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Les politiques gouvernementales



André Bernard
Université du Québec à Montréal


L'année politique au Québec 1987-1988

· Rubrique : Les politiques gouvernementales



En 1987-1988, les nouveautés, en matière de politiques gouvernementales, ont été relativement peu nombreuses au Québec et elles ont surtout porté sur la modification de politiques antérieures (par exemple la politique sur la sécurité du revenu). A cet égard, le gouvernement du premier ministre Robert Bourassa a poursuivi un mouvement de consolidation engagé vers 1982-1983 par le gouvernement de René Lévesque, au terme d'une longue phase d'expansion du secteur public provincial au Québec, phase d'expansion caractérisée par la multiplication des interventions tout autant que par l'accroissement du volume de ces interventions. Cette phase d'expansion avait été soutenue par la poussée démographique des années 1945-1965 et financée par une augmentation considérable du fardeau fiscal et de la dette publique que facilitaient la prospérité économique et l'inflation.

Au cours des dix dernières années de cette phase d'expansion du secteur public provincial au Québec, un important effort de rationalisation avait été engagé, mais cette rationalisation n'avait guère freiné la croissance des dépenses publiques, même si elle avait contribué à accroître l'efficacité et l'efficience (ou productivité) des administrations. Le principal instrument de cette rationalisation avait été la budgétisation par programme, entrée en vigueur en 1973. Cette budgétisation par programme avait amené le gouvernement du Québec à répartir ses activités au sein de programmes (168 en 1987, 163 en 1988), à préciser les objectifs de chaque programme et à choisir les moyens les plus utiles pour atteindre ces objectifs. Pour faciliter le, choix des objectifs à poursuivre et pour harmoniser les programmes entre eux, le gouvernement avait également élaboré une série de « politiques sectorielles » identifiant les « besoins sociaux » à satisfaire et les orientations à privilégier.

Entre 1975 et 1980, des « politiques » furent proposées dans la plupart des secteurs d'intervention de l'État provincial du Québec, et les débats qu'elles suscitèrent accentuèrent l'impression de mouvement que donnait l'expansion du secteur public.

Quand, peu après 1980, le rythme de présentation des propositions de « politiques » nouvelles commença à ralentir, du fait que la plupart des secteurs étaient dorénavant dotés de politiques sectorielles, à l'impression de mouvement succéda une impression de ralentissement, renforcée bientôt par la mise en vigueur de diverses mesures de rationnement budgétaire.

Au Québec comme ailleurs, le rationnement budgétaire fut la conséquence de plusieurs phénomènes devant lesquels le gouvernement se sentait impuissant. Le plus important de ces phénomènes était d'ordre démographique: la forte natalité et la mobilité des années 1945-1965 avaient en effet été remplacées par une relative stabilisation de la population, elle-même liée à l'évolution de l'environnement. Cette stabilisation de la population contribuait à l'augmentation des coûts unitaires dans le secteur de l'enseignement (plus du quart des dépenses du gouvernement du Québec) et à une augmentation des coûts globaux dans le champ des affaires sociales (40 % des dépenses).

Un autre phénomène majeur imposant le rationnement budgétaire était constitué par l'impasse financière dans laquelle se trouvait le gouvernement et qui fut aggravée, vers 1982-1983, par un ralentissement de l'activité économique. Vers 19821983, les intérêts annuels sur la dette publique contractée au cours des années précédentes atteignent le montant du déficit budgétaire annuel auquel le gouvernement devait consentir. Cette impasse était liée à l'importance même de la dette, mais elle découlait également du volume des dépenses incompressibles à court terme que l'augmentation du nombre de personnes sans emploi venait gonfler et que, secteur par secteur, des catégories influentes d'électeurs voulaient maintenir. Cette impasse, en outre, paraissait devoir durer, car l'évasion fiscale augmentait avec le poids relatif des impôts.

Le rationnement budgétaire auquel dut se résoudre le gouvernement de René Lévesque après 1982-1983 contribua, avec d'autres facteurs, à le rendre impopulaire auprès d'une fraction significative de son électorat, permettant ainsi au Parti libéral de reprendre le pouvoir aux élections suivantes, le 2 décembre 1985.

