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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LE TABAC

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.) propose: Que le projet de loi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, l'étiquetage et la promotion des produits du tabac, modifiant une autre loi en conséquence et abrogeant certaines lois, soit lu pour la troisième fois et adopté.

-Monsieur le Président, je suis très heureux de participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi C-71. De nombreux députés actuels ont participé à bien des débats sur la réglementation des produits du tabac. Plusieurs d'entre nous qui siègent ici aujourd'hui étaient présents en 1988 lors du débat sur le projet de loi C-51, Loi réglementant les produits du tabac.

Je voudrais remercier mon prédécesseur, l'ancien ministre de la Santé, l'honorable Jake Epp, qui a présenté le projet de loi C-51, de son engagement par rapport à la réglementation des produits du tabac et des efforts qu'il a déployés en légiférant dans ce domaine.

Il y a près de sept ans, le ministre Epp a pris la parole à la Chambre dans le cadre du débat visant l'adoption en troisième lecture du projet de loi C-51. Je cite le discours qu'il a alors prononcé:

Ce projet de loi a pour objet de fournir une réponse législative à un problème national concernant la santé publique qui suscite actuellement de vives inquiétudes. Il est conçu pour protéger la santé des Canadiens étant donné les preuves concluantes dont on dispose que l'usage du tabac provoque de nombreuses maladies débilitantes et fatales.
Même si nous, de ce côté-ci de la Chambre, avons à plusieurs occasions été en désaccord avec le parti de l'honorable Jake Epp, notre parti a appuyé le projet de loi C-51.

Nous avions à l'époque des réserves au sujet de ce projet de loi. Nous voulions avoir l'assurance que le projet de loi allait le plus loin possible pour restreindre l'accès et l'exposition aux produits du tabac.

(1025)

Ma collègue, la ministre du Patrimoine a abordé ces questions pendant tout le débat sur le projet de loi C-51. Certes, nous avons voulu garantir que la loi soit efficace, mais notre soutien des principes du projet de loi ne s'est jamais démenti. Aujourd'hui, nous sommes saisis d'un projet de loi qui reflète l'engagement de mon parti et du gouvernement envers la santé des Canadiens.

Le tabagisme est une source de risque pour la santé que nous pouvons prévenir dans une large mesure. Derrière les annonces aux couleurs chatoyantes et les styles de vie insouciants dont se servent les commanditaires se cache un triste bilan de souffrances et de vies terminées trop tôt. Qui à la Chambre n'a pas été touché par les ravages du tabagisme? Nous avons tous des parents, des amis ou des connaissances qui ont souffert d'une maladie causée par le tabac ou en sont morts.

Comme nous l'avons appris durant le débat sur le projet de loi C-71, le tabagisme a des effets complexes et divers et, grâce à la recherche faite dans le monde entier, nous connaissons beaucoup mieux ses effets. Nous comprenons de mieux en mieux les facteurs qui nous poussent à commencer à fumer et à continuer de le faire.

Je voudrais souligner un fait tragique. Ce sont surtout les adolescents qui décident de commencer à fumer. Quelque 85 p. 100 de tous les fumeurs ont commencé à fumer avant l'âge de 16 ans. Ceux qui pensent que cette question concerne une décision prise par des adultes devraient se raviser.

Quel risque courent ces jeunes fumeurs? Ils risquent d'avoir une santé affaiblie le reste de leurs jours parce que nous savons que le tabac tue. Nous savons que la recherche montre que quelque 40 000 Canadiens voient leur vie écourtée chaque année à cause du tabac. Nous savons que le tabagisme est une cause d'environ 30 p. 100 de toutes les formes de cancer au Canada.

Si c'était le seul prix à payer parce que les jeunes se laissent convaincre de commencer à fumer, ce serait trop. Mais il y a plus. Le tabac a des coûts économiques et des coûts sociaux. Le coût des soins de santé des gens qui souffrent d'affections liées à l'usage du tabac est l'un des coûts économiques les plus évidents. Bien sûr, ces coûts prennent de nombreuses formes, mais les plus évidents sont les coûts que doit payer le régime d'assurance-maladie.

Je crois que tous les partis politiques à la Chambre comprennent que les Canadiens tiennent beaucoup à leur régime d'assurance-maladie et je crois que tous les partis savent que nous devons faire un meilleur usage de ce régime. Cela signifie qu'il faut réduire les frais inutiles.

Le coût du traitement des maladies liées à l'usage du tabac est probablement le meilleur exemple de coût pouvant être évité. Nous estimons que le tabagisme coûte à notre société environ 15 milliards de dollars chaque année dont environ 3,5 milliards en frais médicaux directs.

Je pourrais m'étendre sur la nature des coûts en parlant, par exemple, des séjours à l'hôpital, des consultations médicales, des médicaments et des séjours dans des établissements de soins de longue durée. Nous pourrions parler longtemps des maladies que les médecins attribuent à la consommation du tabac, notamment le


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cancer, les maladies cardiaques et les maladies pulmonaires comme l'emphysème.

Nous ne devons pas oublier que les accros de la cigarette qui sont peut-être malades aujourd'hui en raison de leur habitude ont probablement commencé à fumer lorsqu'ils étaient très jeunes, peut-être à l'adolescence.

Aujourd'hui même, une autre génération de jeunes Canadiens est exposée à l'attrait des produits du tabac. Les nouveaux consommateurs de tabac sont les jeunes. Essayons aujourd'hui de nous rappeler comment on se sent lorsqu'on est jeune. Les jeunes ont l'impression d'être immortels. Ils veulent être adultes et faire des choses qui leur donnent l'air d'être des adultes.

(1030)

L'adolescence est une période où l'on veut affirmer son indépendance. C'est une période où les opinions des amis et des pairs pèsent plus lourd dans la balance que les conseils des enseignants, des parents et même des médecins. La raison la plus courante invoquée par les jeunes à qui on demande pourquoi ils ont commencé à fumer est l'influence des amis, ce qu'on appelle aussi la pression à l'uniformité. Un adolescent de 13 ou 14 ans ne peut pas facilement envisager la possibilité de souffrir du cancer ou d'une maladie du coeur dans 30 ou 40 ans.

Pensons à notre propre jeunesse au Québec, en Ontario ou dans les Maritimes et souvenons-nous comment, à cette époque, nous nous pensions à l'abri de maladies comme les maladies du coeur, le cancer et autres. Si un jeune commence à fumer, la dépendance créée par la nicotine fera le reste. C'est aussi simple que cela.

Nous savons qu'un jeune Canadien sur trois fume et que la moitié de ces jeunes fumeurs mourront prématurément d'une maladie liée au tabac. Nous savons que les jeunes sont les plus tragiques victimes de l'usage et de l'abus du tabac. Nous savons que les jeunes sont les plus vulnérables à la publicité sur le tabac.

Je voudrais présenter à la Chambre quelques faits qui devraient être examinés tant du point de vue de leur fondement que du point de vue des effets dévastateurs qu'ils peuvent avoir sur les jeunes:29 p. 100 des Canadiens de 15 à 19 ans et 14 p. 100 des Canadiens de 10 à 14 ans sont des fumeurs. Imaginons que c'est notre fille de10 ans ou notre garçon de 13 ans qui fume. Peuvent-ils envisager la possibilité de souffrir un jour du cancer, d'une maladie du coeur, d'emphysème ou d'autres maladies pulmonaires? Non. L'usage du tabac chez les adolescents de 15 à 19 ans s'est accru de pas moins de 25 p. 100 depuis 1991.

Selon l'enquête de 1994 sur l'usage du tabac chez les jeunes, 260 000 Canadiens de 10 à 19 ans ont commencé à fumer cette année-là. Des chiffres comme ceux-là ont poussé les gouvernements d'autres pays à légiférer dans le secteur du tabac. L'Organisation mondiale de la santé a classé l'usage du tabac chez les jeunes comme une épidémie pédiatrique mondiale. C'est pourquoi le gouvernement a mis l'accent sur les jeunes dans l'élaboration de cette mesure législative et de sa stratégie globale de lutte contre le tabac.

L'industrie du tabac affirme qu'elle ne fait pas de publicité dans le but d'encourager les jeunes à commencer à fumer; c'est ce qu'elle dit. Elle affirme qu'elle ne fait qu'encourager les plus vieux fumeurs à changer de marque. Elle dit que sa publicité vise un public composé uniquement de consommateurs de tabac adultes.

Parcourons les rues de nos villes canadiennes, voyons les panneaux-réclames et tous les articles publicitaires comme les casquettes, les blousons et les t-shirts. Examinons-les. Examinons les panneaux-réclames qui sont près des écoles et d'autres établissements fréquentés par les jeunes. Ces panneaux-réclames et tous ces articles publicitaires ne visent certainement pas les personnes âgées. C'est une campagne qui s'adresse aux jeunes.

Une voix: Oh.

M. Dingwall: Je sais que le député d'en face déteste entendre les faits. Je voudrais cependant lui dire quelque chose car je sais qu'il engagera aussitôt le débat. Nous pourrons alors évaluer sa sagesse et sa puissance intellectuelle. Peut-être acceptera-t-il les propos tenus par un des siens, qui déclarait précisément à ce sujet que l'industrie du tabac prétend ne pas faire de publicité pour encourager les jeunes à commencer à fumer.

(1035)

On peut dire que M. Vincent Fischer, président de la société Symbiose, est le gourou de la commandite au Québec. Il faisait lui-même remarquer que les études sont fondées sur le bon sens. Il déclarait ce qui suit:

Si les fabricants de tabac investissent 60 millions de dollars, ce n'est pas pour leur santé, mais parce que leur investissement leur rapporte des profits.
Ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais un cadre de l'industrie de la publicité au Québec.

Je le répète, l'industrie affirme que sa publicité vise entièrement une clientèle adulte. L'information qui circule suggère et prouve le contraire.

Je renvoie à nouveau les députés à l'article paru hier dans le journal La Presse.

Une voix: Oh.

M. Dingwall: Je sais que le député d'en face n'aime pas entendre ce que je dis. Il préfère chahuter. Je l'invite cependant à participer pour que nous puissions avoir une discussion intelligente sur la question.

Une voix: Vous en demandez trop.

M. Dingwall: C'était peut-être présomptueux de ma part de dire que le député pourrait discuter de la question de façon intelligente. Je méditerai sur ma déclaration précédente et peut-être qu'à la fin du débat j'aurai quelques mots à dire à ceux d'en face.

Les jeunes ont suffisamment de jugement pour comprendre à quoi servent les techniques de commercialisation des compagnies de tabac. L'étude sur le tabagisme chez les jeunes effectuée par Santé Canada en 1994 a révélé que 85 p. 100 des jeunes fumeurs et 83 p. 100 des non-fumeurs croient que la publicité concernant des


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événements commandités par les fabricants de tabac est une forme de publicité directe des marques de cigarettes.

De nombreux députés d'en face ont exprimé des préoccupations au sujet des liens pouvant exister entre la commandite et le tabagisme chez les jeunes. J'aimerais en parler brièvement.

L'Institut national du cancer du Canada a publié un rapport sur la commercialisation du tabac et les jeunes. Il s'agit d'une étude sur les attitudes et comportements des jeunes à l'égard de la publicité et de la commandite de l'industrie du tabac. L'institut est le plus important organisme de recherche sur le cancer au Canada. Il a effectué une étude approfondie des données scientifiques actuelles, qui débordent les frontières du Canada.

L'institut a trouvé des preuves convaincantes que les jeunes sont conscients de la publicité sur la cigarette et qu'ils y répondent. La publicité présente des images que les jeunes trouvent attirantes, qu'ils vont remarquer et dont ils vont se souvenir.

Aux États-Unis, nous savons qu'on abolira complètement les commandites à partir d'août 1998. Je vous communique quelques renseignements que j'ai recueillis au registre fédéral du 28 août 1996.

La FDA a constaté que la publicité fondée sur l'image est particulièrement efficace auprès des jeunes et que l'information transmise par ces images est plus susceptible d'impressionner les jeunes que toute autre forme de publicité.

La FDA signale aussi l'existence d'études qui montrent que les enfants sont exposés à des publicités importantes et inévitables, que cette exposition à de la publicité sur le tabac leur donne une idée favorable de l'usage du tabac, que la publicité joue un rôle en amenant les jeunes à surestimer la popularité de la cigarette et que ces facteurs sont pour quelque chose dans l'initiation des jeunes au tabac et le fait qu'ils commencent à fumer.

En gros, c'est une manière de présenter une image et un milieu de vie qui montrent le tabagisme sous un jour favorable, qui le présentent comme étant sexy et qui donnent l'impression qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter des maladies qu'on pourrait contracter plus tard. C'est une stratégie très bien conçue par les publicitaires, et surtout par les sociétés de tabac, pour toucher un public cible.

(1040)

La FDA a aussi étudié l'impact des événements commandités et a constaté que cela a un énorme effet sur les jeunes qui assistent aux activités au programme. La publicité modifie l'opinion des jeunes sur les produits du tabac, d'abord en créant des images attirantes et concrètes qui favorisent l'identification, ensuite en profitant d'une exposition prolongée, diffusée sous diverses formes et par différents organes d'information et, finalement, en associant le produit avec diverses activités et images positives.

L'organisation mondiale de la santé a aussi reconnu le lien entre les commandites des sociétés de tabac et la consommation. Elle a constaté que l'industrie du tabac commandite des événements sportifs et culturels pour compléter ou remplacer d'autres activités de commercialisation afin d'atteindre de vastes audiences et d'associer leurs produits à des images positives.

Je ne suis pas ici aujourd'hui pour dire aux adultes comment mener leur vie. Je ne leur dis pas d'arrêter de fumer, encore que j'espérerais qu'ils le fassent, et je n'interdis pas le tabac au Canada.

Certains disent que seule l'interdiction du tabac réglerait vraiment le problème de santé publique. Il y a sept millions de fumeurs invétérés au Canada. Imaginez le tollé et la contrebande qu'entraînerait l'interdiction du tabac. Selon les rapports scientifiques, le tabac crée une accoutumance plus grande que l'héroïne. C'est un produit qui serait interdit s'il était introduit sur le marché aujourd'hui. C'est un produit qui tue lorsqu'il est utilisé comme prescrit.

Ce n'est pas un nouveau produit. C'est un produit utilisé depuis des générations et il a des effets insidieux. Si nous voulons être raisonnables, si nous voulons faire preuve de responsabilité, nous devons tout faire pour empêcher les jeunes de commencer à fumer. Les spécialistes conviennent généralement qu'il est beaucoup plus efficace de dissuader les jeunes de tenter l'expérience de la cigarette que d'essayer d'imposer légalement des restrictions aux fumeurs adultes. Notre stratégie doit être de réduire la consommation de tabac pour finir par l'éliminer complètement.

En décembre 1995, nous avons présenté un projet qui a donné lieu à de nombreuses consultations. Nous avons consulté les gouvernements des provinces et des territoires, les milieux de la santé, les fabricants de cigarettes, les industries connexes, les groupes culturels et sportifs et les Canadiens intéressés. Nous avons reçu plus de 2 700 mémoires en réponse à ce projet. Quinze mois se sont écoulés et le projet de loi C-71 en est à l'étape de la troisième lecture à la Chambre. Ce projet de loi renferme des mesures raisonnables qui visent à restreindre la publicité et la promotion de commandites.

Permettez-moi d'établir clairement que nous n'interdisons pas la publicité. Nous n'interdisons pas la promotion de commandites. Ce que fait le projet de loi, c'est d'imposer des restrictions aux activités de promotion qui réduiront l'exposition de la société canadienne à la cigarette.

Le gouvernement a pris en considération les événements artistiques et sportifs qui dépendent des commandites des compagnies de tabac. Nous avons prévu une période de mise en oeuvre des restrictions de la commandite. Ces dipositions ne s'appliqueront qu'à compter d'octobre 1998. Cela laisse donc une période d'ajustement de deux saisons.

Je rappelle à la Chambre que cela ne signifie pas que, à la fin de la période de mise en oeuvre, la commandite ou la promotion de commandites seront interdites. J'invite les médias nationaux et leurs porte-parole à cesser de faire preuve de grossière négligence en véhiculant des renseignements erronés concernant le projet de loi et ses effets. Ils sont dans l'erreur.


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L'entrée en vigueur de l'article 24 en octobre 1998 restreindra la portée de la promotion des activités de commandite.

J'ai vu les divers avis juridiques que l'industrie du tabac fait circuler au sujet du projet de loi C-71. Un de ces avis dit que le projet de loi interdira l'embauche de jeunes de moins de 18 ans dans les commerces de détail où l'on vend des cigarettes. Le projet de loi n'impose pas une telle interdiction et ne mentionne pas de critères applicables aux vendeurs et aux employés de magasins. Cette mesure législative s'intéresse à l'âge des consommateurs. Elle concerne la vente de produits du tabac aux mineurs. D'autres ont allégué que des amendes maximales et des peines d'emprisonnement seront automatiquement infligées à quiconque aura contrevenu à la loi, dès son entrée en vigueur.

(1045)

En réalité, une telle interprétation ne tient pas compte du fait que mon ministère a établi une politique d'exécution. Cette politique considère les poursuites comme le moyen à employer en tout dernier lieu pour faire appliquer la loi. Elle prévoit l'envoi de lettres d'avertissement et la tenue de consultations avant toute forme de recours judiciaire. Si les députés d'en face me demandent de faire exactement le contraire, je vais y réfléchir.

J'en aurais probablement pour toute la journée à débattre des avis juridiques que les lobbyistes de l'industrie du tabac ont fait circuler. Nous savons qu'ils sont l'arme favorite des députés du Bloc québécois, les lobbyistes. Je trouve que cette alliance peu catholique entre le Bloc québécois et les lobbyistes de l'industrie du tabac frise le ridicule. Toutes les 15 minutes que dure ce débat, un Canadien de plus ira grossir les rangs de ceux qui ont connu une mort prématurée parce qu'ils se sont livrés au tabagisme.

Permettez-moi d'ajouter un mot sur ces avis juridiques. J'ai publiquement proposé un mécanisme d'autorisation préalable de nature volontaire. J'ai effectivement proposé que les individus ou les groupes qui craignent d'être poursuivis en vertu de cette loi puissent venir consulter nos fonctionnaires pour vérifier que leur publicité ou la promotion de leurs commandites respectent les restrictions en vigueur.

Avant que les organisateurs d'événements fassent des allégations non fondées sur ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire, je les invite à examiner les restrictions avec les représentants de mon ministère.

Il importe de se rappeler que le projet de loi C-71 bénéficie d'un ferme appui dans toutes les régions du pays. L'Association médicale canadienne est en faveur du projet de loi: «Nous espérons que le projet de loi C-71 sera adopté rapidement, parce que nous savons qu'il faut protéger les générations futures de Canadiens contre la première cause de décès et de maladie évitables au pays.»

De même, le président de la Société canadienne du cancer a écrit: «Je tiens à exprimer mon appui à l'égard du projet de loi C-71 et je vous invite, vous et votre ministère, à prendre tous les moyens pouvant s'insérer dans le cadre législatif pour aider à mettre fin aux décès tragiques dus au tabagisme.»

J'ai aussi reçu l'appui de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, qui représente plus de 561 organisations partout au Québec. Ce nombre comprend 238 villes et municipalités de la province. Cette coalition regroupe l'Association des cardiologues du Québec, l'Association québécoise des dentistes, l'Association québécoise des médecins de famille, l'Association des biologistes du Québec, l'Association québécoise des pédiatres, l'Association médicale du Québec, l'Association québécoise de la santé publique, l'Association pulmonaire du Québec et la Division du Québec de la Société canadienne du cancer.

Les gens d'en face, qui ont appuyé le projet de loi C-71 et ses principes à l'étape de la deuxième lecture, ont subitement fait volte-face, ce qui montre l'hypocrisie du Bloc Québécois. Le parti devra rendre compte de cette volte-face. Il doit des explications aux 561 organisations qui appuient les dispositions du projet de loi C-71.

Nos vis-à-vis devraient prendre garde, car la minute de vérité approche à grands pas. Ils paieront le prix pour avoir pris parti contre la santé des Québécois, en particulier les jeunes.

C'est la responsabilité de mes collègues d'en face tout autant que la mienne, en tant que ministre de la Santé. Nous ne pouvons pas, en tant que députés, ignorer les conséquences incontournables du tabagisme.

(1050)

Au Québec seulement, les députés du Bloc québécois, qui ont une alliance peu catholique avec les compagnies de tabac et les lobbyistes, disent aux 76 000 jeunes qui commenceront à fumer cette année que la santé des enfants des Québécois ne leur importe pas. C'est ce qu'ils disent en s'opposant au projet de loi C-71. Ces personnes représentent 30 p. 100 de l'ensemble des nouveaux fumeurs au Canada. Le tabagisme est plus répandu au Québec que n'importe où ailleurs au Canada et les députés d'en face le savent bien. Ils rejettent du revers de la main les efforts du ministre de la Santé de la province de Québec, Jean Rochon, qui est pourtant l'un des leurs.

Les bloquistes font volte-face. Pourquoi? Parce qu'ils veulent constamment attirer l'attention des médias pour sauver leur peau aux prochaines élections fédérales.

Trente-huit pour cent des Québécois fument. Ailleurs au Canada, le pourcentage des fumeurs est de 31 p. 100. Dans les deux cas, c'est beaucoup trop. Quelque trois millions de personnes au Canada vont mourir de maladies liées au tabagisme, dont un million au Québec. C'est beaucoup trop de monde et c'est une raison suffisante pour faire tout ce que nous pouvons afin de réduire la consommation de tabac dans notre pays.

Je sais que d'autres députés attendent pour prendre la parole au sujet du projet de loi. Comme moi, ils souhaitent voir diminuer la


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consommation de tabac chez les jeunes. Je voudrais prendre quelques instants pour souligner les efforts de certaines personnes qui nous ont aidés à élaborer le projet de loi dont nous sommes saisis.

