rendre des comptes plus précis.

Je profite de l'occasion pour signaler à mes collègues que les progrès que nous avons vus jusqu'à maintenant ne sont qu'un début. Le coût estimatif d'un programme n'est qu'un élément de l'équation. Le gouvernement tient également à rendre des comptes au Parlement sur les résultats obtenus.

Le gouvernement étudie présentement des mécanismes grâce auxquels il pourra présenter au Parlement des rapports plus complets et plus à propos pour décrire le rendement de ses programmes. Il songe par exemple à déposer des rapports de rendement à l'automne de chaque année au lieu de les inclure dans la documentation des dépenses prévues, que nous recevons avec tous les autres documents du budget des dépenses.

Le gouvernement a fait des efforts concertés pour inciter les parlementaires à participer davantage à l'élaboration du contenu et de la forme des données qui nous sont présentées au sujet du coût, mais aussi de l'efficacité des programmes gouvernementaux. Je crois que notre participation à ce processus est essentielle si l'on veut améliorer les données transmises au Parlement. Le député de Durham partage notre objectif. Cependant, le projet de loi qui nous est présenté propose, pour remplacer les initiatives que je viens de décrire, des mesures potentiellement dispendieuses et inefficaces.

Il sera plus facile d'évaluer les programmes gouvernementaux si le Parlement reçoit des données condensées, plus dépouillées. Des renseignements mieux structurés et plus faciles à consulter amélioreront la reddition de comptes envers tous les Canadiens.

Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de parler de cette proposition à la Chambre. Je désire, moi aussi, souhaiter à tous un Joyeux Noël et une année prospère.

(1350)

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-214, Loi sur la déclaration du coût des programmes, présenté par le député de Durham.

Je voudrais commencer par donner un aperçu du but de ce projet de loi et de ce qu'il cache. Ce projet de loi, sur lequel nous serons appelés à voter, exigerait des ministères qu'ils fournissent une analyse économique de chaque mesure législative au moment de sa présentation à la Chambre des communes ou au moment où le ministre ou le gouverneur en conseil présente des règlements ou d'autres instruments.


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Le vérificateur général certifierait que la méthode utilisée pour l'analyse est juste et raisonnable dans les circonstances. On donnerait le coût global, ainsi que le coût par habitant du Canada.

Une telle mesure législative rendrait les législateurs et les ministères conscients des conséquences financières possibles des mesures législatives. Cette loi entraînerait un plus grand degré de divulgation et de responsabilité financière pour les programmes du gouvernement et conduirait à un système de dépenses mieux intégré. Les députés et le public sauraient mieux ce que le gouvernement dépense et, de ce fait, pourraient exercer un plus grand contrôle.

Si cette mesure avait été en place depuis des années, je pense que l'on n'aurait pas eu aussi facilement les déficits massifs et la dette qui pèsent actuellement sur le gouvernement fédéral.

C'est vraiment l'objectif que donne le député de Durham. Je pense que c'est clair et que cette mesure mérite notre appui. Elle a d'ailleurs l'appui du vérificateur général, de la Canadian Taxpayers' Federation et de son président sortant, M. Jason Kenney, ainsi que de M. James Forrest, directeur exécutif de l'Alberta Taxpayers' Federation. Pendant la première heure de débat, le projet de loi a fait l'objet de commentaires favorables par des députés représentant les trois partis reconnus à la Chambre.

Je pourrais dire également que les organismes comptables professionnels se sont prononcés en faveur. M. Marcel Latouche, président de l'Association des comptables généraux agréés a indiqué son appui. L'Association des comptables généraux agréés de l'Ontario, la Société des comptables en gestion du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard approuvent les principes du projet de loi, et je pourrais continuer.

Je suppose que la vraie question c'est pourquoi quelqu'un voudrait-il procéder autrement? Non, mais quand on y songe, ce n'est pas tous les jours qu'on voit un gouvernement oser déposer une mesure législative et en proposer publiquement l'adoption sans fournir une évaluation des coûts qu'elle entraîne.

Selon moi, il n'y a pas un seul dirigeant d'entreprise de ce pays qui se présenterait devant son conseil d'administration ou ses actionnaires sans leur soumettre une solide évaluation des coûts que va entraîner le projet que la société entreprend. De même, il n'y a pas un seul chef de ménage censé qui se lancerait dans un achat important, un achat vraiment coûteux, sans évaluer ce qu'il lui en coûtera vraiment à long terme.

