[Traduction]
M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de poursuivre le débat sur le projet de loi C-82, Loi modifiant la législation relative aux institutions financières.
Avant d'aller plus loin dans mes remarques, je désire répondre à certaines affirmations faites par le secrétaire parlementaire du ministre des Finances. En particulier, le secrétaire parlementaire a dit que les dispositions relatives aux ventes liées ne seraient pas promulguées avant septembre 1998. Le gouvernement essaie un peu de ménager la chèvre et le chou en disant que cette question est si importante qu'elle doit être incluse dans le projet de loi, mais que ces dispositions ne seront pas promulguées avant septembre 1998.
Il donne comme raison que cette décision sert les intérêts du consommateur et que le gouvernement est justement là pour défendre les intérêts du consommateur.
Je tiens à signaler que les modifications portant sur les ventes liées dans le projet de loi C-82 ne servent pas les intérêts des consommateurs canadiens. Je vais dire quelques mots rapidement sur ce sujet.
Tout d'abord, je dirai aux députés que ces dispositions ne servent pas les intérêts de toutes les catégories de consommateurs. Ces différentes catégories sont les simples consommateurs, les grandes entreprises, les petites entreprises, les partenariats et les moyennes entreprises. Toutes ces catégories de consommateurs utilisent, de diverses façons et à divers moments, la fonction de prêteur de la banque, qu'il s'agisse de petits ou de gros montants et quels que soient les taux d'intérêt et les modalités de remboursement.
Les dispositions du projet de loi C-82 touchent tous les Canadiens qui empruntent de l'argent. Il peut s'agir de prêts à court ou à long terme, de taux d'intérêt flexibles ou fixes. Il peut s'agir de financement provisoire ou encore de marges de crédit. Il peut s'agir aussi de premières ou de deuxièmes hypothèques.
De quoi s'agit-il, en définitive? Le projet de loi donnera aux banques un pouvoir accru de faire certaines choses que les autres institutions financières ne peuvent pas faire. Comment en suis-je arrivé à cette conclusion? En lisant les deux paragraphes à l'article 55 du projet de loi C-82. Ces deux dispositions font plus précisément référence à l'article 459.1 de la Loi sur les banques.
En quoi les consommateurs seront-ils touchés? Je vais lire les deux dispositions du projet de loi pour que chacun voie clairement de quoi il s'agit. Si je soulève cette question à la Chambre, c'est que je suis convaincu que tôt ou tard beaucoup de Canadiens se demanderont pourquoi le gouvernement a adopté ce projet de loi.
Pour placer les choses dans leur juste perspective, voici ce que dit l'article 459.1:
459.1(1) Il est interdit à une banque d'exercer des pressions indues pour forcer une personne à obtenir un produit ou service auprès d'une personne donnée, y compris elle-même ou une de ses filiales, pour obtenir un prêt de la banque.(1510)
N'importe quel consommateur dira qu'il s'agit d'une bonne disposition et je suis de cet avis. Mais le texte de la loi ne s'arrête pas là. Le paragraphe (2) stipule ce qui suit:
Il demeure entendu que la banque peut offrir à une personne de lui consentir un prêt à des conditions plus favorables qu'à ses autres emprunteurs si celle-ci obtient un produit ou service auprès d'une personne donnée.Il est très clair que la banque peut accorder un taux préférentiel à un emprunteur à condition que ce dernier souscrive une assurance d'une autre personne, qui peut être une filiale de la banque ou une institution avec laquelle la banque a une entente.
Le paragraphe (3), que je vais également lire, est le miroir du paragraphe (2), quoique rédigé différemment. Il stipule ce qui suit:
Il demeure entendu que la banque ou ses filiales peuvent offrir un produit ou service à des conditions plus favorables que celles qu'elles offriraient par ailleurs si la personne obtient un prêt auprès de la banque.Ces deux dispositions du projet de loi C-82 visent à remplacer l'article 416 de la Loi sur les banques. L'article 416 stipule:
(1) Il est interdit à la banque de se livrer au commerce de l'assurance, sauf dans la mesure permise par la présente loi ou les règlements.
(2) Il est interdit à la banque d'agir au Canada à titre d'agent pour la souscription d'assurance ou de louer ou fournir des locaux dans ses succursales au Canada à une personne se livrant au commerce de l'assurance.
(4) Le présent article n'empêche toutefois pas la banque
a) de faire souscrire par un emprunteur une assurance à son profit, ni
b) d'obtenir une assurance collective pour ses employés ou ceux des personnes morales dans lesquelles elle a un intérêt de groupe financier en vertu de l'article 468.
(5) La banque ne peut exercer de pression sur un emprunteur pour lui faire souscrire, auprès d'une compagnie d'assurance donnée, une assurance à son profit; toutefois, le présent paragraphe n'empêche pas la banque d'exiger que l'assurance soit contractée auprès d'une compagnie d'assurance agréée par elle, la banque ne pouvant refuser son agrément sans motif valable.C'est ainsi que les choses fonctionnent aujourd'hui et qui ne fonctionneront plus ainsi en vertu du projet de loi C-82.
À mon avis, ces dispositions ne sont pas dans l'intérêt du consommateur, mais dans l'intérêt de la banque.
À présent que nous avons replacé les choses dans leur contexte, nous devons nous demander comment cela va affecter le consommateur. Premièrement, nous devons reconnaître qu'en 1992, les quatre piliers des institutions financières se sont effondrés. Ils n'existent plus. Ces quatre piliers étaient les compagnies d'assurances, les sociétés d'investissement, les sociétés de fiducie et les banques. Ces piliers n'existent plus.
La destruction ou l'élimination des barrières entre ces quatre piliers de la finance a donné lieu à la concurrence et à l'échange d'informations entre ces divers éléments. Qu'est-ce que ça signifie en pratique? Ça signifie qu'aujourd'hui, les banques peuvent posséder des sociétés d'assurances, et c,est ce qui s'est produit en pratique. Il existe toutes sortes de compagnies d'assurances: compagnies d'assurance-vie, compagnies d'assurance-maladie, compagnies d'assurances pour biens et risques divers, compagnies d'assurance-automobile, ou sociétés de fiducie. Aujourd'hui, 80 p. 100 des opérations d'investissement sont maintenant assurées par les banques, par l'intermédiaire de leurs succursales.
Ces quatre éléments qui autrefois étaient distincts et remplissaient des fonctions distinctes relèvent maintenant d'un seul et même conseil d'administration.
(1515)
Prenons quelques exemples pour illustrer le fonctionnement de ce nouveau système, la façon dont ça pourrait fonctionner et dont ça fonctionne jusqu'ici. On a regroupé davantage de renseignements sous une même administration. Dans certains cas, une banque peut posséder une compagnie d'assurance sur la vie ou d'assurance-maladie. Or, quand on prépare une police d'assurance-vie ou d'assurance-maladie, on recueille beaucoup de renseignements très personnels.
Prenons le cas d'une personne qui doit 100 000 $ à la banque. Elle bénéficie d'un prêt. Éventuellement, la banque constate que cette personne a soumis plusieurs réclamations à la compagnie d'assurance. La banque peut très bien faire des projections et se demander quelles sont les chances que cette personne rembourse son prêt.
J'ai présenté cet exemple au Comité des finances quand il a étudié ce projet de loi. Le président de l'Association des banquiers canadiens a témoigné au comité. M. Protti a dit, et c'est la transcription exacte de ses propos et non pas juste ce que j'en ai retenu:
Premièrement, nos codes de protection des renseignements personnels ne permettent pas à différentes filiales d'échanger des renseignements concernant la santé des clients. Cela ne se fait pas.C'est très intéressant. Une banque, qui est membre de l'Association des banquiers canadiens, a envoyé une déclaration de principes aux clients de sa filiale, un courtier en valeur mobilières, qui se lisait comme suit:
Ses administrateurs et ses employés doivent scrupuleusement se conformer à l'esprit et à la lettre de toutes les lois régissant le commerce des valeurs mobilières et les activités commerciales. Les administrateurs et les employés doivent traiter avec les clients avec équité, honnêteté et en toute bonne foie. [ . . . ]La protection du caractère confidentiel des renseignements concernant nos clients est un principe fondamental de notre firme. Il est interdit aux employés de communiquer des renseignements confidentiels sur nos clients à moins que la loi ne l'exige ou qu'ils n'y soient autorisés par le client.Je reviendrai là-dessus un peu plus tard quand nous examinerons l'énoncé de principes. On peut y lire en outre que:
La communication par un employé de renseignements confidentiels, ou de tout renseignement qui n'est généralement pas communiqué, pour son profit personnel ou pour celui d'une tierce partie est interdite et constitue un motif de renvoi immédiat.Quelle est la nature du lien qui unit une banque à ses filiales? Une filiale est une entité qui appartient entièrement à la banque, laquelle garantit toutes les obligations contractuelles de la filiale.
Qu'en est-il de la mise en commun des renseignements privés? Il peut arriver que la filiale communique à la banque des renseignements confidentiels concernant un client. Il peut s'agir de son nom, de son adresse, de son numéro de téléphone, de ses revenus, de ses biens, de ses dettes, de ses objectifs en matière d'investissements et de ses plans financiers.
La banque peut se servir de ces renseignements aux fins suivantes: pour vendre ses services au client et pour surveiller les relations entre ses filiales et leurs clients. On commence à mettre en commun des renseignements entre filiales. On s'en sert pour déterminer le montant de la dette du client envers la filiale et la banque. Et maintenant voici l'expression fourre-tout. En effet, il est dit que:
Ces renseignements peuvent servir à toutes fins dont la filiale vous informera, vous le client, par écrit.Plus haut, il était dit que la banque ne communiquerait pas ces renseignements à moins que la loi ne l'exige ou que le client en ait donné l'autorisation. Avant que le client n'ouvre un compte avec la filiale en question, il doit signer une déclaration qui se lit comme suit:
En ouvrant un compte dans cette filiale, vous autorisez la banque à utiliser les renseignements contenus dans la présente.On ne dit pas pourquoi faire. Il n'y a aucune restriction. Tout ce qu'on sait c'est qu'on permet à la banque d'utiliser ces renseignements. Si le client veut retirer son consentement, il doit en avertir sa succursale de la filiale par écrit. Cela prendra effet lorsqu'il aura reçu l'accusé de réception de la filiale. Si le client désire fermer un compte, la filiale lui donnera au moins 30 jours de préavis.
(1520)
Mais qui donc ferme le compte? Le client choisit de fermer son compte. Si le client ferme son compte ou refuse la permission de communiquer les renseignements, la filiale peut fermer son compte sans le consulter. La banque est pratiquement certaine que les renseignements seront communiqués à ses autres filiales et que le client, pour conserver son compte, consentira à la communication de ces renseignements aux différentes filiales. Il n'est pas déraisonnable de penser que la banque utilisera ces renseignements pour prendre ses décisions.
Dans le scénario no 1, la banque peut utiliser un renseignement personnel particulier pour prendre une décision défavorable à des clients ou modifier leur situation financière.
Passons à un autre scénario. Cette fois, il est implicite plutôt qu'explicite. Considérez ce qui suit. Une entreprise a un prêt. La banque lui dit que comme c'est un prêt important, l'entreprise pourrait le rembourser en émettant des actions dans le public.