Je fais évidemment référence à mon secrétaire parlementaire. Le député d'Eglinton-Lawrence mérite beaucoup de félicitations et de reconnaissance. Il a mis son expérience et son jugement à contribution, et je l'en remercie. Je tiens également à remercier le député de Burin-Saint-Georges et président du Comité permanent de la santé. Je remercie tous les membres du comité, indépendamment de leur allégeance politique.

Je m'en voudrais de ne pas signaler le travail d'un député en particulier. Dieu sait que nous avons divergé d'opinion sur de nombreuses questions débattues à la Chambre, et je suis persuadé qu'il n'est prêt de changer son fusil d'épaule. Je me dois cependant de rendre hommage à l'impartialité dont a fait preuve le député de Macleod. Il a pris la parole à maintes et maintes reprises pour me critiquer à propos de tel ou tel dossier, mais qui, dans le contexte de ce débat sur le tabagisme et les moyens de faire la lutte à la consommation des produits du tabac, ne s'est pas prononcé en faveur du ministre de la Santé, mais bien en faveur des jeunes de notre pays. Et à ce titre, je pense qu'il mérite des éloges de la part de nous tous.

Je tiens à remercier les députés du Bloc québécois, notamment le député de Lévis. Je comprends qu'ils aient des réserves à l'égard du projet de loi, mais je suis convaincu qu'ils finiront par accorder la priorité à la santé des Canadiens et des Québécois.

Je dirai aux députés du Bloc que je sais que bon nombre d'entre eux ne sont pas du tout à l'aise avec les décisions prises par la direction de leur parti. Je le sais pertinemment. Que mes collègues d'en face sachent qu'il n'est jamais trop tard pour changer d'avis et bien faire. Je suis sûr que les enfants du Québec seront à jamais reconnaissants envers les députés du Bloc québécois s'ils exercent leur leadership comme d'autres l'ont fait au Québec en se portant à la défense des enfants du Québec et de leur santé.

(1055)

Enfin, je voudrais dire quelques mots au sujet de l'autre endroit. J'espère que, plus tard au cours de la journée, ce projet de loi franchira avec succès l'étape de la troisième lecture. Il va quitter la Chambre pour l'autre endroit. J'ose espérer, vu le respect que j'ai pour l'autre Chambre et ceux qui la composent, que l'on examinera ce projet de loi avec diligence, mais en profondeur, et que l'on saisira les objectifs que poursuit ce projet de loi, c'est-à-dire la santé des Canadiens et celle des générations actuelles et futures de nos enfants.

Je tiens à remercier tous les députés de la Chambre qui ont pris part à ce débat. Je reconnais qu'il a été acerbe par moments, mais je veux que tous les députés sachent que l'heure est venue d'apporter une contribution très importante à notre pays. J'invite tous les députés à m'accompagner dans cette démarche législative.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, le ministre de la Santé nous invite à revoir notre décision quant à notre intention de voter contre le projet de loi en troisième lecture.

Avant qu'il ne nous quitte, j'aimerais l'inviter à utiliser le jugement qu'il nous demande d'avoir pour assouplir son projet de loi. Cela permettrait d'atteindre les objectifs visés auxquels nous, du Bloc québécois, avons souscrit en deuxième lecture, car les objectifs du projet de loi sont respectables, sauf en ce qui a trait aux moyens, comme la privation de commandites. On prive de commandites les événements sportifs et culturels si chers aux Québécois et aux Québécoises, notamment le Grand Prix de Montréal et aussi tous les festivals internationaux, dont le Festival Juste pour rire, le Festival de jazz.

Il y a un festival de jazz à Vancouver aussi. Il y a les feux d'artifice qui font la joie de milliers de gens, de résidants du Canada et du Québec. Les événements internationaux attirent, vous le savez, beaucoup de touristes. Ils permettent au Québec et au Canada d'avoir une visibilité internationale.

Le Grand Prix de Montréal est le troisième événement sportif en importance au plan de la retransmission dans le monde, après les Jeux olympiques, qui se produisent une fois tous les quatre ans, et aussi le Mundial de soccer. Tout de suite après, c'est le Grand Prix de Formule 1. Notre pays a la chance d'avoir un Grand Prix, d'être vu dans le monde entier et de dire à tous les citoyens du monde: «Bienvenue dans notre pays.»

C'est un pays reconnu soi-disant pour sa qualité de vie, bien qu'il faille rappeler qu'en même temps, le Canada est malheureusement un des pays où la pauvreté chez les enfants est la plus élevée des pays occidentaux, des pays du G-7. Je pense qu'on ne peut pas tirer une fierté de cela.

Dans l'élaboration des objectifs du ministre, on le rappelle, nous étions d'accord avec lui. C'est pour cela qu'on a voté en faveur du projet de loi en deuxième lecture. Le ministre a assez d'expérience parlementaire, et vous-même aussi, monsieur le Président, pour savoir que la deuxième lecture est l'étape de l'étude du principe, des objectifs. C'est pour cela qu'on l'a appuyé en deuxième lecture.

Mais le ministre devrait prendre la peine de lire le seul discours du seul intervenant de l'opposition officielle autorisé à parler en cette Chambre en deuxième lecture. Mon collègue de Portneuf voulait aussi intervenir en deuxième lecture, mais le député de Macleod justement, après seulement quelques minutes, quelques secondes de discours, a appelé la question préalable.

(1100)

Cela a causé de la confusion en cette Chambre du fait qu'il n'y ait eu qu'un seul orateur par parti lors de la deuxième lecture. Le ministre, après avoir hésité pendant des mois et des mois-et la ministre qui l'a précédé a fait la même chose-a présenté ce projet de loi pendant la période des Fêtes. Le débat en deuxième lecture a eu lieu le 5 décembre.


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C'est une vieille stratégie parlementaire pour un gouvernement qui veut faire adopter des projets de loi controversés de les présenter à la fin d'une session, soit en décembre ou en juin. Il sait que pendant la période des Fêtes, les gens sont préoccupés par leurs achats de Noël. Or, le ministre a intentionnellement déposé son projet de loi pendant cette période, parce qu'il ne voulait pas que ce projet de loi donne lieu à un débat.

Le Parti réformiste voulait aussi qu'il n'y ait pas de débat, tellement, que lorsque le ministre a annoncé, le 1er décembre je crois, en conférence de presse, le dépôt de son projet de loi pour le 5 décembre, le porte-parole du Parti réformiste, sans avoir lu le texte, car personne ne l'avait entre les mains, a tout de suite donné son accord de principe pour faire en sorte que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. Il faut le faire! Un parti d'opposition qui donne son accord avant même de lire un projet de loi et de prendre connaissance de ses articles.

Lorsque le ministre de la Santé se sert d'un député d'un tiers parti qui prend des positions semblables, je pense qu'il porte atteinte à sa crédibilité. Cela n'a pas de sens. Un projet de loi ne peut pas être appuyé avant d'avoir été lu. En tout cas, nous, de l'opposition officielle, ce n'est pas dans nos habitudes, et on ne commencera pas à le faire. On prend le temps de les lire, les projets de loi.

On partageait les objectifs du ministre, mais on avait des réserves quant à la commandite. Je l'avais dit dans mon discours, à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de tabac. Cette semaine, le premier ministre citait mes propos en rappelant que j'avais dit qu'on partageait les objectifs du ministre.

C'est vrai, mais le premier ministre aurait dû compléter la lecture et dire que nous avions des réserves quant aux restrictions imposées à la commandite des événements sportifs et culturels et que s'il n'y avait pas de changement, si aucun des amendements proposés n'étaient acceptés par le ministre de la Santé ou le gouvernement, j'annonçais, déjà à ce moment-là, qu'on voterait contre le projet de loi en troisième lecture. On n'a pas fait volte-face comme le suggère le ministre, nous n'avons pas viré de bord suite à l'influence du lobby du tabac.

J'invite le ministre de la Santé à consulter qui finance le Parti libéral le plus. Les compagnies de tabac financent le Parti libéral, et cela ne le gêne pas, c'est un comportement un peu spécial. D'une part, on accepte que le Parti libéral reçoive des contributions des compagnies de tabac, et d'autre part, on dit que nous serions complices des compagnies de tabac. On n'est complices de personne.

Le Bloc québécois appuie les événements culturels et sportifs. En ce sens, oui, on est leur allié, parce que leur survie est menacée. C'est ça qu'on appuie. Et, du côté gouvernemental, on laisse entendre toutes sortes de choses. Le ministre a beau prendre son ton calme et en appeler au bon sens pour la santé, il ne pourra pas nous tromper.

Qui de nous ou du ministre est le plus opportuniste? Qui de nous fait preuve, comme il dit, d'hypocrisie lorsque le gouvernement libéral, tout en s'attaquant aux produits du tabac, n'ose pas le reconnaître comme un produit dangereux et illégal? Et pourquoi n'ose-t-il pas? Le gouvernement fédéral, à lui seul, et on n'a qu'à consulter le budget, retire 2,6 milliards de dollars de revenu en taxes sur les produits du tabac. Pour l'ensemble des autres gouvernements au Canada, c'est 2 milliards de plus, ce qui fait 4,6 milliards de dollars.

(1105)

On n'ose pas reconnaître le tabac comme un produit dangereux et illégal, ce qui serait conséquent. Mais, non, on veut avoir les revenus de ce produit dangereux, quoique légal.

On peut bien tenir un débat sur le danger des produits du tabac. Dans mon discours, en tant que porte-parole de l'opposition officielle en cette matière, à l'étape de la deuxième lecture, j'ai admis que le tabac est un produit dangereux. Oui, parce que des études le démontrent de façon scientifique. Notamment, la plus sérieuse est une étude réalisée par des chercheurs de l'université de Texas, ainsi que de l'Institut Beckman, en Californie. Ils ont établi un lien direct entre le cancer du poumon, certains autres cancers et la consommation de tabac.

L'étude parle d'une substance carcinogène; il s'agit d'un gène qu'on nomme le P-53 et qui diminue l'immunité, la résistance aux maladies qui peuvent entraîner le cancer, à long terme. Oui, on reconnaît cela. Oui, on reconnaît que dans les statistiques, 42 000 personnes au Canada, dont 12 000 au Québec, meurent chaque année de cancer ou de maladies pulmonaires reliés à la consommation du tabac. Oui, on admet que c'est un problème.

Mais est-ce que c'est dans un cadre légal qu'on devrait procéder? Oui, ça pourrait toujours être dans un cadre légal, pour encadrer une activité, un programme, une politique d'un gouvernement. Mais encore là, il faut que cette loi soit applicable et équilibrée, bien construite, raisonnable, qu'elle prévoit une application dans le temps bien structurée, bien répartie, une loi qui risque d'être appliquée, une loi qui risque d'être respectée par les citoyens et les citoyennes. Parce qu'une loi qui n'est pas respectée, dans le sens de son libellé, de son texte, par les citoyens et citoyennes, n'est pas applicable, parce qu'il faudrait beaucoup plus que les 40 inspecteurs qu'on a actuellement pour surveiller tout cela. Il y a 40 inspecteurs fédéraux pour l'ensemble du Canada qui surveillent l'application de la loi actuelle. Il y a une loi qui existe déjà sur la surveillance des dépanneurs pour s'assurer qu'ils ne vendent pas des produits aux jeunes de moins de 18 ans. Cette loi n'est pas nouvelle; elle existe. On ajoute quelques moyens, telle la carte d'identité, mais cette loi existe déjà.

Pourtant, une étude sérieuse démontre que, pour l'ensemble du Canada, elle n'est pas appliquée dans 25 p. 100 des cas, et au Québec en particulier, parce que les inspecteurs fédéraux n'y vont pas trop, semble-t-il, dans presque 50 p. 100 des cas. Pourquoi adopter une loi, lorsqu'on sait que celle qui existe actuellement n'est pas appliquée et applicable? Pourquoi?

Pourquoi cette loi est-elle déséquilibrée? Je vous cite un exemple. On ne fait pas assez appel à la responsabilité des citoyens, des jeunes et des parents. Par exemple, dans les dépanneurs ou autres


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endroits de vente, pour les détaillants qui vendent des produits du tabac, cette loi prévoit des amendes considérables, exagérées, selon moi, alors qu'aucune amende ne serait imposée au délinquant lui-même.

Prenons l'exemple des lois qui concernent l'alcool. Comment cela se passe-t-il? Bien sûr, on impose des amendes à ceux qui servent de l'alcool aux mineurs mais, en même temps, les mineurs reçoivent aussi une forme d'amende: ils sont arrêtés, ils doivent passer en cour, en cour juvénile, vous allez me dire, mais ils y sont obligés. Et les parents qui ne respectent pas la loi sur l'alcool, du moins au Québec, sont aussi interpellés.

Mais cela ne se fait pas dans ce cas-ci. Pourtant, selon le ministre de la Santé et le secrétaire parlement et bien d'autres, on dit que le tabac serait plus dangereux que l'alcool. On sait pourtant que, consommée avec abus, l'alcool peut créer des problèmes au volant d'un véhicule; beaucoup d'accidents d'automobiles sont causés par l'alcool. Pourquoi cette incohérence?

Une autre incohérence. Au Comité de la santé, dont je fais partie, on voit qu'il y a une réceptivité. Je ne prends pas une position finale là-dessus, on n'en a pas discuté encore à notre caucus, mais il y a une démarche qui vise à légaliser la marijuana et le haschisch, des drogues légères. Pourquoi? Parce que certains disent: «Oui, mais si c'était légal, ce serait mieux contrôlé. Le gouvernement pourrait mieux s'assurer de la qualité des produits et ce serait moins dangereux pour les jeunes.»

(1110)

Est-ce que la consommation des drogues dites légères ou même des drogues plus lourdes diminue parce qu'elles sont illégales? C'est le contraire. Elles sont illégales, et pourtant la consommation augmente. Est-ce qu'une loi est un instrument suffisant, à lui seul, pour empêcher l'augmentation du tabagisme ou pour empêcher l'augmentation d'une consommation abusive de l'alcool ou d'autres substances?

On pourrait revenir dans le temps pour parler de l'alcool. Aux États-Unis, dans les années 1930, il y avait un mouvement qu'on appelait la prohibition. Étant un peu plus âgé que moi, vous vous souvenez sûrement, monsieur le Président-moi, je suis un baby-boomer, mais mes parents m'en parlaient beaucoup-des conséquences incroyables de la prohibition de l'alcool, comme par exemple l'augmentation de la contrebande et de la criminalité.

On ne remontera pas à tous les récits d'Al Capone dans Chicago, mais on se rappelle tous de cela, cela a même fait l'objet de films. Or, une approche uniquement légale, législative est insuffisante pour contrer un phénomène qui est peut-être nocif en soit.

Avant d'être membre du Comité de la santé, j'étais porte-parole de l'opposition officielle en matière de jeunesse et de formation. Eh bien, c'est cette voie qu'on devrait exploiter, qu'on aurait dû exploiter davantage. Parlant d'hypocrisie, on disait tout à l'heure que le Bloc québécois avait des positions un peu ambiguës, hypocrites et paradoxales. J'ai un chiffre ici qui démontre que, il y a deux ans, quand le ministre des Finances a émis une surtaxe sur le tabac, au moment de l'annonce, il avait dit que cela procurerait 180 millions de revenus supplémentaires et qu'avec cela, on ferait toute une campagne de prévention pour obtenir un meilleur contrôle. Qu'est-ce qui est arrivé aux 180 millions de dollars? En vérité, on a dépensé 40 millions.

Je vérifie à nouveau les chiffres de cette année, mais cette année, qu'est-ce qu'on veut faire, on passe une loi? Mais avec la loi, dans le cadre d'un débat, vu que le ministre, son secrétaire parlementaire et les députés libéraux sont très conscientisés par la santé publique, on se serait entendu que les 180 millions, au moins, soient dépensés. Eh bien, on n'a dépensé que 10 millions pour la prévention et 18 millions pour le contrôle et l'inspection. Vingt-huit millions en tout, pas 180 millions. Qu'ont-ils fait des autres millions? Où sont passés ces autres millions?

Je vais vous dire où ils sont passés. Ils ont été dépensés, entre autres, dans la promotion de l'unité canadienne: 23 millions de dollars pour les drapeaux, pour une série de gadgets, des gilets et tout ce que vous voulez. Je pourrais vous en parler, car actuellement, dans mon comté, il y a une finale provinciale des Jeux du Québec. J'y vais autant que je peux, car c'est un événement extraordinaire, d'ailleurs, j'encourage les gens à aller dans mon comté de Lévis, parce que c'est la première fois que les Jeux du Québec sont organisés par une MRC, un ensemble de municipalités qui se concertent pour faire, ensemble, un événement d'envergure.

Qu'a fait le fédéral là-dedans? La ministre du Patrimoine est arrivée avec ses gros souliers, elle a annoncé une subvention de 100 000 $ au cours des dix derniers jours, mais à une condition: évidemment, il fallait que le drapeau du Canada y soit, il fallait aussi que les athlètes portent des petits gilets pour promouvoir le drapeau canadien et l'unité canadienne. Aux finales provinciales des Jeux du Québec, il faut le faire! La ministre du Patrimoine ne manque pas d'audace.

Or, avec les 63 millions de dollars qu'elle verse, et c'est le seul ministère qui a eu une augmentation de ses crédits cette année pendant qu'on coupait, soit disant, ailleurs, et plus particulièrement dans les provinces, dans les transferts pour la santé, dans le fameux Transfert social canadien, dans lequel on met maintenant l'éducation post-secondaire et l'aide sociale. On coupe allègement.

Pendant ce temps-là, on dépense pour des choses comme ça. Or, on remarque une coïncidence étrange, car les 63 millions de dollars représentent à peu près le même montant que les événements sportifs et culturels vont perdre, c'est-à-dire 60 millions en commandites qu'ils vont perdre si le projet de loi est adopté ce soir et que le Sénat donne son assentiment par la suite.

À trois millions près, la ministre du Patrimoine aurait dû, étant aussi convaincue que ses collègues, le ministre de la Santé et le secrétaire parlementaire, prendre ces 63 millions, et dire: «C'est parfait, on va compenser les événements sportifs et culturels, car c'est à peu près le même montant.»

(1115)

Mais non, la promotion de l'unité canadienne, on met cela avant la santé dans ce cas-là. Quand les députés du Bloc québécois parlent


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de la survie des événements culturels et sportifs, on nous dit: «Ah, mais vous les mettez avant les objectifs de santé nationale, vous mettez la culture et la promotion du sport en avant.»

Le gouvernement, lui, fait sa promotion de drapeaux, une distribution gratuite qui passe avant et on nous fait avaler cela, à nous, les députés du Bloc québécois, sans qu'on dise un mot. Ne comptez pas là-dessus, monsieur le Président. Peut-être pas vous personnellement, vous avez un rôle objectif, non partisan, mais par votre intermédiaire, ces députés qui nous lancent des appels, le ministre qui fait parler son coeur, qui parle avec son coeur à la ministre du Patrimoine et lui dit: «Écoutez, si vous êtes aussi sensibilisée que moi à l'objectif de la santé, prenez donc une partie des 63 millions, sinon la totalité et versez-la là-dedans.»

Pour commencer, que lui-même soit conséquent, le ministre de la Santé. Qu'il prenne l'argent prévu, les 180 millions prévus, pour faire de la prévention, de la promotion, de l'éducation. Qu'il fasse des choses constructives. Là, on le prendrait au sérieux, lui qui fait appel à notre jugement, à notre bon coeur et aux objectifs de santé. Alors, on le prendrait au sérieux.

Le ministre devrait justement être sérieux et dépenser l'argent en conséquence pour les événements sportifs et culturels, et qu'en même temps et en plus-parce qu'il est, semble-t-il, convaincu de ses objectifs poursuivis auprès des jeunes-alors, il prendrait au sérieux une dimension importante.

Plusieurs études démontrent que, dans 80 p. 100 des cas, c'est autour de 15 ans que les jeunes prennent la décision de fumer ou pas, c'est autour de 15 ou 16 ans. La principale raison pour que les jeunes fument, ce n'est pas parce qu'ils ont vu un logo de produits du tabac sur une automobile de course, à 200 kilomètres à l'heure et plus, ce n'est pas à cause de ça du tout. Ce n'est pas parce qu'il y a un logo présenté dans un lieu d'événements sportifs et culturels, car d'ailleurs, ces événements attirent davantage les adultes que les jeunes. Ce n'est pas parce qu'ils voient cela qu'ils fument. La raison majeure, dans plus de 50 p. 100 des cas, c'est parce que leurs chums-je m'excuse d'utiliser ce terme-leurs copains, leurs amis, leurs pairs, fument. Ils veulent faire comme eux, car il y a un phénomène d'imitation. Ils veulent être du groupe, ils veulent être de la gang et ils se mettent à fumer. C'est la principale raison.

Alors, si le ministre était sérieux, il devrait accepter nos recommandations. Au moment de l'étude article par article, on avait dit: «Si ce sont les pairs, si ce sont les jeunes qui convainquent, qui incitent davantage d'autres jeunes à fumer, pourquoi ne pas se servir de ce fait social réel et subventionner des maisons de jeunes, par exemple, des organismes de jeunesse qui en ont tant besoin.» Ces organismes ont subi des coupures, notamment du gouvernement fédéral. On pourrait avoir des programmes de prévention, des jeunes qui parleraient à d'autres jeunes dans les écoles et leur diraient de ne pas fumer, parce que les jeunes sont très sensibilisés.

Je me suis occupé du dossier de la jeunesse. Avant d'être député, j'ai toujours travaillé dans les organismes de jeunesse et je me rends compte de la pensée des jeunes à certains égards. Je ne suis pas inquiet, je ne suis pas pessimiste. Je pense que nos jeunes sont de plus en plus conscientisés à certains phénomènes et que même nous, nous avons des leçons à tirer d'eux.