Pour ma part, je trouve que le projet de loi ne va pas assez loin. C'est bien trop peu, aux dires de certains de mes collèges. D'autres éléments auraient pu venir compléter le projet de loi, mais ça n'a pas été fait. Par exemple, il ne comporte pas de mesures de temporisation à l'égard des dépenses. Il ne prévoit aucune disposition rendant obligatoire l'atteinte des objectifs qui sont évalués par le vérificateur général ou pour le cas où les coûts soient de beaucoup supérieurs aux prévisions. Il n'est pas question d'évaluer les avantages ou la valeur actuelle des dépenses engagées. On n'est pas tenu de préciser la source de revenu qui servira à couvrir les coûts ni de quelle façon cette source procure tel ou tel avantage à tel ou tel bénéficiaire de tel ou tel projet.

C'est une tout petite étape, qu'il convient de prolonger, et c'est pourquoi je suis d'avis qu'il faille adopter cette mesure. Néanmoins, elle n'impose pas de restrictions sévères au gouvernement et ne contredit même pas la philosophie de départ des libéraux, la véritable source du problème. Je vais y revenir s'il me reste du temps.

(1355)

C'est ce à quoi le député s'attaque en fin de compte, car ce n'est pas par accident qu'on aura accumulé, au Canada, une dette de 600 milliards de dollars. Elle est peut-être attribuable à l'incompétence, mais en fin de compte, ce qui est en cause, c'est toute l'idéologie du Parti libéral, du libéralisme moderne voulant que le gouvernement existe pour dépenser, pour transférer de l'argent de certaines personnes à d'autres, dans l'intérêt de politiciens et de bureaucrates. En fin de compte, la redistribution des ressources est un question politique et non économique. Le libéralisme moderne part du principe que non seulement on doit servir des gens dépendant de l'État, mais encore créer cette dépendance, les favoriser et bâtir un gros appareil gouvernemental pour y répondre.

C'est la raison pour laquelle nous sommes confrontés à certains problèmes au Canada. En fin de compte, c'est ce contre quoi le député doit se battre lorsqu'il essaie de faire adopter ce projet de loi, c'est-à-dire non seulement le libéralisme, mais, en toute franchise, un parti politique et les dirigeants qui doivent justifier la façon dont ils ont administré le pays au cours des 30 dernières années. Ils s'entourent de représentants de l'ancienne façon de procéder. Cela pose un problème lorsqu'on veut amener la Chambre à examiner ce type de mesure.

Dans les quelques minutes encore à ma disposition, je voudrais signaler que ce n'est absolument pas la seule mesure dont les parlementaires des divers partis ont saisi le Parlement pour essayer d'imposer au gouvernement fédéral une évaluation des coûts et un contrôle des coûts modernes.

Je vais mentionner quelques-uns des projets de loi d'initiative parlementaire qui sont inscrits au Feuilleton à l'heure actuelle et qui portent tous sur ce genre de question. Il y a le projet de loi C-213, présenté par le député de Capilano-Howe Sound, qui a pour objectif de modifier la Loi constitutionnelle, afin de forcer le gouvernement à équilibrer son budget et à restreindre ses dépenses. Il y a également le projet de loi C-294, du député de St-Albert, qui prévoit une évaluation périodique des programmes législatifs, lesquels représentent deux tiers des dépenses fédérales et ne sont pas assujettis à un processus d'examen régulier. On peut ajouter à cela le projet de loi C-342 du député de North Vancouver qui forcerait le ministre des Finances à appliquer des principes de gestion responsable des finances allant dans le sens des principes comptables généralement reconnus, qui exigerait la présentation de rapports publics périodiques portant sur la façon de s'attaquer à la réduction de la


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dette et d'équilibrer le budget sur l'établissement d'un fonds pour éventualités et l'élaboration de règles fiscales stables. Il y a aussi le projet de loi C-349, du député de Medicine Hat, qui exige qu'on dévoile publiquement et que le Parlement approuve les frais d'utilisation imposés par des organismes fédéraux. On doit ajouter à cela le projet de loi C-361, du député de Yorkton-Melville, la Loi sur la déclaration du contribuable sur l'utilisation des recettes fiscales, qui donnerait aux électeurs et aux contribuables leur mot à dire, sur leur formulaire d'impôt, sur les programmes fédéraux soutenus financièrement et les deniers publics qu'on y consacre.