Nous savons tous ce que cela signifie. Cela veut dire émettre des actions que le public peut acheter pour prendre une participation dans l'entreprise. Mais quelle surprise! La banque a aussi un filiale qui vend des valeurs mobilières. L'une des fonctions d'un courtier en valeurs mobilières est justement d'émettre de nouvelles valeurs et ce pourrait être le cas dans le présent scénario.
D'abord, l'entreprise privée s'est présentée à la banque pour rembourser un emprunt, puis elle s'est transformée en société publique pour vendre des actions de participation. Maintenant, la banque dit au responsable que s'il veut garder une partie de l'emprunt, elle lui accordera un taux préférentiel, à condition, comme on peut le voir au paragraphe (2) qu'il ait recours aux services de souscription de sa filiale. D'autre part, la banque pourrait dire que la société peut procéder à l'émission d'actions pour le total de ses dettes et qu'elle lui garantira un taux préférentiel, mais il faut passer par sa filiale. On lui accordera ce taux à condition qu'à l'avenir elle emprunte chez elle.
On pourrait dire qu'une telle pratique est de bonne guerre en affaires. Cependant, lorsqu'elle s'adresse à un chef d'entreprise en difficulté, cette façon de faire équivaut à de la coercition. Il s'agit tout au moins de pression indue. Ce n'est pas une bonne pratique commerciale. Ce scénario n'est pas du tout fantaisiste. Il est tout à fait réaliste.
Voici un troisième scénario. Une entreprise est aux prises avec de sérieuses difficultés financières. En vertu de la disposition cadre, elle a confié toutes ses affaires à la banque. Le régime de retraite de l'entreprise, l'hypothèque, les REER personnels et l'hypothèque résidentielle du propriétaire sont tous à la même banque, au même endroit. La banque connaît parfaitement bien les dossiers de l'entreprise, ses employés, son propriétaire et la famille de ce dernier. Elle sait que l'entreprise est en difficulté et que, même en liquidant le régime de pension des employés, les REER collectifs et individuels, les hypothèques sur la maison et autres, elle ne pourrait pas rembourser ses dettes.
(1525)
En regroupant toutes ces questions sous un même toit, on donne à la banque un pouvoir inhabituel et des possibilités de coercition qui n'existeraient pas autrement. C'est dangereux et imprudent. On ne devrait pas considérer qu'il est prudent sur le plan de la gestion de des affaires financières de regrouper tous les produits ou services au sein d'une seule banque ou institution financière.
Qui profite de tout ceci? C'est la banque qui en profite. Dans le premier cas, le client fournit ses renseignements à la banque qui les partagent avec la filiale et cela profite non pas au client, mais bien à la banque.
Dans le deuxième cas, la banque garantit l'émission, par l'entremise de sa filiale. La filiale obtient la commission de garantie pour cette émission d'actions. Ses courtiers perçoivent une commission pour la distribution des actions au grand public. La filiale obtient aussi une commission supplémentaire. Vient ensuite la négociation continue de cet ensemble de titres. L'entreprise, qui était auparavant privée, est maintenant confrontée aux difficultés supplémentaires découlant du fait qu'elle doit respecter toutes les obligations d'une entreprise publique. Elles sont importantes. Dans ces trois cas, la banque est la grande gagnante plutôt que le particulier.
Je reviendrai exactement sur ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. Le regroupement de ces produits et services va, comme l'a dit l'honorable secrétaire parlementaire, être avantageux pour le consommateur car ainsi, on peut offrir un taux préférentiel sur un prêt ou sur des produits ou services qu'on achète.
Ce qui ne figure pas dans la loi est important. La loi n'exige pas que la banque divulgue le prix de ces parties constituantes ou précise si les caractéristiques de ces parties constituantes sont les mêmes que ce qu'elles étaient avant ce regroupement.
Il n'y a aucune protection. Ce pourrait même ne plus être l'ensemble de produits que le client pensait avoir achetés. Les ventes liées sont très dangereuses.
Qu'ont dit d'autres personnes au sujet de cette disposition de la loi? Les députés ont entendu mon interprétation. Eh bien, permettez-moi de vous lire ce que M. Yakabuski, le directeur des relations gouvernementales du Bureau d'assurance du Canada avait à dire dans son mémoire au comité:
S'il y a un domaine où le comité peut décider d'améliorer encore le projet de loi C-82, c'est en ce qui concerne les dispositions proposées pour les ventes liées, aux termes de l'article 459.1 de la Loi sur les banques.
Selon nous, le libellé des paragraphes 2 et 3 est trop large et permet, en fait, le regroupement de certains produits bancaires et d'autres services financiers d'une façon qui n'est peut-être pas profitable pour le consommateur.»
M. Yakabuski a ajouté ceci à ce passage de son mémoire:
En ce qui concerne ces alinéas, nous trouvons parfaitement absurde que le gouvernement décide de définir dans la loi certaines choses qui pourraient être favorables aux consommateurs et certaines choses qui ne leur seraient pas favorables alors que tout le monde sait que cette liste n'est pas exhaustive. C'est précisément pour cette raison que vous avez proposé l'article 455.5, que nous appuyons, qui accorde au gouverneur en conseil le pouvoir de déterminer, par règlement, ce qui est bénéfique et ce qui n'est pas bénéfique pour les consommateurs.
Nous reconnaissons qu'un certain regroupement de produits peut être à l'avantage des consommateurs, mais pourquoi voudriez-vous restreindre le pouvoir de réglementation à ce moment-ci?C'est le fond du problème. C'est le Bureau d'assurance du Canada qui a parlé ainsi.
Qu'en pensent les courtiers d'assurance? Une lettre adressée à M. Frank Swedell, de l'Association des courtiers d'assurances du Canada, dit ceci:
Nous estimons qu'il y a lieu de nous interroger au sujet des modifications proposées à la Loi sur les banques, notamment l'article 459.1. À notre avis, les paragraphes 2 et 3 peuvent limiter le pouvoir de réglementation conféré par la Loi sur les banques. Pour prévenir ce problème, il vaut peut-être mieux biffer les paragraphes 2 et 3. Ceci peut être fait, si vous y consentez, au cours de l'examen parlementaire de cette mesure législative qui est censée reprendre dès cette semaine.(1530)
C'est ce qui s'est produit, mais le gouvernement a choisi de ne pas y consentir. Monsieur le Président, je vous soumets ainsi qu'à la Chambre que viendra un jour où nous nous demanderons et le gouvernement se demandera: Pourquoi ne l'avons-nous pas fait? Si la population canadienne élit un gouvernement réformiste, eh bien, cette affaire sera examinée et priorité sera accordée aux intérêts des consommateurs. On cherchera à atteindre un équilibre entre leurs intérêts et les pouvoirs des institutions bancaires et financières. Voilà ce qu'il faut faire.
La même dame Brown qui est l'auteure de la lettre que je viens de lire a également tenu ces propos devant le comité: «La question des pratiques de vente liée peut être étudiée sous d'autres angles que nous avons négligés, je crois. Ce n'est pas aussi simple que cela. Nous pouvons vous affirmer que les dispositions concernant les ventes liées à des conditions favorables qui figurent dans les paragraphes 459.1(2) et (3) seront impossibles à appliquer.» Que dites-vous de cela, monsieur le Président?
Il sera pratiquement impossible de surveiller ces activités, car nous avons actuellement le même problème dans le domaine des ventes liées. Ce n'est pas un amateur quelconque qui fait cette observation. Il s'agit d'un courtier d'assurances, quelqu'un qui comprend à fond l'assurance des biens et l'assurance contre les risques divers. Elle dit qu'il sera impossible d'appliquer une pareille disposition.
Pourquoi le gouvernement insiste-t-il donc pour faire adopter ce projet de loi? Jeudi dernier, nous avons présenté les amendements. Cet après-midi, nous avons voté sur ces amendements et le gouvernement les a rejetés. Que disaient ces amendements? Ils disaient de maintenir les dispositions actuelles de la loi et de rendre illégales les ventes liées.
Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas accepté ces amendements? Pourquoi a-t-il présenté à la Chambre un projet de loi, alors qu'il a déclaré qu'il ne sera pas promulgué avant septembre 1998, lorsque le comité aura pu l'examiner?
Que le comité l'étudie. Qu'on examine à fond et clairement la question, puis qu'on apporte au projet de loi les modifications qui s'imposent, sans préjuger des conclusions du comité ou adopter un projet de loi qui ne sera promulgué que plus tard. C'est absurde.
Il y a un autre aspect. Il concerne des questions très importantes. Nous avons vu jusqu'ici que les modifications proposées invitent un regroupement imprudent de divers aspects d'une entreprise. Le projet de loi rend possible la communication de renseignements personnels et privés. Il ne traite pas des conflits d'intérêts entre une filiale et l'établissement de prêt, la banque. Il passe sous silence la divulgation complète du prix et des détails des éléments de produits et de services qui peuvent être regroupés.
Je ne peux m'empêcher de relater aux fins du compte rendu le cas d'un couple de gens travailleurs d'Ottawa. Après de nombreuses années de dur labeur et de persévérance, ils sont passés de la misère à la richesse. Ils prenaient bien soin de garder leurs dossiers financiers en ordre. Ils entretenaient d'excellents rapports avec leur banque. Leur dossier financier et leurs rapports avec la banque étaient tellement excellents que les mots «aucune garantie nécessaire» étaient inscrits dans leurs dossiers. Chaque fois qu'ils avaient besoin d'un emprunt, la banque ne leur demandait aucune garantie.
Fidèles à leurs habitudes de responsabilité financière, ils ont planifié leur retraite en achetant des actions dans des entreprises pétrolières et gazières, mais, en cours de route, un important certificat d'actions a disparu. Le couple a fait cette découverte juste au moment où il s'apprêtait à prendre sa retraite et à léguer l'entreprise familiale à leur fils.
La femme s'est inquiétée des mois durant parce que le certificat d'actions ne se trouvait plus dans le coffre bancaire où elle l'avait soigneusement déposé. La banque a refusé d'assumer la moindre responsabilité à cet égard et a insisté en disant que le couple avait lui-même égaré le certificat. C'est uniquement en raison de la diligence d'une fille loyale, en dépit de grandes difficultés, y compris de menaces voilées de la part de la banque, que l'explication est apparue.
(1535)
La banque avait toujours eu en sa possession le certificat d'actions. Ce document avait été retiré du coffret de sécurité du couple sans son autorisation, ce qui était illégal de la part de la banque.
Même si le fait avait été signalé au directeur de la banque, au président de la banque, à l'inspecteur général des banques, aujourd'hui le Bureau du surintendant des institutions financières,
et au ministre des Finances de l'époque, aucune mesure n'a été prise.
La banque a refusé d'accepter le blâme, déclarant que les actions avaient été prises en garantie pour un prêt à la consommation de 15 000 $. Il s'agissait là de client pour lesquels aucune garantie n'avait été jugée nécessaire. La banque ne pouvait être au courant de ces actions, à moins d'aller illégalement voir dans le coffre du couple.
L'incident a eu de graves répercussions. Le père est décédé avant que l'affaire soit résolue. La société de fonds mutuel a gelé l'investissement du couple, de sorte que la mère n'a pas touché le moindre cent avant de mourir. À cause du refus de la banque de réparer son erreur, cette famille honnête et vaillante a souffert.