Qui, dans la société actuellement, incite davantage les gens sinon les jeunes? Parfois, par vieux réflexe, il m'arrive de jeter une feuille de papier. Que font les jeunes dans la majorité des cas? Ils vous disent: «Non, non, ne mettez pas ça là, ça va au recyclage.» Nos jeunes prennent la responsabilité de s'occuper du recyclage domestique, mais aussi à l'école, ils en parlent, ils nous parlent d'environnement. Pour les jeunes, l'environnement, c'est important. Or, la fumée peut contaminer l'environnement.

Vu que le ministre n'est plus là, j'en parle maintenant au secrétaire parlementaire. Pourquoi est-ce qu'il n'incite pas son ministre, s'il est sérieux, à mettre les 180 millions prévus, au moins les 180 millions prévus, dans des programmes pour les jeunes?

(1120)

Pourquoi ne pas subventionner davantage les groupes anti-tabac? J'ai personnellement rencontré les représentants de tous le groupes et tous les lobbies, appelez-les comme vous voulez. Le Bloc québécois a pris le temps d'écouter tout le monde, contrairement au ministre; pas seulement un groupe, tout le monde, incluant les représentants des groupes anti-tabac. Il y a des gens sérieux parmi eux, des gens qui ont des convictions sincères.

Loin de moi l'idée d'insulter des gens qui ont fait un travail de promotion extraordinaire pour faire connaître aux jeunes les dangers du tabac. Malheureusement, même si le ministre a voulu escamoter ce débat, qu'il a voulu le proposer dans une période non propice, parce qu'il voulait justement l'éviter, il s'est fait de toute façon. Ce débat s'est fait lors des «partys» de Noël. Il s'est fait lors des rencontres familiales. Après les Fêtes, quand les gens ont réalisé toute l'importance et qu'ils risquaient de perdre le Grand Prix de Montréal ainsi que des événements culturels et sportifs d'importance auxquels ils sont très attachés, ils ont commencé à manifester leur opposition, comme ce qu'on a vu à Montréal cette semaine.

S'il y avait eu un débat sain, correct et organisé, une consultation menée dans une forme correcte, planifiée et étudiée de façon correcte, non biaisée, pas à toute vapeur pour passer là-dessus au plus vite afin d'en passer une petite vite aux Québécois et aux Canadiens. Non, pas de cette façon insolite, incorrecte de faire des lois, mais plutôt, au contraire, en ayant un esprit de transparence, d'ouverture, de respect des opinions différentes.

Ceux qui appuient les commandites de tabac d'événements culturels et sportifs auraient pu rencontrer les gens. Ceux que j'ai rencontrés personnellement, lorsqu'on leur parle en privé, ils sont peinés de ce qui arrive aux événements culturels et sportifs. Ils sont chagrinés. Ils ne veulent pas de mal à ceux qui font la promotion de la culture. Bien sûr, lorsqu'ils défendent une position, les opinions se cristallisent et, finalement, ça semble irréconciliable. Mais que voulez-vous: le ministre rencontre juste un côté, il n'entend qu'une version de l'histoire et il ne permet pas de rencontres de consultation.


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Quand on veut rédiger un projet de loi, on organise des forums, on tient des consultations dans les provinces, on demande justement l'accord des provinces pour une collaboration avec les provinces, parce que le sujet dont il s'agit aujourd'hui, c'est la santé. En matière de santé, je vous le rappelle, bien que vous le sachiez, il semble qu'on oublie très souvent la Constitution. Il faudrait suggérer à la ministre du Patrimoine qu'elle imprime des petits feuillets de la Constitution pour que les Canadiens de toutes les parties du Canada soient bien au courant de la Constitution. Ceux qui les liraient verraient que la santé est de juridiction provinciale. À quel endroit apparaît le mot province dans le projet de loi?

Avec ma collègue de Drummond, en comité et au moment de l'étude article par article et à maintes occasions, j'ai essayé de dire: «Inscrivez donc au moins En collaboration avec les provinces.» Non, non, non, le ministre de la Santé veut se faire le défenseur de la santé et veut passer à l'histoire comme le ministre qui a adopté un projet de loi anti-tabac extraordinaire. Il veut en ramasser le crédit, le mérite. À tel point que, voyant que cela a forcé un peu dans son propre caucus et auprès du Conseil des ministres, à un moment donné, le ministre est allée dire, lors d'une activité publique, devant les lobbies anti-tabac, que si ce projet de loi n'était pas adopté avant les élections, qu'il remettait sa foi libérale, ses convictions, son adhésion au Parti libéral en jeu. Il suggérait même aux gens de voter contre le Parti libéral aux prochaines élections.

En faisant cela, il forçait les autres membres du Conseil des ministres. Là, il y a des gens de l'autre côté, des députés du Québec, notamment le député d'Outremont, secrétaire d'État au Développement régional au Québec qui, tout à coup, dit, lui: «Tiens, je me sens puissant, influent, je réussirai à convaincre le ministre de renverser cette position. Vous allez voir.» Il écoutait les représentants des événements sportifs et culturels parce que, plusieurs mois plus tard, il découvrait l'importance économique de cela, les 200 millions en retombées économiques pour la région de Montréal, les 2 000 emplois.

(1125)

Quelques mois plus tard, après les Fêtes, il a découvert que cela pourrait lui nuire dans son propre comté. Il n'avait pas vu cela avant les Fêtes, mais il doit être allé à quelques «partys» de Noël et il a dû se le faire dire. Et le secrétaire d'État au Développement régional pour le Québec a réalisé cela.

Le président du caucus libéral du Québec a aussi réalisé cela, mais il a trouvé la soupe assez chaude, qu'il a suggéré qu'il y ait une élection. Maintenant, il y a un autre président du caucus libéral qui fait des promesses. Quand la période d'étalement était d'un an, il a demandé que ce soit 18 mois, et il a gagné ce point. Ensuite, il s'est dit que tant qu'à demander quelque chose, il demanderait un délai de cinq ans, mais il s'est fait rabrouer. Le ministre de la Santé a dit: «C'est fini.»

Évidemment, cela a obligé le premier ministre lui-même, même s'il vient du Québec, du comté de Saint-Maurice, à appuyer son ministre de la Santé et à affirmer, tout à coup, que ce qui comptait le plus dans sa vie, c'était la santé des Canadiens et des Canadiennes. Voyons donc! On le connaît, nous, le premier ministre. On l'a bien vu encore lors de la campagne référendaire. Il a dit qu'il ferait des changements; il s'est essayé un peu, les premiers ministres des autres provinces n'étaient pas d'accord, donc, il s'est rassis et c'est fini les changements. On a proposé une petite motion à la Chambre des communes.

On le connaît, nous. C'est lui qui nous a imposé de force, lorsqu'il était ministre de la Justice et qu'il agissait au nom de l'ancien premier ministre Trudeau, le rapatriement de la Constitution de Londres ainsi que la Charte canadienne des droits et libertés. Aujourd'hui, il nous dit que c'est la santé des Canadiens et des Québécois qui compte le plus pour lui, qu'il se battra pour ça et qu'il en fera un enjeu électoral.

Le ministre de la Santé rappelait cela, lorsque le Parti libéral a accepté d'étaler certaines restrictions concernant les commandites sur une période de 18 mois. Il en entendra parler pendant la campagne électorale. Les électeurs et électrices vont en parler, et l'opposition officielle en parlera aussi.

La loi est tellement imprécise et volontairement confuse que cela laisse place à un paquet d'interprétations possibles, de spéculations. Tout le monde est dans le brouillard. Par exemple, les gens du Grand Prix de Montréal disent que, selon la loi actuelle, si elle était adoptée, il ne serait même pas possible de voir à la télévision le Grand Prix d'Australie qui aura lieu en fin de semaine.

La commandite d'événements comme le Grand Prix est, comme on dit en anglais, un package deal, c'est un ensemble. Je ne respecte pas plus les compagnies de tabac qui font du chantage dans ce cas, mais à cause de cette loi et de l'appréhension causée par son adoption, il se peut qu'en fin de semaine, les Québécois ne puissent voir Jacques Villeneuve courir le Grand Prix d'Australie. Jacques Villeneuve est un héros pour les Québécois. Il est le fils de Gilles Villeneuve et le champion potentiel cette année.

Ce matin, je prenais l'avion à Québec, il y avait une tempête terrible et l'avion a été retardé. Les gens m'ont reconnu et ils m'ont dit qu'ils espéraient que je parle de cela, parce qu'ils veulent voir Jacques Villeneuve courir le Grand Prix en fin de semaine. Ils y tiennent.

Ce n'est pas absolument certain que ça va se produire. C'est un événement très particulier, très actuel, mais ça vous démontre que l'étalement sur une période de 18 mois proposé par le président du caucus ne concerne que l'article 24. Le secrétaire parlementaire le sait, ça ne concerne que l'article 24, ça ne concerne pas l'article 31.

Que stipule l'article 31? C'est celui qui parle de la retransmission. Cet article n'est pas touché par le délai d'ajustement de 18 mois. Je suis certain qu'il y a des députés libéraux qui ne le savent pas. Ils ne sont pas très nombreux, mais peut-être qu'ils écoutent.

Je les invite à faire comme le député d'Outremont, même s'il est un peu tard, et à lire comme il faut le projet de loi, à regarder l'article 31 du projet de loi C-71 qu'ils adopteront ce soir. Cet article traite de retransmission. Ils se rendront compte que cet article n'est


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pas inclus dans la mesure d'étalement de 18 mois. L'article 31 est vraiment spécial; cela veut dire qu'on ne peut pas mettre le logo d'une compagnie de tabac sur une voiture.

(1130)

Si c'est permis de le faire, si la voiture en question porte un logo d'une compagnie de tabac ou le nom d'une compagnie de tabac, il faudrait que les réseaux de télévision s'arrangent pour brouiller l'image. Ce serait un peu comme lorsque des témoins veulent garder l'anonymat dans un reportage aux nouvelles, des gens qui, pour toutes sortes de raisons, ne veulent pas être identifiés. On brouille l'image pour qu'on ne les reconnaisse pas.

Imaginez-vous la prochaine course de Formule 1, alors que les caméras de télévision essayent de brouiller seulement le nom de la compagnie de cigarettes sur l'automobile, pour qu'on ne la voie pas. Imaginez que Gilles Villeneuve soit commandité par une compagnie de tabac, on ne pourra pas le voir. S'il est le premier, on passera, j'imagine, au deuxième et comme ils sont à peu près tous commandités par des compagnies de tabac, peut-être que le seul qu'ils pourront montrer sera le dernier. Cela n'a pas de bon sens. Généralement, dans une course, les gens s'intéressent au premier, pas au dernier. C'est un aspect particulier.

Mais c'est la réalité. Le député sourit, mais qu'il lise l'article 31 du projet de loi et qu'il le fasse examiner par un juriste. S'il me dit avec certitude que ce que je dis est faux, qu'il le fasse dire par son ministre de la Santé d'ici ce soir en Chambre, par une déclaration solennelle, comme il l'a fait l'autre jour, et avec raison.

L'opposition est là pour critiquer, mais parfois, on est obligé d'admettre que quand le ministre rétablit certains faits, on l'accepte. Par exemple, certains disaient au Québec, peut-être ailleurs aussi, qu'il ne serait plus possible, selon la loi, d'engager des jeunes de moins de 18 ans pour travailler dans un dépanneur. Effectivement, ce n'était pas clair.

On s'interrogeait, on a posé des questions, les réformistes aussi. Dans une déclaration solennelle, le ministre a dit: «Ce n'est pas dans le projet de loi. Non seulement ce n'est pas dans le projet de loi, mais je prends l'engagement que ce ne sera pas interdit dans les règlements.» Il disait que ça n'avait pas de sens. Il avait pris un engagement solennel. Qu'il fasse la même chose pour la retransmission des Grands Prix. Qu'il nous dise: «L'article 31 est tellement traficoté, que le contraire et son opposé n'est peut-être pas applicable.»

Il faut le faire. Si j'avais un peu plus de temps, je vous montrerais que ce projet de loi a été tricoté de telle façon que personne n'y comprend rien dans certains articles. Personne ne comprend certains articles.

Une voix: Le ministre non plus.

M. Dubé: Le ministre veut se présenter à la Cour suprême avec ça. Si on est dans cette situation, c'est parce qu'il y a une loi contre l'interdiction des commandites qui a été refusée par la Cour suprême. Je vois la Cour suprême de mon bureau qui est dans l'édifice de la Confédération. Je suis peut-être biaisé, mais il me semble qu'elle penche toujours du côté de l'ouest. C'est peut-être juste une impression, c'est peut-être exagéré.

D'abord, la Cour suprême est composée majoritairement de juges qui viennent de l'Ontario, et elle est située en Ontario. La plupart du temps, lorsqu'il y a des décisions qui concernent le Québec, on est en Chambre. On est devenus un peu méfiants quand il s'agit de se fier sur la Cour suprême pour l'application de l'interprétation d'une loi. Si on est devenus méfiants, ce n'est pas parce qu'on est méfiants de nature, c'est parce qu'on a des faits. On a un paquet de circonstances qui nous prouvent que la Loi 101 a été complètement charcutée par la Cour suprême. Mais ce n'est pas le propos de ce matin.

Quand le ministre, à tous les chapitres, est tellement incertain, c'est rare. J'interrogeais mon collègue de Chambly à ce sujet, lui qui fait partie du comité qui étudie l'aspect des règlements et l'application des lois. Il me disait qu'il est rare de voir une loi ainsi rédigée; à chaque chapitre, le ministre a tellement peur que sa loi soit déboutée, qu'on y a ajouté «le ministre peut réglementer», et ce, à chaque chapitre, pas seulement une fois comme c'est le cas habituellement. Le mot «peut», on l'a à profusion dans chaque chapitre: au sujet des commandites, de la vente, sur la façon de réglementer la nature du produit.

Le ministre est tellement inquiet qu'il met des règlements. Mais là, en même temps, il faut savoir que le ministre se donne beaucoup d'autorité dans un domaine qui, en principe, ne le regarde pas, puisqu'il s'agit de la santé. Il ne mentionne même pas les provinces, je le rappelle.

(1135)

Le ministre s'arrange pour tirer toutes les ficelles, pour garder toutes les possibilités d'action dans ses règlements. Or, ses règlements, on voudrait qu'il les dépose en Chambre en même temps ou, à défaut, prochainement. On a d'ailleurs présenté un amendement à ce sujet.

L'opposition officielle a été constructive, elle a proposé, lors de l'étude article par article, une série de règlements. On avait réussi à en avoir un, voilà qu'on était fiers, après une négociation terrible, au sujet des machines distributrices avec contrôle à distance. On obtient cela en comité, et voilà qu'à l'étape du rapport, que voit-on? Finalement, par un jeu de mots, maintenant, il s'agit de machines munies seulement d'un verrou. On veut que ce soit ce genre de stratagème, même dans des bars où les jeunes de moins de 18 ans ne sont pas admis. On veut traiter le tabac comme s'il s'agissait d'un produit illégal ou dangereux, et on fait tout comme s'il l'était, puisqu'il faut qu'il soit gardé sous verrous, même dans les endroits où les enfants ne peuvent pas entrer.

Il ne me reste que quelques secondes. À mon tour, je ne ferai pas ça la main sur le coeur, mais je lance seulement une invitation aux députés libéraux de faire leur devoir de législateurs et de ne pas faire comme le député du Parti réformiste et donner un appui avant même d'avoir une copie du projet de loi entre les mains et avant de l'avoir lu comme il faut, notamment les articles 31 et 53, où on inverse la présomption d'innocence, où on donne le fardeau de la preuve à la victime plutôt qu'à l'accusé, et non le contraire.


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C'est la conclusion que je vous laisse: lisez, comme c'est votre devoir de députés libéraux, vos projets de loi avant de voter pour ou contre.

[Traduction]

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole à la Chambre aujourd'hui en tant que parlementaire qui croit fermement à une administration publique allégée et dotée du minimum de règlements possible, ainsi qu'à l'importance de la responsabilité personnelle. J'essaie d'évaluer chaque projet de loi en fonction de ces critères.

Sur la question du tabac, on pourrait m'accuser et on m'a accusé d'oublier la notion de liberté. On pourrait m'accuser d'oublier le fait que les personnes qui décident de fumer devraient en avoir la liberté et en assumer la responsabilité. Par conséquent, je voudrais expliquer à mes collègues de la Chambre et aux Canadiens que cette question intéresse pourquoi j'ai décidé de voter pour le projet de loi C-71.

Je ne me fie pas souvent aux statistiques, surtout à celles qui sont recueillies par les deux camps. J'ai établi mon propre graphique sur la consommation du tabac par habitant au Canada et aux États-Unis entre 1970 et 1994. J'ai utilisé des chiffres qui n'ont absolument rien à voir avec ceux qu'utilisent les deux camps.

Le graphique montre que, au cours des 20 dernières années et plus, le taux de tabagisme au Canada et aux États-Unis a diminué considérablement, en fait, d'une manière parallèle. Ce graphique est fascinant. Comme je ne peux pas le montrer à la Chambre, je peux seulement indiquer à l'aide de ma main que les taux canadiens et américains ont connu une chute marquée.

Au cours des 15 années précédentes, cette chute a été ininterrompue. Cependant, en 1993, le taux de tabagisme a augmenté au Canada, alors qu'il est resté stable aux États-Unis. Le taux de tabagisme au Canada a connu une brusque remontée.

Deux événements se sont produits à cet égard au Canada depuis que je siège à la Chambre: une réduction de la taxe sur le tabac, ce qui a permis de réduire les prix dans certaines provinces, et l'annulation par la Cour suprême de la Loi réglementant les produits du tabac, une mesure anti-tabagisme.

J'ai également rassemblé moi-même des chiffres sur la consommation globale du tabac au Canada, incluant les cigarettes vendues en vente libre, le tabac à rouler, le tabac à priser et ainsi de suite, ainsi que les cigarettes de contrebande, en gardant les diverses catégories ensemble autant que possible. J'ai donc constaté qu'entre 1990 et 1991, la consommation globale avait diminué de 6 p. 100 au Canada. Elle a ensuite diminué de presque un demi pour cent, puis, l'année suivante, de 3,49 p. 100. Cela confirme donc ce que révélaient les autres chiffres, c'est-à-dire une tendance à la baisse. En 1994, cependant, la consommation a augmenté de 9,2 p. 100.

(1140)

Il s'agit de statistiques toutes récentes que l'on peut obtenir grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Les résultats montrent ce qui s'est passé la première année après que la publicité sur les produits du tabac a été légalisée de nouveau.

Après que la Loi réglementant les produits du tabac, touchant la légalité de la publicité, a été annulée en 1996, la publicité a pu reprendre et a produit de puissants résultats. Les consommateurs n'ont d'ailleurs pas beaucoup changé de marques durant l'année où la publicité a été autorisée de nouveau.

Il est fascinant de voir ce qui s'est passé dans les provinces où les taxes sur le tabac sont demeurées élevées par rapport à celles où les taxes sont faibles. Lorsque la réduction de la taxe sur le tabac a été décrétée, certaines provinces n'ont pas réduit leurs taxes. Dans les provinces où les taxes sont demeurées élevées, la consommation des produits du tabac a augmenté de 1,72 p. 100 en 1996, tandis qu'elle augmentait de 2,32 p. 100 dans les provinces qui avait réduit leurs taxes. Cela révèle à mon avis que la consommation du tabac est sensible aux prix, surtout chez les jeunes.

La consommation globale par habitant au Canada a augmenté de 2,32 p. 100 pendant l'année où la publicité a été autorisée. Ces chiffres révèlent donc que la publicité par commandite a un effet auprès des jeunes.

Un autre élément d'information qui n'est pas généralement connu, c'est que la consommation du tabac à chiquer était en train de disparaître. Chiquer était très populaire au tournant du siècle. Cela évoque chez tout le monde des images de cowboy et de crachoir. Chiquer constitue une autre forme de consommation du tabac. Il n'y avait plus que deux groupes qui continuaient à chiquer du tabac en Amérique du Nord: les cowboys de rodéo et les joueurs de baseball.

Il est facile de tracer la courbe de la consommation de tabac à chiquer et c'est ainsi qu'un programme de publicité a été lancé. On nous dit que la consommation de tabac est influencée principalement par le comportement des pairs. Cette influence n'existait pas pour le tabac à chiquer. L'un des jeunes fabricants de tabac à chiquer a lancé un programme de publicité. Ce qui s'est produit est absolument fascinant. Je ne vais pas donner le nom de cette société. Je ne tiens pas à faire la publicité de ces entreprises à la Chambre, mais j'ai vu des marques de tabac à chiquer sur des voitures de course. J'ai vu de la publicité de tabac à chiquer dans des courses d'accélération. J'en ai vu aussi dans des rodéos.

Savez-vous, monsieur le Président, que la consommation de tabac à chiquer a augmenté? Ce produit se consomme aujourd'hui beaucoup plus fréquemment. Cela me porte à penser qu'une campagne de publicité complètement indépendante de l'influence des pairs peut modifier le comportement humain.

Je me suis donc dit que ma responsabilité, dans l'étude de ce projet de loi, était d'être impartial. Au départ, j'estimais que cette approche ne tenait pas debout, qu'il n'y avait pas moyen de modifier le comportement humain, que l'intervention de l'État ne valait


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rien. Après m'être fait une idée, j'ai dit à mes collègues que, selon moi, ce projet de loi aurait un effet sur les jeunes. Notre groupe a donc décidé de faire tout son possible pour ne pas retarder l'adoption du projet de loi.

