Le 3 décembre 1996-Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire-Deuxième lecture et renvoi au comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence.L'hon. Raymond Chan (au nom du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.) propose:
Que le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence soit renvoyé sur-le-champ au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de lancer le débat sur la motion de renvoi du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé, au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
De nouveau, nous avons décidé de procéder ainsi afin que les députés membres du Comité et les groupes intéressés qui souhaiteraient présenter des mémoires aient l'occasion de proposer des amendements au projet de loi. J'aimerais exposer dans ses grandes lignes l'orientation du projet de loi, grâce auquel on modernisera le fonctionnement de la Commission canadienne du blé.
Même si aucun ensemble de propositions ne peut satisfaire tous les camps d'un débat trop souvent polarisé entre les agriculteurs sur la question de la commercialisation des céréales, l'approche du gouvernement vise néanmoins à répondre aux attentes raisonnables de la majorité des producteurs de céréales de l'Ouest. L'objectif de notre politique est de miser sur les points forts éprouvés de notre système actuel de commercialisation, tout en modernisant la direction de la Commission, en responsabilisant davantage cette dernière, en améliorant sa capacité de répondre aux besoins changeants des producteurs et aux possibilités qui s'offrent à eux, en assouplissant son fonctionnement, en la rendant capable de réunir plus rapidement des liquidités et en réduisant au minimum les complications du commerce international.
(1015)
Beaucoup de changements que nous proposons conféreront aux agriculteurs un droit de regard plus grand et plus direct sur les modalités de fonctionnement de leur système de commercialisation, conformément à la majorité des recommandations formulées par le Comité d'examen de la commercialisation du grain de l'Ouest. Dans l'ensemble, les changements proposés se répartissent en trois grandes catégories.
La première catégorie concerne la structure, la direction et la responsabilisation de la Commission. La direction générale de la Commission sera confiée à un conseil d'administration constitué de 11 à 15 membres, agriculteurs pour la plupart. Pour faciliter la transition vers cette nouvelle structure, le gouvernement nommera un bureau complet d'administrateurs intérimaires en 1997. Là encore, ils seront agriculteurs pour la plupart. Puis, au début de 1998, cette majorité de producteurs parmi les administrateurs sera remplacée par des administrateurs élus par les agriculteurs eux-mêmes.
Le projet de loi est rédigé de façon à «habiliter» toutes ces transformations. Cela répond aux conseils du Comité d'examen de la commercialisation du grain de l'Ouest, selon lesquels nous devions structurer nos modifications sous la forme d'une «loi habilitante».
Un certain nombre de groupes d'agriculteurs préférerait, semble-t-il, que la nouvelle loi soit à cet égard plus précise, fixant la date de l'élection des administrateurs, confirmant que le nombre d'administrateurs ainsi élus constituera la majorité et rendant permanente cette forme de direction, sous réserve, bien sûr, des modifications ultérieures à la loi.
Le ministre n'a rien contre ces idées. Elles sont tout à fait conformes aux principes d'action annoncés en octobre dernier. Dans son état actuel, le projet de loi C-72 permet de les appliquer. Si les arguments présentés au Comité permanent montrent clairement que les agriculteurs seraient plus à l'aise si la nouvelle loi était plus précise et plus rigide relativement à l'élection des administrateurs-producteurs, le ministre de l'Agriculture serait heureux de prendre en considération des modifications en ce sens.
Sur la question de la responsabilisation, le projet de loi annonce de gros changements. Pendant près de 62 ans, la Commission canadienne du blé a été une société d'État qui ne rendait des comptes qu'au Parlement du Canada. En vertu du projet de loi C-72, elle deviendra une entreprise mixte. Pour la première fois de son histoire, elle aura également à répondre directement aux producteurs.
Essentiellement, cette responsabilisation à l'égard des agriculteurs consistera à faire la preuve de son efficacité et de ses succès commerciaux. Si les performances de la Commission sont décevantes, le conseil d'administration, qui comptera une majorité élue par les agriculteurs, pourra modifier son fonctionnement ou, au bout du compte, enclencher un processus pour modifier ses compétences en matière de commercialisation.
Essentiellement, ce dont la Commission aura à répondre devant de Parlement sera de démontrer ses compétences financières. Cela découle de la garantie unique que confère le projet de loi C-72 à l'égard de tous les emprunts de la Commission. Non pas uniquement des accomptes à la livraison. Non pas seulement des ventes de céréales à crédit. Mais également à l'égard de ses opérations financières journalières sur les marchés mondiaux. On parle ici de milliards de dollars par année, garantis par les contribuables canadiens au besoin.
En tant que mandataire de Sa Majesté et n'ayant à répondre qu'au Parlement, la Commission jouissait automatiquement de ce type de garantie générale. Dans le cas d'une entreprise mixte, cela ne vient pas automatiquement. Il faut la prévoir explicitement dans la loi, comme le fait le projet de loi C-72.
Le palmarès de la Commission canadienne du blé, en ce qui concerne l'ensemble de ses opérations financières en tant que société de la Couronne, est des plus enviables. La Commission jouit sur la scène internationale d'une cote de crédit élevée. Elle a géré ses finances quotidiennes avec profit, tirant parti des meilleurs taux d'intérêt et augmentant ainsi les profits communs des producteurs.
(1020)
Ces normes exceptionnellement élevées seront-elles maintenues quand la Commission deviendra une entreprise mixte sous un conseil d'administration différent et quand les attentes en matière de responsabilisation changeront? C'est tout à fait ce que nous prévoyons. Mais comme le projet de loi C-72 prévoira légalement
une garantie unique pour la nouvelle Commission, qui reposera ultimement sur les épaules des contribuables, ce n'est pas trop demander qu'elle prévoie également des garanties pour protéger les contribuables.
C'est ce que le projet de loi recherche-le juste milieu entre la responsabilisation à l'égard des producteurs et la responsabilisation à l'égard du Parlement. Il importera de soupeser les avantages et les inconvénients d'un nombre moins grand de dispositifs de protection du contribuable versus une garantie moins complète.
À noter également que la Commission canadienne du blé possède maintenant et conservera un pouvoir de décision sur les questions qui concernent les producteurs d'ailleurs au Canada, à l'extérieur de son champ désigné d'action, par exemple le pouvoir de délivrer des permis d'exporter. Voilà une autre raison pour laquelle il importera qu'elle continue de répondre au Parlement.
Le deuxième groupe de modifications concerne l'assouplissement du fonctionnement de la Commission et l'amélioration de ses liquidités. Grâce à ces modifications, la Commission pourra acheter du blé et de l'orge au comptant, accélérer les ajustements en cours de campagne, fermer les comptes de mise en commun en tout temps et remettre le plus rapidement possible par la suite les profits aux producteurs, délivrer des certificats de producteur négociables, utiliser sans restriction les moyens modernes de gestion du risque dans ses rapports avec les agriculteurs et les clients, supporter les frais d'entreposage ou de conservation des céréales pour les agriculteurs, autoriser les livraisons sans limite de céréales par les agriculteurs aux installations d'entreposage en copropriété et obtenir des céréales à l'aide de nouvelles technologies, par exemple les silos mobiles sur les lieux de production.
Ces assouplissements accéléreront le transfert de l'argent des transactions de la Commission vers le portefeuille des producteurs. Pour garantir ses achats au comptant et lui permettre d'accélérer la gestion des ajustements en cours de campagne, la Commission sera autorisée à constituer des fonds pour éventualités, qui lui serviront de coussins financiers.
La troisième catégorie de modifications concerne le mandat de la Commission. La loi ne le modifie pas, mais nous accordons un plus grand pouvoir de décision aux agriculteurs mêmes. À l'avenir, le mandat de la Commission pourra être corrigé à trois conditions: premièrement, que ses administrateurs le recommandent clairement; deuxièmement, si la modification se répercute sur la maîtrise de la qualité, que la Commission canadienne des grains y acquiesce, parce qu'elle estime qu'elle ne menace pas la réputation de qualité et d'uniformité du Canada; et troisièmement, si la modification proposée est considérable ou fondamentale, que le résultat d'un vote pris chez les agriculteurs soit positif.
La Commission canadienne du blé est un mécanisme très efficace de commercialisation des céréales du Canada. Elle bénéficie de l'appui d'une majorité de producteurs céréaliers de l'Ouest. Ceux-ci souhaitent des modifications réalistes et sensibles, mais ils rejettent un scénario qui mènerait inévitablement à la destruction de la Commission.
Dans l'ordre actuel des choses, à combien estimerions-nous la Commission canadienne du blé? Cette dernière vend chaque année pour quelque 5 milliards de dollars de céréales, en ne conservant, pour la commercialisation, que quelques cents par boisseau. Elle ne garde aucun profit, tout le reste retourne aux agriculteurs.
Il s'agit de l'une des entreprises commerciales les plus considérables du Canada. La Commission fait affaire dans plus de 70 pays, c'est notre cinquième exportateur et notre premier pourvoyeur net de devises étrangères. Elle a gagné une réputation enviable, qui rejaillit sur le Canada, auprès de ses clients mondiaux, pas tant par les prix qu'elle pratique-en effet elle vise à obtenir des prix forts-, mais par la qualité intrinsèque, la propreté, l'uniformité du produit, l'appui technique, la fiabilité à long terme, le service à la clientèle et l'exécution des contrats. Ses clients la placent au premier rang mondial.
(1025)
Ces caractéristiques, de même que la taille de la Commission, son envergure planétaire et sa pugnacité commerciale font que le Canada détient en gros 20 p. 100 du marché mondial et réalise les meilleurs profits possibles sur ces marchés. Le gouvernement du Canada estime que cela vaut la peine d'être conservé.
Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire adhère sans réserve aux principes que nous avons annoncés et qui sont intégrés dans le projet de loi à l'étude. Néanmoins, plus d'un mécanisme permet d'appliquer ces principes. Le ministre accueillera volontiers les idées des membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire sur les façons d'amender le projet de loi.
[Français]
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui dans la cadre de la seconde lecture du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence.
Le projet de loi C-72, dont il est question ce matin, ne concerne que très peu le domaine d'activité agricole au Québec. En fait, nous comptons plusieurs producteurs de blé et d'orge, sans pour autant pouvoir rivaliser avec nos concitoyens de l'Ouest canadien. Cependant, de par la mission et le rôle qui furent confiés au Bloc québécois, il est de notre devoir de faire valoir notre opinion sur la question et surtout de tenter de ramener à la base les aspirations du gouvernement actuel d'avoir une mainmise sur presque tous les champs d'activités de cet immense pays.
Notre intervention sur la question est d'autant plus importante puisqu'elle permet une analyse objective de la situation, ce qui aura pour effet de favoriser le rapprochement entre le gouvernement et les 130 000 producteurs de blé, mais d'abord et avant tout, de jouer adéquatement le rôle de chien de garde des intérêts du Québec qui nous fut confié.
En effet, tant et aussi longtemps que le Québec continuera à verser des milliards de dollars en taxes et en impôts au régime fédéral, nous nous obstinerons à réclamer la parité des services et surtout des contributions financières équitables pour le Québec.
Ce matin, on pouvait lire, en gros titre, dans la plupart des quotidiens francophones: «Le ministre des Finances à Ottawa dit encore non au Québec dans la réclamation de la justice en ce qui concerne la collecte de la TPS du gouvernement fédéral sur le territoire québécois.» Or, il y aurait un manque à gagner de près de deux milliards de dollars pour le Québec. Un homme aussi intelligent que le ministre des Finances affirmait ceci, hier: «Le Québec ne perd pas d'argent en harmonisant sa TPS et la TVQ, alors que les provinces Maritimes perdaient cinq points de collecte.»
Cependant, le ministre des Finances, un homme intelligent comme lui, doit sûrement savoir que, dans la nature, rien ne se crée et rien ne se perd. Or, dans le budget des provinces Maritimes, au lieu d'avoir des impôts sur le revenu des particuliers, la Trésorerie là-bas préférait avoir une taxe de vente plus élevée, ce que le Québec, l'Ontario et l'Alberta, par exemple, ne souhaitaient pas.
Cependant, dû à ces 5 p. 100, nous, en contrepartie, on doit payer l'équivalent de 250 millions pour permettre à ces trois provinces Maritimes de s'harmoniser. C'est un exemple d'iniquité. Alors, tant et aussi longtemps que le Québec paiera, comme c'est le cas présentement, ses 30 milliards en impôts, taxes ou autres au gouvernement fédéral, nous, ici, on sera là pour réclamer cette justice.
(1030)
Vous connaissez, comme moi, la difficulté du gouvernement libéral à saisir ce concept pourtant très simple qu'est l'égalité. Ce qui me porte à dire que nous réclamons autant d'énergie de la part du gouvernement à l'élaboration d'une politique laitière à long terme, favorisant la croissance des producteurs, notamment ceux du Québec, puisque nous produisons, comme vous le savez très bien, plus de 47 p. 100 du lait de transformation sur tout le territoire canadien.
Dans cette perspective, je tiens à mettre en garde le gouvernement que nous ne nous satisferons pas d'un simple énoncé de politique basé sur des voeux pieux, comme c'en est devenu la coutume pour le gouvernement libéral. Le projet de réforme de la Commission canadienne du blé, bien qu'elle constitue un effort louable de modernisation, apparaît à nos yeux comme étant nettement insuffisante dans le contexte actuel.
Plusieurs producteurs de blé et d'orge réclamaient un assouplissement du cadre d'opération de la Commission, notamment en ce qui concerne la haute direction de l'organisme, mais surtout une meilleure représentativité des producteurs eux-mêmes dans l'élaboration des stratégies de commercialisation à long terme.
Le projet de loi C-72 répond partiellement, n'en déplaise au secrétaire parlementaire, à ces demandes de longue date des producteurs, sans toutefois leur accorder la marge de manoeuvre souhaitée et la latitude nécessaire à la réalisation de leurs objectifs de production.
J'écoutais, il y a quelques minutes, le secrétaire parlementaire dire à plusieurs reprises: «On satisfait une majorité de céréaliers de l'Ouest.» C'est anormal que des rassemblements de producteurs agricoles de l'Ouest réclament, référendum après référendum, des modifications à cette fameuse Commission canadienne du blé. Je le reconnais, la Commission canadienne du blé a joué et joue encore un rôle déterminant pour la vente, la commercialisation du blé et de l'orge dans l'Ouest. Je suis honnête en disant que personne dans cette Chambre ne pourrait prévoir la situation économique, la situation agricole dans les trois provinces de l'Ouest, n'eut été la création et la participation de la Commission canadienne du blé.
Cependant, après plus de 62 ans, il est temps de moderniser cet organisme qui, malheureusement, a dévié un peu de son objectif. Lorsque le gouvernement procède constamment, par des nominations partisanes, sans regarder, malheureusement, les qualités premières des commissaires, on perd cet objectif.
Je le répète et je le répéterai toujours, et le secrétaire d'État, au risque de le fâcher, pourra peut-être me dire: «Mais toi, Chrétien, dans l'opposition, tu sais très bien que tu n'auras jamais à nommer un commissaire à la Commission canadienne du blé.» C'est vrai. Mais on voit, dans mon comté, par exemple, les nominations depuis les trois dernières années, et je peux vous dire que, malheureusement, plusieurs de ces nominations ont été basées strictement sur le service rendu à ce parti, le financement à ce parti, mais les compétences, on ne les regarde malheureusement pas ou très peu.
Cette situation est donc en voie de devenir la marque de commerce du Parti libéral et, par incidence, du gouvernement qu'il forme.
(1035)
Les libéraux donnent d'une main pour reprendre de l'autre, c'est connu. Au lieu d'acquiescer aux demandes des producteurs, le gouvernement tente, par des moyens détournés et illusoires, de garder le contrôle de la Commission. Le texte législatif prévoit le changement de l'organisation sociale de la Commission, du statut des commissaires vers l'élection d'un conseil d'administration provenant en partie du milieu.
Or, en partant du fait que l'organisme cesse d'être mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, les producteurs devraient avoir préséance quant à la composition dudit conseil. Malheureusement, le gouvernement refuse de se commettre davantage sur la question. Il refuse, ou du moins il évite, de spécifier le nombre d'agriculteurs qui pourront occuper les 11 à 15 sièges-puisque c'est assez flexible-de ce nouveau conseil d'administration.
Je m'inquiète de l'attitude du Parti libéral qui a réussi, depuis son élection, à placer bon nombre de ses partisans dans les différents organismes de l'État. En ce sens, la Commission canadienne du blé, par sa nouvelle structure, continuera d'ouvrir toute grande la porte à ce genre de nominations partisanes, plutôt que d'offrir aux producteurs la place qui leur revient dans la gestion de leurs intérêts.
En terminant, pour bien situer l'importance de la Commission canadienne du blé, je voudrais rappeler que près de 23 p. 100 de toutes les exportations mondiales de blé et d'orge sont faites par la Commission canadienne du blé. C'est très important. On peut situer
à près de cinq milliards, en dollars d'aujourd'hui, la valeur des exportations.
Puisque nous allons voter sur le projet de loi en deuxième lecture, nous aurons à suggérer, pour bonifier le projet de loi C-72, quelques améliorations et si vous les acceptez. . .
Le vice-président: Je m'excuse, mais le temps de parole du député est écoulé. Nous poursuivons le débat avec le député de Kindersley-Lloydminster.
[Traduction]
M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, nous sommes saisis aujourd'hui d'une motion visant à renvoyer le projet de loi C-72 au comité. C'est une chose que nous demandons instamment au gouvernement, non pas parce que c'est une bonne loi, mais simplement parce que le public, et surtout les agriculteurs, doivent entendre parler de cette mesure législative pour être en mesure de constater à quel point elle est mauvaise.
Le ministre n'a fait absolument aucun progrès dans la réforme de la commercialisation du grain par la Commission canadienne du blé, tout comme il n'a rien fait de permanent pour corriger l'inefficacité du système de transport du grain des Prairies. Il n'a fait non plus aucun progrès dans l'entreprise de rectifier la méthode déficiente de recouvrement des coûts.
Ce n'est pas que le ministre ne connaisse pas le problème. Il est de la Saskatchewan. Il a fréquenté les milieux politiques de la Saskatchewan durant longtemps, on dirait presque 40 ans, en tant que chef provincial du Parti libéral, après une très courte période où il a siégé comme député à la Chambre des communes. Les habitants de la Saskatchewan votent très rarement pour les libéraux, mais quand ils le font, ils s'en débarrassent assez vite.
Si les libéraux déclenchent des élections au printemps, il se pourrait bien que ce projet de loi ne soit pas adopté par le Parlement. C'est impardonnable de la part du gouvernement de retarder l'adoption d'une réforme de la Commission canadienne du blé.
Nous voici à la deuxième moitié de février et nous n'en sommes qu'à l'étape du renvoi de ce projet de loi au comité. Il doit encore être étudié par le comité, revenir pour la troisième lecture, aller au Sénat et recevoir la sanction royale. Par-dessus le marché, c'est un projet de loi qui a beaucoup de lacunes et qu'il faudra grandement retravailler.
Dans l'état actuel des choses, il est assez improbable que ce projet de loi soit adopté, à moins que le gouvernement change d'attitude et se montre disposé à y apporter d'importants changements.
Le projet de loi C-72 montre clairement à l'industrie du grain des Prairies que le ministre veut faire échouer la réforme du système de commercialisation. Si son but n'est pas de faire échouer la réforme, alors il croit qu'il peut berner l'industrie en essayant de masquer le fait que les changements visant la commission, et surtout sa haute direction, seront minimes et le laisseront fermement à la barre de la commission.
(1040)
Le projet de loi C-72 est une mesure législative mal rédigée, qui devra être modifiée en profondeur, et j'insiste sur ce point, avant que l'industrie des Prairies ne l'accepte et plus encore les agriculteurs individuels qui verront bien que la nouvelle commission proposée n'est pas la Commission canadienne du blé plus responsable et plus souple que le gouvernement libéral leur avait promise.
Le but du projet de loi est de changer le mode de direction, de remplacer des commissaires nommés par un conseil d'administration élu. Il est censé créer une institution de commercialisation plus efficace, davantage axée sur les communications et plus transparente, mais ce n'est pas ce qu'il fait.
À notre avis, les modifications proposées par le gouvernement sont limitées et inefficaces et elles constituent un affront pour les producteurs des Prairies. C'est comme si le gouvernement dit aux producteurs qu'ils sont incapables de gérer leurs propres activités de commercialisation, qu'ils sont inférieurs aux producteurs de l'Ontario et du Québec et à tous les producteurs d'autres denrées du Canada, lesquels parviennent à gérer très efficacement et adroitement leur propre commercialisation.
Il reste à voir si le gouvernement libéral permettra que les changements importants requis soient apportés au projet de loi C-72, comme le Règlement l'autorise lorsqu'un projet de loi est renvoyé à un comité avant la deuxième lecture. Nous avons constaté, d'après notre propre expérience, que les amendements sont rares et habituellement superficiels et qu'ils ne touchent pas vraiment au fond.
Beaucoup d'agriculteurs commencent à croire que le ministre de l'Agriculture a manipulé le processus de réforme de la Commission canadienne du blé, ce qui a suscité incertitude, division et crainte chez les agriculteurs de l'Ouest. Je n'ai jamais vu une question dégénérer en une telle pomme de discorde, et ce avec les encouragements du ministre. À chaque fois qu'il en a eu l'occasion, il a mis de l'huile sur le feu au lieu de proposer des mesures positives, constructives et conciliatoires pour mettre fin à la zizanie et à la rancoeur croissantes que cette question suscite dans les Prairies.
M. Hill (Prince George-Peace River): Manque total de leadership.
M. Hermanson: Le député de Peace River dit que le ministre n'a fait preuve d'aucun leadership, je souscris entièrement à cette remarque.
Il a commencé par laisser traîner les choses pendant plus de deux ans, refusant toute réforme de la commission, ce qui a donné lieu au climat d'incertitude et de méfiance qui règne aujourd'hui. Ensuite, il a créé sa propre farce politique en instaurant le processus de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest. Mais lorsque ce dernier a produit un rapport à peu près sensé, le ministre n'en a pas tenu compte, et c'est particulièrement vrai des importants compromis qui étaient proposés. Puis, se fiant aux résultats de sondages secrets, le ministre a décidé que la seule façon de parvenir à ses fins en ce qui concerne la commercialisation de l'orge était de poser une question du genre tout ou rien; aucune souplesse, aucun moyen terme.
Maintenant le ministre pense qu'en nommant, à temps partiel, un conseil d'administration en partie élu et détenant des pouvoirs minimum, les agriculteurs qui réclament des changements importants seront satisfaits et qu'il pourra se laver les mains de toute cette question. Eh! bien, le ministre se trompe lourdement.
L'un des plus gros reproches que l'on puisse faire à ce projet de loi est qu'il donne au gouvernement un plus grand contrôle sur la commission au lieu de remettre contrôle et responsabilité entre les mains des producteurs qui, en fait, financent la Commission canadienne du blé. La commission ne sera élue qu'en partie. Le projet de loi dit qu'un ou plusieurs sièges au conseil d'administration pourront faire l'objet d'élections. Nous savons que le ministre acceptera des modifications à cet article, simplement pour camoufler certains des autres contrôles dont il ne veut pas se défaire, comme, par exemple, le fait que le gouvernement nommera le président du conseil et le président, au lieu que ceux-ci soient choisis par les membres du conseil d'administration élus par les agriculteurs.