Plus important encore, la relation entre la famille et la banque a été ruinée pour de bon, ce qui signifie, en un certain sens, que la relation entre le système bancaire et la population s'est détériorée. La banque n'avait pas rempli sa responsabilité fiduciaire.
Même si une enquête a donné raison à la famille, la banque n'a versé aucune compensation à la famille pour la valeur des actions, la perte des fonds de retraite et le temps consacré.
La banque refuse toujours d'accepter l'entière responsabilité de son erreur. De petits montants ont été offerts en guise de compensation, mais ils ne correspondent ni à la perte financière que la famille a subie ni à la valeur de leur perte personnelle. Les montants, sous forme de chèques, sont offerts à la condition que la famille ne dise plus un mot de l'injustice que la banque leur a fait subir. Il va sans dire que les chèques n'ont pas été encaissés, parce que la famille refuse de se faire museler ainsi.
On m'a demandé de raconter cet incident pour mettre en garde les Canadiens en leur disant qu'il n'est pas sage de se fier entièrement à une institution qui détient de tels pouvoirs. C'est un avertissement aussi, selon lequel les pouvoirs conférés par la loi ne protègent pas nécessairement les consommateurs.
En 1979, 1980 et 1982, cette affaire a été soulevée maintes fois à la Chambre. Ni l'ancien ministre des Finances ni l'inspecteur général des banques, maintenant le surintendant des institutions financières, n'ont fait le moindre geste pour que la banque assume la responsabilité de son erreur.
Au Canada, les banques sont puissantes et d'ailleurs elles le sont plus que notre gouvernement élu. C'est précisément la raison pour laquelle il ne faut pas adopter l'article 55, qui vise notamment les paragraphes 459.1(2) et (3), dans sa forme actuelle.
Peut-on avoir l'assurance que les banques ne vont pas exercer des pressions indues sur les consommateurs? Selon moi, nous ne pouvons avoir cette assurance. C'est pourquoi nous devons faire preuve de prudence lorsqu'il s'agit de protéger les intérêts des consommateurs et des petits entrepreneurs contre le pouvoir suprême exercé par les institutions financières. Nous ne pouvons jamais prendre pour acquis que les consommateurs seront protégés, ou que les petits entrepreneurs seront traités équitablement. Il existe trop d'exemples où cela n'a pas été le cas.
Certains diront, j'en suis sûr: «Mais M. Schmidt, il ne s'agit que d'un cas.» Oui, il ne s'agit que d'un cas, mais celui-ci est le reflet de nombreux autres.
Est-ce à dire que les banques traitent la majorité de leurs clients de cette façon? Évidemment pas. Ce n'est pas ce que je dis. Il ne faut pas créer une situation qui permette aux banques d'agir de cette façon impunément. Tel est mon point.
Je me souviens d'une campagne publicitaire nationale faite par une banque bien fière d'elle-même. L'un des points sur lesquels on insistait dans la publicité était que la banque était devenue la première en importance au Canada, en s'occupant d'un client à la fois. C'est avec une anecdote à la fois qu'on en est arrivé à ce genre de situation.
Il importe que, à titre de législateurs, nous devons avant tout nous préoccuper des intérêts des consommateurs. Il faut se doter d'institutions financières stables et solides. Nos banques sont parmi les meilleures au monde, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il faille continuer à élargir leurs pouvoirs. Telle est la question.
Nous en sommes au point où nous devons équilibrer le pouvoir de toutes nos institutions financières, et non pas seulement celui des banques. Ces dernières ne sont pas les seules à faire ce genre de choses. D'autres institutions le font aussi. Les coopératives de crédit font ce genre de choses, tout comme les sociétés de fiducie et, à un degré moindre, les compagnies d'assurances, qui s'opposent à cette mesure législative. C'est une question d'équité, de qualité et de justice. C'est cela qui me préoccupe, qui nous préoccupe tous. Nous pouvons y parvenir.
(1540)
Je regrette que les amendements n'aient pas été adoptés mais, d'ici à ce que cette mesure soit mise en oeuvre, le gouvernement va sûrement comprendre que le genre de dispositions qu'on trouve dans le projet de loi à l'étude ne peut continuer à exister dans la Loi sur les banques.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, vous avez fort bien annoncé les choses avec notre impartialité habituelle. J'aime toujours collaborer avec vous dans l'exercice de vos nouvelles fonctions. Je suis désolé que vous soyez ainsi bâillonné et que vous ne puissiez plus briller dans les débats de la Chambre. Vous faites tout de même de l'excellent travail, et nous l'apprécions.
Je voudrais dire quelques mots de la Loi sur les institutions financières, d'autant plus que, dans ce domaine, le Parti réformiste estime que le gouvernement fédéral doit intervenir et le faire avec beaucoup de dynamisme si nous voulons que le Canada ait cette union économique qui renforcera son unité.
C'est ce que nous proposons dans la conception du Canada que nous mettons de l'avant. Le gouvernement fédéral doit se retirer de certains domaines. Ainsi, il n'a pas à s'occuper du tourisme. Cela devrait relever des provinces. La formation de la main-d'oeuvre doit également être du ressort des provinces, et toutes doivent assumer cette responsabilité. Il faut laisser les affaires municipales aux provinces et aux municipalités elles-mêmes. Il faut laisser aux provinces des domaines comme le logement, la langue et la culture. Les provinces et les municipalités sont beaucoup plus près des besoins qui se manifestent chez elles, et elles peuvent faire un bien meilleur travail que le gouvernement fédéral.
Dans notre document Nouveau départ, nous énumérons les domaines qui, à notre avis, devraient être confiés aux échelons de gouvernement inférieurs. Le document dit même qu'il faudrait officiellement reconnaître les municipalités comme le niveau de gouvernement situé le plus près des administrés et les faire participer à des ententes fédérales-provinciales comme celle qui porte sur les programmes d'infrastructure annoncés à la veille des élections. Encore une fois, ce sont les municipalités qui devront assumer le tiers des dépenses de ces programmes de rénovation des infrastructure et qui sont mises devant un fait accompli.
Je peux vous dire que, en Colombie-Britannique, dans le cadre du dernier programme d'infrastructures, environ 82 ou 84 p. 100 du budget a été accordé aux circonscriptions représentées par des députés provinciaux membres du gouvernement néo-démocrate. Le programme a suscité énormément de mécontentement, car les municipalités semblaient être traitées comme des parents pauvres et ne parvenaient pas à exercer sur les mesures gouvernementales l'influence dont elles devraient jouir.
Tout cela pour dire que la réglementation des institutions financières est l'un des domaines où l'intervention du gouvernement fédéral ne devrait pas être réduite. C'est d'ailleurs l'un des dix domaines sur lesquels le gouvernement du Canada devrait concentrer ses efforts.
Je vous rappelle ces dix domaines. Il s'agit de la défense, des affaires étrangères, de la politique monétaire, de la réglementation des institutions financières, du Code criminel, de la promotion des normes nationales, de la péréquation, du commerce international, du commerce intérieur et de la réforme des institutions nationales comme le Parlement. Sur ce dernier point, je sais, monsieur le Président, que vous, en tant que co-auteur d'un rapport qui portait sur la réforme des institutions nationales comme le Parlement et qui allait jusqu'à recommander que le poste que vous occupez actuellement soit confié à l'un des partis d'opposition, seriez en faveur, à l'instar de bien des députés, de la réforme de nos institutions nationales ici, au Parlement.
Si nous devons concentrer nos efforts sur ces dix domaines, c'est qu'ils touchent à des intérêts communs que partagent tous les Canadiens et toutes les provinces. Si nous voulons un pays, nous devons confier ces dix domaines au gouvernement fédéral.
(1545)
Il ne rime à rien de confier la réglementation du commerce intérieur aux provinces. De toute évidence, une province pourrait alléguer que, dans l'intérêt de ses habitants, elle ne peut faire tel ou tel compromis ou permettre à une autre province de s'approvisionner chez elle, ou quoi que ce soit. Cela ne peut et ne devrait pas être toléré.
Récemment, le gouvernement libéral a cherché à négocier un accord de commerce intérieur au Canada. Des sections entières de l'accord ont été laissées en blanc, y compris la section sur l'énergie. Dans la section devant porter sur l'énergie, on ne trouve que des pages blanches, car les provinces sont incapables de s'entendre.
Le gouvernement fédéral doit intervenir de façon plus agressive et s'approprier la compétence dans les dix domaines que j'ai mentionnés. Le gouvernement fédéral ne devrait céder à aucune province. Il devrait exercer agressivement son droit constitutionnel de réglementer les institutions financières et les différends commerciaux intérieurs et forcer le règlement de ceux-ci. Si une province ne veut pas signer, il faudra l'y pousser un peu. Une des choses qui font qu'un pays est un pays, c'est un marché économique commun. Il s'ensuit manifestement qu'il nous faut aussi une politique monétaire commune, qui est une chose sur laquelle insisterait un gouvernement réformiste. Il nous faut réglementer les institutions financières. Il nous faut aussi avoir droit de regard sur le Code criminel et sur des dossiers comme le commerce international et le commerce intérieur.
Il importe de se rendre compte qu'un gouvernement décentralisé ou un rééquilibrage des pouvoirs de la fédération ne signifie pas que le gouvernement fédéral n'aura pas grand-chose à faire. Un gouvernement réformiste consacrera quelque 94 milliards de dollars aux dépenses de programme. Investir autant d'argent dans dix secteurs nous permettra de concentrer nos énergies et de limiter l'influence du gouvernement fédéral tout en lui laissant jouer un rôle considérable pour que les gens soient compétents et connaissent bien leur rôle. Les provinces, dont le Québec, vont voir quelle direction nous prenons, quel idéal nous poursuivons, et ainsi de suite.
Aujourd'hui, la période des questions m'a encore désappointé. Le Bloc québécois a soulevé le problème de l'avenir du Canada. On a interrogé le premier ministre sur ce que veut dire la notion de société distincte. Il a répondu que les Québécois ne se sépareront pas du Canada parce que le Canada est le meilleur pays au monde.
C'est ce qu'il a dit au cours de la dernière campagne référendaire. L'essentiel de ses propos, c'est que personne ne voudra quitter le meilleur pays au monde. Je conviens que c'est le meilleur pays au monde, mais cela ne donne rien pour l'avenir du Canada de se borner à le répéter sans cesse. Nous devons pouvoir dire aux gens, aux séparatistes du Québec, aux fédéralistes qui sont déçus du statu quo et aux autres, qu'il existe une troisième solution qui est meilleure.
Il y a l'option séparatiste et le statu quo, mais il y a aussi, entre les deux, une troisième option. Les réformistes veulent dire aux Québécois qu'ils souhaitent les voir rester au sein du Canada. Il faudrait qu'ils sachent, d'entrée de jeu, que la troisième option que nous préconisons prévoit le renforcement de certains pouvoirs fédéraux. Cette option renforcerait aussi de nombreux pouvoirs provinciaux.
À ceux qui s'inquiètent de la culture, nous pourrions dire que, bien sûr, les pouvoirs en matière culturelle devraient être transférés aux provinces, aux paliers de gouvernement inférieurs, aux institutions privées, aux particuliers, aux organisations du secteur privé, et ainsi de suite. Les activités culturelles jouissent d'un appui considérable dans bien des provinces, régions, districts, etc.