Diverses autres propositions ont été faites. Toutes celles que j'ai mentionnées viennent des réformistes, mais il y en a d'autres qui viennent des députés libéraux et qui traitent non seulement de la réforme des dépenses proprement dite, mais de la nécessité de responsabiliser davantage le gouvernement, que ce soit en donnant à la population une meilleure voix au chapitre sur la fiscalité, ou au moyen de référendums ou d'une réforme de la Chambre des communes. Les propositions sont innombrables, mais, jusqu'ici, le Parlement n'en a examiné aucune sérieusement.

Si j'en ai le temps, je voudrais examiner certaines objections qui ont été soulevées contre un projet de loi de ce genre. Avant de le faire, permettez-moi de dire pour résumer que toutes ces objections-je suis certain que le secrétaire parlementaire les mentionnera plus tard-ont un thème en commun: le gouvernement fait bien les choses. Tout va pour le mieux. Il réussit merveilleusement bien à réduire les coûts. Le déficit n'atteint que 30 milliards de dollars cette année. Pourquoi s'inquiéter de l'argent des contribuables? Voici l'autre objection: avons-nous les moyens de dépenser cet argent pour réduire les dépenses et le budget de l'État?

Les libéraux n'ont jamais de mal à dépenser l'argent, mais ils estiment toujours qu'il est très coûteux de surveiller les dépenses. Ils ont toujours les moyens de dépenser l'argent, mais n'ont jamais les moyens d'embaucher des comptables pour tenir les livres. Cette façon de penser est étonnante, mais elle se retrouve dans toutes les objections.

Il n'y a vraiment aucune raison valable de s'opposer à un projet de loi de ce genre. Cette pratique est courante dans toutes les autres institutions. Le vérificateur général lui-même sait qu'elle est conforme aux pratiques comptables modernes et il voudrait que son bureau s'acquitte de ce rôle.

(1400)

Je recommande à la Chambre d'adopter ce projet de loi. Je sais que beaucoup de députés libéraux l'appuient. Ils rejettent l'ancienne façon de penser. Je leur demande de voter en faveur de cette mesure législative.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'appuyer le projet de loi du député de Durham. En somme, cette mesure a pour objet d'exiger la publication des coûts de tout projet de loi présenté à la Chambre, de tout règlement mis en application ou de toute mesure mise en oeuvre par le gouvernement.

Il faudrait applaudir à ce projet de loi. Les Canadiens demandent de plus en plus à leurs parlementaires de rendre des comptes. Je salue le député de Durham qui a présenté cette mesure.

Selon l'esprit du projet de loi, je suis certain que le député voudrait savoir combien la mise en oeuvre de sa mesure coûtera. Je doute que ces coûts soient très élevés. Le député nous les révélera sûrement plus tard.

La plupart des ministères et des ministres dressent une comptabilité ou font une estimation des coûts de mise en oeuvre des mesures qui sont proposées. On peut facilement obtenir ces chiffres. Ce que le député demande dans son projet de loi, c'est que ces coûts soient présentés à la Chambre.

Trop souvent dans le passé, des projets de loi ont été présentés et adoptés à la Chambre sans que les députés connaissent vraiment les coûts qu'ils entraînent ni leur impact. À mon avis, il y a différents types de mesures législatives. Certaines coûtent cher à mettre en application, d'autres, très peu. Cependant, si nous ignorons les coûts, nous pouvons difficilement porter un jugement.

Il y a un autre élément qui entre en ligne de compte, soit celui des coûts marginaux. Par exemple, un petit projet de loi ne coûte peut-être pas cher à mettre en oeuvre, mais, compte tenu des autres projets de loi et des autres initiatives, les coûts cumulatifs peuvent être considérables. Ce projet de loi suppose un processus transparent. Il ferait en sorte que les députés connaissent les coûts de mise en oeuvre des mesures législatives.

Selon le projet de loi, on tiendrait compte des coûts futurs et non passés. Quand le vérificateur général déclare qu'un programme a coûté tant et que les avantages étaient inférieurs aux coûts, à quoi cela sert-il? Il est alors trop tard pour faire quoi que ce soit. Ce projet de loi exige que l'on rende des comptes publiquement. C'est une façon de procéder beaucoup plus appropriée.

Je vais répéter ce que d'autres ont dit avant moi. Ce projet de loi est un point de départ. Ce n'est certes pas une solution. C'est la première étape d'un processus très important.