Pourquoi avons-nous décidé d'accélérer l'adoption du projet de loi? En revenant sur le passé, j'ai constaté que Jake Epp, dont il a déjà été question, a mis à peu près 13 mois à faire adopter son projet de loi par la Chambre. Comme il y a 10 000 jeunes qui commencent à fumer chaque mois, ce serait de l'inconscience de mettre autant de temps à adopter cette mesure. Comment pouvions-nous accélérer les choses? Nous avons décidé d'éviter les querelles de procédure qui risquaient de prolonger l'étude du projet de loi à la Chambre.

En conséquence, lorsque j'ai prononcé mon discours à l'étape de la deuxième lecture, j'ai posé la question préalable. Les réactions ont été fascinantes. La confusion régnait à la Chambre. Tout ce qu'il fallait, c'est qu'un député se lève et dise «débat», et le débat se serait poursuivi, mais ma tactique aurait évité les querelles de procédure. Il est intéressant de voir que le débat s'est éteint et que mes propres collègues m'ont passé un savon parce qu'ils n'avaient pas eu, disaient-ils, la chance de prendre la parole. Des députés d'en face sont venus me voir.

(1145)

Je tiens à ce que les Canadiens sachent que pas un seul député libéral, en face, n'avait la moindre idée de ce que j'allais faire. Pas un seul député du Bloc ne savait le moindrement ce que j'allais faire. J'ai tout simplement décidé d'empêcher les querelles de procédure. Cela a très bien marché. Je dois dire que cela a mieux marché que je n'aurais jamais pu rêver que cela marche.

La question de la commandite et de la perte d'emplois m'inquiète autant que mes collègues du Bloc. Je m'intéresse aux voitures de course et aux courses automobiles. J'ai couru sur la même piste et le même jour que le père de Jacques Villeneuve, Gilles Villeneuve. Je possède toujours une voiture de course et je cours toujours, quoique ma carrière politique ne m'en laisse pas beaucoup le loisir.

Je ne voudrais donc pas que le Grand Prix de Montréal soit le moindrement menacé. J'ai examiné très attentivement ce qui en est de la commandite des produits du tabac dans d'autres pays et cela, dans l'espoir de préserver mon passe-temps, mon activité de loisir, mon violon d'Ingres et la valeur de ma voiture de course.

M. Volpe: Vos intérêts, quoi.

M. Hill (Macleod): Bien sûr.

La France a voulu interdire dès 1993 toute publicité sur le tabac. Cela a suscité un tollé général de la part des groupes de commanditaires. La FISA, le groupe qui régit le sport automobile dans le monde, les organisateurs du Grand Prix, ont annoncé que le Grand Prix de France de 1993 n'aurait pas lieu.

Le Grand Prix de France est le plus ancien de tous les grands prix. Il revêt une très grande importance pour les Français. Cette menace a été faite avant l'adoption de la loi en 1993. L'interdiction de la commandite en France est quand même entrée en vigueur. Or, le Grand Prix de France de 1993 a eu lieu, tout comme ceux de 1994, de 1994, de 1995 et de 1996 sans l'aide de la commandite des fabricants de tabac. Celui de 1997 aura lieu aussi sans la commandite de ces derniers.

Le même argument a été soulevé à propos des emplois dans l'industrie de la publicité. On prétendait que, par suite d'une énorme perte de revenus, l'industrie de la publicité serait forcée de supprimer des emplois. Le député du Bloc s'inquiète, à juste titre, des emplois dans l'industrie de la publicité. Selon un témoignage que j'ai en main, 22 p. 100 de la main-d'oeuvre travaillant directement dans l'industrie de la publicité extérieure disparaîtrait. C'est beaucoup.

Le président de l'Association canadienne de l'affichage extérieur a écrit à un magazine de marketing. La publicité pour promouvoir le tabac était alors interdite au Canada. Il a écrit:

L'interdiction de la publicité en vertu de la Loi réglementant les produits du tabac est sans doute la meilleure chose qui soit arrivée à notre industrie. Elle a poussé nos membres à trouver d'autres catégories de produits, de sorte qu'aujourd'hui nos clients les plus importants sont des fabricants de produits emballés et non de produits de tabac. La perte des revenus venant des fabricants de tabac a été complètement récupérée, et très largement.
Les groupes d'intérêt tentent de nous avoir. Je voudrais parler de la question du commerçant qui assume toute la responsabilité. Quand un jeune achète des cigarettes dans un magasin, le commerçant est mis à l'amende. J'ai écouté les commerçants dans ma circonscription. Ils craignent que leur commerce ne soit perturbé et que le pays ne soit inondé d'inspecteurs du tabac.

(1150)

J'ai bien essayé de faire modifier le projet de loi pour que le jeune qui enfreint la loi soit considéré en partie responsable. Je voulais qu'une faible amende soit imposée à un jeune de 15 ans qui achète des cigarettes dans un magasin. Cela aurait servi de réprimande pour lui montrer qu'il ne peut pas faire cela, que c'est illégal. C'est là une de mes tentatives pour modifier le projet de loi. Je ne cherchais pas à déclencher des querelles de procédure. J'ai fait cette petite tentative. Ce fut en vain.

Il y a un autre aspect du projet de loi que mon parti et moi trouvions très important, soit la question du règlement d'application de la loi. À maintes occasions, j'ai exercé des pressions pour que le règlement soit examiné par un comité adéquat, celui de la santé, en l'occurrence. J'ai présenté des propositions, des idées et des réflexions. J'espérais que le ministre m'écoute et que le règlement fasse l'objet d'un examen.

En fin de compte, un député libéral a proposé un amendement en ce sens qui, à dessein ou à la suite d'une confusion, a été adopté. On m'a dit que l'examen des règlements allait à l'encontre de la tradition parlementaire.

Il s'agit ici d'une occasion historique. Les médias ne le remarqueront pas, ni ceux qui s'inquiètent du tabagisme. Cependant, à titre de membres du Comité de la santé, nous serons saisis du règlement et nous pourrons peut-être l'étudier et lui apporter des modifications. J'insiste sur «peut-être». J'espère sincèrement qu'on


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reconnaîtra l'énorme mérite du député qui a proposé cet amendement. Le règlement sera examiné par des représentants élus au lieu d'être simplement pris par décret du conseil. C'est une petite victoire que je savoure; c'est un aspect du projet de loi sur les produits du tabac qui me réjouit.

Je dois dire quelques mots à mes amis fumeurs, ceux que j'ai voulu toute ma vie convaincre de ne pas fumer, en ma qualité de médecin. J'espère qu'ils pourront cesser de fumer. J'ai fait des mises en garde à cet égard. Je sais à quel point c'est difficile. À cette fin, j'ai examiné les statistiques sur le cancer.

Je vois certaines annonces de cigarettes qui tentent de convaincre les jeunes femmes en leur disant qu'elles ont parcouru beaucoup de chemin. Je vais maintenant parler du cancer chez les femmes. De 1970 à 1995, le cancer colorectal a légèrement diminué. Le cancer des ovaires est resté à un niveau raisonnable. Le cancer de l'estomac a connu un recul. Le cancer cervical a diminué. Celui de l'utérus a connu une légère baisse. Le cancer avec présence de mélanome est demeuré stable. Il y a toutefois un cancer qui a augmenté en flèche, celui du poumon. Il est passé de moins de 10 cas par 100 000 personnes à près de 35 cas. C'est le seul cancer chez les femmes qui a connu une hausse.

Il n'y a qu'une seule raison expliquant cette situation chez la population de sexe féminin: les jeunes femmes canadiennes, nos épouses et nos filles ont parcouru bien du chemin, elles ont appris à fumer. C'est une honte! J'espère que ce sera évident pour les jeunes femmes.

(1155)

Le projet de loi sera bientôt envoyé à l'autre endroit. Je vais surveiller avec grand intérêt ce que feront certaines des personnes qui siègent à l'autre endroit. Il y a trois sénateurs très en vue: Michael Kirby, William Kelly et Roch Bolduc. Ils ont tous trois des liens très étroits avec l'industrie du tabac. Ils siègent aux conseils d'administration des grandes sociétés de tabac. Je surveillerai très attentivement ces sénateurs pour voir s'ils voteront ou non sur ce projet de loi. Cette question les met clairement dans une situation de conflit d'intérêts. Je surveillerai avec grand intérêt ce qu'ils feront. S'abstiendront-ils?

Avant de venir au Parlement, je m'étais fait une petite promesse. Cette promesse, c'était que, si jamais on m'offrait une récompense pour m'amener à changer d'idée sur une question, je n'accepterais pas. C'est une façon assez neutre d'exposer la situation, ne pouvant pas dire le mot que je voudrais dire puisqu'il n'est pas convenable de l'employer à la Chambre.

Un soir, il n'y a pas très longtemps, j'ai reçu un appel téléphonique. La personne au bout du fil m'a dit ceci: «Doc, si vous changez d'idée sur ce projet de loi, vous en tirerez personnellement un avantage financier. Si votre parti change d'idée sur ce projet de loi, il ne manquera pas de fonds.» J'annonce donc à la Chambre des communes aujourd'hui qu'on m'a offert, en tant que député, une récompense pour que je change d'idée sur cette question.

J'ai une suggestion à faire aux sociétés de tabac, et elle est plus sérieuse qu'elle n'en a l'air. Ces sociétés cherchent des choses à

commanditer. Elles ont de l'argent à dépenser. Pourquoi ne commanditeraient-elles pas les salons funéraires? Pourquoi ne mettraient-elles pas sur chaque corbillard une petite annonce disant que ce corbillard est commandité par telle ou telle société de tabac?

J'ai examiné l'approche utilisée pour ce projet de loi et elle ne m'a pas ravi. Je ne suis pas encore persuadé que le projet de loi est parfait. Je constate des lacunes et des imperfections. Lorsqu'ils m'ont envoyé siéger au Parlement, mes électeurs m'ont dit que je devrais tenter d'être le plus objectif possible et d'appuyer les mesures législatives qui allaient faire la différence.

Dans l'intérêt des 10 000 enfants qui commencent à fumer chaque mois, dont la moitié mourront prématurément, je soutiens que ce projet, bien qu'imparfait, est préférable au vide juridique qui existe actuellement.

Permettez-moi de vous parler du premier patient que j'ai eu à traiter lorsque j'étudiais la médecine. Il s'agissait d'un ancien combattant. C'était le premier cas qu'on confiait au jeune étudiant en médecine inexpérimenté que j'étais. Cela se passait au pavillon Newburn, de l'Université de l'Alberta. Mon premier patient souffrait d'emphysème. Il avait fumé toute sa vie et se mourrait. Il en était à ses derniers jours. Il avait besoin d'oxygène. J'allais lui rendre visite tous les jours. Je commençais à comprendre ce que signifiait prendre soin d'un patient, écouter sa détresse et voir la vie qui le quittait peu à peu.

À la toute fin, il m'a dit: «Docteur, ne laissez pas les jeunes fumer.» Il est mort peu de temps après. Je ne l'oublierai jamais. Je n'oublierai jamais le conseil qu'il m'a donné. À mon avis, cette mesure législative m'appuiera dans ma lutte contre le tabagisme chez les jeunes. Permettez-moi de conclure en évoquant mon tout premier patient: «Ne laissez pas les jeunes fumer.»

[Français]

M. Clifford Lincoln (Lachine-Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur le Président, je pense que c'est un débat des plus importants. Il s'agit d'une question sociétale, d'une question de valeurs dans notre société. Qu'est-ce qui va arriver à l'avenir des jeunes? Est-ce que le tabagisme devrait être réduit, et, éventuellement, éliminé, si c'était possible? De ce côté de la Chambre, nous pensons que oui.

(1200)

J'appuie fortement le projet de loi C-71, d'autant plus que j'ai eu l'honneur, à l'Assemblée nationale du Québec, de présenter le premier projet de loi au Canada pour la protection des non-fumeurs, la Loi 84. J'ai entendu ceux qui s'opposent à ce projet de loi.

Les députés du Bloc québécois disent que ce projet de loi est presque une atteinte contre le Québec, contre la liberté d'expression, qu'on touche à l'avenir économique même de Montréal. Comme on dirait, à la façon typique des péquistes et des bloquistes, c'est le Québec contre les autres, les autres contre le Québec. Ceux qui appuient le projet de loi sont contre le Québec et contre l'avenir économique de Montréal.


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Les médias qui s'opposent au projet de loi, repris par les ténors du Bloc québécois, ont même qualifié les partisans du projet de loi C-71 «d'ayatollahs». Donc, il y a les bons et les mauvais, et pourtant, je me demande si cette question, au Québec, est à ce point en blanc et en noir.

Parmi les centaines d'organismes qui appuient le projet de loi C-71, je veux en citer quelques-uns, car je n'aurai pas le temps de les citer tous: l'Association des cardiologues du Québec, l'Association des médecins de langue française du Canada, la Direction de la santé publique de Montréal, tous les hôpitaux de la région de Montréal, de Québec, et partout au Québec, tous les CLSC, l'Association des étudiants du Département d'éducation physique de l'Université Laval, ils sont associés au sport, l'Association régionale du sport étudiant de l'Abitibi-Témiscamingue, l'Association régionale du sport étudiant du Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Association régionale du sport étudiant Laurentides-Lanaudière, la Commission scolaire du Gouffre à Baie Saint-Paul la Commission scolaire de Jonquière, la Fédération québécoise du sport étudiant, la Maison des jeunes d'Amos Inc., la Maison des jeunes de Desbiens, l'Illusion, la Maison des jeunes de Saint-Jovite, la Maison des jeunes du Bas-Saguenay, la Municipalité de Lotbinière, la Municipalité de Saint-Bruno-de-Kamouraska, la Municipalité de Saint-Simon-de-Rimouski, la Municipalité régionale de comté de Rivière-du-Loup, la Ville de Deux-Montagnes, la Ville de Rimouski, la Ville de Roberval, la Ville de Saint-Félicien et des centaines de villes, de CLSC, d'organismes de sport et autres. Est-ce qu'eux, ce sont des ayatollahs?

Est-ce que les pays qui sont déjà allés, et qui vont dans la même direction, comme nous voulons le faire aujourd'hui, est-ce qu'eux aussi, ce sont des ayatollahs? La France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, l'Australie, la Norvège, la Suède, l'Islande, la Finlande et, en 1998, les États-Unis avec une loi beaucoup plus sévère que ce que nous présentons ici, est-ce que ce sont aussi des ayatollahs? Est-ce qu'ils ne comprennent pas?

Le 10 décembre 1992, la Fédération internationale du sport automobile, la FISA, déclarait sans ambages que le Grand Prix de France, c'était fini, qu'on allait l'annuler. Quatre ans plus tard, le Grand Prix de France continue toujours, et Jacques Villeneuve va, en 1997, se battre pour le Grand Prix de France. Ça continuera en 1998-1999 et en l'an 2000; ça continuera toujours.

En 1988, les dirigeants de l'Omnium de golf du Canada disaient que si Du Maurier se retirait, l'Omnium de golf du Canada, ce serait fini. L'Omnium de golf aura lieu à Montréal cette année et il sera appuyé par Bell Canada. Le Tournoi de tennis féminin Virginia Slims continue aujourd'hui; Virginia Slims n'y est plus, mais Corel a pris la relève. Le Tournoi mondial de tennis australien fut un jour commandité par Marlboro; aujourd'hui, il est commandité par Ford.

On a dit qu'on va tuer Montréal avec le projet de loi C-71. On dit que l'avenir économique de Montréal sera fauché par le projet de loi C-71. Pourtant, les ténors du Bloc qui dénoncent le projet de loi C-71 à cause de son impact économique sur Montréal, lorsqu'on leur dit que l'instabilité politique au Québec est en train d'affaiblir

Montréal et de le frapper durement, nous répondent que ce sont des chimères. On fait référendum après référendum. On vient de finir un deuxième référendum qui nous a coûté des millions, qui a divisé les Québécois, qui a provoqué une instabilité politique, et que fait-on pour refaire l'avenir économique de Montréal? On nous parle d'un troisième référendum, peut-être l'année prochaine ou l'année suivante.

(1205)

Le maire de Montréal lui-même, il devrait en savoir quelque chose, disait que l'instabilité politique frappe durement Montréal, qu'on ne peut continuer ainsi avec nos sempiternelles querelles de référendums et de batailles linguistiques. C'est le maire qui le disait, je pense qu'il doit être en position de le savoir.

On nous a dit aussi qu'il n'y a aucune relation entre la publicité et le tabagisme chez les jeunes. Pourtant, il y a des études, je n'en citerai que quelques-unes, faute de temps, mais je pourrais faire parvenir à nos collègues du Bloc sept boîtes d'études, des centaines d'études, démontrant une connexion entre les deux. J'en citerai quelques-unes. L'équipe de Pollay, Siddars, Siegel, Haddix, Merritt, Giovino et Ericksen a étudié cette question sur une période de 14 ans, de 1979 à 1993. Ces gens sont des experts en marketing, en sciences sociales, en sciences de la santé, etc. Ils sont arrivés à cette conclusion et je cite la conclusion de leur étude:

[Traduction]

Puisque l'importance relative des campagnes de publicité de chaque marque correspond de très près à la part de marché de chacune, on peut dire que la publicité semble influencer les adolescents. Qui plus est, l'effet de la publicité est d'environ trois fois plus marqué chez les adolescents que chez les adultes. C'est pour attirer les jeunes que les marques se livrent bataille, car plus elles attirent de jeunes, plus elles vendent et plus elles font de profits à long terme.
[Français]

Une étude américaine de 1996 par Evans, Farkas, Gilpin, Berry et Pierce arrive à la même conclusion. Les références de ces études sont extensives.

[Traduction]

«Nos résultats appuient l'hypothèse selon laquelle la publicité sur le tabac peut convaincre un plus grand nombre d'adolescents de commencer à fumer que les caractéristiques démographiques, la réussite scolaire ou la fréquentation de fumeurs, dans un cercle d'amis ou le milieu familial. De plus en plus de preuves s'accumulent sur la nécessité d'adopter des stratégies efficaces pour empêcher les adolescents de commencer à fumer.»

[Français]

Dans son livre La guerre du tabac: l'expérience canadienne, Rob Cunningham cite un président de Imperial Tobacco: «Si l'on persévère assez longtemps, on en retire d'énormes avantages, car on transmet à la population un message beaucoup plus durable.» Il cite un vice-président à la commercialisation chez Imperial qui estime


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que même les fumeurs moins aisés peuvent choisir une marque parce qu'elle évoque un style de vie confortable.

Il parle d'un projet qui avait été lancé par une compagnie de recherches en marketing, en Ontario, en 1977, pour le compte de Imperial Tobacco. Le projet s'intitulait «Projet 16 ans». Dans son rapport, et je cite, il disait: «C'était précisément l'objet du Projet 16 ans: apprendre tout ce qu'on peut sur la façon dont on commence à fumer, sur ce que les élèves des écoles secondaires ressentent à propos du fait qu'ils fument et comment ils imaginent leur consommation de tabac à l'avenir.»

Un autre document Plans pour les médias, Exercice '80 d'Imperial Tobacco décrit les groupes visés en 1980 pour chacune des marques de la compagnie. Les groupes cibles étaient définis en fonction de caractéristiques démographiques comme l'âge, le sexe et le niveau d'instruction. Certaines de ces annonces s'adressaient aux hommes et aux femmes de 12 à 17 ans.

Un document d'Imperial Tobacco pour l'année suivante, donc Plan pour les médias nationaux, Exercice '81, présentait une stratégie d'analyse du marché par groupe cible comparable, d'un format similaire. Pour certaines marques, le groupe des 12 à 17 ans demeurait le plus important, il était affecté de la pondération la plus forte.

(1210)

M. Normand Turgeon, du quotidien La Presse du 5 mars 1997, un professeur de marketing aux HEC, qui réalisait une étude démontrant que les compagnies de tabac le font pour augmenter leurs ventes, dit, et je le cite: «Ces résultats viennent effectivement en contradiction avec ce que disent les fabricants. C'est parce que ce que les fabricants vous disent ne révèle pas la vérité.» Et M. Vincent Fischer, gourou de la commandite au Québec, dans le quotidien La Presse du 5 mars 1997, disait: «Si les fabricants de tabac investissent 60 millions de dollars, ce n'est pas pour nos beaux yeux, c'est parce que ça rapporte.»

On nous a dit que le Grand Prix du Canada allait quitter Montréal. Je demande aux députés du Bloc s'ils ne s'interrogent pas, s'ils ne se tracassent pas aussi que si, demain matin, selon leurs voeux très chers, le Québec devient souverain, est-ce que le Grand Prix du Canada va y rester? Est-ce que le Grand Prix d'Australie resterait en Australie si, demain matin, il s'appelait le Grand Prix de Victoria? J'en doute fort. Mais cela ne les tracasse pas beaucoup.

M. Jacques Duval, ex-président du Grand Prix de Montréal, disait ceci, dans le quotidien Le Journal de Montréal, le 4 mars 1997. Il dénonçait le honteux chantage qui s'exerce présentement: «Nul besoin d'être très intelligent pour se rendre compte qu'il s'agit d'une cabale maladroite de la part de gens qui ne pensent d'abord qu'à leurs intérêts personnels.»

Le Grand Prix du Canada restera, s'il est valable, et il restera, car il est valable. On nous a aussi dit que les commandites affectent les arts et les artistes au Québec. On parle comme si tout le milieu artistique au Québec était contre le projet de loi C-71. Cependant, les Artistes pour les commandites sans tabac représentent 300 artistes au Québec, dont Claude Meunier, Serge Thériault, Marc Favreau, Gilles Pelletier, Plume Latraverse, Édith Butler et les animateurs Gregory Charles et Marc-André Coallier. Un de leurs porte-parole a déclaré: «Ces commandites vendent des cigarettes. On ne peut chercher à enrichir la vie des gens tout en contribuant à raccourcir leur existence. Nous ne pouvons nous taire pendant que l'industrie du tabac se sert des dépendances qu'elle a créées pour bloquer une loi aussi cruciale en santé.»