Pour que tout soit clair, je tiens à répéter que nous donnerons aux provinces de nombreux pouvoirs que la Constitution leur reconnaît, mais que le gouvernement fédéral en conservera certains. Nous ne sommes pas prêts à vendre notre pays en affaiblissant ces pouvoirs.
(1550)
Si le dernier intervenant a parlé des institutions financières d'une manière aussi détaillée, c'est parce qu'un gouvernement réformiste continuerait de réglementer ces institutions. Les pouvoirs à cet égard ne seraient pas confiés aux provinces. Il est important qu'elles le sachent. Il y aurait des pourparlers avec les ministres des Finances, les groupes d'intérêts et d'autres parties, mais un gouvernement fédéral dirigé par les réformistes conserverait la carte maîtresse. La responsabilité des institutions financières ne serait pas cédée à un palier de gouvernement inférieur simplement parce qu'il le réclame. Dans une union économique commune, il faut que le gouvernement fédéral assure leur réglementation. Il faut que ce soit appliqué d'un océan à l'autre, nous voulons que ce soit bien clair.
Comme le gouvernement libéral en conviendra sûrement, il est essentiel qu'un pays réglemente la politique monétaire de ses institutions financières. Nous demandons au gouvernement fédéral, dans la période qui reste d'ici au prochain référendum, de ne pas se livrer au jeu que le premier ministre a joué aujourd'hui durant la période des questions. Il a dit que tout va bien, que nous vivons dans un pays merveilleux et que personne ne voudra quitter la fédération canadienne.
Continuer d'utiliser cet argument d'ici au prochain référendum équivaudrait à tenter de jouer au plus fin, mais sans arme. Si nous disons à des personnes déterminées à quitter le Canada que nous savons qu'elles n'en feront rien parce que nous vivons dans un pays extraordinaire, elles nous répondront que ce pays ne fonctionne pas à leur satisfaction. Elles nous interrogeront sur notre vision du Canada. Si nous nous bornons à dire qu'il s'agit d'un pays merveilleux et que personne ne le quittera, j'ai bien peur que ce ne soit la fin du Canada.
Il faut que nous disions où nous nous situons, que nous expliquions nos objectifs, que nous présentions un plan détaillé qui nous permettra de les atteindre et que nous exposions une vision de notre pays à laquelle on peut adhérer. Le premier ministre devrait dire: Voici comment je vois notre pays. Voici ce que nous proposons au Québec et au reste du pays. Voici ce que nous offrons. Voici ce que sera la répartition des pouvoirs. Voici ce que nous offrons sur le plan constitutionnel. Les Québécois pourraient bien accepter cette offre. S'il préfère attendre qu'une crise éclate avant de dévoiler son jeu et de jouer ce qu'il pense être la bonne carte, il perdra.
Les séparatistes savent exactement ce qu'ils veulent. Je ne suis pas du tout d'accord avec eux. Et voici qu'on leur propose du réchauffé. Dans son discours d'hier soir, Brian Mulroney a dit qu'il fallait revenir en arrière et refaire encore les mêmes propositions au Québec. Je ne suis pas d'accord. Il doit bien y avoir un moyen terme, une troisième option. Le Parti réformiste en a une. Peut-être que les séparatistes ne l'aiment pas, mais nous en avons une.
Les libéraux feraient mieux de présenter une solution. Ils jouent un jeu dangereux. Ils veulent aller devant les tribunaux pour empêcher le Québec de partir, sous prétexte que le Canada est le meilleur pays du monde. Si ce sont là ses seuls arguments, je crains pour le prochain référendum.
D'autre part, les libéraux devraient dire que la réglementation des institutions financières relève du gouvernement fédéral et qu'elle continuera de relever du gouvernement fédéral parce que c'est ce que veulent les Canadiens et les Québécois. Ils veulent que l'on ait le même Code criminel, que le gouvernement fédéral dicte toujours la politique monétaire, qu'il s'occupe de la défense, du commerce intérieur et du commerce international. Si on leur offre une troisième option leur accordant une foule de pouvoirs, parce que les provinces sont mieux placées pour les exercer, on aurait alors une offre susceptible d'être acceptée. Il faut proposer quelque chose. On ne peut pas se contenter de dire que la question des institutions financières est négociable. Que c'est peut-être une question provinciale. Qui sait? Les libéraux ne précisent rien. Ils viennent à la table les mains vides alors que les séparatistes savent ce qu'ils veulent. Ces derniers en profiteront pour faire d'autres demandes.
(1555)
Le résultat, c'est, comme je l'ai déjà dit, que nous sommes venus à un cheveu de perdre le dernier référendum. M. Bouchard se frotte les mains de joie à l'idée d'affronter un premier ministre qui ne sait pas où il veut amener le pays. Il doit renoncer à la disposition d'esprit dans laquelle il est arrivé ici il y a 30 ans, c'est-à-dire qu'il faut qu'il se rende compte que ce n'est pas en se contentant de suivre le courant et en espérant s'en tirer qu'il pourra nous faire sortir de la prochaine crise et qu'il suffirait d'un seul faux pas ou d'une déclaration malheureuse pour que 40 000 voix qui étaient dans le camp du non au dernier référendum passent dans l'autre camp. Qu'arrivera-t-il ensuite? Nous aurions une véritable bataille sur les bras, un vrai problème.
Je suis heureux de reconfirmer aux Canadiens que certaines choses doivent être raffermies et maintenues dans un Parlement fédéral. Nous ne pouvons pas avoir de pays à moins qu'il y ait un gouvernement central fort pour s'occuper de certains dossiers.
La population du Québec doit savoir qu'il existe un parti qui peut leur offrir une troisième voie dans bien des domaines. Les choses ne doivent pas nécessairement demeurer inchangées. Le Québec n'a pas à se séparer. La troisième option est une division claire des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Ceux-ci seront responsables des pouvoirs qu'il est constitutionnellement correct de leur confier et le gouvernement fédéral garde la haute main dans les domaines dont il doit être responsable pour administrer le pays.
Si les Québécois voient cette option et en entendent parler, ils l'adopteront. Le gouvernement fédéral serait bien inspiré de changer sa vision du Canada plutôt que de continuer à dire: «Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, tout va pour le mieux.» Si les libéraux présentaient leur vision du Canada, peut-être, lors des prochaines élections, les Québécois et le reste des Canadiens seraient-ils prêts à voter pour cette vision.
Pour sa part, le Parti réformiste présentera une vision. Je mets le Parti libéral et tout autre parti au défi de proposer une troisième option raisonnable aux yeux de tous les Canadiens et, surtout, des Québécois.
M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté le député parler de nombreuses questions au cours des dernières minutes. Il lui est arrivé à quelques reprises de mentionner le projet de loi à l'étude.
Une partie de son discours portait sur la centralisation et la décentralisation. J'ai cru entendre le député dire qu'il y avait des secteurs où le gouvernement devrait intervenir et d'autres où il ne devrait pas intervenir. Nous parlons des institutions financières dans ce débat.
Je me demande si le député pourrait me donner son opinion sur le rôle que devrait jouer le gouvernement fédéral lorsqu'il traite avec les provinces. Quelles autres responsabilités devrions-nous laisser aux provinces? Quelles devraient être nos responsabilités à l'égard des institutions financières et autres?
M. Strahl: Monsieur le Président, j'invite le député à prendre connaissance de notre programme électoral. Nous donnons des détails dans notre document intitulé «Nouveau départ».
Nous divisons en catégories les choses que, selon nous, le gouvernement a besoin de renforcer et de maintenir. Nous concentrerons les pouvoirs fédéraux dans les domaines suivants: la défense, les affaires étrangères, la politique monétaire, la réglementation des institutions financières, le Code criminel et l'application des normes nationales. Dans ce document, nous avons évidemment une série de propositions qui prévoient des dépenses accrues au titre des soins de santé, des dépenses ciblées au titre de l'enseignement supérieur, et ainsi de suite. Il y a aussi d'autres choses qui s'ajoutent à la liste, soit la péréquation, le commerce international, le commerce extérieur et la réforme des institutions nationales comme le Parlement.
Durant la 36e législature, nous aurons beaucoup à faire si nous nous occupons de ces dix domaines et si nous faisons les changements que nous commençons à voir, je crois, dans ce projet de loi et dans d'autres projets de loi. Il y a beaucoup de travail à faire dans ces dix domaines, spécialement du côté de la politique sociale, qui fait partie des autres domaines que j'ai mentionnés.
Nous éliminerons les dédoublements et les chevauchements entre les différents niveaux de gouvernement en donnant à ces domaines. . .
[Français]
Le président suppléant (M. Milliken): Comme il est 16 heures, conformément à l'ordre adopté le jeudi 10 avril 1997, il est de mon devoir d'interrompre les délibérations et de mettre aux voix sur-le-champ toute question nécessaire pour disposer de l'étape de la troisième lecture du projet de loi dont la Chambre est maintenant saisie.
[Traduction]
Le vote porte sur la motion principale. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Milliken): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président suppléant (M. Milliken): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Milliken): À mon avis, les non l'emportent.
Et plus de cinq députés s'étant levés:
Le président suppléant (M. Milliken): Convoquez les députés.
(1625)
(La motion, mise aux voix, est adoptée.)
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Irwin
Jackson
Karygiannis
Keyes
Kirkby
Knutson
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Marchi
Marleau
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
O'Brien (London-Middlesex)
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Peric
Peterson
Pettigrew
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Sheridan
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Szabo
Telegdi
Terrana
Torsney
Ur
Vanclief
Verran
Volpe
Walker
Wappel
Whelan
Wood
Zed-125
Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.
(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)
M. Zed: Monsieur le Président, vous constaterez que la Chambre consent à l'unanimité à passer à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-55.
Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
[Français]
M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, je désire d'abord remercier l'honorable secrétaire parlementaire et député de Prince-Albert-Churchill River pour avoir accepté d'intervertir l'ordre d'intervention lors du débat de troisième lecture, étant donné la séance du Sous-comité sur la sécurité nationale qui se tiendra à 16 h 45.
Lorsque le projet de loi C-55 qui modifie le Code criminel et plusieurs autres lois a été déposé, l'opposition officielle avait émis certaines réserves, et plus particulièrement des réserves qui touchaient le nouvel article 810.2 du Code criminel, tel qu'on le proposait à l'époque, et aussi certaines réserves touchant la surveillance électronique.
Je reviendrai dans quelques instants sur ces deux articles qui semblaient faire problème à ce moment-là et voir de quelle façon ils ont été réglés.
Le projet de loi C-55 vise à donner les moyens à la justice canadienne de traiter avec une nouvelle réalité, avec une nouvelle approche en matière de traitement des criminels et aussi avec une modification des comportements criminels, puisque le sens classique du crime a évolué au cours des dernières années et des dernières décennies au Canada.
En ce sens, lorsque le projet de loi parle de s'occuper davantage de délinquants dangereux, lorsqu'il met à la disposition de la justice
les moyens pour intervenir afin d'éviter que des délinquants dangereux ne soient remis en liberté, ce projet de loi est sûrement un pas dans la bonne direction, parce qu'il nous donne des outils que nous n'avions pas, où il n'était pas possible, à l'expiration d'une sentence, de contrôler le comportement d'un individu qui, de façon manifeste et évidente, allait récidiver.