Le gouvernement peut congédier un membre du conseil d'administration n'importe quand et sans raison. C'est tout à fait inacceptable. C'est ainsi qu'agissent les dictateurs fantoches. J'ai honte que le ministre de l'Agriculture ait présenté cette mesure législative de qualité inférieure qui montre un manque de confiance absolu dans les agriculteurs que l'on juge incapables d'élire un conseil d'administration capable et compétent.
Le nouveau conseil d'administration devra suivre les directives qu'il recevra du gouvernement fédéral, même si les membres estiment qu'elles ne sont pas dans l'intérêt des agriculteurs.
La mesure législative permet à la Commission de rétablir son autorité sur le marché des grains de provende. C'est sujet à controverse. Lorne Hehn, le président de la Commission, disait que c'était une erreur et qu'il fallait changer cela. Le ministre a dit non, ce n'est pas une erreur, les gens ont simplement mal compris le projet de loi. Cela n'est certainement pas sans inquiéter le ministre de l'agriculture de l'Alberta. Il faut absolument changer cette disposition du projet de loi pour garantir que l'on ne revienne pas, en ce qui concerne les grains de provende, à la situation de 1973 où l'orge ne pouvait même pas franchir une limite de province sans infraction à la loi. C'est déjà assez grave que les agriculteurs ne puissent pas faire franchir les frontières internationales à leurs grains sans enfreindre la loi. Si ce projet de loi n'est pas amendé, les agriculteurs enfreindront peut-être la loi en vendant le grain de l'Alberta à la Saskatchewan ou l'inverse. Il faut changer cela.
(1045)
Le projet de loi réduit les possibilités de changements ultérieurs au mandat de la Commission. Pour obtenir un changement majeur du mandat de la Commission, les agriculteurs doivent lancer un processus d'approbation complexe. Le conseil d'administration doit recommander le changement à la Commission qui doit l'approuver. Les producteurs doivent ensuite voter sur une question décidée par le ministre. Ce processus me semble passablement truqué et, en tout cas, cela ne témoigne pas d'une grande confiance dans les agriculteurs pour gérer leur Commission canadienne du blé. Même après le vote, le ministre ne serait pas tenu d'agir en fonction du résultat. Voilà ce qui en dit long sur l'arrogance et le manque de confiance. Je trouve absolument écoeurante cette disposition du projet de loi.
Aucun autre parti politique n'a exprimé sa position aussi clairement et de façon aussi transparente que le Parti réformiste à propos des questions touchant la Commission canadienne du blé et le plébiscite sur le blé et l'orge qui se tient actuellement. Le Parti réformiste n'a cessé d'affirmer sa détermination à collaborer avec une Commission canadienne du blé réformée et, donc, plus responsable, plus souple et orientée vers la participation volontaire. C'est un débat que les producteurs des Prairies ont à coeur et nous savons que l'appui à cette réforme s'intensifie. Quoi que fasse le ministre, les agriculteurs persisteront dans leur volonté et finiront par atteindre leurs buts.
Nous croyons que seuls des changements positifs à la commission assureront sa survie et son efficacité dans les années à venir. Contrairement à ce que prétendent nos adversaires politiques, nous ne souhaitons aucunement la destruction de la commission.
En terminant, je ferai observer que le ministre de l'Agriculture a fait plus de tort à la commission, qu'il a fait plus pour convaincre les agriculteurs de l'inutilité de cet organisme et qu'il a fait plus pour nous nuire sur le plan international que nous tous, qui avons suggéré des moyens de nature à rendre la commission apte à préparer les agriculteurs à affronter la concurrence sur le marché du XXIe siècle.
Le ministre nous fait reculer, alors que nous voulons aller de l'avant. Ce projet de loi est inacceptable dans sa forme actuelle et il convient de le modifier en profondeur. J'exhorte les membres du comité à s'y employer.
M. Glen McKinnon (Brandon-Souris, Lib.): Monsieur le Président, le député de notre parti qui a parlé plus tôt a précisé très clairement que la Commission canadienne du blé était une des institutions dans le secteur agricole qui travaillaient uniquement pour les agriculteurs. Elle partage avec la communauté agricole tous les avantages d'un guichet unique de vente à une fraction du coût des recettes réalisées par cette institution.
Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a expliqué les principaux objectifs du projet de loi C-72 et je voudrais discuter de la façon dont nous sommes arrivés à élaborer cette mesure.
La Commission canadienne du blé sert les agriculteurs canadiens de façon efficiente et efficace depuis plus de 60 ans. Durant toute cette période, elle a aidé notre secteur céréalier à se bâtir une réputation internationale de qualité et de fiabilité et elle a obtenu les meilleurs rendements possible sur le marché pour les agriculteurs canadiens. Comme mon collègue l'a précisé plus tôt, grâce à la commission, nos clients peuvent compter sur un approvisionnement constant, et ils l'apprécient.
Le monde des affaires évolue. Nous faisons des affaires sur un marché international de plus en plus libéralisé et compétitif. En même temps, l'évolution de la demande, la réduction des subventions, les nouvelles applications de la biotechnologie, les marchés en pleine croissance pour des denrées à valeur ajoutée et tout un éventail d'autres modifications font que, de nos jours, le secteur
céréalier doit être plus innovateur, plus autonome et répondre davantage aux besoins du marché qu'il ne l'a fait par le passé.
Dans ce contexte, l'avenir de la Commission canadienne du blé fait l'objet depuis plusieurs années d'un débat parfois très intense parmi les agriculteurs et d'autres intéressés dans le secteur céréalier, surtout dans l'ouest du pays. En passant, je pourrais signaler que dans ma circonscription, Brandon-Souris, certains ont intenté des poursuites devant les tribunaux, car ils jugeaient nécessaire de contester la Loi sur la Commission canadienne du blé et, en fait, toute la méthode de commercialisation du grain dans le monde entier.
Ces modifications à la Loi sur la Commission canadienne du blé ont pour but de répondre aux principales préoccupations soulevées durant ce débat et de s'assurer que la Commission canadienne du blé est bien placée pour poursuivre ses activités en tant que guichet unique fiable et répondant aux besoins du marché pour la vente du blé canadien dans les années à venir.
(1050)
En préparant ce projet de loi, notre objectif a été de faire en sorte que toutes les parties intéressées par cette question difficile aient pleinement la possibilité d'exprimer leur opinion de façon équitable.
En 1995, le ministre a établi le groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest pour qu'il formule des recommandations en consultant tous les intervenants de l'industrie céréalière. Ce groupe de consultation a fait un excellent travail, remplissant son mandat et offrant une tribune aux producteurs et à d'autres intervenants pour qu'ils discutent de l'avenir de la Commission canadienne du blé d'une manière rationnelle, ouverte et transparente, en se fondant sur les faits et non sur les grandes déclarations.
Cette consultation sur le grain de l'Ouest, la plus étendue dans l'histoire moderne, a revêtu la forme d'une série d'assemblées publiques qui ont eu lieu au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. C'est sur cette tribune que les agriculteurs et d'autres parties intéressées ont présenté leur point de vue sur le régime actuel de commercialisation du grain de l'Ouest. Ils ont également proposé des dispositions de rechange.
En outre, le groupe de consultation a tenu pendant 12 jours à Winnipeg, à Regina et à Edmonton des audiences au cours desquelles il a entendu 69 exposés. Il a aussi reçu 78 mémoires de personnes et d'organismes qui n'ont pas comparu devant le groupe, mais qui ont présenté des mémoires aux fins de renseignements.
À la suite de la publication du rapport du groupe de consultation en juillet dernier, le ministre a invité les parties intéressées à répondre par écrit à ces recommandations. Après que le groupe eut présenté son rapport l'été dernier, le ministre a également fait parvenir un résumé des recommandations du groupe à tous les agriculteurs de l'Ouest et les a invités à donner leur opinion.
Dans l'ensemble, 12 000 personnes et organismes ont participé à ce processus de consultation. Je suis d'avis que les modifications législatives que nous proposons aujourd'hui traduisent les opinions de la grande majorité des agriculteurs de l'Ouest et qu'elles donnent suite aux nombreuses recommandations formulées dans le rapport du groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest.
D'une façon ou d'une autre, nous prenons des mesures à l'égard de tous les points soulevés par le groupe concernant l'organisation sociale de la commission. Selon une des principales recommandations, la Loi sur la Commission canadienne du blé devait être modifiée afin de conférer à la commission une nouvelle structure d'autorité et plus de souplesse pour accomplir ses activités et servir les agriculteurs. En fait, de toutes les recommandations contenues dans le rapport du groupe, celle-ci avait bénéficié du consensus le plus ferme auprès des agriculteurs.
Aux termes du projet de loi, la direction générale de la commission sera confiée à un conseil d'administration, dont la plupart des membres seront des agriculteurs. Pour faciliter la transition vers la nouvelle structure de direction, un conseil d'administration provisoire sera nommé par le gouvernement l'an prochain et, d'ici le début de 1998, une majorité des administrateurs seront élus par les agriculteurs.
L'élection des administrateurs aura de profondes répercussions sur les activités de la commission, surtout du fait qu'il ne s'agira plus d'une société d'État. Dans la mesure du possible, nous avons essayé de minimiser ces répercussions.
Par exemple, parce qu'elle agit au nom de Sa Majesté, la commission fait des emprunts qui sont automatiquement garantis par le gouvernement du Canada. Pour minimiser les répercussions, le gouvernement continuera de garantir les emprunts de la commission. Il continuera aussi de garantir les versements initiaux et les ventes à crédit de céréales de la Commission canadienne du blé.
Néanmoins, le passage à un conseil d'administration élu aura des répercussions qu'il faudra étudier attentivement. C'est pourquoi le projet de loi est permissif à cet égard. Les agriculteurs doivent se rendre compte de ce qu'ils ont maintenant et ils doivent faire la comparaison avec ce que leur apportera un conseil d'administration élu plutôt que nommé, s'ils veulent prendre une décision éclairée concernant leur préférence ultime sur ce sujet particulier.
Un autre groupe de modifications porte sur la plus grande souplesse à l'égard des activités de la commission et l'amélioration des rentrées de fonds. Aux termes de ces modifications, la commission pourra, premièrement, effectuer des achats de blé et d'orge au comptant. Deuxièmement, elle pourra verser rapidement des paiements de rajustement au cours d'une campagne agricole. Troisièmement, elle pourra fermer des comptes communs n'importe quand et payer sans tarder les agriculteurs. Quatrièmement, elle pourra délivrer des certificats négociables aux producteurs. Cinquièmement, elle pourra rembourser aux agriculteurs leurs frais d'entreposage ou de transport des céréales. Enfin, elle fera la meilleure utilisation possible des dernières mesures de gestion des risques en traitant avec les agriculteurs et les clients. En outre, la Commission canadienne du blé sera autorisée à établir un fonds de réserve pour pouvoir faire des achats au comptant et verser rapidement les rajustements.
(1055)
Il importe de signaler que ces modifications ne constituent pas la seule réponse du gouvernement du Canada aux préoccupations des céréaliculteurs canadiens et aux recommandations du Comité de commercialisation des grains de l'Ouest. Nous explorons de nombreux autres moyens de nous attaquer à d'autres problèmes de commercialisation et de transport du grain. En novembre dernier, notre gouvernement a proposé des mesures législatives pour moderniser le Code canadien du travail.
Ces modifications prévoient notamment que, même si les entreprises qui manutentionnent le grain et leurs employés conservent le droit de lock-out et de grève, dans le cas des interruptions de travail qui mettent en cause d'autres parties, dans les activités portuaires, les services influant sur les expéditions de grain doivent être maintenus.
Par les modifications apportées à la Loi sur la Commission canadienne du blé et de nombreux autres changements que nous apportons à l'égard du transport et de la commercialisation du grain, le gouvernement du Canada montre qu'il est attentif aux préoccupations des producteurs de grain. Il prend des mesures pour calmer leurs inquiétudes et mettre en place les conditions nécessaires à la poursuite de la croissance et au maintien de la prospérité dans le secteur céréalier et les collectivités rurales au-delà du tournant du siècle.
J'exhorte tous les députés à appuyer cet important projet de loi.
[Français]
M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, je vous remercie de me permettre, aujourd'hui, de prendre la parole sur le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence. Comme vous le savez, je représente un comté agricole de la Belle Province, mais il n'y a aucun producteur de blé et d'orge dans ma circonscription.
Pour parler franchement, le territoire de la Commission canadienne du blé couvre les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Néanmoins, en tant que député faisant partie de l'opposition officielle, au grand dam de nos collègues réformistes et, bien sûr, du député de Calgary-Sud-Ouest, je me dois d'intervenir, comme mes autres collègues du Bloc québécois le feront après moi, dans le débat entourant un projet de loi important pour beaucoup de producteurs.
Je sais que nous sommes ici en cette Chambre pour défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises. Nous sommes dans cette auguste Chambre pour faire la promotion de la souveraineté, mais nous nous devons également d'utiliser les tribunes que nos fonctions de députés de l'opposition officielle nous permettent d'accéder pour parler aux autres nations. Cela comprend également la nation canadienne. On parle beaucoup, avec le congrès à la direction du Bloc, de partenariat d'égal à égal.
C'est bien simple: nous sommes, à 52, les représentants de la nation québécoise, n'en déplaise aux députés de Saint-Maurice et de Sherbrooke. De plus, je me dois d'ajouter que tant et aussi longtemps que le Québec paiera des impôts au gouvernement fédéral, nous avons le devoir et le droit de savoir comment ces sommes sont dépensées. J'ajoute que nous devons réclamer notre juste part.
Le dépôt du présent projet de loi fait suite à une recommandation claire et pressante de changement de la part du groupe d'experts. Le gouvernement libéral s'est emparé de cela afin de servir ses intérêts. Bien sûr que l'on veut démocratiser. On veut confier la responsabilité générale de la direction de la Commission canadienne du blé à un conseil d'administration.
À première vue, le Bloc ne peut que se réjouir de voir le gouvernement proposer que ledit conseil d'administration soit composé dorénavant d'une majorité et surtout de producteurs, au lieu de trois à cinq commissaires nommés par le ministre. C'est un bel esprit de démocratisation. Peut-être que nous influencerons les députés libéraux avec notre bel exemple de démocratie. Je parle ici de la course à la direction de mon parti. Si c'est cela, tant mieux.
Néanmoins, je demeure sceptique devant l'attitude et les réels motifs du gouvernement libéral, et je m'explique. Les futurs membres du conseil d'administration seront, d'après le projet de loi, élus par leurs pairs ou les producteurs céréaliers. Toutefois, le gouvernement libéral se garde bien de nous dire combien de ces élus par les producteurs seront sur le conseil.
Dans la documentation présentant le présent projet de loi, on se garde bien d'avancer un nombre d'agriculteurs élus. On stipule que le nouveau conseil d'administration sera majoritairement composé d'agriculteurs élus, mais on ne dit pas quand cela se fera. Ce qui est plus certain, c'est que nous proposons un conseil d'administration intérimaire en 1997.
(1100)
De toute évidence, tout le monde sur la Colline ne passe pas une journée sans parler d'une éventuelle élection pour 1997. Il est certain que nous aurons des élections partielles, du moins pour les circonscriptions de Jonquière et de Calgary-Ouest. Je peux vous l'annoncer, si on se fie aux règles établies. Pour ce qui est d'une élection dite générale, je laisse le soin au député de Saint-Maurice de nous dire quand elle aura lieu.
Si je vous parle d'une éventuelle élection, c'est pour bien vous situer que nous sommes dans un contexte pré-électoral. Vous comprendrez que, lorsque le gouvernement libéral, par son ministre, parle de nommer un conseil d'administration intérimaire en 1997, il serait bien tentant pour eux de procéder à des nominations politiques, à faire ce qu'on appelle du patronage politique. Ce ne serait pas la première fois, et il y a fort à parier que ce ne sera pas la dernière fois non plus.
J'ai toujours peur de voir tel ou tel ministre procéder à des nominations. À vrai dire, ce n'est pas rassurant du tout. Ce ne l'était pas avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, alors pourquoi cela changerait-il quelques semaines plus tard? De plus, le ministre confirme que le conseil d'administration de la Commission canadienne du blé sera éventuellement composé, majoritairement, d'agriculteurs élus. Cela laisse supposer qu'il pourrait y avoir des membres choisis par le ministre. Le ministre serait toujours tenté de nommer des amis, des sympathisants du régime ou encore
des bailleurs de fonds. Rien de nouveau sous le soleil. L'expression est connue, mais malheureusement, très vraie.
Le Bloc québécois, mon parti, ne peut qu'appuyer le principe du gouvernement fédéral de donner enfin aux agriculteurs une ou plusieurs voix au sein de la direction de la Commission canadienne du blé. Je pense que l'on ne peut que se réjouir de voir un tel changement se faire. Au point de départ, on le sait, le gouvernement ne le fait pas de son plein gré. Si le gouvernement fait preuve d'ouverture, ce n'est pas dans un élan de bonté ou par désir de démocratisation, mais c'est plutôt dû à des pressions. Des pressions de qui? Des agriculteurs qui ne cessent de dire au gouvernement que le système est désuet et qu'il ne répond pas à leurs attentes. Pourquoi pensez-vous que le groupe d'experts recommande la modification de sa tête dirigeante? Pourquoi vouloir changer les quelque trois à cinq commissaires par un conseil d'administration formé d'agriculteurs élus? C'est que ceux-ci seront plus en mesure de répondre adéquatement à leurs besoins.
Il n'y a rien de sorcier là-dedans, c'est le gros bon sens. Il faut ajouter que, dans les doléances des agriculteurs de l'Ouest, il y a différents mécontentements. Des agriculteurs transfrontaliers réclament une double mise en marché du grain, soit d'une manière libre ou par le biais de la Commission canadienne du blé.
Il était devenu urgent, pour le gouvernement, de finalement se pencher sur cette question. Souvenez-vous récemment de la motion du député de Wild Rose qui voulait un droit de retrait, une clause de opting out de deux ans. Il n'a pas trouvé cela tout seul, ce collègue.
Lors de mon intervention sur cette motion, j'avais dit: «On pourrait octroyer plus de pouvoirs aux producteurs sur le contrôle des opérations de la Commission canadienne du blé, et permettre à la Commission d'être plus flexible.» Il est vrai que certains producteurs flairent, ces temps-ci, des occasions d'affaires. Je comprends bien qu'ils veuillent commercialiser eux-mêmes leurs productions à l'extérieur de la juridiction de la Commission canadienne du blé. Il est vrai que dans les faits actuels, avec ce qui se passe aujourd'hui, c'est la Commission qui, par ses ventes sur le marché américain, tire profit de cette situation où les prix sont meilleurs.
Une chose est certaine, c'est que la Commission existe depuis plus de six décennies. Sa tâche est de vendre un produit de qualité, d'offrir aux clients un service hors pair et de voir aussi à maximiser les rentrées pour les agriculteurs de l'Ouest. Encore là, le système n'est pas parfait, il y a toujours place à l'amélioration. Est-ce dire qu'il faut passer outre à ces possibilités de patronage pour que soit adopté un projet de loi qui comporte de bonnes choses au niveau de l'assouplissement des opérations et une amélioration des liquidités? Non, chers collègues. Je sais voir les bonnes choses, mais également les opportunités de patronage.
(1105)
Il faut aller chercher des gens du milieu, des gens qui connaissent bien le domaine. Qui sont mieux placés que les agriculteurs, les céréaliers pour être membres du conseil d'administration de cette Commission canadienne du blé?
Par surcroît, les faire passer par une élection est, à mon avis, un excellent choix. Mais attention, il faut voir comment ces élections se tiendront, car le gouvernement veut fixer les règles. Je ne crois pas qu'on fera appel à une firme externe comme lors des tirages de la 6/49, ni à M. Kingsley, le directeur général des Élections.
Cela étant dit, malgré une apparente ouverture, le gouvernement fédéral veut garder, avec son projet de loi, le contrôle effectif de la Commission canadienne du blé. Comment? Je vous le donne en mille. Avez-vous remarqué qu'au paragraphe 3.6(2), le gouvernement se réserve le droit de révoquer tous les membres du conseil d'administration, y inclus les agriculteurs élus?
Précédemment, j'ai fait allusion aux modalités d'élection de ceux-ci, mais j'avais oublié de vous préciser que le président dudit conseil demeure une personne nommée par nul autre que le ministre. Je sais bien qu'il est nommé par le gouverneur en conseil sur recommandation du ministre. Aussi bien dire immédiatement que c'est le ministre qui le nomme.
[Traduction]
M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part au débat du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence.
En parcourant le projet de loi, j'ai été plutôt étonné à la lecture des dispositions des articles 3.93 et 3.94. L'article 3.93 commence par la déclaration inoffensive que voici:
(1) Les dirigeants, administrateurs et employés de la Commission doivent [. . .]agir:
a) avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la Commission;
b) avec le soin, la diligence et la compétence d'une personne prudente et avisée.Rien à redire à cela. Nous espérons que les personnes que le gouvernement nommera par favoritisme aux postes de responsabilité à la commission respecteront cette promesse. Or, en poursuivant ma lecture, j'ai constaté que, bien qu'elles puissent agir avec intégrité, de bonne foi et avec diligence, ces personnes sont indemnisées si elles ne le font pas. L'alinéa 3.93(3)a) ajoute en effet ceci:
(3) Ne contrevient pas aux obligations [. . .]le dirigeant, l'administrateur ou l'employé qui s'appuie de bonne foi sur:
a) des états financiers de la Commission présentant sincèrement la situation de celle-ci, selon l'un de ses dirigeants ou d'après le rapport écrit du vérificateur;Cela me porte à croire qu'il y a quelque chose qui cloche dans les états financiers. Si les responsables disposent du rapport annuel de la Commission canadienne du blé pour 1994-1995, qui a fait l'objet d'une vérification de la firme DeLoitte et Touche, laquelle semble en avoir fait un rapport de vérification assez raisonnable, et commettent des erreurs en prêtant foi à des états financiers qui se révèlent erronés, ils se verront maintenant exonérés de toute responsabilité. Mon esprit assez mal tourné se pose la question: qu'est-ce qui cloche dans les états financiers si les responsables qui y prêtent foi pourront être indemnisés?
Je passe maintenant à l'article 3.94:
La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou leurs prédécesseurs [. . .]de tous les frais et dépens, y compris les sommes versées pour transiger ou pour exécuter un jugement, engagés par eux lors de procédures civiles, pénales ou administratives . . .De quoi s'agit-il ici? Va-t-on indemniser ces responsables à l'égard de procédures pénales? C'est pourtant ce que prévoient ces dispositions. Je les lis encore une fois:
La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou leurs prédécesseurs [. . .]de tous les frais et dépens [. . .]engagés par eux lors de procédures civiles, pénales ou administratives. . .Qu'est-ce que c'est que ces dispositions? Premièrement, il nous faut les indemniser s'ils s'appuient sur les états financiers vérifiés. Puis nous découvrons que nous devons les indemniser également contre toute procédure pénale découlant de l'exercice de leurs fonctions. C'est assez fort.