Ce rationnement, qui avait contribué à la défaite du précédent gouvernement, devint, paradoxalement, la priorité du nouveau gouvernement.

C'est ainsi qu'en 1987-1988, comme en 1985-1986, les initiatives du gouvernement du premier ministre Robert Bourassa, en matière de politiques gouvernementales, ont été subordonnées à sa volonté de réduire le déficit budgétaire annuel de la province, d'alléger le fardeau fiscal des contribuables québécois et d'accroître les capacités de production et les marchés des entreprises installées au Québec. Cette volonté, confirmée « officiellement » dès l'ouverture de la première session de la nouvelle législature, le 16 décembre 1985, a entraîné, au-delà du rationnement budgétaire, des révisions diverses dans plusieurs programmes et politiques.

En 1987-1988, le gouvernement n'a cependant engagé que deux réorientations importantes en matière de politiques gouvernementales, la plus controversée concernant les régimes de sécurité du revenu (communément désignés comme « programmes d'aide sociale »), l'autre concernant la protection de l'environnement. Le gouvernement a par ailleurs posé les jalons de nouvelles politiques, dont l'élaboration n'est pas encore achevée. La principale de ces nouvelles politiques est assurément celle de la famille, mais les autres sont également fort importantes et, en matière de santé et services sociaux ou en matière d'éducation par exemple, elles seront sans doute aussi controversées que la nouvelle politique de sécurité du revenu.



L'aide sociale aux personnes à faible revenu

Des projets de politiques proposés en 1987-1988, c'est celui qui touchait l'aide sociale aux personnes à faible revenu qui a suscité le plus de débats. Ces débats ont été engagés dès la présentation du document déposé à l'Assemblée nationale le 10 décembre 1987. Résultat de deux années de travaux préparatoires, ce document exprimait les choix proposés par les ministres aux fins d'une consultation publique effectuée par une commission parlementaire auprès des porte-parole des milieux intéressés. Pour réaliser cette consultation, la commission des affaires sociales a siégé à 19 reprises entre le 22 février et le 31 mars 1988 et elle a soumis son rapport le 12 avril.

La plupart des intervenants acceptaient les objectifs de la proposition gouvernementale, soit de promouvoir l'intégration ou la réintégration au marché du travail des personnes aptes à travailler et, accessoirement, d'accorder un traitement plus favorable aux personnes les plus démunies, notamment les jeunes sans travail et sans formation.

En général, ces intervenants avaient cependant réclamé un élargissement du bassin de population admissible aux prestations de soutien du revenu et une augmentation de ces prestations, c'est-à-dire deux orientations incompatibles avec celles des ministres, qui souhaitaient manifestement réduire le budget global des régimes de sécurité du revenu puisque les crédits réservés à ces régimes pour 1988-1989 étaient de 2300 millions de dollars alors que les dépenses effectuées dans le cadre de ces mêmes régimes avaient été de 2750 millions environ en 1987-1988.

Le Il mai 1988, le ministre Pierre Paradis, responsable du projet, présenta une série de modifications au document qu'il avait soumis à l'Assemblée le 10 décembre 1987. Ces modifications concernaient chacun des trois programmes visés par la nouvelle politique.

Dans le cadre du programme de « soutien financier » aux personnes inaptes au travail, le ministre annonçait que les contestations concernant « l'employabilité » d'une personne seraient soumises à un comité multidisciplinaire provincial composé de trois professionnels, dont un médecin. Le recours à un comité provincial devait réduire les risques que comporteraient les décisions des administrateurs locaux, dont les pouvoirs, selon le document de décembre 1987, étaient relativement étendus.