Le projet de loi C-55 donnera la possibilité à l'État, par le biais des cours de justice, d'intervenir pour contrôler les criminels dangereux par l'imposition de sentences à durée indéterminée. Il permettra aussi de viser une catégorie de criminels ou d'individus qui seront des criminels à contrôler. Les dispositions de la loi permettront d'imposer certaines conditions à des remises en liberté de détenus qui devront se rapporter, qui devront garantir que leur réinsertion dans la société se fera au moindre risque possible pour la société. Ce sont des domaines sur lesquels nous pouvons facilement convenir qu'il faut intervenir, tout comme nous l'avions manifesté au stade de la deuxième lecture.
Il restait les deux points manifestes qui, suivant l'article 810.2 et les dispositions concernant la surveillance électronique, posaient problème. Soit dit en passant, ces deux articles ont été étudiés profondément au comité.
L'article 810.2 tel qu'il avait été déposé dans cette Chambre était carrément inacceptable. Il visait à permettre au procureur général de se servir d'une institution qui, dans notre droit criminel, est une institution pour régir les relations entre des particuliers, ce qu'il est convenu d'appeler le mandat de paix, «peace bond» en anglais. C'est une procédure qui existait sous le droit coutumier britannique et où l'État, la Couronne n'intervient pas. L'exemple classique qu'on donne aux étudiants dans nos universités est celui de l'amant éconduit qui poursuit de sa ferveur son ancienne relation et où la personne demandera un ordre du tribunal pour avoir la paix, de là le nom de mandat de paix, je présume.
(1635)
L'article 810.2, tel que déposé, donnait la possibilité au procureur général de demander, au nom de l'État, à toutes fins utiles, l'émission d'un mandat de paix assorti de conditions sévères à l'endroit de la personne visée par le mandat de paix prévu à l'article 810.2.
L'État se substituait aux relations privées en matière criminelle ou en matière de protection de la vie privée, ce qui ne nous apparaissait pas du tout acceptable au moment où on en a fait l'étude, et au moment de l'étude du projet de loi en deuxième lecture.
Les choses ont évolué et notre position a été fortement appuyée devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques par la plupart des témoins qui ont traité spécifiquement de l'article 810.2. Presque tous sont venus affirmer que le procureur général ne devait pas avoir l'autorité de demander l'émission d'un mandat de paix contre une personne.
Et on voit le problème, parce qu'on peut, à la limite, se placer dans la situation suivante: un juge ayant entendu une preuve en matière criminelle, et jugeant sur la base du doute raisonnable, pourrait très bien en venir à la conclusion qu'il doit acquitter une personne, étant donné que le doute raisonnable joue en sa faveur. Par ailleurs, jugeant sur une requête pour l'émission d'un mandat de paix faite par le procureur général, le même juge, ayant entendu la même preuve, pourrait dire: «Oui, monsieur, madame, je vous ai acquitté sur les critères du doute raisonnable, mais sur le critère de la prépondérance de preuve, j'en arrive à la conclusion que vous avez commis l'offense et qu'il y a des mesures à prendre pour se protéger de vous.»
Il y avait donc le danger d'avoir, dans la société canadienne, une catégorie grise de citoyens, c'est-à-dire des personnes coupables, des personnes innocentes, bien sûr, la très grande majorité des Canadiens et des Canadiennes, mais des gens qui auraient été visés par des mandats de paix demandés par l'État qui, bien que n'ayant été trouvés coupables d'aucune offense criminelle, auraient été redevables de leur emploi du temps, du lieu où ils demeuraient, soit devant des officiers de probation, soit devant le tribunal lui-même. Cela nous apparaissait tout à fait inacceptable.
Dans une société de droit comme la nôtre, basée sur des principes, en droit criminel, qui reposent sur des valeurs plusieurs fois séculaires, on ne peut pas tolérer ni accepter qu'une personne soit dans une situation grise, dans une situation de limbes juridiques où elle ne sait pas quels sont ses droits.
Nous avons des personnes innocentes, et c'est la présomption dont jouit tout citoyen et toute citoyenne dans ce pays, et il y a des personnes qui ont été déclarées coupables.
Les amendements apportés à l'article 810.2 font que, désormais, suivant le libellé actuel que nous avons devant nous maintenant, en troisième lecture, à la suite des pressions de l'opposition officielle, à la suite des pressions des témoins qui sont venus témoigner devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques, nous avons un nouveau libellé de l'article 810.2. Je remercie ceux qui ont prêté attention aux représentations faites, d'en avoir tenu compte et de présenter aujourd'hui un libellé faisant en sorte que le mandat de paix prévu à 810.2 soit un mandat de paix qui redevient un mandat de personne à personne, où le simple individu pourra s'en prévaloir à l'encontre d'un autre individu qui trouble sa paix.
La seule exigence que l'on va poser, en vertu de l'article 810.2, qui est quand même un mandat de paix un peu spécial, étant donné les conséquences que devrait supporter quiconque violerait une ordonnance, c'est qu'une personne, un particulier qui désire se prévaloir de ces dispositions doit donner avis au procureur général.
Je pense qu'il est normal, dans une société organisée, que le procureur général chargé de l'administration de la justice en vertu des dispositions de nos lois constitutionnelles soit au courant de ce qui se passe devant nos tribunaux.
La modification à l'article 810.2 répond à notre première objection, elle en dispose et elle en dispose favorablement. Voilà donc un obstacle qui nous empêchait de donner notre appui au projet de loi C-55 qui vient de tomber. Les droits du public sont protégés, mais aussi les droits des individus, et principalement les droits fondamentaux qui sont l'héritage de ceux et celles qui, pendant des dizaines d'années, et même des siècles, ont contribué à l'édification de notre droit criminel, que cela ait été au Royaume-Uni ou au Canada, nous avons hérité des mêmes valeurs.
(1640)
Il aurait été dommage que, par un article adopté subrepticement, on attaque le fondement même de ce qui a fait la richesse de notre droit criminel, c'est-à-dire cette présomption d'innocence et cette clarté qui existe dans notre société entre les droits des uns et des autres.
Venait notre deuxième interrogation qui portait sur la surveillance électronique, ces fameux bracelets qui permettront de surveiller quelqu'un sans le détenir. Est-ce que c'était un instrument approprié? Est-ce que c'en est un? On peut, encore aujourd'hui, se poser des questions.
Évidemment, il existe à l'heure actuelle une masse importante, probablement même une masse critique, de détenus qui n'ont pas besoin d'être emprisonnés physiquement ou d'avoir des barrières physiques pour que leur contrôle soit possible. Ce sont donc des gens à risque peu élevé ou moyennement élevé sur une échelle d'appréciation. Est-ce qu'on peut se fier à un système où on installera un bracelet à cette personne-là qui sera en contact par téléphone ou tout autre moyen de contrôle avec une centrale de police pouvant surveiller si la personne est dans un périmètre donné?
Notre principale objection portait sur l'efficacité de ce système et sur la capacité d'avoir et de voir ces mesures s'appliquer à la grandeur du Canada. Il est sûr que dans des villes comme Toronto, Montréal, Québec et Vancouver, c'est probablement assez facile de mettre ces dispositions en vigueur. Mais dans de larges étendues, vu que les moyens de communication au Canada sont plus aléatoires, que les distances sont tellement grandes que les postes de police qui pourraient servir aussi de lieu ou de quartier général pour contrôler le genre de délinquant qui serait incarcéré avec «un seul bracelet» sont éloignés, ce sera, à mon avis, très difficile d'appliquer ce système. Est-ce qu'on forcera des détenus à se déplacer pour être admissibles au programme du bracelet? Je n'en sais rien.
J'ai encore évidemment des interrogations, mais certaines de mes appréhensions sont tombées au comité à la suite d'études qui ont été démontrées. Elles sont tombées, mais il faut garder en mémoire que certains témoins sont venus nous dire qu'aux États-Unis, par exemple, des recherches appliquées ont démontré que les bracelets électroniques, lorsqu'on perdait le contrôle d'une personne, pouvaient servir-ce n'est pas dans la législation-à l'injection d'une substance toxique pouvant donner des crampes, une diarrhée ou d'autres symptômes physiques assez incommodants à une personne qui est en perte de contact.
Or, la perte de contact avec un centre de contrôle peut être faite de façon tout à fait aléatoire. Il faut se rendre compte tout de suite qu'il y a des limites à ne pas franchir. Tentons l'expérience du bracelet électronique. On pourra revoir cette législation d'ici quelques mois ou quelques années si des problèmes se posent. Mais il faut savoir que certains groupes bien organisés, surtout au sud du Canada, aux États-Unis en particulier, ont fait des recherches, sont prêts et ont une technologie qui permettrait d'aller beaucoup plus loin avec des mesures qui ne peuvent pas être acceptables dans une société libre et démocratique.
On peut se demander aussi quelle est la fiabilité du système du bracelet électronique. Est-ce que des gens perdront contact avec leur centre de contrôle de façon tout à fait aléatoire, de façon non prévue, même s'ils ne sont pas en faute? Il y aura probablement de fausses alertes dans ce domaine. C'est possiblement un risque que nous devrons courir pour valider cette méthode.
Elle permettra bien sûr de dégorger nos prisons d'un certain nombre de personnes qui n'ont pas à être détenues et qui sont un fardeau pécuniaire fort important pour l'État et, aussi, l'immobilisation de ressources humaines que tout cela amène. Il ne faudrait pas penser que c'est la panacée, la solution à tous nos maux que de prévoir le bracelet électronique et le contrôle à distance d'une personne qui doit être surveillée.
(1645)
Mais puisque la preuve présentée au Comité de la justice et des questions juridiques démontre que les avantages l'emportent sur les inconvénients, nous sommes prêts à donner la chance au coureur et à nous rallier au libellé actuel du projet de loi C-55, lorsqu'il traite de la surveillance électronique de détenus, quitte, bien sûr, à en faire le plus tôt possible la réévaluation.
Il restait certains points, comme la réinsertion plus rapide dans certains cas, de détenus qui n'ont pas vraiment leur place dans les prisons, et les pénitenciers pour ce qui est de la compétence fédérale. À ces mesures-là nous pouvons aussi souscrire.
En bout de piste, après l'étude au comité, si on résume notre position, on voit qu'elle s'est modifiée parce que le projet de loi a été modifié. Je reviens manifestement toujours au fameux article 810.2 du projet de loi qui était l'obstacle majeur. Cet article ayant été modifié, notre opposition tombe donc et nous allons souscrire au projet de loi C-55 lors du vote en troisième lecture.
[Traduction]
M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet du loi C-55 modifié par la Comité permanent de la justice et des affaires juridiques.
Je suis sûr que tous les députés ont remarqué l'amendement important apporté à la disposition relative au contrôle judiciaire, qui élimine toute référence à la surveillance électronique.
Je tiens à souligner à tous les députés l'importance capitale de ce projet de loi. Les Canadiens nous ont dit sans équivoque qu'ils voulaient que le gouvernement consacre son attention aux criminels violents, qu'il mette l'argent destiné à la justice pénale là où il sera le plus utile.