Il faudra répondre à d'autres questions lorsque le projet de loi sera adopté et que les règlements seront mis en oeuvre. Par exemple, quel serait l'impact de la mesure sur les autres intervenants? J'entends par là d'autres paliers de gouvernement ou le monde des affaires. Cela peut vouloir dire bien des choses. Le projet de loi traite du coût de mise en oeuvre des mesures législatives au gouvernement fédéral. Toutefois, nous devons aussi l'analyser pour voir quel effet il aura sur les autres paliers de gouvernement et sur le monde des affaires.

Par exemple, le Conseil du Trésor et Industrie Canada ont mis au point le Test de l'impact sur les entreprises. On utilise cet instrument pour aider les législateurs et les ministères à évaluer l'incidence des projets de loi sur les entreprises. Le TIE est important et, en tant que parlementaires, nous devrions encourager son utilisation.


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Rien ne peut empêcher la divulgation de ces renseignements à la Chambre, lorsque des projets de loi et leurs coûts sont présentés.

En examinant l'impact d'un projet de loi, nous devrions aussi songer à des solutions de rechange. Quelles solutions de rechange ont été examinées avant qu'un ministère présente sa mesure? Y a-t-il des instruments du marché qui pourraient être utilisés aussi efficacement? Y a-t-il des mesures facultatives qui pourraient être mises en oeuvre pour atteindre ces mêmes objectifs?

(1405)

Nous avons l'habitude de présenter des lois et des mesures qui disent aux chefs d'entreprise comment diriger et exploiter leurs entreprises, au lieu d'adopter des mesures législatives qui établissent des normes et des critères à respecter et de laisser le monde des affaires élaborer les processus qui leur permettront de respecter ces normes. Quand on ne le fait pas, cela alourdit davantage le fardeau financier du gouvernement. Cela rend également les entreprises plus inefficaces.

La façon dont les lois et les réglementations sont élaborées, présentées et mises en oeuvre est très complexe. Un certain nombre de processus entrent en jeu. Les projets de loi voient parfois le jour à l'instigation des fonctionnaires. Ils sont parfois attribuables au programme d'action politique du parti au pouvoir. Et les projets de lois apparaissent parfois à l'instigation de groupes d'intérêts qui créent une demande à cet égard.

Nous devons faire bien attention de ne pas tomber dans le piège consistant à bâtir des empires, qu'il s'agissent d'empires pour les fonctionnaires, pour les groupes d'intérêts ou pour les politiciens. La mesure à l'étude fournit vraiment l'occasion de tenir un débat complet, de révéler tous les coûts et d'exiger des comptes complets dès le début de toutes les initiatives qui nous sont proposées.

Nous discutons souvent à la Chambre de projets de loi et de questions de politique gouvernementale. Cela est très important, mais, trop souvent, nous ne discutons pas des répercussions financières de certaines des initiatives qui nous sont proposées.

Si nous l'avions fait davantage autrefois, nous n'aurions pas les problèmes budgétaires auxquels nous faisons face aujourd'hui. Le temps est maintenant venu d'entreprendre un nouveau programme, sur une nouvelle base. Le projet de loi nous permet de faire cela.

À mon avis, il aura un vaste effet dissuasif qui sera positif. En d'autres termes, les députés ou le gouvernement hésiteront à présenter des projets de loi assortis de coûts élevés dont les avantages ne sont pas clairement définis.

Le gouvernement n'est pas comme une entreprise. Il ne peut pas toujours quantifier, comme cela se fait dans les entreprises, les coûts et les avantages des mesures législatives qu'il propose. Cela ne l'empêche toutefois pas de faire preuve le plus possible d'une certaine rigueur dans l'exercice de ses fonctions.

Je félicite le député d'avoir présenté ce projet de loi. Les mesures législatives et les règlements ont d'énormes répercussions sur la compétitivité de nos industries. Les lois du marché ne sont pas une panacée universelle. Nous le savons, et les gouvernements ont un rôle à jouer.

Nous devons examiner vraiment très attentivement les répercussions que les règlements et les mesures législatives ont sur nos entreprises, car la capacité des entreprises canadiennes d'intensifier l'activité économique et de créer des emplois dépendra, en partie, du contexte réglementaire et législatif dans lequel elles évoluent et de la manière dont celui-ci se compare aux contextes avec lesquels nos concurrents étrangers doivent composer.