(1110)
Il ne faut pas oublier non plus que la commission est la seule agence à être protégée parce qu'elle n'est pas assujettie aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. Nous ne pouvons obtenir de renseignements de la Commission canadienne du blé, parce que la loi la protège. Nous ne pouvons invoquer la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir ces renseignements. Pis encore, le vérificateur général n'a pas le droit, si je ne m'abuse, d'examiner les activités de la Commission canadienne du blé et de faire rapport.
Dans les faits, le vérificateur général ne peut examiner les activités de la Commission du blé et les Canadiens ne peuvent examiner les activités de la Commission du blé, parce qu'ils n'ont pas accès aux renseignements nécessaires aux termes de la Loi sur l'accès à l'information. Dorénavant, les membres de la commission seront indemnisés contre toute procédure pénale, et voilà que certains doutes planent quant à l'exactitude de ses états financiers.
Après avoir analysé tout cela, que peut-on conclure? On semble flairer une conspiration qui camouflerait certaines choses. L'intégrité du gouvernement et la bonne gestion de la Commission canadienne du blé seraient remises en question.
Je voudrais que le ministre de l'Agriculture se lève à la Chambre et nous dise ce qu'il en est. Je ne vois pas pourquoi nous devrions adopter un projet de loi et créer ainsi un monopole qui serait protégé par la loi et entouré du plus grand secret imaginable et je ne vois pas pourquoi nous devrions indemniser les administrateurs contre des procédures pénales. Nous avons, comme tous les Canadiens, droit à des réponses à nos questions. Pourquoi ces deux dispositions ont-elles été insérées dans ce projet de loi?
Le ministre ne nous a en rien expliqué pourquoi il estime devoir protéger les employés de la Commission du blé qui se fient à des états financiers qui ont été vérifiés par un vérificateur indépendant. Je ne vois pas pourquoi il protégerait les employés de la Commission du blé qui font l'objet de poursuites au criminel. Monsieur le Président, pouvez-vous me donner une raison pour laquelle il le ferait? Quelqu'un d'autre peut-il me dire pourquoi? Je ne vois pas.
Cela nous donne une idée de la manière dont le gouvernement gère ses affaires. Nous avons vu ce qui s'est passé dans le cas de l'enquête sur la Somalie. Dès qu'elle est devenue embarrassante, le gouvernement y a mis fin. Lorsqu'on a eu besoin d'information dans l'enquête Krever, on s'est heurté à un mur. Quant à l'affaire de l'Aéroport Pearson, elle est désormais devant les tribunaux. Nous sommes témoins du fiasco de l'affaire Airbus, que le gouvernement a bousillée dès le départ. Elle coûte des millions de dollars aux contribuables et nous avons appris l'autre jour que le ministre de la Justice a dépensé 160 000 $ de l'argent des contribuables pour nous posséder. Il faut que cela cesse.
Des activités criminelles ne peuvent être tolérées sous aucun prétexte. Prévoir une protection dans un projet de loi est sans doute la pire chose que j'ai vue depuis les trois années et demie que je siège ici. Prévoir cela dans un projet de loi sur la Commission du blé, qui est à l'abri de toute enquête de la part du vérificateur général, de toute demande de renseignements conformément à la Loi sur l'accès à l'information, c'est digne de la Russie communiste. Voilà ce que le gouvernement nous sert aujourd'hui.
Et ce n'est pas la première ni la dernière fois. On camoufle des choses, on trompe les Canadiens, on ne leur dit pas ce qu'on fait avec leur argent, on ne leur dit pas que quelqu'un trafique peut-être-et je dis bien «peut-être»-les états financiers et, maintenant que cela risque de se savoir, le gouvernement veut que les gens soient indemnisés.
Le fait est que des questions se posent. Je n'ai pas les réponses, mais je suis persuadé que le ministre de l'Agriculture les a. Il lui incombe de prendre la parole à la Chambre et de nous dire ce qu'il essaie de camoufler avec ces deux articles. S'il cherche à cacher une activité illégale et des états frauduleux, nous devons le savoir. Il nous faut savoir quelle tête va rouler.
(1115)
C'est peut-être la tête du ministre qui va rouler, car on ne saurait tolérer pareille activité dans un pays démocratique. J'espère que le ministre viendra nous dire ici quelles sont ses intentions.
M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, nous discutons aujourd'hui d'une motion qui vise à renvoyer le projet de loi C-72 au comité avant la deuxième lecture. J'appuie cette motion parce qu'il y a tellement d'aspects de cette mesure législative qui devraient être soupesés et discutés avant que le projet de loi ne puisse être adopté.
Les gens ont trois principales réserves au sujet de la Commission canadienne du blé. La première concerne le manque de responsabilité de la commission sur le plan des comptes à rendre. Le niveau de sécurité de cette dernière équivaut à celui du SCRS. La deuxième réserve concerne l'absence de droit de regard des agriculteurs sur la commission. Pourtant, les activités de la commission sont entièrement financées par les agriculteurs.
La troisième réserve concerne le fait que la Commission du blé a un monopole qui ne lui a été conféré qu'en vertu de la Loi sur les mesures de guerre et qui ne lui a jamais été retiré. Les agriculteurs veulent avoir le choix, un choix qui soit très clair pour que personne ne puisse s'opposer.
La plupart des agriculteurs de l'Ouest et des réformistes appuient certainement le maintien de la Commission canadienne du blé, comme organisme de commercialisation. Là n'est pas le problème. Nous appuyons cela, mais nous souhaitons que les agriculteurs aient un choix. Dans un pays démocratique, il est presque inimaginable de ne pas leur donner ce choix.
Je veux parler de ces trois questions. Je sais que je n'aurai pas suffisamment de temps pour en parler à fond, mais je vais au moins essayer de le faire. Je vais établir des liens avec le projet de loi à l'étude. Je ferai ressortir très clairement de mon intervention qu'un examen du projet de loi s'impose avant la deuxième lecture.
Premièrement, la Commission canadienne du blé est aussi secrète que le SCRS, ce qui est presque inimaginable. Par ailleurs, elle n'a pas l'obligation de rendre des comptes. Les gens se demandent pourquoi ses activités sont entourées d'autant de secret.
Ainsi, le vérificateur général n'a pas accès aux documents de la Commission canadienne du blé ni aux informations internes de son conseil d'administration. Par conséquent, nous ne pouvons pas compter sur un rapport du vérificateur général pour examiner les activités de la commission et déterminer si les choses sont faites comme il se doit. Voilà le secret qui entoure les activités de la commission.
Par exemple, c'est grâce à une fuite que nous avons découvert qu'un commissaire qui remet sa démission ou qui est congédié a droit à une indemnité de départ de l'ordre de 290 000 $. En tant que céréaliculteur qui finance les activités de la commission, je n'avais aucun moyen de savoir cela. Nous ne connaissons pas le traitement des commissaires ni, bien entendu, les avantages dont ils bénéficient.
Généralement, les agriculteurs pensent que les avantages sont tout à fait déraisonnables. Comme nous sommes ceux qui payont ces avantages, ces salaires et ces indemnités de départ, nous avons le droit de savoir à combien ils s'élèvent.
L'obligation de rendre compte est le premier problème. La loi a-t-elle été modifiée?
Une voix: Non, c'est pire.
M. Benoit: Le projet de loi traite-t-il de l'obligation de rendre compte? Oui, mais il a empiré les choses, comme vient de le dire mon collègue.
Prenez le paragraphe 3.93(1) du projet de loi:
Les dirigeants, administrateurs et employés de la Commission doivent, dans l'exercice de leurs fonctions, agir:
a) avec intégrité et de bonne foi. . .Le projet de loi énonce ce que doivent faire les administrateurs. Au paragraphe 3.93(3), on lit:
Ne contrevient pas aux obligations que lui imposent les paragraphes (1) et (2) le dirigeant, l'administrateur ou l'employé qui s'appuie de bonne foi sur:
a) des états financiers de la Commission présentant sincèrement la situation de celle-ci, selon l'un de ses dirigeants ou d'après le rapport écrit du vérificateur;
b) les rapports de personnes dont la profession ou la situation permet d'accorder foi à leurs déclarations, notamment les avocats, les notaires, les comptables, les ingénieurs ou les estimateurs.(1120)
Le projet de loi prévoit qu'ils doivent agir avec intégrité. À l'article 3.94, on lit:
La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou leurs prédécesseurs, ou les personnes qui, à sa demande, agissent ou ont agi en cette qualité. . .La commission indemnise d'anciens dirigeants, administrateurs ou employés. Je me demande bien pourquoi. Le ministre peut-il nous dire pourquoi cette protection a été accordée aux anciens dirigeants et administrateurs de la commission? D'après moi, la seule raison est qu'ils ont quelque chose à cacher. On ne peut certainement pas laisser ce paragraphe dans le projet de loi.
En raison des contraintes de temps, je vais passer à ma deuxième préoccupation. Les agriculteurs n'exercent aucun contrôle sur la commission. Ils financent les activités de la commission, mais ils n'exercent aucun contrôle sur elle. Cela a-t-il été changé? Pas nécessairement. Le projet de loi pourrait ne pas donner aux agriculteurs plus de pouvoir sur la commission qu'ils n'en ont maintenant.
Je lis le paragraphe 3.6(1):
Sur la recommandation du ministre, le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner au conseil un ou plusieurs sièges dont le titulaire est à élire par les producteurs conformément au présent article et à ses règlements d'application.Cela veut-il dire qu'il y aura nécessairement au moins un directeur élu? La réponse est non. C'est incroyable. «Le ministre peut décider qu'il y aura un directeur élu.» Ce n'est pas ce qu'il a dit aux agriculteurs.
Le ministre modifiera sans doute cela parce que les agriculteurs ne le toléreront pas. Si ce système est imposé de force, on ne peut prévoir la réaction du monde agricole. Je crois que le ministre peut comprendre et qu'il retirera cette disposition. Cependant, il n'a aucune excuse pour avoir mis une telle disposition dans le projet de loi.
De deux choses l'une: ou il a intentionnellement trompé les agriculteurs et le reste de la population lorsqu'il a dit qu'il y aurait des directeurs élus, ou il fait preuve d'incompétence. Nous sommes devant un projet de loi négligemment rédigé, et c'est intolérable. Dans un cas comme dans l'autre, c'est inacceptable et le ministre doit s'expliquer. Les agriculteurs auront-ils plus de poids? Pas nécessairement.
Troisièmement, il y a la question du monopole ou de la possibilité de choisir pour les agriculteurs. En général, les agriculteurs sont favorables à la Commission canadienne du blé. Cependant, ils veulent aussi pouvoir vendre leurs céréales par l'intermédiaire d'une société ou les vendre eux-mêmes. C'est là un choix que tous les autres Canadiens peuvent faire.
Le projet de loi laisse-t-il une option aux agriculteurs? Pas du tout. Le monopole de la Commission canadienne du blé est maintenu dans son intégralité, et c'est inacceptable, surtout si l'on tient compte du contexte dans lequel ce monopole a vu le jour.
Dans ses mémoires, Mitchell Sharp, ancien député libéral et ministre au sein du gouvernement Trudeau, très proche collaborateur du premier ministre, parle de l'époque où il était haut fonctionnaire au ministère des Finances, pendant la guerre, et il dit que c'est en 1943, en vertu de la Loi sur les mesures de guerre, que le monopole a été confié à la Commission canadienne du blé. Qu'en dit Mitchell Sharp? Tous les libéraux devraient lire les mémoires de M. Sharp. Il dit que, en raison de la guerre, il était raisonnable de créer un monopole pour la vente du blé. Il reconnaît que cela a fait baisser les prix, ce qui était l'objectif visé compte tenu de l'effort de guerre consenti au nom du Canada et de la Grande-Bretagne.
(1125)
M. Sharp affirme qu'il a jugé à l'époque et qu'il croit encore aujourd'hui qu'il est tout à fait injustifié d'avoir conservé ce monopole après la guerre. Il estime que cela coûte très cher aux agriculteurs.
Il fait notamment remarquer que le contrat de cinq ans adopté après la guerre a coûté des centaines de millions de dollars aux agriculteurs. Et cela s'explique uniquement par le monopole accordé à la commission. Les agriculteurs n'ont jamais obtenu d'indemnisation.
Les livres ont été fermés et le secret a été imposé. La commission n'a de comptes à rendre à personne. Le monopole demeure, même s'il n'a plus aucune raison d'être. Il faut changer cela et le plus tôt sera le mieux. Les agriculteurs n'acceptent plus que cette question ne soit pas réglée, et il faut faire quelque chose.
M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux de parler du projet de loi C-72, qui vise à modifier la Loi sur la Commission canadienne du blé. C'est un projet de loi important, et c'est une question importante à laquelle je m'intéresse depuis longtemps.
J'ai discuté de cette question avec de nombreux producteurs d'un bout à l'autre du Canada, surtout en Saskatchewan et dans les Prairies. J'ai assisté à des réunions du groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest dans ma province, en particulier à celles qui ont eu lieu à Kindersley et à North Battleford. On retrouve très peu de ce dont nous avons discuté à ces réunions dans le projet de loi C-72.
L'étape de la deuxième lecture à la Chambre ne se déroulera pas comme d'habitude dans le cas du projet de loi C-72. Il y aura seulement un court débat de trois heures, et le projet de loi sera ensuite renvoyé directement au Comité de l'agriculture pour étude. J'appuie certainement l'étude en comité, mais je m'oppose à ce qu'on coupe court au débat à la Chambre.
Cette pratique qui consiste à envoyer un projet de loi directement au comité avant la deuxième lecture est une innovation récente dans le processus législatif. Dans certains cas, cette pratique fonctionne très bien, mais, dans d'autres cas, elle ne fonctionne pas bien du tout, et je crois que c'est la cas du projet de loi C-72. Le projet de loi C-72 est important pour tous les agriculteurs canadiens. Il est donc important pour le Canada.
La deuxième lecture est habituellement l'étape où les députés se penchent sur le principe d'une nouvelle mesure législative. C'est le moment d'examiner, dans un débat public, les concepts sur lesquels le projet de loi est fondé. C'est l'étape où les députés, qui ont discuté de cette mesure législative avec leurs électeurs, peuvent exprimer le point de vue de ces derniers à la Chambre et le partager avec les autres députés dans l'espoir d'influencer l'étude article par article qui suivra lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité.
Tous les députés ne pourront pas prendre la parole durant ce débat abrégé de trois heures et tous les députés ne sont pas membres du Comité de l'agriculture. Par conséquent, tous les députés et, ce qui est plus important encore, tous leurs électeurs ne pourront pas se faire entendre sur les principes qui sous-tendent ce projet de loi avant la troisième et dernière lecture, lorsqu'il sera trop tard pour apporter des changements majeurs. Cette façon de procéder ne fait qu'accélérer l'étude du projet de loi, en dépit du fait que l'étape de l'étude en comité sera peut-être raccourcie.
L'idée de raccourcir le débat à l'étape de la deuxième lecture a été conçue pour les projets de loi hautement techniques et non pour ceux comme celui sur la Commission canadienne du blé, dont le contenu revêt également un caractère politique et économique. Je m'oppose à ce qu'on ait recours à cette façon de procéder pour le projet de loi C-72. Je crois que le ministre de l'Agriculture l'utilise simplement pour éviter un long débat public sur un projet de loi qu'il sait imparfait, mais qu'il ne veut pas améliorer lui-même.
Je vais citer comme exemple le fait que, le jour où le projet de loi a été présenté, le ministre a dit qu'il était prêt à accepter des amendements. Le jour suivant, le président du Comité de l'agriculture a dit que ce projet de loi serait effectivement modifié. Lorsqu'il a lancé le débat aujourd'hui, le secrétaire parlementaire a dit que le ministre envisageait des amendements. Si le ministre savait que le projet de loi comportait des lacunes, il aurait dû le rédiger comme il faut au départ au lieu de présenter le sujet comme il l'a fait. Il aurait dû dire: «Je suis prêt à écouter. Parlez-moi.» S'il savait que des amendements étaient nécessaires, il aurait dû les apporter au départ.
Je conteste également le moment choisi pour le débat. Il survient en plein milieu du processus de scrutin concernant la motion sur l'avenir de l'orge dans le champ de compétence de la Commission canadienne du blé. J'avais demandé avec d'autres députés que l'étude du projet de loi soit reportée après la fin du vote concernant la motion sur l'orge, de manière à permettre au public d'accorder toute l'attention voulue à ces deux questions. Je regrette que le ministre ait décidé de ne pas suivre ce conseil.
(1130)
Par ailleurs, pour ne pas paraître entièrement négatif, je suis heureux que le comité de l'agriculture auquel le projet de loi est renvoyé envisage de voyager à l'extérieur d'Ottawa pour consulter des agriculteurs, des groupes d'agriculteurs et des collectivités au sujet de ce projet de loi. Je crois que le succès de la Commission canadienne du blé dépend des amendements qui seront apportés et
c'est pourquoi il est important de connaître le point de vue des agriculteurs et des collectivités.
Si le comité décide de se déplacer et en obtient l'autorisation de la Chambre, il aura pris une sage décision. J'espère seulement qu'il aura donné à tout le monde suffisamment de temps pour se préparer à relever adéquatement le défi qui nous attend.
Ce projet de loi est important et c'est pourquoi je tiens à exprimer encore une fois mon inquiétude et ma déception devant la décision du ministre de renoncer à entendre directement les conseils du Comité consultatif de la Commission canadienne du blé élu par les agriculteurs, pendant la rédaction du projet de loi. Le Comité consultatif, qui sera remplacé par suite de ce projet de loi, est composé des agriculteurs qui connaissent le mieux les opérations de la Commission canadienne du blé et leurs effets à la ferme.
Le ministre aurait dû consulter le comité consultatif dès le départ, mais il ne l'a pas fait. Le projet de loi contient des lacunes parce que le ministre a choisi de ne pas consulter. S'il l'avait fait, cela nous aurait épargné un débat superflu et beaucoup de temps et d'argent. C'était tout naturel de demander l'avis du comité consultatif pour la conception et la rédaction de cette mesure législative, mais on ne l'a pas fait.
Peu de députés à la Chambre sont des agriculteurs, encore moins des producteurs de céréales placés sous la juridiction de la Commission canadienne du blé. Aussi est-il difficile pour les députés de se rendre compte du stress causé par les économies de l'industrie céréalière ces dix dernières années. La campagne et les prix de l'an dernier ont probablement été les meilleurs de cette décennie qui a été caractérisée en général par des prix bas, de faibles rendements, une qualité inférieure et un moral de plus en plus bas. Il y a eu un grand nombre de faillites et de renonciations de même qu'un endettement agricole élevé, de nombreux suicides et d'accidents à la ferme.
En même temps, des changements considérables se sont produits sur le marché international, dont, et non des moindres, les pourparlers de l'Uruguay Round du GATT sur les subventions et la création, par la suite, de l'Organisation mondiale du commerce.
Le Canada a convenu avec les États-Unis et l'Europe d'éliminer un certain nombre de programmes identifiés-peut-être à tort, à mon avis-comme des programmes de subventions, ce qui a eu pour résultat de faire perdre aux agriculteurs canadiens leurs programmes d'aide ponctuels, la subvention du Nid-de-Corbeau et certaines garanties en matière de gestion des approvisionnements. J'ajouterai que les gouvernements canadiens sous Mulroney et sous l'actuel premier ministre ont agi de la sorte sans chercher à obtenir une action similaire de la part de l'Europe et des États-Unis qui ont maintenu leurs programmes de soutien agricole tels qu'identifiés par le GATT.
C'est dans cette ambiance volatile que se trouve jetée la Commission canadienne du blé, l'organisme de commercialisation du blé et de l'orge canadiens sur le marché international. Cet organisme qui a maintenu les ventes et les prix durant la période turbulente qu'a été cette dernière décennie a été accusé par les États-Unis d'user de pratiques commerciales déloyales, avec l'appui d'un certain nombre Canadiens qui, pour beaucoup, cherchent un moyen d'échapper aux dettes considérables qu'ils ont accumulées en essayant de surmonter des temps très difficiles.
La Commission canadienne du blé traverse actuellement une période où elle est très vulnérable, et le gouvernement devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour la défendre contre ces attaques de l'extérieur. Ce projet de loi ainsi que-je me permets de le mentionner-le vote concernant la commercialisation de l'orge ne font qu'alimenter un débat qui risque d'affaiblir la commission et, par conséquent, de nuire à son avenir et à l'avenir du revenu agricole.
Le ministre de l'Agriculture devrait au moins résister à toutes les pressions visant à obtenir des modifications substantielles et systématiques de la commission. Il devrait donner à la commission un appui inconditionnel et sans réserve et s'assurer qu'elle ait la souplesse opérationnelle dont elle a besoin pour surmonter ses difficultés internes.
C'est pourquoi, quand on examine le projet de loi C-72, on doit l'envisager dans un contexte plus large. La meilleure chose que le ministre puisse faire, pour le moment, serait peut-être de retirer ce projet de loi, parce qu'il affaiblit la position de la commission et représente un danger pour les revenus futurs des agriculteurs des Prairies, au cours d'une période préélectorale, alors que nous devrions discuter de cette question au cours de la campagne.
Une voix: Il devrait démissionner.
M. Taylor: J'entends mes collègues dire que le ministre devrait démissionner. J'en profite pour signaler que j'appuie cette proposition. Cela semble une très bonne idée. Le ministre devrait démissionner, pourvu qu'il retire le projet de loi avant.
(1135)
Nous avons certainement besoin d'une Commission canadienne du blé plus solide, et non pas affaiblie. En négligeant de renforcer la commission, on trahit les intérêts des agriculteurs au profit des grandes sociétés désireuses de contrôler des marchés internationaux artificiels.
J'espère que nous examinerons le projet de loi de façon beaucoup plus détaillée au comité. C'est pourquoi je ne veux pas entrer dans les détails aujourd'hui. Je veux toutefois signaler certaines choses à la Chambre pendant qu'il est encore temps. Je remarque que, pour ce débat raccourci de trois heures, les députés ont droit à dix minutes. Les discours seraient plus longs s'il s'agissait du débat de deuxième lecture. Beaucoup d'entre nous seraient beaucoup plus à l'aise pour exprimer en détail leurs préoccupations au sujet de ce projet de loi.
D'abord et avant tout, il y a la question de la gestion publique. C'est très clair que les agriculteurs veulent avoir plus d'influence dans la direction des affaires de la commission. Il y a de nombreuses façons d'atteindre ce but, mais le ministre et le gouvernement ont choisi de créer un conseil d'administration élu avec un président du conseil et un président nommés par le gouvernement.
Même si le ministre affirme que la grande majorité des membres du conseil d'administration seront élus par les producteurs, le projet de loi ne dit pas combien de membres seront effectivement élus. Nous avons donc de très sérieuses réserves sur cet aspect. Il semble d'ailleurs y avoir un consensus sur la nécessité d'un meilleur contrôle du fonctionnement de la Commission par les agriculteurs. Non seulement il n'y a aucune garantie qu'il y aura plus que deux ou trois agriculteurs élus, mais en plus il n'y a aucune garantie que leur présence aura une influence quelconque. Tant que le gouvernement nomme certains membres et contrôle la nomination des deux présidents, la Commission ne sera pas responsable devant les producteurs.