Le projet de loi C-55 tient compte de cette demande en fournissant à la police, aux procureurs et aux juges de nouveaux outils pour contrôler les délinquants violents. Il aurait peut-être été plus facile pour le gouvernement de modifier le Code criminel de façon à allonger les peines pour chaque type d'infraction. Par exemple, si nous doublions la durée de la peine d'emprisonnement pour chaque infraction ou si nous imposions des peines minimales obligatoires pour chaque crime, cela aurait sans doute un impact. Bien sûr, les tribunaux seraient débordés, les pénitenciers seraient pleins à craquer, et les fonds consacrés par le gouvernement fédéral au système correctionnel n'en finiraient pas d'augmenter.
Je ne crois pas que les Canadiens veuillent des mesures aussi radicales et générales. Ils nous ont dit qu'ils voulaient des lois bien ciblées qui soient sévères envers les délinquants violents.
La réaction du public au projet de loi C-55 a été très positive. Le gouvernement appuie l'idée du délinquant à contrôler qui, combinée à la loi existante concernant les délinquants dangereux, fournit aux procureurs un autre moyen de voir à ce que les délinquants sexuels purgent une très longue peine.
Je voudrais brièvement énumérer les principaux changements que renferme le projet de loi C-55. Chacun de ces changements renforce la capacité du système de justice pénale de cibler les délinquants présentant un risque élevé de récidive. J'en profiterai
pour mentionner trois amendements proposés dans le rapport du comité permanent.
Le projet de loi C-55 améliore la procédure prévue dans la partie XXIV du Code criminel, en exigeant qu'un juge inflige une peine de détention pour une durée indéterminée à tout délinquant déclaré dangereux.
Avant, il était possible à la cour, dans des circonstances exceptionnelles, d'infliger une peine d'incarcération pour une durée illimitée, mais ce genre de peine était rare. En éliminant cette option, nous ne limitons pas vraiment les solutions auxquelles le tribunal peut recourir. C'est tout à fait justifié d'avoir une peine d'emprisonnement indéterminée si le tribunal a pu prouver, lors d'audiences spéciales, que le délinquant montre une tendance à récidiver et qu'il est probable qu'il tuera ou blessera d'autres personnes, ou qu'il causera de graves dommages psychologiques à d'autres personnes, pour avoir été incapable de s'abstenir de récidiver.
Le projet de loi C-55 modifie aussi la date du premier examen en vue de la libération conditionnelle d'un délinquant dangereux, qui passe de la troisième année de prison à la septième. Il importe que les délinquants puissent éventuellement présenter une demande de libération conditionnelle. Le fait d'enfermer ces délinquants indéfiniment ne nous soustrait pas à l'obligation légale de vérifier leur dangerosité, mais il n'y a jamais rien eu de magique dans le résultat du premier examen après seulement trois ans. Le fait est que jamais un délinquant dangereux n'a été libéré après aussi peu de temps.
(1650)
Il semble plus raisonnable d'effectuer cet examen à la septième année, et ça ressemble davantage aux conditions d'admissibilité à la libération conditionnelle des délinquants violents qui purgent une longue peine de durée déterminée. En passant, le projet de loi C-55 maintient la disposition prévoyant des examens tous les deux ans par la suite.
Ce projet de loi présente une autre nouveauté, la prolongation de la période au cours de laquelle la Couronne peut présenter une demande pour que le criminel soit déclaré délinquant dangereux. L'article 753(2) tel que proposé permettra au ministère public d'aviser le délinquant qu'il pourrait présenter une demande dans les six mois pour le faire déclarer délinquant dangereux. C'est très possible que de nouvelles victimes ou de nouveaux témoins se présentent après le procès et révèlent la véritable gravité du crime commis, leur témoignage permettant ainsi d'établir que le délinquant répond aux critères de brutalité qui permettent de le déclarer délinquant dangereux. Cette nouvelle disposition donne à la Couronne la souplesse dont elle a besoin pour réunir tous les éléments qui lui permettent de faire la preuve voulue, après le procès et le prononcé de la sentence.
Les concepteurs de cette disposition ont ainsi établi un équilibre. Nous avons reçu des propositions de modification du Code criminel qui permettraient de demander en tout temps, pendant que le délinquant purge sa peine et même durant sa dernière année de prison, qu'il soit déclaré délinquant dangereux. Ces modèles ne tiendraient pas s'ils étaient contestés en vertu de la Constitution ou de la charte, mais cette nouvelle possibilité est réalisable. Elle s'appliquera pendant six mois après la déclaration de culpabilité et la détermination de la peine.
Elle est circonscrite par les règles concernant les droits de l'accusé. Par exemple, le procureur de la poursuite doit démontrer que les nouvelles preuves n'étaient pas raisonnablement accessibles au moment de la détermination de la peine; l'État doit donc appliquer toute la diligence raisonnable lors de la compilation initiale des preuves. La demande reportée visant à déclarer que quelqu'un est un délinquant dangereux ne pourra être présentée que s'il y a de nouvelles preuves pertinentes.
Le projet de loi C-55 supprime aussi l'obligation de convoquer deux psychiatres dans toutes les causes de délinquants dangereux. Lors des audiences du comité permanent, quelques témoins ont critiqué cette modification, comme si elle violait les droits des accusés ou réduisait leur capacité de se défendre eux-mêmes. Elle n'empêche absolument pas l'accusé de faire témoigner des experts ou de produire des preuves. Le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada continuent de s'appliquer. Cette modification abolit tout simplement la nécessité de convoquer deux psychiatres dans toutes les causes. Malheureusement, les psychiatres légistes compétents sont rares dans certaines régions du Canada. En fait, dans bien des causes de délinquants dangereux, les deux parties finissent par convenir que le témoignage d'un seul psychiatre suffira.
La catégorie des délinquants sous surveillance de longue durée est au coeur du projet de loi C-55. Cette mesure est entièrement nouvelle. Elle permet à la partie poursuivante d'exiger un contrôle de longue durée pour divers genres de délinquants sexuels ayant commis des infractions graves, mais la procédure établie par le projet de loi C-55 est liée à celle qui s'applique aux délinquants dangereux de sorte que, dans bien des cas, on peut faire appel au contrôle de longue durée lorsque la demande de déclaration de délinquant dangereux échoue. Il vaut la peine de prendre le temps d'expliquer l'interaction entre ces deux procédures.
Supposons que le tribunal entend une cause d'agression sexuelle grave commise par un délinquant ayant déjà perpétré des crimes avec violence. Lorsqu'un délinquant est reconnu coupable d'une infraction sexuelle grave, la Couronne peut demander au tribunal de le renvoyer pour une évaluation par des experts. Cette évaluation vise à faire déclarer la personne en cause délinquant dangereux ou délinquant à contrôler. Il est à espérer qu'on fera appel aux compétences de psychiatres, de criminologues ou autres personnes pouvant faire une évaluation poussée du risque que représente le criminel.
(1655)
Une fois le rapport d'évaluation déposé, la poursuite a le choix de demande, mais elle dispose toujours d'une certaine latitude. C'est un point important. Même si le tribunal refuse de déclarer le délinquant dangereux, il peut le déclarer délinquant à contrôler, à condition bien entendu qu'il réponde aux critères. En effet, le tribunal peut décider que les preuves fournies ne suffisent pas à déclarer le délinquant dangereux, mais qu'elles lui permettent de le déclarer délinquant à contrôler.
Par ailleurs, le tribunal peut agir rapidement et tenir une deuxième audience après avoir déclaré que le délinquant était à contrôler et demander que d'autres preuves soient présentées.
J'aimerais maintenant décrire l'un des amendements présentés dans le rapport du comité permanent. Le Code criminel prévoit déjà une participation des victimes dans les procédures criminelles, soit par le biais d'un témoignage direct, soit par déclaration écrite. Il est certainement important d'entendre les victimes lors de l'audience concernant un délinquant dangereux. Toutefois, comme je l'ai dit, si le délinquant n'est pas désigné dangereux, le juge peut procéder à une seconde audience pour savoir s'il s'agit d'un délinquant à contrôler. Cela pourrait aggraver la situation des victimes qui devraient témoigner de nouveau à cette deuxième audience. C'est pourquoi l'amendement dit précisément que tout témoignage de la victime ou de sa famille lors de l'audience en vue de faire déclarer le contrevenant un délinquant dangereux est considéré comme ayant été reçu à l'audience subséquente visant à le faire déclarer délinquant à contrôler.
L'idée du délinquant à contrôler a été très généralement acceptée. Lors des audiences du comité permanent, elle a été appuyée, entre autres, par l'Association canadienne des policiers, l'Association canadienne des chefs de police, la British Columbia Civil Liberties Association, le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, et le groupe CAVEAT de défense des droits des victimes.
Il vise les délinquants sexuels, plus particulièrement ce groupe de délinquants qui se situent juste au-dessous du niveau des délinquants dangereux. Ce sont les délinquants sexuels qui se voient infliger une peine de prison prolongée, mais qui ne méritent pas nécessairement une peine indéterminée.
En vertu du projet de loi C-55, ils recevront leur peine de prison mais, en plus, s'ils sont désignés délinquants à contrôler, le tribunal pourra ordonner jusqu'à dix ans de surveillance additionnelle dans la collectivité. C'est seulement à la fin de la peine de prison, y compris la période en libération conditionnelle, que la période de surveillance commence.
Les critères pour être déclaré délinquant à contrôler, exigent, d'une part, que la cour détermine qu'il y a un risque notable que le délinquant récidive et, d'autre part, qu'il y ait une possibilité raisonnable que le délinquant puisse être contrôlé par la surveillance communautaire.
S'agit-il d'être optimiste et pessimiste en même temps? Je ferai observer d'abord que le délinquant recevra la peine d'emprisonnement prévue pour le crime qu'il a commis. Durant la période de surveillance de longue durée, la Commission nationale des libérations conditionnelles et le Service correctionnel du Canada prendront les mesures nécessaires pour favoriser l'adaptation graduelle du délinquant à la liberté, afin de faciliter sa réinsertion. La disposition prévoit une surveillance de longue durée et, si le délinquant à contrôler viole une des conditions imposées par le tribunal, on peut le faire arrêter et même déposer contre lui des accusations pour un nouveau délit, soit la violation d'une ordonnance de surveillance de longue durée.
Le troisième pilier du projet de loi C-55, qui est controversé, je dois l'admettre, c'est la nouvelle forme de contrôle judiciaire qui vient compléter le Code criminel, l'article 810.2. Je rappelle aux députés l'objet de cette nouvelle disposition. Cette nouvelle ordonnance d'interdiction s'inspire de celle prévue en vertu de l'article 810.1, qui visait à prévenir la commission d'agressions contre les enfants.
Cette nouvelle ordonnance vise à prévenir la commission d'infractions causant des blessures graves. Malgré la controverse qui entoure cette mesure, le principe qui la sous-tend a été clairement établi dès le début. Il s'agit d'empêcher la commission d'actes violents, de permettre de déterminer devant les tribunaux le risque que présentent certains individus et d'obliger ceux-ci à ne pas troubler l'ordre public et à bien se conduire; en d'autres mots, d'adopter la norme d'éthique que l'on attend d'un membre de la société. Des conditions peuvent être attachées à ces ordonnances, tout comme dans le cas d'ordonnances de probation ou d'autres ordonnances de bonne conduite.