Au sujet du programme d'action positive pour le travail et l'emploi (APTE), destiné aux personnes aptes au travail mais sans emploi, le ministre annonçait que, par rapport au projet de décembre 1987, les conditions d'admissibilité et les classifications seraient simplifiées. Précisément, les personnes admissibles seraient dorénavant classées dans l'une ou l'autre des trois catégories suivantes: les personnes disponibles pour le marché du travail, les non disponibles (par exemple, un parent qui n'est disponible ni pour le marché du travail ni pour une formation parce qu'il a la charge d'un enfant en bas âge ou d'un enfant handicapé) et, enfin, les personnes participant à un stage de formation à l'emploi.

De plus, par rapport au projet de décembre 1987, le régime des prestations était sensiblement assoupli. Les barèmes des prestations offertes aux bénéficiaires de ce programme, selon les catégories., seraient fonction de ces catégories et des situations de logement et de famille. Les montants de plusieurs de ces prestations seraient par ailleurs augmentés.

Le ministre annonçait également qu'il y aurait une harmonisation plus complète (que celle prévue initialement) entre le programme d'action positive pour le travail et l'emploi (APTE) et le troisième programme concerné par la nouvelle politique, c'est-à-dire le programme d'aide aux parents pour leurs revenus de travail (APPORT), *Créé en 1987 et entré en vigueur en janvier 1988, en remplacement d'un programme antérieur octroyant aux personnes à faible revenu un supplément au revenu du travail (SUPRET).

En vertu des ajustements apportés en mai 1988 au projet de décembre 1987, certaines personnes démunies résidant au Québec, et à qui on avait annoncé en décembre 1987 une réduction de prestations, obtenaient, le 11 mai 1988, l'assurance que leurs prestations seraient maintenues, au moins au niveau antérieur. C'était le cas des personnes démunies et sans emploi faisant partie des catégories suivantes: femmes enceintes, chefs de familles monoparentales chargés de jeunes enfants ou d'enfants handicapés, malades temporaires, adultes de plus de 55 ans et de moins de 65 ans...

Les conditions d'admissibilité aux régimes et les barèmes de prestations retenus par le gouvernement et présentés le 11 mai 1988 parurent, malgré les assouplissements, encore trop sévères aux membres de l'opposition parlementaire et aux groupes dont elle exprimait les doléances. Mais, de toute évidence, ces conditions et barèmes constituaient un « maximum » pour le gouvernement, compte tenu de sa volonté de réduire le déficit et les impôts.




L'aide à la famille

La nouvelle politique sur la sécurité du revenu, tout en recherchant les moyens d'intégrer les personnes sans emploi au marché du travail, visait un objectif nataliste dans la mesure où elle prévoyait des soutiens financiers particuliers en faveur des femmes enceintes et des chefs de famille chargés de jeunes enfants. Le programme d'aide aux parents pour leurs revenus de travail (APPORT) était, à cet égard, un élément à la fois de la politique sur la sécurité du revenu et d'une future politique de la famille.

La présentation de ce nouveau programme avait été faite au printemps 1987 et celui-ci avait en effet été considéré comme un élément d'une future politique de la famille. Lors du discours du budget prononcé le 30 avril 1987, le ministre des Finances, M. Gérard D. Lévesque, avait annoncé que, parmi les autres éléments de cette « politique », il y aurait des allocations supplémentaires en faveur des familles de trois enfants et plus, des allégements fiscaux additionnels en faveur des contribuables ayant la charge de jeunes enfants, des soutiens accrus pour la garde des enfants et pour les garderies et une révision du régime d'allocations de disponibilité en faveur des parents de très jeunes enfants. Le ministre dévoilait ainsi les orientations que le gouvernement avait déjà retenues dans le secteur de l'aide à la famille.

Dans le discours inaugural de la deuxième session, le 8 mars 1988, le gouvernement fit savoir que, dans le champ des affaires sociales, le soutien à la famille constituait l'un des trois axes prioritaires encadrant son action de l'année (les deux autres étant « le renforcement de la protection sociale » et « l'amélioration des services de santé et des services sociaux », notamment grâce à la réforme des régimes d'aide sociale).

Dans le discours du budget du 12 mai 1988, comme lors du budget précédent (30 avril 1987), une attention particulière fut accordée à la famille, et le régime d'aide à la famille décrit par le ministre fut cette fois encore présenté comme un élément d'une future « politique de la famille ».