Si nous n'examinons pas à fond ces éléments, nous pouvons, d'une manière progressive ou non, placer les entreprises canadiennes dans une situation où elles ne seront plus concurrentielles à l'échelle internationale ou même sur nos marchés intérieurs.

Le projet de loi à l'étude constitue un énorme progrès. Je félicite encore une fois le député qui l'a présenté. J'appuierai certainement cette mesure. J'espère que d'autres députés feront comme moi.

Je voudrais aussi saisir cette occasion pour souhaiter à tous de très joyeuses fêtes et une année prospère, le tout, sous le signe de la prudence.

M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux, moi aussi, de prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-214, Loi sur la déclaration du coût des programmes.

On dit que le public canadien est de plus en plus cynique au sujet du processus politique. Si je ne m'abuse, c'est l'humoriste américain Mark Twain qui a dit qu'un cynique, c'est quelqu'un qui connaît le prix de tout, mais qui ne connaît la valeur de rien.

(1410)

Ce que le député de Dunham tente de faire relativement à ce projet de loi, c'est mettre deux concepts ensemble. Si nous connaissons le prix d'une chose et que nous sachions que c'est un bon prix, nous sommes disposés alors à l'acheter. Par ce projet de loi, on tente de déterminer le prix d'une chose et si on a en a pour son argent en le payant.

Je vais vous donner un exemple. Les voitures de luxe que vendent des concessionnaires près de la colline du Parlement valent sûrement 75 000 $. C'est beaucoup d'argent. Cependant, si vous allez faire une balade dans une de ces voitures avant de l'acheter, il se peut que le prix de 75 000 $ vous semble raisonnable, compte tenu de tout ce que la voiture vous offre. À mon avis, 75 000 $, c'est certes beaucoup d'argent pour une voiture, mais si vous en avez pour votre argent et que vous en ayez les moyens, vous n'hésiterez pas à l'acheter.

En tant que législateurs, nous avons souvent à nous prononcer sur des programmes qui coûtent cher, mais qui valent néanmoins leur pesant d'or. Je ne suis pas aussi cynique que certains des députés réformistes qui ont parlé avant moi, qui ne s'intéressent qu'au prix


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et refusent d'aborder la question de la valeur. Ils ne s'intéressent qu'au coût parce qu'ils en font une question de style de vie personnel, par opposition à ce que les programmes représentant pour nous en tant que Canadiens et que pays.

Par ailleurs, sur le plan individuel, nous sommes collectivement tenus de savoir quel est le coût global et le coût par habitant des programmes.

Par exemple, il y a quelques années, en Colombie-Britannique, un ministre de l'Environnement a voulu présenter un projet de loi de protection de l'environnement qui était théoriquement merveilleux. Il s'agissait de reformuler l'essence. C'était une idée magnifique qui aurait eu des effets très bénéfiques sur l'environnement. Les gens ont pensé que c'était exactement ce qu'il fallait faire et que le gouvernement devait aller de l'avant.

Cependant, lorsque la population a constaté que l'essence lui coûterait huit sous de plus le litre, elle a exprimé de sérieuses réserves et a contraint le ministre à faire marche arrière pour laisser un temps de réflexion. Dès que la population a su ce que cela lui coûterait, elle a commencé à se rendre compte que, peut-être, elle n'en aurait pas vraiment pour son argent.

La question revêt aussi une autre dimension. Nous, les Canadiens, savons que les services de santé coûtent cher. Les services de santé coûtent cher partout dans le monde, mais, au Canada, nous savons que nous en avons pour notre argent. D'après ce que les réformistes ont dit plus tôt, tout ce qui compte à leurs yeux, c'est le coût des programmes. Ils préféreraient adopter le modèle américain selon lequel le prix qui compte c'est le prix qu'une personne a les moyens de payer. Peu importe de savoir si on en a pour son argent.

Nous savons que, aux États-Unis, la portion du PIB consacrée aux services de santé est d'au moins 2 ou 3 p. 100 de plus qu'ici. Cependant, nous savons que les services de santé coûtent cher au Canada, mais que, collectivement, nous en avons plus pour notre argent et que nos services sont meilleurs. C'est là que se situe la différence entre le Parti réformiste et le parti gouvernemental.