Il faudrait savoir combien les compagnies de tabac contribuent, justement, aux oeuvres artistiques au Québec: à l'École nationale de théâtre du Canada de Montréal, 1 p. 100 des revenus totaux; aux Grands Ballets canadiens de Montréal, 0,4 p. 100; au Ballet jazz de Montréal, 2 p. 100; au Centre du Théâtre d'aujourd'hui de Montréal, 1 p. 100; à L'Orchestre de chambre I Musici de Montréal,0,3 p. 100; à la Place des Arts de Montréal, 0,1 p. 100; à l'Orchestre symphonique de Montréal, 0,3 p. 100; à l'Opéra de Montréal, 0,3 p. 100.

Il n'y a pas un pourcentage qui est plus élevé que 3 p. 100, sauf dans un cas qui fait exception.

On a dit qu'au Québec, tous les mouvements, le mouvement politique du Québec, etc., est contre le projet de loi C-71. Pourtant, je vais citer le ministre Rochon, dans le quotidien La Presse du 27 novembre 1996: «On va aller le plus loin qu'on peut aller. La commandite, c'est de la publicité subliminale. C'est un moyen très fort de pousser la consommation du produit, en particulier chez les jeunes. Certaines manifestations sont devenues dépendantes du tabac, comme les fumeurs.»

M. Rémi Trudel, ministre du Loisir, des Sports et du Plein air, dans le quotidien La Presse du 11 novembre 1996, s'inquiète de l'association étroite entre les fabricants de tabac et une installation sportive et il dit: «Il y a des priorités de valeur auxquelles le gouvernement ne saurait renoncer.»

Mme Louise Beaudoin, dans le quotidien Le Soleil du 28 novembre 1996, disait: «Je suis d'accord pour dire que la santé des Québécois passe avant tout.»

Dans le projet de loi du ministre Rochon sur le tabac, je cite l'article 22. Ce projet de loi, étant maintenant sous forme de texte préalable, le cinquième texte préalable, et qui a été discuté au gouvernement du Québec, doit être présenté, selon les prévisions, en juin 1997.

(1215)

L'article 22 dit ceci: «Tout financement d'activités ou d'installations sportives, culturelles ou sociales, directement ou indirectement, et ayant pour objet de promouvoir le tabac, de quelque manière que ce soit, est interdit.»

Je demande ceci aux opposants de ce projet de loi, surtout à mes collègues du Bloc: s'il était arrivé que le projet de loi du ministre Rochon ait anticipé le projet de loi du ministre fédéral de la Santé, qu'auraient-ils dit alors? Est-ce qu'ils auraient déchiré leur chemise en public contre le ministre Rochon? De ce projet, appuyé par le gouvernement du Parti québécois lui-même, un projet qui est existant, un projet dont j'ai lu l'article 22, un projet dont j'ai le texte complet ici, qui va beaucoup plus loin que le projet de loi C-71,


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qu'auraient-ils dit alors? Qu'auraient-ils dit alors, s'il s'agissait d'un projet du gouvernement du Québec?

Une voix: Je vais vous le dire, moi.

M. Lincoln: Vous voyez, madame la Présidente, ils ne peuvent pas accepter le débat.

On a écouté leur collègue tout à l'heure, on ne s'est pas insurgé contre lui, mais ils ne peuvent pas accepter le débat. Ils ne peuvent pas accepter le débat parce que, pour eux, tout est blanc et tout est noir. Ou bien on est pour, ou bien on est contre. Il n'y a rien entre les deux. Ils ne peuvent pas accepter un autre point de vue.

C'est pourquoi, chaque fois qu'on parle, ils doivent nous interrompre. Eh bien, qu'ils interrompent. Moi, je voudrais qu'ils aillent discuter avec le ministre Rochon, lui demander où il se tient, lui demander pourquoi lui, un ministre péquiste du siège social de Québec, a produit un projet de loi qui va beaucoup plus loin que le projet de loi fédéral, qui, lui-même, a déclaré: «On veut aller plus loin.»

Qu'auraient-ils dit à ce moment-là? Est-ce qu'ils auraient gueulé contre le fédéral? Est-ce qu'ils auraient appelé le ministre Rochon un ayatollah? Est-ce qu'ils auraient appelé le ministre Trudel un ayatollah? Est-ce qu'ils auraient appelé la ministre Beaudoin une ayatollah? Mais non. Ils en ont fait une affaire politique, une affaire de petite politique.

Ils ont trouvé un filon pour déclarer maintenant que c'est le reste du Canada contre le Québec. C'est le ministre Dingwall, le ministre de la Santé contre tout le Québec. Ce sont tous les autres contre Montréal. Mais ce n'est pas vrai du tout.

Cette liste imposante de 560 organismes. . .

Une voix: Céline Hervieux-Payette est de notre côté.

M. Lincoln: Madame la Présidente, il interrompt encore pour me dire: «Céline Hervieux-Payette». Voyez la différence entre nous et le Bloc, c'est qu'on n'est pas un bloc, on n'est pas un bloc monolithe, nous, les libéraux, on se rattache à notre pensée. Certains sont pour le projet de loi, certains ont des réserves. Peut-être que la sénatrice a des réserves, c'est son affaire, c'est son droit fondamental.

On n'est pas comme eux, bloqués dans un étau, ne pouvant pas bouger, ne pouvant pas accepter que quelque chose puisse être un peu différent de leur pensée monolithique. C'est ce qui fait la pensée libérale. La pensée libérale, c'est que chacun pense pour soi-même, chacun fait son propre cheminement. S'il y a quelqu'un dans notre parti qui veut dire autrement, qu'il ou elle le dise. C'est ça, la démocratie. On n'est pas ici dans un carcan. Nous sommes tous des humains avant tout.

Moi qui suis un libéral et qui habite au Québec, je suis à 100 p. 100 pour le projet de loi C-71. Lorsque nous avons adopté, à l'Assemblée nationale, la Loi 84, on fumait dans les hôpitaux, dans les cliniques, dans les restaurants, on fumait partout au Québec. Aujourd'hui, on a fait des progrès. Ce n'est certainement pas parfait, mais on fume bien moins, et presque pas dans les hopitaux, dans les cliniques. Même dans les restaurants, il y a des endroits séparés.

Avec la loi du ministre Rochon, que je souhaite avec ardeur, cette loi fera que dans les restaurants, les endroits publics, il n'y ait plus de tabagisme. C'est contre le tabagisme que nous nous battons. C'est justement pour une idée de l'avenir, un projet de valeur sociale. Donc, j'appuie fortement le projet de loi C-71.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Madame la Présidente, mon collègue libéral a posé nombre de questions au Bloc québécois et j'avais de la difficulté à me retenir de ne pas lui fournir les réponses, compte tenu de la vigueur qu'il mettait, et de l'insistance qu'il mettait à vouloir obtenir ces réponses.

(1220)

D'abord, j'aimerais dire à tous mes collègues du Parti libéral que le Bloc québécois est d'accord avec le principe du projet de loi C-71. Il est d'accord avec le contenu de ce projet de loi, à quelques exceptions près. Mais lorsqu'il y a dans un projet de loi des moyens qui ne doivent pas être utilisés, parce que la fin ne justifie jamais n'importe quel moyen, c'est le devoir de l'opposition de mettre le doigt sur ces éléments et de les soulever.

Vous vous rappellerez qu'en deuxième lecture, le débat fut, hélas, très écourté. Nous aurions pu vraisemblablement attirer l'attention et de la population et de la députation libérale sur ces éléments, si le débat avait eu lieu. Mais il n'a pas eu lieu et c'est maintenant qu'il doit avoir lieu.

Alors, un des irritants est l'inversion du fardeau de la preuve, c'est-à-dire que quelqu'un sera jugé coupable avant de pouvoir démontrer son innocence. Or, dans notre système judiciaire, c'est du jamais vu, c'est un irritant majeur. Le Bloc québécois, comme opposition officielle, ne peut pas accepter qu'on change les règles du jeu de notre système juridique.

Ensuite, il y a ces commandites. S'il est souhaitable qu'éventuellement, les commandites ne soient plus faites par les compagnies de tabac, ce n'est pas une décision qui peut être appliquée en se revirant sur un dix cents. C'est ça, le problème. En fait, ce que le ministre nous dit, c'est que si les jeunes ne voient pas de publicité dans les commandites d'événements sportifs et culturels, les jeunes ne commenceront pas à fumer. Je veux bien croire que ça peut peut-être les inciter un peu, mais ce n'est quand même pas l'élément moteur.

Quand j'étais jeune, il y avait un tas de gens qui fumaient et à l'époque, j'ai même commencé à fumer. Depuis, j'ai arrêté, Dieu merci. Mais on n'avait pas de commandites à la télévision. La télévision était embryonnaire, on avait du noir et blanc, on avait quelques émissions, et pourtant, on fumait drôlement. Alors, il doit y avoir d'autres éléments qui amènent des jeunes à fumer.

En fait, si le ministre de la Santé est tellement convaincu que les commandites sont un des éléments importants qui amènent les jeunes à prendre la décision de fumer, alors pourquoi le ministre ne finance-t-il pas une période de transition pour justement permettre à ces commandites de se tourner de bord et d'aller chercher les commanditaires ailleurs? En fait, comment croire un ministre qui


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n'investit que ses paroles pour soutenir ses principes, mais qui n'est pas prêt à investir un seul sou vaillant?

On ne fait pas ici de la démagogie, on regarde les faits tels qu'ils sont. Sans période de transition, c'est 60 millions de dollars qui sont en cause en pertes directes. Et en pertes indirectes, c'est 200 millions de dollars pour la région de Montréal, une région où il y a plus de pauvres que dans l'ensemble des provinces Maritimes. On ne fait pas de la démagogie, on regarde les choses en face. S'il y a des pertes d'argent de cette ampleur, ça va créer du chômage. Du chômage, ça veut dire des familles pauvres. Des familles pauvres, ça veut dire des enfants pauvres, de la malnutrition, du décrochage scolaire, des problèmes de santé.

Le pire, c'est que des études démontrent que le tabagisme prévaut davantage chez les familles qui sont justement pauvres. Or, le ministre, par ce refus d'accorder une période de transition raisonnable aux commandités, risque justement d'affecter précisément ces jeunes dont il veut préserver la santé. Voilà vraiment une mesure où le ministre n'a pas vu l'effet pervers qui risque d'en découler.

En fait, il faut réaliser que les commandités ont proposé au ministre des solutions de compromis intéressantes, mais on dirait que le ministre préfère aller en cour, parce que c'est ce qui va se passer. Les commandités et les commanditaires vont procéder et forcer le ministère à aller jusqu'à la Cour suprême et encore une fois, dans cinq ans ou davantage, le problème demeurera entier.

Je veux dire ici à mon collègue libéral que j'ai proposé moi-même au Comité de la santé des interventions actives ciblées justement vers les jeunes, entre autres, par exemple, la publicité avec des vedettes populaires auprès de la jeunesse, publicité où ces vedettes indiqueraient qu'elles ne font pas usage du tabac justement pour conserver leur santé.

(1225)

J'ai eu l'occasion de parler avec M. Rochon au mois de novembre dernier sur ce projet de loi et je lui ai indiqué ces préoccupations. Vous remarquerez que le projet de M. Rochon n'a pas avancé d'un iota depuis cette époque. Le projet de M. Rochon est révisé par le Cabinet, parce que, lorsqu'on amène un projet de loi, avoir de bonnes intentions, c'est bien, mais il faut faire attention aux effets pervers qui peuvent être produits par un projet de loi. C'est ce sur quoi nous insistons. Nous voulons que ce projet de loi ait toute l'efficacité nécessaire, que la santé des Canadiennes et des Canadiens, des Québécoises et des Québécois soit pleinement protégée.

Or, actuellement, à ce chapitre, avec les commandites, les effets pervers font que, justement, on remplacera un problème par un autre qui risque d'être pire encore.

Je pose une question à deux volets à mon collègue. Tout d'abord, le ministre aurait-il ici remplacé ses convictions par de la pure obstination? Le ministre de la Santé est-il malade? Pourquoi ce ministre n'investit-il pas ses propres deniers, son propre argent pour financer une période de transition? Finalement, et c'est peut-être surtout une réponse que j'aimerais entendre de mon collègue, le ministre ne craint-il pas, constitutionnellement, ce droit qu'il s'arroge de décider de ce qui est bien de voir et de ne pas voir à la télévision soit déclaré inconstitutionnel? D'autres pays ont tenté cette recette pour encadrer leurs citoyens sur ce qui était permis ou non permis de voir et on sait ce qu'ils sont devenus. Est-ce que le ministre, je pose la question à mon collègue, n'est pas en train, par son obstination, de perdre de vue les véritables intérêts de la santé canadienne et québécoise?

M. Lincoln: Madame la Présidente, pour commencer, si c'est vrai que le ministre est en train de perdre de vue les objectifs de la santé des Canadiens et des Canadiennes, c'est un peu étonnant qu'il soit appuyé par tous les organismes de la santé partout au Canada, incluant au Québec, sans exception. Les hôpitaux, les CLSC, les médecins, bref, tout le monde l'appuie. Donc, s'il est contre la santé, c'est assez étonnant que tous ces mouvements l'appuient sans réserve.

On dit qu'on n'a pas fait de débat sur cette question. Cette question est débattue depuis des années. Depuis des années, on en fait le débat. Chaque fois qu'on produit un projet de loi-et le gouvernement conservateur en a présenté-il y a un sempiternel débat là-dessus. Il y a un débat de société qui se fait entre les pro-tabagistes et ceux qui sont contre le tabac. C'est un débat qui dure depuis des années. Tous les faits sont connus.

J'ai dit à mon collègue du Bloc québécois que s'il est disposé à aller les voir, je vais l'emmener voir sept boîtes entières de documents qui prouvent la connexion entre la commandite du tabac et le tabagisme, surtout chez les jeunes. Il y a des études, je vous en ai cité deux, mais il y en a des centaines d'autres qui sont là en place et qui le prouvent.

Pourquoi, si ce n'est pas vrai, que la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis, les pays scandinaves, etc. auraient fait la même chose que nous? Même si le projet de loi du ministre Rochon est en train d'être réédité au Cabinet, le fait est que c'était son intention, que c'était l'intention du gouvernement du Québec, qui a dit très clairement qu'il voulait aller plus loin.

On parle de chômage à Montréal, d'où je suis. À Montréal, ça fait mal aujourd'hui. Mais je trouve que c'est un double langage que de parler de la connexion entre la commandite et le chômage et de ne jamais parler d'instabilité politique et du chômage à Montréal. Pourquoi est-ce que Zellers s'en va? Pourquoi est-ce que Canadien Pacifique s'en est allé? Pourquoi est-ce qu'on perd 5 000 Québécois de plus par trimestre qu'on en reçoit, incluant les immigrants? Pourquoi est-ce que ça se passe?

On ne veut pas regarder cela en face. On ne veut pas regarder les conséquences de ce sempiternel débat qui dure depuis des années. On a eu le premier référendum, ce n'était pas assez. On en a eu un second, ce n'était pas encore assez. On en aura donc un troisième. Même la députée de Saint-Hubert, qui est candidate au leadership du Bloc québécois, disait l'autre jour: «Après un troisième référendum, ce sera assez, parce que les gens en ont assez». Elle-même a admis qu'il faut à un moment donné arrêter ça pour créer une stabilité politique. C'est ça qu'il faut.

(1230)

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Madame la Présidente, je vais répondre immédiatement au député de Lachine-Lac-Saint-Louis qui disait que mon collègue avait parlé de Mme Céline Hervieux-Payette.


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Je pense que ça vaut la peine, en introduction, de lire seulement deux petits paragraphes que le député ne connaît sans doute pas ou dont il n'a pas pris connaissance. Je vais lui rappeler également que c'est l'organisatrice en chef pour les prochaines élections ou une des personnes qui va l'aider à se faire élire dans son comté. J'espère qu'elle sera à ses côtés sur une tribune pour défendre ce dossier-là.

Elle a dit: «À mon avis, la restriction sur la publicité et les commandites joue un rôle minime pour enrayer ce fléau. Si les activités sportives et culturelles québécoises sont destinées à être les cobayes d'une politique qui n'accomplira pas les effets recherchés, je ne marche pas. Donnez-moi votre appui pour empêcher que Montréal, qui ploie déjà sous le chômage, ne soit pas la grande victime de cette politique.»

Ce n'est pas une séparatiste, c'est une bonne libérale qui a été récompensée par le gouvernement d'en face, et qu'on a nommée sénatrice de l'autre côté, dans l'autre Chambre. Pourtant, cette personne n'appuie pas du tout le collègue que je viens d'entendre. Savez-vous pourquoi il y a une différence dans le discours entre les libéraux d'en face et les libéraux de l'autre Chambre? C'est parce que dans l'autre Chambre, ils ne sont pas élus, tandis que les libéraux d'en face, eux, sont élus et veulent avoir un beau dossier pour se présenter en campagne électorale. Ils veulent montrer patte blanche dans un dossier aussi important que la santé.

Qu'ont fait les libéraux dans le domaine de la santé en 1993? Rien, ou si peu. Je vous en citerai seulement quelques-uns, parce que mon temps est limité, et j'en profite pour vous dire, madame la Présidente, que je partage mon temps avec le député de Joliette.

Le ministère de la Santé a fait des études très importantes sur le fromage au lait cru. En bout de ligne, on a démontré, hors de tout doute, que c'était «fou fret» cette histoire-là, et les libéraux ont reculé dans ce dossier.

Il y a eu le Forum national de la santé, où on a dépensé 18 millions de dollars. Pourtant, c'était de juridiction provinciale, la santé. Cela n'avait pas sa raison d'être et c'était tellement impopulaire, que les provinces n'ont même pas participé à ce Forum national de la santé qui est de leur juridiction.

On a eu également une ministre de la Santé, dans les premières années, qui est partie en guerre. Elle commençait la guerre contre le tabac avec son fameux projet de banalisation des paquets de cigarettes. Il y avait des paquets beiges, et avec ça, les jeunes étaient censés arrêter de fumer.

Une voix: Ils étaient drab comme la ministre.

M. Bellehumeur: Effectivement, ils étaient aussi drab que la ministre, et c'est pour cette raison que cela a été arrêté à ce moment-là. Finalement, on a dit que ça ne marchait pas, on devait arrêter.

Mais là, à la veille d'une élection fédérale, le ministre de la Justice a réalisé que les électeurs se demanderaient ce que les libéraux avaient fait dans le domaine de la santé. Donc, il faut avoir une cause, on va tenter de trouver une noble cause. Ils l'ont trouvée, chez les jeunes, la santé des jeunes. On va partir avec l'idée qu'on veut protéger la santé des jeunes et on va intervenir au niveau du tabac.

Si le gouvernement avait vraiment le courage de ses convictions, il interdirait cette matière qu'on dit dangereuse. Le tabac, ça semble être dangereux, il faudrait l'interdire. J'ai entendu le ministre de la Santé et le secrétaire parlementaire nous dire que les effets du tabac chez les citoyens, chez les jeunes en particulier, coûtaient des milliards de dollars. Semble-t-il qu'il a évalué cela aux alentours de 3,5 milliards de dollars de coûts à la santé reliés directement à la cigarette.

Mais je n'ai pas entendu ce même ministre et ce même secrétaire parlementaire dire à cette Chambre que cela coûtait effectivement 3,5 milliards, mais qu'on en retirait, au provincial et au fédéral, pas moins de 5 milliards de dollars en taxes et en impôts de toutes sortes sur les produits de la cigarette, sur les produits du tabac. C'est sûr que ce n'est pas comique de voir des gens qui ont le cancer du poumon ou des maladies reliées à la consommation abusive de tabac. Mais on est dans un pays libre ici. Alors, pourquoi insister pour anéantir cette industrie?

(1235)

Si on s'était posé les vraies questions concernant cette problématique de consommation de tabac, on n'aurait sûrement pas cette législation hypocrite qu'on nous présente dans cette Chambre. En plus, pour un projet de loi aussi important, on nous a bâillonnés en deuxième lecture. On a fait une lecture rapide de tout ça. On nous a bâillonnés au moment de l'analyse article par article en comité. Encore aujourd'hui, à l'étape du rapport et à la troisième lecture, on met un terme au débat. On ne pourra pas en discuter comme on le voudrait. Pourquoi? C'est parce que les libéraux d'en face ne veulent pas en discuter.

Tantôt, le député de Lachine-Lac-Saint-Louis disait qu'il y avait sept caisses de documents démontrant un effet direct entre la cigarette et les maladies. Je peux vous dire que de l'autre côté, il y a également sept caisses de documents pour dire qu'il n'y a pas d'effets aussi direct qu'ils veulent le prétendre. Il y a également des études qui démontrent que ce n'est pas parce que des jeunes vont à l'Omnium Du Maurier que, lorsqu'ils retournent chez eux, ils veulent aller s'acheter un paquet de cigarettes.

Comme le disait le chef de l'opposition, le jeune qui regarde une partie de tennis et qui voit «Du Maurier» à l'arrière, pendant toute la partie, veut beaucoup plus une nouvelle raquette de tennis quand il arrive chez lui qu'un paquet de cigarettes. Il n'y a pas d'effet direct. Il n'y a pas eu d'études qui l'ont clairement démontré.

En plus, il faut dire les choses comme elles sont, le projet de loi C-71 sur le tabac, nous ne sommes pas contre à 100 p. 100. On appuie une grande partie de ce projet de loi et on l'a dit aux députés d'en face. On a même proposé pas moins de 32 amendements pour l'améliorer, pour avoir des moyens plus actifs, au niveau de l'éducation des jeunes, entre autres, si on veut vraiment protéger les jeunes. Eh bien non, le gouvernement a fait fi de nos remarques et continue de le faire parce que c'est lui qui détient la vérité. Quand tu imposes des bâillons, c'est parce que tu ne veux pas entendre


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l'opposition. Si tu ne veut pas les entendre, c'est parce que tu penses que tu as la vérité. C'est ce qui arrive.