En tant que représentant de la Saskatchewan, des néo-démocrates et de beaucoup de producteurs, j'estime que nous devrions avoir certaines garanties sur le fonctionnement à long terme envisagé par cette mesure législative. La plupart d'entre nous, en Saskatchewan, appuyons les modifications qui rendront la Commission plus souple et mieux en mesure de répondre aux producteurs, mais en même temps nous voulons un meilleur équilibre entre la responsabilité des producteurs et la responsabilité financière du gouvernement fédéral.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, il y a probablement aujourd'hui beaucoup de Canadiens qui suivent les débats sur la chaîne parlementaire. Ils doivent se demander de quoi nous parlons. Pourquoi les députés de l'Ouest sont-ils inquiets? Je viens de la Saskatchewan, certains de mes collègues viennent de l'Alberta et du Manitoba. Ce qui nous inquiète c'est l'agriculture, et plus particulièrement une question très précise concernant la Commission canadienne du blé. C'est le sujet du débat d'aujourd'hui.
Mme Cowling: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je me suis levée pour prendre la parole. L'ordre des intervenants n'est-il pas déterminé par rotation?
Le vice-président: La présidence n'a pas vu l'honorable secrétaire parlementaire. Je suis désolé. Si je l'avais vue, je lui aurais certainement donné la parole. Elle a parfaitement raison, pour procédons par rotation. Étant un parfait gentleman de l'Ouest, le député est-il prêt à lui céder la place?
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, est-ce que je pourrai continuer plus tard? Jusqu'à maintenant, il y a eu une véritable pénurie de ministériels pour parler de cette question. Nous n'avons eu aucune réponse. Ce n'est pas un débat. Ça n'a été qu'une série de questions posées par le Parti réformiste et par un député néo-démocrate. Si les ministériels ont quelque chose à dire, nous serions heureux de les écouter. Même le ministre n'a pas encore dit un mot.
Le vice-président: Il me semble que le député laisse entendre qu'il serait lui aussi heureux d'écouter la députée et je suppose qu'il est d'accord pour que la secrétaire parlementaire prenne la parole avant lui.
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): C'est d'accord, tant que je peux parler ensuite.
Le vice-président: L'honorable secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources naturelles, et mes remerciements au député de Yorkton-Melville.
Mme Marlene Cowling (secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, à titre de députée représentant la circonscription rurale de Dauphin-Swan River, à titre de producteur céréalier et en ma qualité de fidèle défenseur de la Commission canadienne du blé, je suis très heureuse de parler du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé.
Ce projet de loi découle des recommandations formulées l'été dernier par le Comité d'examen de la commercialisation du grain de l'Ouest. Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a demandé au comité de tenir des audiences à grande échelle et de présenter des recommandations sur la réforme de la commercialisation du grain dans l'Ouest, afin que le système puisse fonctionner plus efficacement.
(1140)
Après de vastes consultations, nombre de lettres, appels téléphoniques, communications par télécopieur ou courrier électronique, des pétitions, rencontres publiques ou privées, manifestations, débats parlementaires, sondages et tout le travail ardu du comité, nous avons constaté que la plupart des agriculteurs n'avaient pas des opinions extrêmes et irréconciliables.
La même constatation ressort aussi des recommandations du comité, lesquelles, ajoutées aux avis des députés et des gouvernements provinciaux, ont aidé le gouvernement du Canada à rédiger le projet de loi à l'étude aujourd'hui.
Je sais que les agriculteurs et les partis divergent d'opinions et qu'il est impossible de prendre des décisions satisfaisantes pour tous.
Étant donné le morcellement traditionnel de l'industrie céréalière dans l'Ouest et les profondes divisions entre les agriculteurs qui défendent les points de vue les plus extrêmes sur la commercialisation du grain, il est impossible de satisfaire toutes les parties.
La plupart des agriculteurs veulent conserver la commission, mais ils désirent une commission quelque peu modifiée. Ils la veulent plus moderne, plus responsable. Ils veulent pouvoir donner leur avis sur la façon de faire les choses. Ils veulent que la commission soit plus attentive à l'évolution de leurs besoins et de leurs possibilités. Ils veulent un fonctionnement plus souple. Ils veulent que les rentrées d'argent provenant de la vente de leurs céréales leur parviennent le plus rapidement possible. Enfin, bien entendu, ils veulent réduire leur vulnérabilité face aux attaques et aux barrières commerciales des autres pays.
En revanche, la plupart des agriculteurs apprécient les points forts reconnus de la Commission canadienne du blé: sa portée mondiale, sa pugnacité commerciale, sa taille imposante, sa capacité d'affronter avec succès les courtiers en grains les plus puissants au monde, sa capacité de minimiser l'impact des subventions à l'exportation ayant des effets de distorsion sur le commerce dont usent et abusent Européens et Américains, ses systèmes de renseignements commerciaux et de surveillance météorologique-les
meilleurs au monde-et les services complets et poussés qu'elle offre à la clientèle avant et après vente.
La Commission canadienne du blé dessert actuellement plus de 100 000 agriculteurs des Prairies en tant que seul organisme autorisé à vendre du blé et de l'orge destinés à l'exportation et à la consommation humaine au pays. Son chiffre d'affaires annuel frôle les 5 milliards de dollars, ce qui en fait une des entreprises commerciales les plus florissantes du Canada. Elle vient au cinquième rang des exportateurs du Canada et elle est son plus grand générateur de recettes nettes en devises étrangères. Elle fait affaire avec plus de 70 pays et s'est forgé pour elle-même et pour le Canada une réputation très flatteuse auprès de ses clients dans le monde entier.
Mais nous ne saurions nous contenter de ces réalisations. Nous sommes confrontés à un nouvel ordre du monde qui exige que nous modifiions constamment nos méthodes commerciales pour s'adapter aux changements auxquels entend faire face cette mesure législative.
Les changements contenus dans cette mesure législative sont à ranger dans trois grandes catégories. La première catégorie comprend les modifications apportées à la structure, la gestion et l'obligation de rendre compte de la Commission canadienne du blé. La deuxième catégorie porte sur les modifications visant à conférer plus de souplesse aux opérations de la commission du blé et à améliorer ses mouvements de trésorerie. La dernière catégorie regroupe les modifications touchant le mandat de la Commission canadienne du blé en matière de commercialisation ainsi que le renforcement des moyens d'action des agriculteurs.
J'aimerais m'attarder sur la deuxième catégorie de modifications. Afin de favoriser l'achat au comptant et d'accélérer les paiements d'ajustement, la commission sera autorisée à établir des réserves pour éventualités. La Commission canadienne du blé est actuellement restreinte à acheter le grain en provenance des agriculteurs dans des silos ou des wagons moyennant un paiement initial à la livraison, que viennent compléter les ajustements, les paiements intérimaires et le paiement final.
Grâce aux modifications proposées, la Commission canadienne du blé pourra désormais acheter du grain au comptant. Ce pouvoir procurera à la commission une plus grande souplesse dans l'acquisition du grain en ce sens qu'elle pourra faire aux agriculteurs des offres correspondant à un versement unique. Dans le cadre du système de mise en commun, la vente au comptant aura pour effet de réduire l'incertitude en ce qui concerne les livraisons et d'accroître le rendement des pools, notamment en diminuant les frais de surestaries, en favorisant des ventes supplémentaires grâce à des prix intéressants et en améliorant l'efficacité globale du programme de vente de la Commission canadienne du blé. Avec ce pouvoir, la Commission canadienne du blé sera en mesure de soumissionner sur divers prix pour le grain, ce qui lui permettra de s'assurer des approvisionnements de façon plus efficace et d'améliorer l'efficience de son programme de vente, ainsi que le rendement offert aux agriculteurs.
(1145)
La commission sera capable de gérer des ajustements en cours de campagne durant n'importe quelle campagne agricole de façon accélérée, car elle n'aura plus besoin d'obtenir au préalable l'approbation du Cabinet.
À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral garantit les paiements initiaux de la Commission canadienne du blé et les ajustements en cours de campagne. L'exigence actuelle voulant que tous ces paiements soient approuvés au préalable par le Cabinet nuit à la capacité de la Commission canadienne du blé d'ajuster rapidement les prix en cours de campagne.
Pour que la commission puisse fonctionner davantage comme une entreprise privée et ajuster les paiements aux producteurs plus rapidement, on va modifier en fin de compte le système actuel de garanties et d'approbations gouvernementales pour qu'il ne s'applique qu'aux paiements initiaux qui ont été fixés au début de la période de mise en commun. Une fois que la Commission canadienne du blé aura établi un fonds de réserve suffisant, on l'autorisera à faire tous les ajustements ultérieurs et à effectuer des versements connexes aux agriculteurs comme bon lui semble.
Je tiens à signaler que durant ses 61 années d'histoire, la commission n'a jamais accumulé un déficit sur des paiements initiaux ajustés dans le cadre de n'importe quelle mise en commun. Les rares déficits que la commission a accumulés durant son histoire étaient tous reliés au prix initial établi avant le début de la campagne agricole.
On va donc autoriser la Commission canadienne du blé à établir le fonds de réserve voulu pour garantir des ajustements en cours de campagne aux agriculteurs et garantir également les achats au comptant. Pour accumuler les fonds en question, la commission pourra notamment se servir des profits sur ses opérations de crédit qui se sont élevés à 80 millions de dollars environ l'année dernière et d'un prélèvement sur les ventes des producteurs.
La nouvelle souplesse aidera à transférer plus rapidement aux agriculteurs l'argent perçu par la Commission canadienne du blé. Il y a d'autres modifications destinées à accroître la souplesse et la plupart ont été recommandées par le groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest.
Ces modifications donneront à la commission la possibilité d'offrir les paiements liés au stockage du blé, des paiements d'intérêt ou d'autres paiements liés à la livraison en ce qui concerne le grain stocké sur l'exploitation agricole. Cette modification a pour but d'encourager les producteurs à signer des contrats de livraison tôt durant la campagne agricole et elle autorisera aussi la Commission canadienne du blé à payer des primes aux agriculteurs qui livrent rapidement leurs produits.
Le versement de frais d'entreposage réduira la nécessité pour la Commission canadienne du blé d'obtenir du grain également de toutes les Prairies durant la campagne agricole et facilitera ainsi sa planification logistique. Une meilleure logistique entraînera une augmentation des rendements nets pour les agriculteurs.
Aux termes des modifications proposées, la commission aura le pouvoir de verser les ajustements en fin de campagne bien avant le 1er janvier, ce qui est impossible en vertu de la loi actuelle. La loi donnera à la Commission canadienne du blé le pouvoir de fermer un compte de mise en commun dans un délai très court durant la campagne agricole et d'en établir un second pour le reste de la campagne.
Les certificats transférables délivrés aux producteurs donneront une plus grande souplesse en laissant les agriculteurs négocier quand et comment ils veulent être payés pour le grain livré à la
commission. Plus particulièrement, la commission pourra établir un programme qui donnerait aux agriculteurs un mécanisme grâce auquel ils pourront échanger leurs certificats dans des conditions acceptables pour les deux parties.
L'établissement d'installations de stockage en copropriété et la suppression des quotas de livraison pour les céréales produites hors-Commission ont rendu désuète une disposition qui précisait que les livraisons de grain à un silo ne devaient pas dépasser les quotas établis. Comme la commission doit autoriser le transport du grain vers les installations en copropriété, cette modification va officialiser le libre accès des agriculteurs à ces installations.
Avec les modifications proposées au projet de loi C-72, la Commission canadienne du blé sera en mesure de devenir un office de commercialisation encore plus efficace pour les céréaliculteurs de l'ouest du pays.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, je suis déçu encore une fois. Je pensais que, en autorisant la députée à prendre la parole, nous obtiendrions peut-être les réponses à quelques-unes des questions que nous avons soulevées, mais nous ne les avons jamais obtenues. Nous n'avons entendu qu'un de ces innombrables discours rédigés dans les coulisses par des bureaucrates. La députée n'a jamais abordé certaines des préoccupations que soulèvent les agriculteurs de ma circonscription et, comme la députée le sait, ceux de sa circonscription également.
(1150)
Je vais expliquer en quoi consiste ce débat au profit des centaines de milliers de personnes dans tout le pays qui se demandent de quoi nous parlons aujourd'hui. La plupart des députés de l'Ouest qui se préoccupent d'agriculture débattent de la question. La question porte sur la Commission canadienne du blé.
Dans le domaine de l'agriculture, le gouvernement a choisi la Commission canadienne du blé comme secteur particulier de préoccupation. Le gouvernement maintient un contrôle beaucoup plus rigoureux, notamment à l'égard de la commercialisation du blé et de l'orge. Il maintient ce contrôle rigoureux par l'entremise de la Commission canadienne du blé. Voilà l'essence du débat que nous tenons aujourd'hui.
La plupart des Canadiens ne savent peut-être pas pourquoi le débat est important pour les habitants de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. C'est parce qu'ils ne sont pas aussi libres que les Ontariens et les Québécois de vendre leurs céréales, le blé et l'orge. On les traite d'une manière très différente des autres. Il faut que les gens comprennent dans quel contexte se situe le débat.
Qui est-ce que je représente? Pourquoi est-ce que je traite de la question? C'est parce que beaucoup de gens de ma circonscription me l'ont demandé. Je suis leur représentant. Il est de mon devoir d'analyser les projets de loi que le gouvernement présente dans un domaine en particulier, de critiquer ces projets de loi et d'y proposer des modifications.
Ce qui préoccupe le plus les gens, c'est le retard qu'on accuse pour apporter certaines des modifications qui offriront aux agriculteurs les moyens dont ils ont besoin pour bien commercialiser leurs céréales dans le monde d'aujourd'hui. Pourquoi s'inquiéter de ce retard? C'est un retard épouvantable. Le gouvernement est en place depuis trois ans et demi, mais il n'a pas encore apporté la moindre modification. Les habitants de ma circonscription s'inquiètent beaucoup de la faiblesse d'un ministre qui permet une telle situation.
La députée de Dauphin-Swan River a mentionné que le gouvernement devait être certain de proposer les bonnes modifications et qu'il y avait de profondes divisions dans la communauté agricole. Pourquoi ces divisions? Elles sont dues à l'inertie dont les agriculteurs ont été témoins et à leur frustration. Le ministre est responsable de ces divisions et il les élargit en présentant à la Chambre ce projet de loi inefficace.
J'ignore pourquoi le ministre ne s'est pas donné la peine d'intervenir sur cette question. Les agriculteurs attendent une réponse. Ils veulent savoir pourquoi il continue d'examiner la situation. En 1993-1994, la première année de l'actuelle législature, nous avons demandé au ministre d'entreprendre des modifications et il nous avait donné la réponse type: «J'examine la situation.» C'est ce qu'il répète depuis près de deux ans. Il a ensuite constitué un comité d'examen. Aujourd'hui, il poursuit son examen.
On a utilisé toutes les excuses possibles pour ne pas faire les modifications qui donneraient aux agriculteurs plus de contrôle sur la commercialisation de leurs produits. Tous les agriculteurs qui participent au débat, peu importe leurs points de vue, demandent la même chose. Ils veulent avoir plus de pouvoir sur la Commission canadienne du blé. J'ai réalisé un sondage dans ma circonscription et j'ai constaté que la grande majorité des gens, soit 90 p. 100 de ceux qui ont répondu, souhaitent que la commission soit dirigée par des agriculteurs, et non par des bureaucrates ou des politiciens d'Ottawa. Ces derniers prennent beaucoup trop de temps à réagir.
Un des principaux défauts de ce projet de loi, c'est qu'il restreint la possibilité future de modifier la Commission canadienne du blé. Il confère, en l'inscrivant en plus dans la loi, plus de pouvoir au ministre de l'Agriculture, plutôt que de permettre aux agriculteurs de mieux gérer leurs affaires. Tous les Canadiens qui nous écoutent conviendront que c'est une injustice flagrante. On admettra que les agriculteurs doivent obtenir ce qu'ils demandent, peu importe de quel côté on se situe face à la question de la Commission canadienne du blé.
Certains collègues ont parlé de dispositions du projet de loi qui causent beaucoup d'inquiétude. Par exemple, l'article 3.94 prévoit que la commission paiera la note si un de ses dirigeants ou administrateurs commet une erreur. Les agriculteurs seront quand même obligés de payer la note.
(1155)
L'article est bien sûr libellé en jargon d'avocat. Il stipule: «La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou leurs prédécesseurs, ou les personnes qui, à sa demande, agissent ou ont agi en cette qualité» et l'article poursuit en décrivant ce qui fera l'objet d'une indemnisation. Autrement dit, il décharge de toute responsabilité les gens qui transigent au nom des
agriculteurs. Il les décharge de leur responsabilité. Pourquoi cela nous préoccupe-t-il?
Nous savons tous ce qui se passe sur la côte ouest. Des frais de surestarie pour les navires en attente de chargement dans les ports sont imposés aux agriculteurs qui n'ont absolument aucun contrôle sur la situation, mais c'est pourtant eux qui doivent payer la note. Nous voici saisis d'un projet de loi qui incorpore une telle disposition dans la loi concernant la Commission canadienne du blé. Il est absolument déplorable que les agriculteurs aient à payer la note pour des situations qui échappent complètement à leur contrôle. Pourquoi ne pas en imputer la responsabilité à ceux qui sont à l'origine du problème?
Des agriculteurs viennent me voir tous les jours pour déplorer que leurs coûts de transport ont grimpé en flèche, surtout depuis que le gouvernement a supprimé sans avertissement le tarif du Nid-de-Corbeau. Ils font appel à moi en me demandant si je ne pourrais pas faire quelque chose.
L'ennui, c'est que les personnes qui sont à l'origine du problème n'ont pas de comptes à rendre. Elles n'ont pas à payer. Cette disposition figure dans le projet de loi. Cela suscite de vives inquiétudes.
Le gouvernement dit qu'il met en application les recommandations d'un groupe d'étude. Encore une fois, il choisit celles qui font son affaire. Il retient les recommandations très secondaires dont la mise en application ne risque pas de réduire son pouvoir.
Le problème auquel font face les agriculteurs tient essentiellement au fait qu'ils se battent contre le gouvernement omniprésent. Ils sont maintenus au sol. Leur liberté se trouve limitée par le ministre et par les bureaucrates à Ottawa. Ils n'obtiennent pas davantage de contrôle sur leurs propres affaires. C'est pour eux un vif sujet d'inquiétude.
J'ai noté certaines des expressions que le porte-parole du gouvernement a utilisées en présentant le projet de loi et qui visaient à séduire les agriculteurs. Par exemple, il a dit que la Commission canadienne du blé sera évaluée selon ses succès et ses résultats en matière de commercialisation ou selon sa compétence financière. Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi qui permette à un tiers indépendant, comme le vérificateur général, d'évaluer les résultats de la Commission? Les agriculteurs ne savent même pas ce qui se passe. Ils ont beaucoup de mal à déterminer si la Commission fait du bon travail ou pas.
Le ministre sait ce qui se passe. Personne ne me fera croire que le ministre ne sait pas ce que veulent les agriculteurs. Ils veulent exercer le contrôle sur la Commission canadienne du blé. Pourquoi faut-il qu'elle soit contrôlée par les bureaucrates ici à Ottawa? Cette question est restée sans réponse.
Si le ministre tenait à détruire la Commission canadienne du blé, il ne pourrait pas s'y prendre mieux qu'il ne le fait actuellement avec ces retards et la façon dont il s'occupe de la situation. Qu'ils soient pour ou contre la Commission, les agriculteurs me disent que le ministre de l'Agriculture est en train de la détruire. Les agriculteurs sont exaspérés. Ils sont inquiets à propos de ce qui se passe.
Si nous voulons avoir un outil de commercialisation efficace, il faut commencer par mettre en oeuvre certains des changements que préconisent les réformistes. Le processus en cours ne facilitera pas les choses. Renvoyer maintenant le projet de loi au comité constitue simplement une autre tactique dilatoire à mon avis. Je ne pense pas que le débat que nous tenons ce matin facilitera la mise en oeuvre des changements qu'il faut apporter à la Commission canadienne du blé.
M. Julian Reed (Halton-Peel, Lib.): Monsieur le Président, le député de The Battlefords-Meadow Lake a dit que les députés ne pouvaient pas prendre part aux délibérations des comités et que, par conséquent, un grand nombre d'entre eux ne pourraient pas débattre ce projet de loi lorsqu'il serait renvoyé au Comité de l'agriculture.
(1200)
Je dois faire une mise au point et signaler que tous les députés ont parfaitement le droit de prendre la parole pendant les délibérations de tous les comités permanents. Il n'y a absolument aucune restriction. L'affirmation du député est donc, au mieux, fallacieuse. Je le signale à mes collègues d'en face, il sera tout à fait possible de faire connaître ces préoccupations au moment de l'étude en comité.
Le projet de loi à l'étude apporte des changements dans la Commission canadienne du blé pour donner plus de pouvoir aux agriculteurs. Ce que le député de Yorkton-Melville a dit des frais de surestarie qu'il faut absorber lorsque le blé n'arrive pas à temps pour le chargement des navires est plutôt intéressant. Je me demande à qui il imputerait ces frais.
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Aux chemins de fer.
M. Reed: Aux chemins de fer. J'ai pris note que son chef a fait cette déclaration à la presse. Je présume que la prochaine mesure préconisée par son chef sera que le gouvernement reprenne les chemins de fer en charge pour que ces frais soient payés sur le Trésor. Est-ce bien cela que le député souhaite?
L'un des merveilleux avantages de la Commission canadienne du blé et des services qu'elle assure aux céréaliculteurs est que, en période de difficultés, elle nous permet de répartir ces coûts. En ce moment où les cours du grain sont relativement plus élevés que ces dernières années. . .
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Ils ne le sont pas.
M. Reed: Oui, ils le sont, et le député le sait fort bien s'il suit l'évolution des cours. Il y a toujours la tentation ou l'envie de se soustraire à la Commission canadienne du blé et à faire ses transactions directement. Lorsque les cours fléchissent, le vent tourne et certains céréaliculteurs réclament de nouveau la protection de la commission.
Les producteurs réclament un double régime qui leur permet de vendre leur grain de leur côté s'ils le souhaitent sans toutefois être obligés de le faire. Comment diable la commission pourrait-elle
survivre si, dans une année où les prix sont excellents, les producteurs se détournent d'elle et si tous ses employés et toute son infrastructure splendide qui servent à commercialiser le blé restent à ne rien faire? Une autre année, si les prix baissent, les producteurs se tourneront en masse vers la commission, qui devra du jour au lendemain rétablir tout son dispositif.
C'est une façon de faire totalement inacceptable sur les marchés internationaux. Ou bien nous allons jusqu'au bout et les agriculteurs vendent leur grain sans faire appel à la commission, ou bien nous conservons la commission. Je dirai au député que, tant que la majorité des agriculteurs voudront que la Commission canadienne du blé demeure en place, elle demeurera en place. Si les producteurs tournent le dos à la commission, si la majorité d'entre eux n'en veulent plus, le gouvernement ne va pas la leur imposer.