(1700)
On a beaucoup écrit dans les journaux sur la question de la surveillance électronique prévue à l'article 810.2. Le projet de loi initial prévoyait l'imposition de contrôles sous forme de surveillance électronique comme condition attachée à l'ordonnance de contrôle judiciaire seulement lorsque le tribunal jugeait que cela convenait et lorsque des programmes de ce genre existaient. Au cas où certains de mes collègues penseraient que la surveillance électronique est une idée abstraite ou de la science-fiction, je les invite à examiner les faits. Plusieurs provinces canadiennes utilisent la surveillance électronique en plus de la surveillance ordinaire pour gérer le cas de probationnaires et d'autres délinquants.
Par exemple, la Colombie-Britannique a 350 délinquants inscrits à ce programme en tout temps. Ces programmes prennent de l'expansion. Qu'on les appelle comme on veut, un mécanisme de contrôle, un dispositif de surveillance, un outil de prévention du crime, les programmes de surveillance électronique ont leur place dans notre société.
Cependant, certains émettent des réserves sur la capacité du système de justice pénale d'utiliser la technologie de façon appropriée et avec suffisamment de modération dans le cadre d'ordonnances de contrôle judiciaire. On utilise surtout la technologie pour veiller à ce qu'un délinquant demeure dans sa maison et ne quitte les lieux que selon l'horaire prévu.
Nous sommes tous familiers avec la notion de bracelets électroniques portés par les délinquants. Après avoir entendu un certain nombre de témoins, le comité permanent a conclu que nous devrions être prudents dans l'utilisation d'une technologie de ce genre dans des situations où il s'agit simplement de faire de la prévention. Autrement dit, la surveillance électronique utilisée à l'heure actuelle par les provinces canadiennes réduit la liberté dans une certaine mesure. Nous devrions être prudents dans l'application de cette technologie lorsque l'individu en cause n'a été trouvé coupable d'aucune infraction.
Dans la nouvelle version du projet de loi, on supprime toutes les allusions explicites à la surveillance électronique en ce qui concerne les ordonnances de contrôle judiciaire proposées, et je crois que cette modification importante devrait satisfaire les critiques du projet de loi.
En résumé, le projet de loi C-55, tel que modifié, respecte l'engagement du gouvernement de renforcer la loi pour contrôler les délinquants sexuels. Il repose solidement sur trois années de travail par le groupe de travail fédéral-provincial. Il a l'appui des
provinces auxquelles il incombe, en fin de compte, de poursuivre ces délinquants.
Les corps policiers appuient ce projet de loi. Le comité permanent fait de même et il a, en fait, proposé des amendements pour l'améliorer. J'invite mes collègues à adopter cette mesure.
Je voudrais simplement ajouter que le projet de loi représente un autre pas important dans le cadre des efforts du gouvernement pour accroître la sécurité publique et privée. Le ministre de la Justice a proposé des réformes importantes à la justice pénale. En outre, le solliciteur général a proposé un certain nombre de réformes. Aucun autre gouvernement dans l'histoire de notre pays n'a proposé autant de réformes au système de justice pénale, autant de mesures pour renforcer le système de justice pénale.
Nous pouvons en être très fiers. Cette initiative est le fruit d'une collaboration entre le gouvernement fédéral, les provinces et les nombreuses parties intéressées qui ont présenté des témoignages. Je remercie tous ceux qui ont participé au processus.
Comme certains commentateurs l'ont dit, le projet de loi constitue la plus importante amélioration et le plus grand changement qui aient été apportés depuis des décennies au Code criminel en ce qui a trait aux contrevenants violents. Nous pouvons en être très fiers. Je félicite le ministre de la Justice de ses efforts, ainsi que les membres du comité permanent, qui ont présenté des modifications intelligentes et sensées, et pour tout le dur travail investi dans ce projet de loi, beaucoup de personnes méritent des éloges. Nous recommandons le projet de loi aux Canadiens.
(1705)
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, si c'est là le mieux que le gouvernement puisse faire, pas étonnant que le pays soit en difficulté. Si ce projet de loi est le mieux que le ministre de la Justice ait à nous offrir pour régler le problème que posent les délinquants dangereux, pas étonnant que les victimes soient aussi nombreuses. Et ce projet de loi ne va pas changer grand-chose à la situation parce que, en fin de compte, on va continuer de remettre les délinquants dangereux en liberté. Les poids et contre-poids s'équilibrent quand il s'agit des délinquants les plus dangereux de notre société.
Examinons les statistiques. Voici celles de la commission des libérations conditionnelles. Ces données recueillies par la commission portent sur les délinquants dangereux qui commettent des infractions graves. D'après ces données, les délinquants dangereux-je suppose que les meurtriers entrent dans cette catégorie-ne purgent qu'environ la moitié de leur peine. Les auteurs de tentative de meurtre, par exemple, purgent en moyenne 48 mois, alors que la peine imposée par la cour était en fait de 94 mois. Ils se trouvent à purger seulement la moitié de leur peine. La commission des libérations conditionnelles remet des criminels violents en liberté après qu'ils aient purgé la moitié de leur peine. Quant aux personnes condamnées pour homicide involontaire, elles purgent en réalité la moitié de la peine originale, soit 44 mois sur 84 en moyenne.
Enfin, dans les cas de voies de fait graves et de viol, les contrevenants sont généralement libérés après avoir servi 49 mois, ou quatre ans, alors que la peine était censée être de 79 mois. Le projet de loi à l'étude ne traite de rien de tout cela, sauf pour dire que le gouvernement insiste pour relâcher les délinquants violents dans la collectivité.
Comment régler le problème? Je crois qu'il peut être résolu. Pour commencer, il faut regarder ce qui se passe dans nos tribunaux. Les peines imposées ne sont plus purgées, comme je l'ai signalé à la Chambre. Environ la moitié de la peine a été purgée. Il est grand temps de revenir à de véritables condamnations. Le modèle de réadaptation dont les ministériels ont tenté de faire la promotion est un échec lamentable. Il faudrait des lois imposant des peines incontournables pour rétablir l'équilibre dans le système.
Si un violeur était condamné à dix ans d'emprisonnement, ce qui est peu probable, il purgerait cette peine. C'est précisément ce que nous et les Canadiens voulons. Les Canadiens veulent une garantie de sécurité dans leurs collectivités. Malheureusement, il y en a beaucoup qui ne sont pas de cet avis, et ce sera très évident lors des prochaines élections.
C'est simplement en faisant du porte à porte dans ma circonscription que j'ai constaté cela. Je sais que les gens d'en face sont également en train de s'en apercevoir. En fait, certains visiteurs de la Colombie-Britannique, qui sont actuellement dans le hall, s'en rendent compte, parce qu'ils ont eux-mêmes été victimes de crimes. Par ailleurs, les gens en général sont mal à l'aise et ne se sentent pas en sécurité dans la rue le soir.
Nous parlons de lois imposant des peines incontournables, qui doivent être purgées. En d'autres termes, dans le cas d'une peine d'emprisonnement à vie, le criminel ne devrait pas avoir droit à une libération conditionnelle. Pourquoi l'individu qui a commis un meurtre au premier degré devrait-il circuler librement dans la rue? Aucune raison ne le justifie. Pour quelle raison celui qui a tué un homme ou une femme devrait-il être libéré?
Les statistiques sur ceux qui ont commis des meurtres au premier degré montrent que, sur les 46 détenus qui ont demandé une libération anticipée jusqu'au milieu de 1995, 11 avaient tué des femmes, soit leur femme, leur amie ou une connaissance. Ils ont bénéficié d'une libération anticipée. D'après moi, un meurtrier doit certainement être classé comme un délinquant dangereux. Pourtant, certains de ces individus reconnus coupables de ce crime odieux sont libérés.
(1710)
Sur les 46, huit ont tué des policiers. C'est un acte délibéré. Il ne peut y avoir d'erreur, l'intention était de tuer un agent de police, une personne qui représente l'autorité.
Trois des meurtriers qui ont obtenu une libération anticipée ont tué des enfants. Malheureusement, le projet de loi dont nous sommes saisis ne traite pas de cela. La peine imposée par le tribunal est réduite par la commission des libérations conditionnelles et par les
demandes de libération anticipée. D'autres dispositions prévues à l'article 55 imposeraient des restrictions, mais je ne vois vraiment pas où sont ces restrictions. Les délinquants violents retrouvent encore leur liberté. Le projet de loi C-55 ne règle pas le problème.
Le secrétaire parlementaire a parlé de l'imposition de peines d'une durée indéterminée et du fait qu'un tribunal décidera si le délinquant doit continuer à purger sa peine. Tout cela est bien beau, mais la responsabilité est refilée aux tribunaux. Or, ceux-ci n'ont pas connu beaucoup de succès dans leur façon de traiter ce genre de délinquants.
Il y a dans ma circonscription un individu du nom de Tocher. J'en ai fait mention l'autre jour. Cet homme s'en prend aux enfants depuis 1982. La dernière fois, il a agressé trois jeunes garçons. Cet individu a comparu devant le tribunal et s'est encore une fois vu imposer une courte peine, quelque chose comme 18 mois. Cet homme commet les mêmes crimes depuis 1982. Il a été condamné cinq fois pour le même genre d'infractions. Que font les tribunaux? Ils n'ont jamais déclaré que cet homme était un délinquant dangereux. Pourtant, ils auraient pu le faire. Les choses vont-elles changer? Non, tout sera comme avant.
La solution au prétendu problème de la surpopulation dans nos prisons c'est de relâcher cet individu. Je ne pense pas que le projet de loi C-55 change grand-chose.
Comment pouvons-nous avoir la garantie que les criminels recevront le message? Où est cette garantie? Les criminels doivent comprendre que, s'ils commettent une infraction, ils en subiront les conséquences. La peine imposée, l'incarcération et l'institution où cette peine sera purgée n'auront rien de plaisant pour le fautif parce qu'il aura franchi la limite.
Nous avons proposé un amendement au projet de loi, l'amendement dit des «deux crimes violents». Si un délinquant commet un crime violent et purge la plus grande partie de la peine, il saura que, s'il récidive, il se retrouvera en prison pour une période indéterminée. Si le délinquant commet une autre infraction violente, il se verra imposer une peine d'emprisonnement minimale de 15 ans, sinon plus, et peut-être même une peine d'emprisonnement à vie.
Il faut envoyer ce message au délinquant. Nos prisons sont comme des portes tournantes. Il est bien connu que 70 p. 100 de ceux qui sont en prison ont déjà purgé des peines d'emprisonnement auparavant.
Rien n'empêche le gouvernement d'envoyer un tel message aux criminels. Ceux-ci deviennent arrogants parce qu'ils savent qu'ils peuvent presque toujours s'en tirer. Ils deviennent arrogants lorsqu'ils s'en prennent à nos jeunes. Ils le font à répétition, parce qu'ils s'en tirent pratiquement impunément. Ils ne sont pas traités comme des criminels. Ils sont évidemment privés de leur liberté pendant un certain temps, mais tout le monde s'empresse de les protéger et de les soutenir. C'est la faute de la société, disent certains. Malheureusement, c'est bien leur faute, car c'est eux qui décident de commettre le genre de délits qui les conduisent en prison.
(1715)
J'ai déjà tenu de tels propos publiquement. Je ne vois pas pourquoi je m'en serais abstenu. Je pense que la majorité des Canadiens souhaitent qu'on impose des peines plus sévères aux criminels.