Le ministre annonça une hausse des prestations versées dans le cadre du programme d'aide aux parents pour leurs revenus de travail (APPORT), en vigueur depuis janvier 1988, qui constituait un volet important du régime. Pour une famille de deux enfants ayant des gains de travail de 15 000 $, le ministre annonça que cette hausse serait de 589 $ par année, somme ajoutée aux 2 214 $ offerts lors de l'entrée en vigueur du programme.

Le ministre annonça également une augmentation des allégements fiscaux consentis aux contribuables chargés de famille, allégement qui constituait un deuxième volet du régime d'aide à la famille. Établi dès 1952, cet allégement avait consisté jusqu'en 1987 en une « exemption pour enfant à charge » portée en déduction du revenu, aux fins du calcul du revenu imposable. Cette exemption avait été augmentée presque chaque année, entre 1953 et 1987, et elle était, en 1987, de 2 010 $ pour un premier enfant et de 1470 $ pour chacun des autres enfants.

Le ministre annonça que dorénavant l'allégement prendrait la forme d'un crédit d'impôt. Contrairement à l'exemption (qui est déduite du revenu), le crédit d'impôt est déduit du montant d'impôt à payer. Ainsi, pour un contribuable dont le taux marginal d'imposition sur le revenu est de 16%, une exemption de 2 000 $ représente une diminution d'impôt de 320 $ alors que pour celui dont le taux marginal est de 24% cette exemption apporte une diminution de 480 $ de l'impôt à payer.

Le ministre annonça que le crédit d'impôt serait de 446 $ pour le premier enfant, c'est-à-dire l'équivalent d'une exemption de 2 230 $ (au lieu de 2 010 $ en 1987) au taux marginal du contribuable « moyen », soit 20 % (les nouveaux taux étant de 19 % pour un revenu imposable situé entre 7 000 et 14 000 $, et de 21 % pour un revenu imposable situé entre 14 000 et 23 000 $).

Pour de nombreux contribuables l'augmentation de l'allégement fiscal accordé en raison d'un premier enfant s'avérait importante (une diminution de 446 $ au lieu de 321 $, pour les contribuables ayant un revenu imposable situé entre 2 800 et 7 000 $). Cette mesure nouvelle avait d'ailleurs une incidence « égalitariste » en ce sens qu'elle avantageait davantage les petits revenus (rabais de 446 $ au lieu de 321 $ pour un revenu imposable de 7 000 $, et au lieu de 482 $ pour un revenu imposable de 50 000 $, le taux marginal dans ce dernier cas étant de 24%).

Pour le deuxième enfant et chacun des suivants, le nouveau crédit d'impôt serait de 379 $, c'est-à-dire beaucoup plus que 20 % de l'exemption de 1987 (294 $).

Pour les contribuables chefs de famille monoparentale, le crédit d'impôt proposé serait encore plus élevé (849 $ pour le premier enfant, en faveur du contribuable sans conjoint).

Un troisième volet du régime d'aide à la famille était constitué par les allocations familiales du Québec qui, jusqu'en 1986, avaient été considérées comme un revenu imposable, de sorte que les personnes bénéficiant de « hauts revenus » devaient en restituer une partie sous forme d'impôt sur le revenu. Pour un contribuable taxé au taux marginal le plus élevé (en 1988, 24%, aux fins de l'impôt provincial sur le revenu), la « récupération » de l'allocation versée pour un premier enfant à charge n'était cependant que d'une vingtaine de dollars par année, c'est-à-dire une proportion infime du revenu en cause (50 000 $ et plus).

En novembre 1986, le gouvernement avait décidé de ne plus effectuer ce type de « récupération » dans le cas des allocations familiales versées pour un quatrième enfant ou pour ses frères et soeurs plus jeunes. En. avril 1987, le troisième enfant avait également été « exempté ».