Les députés auront tout le temps de discuter de la question au Comité de l'agriculture, où ils pourront se présenter, qu'ils en soient membres ou non, et exprimer leur point de vue. On les écoutera. Je fais partie de ce comité, et je veillerai à ce qu'on les écoute.
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi C-72, qui modifie la Loi sur la Commission canadienne du blé, dans le but de renvoyer cette question au comité.
(1205)
Mon fils et moi et nos familles exploitons une ferme céréalière de 1 500 acres en Alberta, une des régions qui relèvent de la Commission canadienne du blé. Je dénombre parmi mes collègues de ce côté-ci de la Chambre de nombreux agriculteurs qui ont eu à traiter directement avec la Commission canadienne du blé. Cela m'amuse toujours lorsque j'entends des députés, comme celui de l'Ontario qui est intervenu juste avant moi, louanger le travail de la Commission canadienne du blé, eux qui n'ont jamais eu à composer avec la commission. La province de l'Ontario n'est pas régie par la Commission canadienne du blé, et je sais qu'un autre député ontarien s'apprête à participer au débat.
Chez les députés qui échappent au joug de la Commission du blé et chez les avocats qui chantent les louanges de la commission, il semble y avoir un peu d'hypocrisie. Si la Commission canadienne du blé fait de telles merveilles, pourquoi ne fonctionne-t-elle pas aussi en Ontario et au Québec?
Le projet de loi C-72 est très mal rédigé. Il accroît le contrôle et le pouvoir qu'exerce le ministre de l'Agriculture, ce qui est exactement le contraire de ce que réclament les agriculteurs qui vivent sous la domination de la Commission canadienne du blé. La mesure législative est tellement affreuse que le ministre de l'Agriculture devrait démissionner, mais non pas pour cette seule raison. Le bilan du ministre, depuis qu'il a été élu, il y a de cela trois ans et demi, et qu'il dirige le portefeuille de l'agriculture, est clair. J'énumérerai les décisions qu'il a prises et vous expliquerai en quoi il a failli à la tâche. Par sa façon de traiter les modifications à apporter à la Commission canadienne du blé et d'aborder tout le débat entourant la commercialisation dans l'ouest du Canada, il a rendu furieux tous ceux qui s'intéressent à ces questions.
Permettez-moi de faire un bref rappel historique afin que nous puissions parler de la Commission canadienne du blé en tout connaissance de cause. La Commission canadienne du blé a été créée en 1917, au cours de la Première Guerre mondiale, dans le cadre d'une loi sur les mesures d'urgence. Je comprends très bien pourquoi. En temps de guerre, il importe d'avoir la haute main sur l'approvisionnement de nourriture. Nous avions à l'époque des engagements à l'égard de la Grande-Bretagne et nous voulions avoir des prix stables durant la guerre.
Après la Première Guerre mondiale, la Commission canadienne du blé a été dissoute comme il se devait. Le commerce des céréales a fonctionné comme une économie de libre marché jusqu'en 1935, année où la Commission canadienne du blé a été rétablie. Des pressions avaient été exercées pour que la Commission canadienne du blé soit rétablie, mais elle l'a été comme un marché séparé du commerce privé des céréales. C'est ainsi qu'elle a fonctionné pendant huit ans, soit jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale. Au plus fort de cette guerre, en 1943, le gouvernement libéral a décidé que la Commission canadienne du blé devenait revenir en tant que monopole. Cela s'expliquait encore par la situation de guerre.
J'appuie la décision qui fut prise à l'époque. Nous devions encore fournir des céréales à la Grande-Bretagne. Nous fournissions des céréales à nos alliés. Nous voulions le faire à un prix peu élevé et stable afin d'appuyer l'effort de guerre.
Après la guerre, toutefois, d'autres facteurs sont entrés en jeu. Il y avait des contrats quinquennaux. Comme l'a dit tout à l'heure un de mes collègues, Mitchell Sharp, qui était alors un ministre fédéral, avait beaucoup critiqué le fait que la commission continuait d'être un office de commercialisation à comptoir unique alors qu'aucune guerre n'exigeait plus que ce soit le cas.
Tel est le contexte du débat qui a cours dans l'ouest du Canada depuis plusieurs années. Le débat en est uniquement un de liberté. Des agriculteurs veulent mettre leurs produits en commun, avoir la Commission canadienne du blé pour les commercialiser à leur place et accepter un prix moyen. D'autres agriculteurs préfèrent commercialiser eux-mêmes leurs céréales parce qu'ils croient pouvoir s'en tirer mieux que la commission, parce qu'ils ont des besoins spéciaux à satisfaire, un paiement important à faire sur leur exploitation agricole à un certain moment de l'année, par exemple. Ils ont besoin de liquidités, contrairement peut-être à certains de leurs voisins.
Voilà sur quoi porte le débat. C'est la question de savoir si on doit avoir un régime de commercialisation restrictif administré par la Commission canadienne du blé ou la liberté de choix. Je comprends parfaitement bien les deux points de vue. Nous vivons dans un pays libre et démocratique, et je pense que les agriculteurs devraient avoir le choix entre commercialiser leur grain par l'entremise de la Commission canadienne du blé, obtenant ainsi un prix moyen, ou s'en occuper eux-mêmes. J'estime que c'est aux agriculteurs de décider ce qui leur convient le mieux. Il ne faut pas changer cela.
Voilà la toile de fond de cette question. Depuis trois ans, le gouvernement libéral a supprimé le tarif du Nid-de-Corbeau, mais nos concurrents n'ont pas supprimé leurs subventions de façon équivalente. Nous avons agi plus rapidement que ne le requièrent
nos obligations internationales. Dans l'état actuel des choses, les agriculteurs paient le plein montant du transport. C'est pourquoi ils ont été forcés de trouver le meilleur prix possible; c'est une simple question de survie. C'est ce que font nombre d'entre eux.
(1210)
Cependant, je suis d'avis que le ministre de l'Agriculture complique la tâche à ces agriculteurs qui veulent survivre. Il leur dit qu'ils ne peuvent pas commercialiser leur blé et leur orge sur le marché international. Il leur dit que c'est impossible. Je pense qu'il laisse entendre en fait qu'ils ne sont pas assez intelligents pour le faire.
Passons aux faits. Je suis agriculteur. Nous commercialisons un certain nombre de produits, à l'instar de nos voisins, avec l'aide d'entreprises spécialisées dans ce domaine. Le canola est l'une de nos principales exportations, avec le blé. Le canola n'est pas commercialisé par l'entremise de la Commission canadienne du blé. Les pois non plus. Les agriculteurs commercialisent les produits suivants: la fétuque, le trèfle, le lin, le seigle, les lentilles, et j'en passe. Ils commercialisent le boeuf. Il y a eu une augmentation de 40 p. 100 des exportations de boeuf depuis la conclusion de l'Accord de libre-échange. La Commission canadienne du blé n'a pas à le faire. Il n'y a pas de monopole. C'est une économie de marché.
Je signale à ceux qui nous écoutent que, s'ils préfèrent passer par la Commission canadienne du blé pour commercialiser leur grain, obtenant ainsi un prix moyen, ils n'ont qu'à conserver cette méthode. Cependant, ceux qui ne veulent pas passer par la Commission et qui souhaitent examiner d'autres solutions de rechange devraient avoir le choix.
Voilà qui nous amène à parler des mesures que le gouvernement actuel a prises depuis 1993. Voyons la liste. Le ministre a non seulement supprimé le tarif du nid-de-Corbeau, mais il a aussi décidé d'accroître les pressions dans tout le débat sur la commercialisation du grain et d'instituer un processus de consultation sur la commercialisation du grain, il y a environ un an et demi. Les membres libéraux du groupe chargé de ce processus ont été triés sur le volet. Le président du groupe est un libéral, ami du ministre de l'Agriculture. Le ministre s'est sûrement dit que ce gars-là allait faire ce qu'il souhaitait et qu'il allait présenter un rapport favorable. Je pense que c'était là le plan à l'origine.
Cependant, une fois que les agriculteurs et les associations agricoles ont commencé à exposer leurs vues au groupe chargé du processus de consultation, celui-ci a vu clair. Le groupe a reçu tellement de demandes l'invitant à se rendre dans différentes régions de notre pays qu'il a finalement accepté d'aller à Edmonton et à Regina. Il était censé ne tenir des audiences qu'à Winnipeg.
Dans ma circonscription, il y a un groupe dans la région de Grande-Prairie Peace River qui a déclaré qu'il était insensé que ses représentants doivent se rendre à Winnipeg afin d'exposer leur point de vue aux membres du groupe de consultation et qui s'est dit que ces derniers devraient venir les entendre là où ils pratiquent l'agriculture. Il y a donc eu un compromis, et le groupe chargé du processus de consultation s'est rendu à Edmonton. Ce n'est pas ce qui avait été prévu au départ. Cependant, les producteurs ont exercé tellement de pressions en ce sens que le groupe s'est rendu à leurs arguments.
Les membres du groupe chargé du processus de consultation ont vu clair et ont rédigé, il faut le reconnaître, un rapport digne de foi, qui fait état du besoin de compromis dans certains domaines et de consensus dans d'autres. Ils ont ensuité présenté une série de recommandations. Toutefois, le ministre de l'Agriculture n'a pas donné suite à ces recommandations. En fait, il a même refusé de rencontrer les membres du groupe chargé du processus de consultation pour en discuter. Il a été aussi méprisant parce que le groupe n'a pas produit le genre de rapport qu'il voulait.
En outre, le groupe avait recommandé que l'orge ne soit pas commercialisé par la Commission canadienne du blé. Cependant, le ministre ne pouvait pas l'accepter et il a décidé de tenir son propre vote là-dessus. Il savait, d'après un sondage qu'il avait commandé à Angus Reid plus tôt, que les agriculteurs voulaient pouvoir choisir le mode de commercialisation de leur orge.
Il savait qu'il ne pouvait pas demander aux agriculteurs s'ils voulaient choisir comment commercialiser leur orge, parce qu'il serait perdant et qu'il ne voulait pas cela. Par conséquent, il a formulé une question où les agriculteurs devaient choisir entre tout ou rien: voulez-vous vendre votre orge, votre malt et vos grains fourragers par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé ou préférez-vous que la commission ne s'occupe pas du tout de ces produits pour vous laisser les commercialiser vous-même sur le marché libre?
Ce n'est pas là le débat qui fait rage dans le milieu agricole et lorsque les réponses à cette question auront été comptées et que le ministre aura obtenu la réponse qu'il voulait, le débat continuera parce que l'on n'aura pas répondu à la vraie question.
M. Hermanson: C'est une question malhonnête.
M. Penson: Tout à fait. Cela nous amène aux modifications que le ministre a décidé de proposer à la Loi sur la Commission canadienne du blé. Que contiennent-elles? Le ministre et le gouvernement raffermissent leur mainmise au moment même où ils demandent aux agriculteurs d'accepter de plus grands risques. Cela n'est tout simplement pas acceptable. Si les députés examinent le projet de loi, ils verront un nombre incalculable de passages où il faut «l'approbation du ministre de l'Agriculture et du ministre des Finances».
(1215)
Ainsi, le paragraphe 18(1), qui est une nouvelle disposition, exige que les directeurs de la nouvelle commission suivent toutes les instructions qui leur sont données par le gouverneur en conseil. Il est évident que la commission n'est plus qu'une marionnette contrôlée par le ministre de l'Agriculture.
En terminant, je dirai qu'il est essentiel que le comité de l'agriculture aille dans l'ouest du Canada. Ce serait très instructif pour ses membres parce que nous sommes devant un projet de loi mal rédigé qui ne traduit pas la volonté des agriculteurs. J'exhorte le
comité à prendre tout le temps voulu et à aller rencontrer les agriculteurs pour discuter d'une question très importante pour eux.
M. Murray Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe, Lib.): Monsieur le Président, je veux me pencher sur deux points qui n'ont pas été examinés en détail durant ce débat sur le projet de loi C-72.
Premièrement, je veux régler, une fois pour toutes, une question que certains ont soulevée et qui, en fait, n'est absolument pas fondée. Je veux parler ici de l'idée selon laquelle cette mesure législative annule ou vise à annuler le libre mouvement interprovincial qui existe sur le marché intérieur des céréales fourragères.
Depuis que le gouvernement a adopté un décret à cet égard en 1974, les céréaliculteurs de l'ouest du Canada peuvent vendre eux-mêmes leur orge fourragère et leur blé fourrager sur le marché intérieur, dans des régions désignées, sans passer par la Commission canadienne du blé. Cela ne change pas.
Nous l'avons dit à maintes reprises, notamment dans la politique annoncée par le ministre de l'Agriculture en octobre 1996 et dans les documents distribués à tous les agriculteurs en décembre. Le ministre a fait des remarques à ce sujet à la Chambre, à une réunion des producteurs agricoles de Wild Rose, en Alberta, le mois dernier, et dans une déclaration qu'il a faite à Regina le 21 janvier. Des fonctionnaires d'Agriculture et Agroalimentaire Canada ont également répété la même chose, soit qu'aucun changement n'était apporté au marché intérieur des céréales fourragères.
Comme le ministre l'a dit dans sa déclaration du 21 janvier, ceux qui persistent à soulever ce point se trompent.
M. Hermanson: Savez-vous au moins de quoi vous parlez?
M. Calder: Oui, je le sais. Si vous écoutez, vous allez comprendre. Cet argument semble fondé sur l'idée selon laquelle en abrogeant l'alinéa 46b) de la Loi sur la Commission canadienne du blé, il semblerait que nous abrogeons la disposition législative autorisant le décret en question, qui permet le libre mouvement interprovincial des céréales fourragères dans les régions désignées. Le décret serait donc annulé. Mais ce n'est pas le cas, et je vais maintenant essayer d'expliquer pourquoi.
Le décret n'a rien à voir avec cet alinéa de la Loi sur la Commission canadienne du blé. Il n'en est même pas question. Plusieurs autres dispositions de la loi sont citées. Ainsi, il est absolument faux de dire que l'abrogation de cet alinéa annule le décret.
Si les députés ne veulent pas me croire sur parole, ils n'ont qu'à vérifier dans le DORS 93-486, aux pages 3872 et 3873 de la Gazette du Canada, Partie II, volume 127, numéro 20.
Même si le décret était fondé sur l'article 46, il demeurerait valide tant qu'il n'irait pas à l'encontre de la nouvelle loi modifiée. Comme ce n'est pas le cas, le décret n'est pas menacé.
Je citerai encore une fois le ministre: «Le gouvernement du Canada n'a pas et n'a jamais eu l'intention de limiter les échanges sur le marché intérieur du grain fourrager qui a été libéralisé en 1974.»
Ce simple point ressort catégoriquement du libellé même des questions posées à l'occasion du vote, cet hiver, des producteurs sur la commercialisation de l'orge. Le maintien du marché intérieur de grain fourrager est inscrit dans le libellé même de ces questions.
J'espère que cela mettra un terme au débat, mais si ce n'était pas le cas et qu'un doute raisonnable faisait surface au sujet de cette question pendant l'étude détaillée du projet de loi C-72 par le comité permanent, le ministre a déjà donné l'assurance à l'industrie qu'il serait heureux de recevoir l'avis du comité sur les mesures à prendre pour rendre les choses encore plus claires.
(1220)
Je voudrais également parler du projet de loi modifiant le Code canadien du travail déposé en novembre dernier. Les exportations de grain sont une importante source de devises étrangères pour le Canada. Les ventes de grain dépendent évidemment de notre capacité de livrer du grain de grande qualité dans les délais prévus.
Dans la plupart des cas nous avons respecté ces délais, mais il y eu des arrêts de travail dans les ports de la côte ouest qui ont entravé les exportations. Depuis 1972, par exemple, douze arrêts de travail ont ralenti les exportations de grain, bien que la manutention du grain ait été la cause de l'arrêt dans seulement trois de ces cas. Les neuf autres interruptions avaient été causés par des arrêts de travail des débardeurs.
En novembre dernier, le ministre du Travail a présenté à la Chambre un projet de loi visant à moderniser le Code canadien du travail, notamment la partie portant sur les relations de travail, afin de préciser les droits et les obligations des parties au cours d'un arrêt de travail. Ces modifications sont à l'avantage du secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire, parce qu'elles assurent le transport continu du grain vers les marchés et réduisent les coûts que subissent les agriculteurs lors des arrêts de travail.
Tous les ports canadiens où l'on fait du débardage et d'autres activités, comme le remorquage et l'ancrage, devraient maintenir les services aux navires céréaliers s'ils étaient aux prises avec un arrêt de travail. Les manutentionnaires céréaliers et leurs employeurs conservent le droit de grève et de lock-out. Je suis heureux de voir que cette mesure contribuera à garantir aux agriculteurs l'acheminement du grain vers les marchés, en cas d'arrêts de travail dans les ports canadiens.
Le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire est l'un des plus importants de l'économie canadienne. Si nous continuons à travailler en coopération avec ce secteur pour en améliorer le fonctionnement, je suis sûr qu'il favorisera la croissance, la riches-
se, le commerce, la création d'emplois et l'innovation pour tous les Canadiens. On ne peut nier que nous vivons à une époque de changements sans précédents. Les changements sont plus rapides que jamais auparavant. C'est un peu à cause de la mondialisation créée par la nouvelle réglementation commerciale internationale et les nouvelles possibilités d'échanges internationaux.
Depuis 61 ans, la Commission canadienne du blé est l'une des pierres angulaires du succès de notre industrie agricole. Avec les changements que nous avons adoptés pour bâtir sur ce succès, la commission est dotée d'un mode de gestion plus moderne, elle sera tenue de rendre des comptes aux agriculteurs et aura des règles plus souples qui lui permettront de mieux répondre aux besoins. Ainsi, les agriculteurs auront plus d'influence sur leur système de commercialisation et plus de pouvoirs pour relever les défis très réels qui se présenteront et les possibilités qui s'offriront.
Les modifications à la Loi sur la Commission canadienne du blé, dont nous discutons actuellement, et les modifications au Code canadien du travail pour améliorer les conditions du transport du grain dans les ports de la côte ouest, aideront le Canada à bien commencer le prochain millénaire.
M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part aujourd'hui au débat sur ce projet de loi.
Contrairement à mes collègues très bien informés de Végréville, Kindersley-Lloydminster, Yorkton-Melville, Peace River et Lisgar-Marquette, je ne suis nullement expert dans le fonctionnement et l'histoire de la Commission canadienne du blé. Cependant, je suis capable de lire un projet de loi et je n'aime pas ce que je sens dans celui-ci. Il y a dans ce projet de loi quelque chose qui pue, et je parlerai essentiellement de deux dispositions.
Le ministre essaie de dissimuler quelque chose et de devancer les problèmes lorsqu'il dit au paragraphe 3.93(3) que ne contrevient pas aux obligations que lui imposent les paragraphes (1) ou (2) le dirigeant, l'administrateur ou l'employé qui s'appuie de bonne foi sur les états financiers, le fonctionnement de la Commission canadienne du blé et les rapports des avocats, des notaires, des comptables, des ingénieurs ou des estimateurs, autrement dit de sources qui pourraient révéler la vraie nature de la Commission.
(1225)
De quelles révélations le ministre de l'Agriculture a-t-il peur? Que redoute tant le ministre libéral de l'Agriculture pour prendre la peine d'insérer une disposition comme celle-ci afin de protéger les employés de la Commission canadienne du blé? Qu'est-ce qu'il y a là-dessous? Que sait le ministre que les agriculteurs et les Canadiens ignorent? Quelque chose se passe-t-il à la Commission? Est-ce une affaire de mauvaise gestion? De corruption? D'activités criminelles? On peut le présumer quand on voit les clauses qui ont été insérées dans ce projet de loi. À quoi s'attend le ministre?
L'article 3.94 sent aussi très mauvais: «La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou leurs prédécesseurs, ou les personnes qui, à sa demande, agissent ou ont agi en cette qualité, ainsi que leurs héritiers»-ils n'ont oublié personnes-«et mandataires, de tous les frais et dépens, y compris les sommes versées pour transiger ou pour exécuter un jugement»-ça semble un peu bizarre-«engagés par eux lors de procédures civiles, pénales ou administratives auxquelles ils étaient parties en cette qualité».
À quel genre d'action le ministre s'attend-il qui pourrait justifier une telle disposition assurant une protection aussi généreuse aux dirigeants, administrateurs et employés de la Commission canadienne du blé? Il est question d'accusations au criminel et d'actions au civil.
On ne peut que soupçonner que les gens qui sont en train d'étudier de près le fonctionnement de la Commission canadienne du blé ont découvert quelque chose. Est-ce le cas?
Nous venons d'entendre le député libéral chanter les louanges de la commission. Si elle est si bonne que ça et si elle sert si bien les agriculteurs canadiens, j'aimerais poser une question au député, ce que je ne peux pas faire bien sûr. Peut-être qu'un jour j'aurai une réponse. Si la commission fonctionne si bien, pourquoi ne pas lui confier la responsabilité du maïs ontarien, par exemple? Le maïs sert à nourrir les hommes et les animaux, comme l'orge. Alors pourquoi ne relève-t-il pas de la Commission canadienne du blé? On se demande où s'en va la commission.
Mais revenons au sujet de la protection générale que le ministre de l'Agriculture accorde, aux termes de ce projet de loi, à tous les dirigeants, administrateurs et employés ayant jamais travaillé pour la commission. Tout ce qu'on peut dire c'est qu'il y a quelque chose de louche dans ce projet de loi. Est-ce parce que le ministre de l'Agriculture craint que l'on découvre quelque chose de louche à la Commission canadienne du blé? Est-ce pour cela qu'il a essayé de lui donner une telle immunité et une telle protection dans le projet de loi?
M. Hermanson: Il y a certainement un encouragement à la malhonnêteté.
M. Harris: Comme le disait le député de Kindersley-Lloydminster, quelle magnifique police d'assurance pour quelqu'un qui a l'intention de commettre quelque acte criminel ou frauduleux, ou de faire de la mauvaise gestion dans un domaine où il est en position de confiance. C'est vraiment une magnifique assurance que de savoir que l'on peut faire ces choses et ne pas en subir les conséquences. Je suis surpris que le ministre de la Justice, vu certaines des choses qu'il a présentées à la Chambre, n'ait pas pondu quelque chose comme cela pour tous les escrocs du Canada. Quelle belle assurance! Si on travaille pour la Commission canadienne du blé, on peut faire n'importe quoi en toute impunité, sans risque de poursuites, sans crainte d'avoir à en faire les frais. Nous devrions peut-être en parler au ministre de la Justice. Il pourrait le mettre dans le Code criminel. Il a d'ailleurs déjà mis pas mal d'autres choses stupides dans le Code criminel.
(1230)
Soyons justes avec les Canadiens. Si l'on peut donner l'immunité aux employés, aux dirigeants et aux membres du conseil d'administration de la Commission canadienne du blé, leur donner ce genre de protection s'ils désiraient se livrer à des activités douteuses, pourquoi ne pas être juste et ne pas traiter tous les Canadiens de la même façon, même les escrocs?