C'est pour ça que cela me faire rire un peu d'entendre un discours comme celui qu'a tenu ce matin le député québécois de Lachine-Lac-Saint-Louis. C'est désolant. Il est ici pour défendre les intérêts du Québec et pendant 20 minutes, il a défendu les intérêts d'Ottawa, alors que nous, les députés du Bloc québécois, avons à coeur les intérêts des Québécois et des Québécoises.

Entre autres, la grande partie de ce projet de loi qu'on ne peut pas accepter, que personne au Québec n'accepte, c'est toute la partie qui touche les commanditaires. On ne pourra pas, avec un tel projet, avoir une série d'activités sportives et culturelles que les Montréalais, entre autres, et également les gens de toutes les régions du Québec, sont habitués d'avoir.

Je vais vous en nommer quelques-unes qui sont mises en péril parce que le gouvernement d'en face ne veut pas entendre raison: le Festival de Jazz, les Feux d'artifices Benson & Hedges, le Festival Juste pour rire, le Festival d'été de Québec, le Grand Prix de Montréal, le Grand Prix de Trois-Rivières, sans parler de tout l'effet domino qu'un tel projet d'interdiction des commanditaires va amener. Ce sont des pertes, uniquement pour Montréal, de 240 millions de dollars et de plus de 2 000 emplois. Et c'est sans compter l'effet domino pour les régions.

Dans Berthier-Montcalm, il y a le musée Gilles-Villeneuve. S'il n'y a pas de Grand Prix à Montréal, c'est sûr et certain que 10 p. 100 ou 15 p. 100 des touristes qui viennent au musée dans la période du Grand Prix de Montréal ne viendront plus. Ce sont des gens de l'Europe, du Japon, des États-Unis. Ce sont des touristes payants pour le Québec. S'il n'y a pas de Grand Prix de Montréal ou de Grand Prix de Trois-Rivières, il ne viendront jamais à Berthierville pour visiter le musée. Ils ne feront pas expressément un voyage du Japon pour venir visiter le musée Gilles-Villeneuve.

Il faut que vous compreniez ça, madame la Présidente. Essayez de les convaincre pour qu'ils comprennent. Si c'est si important, et je conclurai ainsi, pour le gouvernement d'en face, qu'il en fasse un enjeu électoral, que le secrétaire d'État au Bureau fédéral de développement pour le Québec vienne sur les tribunes du Québec vendre le projet de loi C-71 et ce sera la population qui décidera si oui ou non elle veut cette loi. Au Québec, ce sera non, on n'en veut pas.

(1240)

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Madame la Présidente, je crois que vous savez que j'ai un certain respect pour tous mes collègues de la Chambre et, bien sûr, pour un grand nombre de collègues de l'opposition officielle.

Mais je trouve ironique et contradictoire. . .

Une voix: Surprenant.

M. Duhamel: «Surprenant» c'est trop doux. L'attitude, la réaction qu'ils ont de dire que le député de Lachine-Lac-Saint-Louis ne protège pas le Québec ou les Québécois, quelle sottise.

M. Lebel: Ça fait mal, la vérité.

M. Duhamel: Ce n'est pas la vérité, c'est une sottise extraordinaire.

Le dernier député qui vient de parler, juste avant le dernier, est un honorable député qui a une réputation extraordinaire qui dépasse de beaucoup celle de la majorité des députés du Bloc.

M. Godin: Ça fait longtemps que vous n'êtes pas venu à Montréal, vous.

M. Duhamel: Ils le savent. C'est un député qui est reconnu pour son honnêteté. Saisir l'occasion pour essayer d'insulter, d'embarrasser une telle personne, je trouve cela déplorable.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): J'aimerais qu'on ait un peu plus de respect pour les députés de cette Chambre.

M. Duhamel: Nous savons tous que toute recherche crédible démontre qu'il y a un lien entre le tabac et la santé. On entend le député qui vient essayer de nous faire croire que d'autres recherches disent l'inverse, mais combien y a-t-il de Canadiens et de Canadiennes qui croient que ce n'est pas le cas?

Franchement, allez de l'avant avec des arguments qui ont du sens. Il y a presque 600 groupes au Québec, des gens crédibles, qui appuient ce projet de loi, 600 groupes. Une majorité de Canadiens et de Canadiennes, incluant des Québécois et des Québécoises, appuient ce projet de loi. Et ils essaient de faire croire que ce n'est pas le cas. Pourquoi? Pour essayer de rationaliser leur position, essayer de faire peur aux gens.

On a dit qu'il y aurait une perte extraordinaire de toutes sortes de spectacles.

M. Lebel: C'est vrai.

M. Duhamel: Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas de fondement dans leur position. Ils essayent de faire peur, de faire monter les gens. C'est la seule stratégie. Évidemment, lorsqu'on a rien à dire, on fonce, on attaque, on fait peur aux gens. Pourquoi pas? C'est la seule tactique qui leur reste.

C'est malheureux. Prétendre que nous faisons de la politique au sujet de ce projet de loi, c'est banal, c'est faux. Nous sommes ici pour essayer de protéger les jeunes, les Canadiens et les Canadiennes, cela inclut les Québécois et les Québécoises.

C'est ce qu'on devrait être en train de faire ensemble, plutôt que de profiter de cette occasion pour faire de la petite politique. C'est ce qu'ils sont en train de faire et je veux savoir pourquoi. Pourquoi défendre le tabac, défendre ce qui se passe, ce qui conduit à une mauvaise santé? J'aimerais comprendre comment ils peuvent défendre une telle position.

C'est insensible, c'est incroyable.

M. Tremblay (Rosemont): Le musée de Berthierville, qu'est-ce que vous en faites?

M. Bellehumeur: Madame la Présidente, il me fait plaisir de répondre au député de Saint-Boniface. Moi, je défends les retombées économiques, entre autres, parce qu'on est d'accord avec le volet portant sur la santé, pour la protection des jeunes, la question des 18 ans. Cela fait partie des 80 p. 100 du projet de loi avec lesquels on est d'accord.


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Mais il y a une partie qui fait mal au Québec, et c'est pour cela que je relevais le fait que le député qui vient de la province de Québec, qui vient du Québec, ne prend pas la défense des Québécois. Ne pas prendre la défense des Québécois, dans un projet semblable, cela veut dire des pertes de 30 millions minimum en commandites, des pertes de 240 millions, uniquement pour Montréal, en retombées économiques de toutes sortes. Cela veut dire des pertes d'emplois pour au moins 2 200 personnes, uniquement pour Montréal.

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Il viendra dire cela à ces 2 000 personnes-là qui vont être sur le chômage après l'adoption, en troisième lecture, du projet de loi C-71. Il viendra leur dire: «C'est à cause de nous autres, les libéraux, on a tué l'industrie touristique à Montréal; c'est à cause de nous autres, les libéraux, que vous perdez 240 millions de dollars annuellement en retombées économiques de toutes sortes; c'est à cause de nous autres, les libéraux, que vous perdez 30 millions de dollars en commandites.»

Il viendra leur dire cela durant la campagne électorale. Je vous invite également à venir le dire dans mon comté. Le secrétaire parlementaire du ministre de la Santé également, qui est là, il viendra le dire chez nous, lors de la campagne électorale, il viendra expliquer également au musée Gilles Villeneuve les pertes qu'ils vont subir.

M. René Laurin (Joliette, BQ): Madame la Présidente, j'avais commencé, dans mon exposé précédent, à expliquer que le projet de loi qui est devant nous est abusif parce qu'il confond des valeurs qui sont fort différentes. Quand on parle de commandites, on ne parle pas de publicité, car ce sont deux choses fort différentes.

Ce n'est pas parce que le nom d'une compagnie est inscrit sur une voiture que ça va nous porter à acheter plus de produit fait par cette compagnie. Si la compagnie faisait de la publicité pour vanter les mérites de son produit, là, je serais d'accord à ce qu'on interdise cette forme de propagande qui fait en sorte qu'on inciterait les gens à consommer un produit davantage. Mais dans le cas des commandites, ce ne sont pas ça les faits, ce n'est pas ça du tout.

La commandite a tout simplement pour objet qu'une compagnie assure ou fasse savoir aux gens qu'elle est présente à un événement, que cette compagnie-là partage les préoccupations des gens, partage leur vie sociale, leur vie quotidienne, leurs loisirs, leur culture, c'est ça qu'une compagnie cherche à faire par une présence de commandite. Si par la même occasion, elle vantait son produit, ça deviendrait de la publicité. Ce n'est pas parce qu'on voit une image qu'on est forcément tenté de l'imiter.

À ce compte, ça fait 30 ans qu'on voit certains personnages politiques au gouvernement fédéral et ça n'a pas fait de nous des libéraux pour autant. Ce n'est pas parce qu'on les voyait qu'on était tenté de faire comme eux. C'est quand on les a connus qu'on n'a plus eu envie de faire comme eux. C'est ça qu'il faut faire comme différence.

On est entouré à tous les jours de sources de pollution. Selon certaines statistiques, 60 p. 100 de la population souffre d'obésité. Pourtant, on n'a pas interdit la publicité et les commandites sur le chocolat, on ne l'a pas interdit non plus sur les chips ni sur les peanuts ou le gras animal, toutes ces choses-là sont permises.

Le médecin qui m'a déjà traité pour mon obésité est devenu aussi gras que moi au bout d'un an. Est-ce qu'il aurait dû me traiter par téléphone? Ce n'est pas parce qu'il me recevait à son bureau qu'il est devenu obèse. Pourtant, s'il y en avait un qui était motivé, c'était bien lui. Il connaissait les causes, mais il ne les a pas respectées, il les a évitées.

C'est pour ça que je dis que c'est par l'éducation qu'on fait les choses. J'entendais une nouvelle ce matin à la télévision qui disait que, depuis 10 ans, les femmes souffrent plus que les hommes du cancer du poumon. Le nombre de femmes fumeuses a quadruplé depuis ces 10 dernières années. Est-ce qu'il faut en conclure que les femmes regardent plus les courses automobiles que les hommes? Est-ce que ce sont les commandites de Rothmans ou de Du Maurier sur un festival culturel ou de Players sur une course automobile qui ont fait en sorte qu'il y a quatre fois plus de femmes qui fument aujourd'hui?

À regarder la télévision, lors de ces événements, je ne crois pas qu'il y ait plus de femmes qui y soient présentes qu'il y a d'hommes. On fait de fausses associations, mais pourquoi les fait-on? Parce que le gouvernement libéral, par l'intermédiaire de son ministre, s'est mis la tête sur le bûcher pour plaire à un lobby qui est fort puissant: le lobby anti-tabac. Je ne blâme pas les gens qui partagent cette opinion de travailler contre le tabac, de dire leur opinion, c'est leur rôle. Je ne blâme pas non plus les compagnies de vouloir faire en sorte de défendre leur position, c'est aussi leur rôle.

Mais quand un ministre dit «si ce projet de loi n'est pas adopté, vous voterez contre le parti libéral aux prochaines élections», voilà le véritable enjeu de ce qu'il veut faire passer dans sa loi. Il veut plaire au lobby anti-tabac qui est fort puissant et qui représente des milliers de gens qui sont bien intentionnés.

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Ne serait-ce de cet engagement que le ministre de la Santé a pris, je ne suis pas sûr que le gouvernement n'accepterait pas des compromis, n'accepterait pas de faire preuve d'un peu plus de souplesse dans la mise en vigueur de cette loi. Le ministre de la Santé veut sauver sa tête au détriment de plusieurs milliers d'emplois au Québec, à Montréal particulièrement, à Québec, à Trois-Rivières, dans la comté de Joliette où il y a une grande quantité de producteurs de tabac qui créent des emplois saisonniers. Je ne voudrais pas que ces gens soient obligés de congédier des employés.

Qu'on procède par l'éducation, qu'on convainque les gens, c'est comme ça qu'on obtient le meilleur résultat. Le meilleur exemple qu'on puisse citer, où on a réussi une campagne par l'éducation, c'est la campagne Nez rouge qu'on a mise sur pied pour combattre les abus d'alcool. Cela s'est fait par l'éducation et n'a pas coûté des millions ou des milliards aux Québécois. C'est une initiative québécoise. C'est un professeur de l'Université Laval à Québec qui a parti ce mouvement, il y a dix ou quinze ans.

Cet exemple a été suivi, non seulement par les autres provinces au Canada, mais aussi par plusieurs pays du monde où on a institué la même organisation. Aujourd'hui, cette campagne a comme résultat que les accidents d'automobile dus à l'abus d'alcool ont été réduits de près de 80 ou 90 p. 100. C'est le résultat d'une oeuvre éducative, ce n'est pas le résultat d'une intrusion du gouvernement, par ses lois, dans la vie des gens.

On n'a pas condamné les gens qui abusaient de l'alcool, on les a éduqués. Aujourd'hui, ces gens sont fiers de l'éducation qu'ils ont


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reçue. Ils sont fiers de collaborer au développement social et de contribuer à réduire le nombre d'accidents sur la route, parce qu'ils en ont été convaincus par des principes et non par une intrusion.

Cette intrusion, en plus d'être mal fondée, est dangereuse pour l'avenir. Si, chaque fois qu'il y a un abus de consommation, quel qu'il soit, le gouvernement doit légiférer pour éviter l'abus, il n'y a plus un citoyen au Québec ou au Canada qui aura la liberté d'agir. On condamnera tout.

On fermera les discothèques, parce qu'il y a trop de bruit. C'est dangereux pour les jeunes dans les discothèques d'entendre de la musique à plusieurs décibels. Ils peuvent devenir sourds. Pourtant, on n'a pas interdit la musique dans les discothèques. En autant que cela se passe à l'intérieur, on n'a pas réglementé le nombre de décibels. Il faudrait peut-être le faire, parce que c'est dommageable et cela coûte des sous au reste de la société si un jeune perd l'ouïe.

On n'empêche pas non plus les gens de se surmener, de veiller jusqu'à quatre ou cinq heures du matin. Ce sont des jeunes qui font ça. Bien souvent, ils traînent dans les rues. Est-ce qu'on devrait légiférer, imposer un couvre-feu à une heure du matin et dire qu'on ne veut plus les voir sur la rue? Ce n'est pas ce qu'on fait. On laisse la liberté aux parents d'éduquer leurs enfants. Et c'est par l'éducation qu'on en viendra à bout.

Il y a une foule d'autres exemples. L'automobile est polluante, pas juste parce qu'il y a des marques de tabac imprimées dessus. Elle est polluante par l'échappement de gaz carbonique dans les rues. Cela gâte la vie de tout le monde. Quand je respire le gaz carbonique des automobiles, c'est dangereux pour ma santé. Pourtant, le gouvernement n'a pas légiféré là-dessus. On n'empêche pas les automobiles et les autobus de circuler. Pourtant, c'est mauvais pour ma santé.

Tantôt, je mentionnais les produits qui causent l'obésité, c'est la même chose. On n'a pas défendu à ces compagnie de commanditer des événements sociaux ou culturels. On est mal avisé lorsqu'on intervient. La seule chose que l'opposition officielle demande au gouvernement, c'est d'amender sa loi permettant à cette industrie de continuer à commanditer des événements qui permettent à des milliers de gens de travailler.

On sauvera peut-être la vie de certaines personnes, mais si on en empêche des milliers d'autres de gagner leur vie, à ceux-là, on fait perdre leur vie. On leur fait perdre leur vie parce que ces gens-là vivront dans le désespoir. Leurs enfants aussi vivront dans le désespoir.

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C'est un mauvais remède. On applique un remède à une maladie sans en avoir évalué les effets secondaires. C'est comme si on disait, que parce que je mange des choses impropres à ma santé, si on trouve le remède dans dix ans, on va me couper les doigts. Ce n'est pas la meilleure façon. C'est comme si on disait: si on lui coupe les doigts, il ne pourra plus en manger. Eh bien oui.

Au lieu de tenter d'éduquer les gens et de leur dire qu'on ne coupe pas les doigts, on leur montre comment mieux manger, comment mieux servir leur santé et leur corps. C'est ça, une façon éducative. C'est plus d'ouvrage, c'est peut-être plus onéreux, mais à long terme, c'est beaucoup plus profitable et c'est beaucoup plus respectueux de la liberté des gens. C'est ce qu'on demande au gouvernement de respecter et c'est ce qu'on demande au gouvernement de reconnaître par les amendements que nous avons faits à ce projet de loi.

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Madame la Présidente, j'ai suivi, avec une grande attention, le discours soutenu et très nourri de mon collègue, le député de Joliette. Il ressort de ça qu'il ne croit pas, et je ne le crois pas non plus, que quelqu'un qui cesse de fumer aura dorénavant la vie éternelle. Il y a d'autres causes qui font que les gens meurent.

Malheureusement, je suis une des victimes de la cigarette. Je fume beaucoup, vous le savez, madame la Présidente. Mais c'est quand même ma liberté. Il y a un aspect de ce projet de loi qu'on n'a pas, il me semble, discuté à fond. Moi qui tousse beaucoup, j'aime encore mieux mourir du cancer du poumon que de mourir captif, victime et prisonnier. C'est triste à dire, mais ça ferait encore moins mal.

Depuis 1960, on est passés au prêt-à-porter, des vêtements qui font à tout le monde mais qui ne font bien à personne. On est passés au tfast foodo, au «prêt-à-manger». C'est peut-être de là que les problèmes d'obésité, dont faisait état mon collègue, proviennent. On est passés aussi au «prêt-à-penser». On ne peut plus certainement se poser des questions qui nous assaillent, qui nous occupent. Prenons un simple exemple: l'immigration. Il est mal venu de se demander, comme citoyen, si on fait venir trop d'immigrants ou pas assez, ou plutôt tel type que tel autre, etc. C'est interdit de se poser des questions dans ce domaine. Ce n'est pas politiquement correct. C'est le «prêt-à-penser».

Là, avec le projet de loi qu'on nous amène, c'est le «prêt-à-voir» maintenant. On veut bannir de la vue des citoyens certains noms, des noms corporatifs, des noms honnêtes, des noms qui ont été gagnés, qu'on a chèrement payé pour garder visibles. C'est un aspect de la loi, ça. On poursuit, comme des choses gênantes, les noms de corporations, pourtant d'honnêtes citoyens corporatifs, des gens qui ont contribué leur juste part-du moins je l'espère-à notre société par des paiements fiscaux, etc. Donc, j'approuve le député de Joliette lorsqu'il parle de ces abus qu'on veut essayer d'abolir, que ce soit concernant la bouffe, la cigarette ou quoi que ce soit. Je suis d'accord avec lui, mais il faut laisser la liberté aux gens.

J'ai toujours eu peur des régimes qui s'amènent et qui disent posséder la vérité absolue, en être détenteurs, être mandataires du Créateur et qui nous disent: «Dorénavant, vous ne fumez plus». Je demande à mon honorable collègue de Joliette s'il ne croit pas plutôt en la vertu de l'enseignement chez nos jeunes, parce que ce sont les jeunes qu'on veut protéger.

Je lui demanderais aussi s'il peut aborder un peu l'aspect réglementaire. Il y a des pans entiers, il y a sept chapitres dans ce projet de loi, qui laissent un pouvoir discrétionnaire éhonté au ministre de la Santé qui, jusqu'à présent, ne nous a pas éblouis par son jugement. Donc, laisser à un homme sans jugement le pouvoir de juger, c'est pas mal triste dans un projet de loi. Il aurait fallu que ce soit canalisé, que les règlements soient décrétés par le gouverneur en conseil, car au moins, s'il y a un ministre qui est faible de la bottine, les autres peuvent le ramener à l'ordre. Mais ce n'est pas le cas.


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conseil, car au moins, s'il y a un ministre qui est faible de la bottine, les autres peuvent le ramener à l'ordre. Mais ce n'est pas le cas.

(1300)

Dorénavant, le ministre, sans jugement-il nous a prouvé qu'il n'en avait pas, dans le dossier du fromage au lait cru par exemple-pourra, lui, décréter un règlement, au jour le jour, un cataplasme, une jambe de bois, et faire des règlements au gré des pressions du groupe anti-tabac ou autre. Le pire, c'est que ces règlements, si le projet de loi C-25 est adopté, ne seront même pas publiés.

Donc, je demande à mon honorable collègue de Joliette de commenter, pour le bénéfice de cette Chambre et spécialement pour celui du ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional pour le Québec, chez les libéraux, ici présent, à savoir s'il ne voit pas là un danger dans la législation.

M. Laurin: Madame la Président, vous m'indiquez qu'il ne me reste que 30 secondes; ce n'est vraiment pas beaucoup de temps pour répondre à la question de mon collègue.

J'ai parlé principalement des commandites, parce que c'est l'aspect le plus important qui nous touche dans l'immédiat. Bien sûr, on aurait pu parler de la réglementation, mais avec beaucoup d'incertitude, parce que nous ne connaissons pas cette réglementation.

De plus, il y a bien des chances que la réglementation sur le projet de loi ne soit déposée qu'après les élections, parce qu'il s'agit d'une promesse électorale libérale. Et une promesse libérale aux élections, on sait à quoi on peut s'attendre, on en a eu aux dernières élections qui n'ont pas été respectées. Le gouvernement ne veut pas les faire connaître tout de suite, il attend après les élections, car ça risque de lui coûter moins cher.

[Traduction]

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre part à un débat qui concerne un sujet qui me tient beaucoup à coeur. Je parle de cette question depuis huit ans, probablement plus que n'importe quel autre député.

Je voudrais remercier mes collègues de ce côté-ci de la Chambre pour la compréhension dont ils ont fait preuve au sujet de ma position. Il est important et parfois très difficile de parler du tabac. Je remercie en particulier le ministre et les fonctionnaires de son ministère d'avoir accepté les amendements au projet de loi présentés par les tabaculteurs. Je remercie particulièrement la députée de Lambton-Middlesex pour l'amendement au projet de loi auquel elle a beaucoup collaboré.