Cependant, cela n'enlève rien à ce que le député de Durham dit. Je me souviens, il y a quelques années, lorsque le gouvernement de l'Ontario était en pleine croissance et adoptait toutes sortes de programmes, on nous disait: «Ce programme est magnifique et il ne vous coûtera que 15c. par semaine ou par mois.» Cependant, il ne s'agissait que d'un ministère, et à coups de 15c. par ci, 15c. par là, on a fini par en demander beaucoup à ceux qui, au bout du compte, devaient payer. Nous savons que ceux qui doivent payer, c'est vous, c'est moi et ce sont tous les autres contribuables.

Je veux souligner autre chose. Nous avons entendu les réformistes. Ils savent le prix de tout, mais ne connaissent la valeur de rien.

(1415)

Je veux faire remarquer quelque chose d'étrange dans leur idéologie. Ils prennent la parole à la Chambre en disant qu'il faut se montrer ferme avec les criminels. Ils nous disent: «Enfermons-les, ne donnons le bénéfice du doute à personne, ne considérons pas la valeur de la rééducation. Ne disons pas aux détenus, une fois qu'ils ont purgé leur peine, qu'on leur donnera une deuxième chance. Quand on est réformiste, on les garde en-dedans.»

On devrait peut-être évaluer le coût que représentent les modifications que proposent les réformistes au droit criminel. On devrait peut-être prendre le temps de demander aux gens combien les réformistes sont prêts à investir dans le système de justice pénale, pour voir si les contribuables trouvent que c'est une bonne valeur qualité-prix. Et qu'est-ce que ça représente pour eux qu'une personne soit emprisonnée à jamais? Qu'est-ce que ça signifie pour vous, en tant que contribuable, la routine collective?

Je ne suis pas cynique au sens de la philosophie réformiste pour dire qu'il y a un prix. Je dis qu'il faut lier les deux ensemble. Examinons la valeur et le prix que nous en tirerons. Quel est le coût global et la valeur est-elle intéressante? Est-ce une chose que les Canadiens veulent? Il faudra qu'ils sachent ce pour quoi ils paient.

Je me rends compte qu'un certain nombre de groupes ont appuyé cette idée. Le vérificateur général a dit qu'il partageait notre avis, à savoir que le coût des opérations et des programmes gouvernementaux devrait être plus visible pour le Parlement et les contribuables.

Aujourd'hui, j'ai écouté le secrétaire parlementaire du ministre du Travail parler de l'examen des programmes et de la rentabilité toujours plus grande des programmes. C'est la chose appropriée à faire et, en tant que ministériel, j'applaudis à cette théorie. Nous n'avons pas le choix et nous devons faire cela.

Mais il ne s'agit pas de rendre les programmes plus efficaces. Il s'agit de dire aux gens directement, tout de suite, quand nous mettrons une loi en oeuvre, ce que ça va coûter au pays et ce que cela va signifier pour chaque homme, femme et enfant. Plusieurs critères peuvent s'appliquer aux mesures législatives. Nous soumettons les mesures législatives à toutes sortes de tests, mais celui-ci manquait de toute évidence.

Je me rends compte que cela risque d'imposer un lourd fardeau financier à ce ministère particulier. Après avoir écouté le secrétaire parlementaire du ministre du Travail, j'ai l'impression d'avoir assisté à une scène de My Fair Lady où Eliza Doolittle, à qui on apprend l'anglais, n'en peut plus et dit qu'elle est fatiguée, qu'elle en a assez, qu'elle ne peut plus continuer.

En l'occurrence, je dirais que le ministère n'a aucune raison d'être fatigué et qu'il peut, même devrait, continuer dans le même esprit que propose le projet de loi du député de Durham.

Je trouve ironique que l'Alberta Taxpayers' Association ait déclaré que le projet de loi est un premier pas intéressant et qu'il mérite d'être considéré par les députés. Il me semble que c'est le résultat atteint par le député qui a présenté le projet de loi. je sais que d'autres vont prendre la parole aujourd'hui et plus tard. Cependant, je pense qu'il nous appartient d'examiner soigneusement ce projet de loi et, en fin de compte, je pense que les députés de ce côté-ci démontreront qu'ils ne sont pas cyniques et qu'ils veulent vraiment savoir le prix de ce qu'ils adoptent, car alors, en tant que législateurs, ils sauront si c'est une initiative valable pour la population du Canada.