Comme je l'ai dit en commençant mon discours, il y a quelque chose qui ne sent pas bon dans ce projet de loi. Ces deux articles ne sont rien d'autre qu'une police d'assurance destinée à protéger ceux qui pourraient avoir des activités douteuses à l'esprit. Rien que pour ces deux articles, le gouvernement devrait prendre son projet de loi et se le mettre où je pense.
Le président suppléant (M. Milliken): La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le président suppléant (M. Milliken): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Milliken): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président suppléant (M. Milliken): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Milliken): À mon avis, les oui l'emportent.
Et plus de cinq députés s'étant levés:
Le président suppléant (M. Milliken): Convoquez les députés.
Après l'appel du timbre:
Le président suppléant (M. Milliken): À la demande du whip adjoint du gouvernement, le vote par appel nominal sur la motion est reporté à demain, à la fin de la période des initiatives ministérielles.
Le 12 décembre 1996-Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien-Deuxième lecture et renvoi au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord du projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.) propose:
Que le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix, soit renvoyé immédiatement au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.-Monsieur le Président, j'aimerais d'abord remercier mes honorables collègues d'envisager le renvoi de cette importante loi au comité pour qu'il en fasse une étude plus approfondie avant la deuxième lecture.
Dès le début, ce gouvernement a cherché à établir, avec les premières nations, une relation fondée sur la pierre angulaire de l'autonomie gouvernementale. Nous avons fait des progrès remarquables vers l'atteinte de cet objectif et nous sommes impatients de voir le droit inhérent des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale pleinement mis en oeuvre partout au Canada.
Pendant que nous nous employons à atteindre cet objectif, nous devons aussi éliminer les obstacles au développement social, économique et politique des premières nations. Certaines dispositions de la Loi sur les Indiens constituent de tels obstacles.
(1235)
À mesure que les négociations arriveront à terme, menant ainsi à la ratification d'ententes-et nous participons actuellement à environ 80 négociations d'autonomie gouvernementale à l'échelle du pays-la Loi sur les Indiens s'appliquera de moins en moins à l'ensemble des Premières nations, et aucunement à celles qui auront conclu des ententes d'autonomie gouvernementale. Cependant, l'autonomie gouvernementale ne se réalisera pas du jour au lendemain et, jusqu'à ce que ces négociations prennent fin et que toutes les premières nations se gouvernent elles-mêmes de nouveau, la Loi sur les Indiens demeurera en vigueur.
Depuis de nombreuses années, la Loi sur les Indiens occupe une place unique dans l'esprit et dans la vie des premières nations. Elle est perçue à la fois comme nécessaire et indésirable, protectrice et offensante, rempart et prison.
Dans la section de son rapport consacrée à la Loi sur les Indiens la Commission royale sur les peuples autochtones cite Harold Cardinal, dirigeant cri, qui résume de façon éloquente les sentiments ambivalents de plusieurs premières nations à l'égard de la Loi. Monsieur Cardinal déclare: «Aucune société qui oserait se prétendre juste ne pourrait longtemps tolérer une telle loi, mais nous préférerions continuer à vivre dans l'asservissement, soumis à l'inéquitable Loi sur les Indiens, que de renoncer à nos droits sacrés.»
C'est là le dilemme. Jusqu'ici, se libérer des contraintes de cette loi pouvait aussi signifier, pour les premières nations, se soustraire à sa protection et à la reconnaissance que celles-ci occupent une position juridique unique au Canada, qui comporte une relation particulière avec le gouvernement fédéral. Il n'est guère étonnant qu'on se soit montré très réticent à s'écarter du statu quo.
Cependant, le statu quo ne pouvait ni ne devait être maintenu. La situation devait changer. Il fallait adopter une approche différente. Voilà pourquoi nous avons déposé la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens. Ce projet de loi s'éloigne légèrement de la Loi sur les Indiens, mais il ne prive pas les premières nations des droits que leur confère la loi, et il ne délie pas le gouvernement fédéral de ses obligations envers les premières nations. Toutefois, pour qu'il n'y ait aucune confusion ni aucun malentendu, nous avons inclus un article de non-dérogation dans ce projet de loi-pour indiquer clairement qu'aucune de ses dispositions n'abroge les droits actuellement protégés par l'article 35 de la Constitution, ou n'y porte atteinte. Cela s'applique aussi au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Nous reconnaissons aussi que certaines premières nations ne voudront pas nécessairement adhérer aux dispositions de la nouvelle loi. Les premières nations voudront étudier cette dernière et en comprendre les incidences. Voilà pourquoi cette loi est entièrement facultative. Ceux qui choisiront de s'y conformer pourront appliquer les dispositions de cette loi à la conduite de leurs affaires locales et à leur gestion courante. L'actuelle Loi sur les Indiens continuera à s'appliquer aux premières nations qui choisiront de ne pas observer la nouvelle loi, ainsi qu'à toutes les premières nations pour ce qui a trait aux domaines où le texte de loi proposé ne se prononce pas.
Pourquoi, proposons-nous cette alternative à la Loi sur les Indiens? Pourquoi proposons-nous la première modification majeure à la Loi sur les Indiens en 45 ans? La réponse est simple: l'équité l'impose, la justice l'exige et les circonstances le réclament.
Nous n'avons pas le choix. La loi sur les Indiens est le reflet d'une époque révolue. Une époque où les premières nations étaient traitées comme les pupilles de l'État, une époque où les gouvernements non autochtones ne croyaient pas que les premières nations puissent diriger leurs propres affaires et gérer leur propre vie. C'était une époque où le «grand frère» à Ottawa s'était octroyé le pouvoir d'envahir et de réglementer les aspects les plus banals de la vie des premières nations. C'était une époque où les croyances religieuses et culturelles des autochtones étaient réprimées et où leurs revendications en matière de justice et de droits fonciers se voyaient opposer une fin de non-recevoir.
Mais aujourd'hui, nous vivons à une époque bien différente. Est-il pensable qu'aujourd'hui, en ma qualité de ministre, j'aie le pouvoir d'exploiter des fermes sur les terres des premières nations, d'acheter et de distribuer les semences et de décider de la façon de dépenser les recettes de l'exploitation? La Loi sur les Indiens m'octroie le pouvoir de faire tout cela sans l'assentiment des premières nations et sans préavis. La Loi sur les Indiens m'attribue le pouvoir de disposer des herbes sauvages ainsi que du bois mort ou tombé sur les terres des premières nations sans leur autorisation. Dans les Prairies, les fermiers des Premières nations ne peuvent même pas vendre légalement leur blé ou leurs autres produits agricoles sans mon consentement.
(1240)
C'est absolument ridicule et inacceptable. Ce n'est pas ainsi que les Premières nations en arriveront à l'autosuffisance. Ce n'est pas ainsi qu'un esprit d'autonomie économique peut s'épanouir. Ce n'est pas ainsi que nous pourrons entretenir des relations plus harmonieuses avec les premières nations de notre pays.
Il est tout simplement nécessaire d'offrir une autre option. Il faut que le gouvernement se retire des domaines qui devraient relever de la compétence exclusive des premières nations. Il faut surmonter ces obstacles pour permettre aux premières nations de créer leurs propres systèmes économiques et de construire leur avenir comme elles l'entendent. Il y a longtemps qu'on aurait dû agir en ce sens.
Aucun gouvernement ne devrait introduire de tels changements s'appliquant à un groupe particulier de la société sans le consulter et lui donner toutes les chances de s'exprimer. Nous avons donc consulté les intéressés de façon très exhaustive, et nous proposons de poursuivre ces consultations dans le cadre de l'étude en comité. Voilà pourquoi nous voulons rendre cette loi facultative.
Ce que nous proposons n'a rien de radical. Les modifications facultatives sont d'ordre mineur, mais, dans leur ensemble, elles augmenteront notablement les pouvoirs des premières nations et réduiront ceux du ministre et du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Cette approche est progressive et vise à agir dans les secteurs où se dessine un soutien valable et à mener des consultations dans ceux qui ne jouissent pas de ce soutien. C'est la meilleure façon de procéder et c'est pourquoi nous agissons ainsi. Voilà précisément la raison pour laquelle les premières nations et les gouvernements s'entendent pour continuer les discussions et le dialogue.
Il convient de renvoyer ce projet de loi au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord avant de procéder à la deuxième lecture. Ce renvoi au comité a aussi de l'importance parce que nous sommes disposés, le cas échéant, à apporter d'autres changements au projet de loi C-79. Si nous suivons le cheminement parlementaire régulier et si nous renvoyons le projet de loi au comité seulement après la deuxième lecture, le comité aura l'impression qu'il doit restreindre la portée de ses amendements. Il importe de ne pas créer une telle impression.
Nous croyons que des discussions publiques franches doivent avoir lieu. Nous souhaitons que le comité ait toute liberté pour mener les consultations les plus exhaustives possible et qu'il jouisse d'une discrétion maximale pour donner suite aux propositions qu'il pourra recevoir. Si l'on renvoie ce projet de loi au comité à ce moment-ci, celui-ci aura l'occasion de tenir des audiences approfondies et de considérer l'opportunité d'ajouter ou de supprimer certaines dispositions.
Il pourrait bien s'avérer opportun, à l'heure qu'il est, que cette Chambre songe à établir un mécanisme plus officiel, par exemple, que le Comité permanent procède à un examen annuel de la Loi sur les Indiens. Ce processus pourrait permettre aux premières nations de faire valoir leurs préoccupations en ce qui concerne des aspects particuliers de la loi. Dans l'intervalle, nous continuerons à concentrer notre énergie sur la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, sur le règlement des revendications territoriales et sur l'amélioration des conditions socio-économiques.
La Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens donne des pouvoirs accrus aux premières nations et facilite l'exécution de plusieurs tâches. Elle ne représente pas le terme de notre démarche, mais un moyen d'atteindre nos objectifs.
J'occupe mon poste depuis trois ans. Je croyais que la vallée de larmes dans laquelle marchent les autochtones depuis des centaines d'années n'était que cela, une vallée. Ce n'est pas une vallée. En revenant, ils pensaient que c'était une vallée, mais c'est un mur. Je
vois pratiquement les dirigeants autochtones dans tout le pays s'armer de piques pour tenter d'escalader ce mur. Nous devons briser ce mur, peu m'importe si les Nations Unies ont dit pendant trois années consécutives que le Canada était le meilleur pays où vivre. Tant que nous n'aurons pas brisé ce mur, tant que nous ne pourrons pas ramener les autochtones au point où ils se trouvaient au moment de la première rencontre avec eux, nous ne mériterons pas cet honneur. Briser ce mur nous permettra de leur assurer un avenir meilleur et plus équitable dont nous pourrons tous être fiers en tant que Canadiens.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, d'entrée de jeu, je dirais que les paroles du ministre sont un peu incohérentes avec le plan d'action qu'il développe, mais j'en parlerai un peu plus tard.
Le fait de dire aujourd'hui qu'on va modifier la Loi sur les Indiens par ce projet de loi, alors que depuis trois ans, on dit vouloir s'en débarrasser, dire aujourd'hui qu'on a fait une consultation très large, alors que 550 communautés autochtones sur 600 au Canada s'y opposent, je trouve que c'est un écran de fumée.
(1245)
Je le dis au départ, le Bloc québécois votera contre ce projet de loi et le Bloc québécois est également contre la procédure accélérée. On ne fait pas cela parce parce qu'on veut donner plus de chance au comité pour présenter des amendements, c'est parce qu'on veut se dépêcher d'adopter ce projet de loi.
Je trouve bizarre également que ce projet de loi soit à l'étude devant la Chambre la journée même où le Budget sera présenté. Tout le cirque qui se prépare à l'extérieur de la Chambre, tout le monde se concentre sur la présentation du Budget et non pas sur ce projet de loi comme tel. Pour ma part, je considère que c'est un écran de fumée que fait le ministre. Cela s'inscrit aussi dans le courant historique. Avant de savoir où on va, il faut expliquer où on en est rendus, il faut expliquer l'histoire.
Avant le contact avec les Européens, les grandes capitales aux XIVe et XVe siècles ont commencé à rayonner internationalement: Londres, Paris, etc. Ces gens n'avaient pas connaissance que sur un autre continent, il y avait aussi des peuples appelés les peuples autochtones d'Amérique, que ces gens rayonnaient dans toute l'Amérique. Il n'y avait aucun problème, parce que peut-être que les deux continents, finalement, ne se connaissaient pas.
Là où les problèmes ont commencé, c'est lors du contact. Je parle, entre autres, du XVIe au XIXe siècle. Au départ, quand on rencontre une nouvelle civilisation, on est un peu curieux, il y a aussi une espèce d'appréhension mutuelle. On ne sait pas ce que l'autre veut, ce que ces gens viennent faire. Il y a un temps d'adaptation. Cela commence par des petits échanges commerciaux, des échanges de cadeaux. C'est un peu ce qui se passe aujourd'hui en diplomatie. Alors, c'était ainsi à l'époque.
Tout cela a avancé, et finalement, il y a eu un large éventail d'échanges commerciaux, d'échanges militaires et de coalitions militaires avec les Premières Nations au contact des Européens. On est alors entrés dans toute la période des traités.
Naturellement, il y avait, d'un côté, les Européens dotés de l'autorité du roi, qui arrivaient avec leur sceau pour marquer les traités, alors que du côté des autochtones, la philosophie était différente.
D'ailleurs, j'ai un passage qui explique un peu le wampum. Il m'apparaît important de le citer, car on entend souvent parler du wampum. La philosophie autochtone y est très bien décrite. Ce n'était pas un sceau royal, pour eux, c'était des échanges de wampum:
Un fond de wampum blanc symbolise la pureté de l'entente. Deux rangs de pourpre représentent l'esprit de nos ancêtres respectifs.Ils ne respectaient pas seulement leurs propres ancêtres, ils respectaient même les ancêtres de l'autre partie.
Trois perles de wampum séparent les deux rangs; elles symbolisent la paix, l'amitié et le respect. Les deux rangs représentent deux voies parallèles, deux embarcations naviguant ensemble sur le même cours d'eau. L'une, un canot d'écorce de bouleau, représente les Indiens, leurs lois, leurs coutumes et leurs traditions, tandis que l'autre, un navire, désigne les Blancs, leurs lois, leurs coutumes et leurs traditions. Nous voyageons ensemble, côte à côte, mais chacun dans son embarcation sans que ni l'un ni l'autre n'essaie de diriger l'embarcation de son voisin.C'était cela la philosophie autochtone. C'est bien loin de la philosophie des Européens qui, déjà, voyaient pour eux un terra nullius, une terre qui était à être conquise. Ces traités ont été signés de bonne foi par les autochtones, peut-être pas marqués d'un sceau royal, mais pour eux, la tradition qu'il y avait à l'époque du wampum, c'est ainsi qu'ils l'exprimaient.
Est venue la proclamation royale par la suite, et encore une fois, le ton paternaliste que le ministre emploie était très présent à l'époque.
Je vous lis un extrait de la proclamation royale: «Et comme il est juste, raisonnable et essentiel à nos intérêts-les intérêts de la Couronne-et à la sûreté de nos colonies-les colonies de la Couronne-que les différentes nations de sauvages-parce que c'est comme ça qu'on les appelait à l'époque-avec lesquelles nous avons quelques relations et qui vivent sous notre protection, ne soient ni inquiétées et ni troublées dans la possession de telles parties de nos domaines et territoires comme ne nous ayant pas été cédés, ni achetés par nous, leur sont réservés, ou à aucun d'eux, comme leur pays de chasse. . .» et cela se poursuit.
On voit un peu le ton. Mais ce qui est important, c'est qu'à l'époque, les autochtones considéraient que c'était de nation à nation que le roi s'exprimait là-dessus, même si dans les faits, il y avait un ton certainement paternaliste.
Lorsqu'on parle de protection, c'est là-dessus que va se développer la subtilité et la machine à assimilation du gouvernement fédéral à l'égard des autochtones.
(1250)
Au XIXe siècle, la quasi-égalité a commencé à se dégrader. Il y a eu la fameuse politique d'immigration où les gens arrivaient des nouveaux continents à pleins bateaux. Finalement, en 1812, on s'est ramassé avec dix fois plus de nouveaux arrivants que d'autochtones, parce qu'ils avaient été décimés par les maladies.
Et le commerce de la fourrure se mourait. Alors, les colonies, le Dominion, n'avaient plus besoin de la main-d'oeuvre autochtone pour aller ramasser des fourrures afin de faire des échanges commerciaux. Cela a commencé à changer. Les nouveaux domaines d'économie étaient la forêt, le bois, l'agriculture et les minéraux.
Et là, les autochtones ont été saisis comme des gens qu'il fallait éloigner. C'est là qu'avec cette nouvelle économie, les Indiens sont devenus un obstacle pour le gouvernement fédéral et, à mon point de vue, aujourd'hui encore, avec certaines choses qu'on fait là, teintées de paternalisme, ce qui est presque héréditaire du côté gouvernemental, on se rend compte que c'est à peu près la même chose. L'idéologie de la supériorité des Européens s'est développée.
Le ministre est en train de nous dire qu'il modifie la Loi des Indiens envers et contre tous. Pourquoi, si ce n'est pas qu'il a un pouvoir actuellement, qu'il l'exerce à plein et qu'il est en train de décider de l'avenir des Indiens du Canada? Cela représente quelque 500 000 personnes au Canada. Il dit: «J'ai le pouvoir. Je sais que vous êtes contre, mais je ferai ce qui est bon pour vous.» Il n'y a pas beaucoup de changements entre cette période et aujourd'hui.
La subtilité, à l'époque, était la fameuse protection de la Proclamation royale qui, pour le gouvernement, pour le Dominion, s'est changée en domination-assimilation. Et là, la machine à assimilation s'est mise en branle.
En 1849, il y a eu une tache odieuse au gouvernement, à des institutions démocratiques: les pensionnats. On a commencé à prendre les enfants des tribus autochtones et à les amener dans des pensionnats pour briser leur culture, leur langue et faire en sorte qu'on puisse les assimiler aux immigrants, en nombre dix fois plus grand. Alors, dix fois plus nombreux que les autochtones étaient les Blancs à cette époque.
En 1867, une date reconnue, chantée de toutes les louanges du Parti libéral et de tous les partis fédéralistes: la Constitution du Canada, signée par les Pères de la Confédération, mais sans la présence des autochtones. Même que le premier ministre nouvellement élu de l'époque disait qu'il voulait en finir avec le système tribal et assimiler totalement les Indiens au Dominion.
On voit un peu ce qui poussait le gouvernement de l'époque à faire en sorte qu'il fallait briser l'aspect gouvernemental des autochtones. C'est là que la Loi sur les Indiens, tout à fait cohérente avec le pacte confédératif, venait régenter l'ensemble de la vie des autochtones. Non seulement on plaçait les enfants dans les pensionnats mais, en plus, on disait: «Vos gouvernements ne fonctionneront plus comme ça, vous allez les élire de la façon qu'on vous dira. On vous chassera de vos terres à certains moments, et s'il manque de gibier à un endroit, on vous enverra ailleurs. C'est nous qui décidons.» De plus, s'il y avait des minéraux importants à un endroit, le gouvernement disait: «Il n'y a plus de gibier à cet endroit, on va vous envoyer ailleurs», profitant justement de ce déménagement pour faire de l'argent.
Cela s'est poursuivi de cette façon. C'étaient des déplacements qu'on appelait, à l'époque, «dans l'intérêt national».
En 1969, l'actuel premier ministre, ministre des Affaires indiennes de l'époque, a présenté son Livre blanc. C'était la même chose: la machine à assimilation était en route. Il disait: «Il faut abolir la Loi sur les Indiens.» On entend les mêmes paroles de la bouche du ministre aujourd'hui. C'était l'égalité qu'on voulait prôner. Encore une fois, il y a eu une levée de boucliers chez les autochtones.
Finalement, les autochtones se sont pris en main. Il y a eu un mouvement international, et se servant de l'aspect juridique, les autochtones se sont mis à dire: «Il y a des gens ailleurs sur la planète qui sont victimes comme nous» et, finalement, la Cour suprême et les cours supérieures de chacune des provinces ont toujours rendu des sentences favorables aux autochtones, ce qui a fait en sorte qu'en 1982, on a été obligé d'ajouter dans la Constitution canadienne l'article 35 qui protège leurs droits ancestraux.
Donc, le ministre s'inscrit dans cette tradition. Il n'a pas respecté le livre rouge. D'ailleurs, David Nahwegahbow et Russell Diabo, qui ont eux-mêmes rédigé le livre, ont dit: «Ils ont renié leurs promesses, donc on se retire de là.»
Il y a eu des consultations bidon, je l'ai dit. De plus, 550 communautés autochtones ne veulent pas de ce projet de loi, et le ministre fonce quand même, affronte les partis d'opposition, l'opposition officielle et le Parti réformiste, s'inscrit à l'encontre de la philosophie du rapport Erasmus-Dussault.
Alors, l'histoire jugera le ministre. Il n'est pas trop tard pour lui. Qu'il retire son projet de loi et peut-être que l'histoire se souviendra de lui en tant que quelqu'un de progressiste, mais, en attendant, s'il poursuit cette démarche, il sera jugé comme faisant partie de la machine à assimilation, comme les autres.
(1255)
[Traduction]
M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, je suis une fois de plus heureux de me prononcer sur le projet de loi C-79.
J'ai assisté à la conférence de presse où le ministre a présenté cette mesure législative. Je n'ai pas été impressionné à ce moment-là et, à présent que j'ai eu l'occasion d'étudier le projet de loi, je ne le suis pas davantage.
J'ai écouté avec intérêt la conclusion du ministre. Il a parlé de la nécessité de détruire le mur. S'il existe un mur, c'est bien la Loi sur les Indiens. Et la seule façon de le détruire, c'est d'abroger la loi.
Néanmoins, je ne crois pas que ce soit une bonne analogie. Il s'agit plutôt d'un gouffre. C'est un gouffre où on a poussé les autochtones et dont ils n'arrivent pas à sortir. Maintenant, nous creusons un deuxième gouffre et nous leur donnons le choix entre deux gouffres, en introduisant le projet de loi C-97.
À l'issue de la conférence de presse du ministre, Ovide Mercredi, le chef de l'Assemblée des Premières Nations, a pris la parole au nom des 500 bandes indiennes qui s'opposent à cette mesure législative. Il a déclaré ceci: «Nous n'aimons pas la Loi sur les Indiensno 1, pourquoi aimerions-nous la Loi sur les Indiens no 2?» Il faisait allusion à ce projet de loi. Il a comparé la Loi sur les Indiens à une cage en disant: «Pourquoi devrions-nous être heureux quand le gouvernement nous présente la nouvelle cage qu'il a fabriquée exprès pour nous?»
Le ministre des Affaires indiennes a promis de modifier la Loi sur les Indiens. Le projet de loi C-79 ne modifie aucunement la Loi sur les Indiens. Il s'agit d'une mesure législative qui autorise les bandes indiennes à se soustraire à l'actuelle Loi sur les Indiens pour s'engouffrer dans une nouvelle.