Le nombre des tabaculteurs a beaucoup diminué depuis 1984. La plupart des quelque 1 200 qui restent se trouvent dans ma circonscription, Haldimand-Norfolk-Brant. L'industrie du tabac a une grande importance dans ma circonscription puisqu'elle représente près d'un emploi sur trois. Dans l'ensemble du Canada, l'industrie emploie environ 60 000 Canadiens. Son impact dans ma circonscription est sans doute plus marqué que n'importe où ailleurs au Canada. L'industrie du tabac a une importance considérable pour l'économie rurale. Autant d'emplois signifie autant de revenus qui permettent aux gens de dépenser. Les répercussions dans ma région sont sans doute plus marquées puisque 80 p. 100 des revenus générés par l'industrie du tabac y sont dépensés.

Une étude effectuée par la maison Deloitte Touche, intitulée «La contribution économique de l'industrie du tabac dans les régions tabacoles de l'Ontario», explique l'importance de l'industrie dans une petite communauté comme la mienne. Il est important que les députés et les Canadiens le comprennent.

Les emplois directs créés par la tabaculture se chiffrent à16 189 emplois à temps plein et à temps partiel, soit l'équivalentde 4 578 emplois à temps plein, ou 22 p. 100 de l'ensemble des emplois du secteur agricole dans ma région.

Chaque année, 13,4 millions de dollars sont versés en salaires à des étudiants de niveaux universitaire et secondaire dans ma région. Cette source de revenus les aide à payer leurs frais de scolarité.

J'ai d'autres chiffres concernant les revenus. Les recettes totales engendrées par le tabac sont de l'ordre de 315 millions de dollars. Dans Haldimand-Norfolk, elles sont de 174 millions. Dans le comté de Brant, elles sont de 31 millions. Dans celui d'Oxford, elles sont de 44 millions. Dans Elgin, elles sont de 66 millions.

(1305)

Quelles répercussions ont-elles sur les collectivités? Les collectivités et les municipalités de toute l'Ontario se voient imposer de rudes compressions par le gouvernement conservateur Harris. Voyons les recettes que rapportent les taxes sur le tabac à ces régions. Dans le comté de Brant, les taxes fédérales se chiffrent à6 millions de dollars, les taxes provinciales à 3 millions et les taxes locales à 1 million, ce qui totalise 10 millions de dolars. Dans Haldimand-Norfolk, les taxes fédérales s'élèvent à 34 millions de dollars, les taxes provinciales à 16 millions et les taxes locales à7 millions. Cette industrie rapporte 56 millions de dollars en taxes à cette région.

D'où viennent les emplois? Les membres des familles qui sont recrutés sur place comptent pour la majeure partie des employés. Ce sont des exploitations agricoles qui contribuent à envoyer les enfants à l'école. On estime que ces producteurs consacrent 33,4 p. 100 ou 11,3 millions de dollars de l'argent qui va aux étudiants de niveau secondaire.

Mon argument est simple. Tant que les Canadiens pourront légalement fumer, ce qui est parfois difficile, compte tenu des mesures législatives, surtout municipales, ils devraient pouvoir fumer du tabac canadien. Les avantages se feront sentir dans ma région.


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Cet argent ne va pas seulement dans les poches des producteurs et de ceux qui travaillent dans les régions qui produisent du tabac. Il va aux écoles. Il va aux petits magasins du coin. Cet argent sert à financer les petits hôpitaux et les activités locales de bienfaisance.

Dans la région de Delhi, Tillsonburg, Aylmer et dans tout le secteur où l'on cultive le tabac, les dons sont plus élevés que dans la plupart des autres régions de l'Ontario. Les producteurs de tabac redonnent ce que la nature leur offre.

Les producteurs de tabac sont des gens normaux. C'est du bon monde. Ce sont des Canadiens qui ont contribué au développement de notre pays. Ils sont venus de partout dans le monde pour cultiver le tabac dans Haldimand-Norfolk. Nos collectivités allemande et belge sont parmi les plus importantes du pays. Il y a des Hongrois et des gens d'autres nationalités qui sont venus cultiver le tabac dans notre région.

Le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les consommateurs les ont encouragés à s'engager dans cette industrie. Mon argument est simple. Ne les jetons pas dans la fosse aux lions. Nous avons pris le temps de les encourager à se lancer dans cette entreprise, alors pourquoi ne pas prendre le temps qu'il faut pour les en écarter, si c'est ce que veulent les gouvernements?

On peut stabiliser cette industrie. Certaines des mesures que le gouvernement a mises en oeuvre ont aidé les producteurs de ma région. Les gens veulent savoir pourquoi ils ne déménagent pas dans une autre région ou pourquoi ils ne cultivent pas plutôt du blé ou des melons. On a essayé cela. Premièrement, le sol se prête mal à d'autres cultures. La taille des fermes de tabac est de 80 acres, en moyenne, et l'on ne peut pas faire beaucoup d'argent de nos jours, avec 80 acres de terrain. On ne peut tout simplement pas avoir une entreprise agricole viable dans ces conditions. Bien sûr, les secteurs où ils ont essayé de percer sont déjà saturés. Il n'y a pas de réponse facile pour les aider.

(1310)

Le gouvernement les a aidés et je l'en félicite. Je continuerai à travailler pour obtenir de l'aide pour eux. Des gouvernements précédents et le présent gouvernement, les consommateurs et les partis politiques ont tous participé à ce débat. Il leur est arrivé d'oublier que ces agriculteurs sont des Canadiens comme les autres qui veulent gagner leur vie et celle de leur famille. En tant que député de cette région, je continuerai à parler en leur nom quand il s'agira de la législation sur le tabac. J'espère que les députés de tous les partis m'aideront à prendre leur défense.

[Français]

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté mon confrère du Parti libéral avec beaucoup d'attention. Je m'aperçois qu'il est, lui aussi, très préoccupé par l'aspect économique. Sa région semble être une région agricole où on cultive beaucoup de tabac. On nous parle de 16 000 emplois, 22 p. 100 d'emplois agricoles, environ 56 millions de taxes. Pourtant, c'est une province très riche. En ce qui concerne Montréal et la province de Québec, on a présentement beaucoup de difficultés économiques.

J'aimerais qu'il me donne son interprétation. A-t-il pensé, à un certain moment, de parler à son gouvernement pour qu'il tente d'établir une certaine équité et qu'il y ait un équilibre économique?

Il n'y a pas si longtemps, voulant harmoniser la TPS dans les provinces de l'Est, parce qu'on croyait qu'elles perdaient beaucoup plus que le Québec, le gouvernement leur a offert 1,2 ou 1,3 milliard en compensation. La preuve a été faite que dans la province de Québec, surtout à Montréal, ce projet de loi nous coûtera 30 millions.

Je me demande pourquoi le Parti libéral, qui a décidé de donner 1,2 milliard en compensation aux provinces de l'Est, n'en ferait pas autant pour Montréal. Pense-t-il pouvoir présenter ce point de vue à son gouvernement?

[Traduction]

M. Speller: Madame la Présidente, de toute évidence, le député ne m'écoutait pas aussi attentivement qu'il le disait. Les députés du Québec qui siègent de ce côté-ci et le ministre se sont vigoureusement prononcés en faveur de la population du Québec et de Montréal. Ils ont réussi à faire valoir leur argument.

Je ne me lancerai pas sur le sujet de la TPS, mais je vais parler des conséquences économiques du projet de loi pour ma collectivité et de l'incidence des mesures que prennent tous les gouvernements. Pour parler franchement, les conséquences économiques du projet de loi seront très minimes. Toutefois, je peux dire au député que la population du Québec est bien mieux représentée au sein du gouvernement par des ministres compétents que par certains orateurs de l'autre côté.

M. Joseph Volpe (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, Lib.): Madame la Présidente, je tiens à féliciter mon collègue d'avoir éclairé certains points. Contrairement à d'autres députés, il était présent pour entendre un député de ce côté de la Chambre proposer un amendement qui répondait aux préoccupations du Bloc québécois et du Parti réformiste au sujet des règlements. Cet amendement a été adopté; ainsi, le comité pourra étudier les règlements. Cette mesure crée un précédent et est avantageuse pour ceux qui veulent examiner l'impact total du projet de loi.

(1315)

À ce propos, mon collègue, qui a toujours parlé au nom de ses électeurs, devra étudier le projet de loi tel qu'il est. Le député qui est intervenu avant lui a parlé de l'importance de l'éducation pour orienter ou modifier un comportement et pour sevrer les gens de leur infâme assuétude au tabac. Je me demande si tout en défendant les intérêts de ses producteurs, il reconnaît quand même que l'éducation et, par conséquent, le contrôle. . .


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La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): À l'ordre. Le député a la parole pour une très brève intervention.

M. Speller: Madame la Présidente, je remercie le député de ses commentaires. S'il faut choisir entre des taxes sur le tabac plus élevées, comme le propose le Parti réformiste, et des programmes d'éducation, je choisirais certainement l'éducation au lieu de l'augmentation de la taxe à l'exportation.

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Madame la Présidente, j'ai des réserves à l'endroit de ce projet de loi, mais en dépit de ces réserves, je l'appuie fortement.

Je suis un ancien fumeur et, à une époque, je fumais 60 cigarettes par jour, ce qui est beaucoup. J'ai commencé à fumer à l'âge de 16 ans, sous l'influence de mes camarades, et ma consommation a augmenté graduellement. Le tabac est une drogue très insidieuse. On s'y habitue petit à petit et cette dépendance physique et psychologique s'accentue au fil des années. J'ai eu beaucoup de mal à me défaire de cette habitude, mais j'y suis parvenu il y a une dizaine d'années. Par conséquent, les problèmes du tabagisme ne me sont pas étrangers.

J'appuie l'esprit du projet de loi, car il est certes vrai que les jeunes sont habituellement ceux qui développent une dépendance envers les produits du tabac et qui ne peuvent plus s'en passer une fois devenus adultes. En fait, la cigarette est désagréable lorsqu'on l'essaie pour la première fois. Je suis certain que, si des adultes allumaient une cigarette pour la première fois, ils la rejetteraient carrément. Il s'agit là d'une habitude qui s'acquiert à cause de la pression des camarades. L'idée derrière le projet de loi selon laquelle nous devrions nous pencher sur le problème des jeunes qui commencent à fumer est très valable.

Je ne suis pas tout à fait certain qu'imposer davantage de restrictions aux jeunes qui fument aura l'effet souhaité, car, lorsqu'on interdit une chose aux jeunes, ils ont tendance à la vouloir d'autant plus. Par ailleurs, étant donné l'importance de l'objectif de ce projet de loi, il vaut la peine d'essayer d'imposer ces restrictions qu'il propose.

Une deuxième réserve que j'avais concerne la commandite. J'ai toujours considéré que les compagnies de tabac, les brasseries et les distilleries commanditaient les événements artistiques et sportifs parce qu'elles avaient le sens des responsabilités sociales. En réalité, nous avons besoin des compagnies de tabac, des distilleries et des brasseries. Si aucune entreprise légitime ne fabrique les produits demandés par les consommateurs, même si ces produits nuisent à la santé, l'expérience montre que le crime organisé s'en chargera. Il est essentiel et correct qu'il y ait une industrie légitime qui fabrique ces produits et les mette sur le marché. Les profits vont aux actionnaires de ces entreprises publiques et c'est très bien.

J'ai toujours cru qu'en contrepartie, les sociétés qui fabriquent des produits nuisibles pour la santé manifesteraient une conscience sociale particulièrement bonne. J'ai toujours pensé que, si les fabricants de produits du tabac commanditaient les Grand Prix ou les brasseries ou les distilleries, le théâtre, c'est qu'ils voulaient manifester une bonne conscience sociale, afin, dans un sens, de compenser pour le fait que leurs produits avaient vraiment des effets nuisibles sur la santé.

(1320)

Je dois dire que, dans ma circonscription, cette théorie, que j'ai adoptée il y a très longtemps, a perdu de sa valeur quand j'ai vu ce qui s'est passé quand un théâtre local tenu par des bénévoles, le théâtre communautaire Aquarius, a voulu changer de ligue, pour ainsi dire, et a obtenu une subvention gouvernementale ainsi que la commandite d'un fabricant de produits de tabac. Le nouveau théâtre, bâti grâce à cette commandite, a dû être baptisé Centre Du Maurier. Il y a environ dix ans de cela. J'avais alors été choqué et il m'était apparu que le fabricant de produits de tabac était moins généreux du fait qu'il exigeait que le théâtre change de nom et affiche son logo.

D'une part, je ne suis pas convaincu que l'interdiction de commanditer de grands événements, qui a donné lieu à un vif débat à la Chambre, ait pour effet de dissuader les jeunes de fumer. Je doute que ce soit le cas. Cependant, comme dans le cas des autres aspects du projet de loi, cela vaut peut-être la peine d'essayer.

D'autre part, je ne comprends pas pourquoi les fabricants de produits du tabac, s'ils cherchent vraiment moins à faire de la publicité qu'à manifester une conscience sociale, s'offusquent des dispositions du projet de loi, qui n'éliminent pas leurs logos mais les mettent simplement moins en évidence. Je n'aurais pas cru qu'ils s'y opposent aussi vivement.

J'en arrive à mon troisième point. Si les fabricants de produits du tabac réagissent si fort au projet de loi C-71, c'est que, des deux côtés, les groupes de lobbyistes ont créé un climat de tension extraordinaire. Les compagnies de tabac ont certes pu se payer des lobbyistes très forts, mais ce qui a vraiment exacerbé l'acrimonie et le conflit, ce sont les lobbys financés par l'État appartenant à l'autre camp, les lobbys anti-tabac comme l'Association pour les droits des non-fumeurs et le Conseil canadien sur le tabagisme et la santé.

Ces organismes ont reçu au fil des années des dizaines de millions de dollars de Santé Canada et des ministères provinciaux de la santé pour promouvoir la lutte anti-tabac. J'aimerais pouvoir dire que cela était motivé par l'altruisme, mais je crains bien que ce sont des considérations pécuniaires qui aient pesé dans la balance, et plusieurs des principaux porte-parole de ces lobbys, tout comme dans les lobbys soutenus par l'industrie du tabac, touchent des salaires très élevés. En fait, si on essaie de savoir combien d'argent ils touchent, on découvrira qu'ils ont des traitements de l'ordre de 100 000 $ et plus.

Je crois même qu'un directeur général de l'un des lobbys anti-tabac touche environ 180 000 $ par année. Il s'agit en fin de compte de l'argent de l'État, de fonds publics venant de notre ministère de la Santé. Je signale que ce dernier a versé 500 000 $ par année


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depuis deux ans à l'Association pour les droits des non-fumeurs, qui est, je le répète, un lobby.

Le lobbying déborde les organismes déjà nommés. Il inclut également diverses organisations de santé qui ont vraiment quelque chose en jeu dans tout cela, et ce qui est en jeu en fin de compte, ce sont les fonds pour la recherche.

Si nous examinons les comptes publics pour Santé Canada, nous constatons qu'un montant disproportionné d'argent de ce ministère est dépensé pour diverses études en matière de lutte contre le tabagisme. Certaines de ces études ne sont rien moins que des exercices de propagande, des tentatives pour soumettre les députés eux-mêmes à la propagande.

Je tiens à rappeler très brièvement une étude dont nous avons tous eu connaissance et qui a pris la forme d'un questionnaire auquel nous avons été invités à répondre en novembre dernier par la faculté de médecine de l'Université York, je crois. L'étude s'effectuait sous la direction du docteur Mary Jane Ashley, de la faculté de médecine de l'Université de Toronto. Il s'agissait d'un sondage par téléphone, par lequel on nous demandait notre point de vue en matière de promotion de la santé. Une fois le sondage bien entamé par la personne qui interrogeait, on se rendait compte que les questions étaient axées sur la lutte contre le tabagisme.

Je soutiens que ce sondage n'était rien d'autre qu'un exercice de propagande auprès des députés. Lorsque j'ai appelé les auteurs du sondage, ils ont refusé de me donner des copies du questionnaire. Ils m'ont simplement raccroché la ligne au nez. Lorsque j'ai appelé Santé Canada pour savoir combien d'argent on y avait dépensé et pour obtenir une copie du questionnaire, puisque Santé Canada commanditait le sondage, on m'a répondu que le questionnaire n'était pas disponible.

(1325)

Autrement dit, je n'ai pu obtenir, que ce soit auprès de Santé Canada ou des responsables du sondage, une copie de l'enquête téléphonique menée auprès de tous les députés, même si le sondage était entièrement financé par Santé Canada. Il ne s'agissait que d'un exercice de propagande.

Je suis ravi de dire que je ne crois pas que le ministre de la Santé ou le gouvernement ont présenté le projet de loi C-71 à cause de la propagande exercée par les groupes d'intérêts qui pourraient recevoir des subventions énormes du gouvernement. Je crois cependant que le projet de loi est né du désir de trouver une solution au problème que pose le tabagisme chez les jeunes.

J'espère sincèrement que, une fois ce projet de loi adopté, le ministre de la Santé demandera à son ministère de bien réaffecter les 60 millions de dollars consacrés ces trois dernières années à la recherche et à la lutte contre le tabagisme. J'espère qu'il demandera à son ministère de consacrer dorénavant ces fonds aux soins de santé, à la recherche, à la dystrophie musculaire et au cancer et même à la création de centres de lutte contre le tabagisme. Cessons toutefois de subventionner les groupes d'intérêts. Voilà pour la troisième raison qui m'incite à appuyer ce projet de loi.

La quatrième et dernière raison est la suivante: le député de Lambton-Middlesex, un député d'arrière-ban, a formulé l'amendement le plus important, qui devient la disposition la plus importante de ce projet de loi, selon laquelle tout règlement découlant de la loi sera étudié d'abord par la Chambre des communes, puis examiné par un comité permanent, avant d'être adopté. Cela signifie que, même après l'adoption de ce projet de loi, les intervenants auront tous encore l'occasion de veiller à ce que le règlement tienne bien compte non seulement des besoins et de la liberté des compagnies de tabac, mais également des besoins des Canadiens.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Madame la Présidente, je remercie l'honorable député d'Hamilton-Wentworth de son intervention.

Il y a fort longtemps, on lisait, et on peut le lire encore aujourd'hui, bien sûr: «L'État compte pour toi et ne se trompe pas.» C'est dans Les Misérables, de Victor Hugo, lorsque, après 19 ans de bagne à la prison de Toulon, Jean Valjean réclamait les quelques sous qu'il avait gagnés. L'inspecteur Javert lui répondait ces mots: «L'État compte pour toi et ne se trompe pas.»

Aujourd'hui, les nouveaux misérables nous font dire: «L'État pense pour toi et ne se trompe pas.» Comme mon collègue, l'honorable député de Chambly le mentionnait tout à l'heure: «On est au «prêt-à-penser», comme on a été au prêt-à-porter précédemment.»

Il y a quelque chose de foncièrement erroné dans le processus. Tout le monde en cette Chambre combat l'idée du tabagisme, combat le fait que les jeunes puissent avoir un accès facile au tabac, mais on ne prend pas les bons moyens.

Je suis moi-même issu d'une famille de fumeurs. Mon grand-père paternel avait sa marque de tabac pour sa pipe, à l'époque, mon grand-père maternel, lui, fumait son tabac Alouette, et chacun avait son cigare. Mon père fumait à peu près deux paquets d'Export sans filtre par jour, ma mère fume encore la même marque aujourd'hui.

J'en ai tant vu de ces paquets de cigarettes sur la table de la cuisine chez nous, des cigarettes, des mégots partout que je n'ai jamais pensé un seul instant fumer de ma vie. Je n'ai jamais touché à ce fruit défendu. Peut-être aurais-je dû m'abstenir de toucher à d'autres, madame, mais la cigarette, par l'éducation, par l'effet adverse qu'a produit le fait de voir fumer mes parents ainsi que l'entourage ont fait que je suis devenu un non-fumeur. Encore aujourd'hui, je vois fumer ma mère et c'est écrit sur son paquet que c'est dangereux pour ses poumons, que ça peut être dangereux si elle devient enceinte-il n'y a pas grand danger de ce côté-là-et qu'en fumant des cigarettes américaines le médecin a déterminé que fumer pouvait être dangereux pour la santé.

Les fumeurs ne regardent même plus ces étiquettes, parce qu'on agit tellement par automatisme.


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Le travail d'éducation, dont parlaient le député de Joliette et le député de Berthier-Montcalm tout à l'heure, est le meilleur travail qu'on peut faire.

Le travail d'éducation, il commence par où? Il commence par l'école et par l'exemple, mais il se poursuit dans le travail. Lorsque nos jeunes travaillent, lorsque nos jeunes vont à l'école, qu'on empêche le décrochage scolaire, ils ne sont pas en train de fumer.

(1330)

Lorsque les jeunes sont au travail ou à l'école, ils ne sont pas en train de faire de la criminalité juvénile, c'est une question d'emploi du temps. Un emploi du temps pour nos jeunes, c'est de les recycler dans l'étude et dans le travail, de leur donner le goût de continuer.

Personnellement, je ne crois pas que cette cause, aussi noble soit-elle, et c'est noble que de vouloir diminuer la consommation de tabac, que cette cause va être servie par le projet de loi actuel, lequel va tout simplement amener des pertes économiques, bien sûr pour des régions comme celle de Lanaudière, mais aussi pour des régions comme celle de notre collègue de Haldimand-Norfolk où ça va causer du chômage.