Dans son discours du 12 mai 1988, le ministre annonça l'abolition complète de la récupération des allocations familiales versées par le Québec, estimant faire là un geste très significatif puisque la récupération aurait rapporté 126 millions de dollars au fisc québécois si elle avait été maintenue.

L'abolition de cette récupération restituait aux contribuables à revenus élevés une petite partie des avantages perdus par suite du remplacement de l'exemption pour enfant à charge par un crédit d'impôt. Pour un contribuable ayant un revenu imposable de 50 000 $, l'abolition de la récupération des allocations familiales pour un premier enfant à charge apportait un allégement fiscal d'une vingtaine de dollars, par rapport à la situation antérieure, alors que l'introduction du crédit d'impôt alourdissait son fardeau d'une centaine de dollars, par rapport à la situation antérieure.

Le quatrième volet du régime d'aide à la famille, dans sa version du 12 mai 1988, était une innovation au Québec: cette innovation consistait en une allocation de 500 $ pour la naissance de tout premier enfant né à compter de mai 1988, de même que pour la naissance d'un deuxième, et en une allocation de 3 000 $ pour la naissance d'un troisième enfant et de tous les suivants. Ces allocations seraient octroyées en huit versements trimestriels au cours des deux premières années de l'enfant. De plus, les enfants déjà nés en mai 1988 et âgés de moins de deux ans feraient bénéficier leur famille d'une partie de l'allocation prévue, proportionnellement à leur âge.

Ces allocations seraient versées par la Régie des rentes du Québec au parent bénéficiaire des allocations familiales et traitées, du point de vue fiscal, comme des crédits d'impôt.

Cette innovation raviva le débat classique concernant l'impact des incitations financières en faveur d'un accroissement de la natalité, certains estimant ces incitations nécessaires, compte tenu des pénalités que l'environnement social contemporain fait subir aux parents, d'autres, au contraire, les estimant inefficaces ou inopportunes.

Un cinquième volet du régime concernait l'aide à l'égard des jeunes enfants. Précisant une réorientation annoncée le 30 avril 1987, le ministre dévoila que l'allocation de disponibilité qui, précédemment, ne pouvait être cumulée avec la déduction pour frais de garde, serait remplacée par une allocation pour enfant de moins de six ans, indépendante de la déduction pour frais de garde. Cette allocation pour jeunes enfants, par ailleurs, serait plus avantageuse que l'ancienne allocation (dite de disponibilité). Une famille de trois enfants, dont un seul serait âgé de moins de six ans, aurait maintenant droit à 500 $ alors qu'auparavant elle en obtenait 100.

La déduction fiscale maximale accordée pour frais de garde, qui en 1987 était limitée à 3 770 $ (par année) pour les enfants de six ans et moins, fut haussée à 4 000 $ et son application étendue aux enfants de sept ans et moins.

Antérieurement les enfants de sept à onze ans pouvaient faire bénéficier l'un de leurs parents (depuis 1986 le conjoint ayant le revenu le plus élevé) d'une déduction maximale de 1885 $ pour frais de garde. Dorénavant la déduction maximale serait de 2 000 $ et serait accordée en faveur des contribuables responsables d'enfants de huit à treize ans.

L'aide à la garde des jeunes enfants pouvait être considérée comme un sixième et dernier volet du régime d'aide aux familles. Outre l'allocation aux contribuables responsables de jeunes enfants et la déduction fiscale pour la garde d'enfants, la principale mesure adoptée par les gouvernements antérieurs avait été le régime de subventions aux garderies. En 1985, ces subventions aidaient les garderies à offrir quelque 45 000 places. Les augmentations des crédits affectés à ces subventions en 1986 puis en 1987 avaient permis d'accroître le nombre de places offertes. Comme le dit le ministre, dans son discours du 12 mai 1988, « à la fin de la présente année financière, quelque 17 000 places auront été ajoutées à celles qui existaient à la fin de l'exercice 1985-1986, soit une augmentation de 33% en trois ans». De fait, de 1986-1987 à 1988-1989, il y aura eu une augmentation de 40 % des crédits de l'Office de garde (chargé d'administrer le régime de soutien financier à la garde des jeunes enfants).