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[Français]

M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre, Lib.): Monsieur le Président, pour commencer, je voudrais féliciter notre collègue de Durham qui a pris l'initiative de présenter un projet de loi visant à améliorer les renseignements relatifs au coût des programmes proposés par le gouvernement.

(1420)

Il n'y a pas de doute que nos concitoyens, et des administrateurs, on a vu la liste des comptables, et même le bureau du vérificateur général a dit que ce serait une initiative qui serait la bienvenue, il n'y a pas de doute que quand on regarde les énormes dépenses du gouvernement, on devrait avoir des mécanismes pour s'assurer que les coûts des programmes soient au moins connus dans leur ensemble, c'est-à-dire qu'on ne peut pas avoir des informations ou des chiffres précis sur une échelle de cinq ans.

Mais l'initiative de ce projet de loi va surtout aider les bureaucrates à réaliser que le Parlement, qui a le dernier mot sur les programmes, ait des renseignements aussi précis que possible, parce qu'on est conscient de l'impact, de la ramification des dépenses des programmes et on n'aime pas, après un an ou deux, se rendre compte que des programmes en particulier sont rendus deux et peut-être trois fois ce qu'on avait cru initialement.

J'apprécie l'occasion qui m'est offerte de me prononcer là-dessus, c'est une initiative que j'aime beaucoup. Il n'y a pas de doute qu'il y a beaucoup de mécanismes qui existent, comme l'a mentionné notre collègue de l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a des mécanismes qui existent pour contrôler, si vous voulez, ou avoir une idée des coûts des programmes.

Sauf que je crois que cette démarche que notre collègue de Durham présente va surtout et davantage mettre la puce à l'oreille de nos bureaucrates et évidemment des ministres et des sous-ministres, surtout, qui ont la responsabilité des ministères, afin qu'ils s'assurent que l'information soit aussi précise que possible, sinon, c'est nous qui allons écoper de la colère de nos concitoyens s'ils réalisent que les dépenses ont dépassé ce qu'on avait prévu.

Avec la courte période de temps dont je disposais, je voulais seulement porter cet aspect à l'attention de nos collègues. Une initiative comme celle-là mérite beaucoup d'attention et mérite certainement un débat. J'espère que c'est un signal pour ceux qui ont la responsabilité d'analyser des programmes afin qu'ils se rendent compte que c'est nous qui avons le dernier mot et qu'on a besoin d'informations aussi précises que possible.

[Traduction]

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord souhaiter de joyeuses fêtes à tout le monde, à tous les Canadiens, y compris mes électeurs. Bien sûr, je souhaite à tous une très bonne année.

[Français]

Je voudrais souhaiter une bonne année et aussi de bonnes vacances à tous les Canadiens et les Canadiennes et à tous mes collègues. Je voudrais aussi dire à mes amis italiens: Buon anno a tutti i miei amici italiani.

Je voudrais féliciter mon collègue pour avoir soumis un projet de loi qui me semble assez important. On a besoin de savoir, d'avoir des détails quand on vote, à titre de député à la Chambre, et on a aussi besoin d'avoir la certitude que le projet de loi en question est important pour nos communautés.

La seule chose qui me préoccupe, c'est la participation du vérificateur général, parce que cela peut retarder l'adoption d'un projet de loi qui peut être extrêmement important pour le pays.

[Traduction]

Les projets de loi d'initiative parlementaire sont extrêmement importants pour les simples députés qui parlent à leurs électeurs et qui connaissent leurs difficultés. Il semble que de nombreuses contraintes soient imposées à l'égard de ces mesures. Un projet de loi d'initiative parlementaire est pourtant le seul outil dont dispose le simple député. J'ai moi-même parrainé trois de ces projets de loi. Ils avaient pour objet de redresser des injustices dans la loi électorale.

Certains ignorent peut-être qu'un projet de loi d'initiative parlementaire doit d'abord être présenté. Puis, il doit être tiré au sort et on décide s'il doit faire l'objet d'un vote. Je m'oppose à cette décision et je crois que nous devrions pouvoir le présenter et en discuter, et s'il doit être rejeté, on le rejette.

Mon premier projet de loi d'initiative parlementaire se rapportait à l'injustice qui est faite à l'égard d'un parti politique qui perd son statut de parti parce qu'il ne présente pas 50 candidats. En Colombie-Britannique, si l'on créait un parti, ce ne serait jamais un parti national, parce que nous n'avons que 34 sièges, alors qu'au Québec, par exemple, ils peuvent faire reconnaître un parti provincial à l'échelle nationale, parce qu'ils ont 75 sièges. Cette question aurait dû être réglée, mais le débat n'a pas abouti.