Je suis allé visiter l'établissement de Bowden, une prison située en Alberta. Les détenus ont eu vent de ma visite prochaine et ont fait circuler une pétition au préalable. Beaucoup de ceux qui purgent une peine d'emprisonnement me considèrent comme une menace parce que je leur dis qu'ils devraient travailler pour gagner leur vie. Ils devraient être productifs, même s'ils se trouvent derrière les barreaux. Le taux de productivité à l'intérieur de nos prisons est absolument honteux. Si les détenus ne sont pas employés en prison, la très grande majorité d'entre eux sont sous-employés. Je soutiens notamment qu'ils devraient travailler pour gagner leur vie.
Des détenus activistes à l'intérieur de l'établissement ont fait circuler une affiche sur laquelle on pouvait lire: «Art Hanger vient menacer les détenus de Bowden. Art Hanger veut vous priver de toute permission de sortir ou de libération conditionnelle.» Ils ont tout à fait raison. Je ne veux pas qu'on leur accorde beaucoup de permissions de sortir ou la libération conditionnelle. Pourquoi devraient-ils en bénéficier? Ils purgent une peine de prison parce qu'ils ont commis des crimes; c'est pour cela qu'ils sont en prison. Ils devraient payer à la société leurs crimes. Ils devraient faire quelque chose au lieu d'être remis en liberté sous condition. Le système de libération conditionnelle ne fonctionne de toute évidence pas.
L'affiche disait également: «Art Hanger veut vous condamner aux travaux forcés.» Je veux absolument qu'ils travaillent. Pourquoi ne travailleraient-ils pas? Ils en parlent comme de travaux forcés. Ils devraient effectuer toutes sortes de travaux. Ils devraient peut-être même gagner un salaire dont une partie pourrait servir à subvenir aux besoins des victimes de leurs crimes. Ils pourraient payer leur chambre et pension. Ils pourraient conserver une partie de l'argent qui reste comme pécule pour le jour où ils seront remis en liberté.
La politique du Service correctionnel canadien comporte à cet égard un autre élément absurde. Les détenus sont autorisés à accumuler 80 $ seulement. Lorsqu'ils sortent de prison, ils n'ont pas beaucoup d'argent en poche. Ils ont à peine de quoi survivre pour une nuit. Ils devraient gagner au moins le salaire minimum, mais ils devraient être productifs. Ils devraient faire quelque chose.
L'affiche ajoute que je veux les priver de toute récréation. L'émeute qui a eu lieu à Millhaven a été provoquée par un changement de routine. Les détenus estimaient qu'ils devraient avoir plus de temps de récréation. Pour faire comprendre leur point de vue, ils ont tué un homme. Ils voulaient faire savoir à la direction de l'établissement qu'ils étaient mécontents parce qu'on ne leur donnait pas ce qu'ils voulaient, davantage de temps de récréation ou le retour à l'ancienne routine. Il y a quelque chose de tordu dans cette mentalité.
L'affiche indique en outre que je veux tous les castrer et les torturer. Je ne veux pas les castrer ni les torturer. Pas plus que le Parti réformiste n'a jamais dit que telle était son intention. Telle était leur préoccupation. Je peux comprendre pourquoi, parce que 70 p. 100 des détenus de Bowden sont des délinquants sexuels.
Il y a quelque chose de tordu dans l'attitude des délinquants dans nos prisons aujourd'hui. Cette attitude a été entretenue par les politiques correctionnelles et encouragée par les droits accordés par le gouvernement. Il y a quelque chose qui ne va pas.
L'affiche ajoute que je veux qu'ils soient enfermés 24 heures sur 24. Eh bien, c'est faux. Je veux tout simplement, à l'instar de la plupart des Canadiens, qu'ils purgent leur peine au complet. Les délinquants violents ne devraient pas être libérés avant d'avoir purgé la totalité de leur peine. Les délinquants violents devraient rester en prison et gagner leur vie.
(1720)
L'affiche résume leurs plaintes à mon sujet de la façon suivante: «Art Hanger vous veut morts.» Eh bien, c'est faux. Je veux qu'ils corrigent leur comportement, mais je constate que le système actuel ne les aide pas à le faire. Au contraire, le système les pousse à devenir arrogants. Ils savent qu'ils peuvent agir en toute impunité. Ils sont enfermés pendant un certain temps, mais tout le monde se lance à leur rescousse pour les protéger, les aider et les conseiller. Personne n'est puni. Du point de vue de ceux qui sont à l'intérieur, c'est ainsi que le système fonctionne. J'ajouterai que ce sentiment est partagé par les détenus d'autres prisons. J'ai parlé à assez de détenus pour le savoir.
Il y a aussi quelque chose qui cloche du côté de la gestion, des décideurs. En compagnie de deux autres députés, j'ai eu l'occasion de visiter le pénitencier à sécurité maximale d'Edmonton en décembre 1995. Il y avait beaucoup de neige au sol. Comme dans le nord de la Saskatchewan, où vit le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice. Le pénitencier loge quelque 400 détenus. Ayant appris notre venue, le directeur du pénitencier a voulu s'assurer que son personnel soit au courant de notre visite. Il a adressé une note à son personnel, laquelle est tombée entre les mains de la presse et du Parti réformiste. En voici la teneur:
Les députés de Calgary-Nord-Ouest, de Fraser Valley-Ouest et de Wild Rose nous rendront visite le 1er décembre 1995. Ces députés sont reconnus pour être d'ardents détracteurs des SCC et n'hésitent pas à faire entendre leur point de vue.
Je tiens à ce que l'établissement d'Edmonton paraisse le mieux possible et qu'il ne s'expose guère à la critique. Il devra donc être d'une propreté impeccable. Les secteurs qui ont besoin d'être repeints le seront. Durant cette visite, les détenus seront manifestement au travail (comme ils devraient l'être, de toute façon) et les programmes fonctionneront rondement. Cela vaut aussi pour l'unité d'isolement protecteur.
Je ne veux pas voir de détenus étendus à ne rien faire (même si cela ne risquerait pas de se produire). Je n'ai pas vu souvent de détenus pelleter de la neige. Les chemins ne devraient pas être dégagés au moyen de souffleuses. L'utilisation de pelles semble plus indiquée. Achetez-en si vous en avez besoin.Pourquoi tout cela? Simplement à cause de notre visite. Il fallait donner l'impression que tout fonctionnait rondement et que tout le monde travaillait. Il y a quelque chose qui cloche lorsqu'une politique permet ce genre de situation dans notre système carcéral.
Avec le projet de loi C-55, le gouvernement veut donc donner l'impression qu'il fait quelque chose. Mais que fait-il au juste? Rien. La notion de châtiment est absente du régime correctionnel actuel. L'idée de rendre des comptes est évacuée alors qu'il devrait en être autrement. Les établissements sont des portes tournantes.
Nous voulons que des comptes soient rendus. Nous voulons que les peines infligées par les tribunaux soient purgées en totalité, notamment par les délinquants violents. Nous voulons des dispositions qui s'appliquent à partir du deuxième crime. Pourquoi quelqu'un qui a été libéré une première fois et qui commet un autre crime avec violence devrait-il avoir la même chance de purger une autre peine légère et être remis en liberté pour commettre un crime une troisième fois? Pourquoi devrait-il en être ainsi? Il n'est pas étonnant que la liste des victimes et des groupes de victimes ne cesse de s'allonger. Il en sera ainsi tant que l'on continuera de remettre en liberté des délinquants violents. Ils n'ont pas modifié leur comportement malgré tous les programmes et tous les rapports de gestion des cas.
(1725)
Je pense à un autre rapport de gestion de cas concernant le meurtrier d'un policier. Un individu du nom de Craig Munro a laissé un policier mourir au bout de son sang après l'avoir pris en otage et l'avoir blessé. Il demande maintenant une libération conditionnelle anticipée. C'est un meurtrier. Il ne devrait même pas avoir la possibilité de présenter une demande en ce sens. Et le gouvernement tient à maintenir la disposition qui lui permet de le faire. Avec le projet de loi C-55, il insiste pour remettre des criminels violents en liberté.
Je passe maintenant aux crimes les plus dévastateurs de la présente décennie et des prochaines. Je parle, bien sûr, des crimes de nature sexuelle, de la pédophilie et de la violence faite aux enfants. Il s'agit déjà d'une véritable vague de crimes. Les sections des crimes de nature sexuelle et des crimes contre les enfants des services de police ne parviennent même pas à s'occuper de toutes les plaintes qu'elles reçoivent. Elles doivent renvoyer des dossiers aux services sociaux. Ces dossiers sont de plus en plus épais, complexes et difficiles à régler. Les services de police sont débordés.
Que doit-on faire des pédophiles? Les dispositions sur les délinquants à contrôler ne sont pas une solution. Le secrétaire parlementaire du ministre de la justice devrait expliquer comment il réglera le problème. Ces dispositions ne suffiront pas. Les tribunaux s'en tiendront au statu quo et finiront par imposer de très courtes peines de prison.
Je viens d'exposer le cas de M. Tocher qui a été mis en prison puis libéré tant de fois au cours des 15 dernières années. Il s'en prend à nos enfants. Peut-on s'étonner que des parents se plaignent lorsqu'ils voient quelqu'un rôder autour d'un terrain de jeu comme ce fut le cas à Calgary? Les parents se sont plaints contre un homme qui rôdait constamment dans les environs d'un terrain de jeu. Ils avaient peur, mais la police ne pouvait rien faire. Cet homme avait déjà été condamné pour pédophilie, mais la police ne pouvait rien faire.
J'ai dit que je ferais quelque chose. Ces parents se sont organisés et ils ont manifesté dans le parc et dans les environs jusqu'à ce que la police intervienne et porte des accusations contre cet homme. C'est un exemple de sensibilisation. Les parents s'inquiètent pour leurs enfants et les dispositions du projet de loi C-55 sur les délinquants à contrôler ne rassureront pas les parents. La plupart des agents de police, des gardiens de prison et même des psychiatres disent que les pédophiles ne peuvent pas être traités. Que faire alors? Il faut les garder en prison pendant longtemps, très longtemps.
Les psychiatres ou toute autre personne qui signe les documents permettant la libération d'un pédophile devraient assumer la responsabilité en cas de récidive et en subir aussi les conséquences. Il faut qu'il y ait un responsable quelque part, mais il n'y en a pas avec notre système actuel.
Beaucoup de dispositions du projet de loi C-55 donnent l'impression de faire ce qu'il faut faire. Cependant, on ne prend pas les bonnes mesures contre la pédophilie. Il faudrait modifier le Code criminel de manière à tenir compte des répercussions de la pédophilie sur les enfants.
Je n'ai pas parlé de la disposition permettant aux tribunaux d'ordonner de ne pas troubler l'ordre public qui se retrouvera à l'article 810 du Code criminel, comme le secrétaire parlementaire l'a mentionné. Cette disposition sera extrêmement difficile à appliquer.
Le Parti réformiste votera contre le projet de loi, en partie parce que le gouvernement n'a pas accepté les amendements que nous avons proposés. Ces amendements auraient renforcé le projet de loi.
Le vice-président: Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à ce soir à l'heure de l'ajournement: l'honorable député de Davenport-L'environnement; l'honorable député de Chicoutimi-Le logement social.