Le ministre, le 12 mai 1988, déclara que le gouvernement avait la volonté de créer 60 000 nouvelles places en garderies au cours des sept années suivantes (en 1995, le nombre de places offertes devrait presque correspondre au nombre d'enfants en âge de fréquenter les garderies). Cette volonté d'ailleurs inspirait déjà, dit-il, la ministre déléguée à la condition féminine dans son travail d'élaboration d'une politique sur les services de garde, politique que le gouvernement entendait soumettre à la consultation et qu'il souhaitait mettre en oeuvre au cours de 1989 et 1990. L'élaboration de cette nouvelle politique serait cependant influencée par les résultats des discussions engagées en décembre 1987 à la suite de la publication par le gouvernement fédéral d'une stratégie nationale de garde des enfants comprenant un nouveau programme de partage des dépenses à l'égard des services de garde, auquel ce gouvernement participerait.

Dans la mesure où « toute politique familiale articulée doit s'appuyer sur une politique des services de garde adéquate », les discussions de 1988 au sujet de la participation du gouvernement fédéral au financement des frais de garde des jeunes enfants freinaient le processus d'élaboration d'une politique familiale pourtant promise depuis longtemps.

Le 26 avril 1988, un projet de loi visant la création du Conseil de la famille avait été présenté à l'Assemblée nationale. L'adoption de principe de ce projet, le 5 mai 1988, et la nomination d'un ministre délégué à la famille, à la santé et aux services sociaux témoignaient cependant de la volonté du gouvernement d'accélérer le processus d'élaboration de cette politique familiale.




L'amélioration des services de santé et des services sociaux

Dans le champ des affaires sociales, le troisième axe principal de l'action du gouvernement, selon le discours inaugural de la deuxième session, le 8 mars 1988, concernait l'amélioration des services de santé et des services sociaux.

Le domaine de la santé et de l'adaptation sociale accapare les trois quarts des crédits affectés au champ des affaires sociales chaque année, les régimes de sécurité du revenu en obtenant le quart environ. En 1988-1989, la part de ce domaine s'élève à près de 10 milliards de dollars, c'est-à-dire presque le tiers de l'ensemble des dépenses du gouvernement provincial du Québec.

Les dimensions et la complexité du domaine de la santé et de l'adaptation sociale accentuent les difficultés éprouvées dans la recherche de solutions aux problèmes qui s'y posent. Une commission d'enquête, chargée d'analyser ces problèmes et de proposer des solutions, ayant remis son rapport (Rapport Rochon), la ministre des Affaires sociales a engagé un processus de consultation devant mener, éventuellement, à la formulation d'une nouvelle politique, remplaçant ou révisant la politique antérieure.

En attendant la formulation de cette nouvelle politique, le gouvernement s'est attaqué à des programmes particuliers relevant du domaine. L'un de ces programmes, celui du transport ambulancier, a été visé par un projet de loi déposé le 12 mai 1988 et qui a suscité la désapprobation des 150 membres de la Corporation des services d'ambulance du Québec et celle des députés du Parti québécois. Un autre programme visé a été celui des services d'urgence en milieu hospitalier; mais les mesures envisagées, d'ordre administratif et financier, demanderont plus d'un an pour être mises en oeuvre. Un troisième programme, celui qui s'adresse aux personnes handicapées, a été lui aussi touché, cette fois par un projet de révision de l'Office des personnes handicapées. Enfin, l'accent a également porté sur la recherche de solutions au problème posé par la pénurie de main-d'oeuvre infirmière, mais, là encore, avec report de certaines des mesures à mettre en oeuvre.

Par ailleurs, à la suite de la publication, le 30 septembre 1987, du rapport de Gaston Harnois proposant une nouvelle politique de santé mentale, la commission parlementaire des affaires sociales a siégé à huit reprises, en janvier 1988. En accord avec le rapport et avec la commission, le gouvernement a décidé de doter le Québec d'une politique généreuse, en matière de santé mentale, axée sur la désinstitutionnalisation et le développement de nouvelles mesures de soutien et de support. Mais, sur ce sujet comme sur d'autres (la politique familiale, par exemple), le processus de formulation plus précis des choix effectués s'est poursuivi au-delà de l'ajournement des travaux parlementaires en juin 1988.