Plus précisément, aux termes du projet de loi C-79, la vente de produits agricoles ou d'artefacts n'est plus subordonnée à l'autorisation du ministre. La mesure ne dit pas clairement si les conseils de bande peuvent passer outre à la Commission canadienne du blé, qui a d'ailleurs été l'objet du débat un peu plus tôt ce matin. Il faut se demander s'ils seraient tenus de se soumettre aux règlements de la commission.
Les conseils de bande se voient accorder de nouveaux pouvoirs de réglementation. Les amendes infligées en cas de violation de la Loi sur les Indiens, des règlements pris sous son régime ou des règlements administratifs seront directement versées aux conseils de bande. Le montant des amendes maximales est fixé à 5 000 $. Personne n'a à rendre compte de ces recettes et elles ne modifient nullement le montant en argent des contribuables qui est versé à la collectivité. Encore là, il nous faut une explication. Nous voulons comprendre.
Le projet de loi C-79 autorise aussi les bandes à mettre sur pied un système de paiement volontaire, afin de faciliter le contrôle d'application des règlements administratifs.
Toujours aux termes du projet de loi C-79, le ministre, et non le gouverneur en conseil, est investi du pouvoir d'annuler une élection. Le mandat du chef et des conseillers passe de deux à trois ans. Cette disposition ne réjouira pas de nombreux autochtones qui vivent sous la gouverne de conseils de bande non démocratiques.
Le ministre est investi du pouvoir de conclure des ententes avec les conseils de bande en matière d'éducation. Il semble que ce soit déjà le cas. Le ministre ne fait-il qu'inscrire dans la loi, ou légitimer, ce qui se produit aujourd'hui?
En vertu du projet de loi C-79, le ministre n'exerce plus aucun pouvoir à l'égard de la construction et de la remise en état des routes. Toutefois, le projet de loi ne dit pas qui sera responsable de la sécurité publique sur les routes et les ponts qui relèvent des bandes. Bien des questions restent sans réponse.
La mesure confère aux conseils de bande la gestion des ressources naturelles sur les territoires qui leur appartiennent. Cependant, on ne tient toujours pas compte des revenus découlant de l'exploitation de ces ressources. Et ces revenus ne contribueront pas à réduire le montant des subventions et autres contributions émanant du gouvernement fédéral. Le rapport fondamental entre la Couronne et les peuples autochtones n'a pas changé.
Le projet de loi C-79 comporte un article de non-dérogation. Les droits issus de traités des peuples autochtones demeurent protégés en vertu de l'article 35 de la Constitution. Rien dans le projet de loi C-79 ne touche la fiscalité, l'inscription à titre d'Indien ou de membre d'une bande ou la protection des terres de réserve. Le projet de loi C-79 est comme son cousin, le projet de loi C-75.
Le projet de loi sur la gestion des terres des premières nations, présenté le 10 décembre 1996, crée deux catégories de bande et prévoit un statut spécial pour celles qui choisissent de se prévaloir des dispositions du projet de loi C-79.
Le projet de loi C-79 ne répond cependant pas aux critères stricts de notre parti en matière d'égalité, de responsabilité financière ou de responsabilité démocratique au niveau de la bande. Ce sont les trois critères selon lesquels nous apprécions les mesures législatives.
Le projet de loi C-79 est le premier projet de loi présenté par le ministre qui ne soit pas une initiative du gouvernement conservateur précédent. La mesure à l'étude ne tient cependant pas la promesse du ministre de modifier la Loi sur les Indiens. Il s'agit d'une mesure indépendante, qui ne modifie pas la loi actuelle sur les Indiens.
(1300)
Le ministre s'est dépêché de présenter le projet de loi C-79 pour remplir une promesse et répondre à la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones. L'examen qu'en ont fait les fonctionnaires de la Justice est suspect, car on y a apporté des modifications jusqu'à la veille de son dépôt à la Chambre.
L'Assemblée des Premières Nations soutient qu'une centaine seulement des 600 premières nations appuient le projet de loi C-79. Il n'assure pas l'égalité démocratique et il suscite de vives inquiétudes à propos des pouvoirs accordés aux chefs et aux membres des conseils de bande.
Le projet de loi C-79 n'assure pas non plus la responsabilité financière et réduit le pouvoir d'examen du ministre. Le vérificateur général n'est toujours pas autorisé à examiner les livres des bandes, tout comme il n'est pas autorisé à le faire dans le cas de la Commission canadienne du blé.
La constitutionnalité du projet de loi C-79 sera probablement contestée en raison de l'option offerte. Cela créera un cauchemar bureautique où les avocats et les consultants s'en donneront à coeur joie. Cette situation nous préoccupe grandement.
Dans cette mesure législative, tout comme dans le projet de loi C-75, le ministre se désengage de ses responsabilités et s'en lave les mains, au lieu de s'attaquer aux dispositions de la Loi sur les indiens qui ont besoin d'être modifiées ou abrogées.
Les Canadiens, tant les autochtones que les non-autochtones, avaient besoin de leadership et d'un projet d'avenir. Ils n'ont rien obtenu de tout cela. Pourquoi le ministre craint-il de prôner l'égalité? Voici quelques-unes des mesures cruciales que nous devons prendre pour aspirer à l'égalité. Par égalité, je n'entends pas assimilation.
La Loi sur les Indiens doit être abrogée et remplacée par une mesure législative qui tendra davantage vers la véritable égalité. Nous devrions peut-être l'appeler la Loi sur l'égalité des indiens. Il faut nous entendre sur une définition de l'autonomie gouvernementale. Nous n'y sommes encore jamais parvenus.
La majorité des Canadiens, y compris la population autochtone, appuieront l'autonomie gouvernementale des autochtones en autant que le gouvernement fédéral entretienne avec les réserves indiennes le même genre de relations qu'il a avec les provinces et les municipalités. La plupart des autochtones du Canada-ils sont à peu près 500 000-vivent déjà dans des municipalités régies par les provinces. Le gouvernement fédéral est toujours responsable d'environ 350 000 Indiens visés par un traité qui vivent actuellement au Canada, dans des réserves ou sur des terres publiques.
Les Indiens visés par un traité devraient jouir des mêmes droits et des mêmes libertés que les dizaines de millions d'habitants des municipalités du Canada et assumer les mêmes obligations et responsabilités.
Pour que l'autonomie gouvernementale se concrétise, il faut que la loi canadienne, y compris la charte des droits et libertés, s'applique également aux autochtones et aux gouvernements indiens. Nous ne pouvons avoir deux systèmes.
Des gouvernements régionaux indiens ne seront pas vraiment démocratiques ni financièrement responsables tant et aussi longtemps qu'ils n'établiront pas des relations normales entre contribuables et gouvernement. Le gouvernement fédéral doit s'assurer que les sommes dues en vertu de traités sont en partie payables directement aux Indiens visés par un traité qui vivent dans des réserves. Une administration locale de bande pourrait alors établir un régime fiscal local pour payer pour les services locaux. Les versements gouvernementaux au titre de l'aide sociale et du logement pourraient facilement être transférés de cette manière. Toutes les sommes et avantages dus en vertu de traités devraient être considérés comme des avantages imposables conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu.
Tous les Indiens visés par un traité devraient payer de l'impôt sur le revenu, des taxes d'accise et la TPS, à l'instar de tous les autres Canadiens. Tous les Indiens visés par un traité qui ont droit à des indemnités ou à des services promis par un traité devraient pouvoir toucher ces sommes directement du gouvernement fédéral ou par l'intermédiaire de gouvernements régionaux indiens. Ils devraient pouvoir choisir cette option en tout temps.
Le gouvernement fédéral et les Indiens devraient honorer tous les engagements qu'ils prennent l'un envers les autres dans les traités. Les règlements des revendications territoriales devraient être négociés publiquement. Ils devraient être établis en termes précis. Ils devraient être définitifs. Ils devraient être conclus à l'intérieur d'un calendrier précis et être abordables pour le Canada et les provinces. Toutes les réserves ou toutes les terres conférées par les ententes devraient continuer de faire partie d'un Canada souverain.
On devrait publier la valeur et la portée de toues les revendications territoriales. C'est ce qu'on devrait faire en premier lorsqu'il s'agit de revendications territoriales des Indiens. Pour que l'option à l'équité fonctionne, tout Indien visé par un traité qui a droit à des terres conformément à la formule articulée dans chaque traité devrait avoir le choix entre prendre lui-même possession de sa propriété et la joindre au fonds de terres administré par le gouvernement régional indien.
(1305)
Tout Indien qui souhaite quitter pour toujours la réserve devrait pouvoir négocier avec le gouvernement une formule d'indemnisation personnelle qui l'aidera à faire la transition vers un nouvel emploi et une nouvelle vie à l'extérieur de la réserve. L'indemnité devrait constituer une juste monnaie d'échange pour les avantages dus en vertu d'un traité.
Le projet de loi C-79 crée deux catégories d'autochtones. Il ne va pas faciliter, mais plutôt compliquer les choses en matière d'équité et de responsabilité. À l'instar du projet de loi C-75, il deviendra un cauchemar bureaucratique et constitutionnel, élargissant le fossé entre les autochtones et les non-autochtones et fournissant une vache à lait aux avocats et aux experts-conseils. Le mieux que nous avons à faire est de laisser le projet de loi C-79 au Feuilleton.
M. Julian Reed (Halton-Peel, Lib.): Monsieur le Président, il est un vieux proverbe oriental que nous connaissons tous par coeur: un voyage de mille milles commence par un premier pas.
Il y a trois ans et demi, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a fait le premier, le deuxième et le troisième pas, et il s'est avancé dans des territoires neufs afin de réaliser de grands progrès. C'est précisément ce qu'il a fait au cours de ces trois ans et demi. Il importe de féliciter le ministre de sa perspicacité, de sa détermination, de son travail acharné et des consultations approfondies qu'il a menées pendant toute cette période auprès de toutes les bandes indiennes au Canada.
C'est pour moi un grand honneur que de parler de la motion sur le projet de loi C-79, qui vise à renvoyer le projet de loi au comité pour qu'on y recueille d'autres commentaires, qu'on poursuive la consultation et qu'on apporte peut-être aussi des amendements au projet. Le projet de loi traite de préoccupations qui ont été trop longtemps négligées et d'inefficacités trop longtemps tolérées. Il offre un choix aux premières nations. Si elles le souhaitent, elles peuvent se soustraire à certaines dispositions de la Loi sur les indiens, mais elles n'y sont pas obligées.
Le projet de loi vise à réduire les pouvoirs du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et à confier aux premières nations davantage de pouvoirs pour la gestion de leurs propres affaires courantes.
Certains ont prétendu que le gouvernement n'avait pas assez consulté avant de proposer le projet de loi. Ils voudraient que les délais se prolongent encore, qu'on brasse encore des papiers, qu'on se torde les mains d'impuissance pour finir par accepter le statu quo. Cela suffit peut-être aux yeux de certains députés, mais c'est inacceptable pour le ministre et pour le gouvernement.
La vérité, c'est que le gouvernement du Canada essaie d'améliorer la Loi sur les Indiens non pas depuis un, deux ou trois ans, mais depuis 50 ans. Le rafistolage a commencé tout de suite après l'adoption de la Loi sur les Indiens en 1876. Depuis lors, il y a eu un certain nombre de tentatives visant à rendre la loi plus pertinente, plus juste et mieux adaptée.
La première grande série de modifications date de 1951 et faisait suite au rapport d'un comité mixte de la Chambre et du Sénat. Ces modifications étaient d'une grande portée, mais elles ne changeaient en rien la nature foncièrement paternaliste de la loi initiale. Certes, les pouvoirs du ministre étaient réduits, mais ils restaient très étendus et envahissants.
Une autre tentative a été faite en 1960. Des observations sur la Loi sur les Indiens ont été formulées à l'intention d'un comité mixte et sont restées lettre morte.
En 1969, des consultations approfondies se sont tenues sur toute la question de la relation entre le gouvernement et les Premières nations. Dans leur mémoire, les nations unifiées de la région de l'intérieur de la Colombie-Britannique ont dit quelque chose que l'on considérait alors comme vrai et que l'on considère encore comme vrai. Ils ont dit: «La Loi sur les Indiens n'est sûrement pas la solution aux problèmes des Indiens d'aujourd'hui.» C'était en 1969. La Loi sur les Indiens n'était pas plus utile alors aux premières nations qu'elle ne l'est maintenant.
(1310)
La Loi sur les Indiens a été réexaminée en 1970 quand les chefs de l'Alberta ont publié leur rapport dans lequel ils recommandaient de modifier et non d'abroger la Loi sur les Indiens. Aucune modification n'a été apportée. C'était le statu quo.
En 1982, la Chambre a institué un groupe de travail parlementaire sur l'autonomie gouvernementale des Indiens, qui était composé de membres officiels ou membres de liaison, de représentants de l'Association autochtone nationale et de l'Association des femmes autochtones. Le groupe a déposé son rapport, que l'on appelle communément le rapport Penner, en novembre 1983.
S'il avait été mis en oeuvre, ce rapport aurait fondamentalement modifié les relations entre les premières nations et le gouvernement fédéral. La Loi sur les Indiens serait devenue inopérante dans une large mesure, mais encore une fois, les efforts n'ont guère porté fruit et la Loi sur les Indiens est restée en vigueur.
D'autres consultations ont eu lieu avec les chefs d'un océan à l'autre, et le gouvernement a présenté un projet de loi en 1984. Malheureusement, les premières nations s'y sont opposées, et le projet de loi est resté en plan après la deuxième lecture.
Le gouvernement de l'époque a présenté un autre projet de loi, le C-31, dès l'année suivante. Celui-ci visait plusieurs dispositions de la Loi sur les Indiens qui exerçaient une discrimination fondée sur le sexe et il rendait la loi beaucoup plus équitable. Il a été adopté, mais les problèmes sous-jacents de la loi sont demeurés inchangés.
En 1986, le vérificateur général a mené la première vérification exhaustive au sein du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le rapport du vérificateur général traitait des terres, des recettes et des fiducies, questions régies par la Loi sur les Indiens. Après sa publication, le ministère a entrepris une étude approfondie de ces questions, étude à l'issue de laquelle le gouvernement a présenté le projet de loi C-115. Les modifications proposées dans celui-ci s'inspiraient de recommandations formulées par la bande de Kamloops, en Colombie-Britannique.
Ces recommandations qui avaient été étudiées par le gouvernement et les conseils de bandes ont ensuite été soumises, pour commentaires, à tous les chefs, provinces et députés. D'avril à décembre 1986, d'autres consultations ont été organisées avec les bandes, les organisations, les provinces et les représentants fédéraux. Ces modifications, appelées modifications de Kamloops, ont finalement été adoptées en 1988.
C'est aussi en 1988 que le projet de loi C-122 a été présenté. Il visait un problème très restreint de la Loi sur les Indiens qui était signalé dans un rapport du Comité mixte permanent des règlements. Ce projet de loi n'a pas été au-delà de la première lecture.
En 1988, d'autres modifications ont été apportées à la Loi sur les Indiens par le projet de loi C-123, qui portait sur le soutien des mineurs, et le projet de loi C-150, qui corrigeait une erreur technique découverte dans la Loi sur les Indiens de 1985.
Nous arrivons donc à l'époque actuelle. Je me suis étendu sur les efforts déployés dans le passé pour modifier la Loi sur les Indiens parce qu'il est important de situer les modifications optionnelles à cette loi dans leur contexte. Le projet de loi à l'étude arrive après de nombreuses années de frustration et d'étude. Les uns après les autres, les gouvernements se sont penchés sur la question, ils ont consulté, discuté, examiné, pesé et soupesé. La Loi sur les Indiens est devenue l'une des lois les plus étudiées de notre histoire. Cependant, toutes ces études ont donné peu de résultats.
La loi qui existe en 1997 n'a pratiquement pas changé depuis 1951. Les premières nations trouvent, avec raison, cette loi avilissante pour eux. Nous avons une loi qui traite les premières nations comme les pupilles de l'État et donne au ministre le pouvoir d'intervenir dans les affaires des collectivités autochtones.
Le temps est venu d'offrir la possibilité de changer les choses, de commencer à mettre fin au paternalisme de la Loi sur les Indiens. Avant de présenter le projet de loi, nous avons mené nos propres consultations auprès des premières nations et je voudrais en parler brièvement.
(1315)
Tout d'abord, le ministre a lancé l'idée du projet de loi lors du sommet des chefs qui a eu lieu en Alberta en mars 1995. Le mois suivant, il a écrit à tous les chefs, conseillers et leaders des organisations autochtones pour leur demander leur avis sur les modifications à apporter à la loi. C'était, comme le dit le proverbe chinois, le long voyage qui se fait un pas à la fois.
En se fondant sur les nombreuses discussions avec les premières nations et les contributions reçues, le ministre a présenté une proposition en septembre 1995. . .
Le président suppléant (M. Lincoln): Je prie le député de conclure, son temps est écoulé.
M. Reed: Monsieur le Président, je ne voudrais pas ralentir les travaux de la Chambre.
En conclusion, le ministre a proposé sa vision des choses et les modifications, qui sont jugées très importantes, seront renvoyées au comité, qui les étudiera et y proposera des amendements si nécessaire. Nous espérons que le rêve du ministre deviendra réalité.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, je me demandais justement pourquoi on entame l'étude de ce projet de loi à ce moment-ci. Je viens d'apprendre, dans la conclusion de mon collègue de Halton-Peel, que c'était pour dire que le ministre avait bien fini sa course.
Pourtant, ce projet de loi, le projet de loi C-79, ne vient qu'amender la loi honnie de tous, la Loi sur les Indiens, la Indian Act. Cette loi infantilise les autochtones, en fait des mineurs, des incapables. Cette loi leur impose un régime de gouvernement qui a fait, à toutes fins pratiques, que certains ont perdu ou n'ont pas été capables de se servir de leur propre régime de gouvernement. Avec cette loi, on force, presque par la porte d'en arrière, les autochtones à l'accepter.
Ce qui me choque le plus dans ce projet de loi, c'est son caractère vicieux. La loi force-même s'il y aura quelques petites peccadilles, quelques petits bonbons-les conseils de bande qui veulent ces petits bonbons à accepter eux-mêmes le principe de cette loi détestée, cette loi qui est, pour eux, symbole de sujétion.
Il y a d'autres raisons pour lesquelles ce projet de loi est choquant. Il est choquant aussi parce que personne, parmi ceux qui se sont penchés sur la question des autochtones en commission, ou autrement au Canada, n'a pensé que, non seulement la solution, mais le début de la queue d'une solution, passait par des amendements à la Loi sur les Indiens.
Pourtant, le livre rouge qui était d'une générosité, d'une compréhension, d'une compassion, offrait toute espèce de mirage, et jamais il ne parlait d'amendements mineurs à la Loi sur les Indiens. Nous nous retrouvons très certainement à la veille d'une élection, et le ministre veut pouvoir dire: «Mission accomplie». Vous pouvez être certain d'une chose, c'est qu'il ne pourra pas compter sur nous pour pouvoir dire cela.
Les autochtones du Canada-permettez que je dise les autochtones-en ont gros sur le coeur. C'est une question à laquelle je m'intéresse depuis longtemps. J'étais ministre du gouvernement Lévesque, quand René Lévesque, à l'Assemblée nationale, solennellement, a reconnu les dix nations autochtones et inuits. C'était à la suite d'un processus où, en 1983, on avait réuni l'ensemble des représentants des autochtones et on leur avait fait des propositions. Ces propositions n'étaient pas toutes jugées suffisantes, mais c'était le début d'un processus de changement.
Évidemment, comme la Loi sur les Indiens était la loi suprême, d'un côté, et que de l'autre, il y avait un processus de transformation supposément commencé au niveau du gouvernement fédéral, avec le Comité Penner et ensuite la Commission Erasmus-Dussault, les autochtones du Québec ont préféré dire: «C'est charmant ce que vous nous offrez, mais on va continuer à utiliser, au niveau du fédéral, les droits que nous pensons pouvoir nous faire reconnaître là.» Au Québec, on a reconnu qu'en effet, c'était un processus qui pouvait être suivi.
(1320)
Mais depuis ce temps, que s'est-il passé? Il y a eu récemment le rapport Erasmus-Dussault, qui est à des lieues, mais des lieues, sur une autre planète, de ce projet de loi C-79. On n'entend pas parler de ce rapport. On ne sait d'aucune espèce de façon sur quelle tablette il se trouve. Mais ce qu'on voit, cependant, c'est cette espèce de rejeton qui n'est même pas digne de s'appeler tentative de solution à la question autochtone.
Au Québec, pendant ce temps, le Parti québécois, qui est devenu ensuite le gouvernement du Parti québécois, a travaillé fort sur des propositions à faire aux autochtones, et ces propositions ont été faites avec les différents groupes autochtones, avec des leaders des communautés. Ce à quoi on en est arrivé, c'est à la possibilité de transformation qui débarrasse, une fois pour toutes, de la Loi sur les Indiens, qui permet à chaque communauté, suivant son rythme, de devenir gérante de ses ressources, de développer d'ailleurs son économie, de participer à plus large que son territoire à l'environnement, et je suis certaine que les autochtones du Québec commencent à comprendre quelque chose.
Ils commencent à comprendre qu'ils vont avoir intérêt à négocier avec le gouvernement d'un Québec qui aura décidé de sa souveraineté, parce que s'ils attendent du Canada des aménagements dont on leur a promis les contours futuristes, ils vont s'apercevoir qu'ils ne les verront jamais.
Déjà, et ce n'est pas en soi une gloire, loin de là, parce qu'il y a du rattrapage important à faire au niveau de la condition des autochtones, mais déjà, pour toute personne qui connaît un peu le dossier, il est su et connu que les conditions des autochtones sont largement meilleures au Québec qu'ailleurs, y compris pour la connaissance et la rétention de la langue maternelle, que ce soit par rapport à la population, à l'instruction, à la pauvreté.
Il y a aussi eu l'Entente de la Baie James, signée par Robert Bourassa, qui demeure un modèle du genre. Malgré le si triste épisode d'Oka, dont on ne veut pas parler ici, les rapports du Québec, du peuple québécois avec les autochtones ont été des rapports qui témoignaient, bien sûr, d'un passé avec lequel il fallait vivre, mais qui n'avaient pas de commun rapport avec ce qu'on peut voir ailleurs.
Il est triste en même temps de constater que ce gouvernement, au lieu de vraiment faire avancer la question autochtone-on peut faire un parallèle avec la question nationale-ait plutôt choisi la voie de la facilité, mais une facilité que j'ai caractérisée de vicieuse, puisqu'elle va forcer les communautés autochtones à accepter les principes de base de cette Loi sur les Indiens s'ils veulent profiter de certains aménagements.
J'ajoute qu'il est assez spécial aussi que ce projet de loi soit facultatif. C'est la bande et son conseil qui devront décider, et quand ils décident de passer à la nouvelle loi, ils ne peuvent revenir en arrière.
(1325)
Or, on sait que cette question peut entraîner des divisions importantes et que, là aussi, le processus de règlement va continuer à demeurer dans les mains de ceux qui administrent la Loi sur les Indiens. Au lieu de s'en trouver mieux, la question autochtone se trouve plus embrouillée que jamais, et avec moins de futur positif prévisible.