Est-ce qu'on va solutionner un problème en en créant d'autres ailleurs? Je ne crois pas. Je ne crois pas non plus que si les commandites, dites de prestige, d'événements internationaux comme on voit à Montréal, à Valleyfield, à Ville-Marie et un peu partout au Québec et au Canada, si ces événements disparaissaient, que les promoteurs et les commanditaires seraient pénalisés à ce point.

En conséquence, je m'opposerai, comme je m'y suis opposé lors de la deuxième lecture, à l'adoption du projet de loi C-71.

[Traduction]

M. Bryden: Madame la Présidente, je veux seulement revenir sur quelque chose que mon collègue a dite, à savoir que c'est par l'éducation qu'on arrivera à empêcher les jeunes de fumer. Si j'appuie l'adoption du projet de loi, c'est notamment parce que je crois que nous devons faire tout notre possible pour empêcher les jeunes de fumer.

Toutefois, le projet de loi va priver de l'argent du gouvernement les groupes d'intérêts, les démarcheurs qui font plein d'argent en faisant de la propagande pour les deux camps, en suscitant des conflits et en prétendant éduquer la population.

Nous donnons des millions de dollars à des organisations qui prétendent éduquer la population. Si Santé Canada veut vraiment éduquer les jeunes, qu'il verse ces millions de dollars aux écoles, aux enseignants du Québec, de l'Ontario ou de toute autre province et qu'il laisse aux écoles le soin d'informer les enfants sur les dangers du tabagisme. Ne donnons pas l'argent aux démarcheurs.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Madame la Présidente, c'est avec plaisir que j'interviens sur le projet de loi C-71 aujourd'hui. Je voudrais faire quelques observations sur les propos du député de Haldimand-Norfolk, qui a encensé les producteurs de tabac et souligné leur apport à la société canadienne.

Je tiens à dire à la Chambre que c'est déformer les faits d'une manière absolument outrageuse que de dire que les producteurs de tabac peuvent être considérés, même de très loin, comme un atout pour la société canadienne. C'est un affront à tous les Canadiens qui souffrent d'une maladie causée par le tabac. Aujourd'hui, la Société canadienne du cancer a publié une étude qui montre que les femmes ont malheureusement dépassé les hommes au chapitre du cancer du poumon, qui est devenu la première cause de décès des femmes. C'est une véritable tragédie. Tels sont les bienfaits que les producteurs de tabac procurent aux Canadiens.

Madame la Présidente, 45 000 personnes meurent tous les ans des suites d'une maladie liée au tabac et 250 000 enfants commencent à fumer tous les ans. La moitié d'entre eux mourront prématurément, sans compter que leur taux de morbidité sera plus élevé que celui des non-fumeurs.

Le tabagisme coûte des milliards de dollars à notre système de soins de santé. Notre produit national brut perd des milliards de dollars. Qui en profite?

Aujourd'hui, la principale cause de décès à cause d'un cancer chez les femmes est le cancer du poumon. Les femmes ont mis20 ans à rattraper les hommes. Maintenant, c'est chose faite, hélas. Quelle tragédie et ce sont là des données dont personne ne peut être fier.

En 1994, tout juste après les élections, la situation était semblable à celle d'aujourd'hui, sauf que nous étions aux prises avec un problème de contrebande de cigarettes, principalement au Québec et dans les réserves indiennes du Québec. Ce n'est pas une bonne chose.

(1335)

Il n'y a pas que le tabac que l'on faisait entrer illégalement, mais aussi l'alcool, les gens, les armes et les drogues. Des réseaux de contrebandiers opéraient au vu et au su des policiers parce que ceux-ci avaient reçu ordre de ne pas intervenir de crainte qu'une nouvelle crise d'Oka ne survienne, ce qui est un élément non négligeable.

Qu'a fait le gouvernement de l'époque? Le gouvernement libéral a réduit les taxes sur le tabac, entraînant une baisse du prix allant jusqu'à 50 p. 100 dans certaines provinces. Quel effet cela a-t-il eu? Le nombre d'enfants qui commencent à fumer la cigarette chaque année a augmenté de 50 000 à 100 000 environ.

Je veux lire des passages d'un document qui a été préparé pour le ministère de la Santé, par les docteurs Morrison, Mao et Wigle, et intitulé «The Impact of the Cigarette Price Rollback on the future health of Canadian adolescents». Voici quelques passages:

«On estime qu'une réduction de 20 p. 100 du prix des cigarettes au cours des cinq prochaines années amènera plus de 142 000 adolescents à commencer à fumer d'ici la fin de 1998. Parmi ces


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individus, près de 16 900 mourront avant 70 ans, c'est-à-dire bien en deçà de leur espérance de vie normale, de maladies attribuables au tabagisme.»

«On estime qu'une réduction de l'ordre 50 p. 100, qui correspond davantage à la réalité, amènera plus de 355 000 adolescents à commencer à fumer au cours des cinq prochaines années et que, de ce nombre, environ 40 000 mourront avant 70 ans de maladies attribuables au tabagisme.» Voilà ce que le gouvernement a fait.

Le dernier paragraphe du document préparé par le ministère de la Santé mentionne ceci: «La réglementation gouvernementale des produits du tabac au Canada a reposé sur trois éléments principaux: les campagnes de promotion de la santé, les taxes élevées sur le tabac et des mesures restreignant l'usage du tabac dans les lieux publics.» Ceci est important: «L'abandon des taxes élevées sur les cigarettes, même si ce n'est que temporaire, poussera probablement de nombreux adolescents à commencer à fumer ou à continuer. Les conséquences de la dernière baisse de taxe sur le plan de la santé continueront de se faire sentir pendant des décennies.»

Je n'arrive pas à trouver, dans l'histoire de notre pays, un seul projet de loi qui ait été présenté par quelque gouvernement que ce soit et qui ait eu des répercussions plus préjudiciables sur la santé et le bien-être des Canadiens et, bien entendu, des enfants. Je ne comprends pas comment les députés d'en face, qui ont eux-mêmes des enfants, peuvent, en leur âme et conscience, appuyer ce projet de loi.

Tout de suite après, j'ai présenté un projet de loi d'initiative parlementaire pour demander au gouvernement de ramener les taxes sur le tabac au même niveau qu'en janvier 1994. Quelle a été la réponse du gouvernement? Il n'a même pas voulu qu'il y ait un vote sur le projet de loi. Il n'a même pas voulu donner à la Chambre la possibilité de mettre le projet de loi aux voix et de tenir un véritable débat. Le gouvernement a bloqué le processus au comité. Quelle honte!

Depuis trois ans, des centaines de milliers d'enfants ont commencé à fumer la cigarette à cause de cette politique. Ce n'était pas inévitable. Il aurait pu en être autrement parce qu'il existait une solution à la contrebande qui ne compromettait pas la santé, le bien-être et la vie des enfants canadiens.

En 1992, le gouvernement conservateur a imposé une taxe à l'exportation sur les cigarettes. En six semaines, la contrebande avait diminué de 70 p. 100. Les sociétés productrices de tabac ont dit au gouvernement que s'il n'abolissait pas cette taxe, elles quitteraient le Canada. Qu'a fait le gouvernement conservateur? Il a cédé à la pression et a aboli sa taxe, puis la contrebande a repris de plus belle. Il existe des solutions. Si j'insiste là-dessus, c'est parce que le coût des cigarettes est le facteur déterminant dans la consommation, surtout pour les enfants.

Le gouvernement a cédé en 1994 parce qu'il savait que les compagnies de tabac formeraient un puissant groupe de pression et s'opposeraient à toute taxe à l'exportation. Le gouvernement a abaissé le prix des cigarettes et nous avons vu toute l'industrie du tabac sabler le champagne. Les sociétés productrices de tabac doivent penser que nous sommes idiots. Elles ne s'imaginaient probablement pas qu'un gouvernement compromettrait la santé, le bien-être et la vie de Canadiens par opportunisme politique. Pourtant, c'est exactement ce qui s'est produit.

(1340)

En outre, le gouvernement avait promis d'investir 60 millions de dollars dans un programme d'information après avoir abaissé les prix parce qu'il savait que la consommation augmenterait. Toutefois, il n'a même pas consacré six millions à ce programme. Les54 autres millions se sont volatilisés. Le gouvernement n'a pas tenu sa promesse et la population, surtout les enfants, en paie maintenant le prix.

Durant les trois dernières années, malgré des preuves manifestes des effets dévastateurs de la réduction de la taxe sur le tabac, le gouvernement n'a rien fait. Il présente maintenant un projet de loi que nous allons appuyer. Il est loin d'être parfait; en fait, il est plutôt faible. Nous allons quand même l'appuyer parce que c'est mieux que rien.

Toutefois, il y a des solutions au problème. Le gouvernement aurait dû adopter des solutions qui aurait réglé le problème de la contrebande sans compromettre la santé et le bien-être des Canadiens. Voici ce que le gouvernement aurait dû faire.

Premièrement, il aurait dû maintenir le coût des cigarettes au niveau de janvier 1994 et même augmenté les taxes sur le tabac. Deuxièmement, il aurait dû imposer une taxe à l'exportation des produits du tabac afin d'éliminer la contrebande. Troisièmement, il doit faire respecter la loi.

Personne ne parle des autochtones respectueux des lois qui vivent dans les réserves au milieu de ces voyous qui font de la contrebande. Le fait qu'ils soient autochtones ou non n'a aucune importance. Ces gens enfreignent la loi. S'ils enfreignent la loi, ils doivent être traités en conséquence. Une loi, un pays, un peuple. Or, ce n'est pas le cas.

Le gouvernement, la queue entre les jambes, n'a pas fait respecter la loi. La loi doit être respectée non seulement pour le principe, mais aussi pour les autochtones respectueux des lois qui vivent dans la peur au milieu de ces voyous dans les réserves. Ils ne sont pas très heureux d'avoir des trafiquants d'armes automatiques parmi eux.

Quatrièmement, il y a l'éducation. À moins d'avoir vécu toute sa vie dans une caverne, madame la Présidente, il est impossible de ne pas reconnaître les effets néfastes, dommageables et nuisibles du tabac. Nous devons investir dans nos enfants. En tant que médecin, je sais que la plupart des gens commencent à fumer à 11 ou 12 ans, et non pas à 20 ans. À 11 ou 12 ans, les jeunes ne savent pas la différence. On peut leur dire et leur répéter que le tabac peut provoquer le cancer du poumon, la bronchopneumopathie chronique obstructive et d'autres problèmes plus tard, mais ils n'écouteront tout simplement pas parce qu'ils ont l'impression d'être immortels.


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Si nous voulons avoir un programme d'éducation efficace, nous devons nous adresser aux enfants dans un langage qu'ils comprennent. Nous devons faire appel à leur sens du narcissisme, qui est normal à cet âge. Disons-leur qu'ils auront une vilaine peau, qu'ils auront mauvaise haleine et que leurs cheveux sentiront mauvais. Ce sont là des choses qu'ils peuvent comprendre. Disons-leur qu'ils vieilliront de façon prématurée. C'est ça que nous devrions dire aux enfants, et non pas qu'ils auront les poumons noirs à 55 ans. Ce serait une façon beaucoup plus efficace de sensibiliser les enfants aux effets du tabac.

La principale raison pour laquelle les femmes et les jeunes filles commencent à fumer, c'est pour être minces. C'est une tout autre question dont nous pourrons discuter une autre fois. La seconde raison qui incite à fumer, c'est que ça fait «cool», facteur beaucoup plus difficile à contrer. Si nos politiques de sensibilisation des jeunes ciblaient plutôt leur narcissisme, elles seraient beaucoup plus efficaces qu'en insistant sur les effets à long terme du tabagisme sur la santé.

Cinquièmement, le gouvernement doit cesser de subventionner les producteurs de tabac. Sixièmement, il faut mettre un terme à la promotion et, septièmement, instaurer des politiques de remplacement des cultures pour les agriculteurs. Contrairement à ce que prétend le député de Haldimand-Norfolk, ces politiques sont efficaces.

(1345)

Je voudrais parler de nouveau du lobbyisme agressif organisé par le Bloc québécois au sujet de la commandite. Est-ce que les activités culturelles et sportives vont disparaître de la scène canadienne? Vers où se déplaceraient-elles? L'Angleterre? La France? Les États-Unis? Sûrement pas. Tous ces pays ont déjà interdit ou sont sur le point d'interdire les commandites d'activités sportives et culturelles de l'industrie du tabac. Ces activités ne quitteront pas la scène canadienne. Cet argument n'est qu'une autre tactique utilisée par les compagnies de tabac pour échapper aux restrictions et elles feront n'importe quoi pour y arriver.

Cette semaine, pendant le débat actuel, le Bloc québécois a parrainé dans le Hall d'Honneur une activité au cours de laquelle des breuvages et aliments ont été servis, mais cela servait en fait de paravent aux compagnies de tabac. C'était une tactique mesquine et éhontée pour tenter d'amener les députés à voter contre le projet de loi C-71. Je ne puis trouver aucune raison permettant à la population du Québec d'être fière d'avoir élu à la Chambre des communes des députés qui sont prêts à sacrifier la santé et le bien-être de ses enfants. Le Québec est la province qui compte le plus grand nombre de jeunes fumeurs. Les députés bloquistes sacrifient ces enfants au nom de la commandite des compagnies de tabac.

Les compagnies de tabac prétendent que la liberté d'expression est en cause. En fait, elles dissimulent leurs véritables motifs sous des arguments fallacieux.

Aux États-Unis, les compagnies de tabac ont augmenté la concentration de carcinogènes et d'éléments engendrant une dépendance dans les produits du tabac.

Si les compagnies affirment que la publicité n'influence pas les enfants, pourquoi livrent-elles ce combat? Pourquoi investissent-elles des millions de dollars dans la commandite? Par pure bonté d'âme? Je ne crois pas. Pourquoi ont-elles entamé en Chine la campagne de publicité la plus agressive jamais vue dans le monde? Parce qu'ils se rendent compte qu'il y a des millions de fumeurs potentiels dont ils peuvent tirer parti. La Chine commence seulement à se rendre compte des coûts.

Les fabricants de produits du tabac ne veulent qu'une chose et c'est que le plus grand nombre de gens fument, que ce soit au Canada ou ailleurs. Ils se moquent éperdument des effets nocifs du tabac sur la santé. Ils vendent des produits carcinogènes, des produits toxiques qui, s'ils étaient mis en marché aujourd'hui, ne seraient jamais légalisés.

Les libertaires diront que les gens ont le droit de faire ce qu'ils veulent, que les gens devraient avoir le droit de consommer ce qu'ils veulent, quand ils veulent. Toutefois, ces vues ne s'appliquent pas aux enfants de 11 ans. C'est pourquoi nous essayons d'élaborer une mesure législative bonne et sévère pour juguler l'épidémie qui fait rage au Canada à l'heure actuelle.

Je prie instamment le gouvernement de prendre les mesures suivantes: premièrement, d'être courageux et de ramener les taxes sur le tabac au niveau où elles étaient en janvier 1995; deuxièmement, d'imposer une taxe à l'exportation sur le tabac, ce qui coupera l'herbe sous les pieds des contrebandiers; troisièmement, de faire appliquer la loi de façon que les personnes qui font de la contrebande soient traduites devant la justice et, quatrièmement, de mettre en place dans les écoles des politiques de sensibilisation pertinentes et efficaces, non seulement en ce qui concerne le tabac, mais aussi l'alcool, la marijuana, la cocaïne, l'héroïne, etc. Les dangers de toutes ces substances doivent être signalés aux élèves et aux étudiants à tous les niveaux.

C'est l'occasion, pour le gouvernement, de faire preuve de leadership dans cet important dossier. Il peut faire quelque chose de constructif pour la santé et le bien-être des Canadiens et, ce qui est plus important encore, pour la santé et le bien-être de nos enfants.

(1350)

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk, Lib.): Madame la Présidente, je remercie le député de son intervention. Comme il le sait sûrement, je ne suis pas d'accord avec lui.

Je ne l'ai pas dit quand j'ai pris la parole, mais nous avons, dans ma circonscription, Haldimand-Norfolk, non seulement le plus grand nombre de producteurs de tabac au pays, mais aussi la plus grande réserve indienne au pays. C'est dans ce sens-là que je parle de réserve.

Oui, les producteurs de tabac de ma circonscription m'appuient. J'ai toutefois été choqué d'entendre certaines affirmations des députés du Parti réformiste, qui prient le gouvernement d'instaurer une taxe à l'exportation et de hausser les taxes. Encore aujourd'hui, à la station de radio locale, le candidat réformiste de ma circonscription disait qu'ils étaient contre. Je me demande si le député a consulté le candidat de ma circonscription, qui n'arrête pas de dire


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que le Parti réformiste ne ferait rien de cela s'il formait le gouvernement. Ce n'est qu'une question de liberté de parole.

Je connais le député, et je connais ses antécédents. Nous avons discuté de cette question aujourd'hui. Je n'ai entendu qu'une partie de ce qu'il a dit du programme de recyclage des producteurs de tabac. Contrairement à d'autres membres de son parti, il en a discuté avec moi et il a dit que le sort des cultivateurs et producteurs de tabac le préoccupait. Ce n'est pas comme pour son chef, qui a dit que nous devrions nous débarrasser de ces gens-là.

Je veux expliquer au député, qui ne le sait peut-être pas, que la diversification possible dans ce cas est quand même limitée, comme je le disais. En fait, quand on a une ferme de 80 acres, on ne peut pas cultiver grand-chose à part le tabac. Certains ont entrepris la culture du ginseng et de choses semblables mais, franchement, les marchés ont vite été saturés. Que croit-il que ces agriculteurs feront quand son parti leur enlèvera leur mode de subsistance?

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Madame la Présidente, nous ne voulons surtout pas que qui que ce soit perde son emploi. C'est bien la dernière chose que nous souhaitons. Mais nous devons également prendre en considération ce qui est en train de se passer.

D'un côté, nous avons un groupe d'individus qui produisent une substance qui est la cause première de décès évitable dans ce pays. Le député parle de près de 16 000 personnes employées par cette industrie, mais comparons ce chiffre aux 45 000 Canadiens qui meurent chaque année de maladies causées par le tabac. Chaque année, 250 000 enfants se mettent à fumer.

Le fait est que le lobby du tabac est très actif et qu'il appuie le député pour ses propres fins. S'il investit dans la caisse de cet individu ce n'est pas pour son bien mais pour celui des compagnies de tabac. Elles n'ont nullement l'intention de faire quoi que ce soit pour améliorer la société canadienne ou le sort des individus qui la composent.

La réalité c'est que les producteurs de tabac sont aux prises avec une situation difficile. La diversification des cultures est un succès dans de nombreux pays et je me ferais un plaisir d'en donner des exemples aux députés. Quoi qu'il en soit, la situation actuelle est que la production de cette substance coûte aux contribuables canadiens et à la société en général des milliards de dollars en soins de santé et en manque à gagner pour le produit intérieur brut.

Je demanderais donc au député de réfléchir à la situation et de comparer, d'une part, les gains minuscules que ça lui rapportera dans sa circonscription et, d'autre part, le bien collectif de la société canadienne.

[Français]

M. Joseph Volpe (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député qui vient de parler au sujet du projet de loi C-71. Il nous a donné quelques issues à contempler et je voudrais le féliciter.

(1355)

Le député a parlé d'une chose que nos amis du Bloc ignorent. Alors que lui et nous parlons de la santé des Canadiens, partout au pays, et où qu'ils habitent, les députés du Bloc ignorent la santé des jeunes et des adultes. Ils confondent toujours la question des commandites avec celle de la santé. Je voudrais remercier le député d'être revenu sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui, c'est-à-dire le projet de loi qui traite de la santé.

Il a souligné certains thèmes qui sont très importants, évidemment, mais je voudrais lui poser une question. C'est un peu une question politique, je l'avoue, mais elle est également nécessaire.

[Traduction]

Lorsque le député a parlé de l'importance d'une stratégie globale pour combattre une maladie évitable, il a traité de plusieurs aspects et a fait quelques recommandations. Ces aspects ont été abordés au comité et continueront de faire l'objet de débats à la Chambre.

Il a fait état de la taxe à l'exportation qui a été essayée il y a quelques années, mais sans succès. Nous serions disposés à prendre cet élément en considération ou, à tout le moins, à entendre son avis sur la question. Plus important encore, le député se rappellera que, lorsqu'une réduction des taxes sur le tabac a été décidée, il y a quelques années, on s'en engagé à consacrer 180 millions de dollars à l'éducation, à l'exécution de la loi, à la promotion et à la recherche. C'est ainsi que, dans le cadre de ce programme s'étendant sur quatre ans, 104 millions de dollars ont été affectés à ce chapitre au cours des trois dernières années et que 24 millions de dollars le sont encore cette année.

Le Président: Je suis sûr qu'une minute suffira au député pour élaborer une question à partir de ce qui précède.

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, bien sûr qu'il y a là matière à plusieurs questions. Je vais les énoncer à la file.

Premièrement, contrairement à ce que mon collègue a prétendu, la taxe à l'exportation a été une réussite. En 1992, le gouvernement conservateur de l'époque a introduit une taxe à l'exportation de 8 $ sur le tabac. En l'espace de six semaines, la contrebande a chuté de 70 p. 100. Qu'a fait le gouvernement sous la pression des compagnies de tabac? Faisant preuve de couardise une fois de plus, il a aboli la taxe. Cela a bel et bien fonctionné.

Deuxièmement, le gouvernement dit avoir affecté 64 millions de dollars à l'éducation. Or, un montant inférieur à 10 p. 100 a été consacré à la sensibilisation au tabagisme. Où est donc passé le reste, les 54 millions de dollars projetés? Seul le gouvernement le sait. Cet argent est vraisemblablement allé gonfler les recettes générales. Chose sûre, les fonds ont connu une destination autre que celle prévue. Voilà un autre cas où le gouvernement n'a pas tenu promesse et a mis en péril la santé et le bien-être des enfants canadiens.

Le Président: Comme il est 14 heures, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés.


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