(1425)

Je suis favorable à ce projet de loi. Je considère qu'il est important d'exiger une plus grande obligation de rendre des comptes à l'égard des mesures qui sont présentées à la Chambre. Je trouve qu'il est excellent de savoir sur quoi nous votons et de connaître dès le départ ce qu'il en coûtera.

Je souhaite encore de joyeuses fêtes à tout le monde et, en particulier, à vous, monsieur le Président.

[Français]

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je parlerai seulement pendant quelques minutes à propos du projet de loi que mon collègue de Durham a proposé à la Chambre.

Je commencerai en félicitant mon collègue d'avoir présenté une initiative vraiment très intéressante et qui mérite l'attention de la Chambre des communes. Je dois vous dire que, de mon côté, j'ai eu l'occasion d'étudier cette proposition et de poser plusieurs questions, en particulier à des fonctionnaires du Conseil du Trésor, pour


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vérifier au juste ce qu'ils font présentement en regard des informations qu'ils donnent à la Chambre des communes.

Je suis content de vous dire que l'essence de la proposition de mon collègue est déjà mise en oeuvre. Déjà, le ministère ainsi que le président du Conseil du Trésor ont entrepris de faciliter et de fournir beaucoup plus d'informations aux parlementaires que ce qu'ils donnaient auparavant. Par exemple, on commence, en collaboration avec les autres partis politiques, à faciliter l'obtention d'informations et à donner beaucoup plus de rapports, non seulement en ce qui concerne les nouveaux programmes gouvernementaux, mais aussi en ce qui concerne les programmes gouvernementaux existants.

Le gouvernement a également pris des initiatives très agressives pour s'assurer que les Canadiens et les Canadiennes aient accès à des programmes abordables, pertinents et qui répondent aux besoins de la population.

Les gouvernement discute présentement avec les représentants des provinces et des territoires des façons dont on peut économiser de l'argent, tout en s'assurant que les programmes qu'on met en place pour servir les Canadiens sont pertinents et transparents.

Mon problème avec cette initiative est qu'elle sera redondante. Le vérificateur général, chaque année, fait des recommandations sur les opérations du gouvernement et il rend public son rapport. Historiquement, la mise en vigueur des recommandations du vérificateur général atteint plus de 65 p. 100. Alors, le gouvernement et les ministères prennent action chaque fois que le vérificateur général fait des recommandations.

Je pense qu'il s'agit d'un autre type de bureaucratie qui sera plus coûteuse, surtout quand le gouvernement est déjà impliqué à mettre sur pied toutes sortes de mesures pour s'assurer de la transparence du gouvernement et la disponibilité des informations soumises à la Chambre et aux parlementaires.

Je veux seulement vous dire que les prévisions de 1996-1997 ont démontré que le gouvernement était sérieux, parce qu'il a pris des mesures tangibles. Le gouvernement n'a pas seulement parlé de mettre sur pied des mesures, il a pris action. Alors, je veux féliciter les administrateurs et les ministres pour leur initiative.

Je vous souhaite à tous un joyeux Noël et, comme ma collègue l'a dit, buon anno a tutti e grazie signor.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Milliken): À l'ordre. La période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est reporté au bas de la liste de priorité au Feuilleton.

Les députés voudront bien me permettre de dire quelques mots.

[Français]

De la part de tous ceux qui partagent la Présidence, à mes collègues en Chambre, à tout le monde, je voudrais souhaiter de bonnes vacances.

[Traduction]

Je veux dire combien tous les occupants du fauteuil-je parle au nom de nous tous-apprécient la collaboration de tous les députés, des greffiers au Bureau, de nos pages et de toutes les personnes qui voient au fonctionnement de la Chambre. Sans l'aide de ces centaines de personnes, nous ne pourrions pas fonctionner ici.

[Français]

Je voudrais souhaiter, de la part de tous les députés de cette Chambre, nos bons voeux à tout le monde.

[Traduction]

Joyeux Noël et bonne année. Nous espérons ne pas être de retour la semaine prochaine.

Comme il est 14 h 30, la Chambre s'ajourne au lundi 3 février 1997, à 11 heures, conformément aux paragraphes 28(2) et 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 14 h 30.)