[Traduction]
Mme Marlene Cowling (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au débat sur le renvoi de la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens au comité avant la deuxième lecture. Le ministre a déjà donné un aperçu du contenu du projet de loi. Il a fait référence à l'objectif global qu'a le gouvernement fédéral d'alléger le poids de son pouvoir sur la vie des membres des premières nations.
Ce texte législatif ne remplace ni ne modifie la Loi sur les Indiens. Il se veut plutôt une solution de rechange à certaines parties de la loi. Les premières nations peuvent choisir de respecter ses dispositions ou de continuer d'être régies par la Loi sur les Indiens.
Avec le temps, la Loi sur les Indiens sera abolie. Elle est désuète. Elle est paternaliste, encombrante et coûteuse. Elle accorde au ministre des pouvoirs dont il n'a pas besoin. Je prévois que, d'ici à ce que la Loi sur les Indiens soit abrogée, très peu de premières nations y seront encore assujetties. Il en sera ainsi parce que notre gouvernement a décidé d'édifier un modèle d'autonomie gouvernementale fondé sur l'opinion générale des peuples autochtones. On doit donc considérer cette mesure législative dans un contexte beaucoup plus large, un contexte marqué par l'énergie que déploie le gouvernement afin de promouvoir le droit inhérent des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale.
Au cours de la longue histoire des relations entre les gouvernements et les peuples autochtones, l'autonomie gouvernementale de ces peuples a connu des hauts et des bas. Ce n'est pas une histoire heureuse. Elle dénote un manque fondamental de compréhension de la part des gouvernements antérieurs. Ils n'appréciaient ni le raffinement des cultures autochtones, ni leurs formes de gouvernement. L'histoire de la législation concernant les premières nations dénote un degré d'arrogance et de paternalisme qui nous fait secouer la tête et nous demander comment les gouvernements ont pu faire preuve d'une telle étroitesse d'esprit et d'une aussi grande insensibilité, et être aussi injustes.
Le cadre de la politique des premières nations se fonde, depuis 200 ans, sur cinq lois. En premier lieu, il y a eu la Proclamation royale de 1763, qui séparait les terres indiennes de celles qui constituaient les colonies et instituait un processus permettant d'acheter des terres indiennes. En deuxième lieu, il a eu la Gradual Civilization of the Indian Tribes in Canada Act de 1857 et, en troisième lieu, la Gradual Enfranchisement Act de 1869. Ces lois avaient pour objet d'éliminer toute distinction entre les Indiens et les non-Indiens.
En quatrième lieu, il y eu la Loi sur les Indiens de 1876, la première à porter ce titre. Elle consolidait les lois antérieures et apportait de nouvelles dispositions. Puis, en cinquième lieu, il y a eu la Loi sur les Indiens de 1951, qui faisait suite aux recommandations d'un comité mixte de la Chambre et de l'autre endroit. Elle présentait des réformes majeures, y compris la réduction des pouvoirs du gouvernement. Ce sont là les principales lois, mais, entre ces deux dates charnières, on a adopté plusieurs modifications qui ont eu une incidence profonde sur la vie quotidienne des premières nations.
Je vais rappeler certains points constants qui apparaissent dans ces lois et règlements. Je crois qu'en observant la façon dont les règles ont été changées au gré des gouvernements successifs, la Chambre comprendra mieux pourquoi nous voulons maintenant offrir aux premières nations la possibilité de s'émanciper de la tutelle du gouvernement. L'un de ces points dominants est la question fondamentale: qui est Indien? En 1876, il s'agissait d'une personne de sang indien ou, dans le cas de mariages mixtes, d'une femme non indienne mariée à un Indien.
La loi de 1951 a substitué la notion d'inscription à celle du sang indien. Les Indiens inscrits avaient le droit d'adhérer à une bande et de vivre dans une réserve. Les femmes indiennes mariées à des non-Indiens n'étaient pas reconnues comme Indiennes. Cela n'a pas changé jusqu'à ce que la Loi sur les Indiens soit modifiée en 1985.
(1330)
Toutefois, le sujet de l'identité indienne nous amène à remettre en question le pouvoir décisionnel du gouvernement en cette matière-il s'agit de déterminer si ce dernier a le droit de retirer à un Indien ses droits et privilèges. C'était là le but du Gradual Civilization Act adopté en 1857. Il comportait la notion «d'émancipation». Un Indien adulte de sexe masculin pouvait s'émanciper mais il perdait son statut d'Indien.
Au fil des ans, le gouvernement a tenté d'inciter les Indiens à abondonner leur statut en leur promettant des terres qu'ils pourraient posséder personnellement, et non à titre de membres d'une bande. En 1857, le gouvernement promettait jusqu'à 50 acres. Combien d'Indiens se sont laissé leurrer? Combien ont consenti à perdre leur statut d'Indien pour obtenir l'émancipation et le droit de propriété privé sur des terres de réserve? Un seul, et cela entre 1857 et l'adoption de la Loi sur les Indiens, soit 19 ans plus tard. Cette façon d'inciter les Indiens à renoncer à leur mode de vie traditionnel ne donnait pas de résultats. La loi a donc été modifiée en 1876.
Dans une expression de paternalisme à couper le souffle, on a imposé l'émancipation automatique à tout Indien qui obtenait un diplôme universitaire ou qui devenait médecin, avocat ou ministre du culte. L'émancipation obligatoire de tous les Indiens de plus de 21 ans a été alternativement intégrée ou retirée de la loi à maintes reprises au cours des 43 années qui ont suivi. En 1933, on l'a réintroduite et elle est demeurée en vigueur jusqu'à ce que la loi soit modifiée en 1951.
Ce qui ressort de tout cela, c'est une série de décisions arbitraires prises par les gouvernements antérieurs pour tenter de détruire le tissu social des premières nations en retirant le statut d'Indien à certains des membres les plus éminents des collectivités des premières nations. Cela fait partie de l'héritage de la Loi sur les Indiens. Ces pouvoirs arbitraires s'étendent à d'autres sphères.
En fait, le principal problème découlant de l'émancipation concernait un autre vaste secteur conflictuel: les terres. L'histoire des relations entre les gouvernement et les premières nations en matière foncière témoigne d'un degré alarmant d'imposition autoritaire de la volonté gouvernementale. La possession individuelle de terres dans les réserves a été instituée en 1876. Les résidants recevaient un «billet de location» du surintendant général. C'était l'unique façon pour les résidants des réserves d'être légalement reconnus comme titulaires de leurs propres parcelles de terre. Le surintendant général pouvait ordonner l'arpentage des réserves et leur subdivision en lots, puis exiger que les membres de la bande obtiennent des billets de location.
En 1884, un Indien de sexe masculin qui était titulaire d'un billet de location pouvait léguer sa propriété aux membres de sa famille-y compris sa femme-mais, pour cela, son épouse devait vivre avec lui au moment de sa mort et elle devait jouir d'une «bonne réputation morale». Qui jugeait de sa bonne réputation morale? Les autorités gouvernementales.
Le gouvernement, et non le conseil de bande, décidait de la façon de dépenser l'argent provenant de la cession et de la vente des terres ou des autres ressources de la réserve. Le surintendant général, et non le conseil de bande autorisait les non-Indiens à résider sur les terres de réserves ou à les utiliser.
Le gouverneur en conseil pouvait permettre l'émission de baux relatifs aux droits de superficie dans les réserves indiennes-l'approbation du conseil de bande n'était pas requise. En vertu des modifications adoptées en 1919, les propriétaires fonciers devaient recevoir une indemnisation, mais en 1938, même cette disposition a été abrogée.
En 1941, on interdisait aux Indiens de vendre des produits agricoles, des fourrures et des animaux sauvages. Aujourd'hui encore, la Loi sur les Indiens comporte des dispositions interdisant aux Indiens de l'Ouest de vendre des produits agricoles sans autorisation officielle.
Les changements apportés à la loi en 1951 ont éliminé bon nombre des injustices les plus flagrantes concernant les terres. Les pouvoirs d'expropriation ont été réduits de façon notable. L'administration des successions des Indiens a été harmonisée avec les lois provinciales. Toutefois, plusieurs des anciens règlements s'appliquent toujours.
(1335)
À l'heure actuelle, on se demande encore comment les anciens gouvernements ont pu être si rigides et si paternalistes. Cependant, le jour viendra où les Canadiens se demanderont pourquoi nous avons conservé tant de restrictions dans la Loi sur les Indiens dans la seconde moitié du XXe siècle. Le gouvernement a déposé le projet de loi qui nous est soumis pour nous permettre d'échapper aux anciens règlements et d'inaugurer une nouvelle ère dépourvue de paternalisme.
J'invite tous les députés à se joindre à moi pour renvoyer ce projet de loi au comité pour qu'il l'étudie de façon plus approfondie.
M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole sur le projet de loi C-79, qui permet ce qu'on appelle des modifications facultatives à la Loi sur les Indiens. J'ai été très heureux d'entendre les propos du ministre, au moment où il a présenté ce projet de loi, et les observations d'autres députés libéraux, quant aux raisons de modifier cette loi et, éventuellement, de l'éliminer.
Je félicite le ministre des Affaires indiennes pour le travail qu'il a effectué au cours des trois dernières années en visitant les autochtones des quatre coins du pays. Il a probablement voyagé davantage que tout autre ministre des Affaires indiennes que j'aie connu.
On dirait que, en voyageant, il en a appris un peu sur ce que les Indiens ont envie d'entendre. Les mesures qu'il a prises ne sont toutefois pas celles que la majorité des Indiens voulaient lui voir prendre. Les Indiens du Canada aimeraient que les propos du ministre et des députés aient plus de conséquences sur les lois qu'on leur propose et sur les mesures que prend le gouvernement. Ils aimeraient qu'on abolisse certains obstacles à leur développement et qu'on leur assure les ressources dont ils ont besoin pour se tirer des difficultés dans lesquelles les ont plongés les lois et les pratiques gouvernementales antérieures.
Je reconnais que le projet de loi C-79 a ses bons côtés, mais c'est négligeable quand on pense à ce qu'il faudrait faire, de nos jours, pour les autochtones du Canada. Ce projet de loi autorise le gouvernement à se retirer de certains aspects de la vie communautaire des Indiens et laisse les premières nations visées libres d'accepter la proposition ou de maintenir le statu quo.
Si l'on s'arrête à des éléments précis, on voit par exemple que les représentants du Ministère ne sont plus tenus d'approuver les produits agricoles pour la vente. C'est admirable, mais c'est déjà le cas depuis plusieurs années. Essentiellement, depuis des années, les autorités, le ministère et le ministre font comme si cet élément de la Loi sur les Indiens n'existait pas.
Le projet de loi prévoit que les premières nations n'auront plus besoin d'attendre les instructions du ministre avant de réparer une route. Je suis sûr que la plupart des premières nations sont très contentes de ne plus avoir à demander la permission du ministre pour réparer leurs routes, mais elles n'ont pas d'argent pour les réparer. Leurs routes sont dans un état lamentable parce que les premières nations ne disposent pas des ressources nécessaires. Elles n'ont pas besoin de demander quoi que ce soit au ministre, puisqu'elles ne peuvent pas les réparer de toute façon. Si le gouvernement voulait vraiment fournir une aide à cet égard, il veillerait à ce que l'argent n'aille pas seulement à la remise en état des routes, mais aussi à l'aménagement de nouvelles routes reliant les réseaux
routiers provinciaux qui ne desservent pas un grand nombre de collectivités des premières nations.
Le projet de loi propose aussi de porter de deux à trois ans le mandat du chef et du conseil. Visiblement, beaucoup de gouvernements indiens se réjouiraient de cette mesure, mais la plupart ont demandé que le mandat soit porté à quatre ans. Comme le mandat d'autres gouvernements qui les entourent est de quatre ans, beaucoup de gouvernements indiens voient ce qu'ils ont entrepris interrompu à la fin de la deuxième ou de la troisième année et la plupart pensent qu'un mandat de quatre ans serait préférable. Il est très important pour eux de pouvoir fixer leur propre mandat avec les gens de leurs communautés.
(1340)
Je remarque que dans les documents qu'ils nous a fournis, le gouvernement dit que cela ne change pas fondamentalement les rapports fiduciaires de la Couronne et ses obligations découlant des traités. Le terme fondamentalement est très important pour les autochtones au Canada pour lesquels la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral est primordiale. Il y a responsabilité fiduciaire et on ne peut pas changer cela. Toutefois, le gouvernement dit qu'elle ne sera pas fondamentalement affectée. Cela veut dire qu'il est possible qu'elle le soit d'une certaine façon. Nous devons nous assurer qu'elle ne le soit pas du tout.
Tout cela fait suite à la publication du rapport de la Commission royale sur les autochtones. On a beaucoup parlé dans le pays du coût de ce rapport et du temps qu'il a fallu à la commission pour le produire. Cinquante-huit millions de dollars ont été consacrés à la commission royale, de l'argent que, selon les dires mêmes du ministre, il aurait préféré consacrer au logement.
Quoi que nous pensions du processus et du financement de la commission royale, le fait est que les documents publiés par la commission royale sont là. C'est l'étude la plus exhaustive des liens entre les autochtones et le reste d'entre nous qui ait jamais été entreprise dans ce pays.
Je n'ai pas la prétention d'avoir lu le rapport de la commission en entier. Je n'en suis seulement qu'à la fin du premier des nombreux volumes que compte le rapport, mais je suis ahuri par la qualité de l'information qui est donnée dans ce document. J'ai feuilleté les autres, que j'ai bien l'intention de lire dans les mois à venir, et je peux dire que la commission a fait un travail formidable et a mis le doigt sur les problèmes auxquels les autochtones font face, en proposant des solutions pour y remédier.
Se débarrasser de la Loi sur les Indiens fait certainement partie de la solution, mais pas article après article aux termes de négociations avec les bandes indiennes, les unes après les autres. Ce dont ce pays a besoin c'est d'une étude approfondie de la Loi sur les indiens, à laquelle participeraient le Parlement, les premières nations et les gouvernements provinciaux, et du remaniement, d'un seul coup, de cette dernière en s'assurant que tous les ordres de gouvernement disposent des ressources nécessaires pour que son remplacement soit un succès.
C'est insensé de vouloir remplacer la Loi sur les Indiens, une nation à la fois, une disposition à la fois. Cela ne me semble pas être la façon la plus efficace de s'y prendre. Il ne fait aucun doute que les études, la réflexion et le travail qui ont été faits par la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, et le libellé de son rapport, révèlent que des changements importants sont nécessaires, tant en ce qui concerne les attitudes que les programmes, pour régler les nombreux problèmes qui existent. Certains ne peuvent être résolus par ce type de négociation; ils le seront par les collectivités indiennes elles-mêmes.
Quand on demande aux premières nations quels changements elles aimeraient voir en priorité, les gens ne répondent pas qu'ils voudraient que le ministre les laisse vendre leurs produits agricoles comme ils l'entendent. Ils parlent de la pénurie de logements. Ils parlent de la nécessité d'améliorer leur système de justice et leur régime de santé. Ils parlent de la nécessité de remanier leur système d'éducation afin que les jeunes acquièrent une bonne éducation et une bonne connaissance de leurs traditions et de celles des communautés avoisinantes, afin que, plus tard, ils puissent réussir. Les gens des premières nations parlent aussi de culture et de langue, de développement économique et d'autonomie gouvernementale, ainsi que des terres et des ressources qui assurent la réussite de leurs programmes de développement économique.
(1345)
Ce sont autant de questions qui demandent beaucoup d'attention de la part de tous les députés fédéraux et provinciaux et de toutes les administrations municipales. En tant que collectivités de gens qui vivent ensemble, nous devons comprendre l'histoire de notre pays et savoir comment les divers peuples ont contribué à nous amener là où nous sommes aujourd'hui. Ce n'est pas en modifiant la Loi sur les Indiens un article à la fois, pour une bande à la fois, qu'on atteindra les objectifs visés.
Je souhaite la meilleure des chances au ministre en cette période préélectorale. Je sais que nous aurons des défis importants à relever. Je défie le ministre de s'attaquer à ces questions sérieuses et capitales avant les prochaines élections.
[Français]
M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi C-79, Loi modifiant la Loi sur les Indiens.
Ce projet de loi permet la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix. Il s'agit d'une réforme d'une loi qui a été adoptée il y a plus d'un siècle. C'est beaucoup. Ces amendements touchent 45 des 120 articles de la Loi sur les Indiens.
Les principaux sujets abordés par ce projet de loi sont les modalités de succession des biens, les nouveaux pouvoirs conférés aux conseils de bandes, les procédures électorales, les infractions et l'application du droit pénal sur les réserves. Par exemple, le mandat du chef et des conseillers des bandes est fixé à trois ans; on ignore
pourquoi. Et le ministre est investi du pouvoir d'annuler une élection; on ignore également pourquoi.
Le caractère optionnel des nouveaux pouvoirs conférés par ce projet de loi signifie que seules les nations autochtones qui en feront la demande seront régies par cette nouvelle loi. Les autres demeureront sous l'ancien régime.
Il s'agit d'un mauvais projet de loi. Le rapport de la Commission royale d'enquête Erasmus-Dussault, tout en soulignant le caractère désuet et rétrograde la Loi sur les Indiens, exclut une quelconque modification à ce texte légal comme une voie souhaitable à suivre pour établir une nouvelle relation entre les autochtones et les non-autochtones.
Avec le projet de loi C-79, le Canada renoue avec son passé colonial à l'égard de ses peuples aborigènes. À l'époque, la Loi sur les Indiens ne visait qu'à assimiler les autochtones. Ce projet de loi ne recueille même pas l'appui des principaux intéressés, soit les autochtones. En décembre 1996, 542 communautés autochtones sur 610 se sont déclarées contre ce texte. En d'autres termes, plus de 85 p. 100 des Premières Nations rejettent catégoriquement le processus entrepris en cette matière par le gouvernement fédéral.
Comment le gouvernement peut-il aller de l'avant, alors que son projet soulève l'opposition de l'immense majorité de ceux à qui il s'appliquera? Beaucoup d'engagements promis aux autochtones par le Parti libéral du Canada n'ont pas été respectés par ce parti, une fois les élections passées. Même les autochtones, qui avaient participé à la rédaction de cette plate-forme électorale dans le livre rouge, ont tenu à se dissocier publiquement du Parti libéral du Canada quand ils ont constaté l'attitude et le comportement de ce gouvernement envers les Premières Nations.
Nulle part dans les sept pages des promesses consacrées aux peuples autochtones dans le livre rouge n'est-il question d'une modification de la Loi sur les Indiens. D'où sort donc cette initiative? À la page 94 du livre rouge, on peut lire ce qui suit: «Un gouvernement libéral s'engage à prévoir des concertations plus vastes entre les ministres fédéraux et les autorités autochtones pour les décisions qui touchent directement les Premières Nations, les Inuits et les Métis.»
Voilà un autre exemple d'un réel problème de concertation sur un projet de loi qui concerne strictement et directement les autochtones. Cette façon de procéder va à l'encontre du livre rouge qui ajoute: «Il est absurde d'élaborer unilatéralement des mesures budgéraires ou des politiques qui concernent directement les populations autochtones.»
(1350)
Dans les faits, c'est le coeur de ses engagements envers les autochtones que ce gouvernement n'a pas respecté. Où se trouve le «nouveau partenariat», le «respect mutuel» et «l'association des autochtones aux processus décisionnels» promis par ce gouvernement avant les élections de 1993?
Le 21 novembre dernier, a été publié le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Il s'agit d'une vaste étude, importante et très intéressante, préparée par la Commission Erasmus-Dussault. Je partage les objectifs de ce rapport concernant l'autonomie gouvernementale, la reconnaissance des nations autochtones et les revendications territoriales.
Les peuples aborigènes du Canada constituent des nations distinctes. Comme telles, ces nations doivent bénéficier d'une autonomie gouvernementale accrue qui leur permettra, entre autres, de générer des revenus, de protéger leurs langues et leurs cultures. Elles ont le droit d'être souveraines dans les domaines stratégiques comme ceux de la santé, de l'éducation, de la langue et du développement économique. C'est la seule façon d'assurer le maintien et le développement de leur propre identité.
Mais auparavant, les autochtones doivent avoir franchi l'étape de la reconnaissance qui leur permettra de négocier directement avec les gouvernements fédéral et provinciaux. Il faut réparer les torts historiques qui ont été causés aux autochtones par les différents gouvernements canadiens. Après plus d'un siècle de politiques canadiennes visant à l'assimilation ou à la disparition des autochtones, il est grand temps que le gouvernement fédéral reconnaisse ses erreurs et prenne ses responsabilités afin d'y remédier.
Il faut que les nations autochtones soient autonomes, ce qui leur permettra de s'affranchir de la dépendance financière d'Ottawa. Je me réjouis du fait que le gouvernement québécois ait négocié et signé un traité moderne avec les Cris du Québec. En effet, la Convention de la Baie James a rendu possible l'amélioration de la situation économique des Cris et leur a permis de prendre en main leur développement. Il est utile d'ajouter que le partage juste et équitable des terres a joué un rôle crucial dans le succès de cette entreprise.
Comme tous le savent, je suis originaire d'Amérique latine, région où les Indiens sont très nombreux. Dans certains pays, ils constituent même la majorité de la population. Depuis le début de la colonisation, en 1492, les peuples aborigènes ont été soumis à l'extermination et à l'exploitation. Aujourd'hui, plus de 500 ans plus tard, ils vivent encore dans des conditions inhumaines, dans des conditions de pauvreté et de misère qui sont inacceptables.
Le rapport Erasmus-Dussault dénonce, avec justesse, les conditions de vie des autochtones du Canada, «le meilleur pays au monde», nous dit souvent le premier ministre. En Amérique latine, ces conditions sont bien pires.
Je profite de cette occasion pour inviter le gouvernement fédéral à mettre à l'ordre du jour la question des Indiens du continent américain lors des rencontres entre les différents pays, soit au niveau bilatéral ou multilatéral, à l'OEA ou dans d'autres forums internationaux.
Il faut qu'une coopération internationale en cette matière se développe au niveau des Amériques. Le rapport Erasmus-Dussault décrit et dénonce les immenses problèmes auxquels font face les
autochtones au Canada en matière de santé, d'éducation, de chômage, de logement et de criminalité. Les autochtones forment une minorité qui représente 3 p. 100 de la population. Ils sont souvent victimes de racisme et de discrimination. De plus, cette étude souligne que, dans les réserves, plus de 10 000 foyers n'ont pas de plomberie intérieure.
Les libéraux n'ont rien fait pour solutionner ces graves problèmes. Et ce n'est pas avec le projet de loi C-79 qu'ils y arriveront. Alors, pour toutes ces considérations, je voterai contre le projet de loi C-79.
(1355)
Le Président: C'est au tour de l'honorable député de Lévis. Cher collègue, je me demande si vous voudriez attendre après la période des questions orales pour commencer votre discours? Avez-vous entendu ma question?
M. Dubé: Je suis d'accord.
Le Président: On prendra ces cinq minutes pour commencer les déclarations de députés, mais c'est vous qui commencerez lorsque nous reprendrons le débat. Je vous remercie.
[Traduction]
Comme il est 14 heures, nous allons passer aux déclarations de députés.