D'autres questions relevant du champ des affaires sociales, rattachées entièrement ou partiellement au domaine de la santé et de l'adaptation sociale, ont aussi suscité beaucoup d'attention en 1987-1988 (par exemple, la condition féminine ou encore la protection de la jeunesse). En aucun cas, cependant, ces questions n'ont donné lieu à des réorientations ou des nouveautés par rapport aux politiques antérieures.




L'aide au logement

Même dans le domaine du logement et de l'habitation, les mesures adoptées en 1987-1988 ne peuvent être considérées comme des nouveautés, du point de vue des politiques gouvernementales. La création, en mai 1988, d'un programme de prise en charge pendant sept ans des intérêts d'un prêt maximum de 7 000 $, pour aider l'accès à la propriété aux familles de deux enfants ou plus, a cependant été présenté comme un élément constitutif de la <~ révision en cours de la politique gouvernementale en matière de logement ». Réservé aux familles de deux enfants ayant des revenus limités, ce nouveau programme respecte d'ailleurs l'orientation prioritaire de cette nouvelle politique annoncée lors du discours inaugural du 8 mars 1988. Le budget de ce nouveau programme (9 millions de dollars en 1988-1989) n'a cependant pas empêché les crédits du domaine de l'habitation pour cette année-là (217 millions) de se situer en dessous du montant des dépenses effectuées dans ce même domaine en 1986-1987 (233 millions de dollars). Les crédits consacrés à l'habitation représentent de toute façon moins de 2 % des montants alloués à la mission sociale (12 milliards et demi de dollars en 1988-1989).




L'aide à la formation professionnelle et à l'adaptation de la main-d'oeuvre

Huit ans après la publication du rapport de la Commission d'étude sur la formation des adultes, présidée par Michèle Jean, le 25 février 1982, le gouvernement n'ayant pas encore défini une politique d'ensemble en cette matière, la priorité, dans le domaine de l'éducation, s'est faite de plus en plus inéluctable: doter le Québec d'une politique de formation professionnelle et d'une politique d'adaptation de la main-d'oeuvre aux exigences changeantes de l'environnement. C'est cette priorité que le porte-parole du gouvernement a dégagée dans la présentation de son plan d'action dans le domaine de l'éducation, à l'occasion du discours d'ouverture de la session, le 8 mars 1988. Comme en d'autres matières cependant, le processus d'élaboration de ces politiques a été freiné, de 1982 à 1988, par les contraintes budgétaires et les discussions entre les ministres provinciaux et les ministres fédéraux.

C'est ainsi qu'en 1987-1988 les politiques annoncées n'ont finalement pas été publiées, en dépit des progrès réalisés dans plusieurs dossiers. Ces progrès ponctuels, selon la stratégie gouvernementale, devraient être financés par les « économies » réalisées ailleurs dans le même domaine, les coûts unitaires de l'enseignement au Québec paraissant toujours supérieurs à la norme visée. En vertu de cette stratégie, les crédits proposés pour 1988-1989 dans le secteur de l'enseignement (7 984 millions de dollars) furent d'ailleurs inférieurs aux dépenses effectuées en 1987-1988 (7 995 millions), lesquelles avaient cependant été de 9% supérieures à celles de 1986-1987 (7 309 millions).

Compte tenu des crédits réservés au secteur de l'administration et des services, dans le domaine de l'éducation (798 millions en 1988-1989, 774 millions en 1987-1988), ce domaine a obtenu, pour 1988-1989, des crédits de 8 783 millions de dollars, c'est-à-dire entre 27 et 28 % des dépenses totales du gouvernement du Québec.




L'aide aux arts, aux lettres et aux industries culturelles

Alors que le domaine de l'éducation obtient plus du quart du budget du gouvernement provincial du Québec, celui de la culture n'en mobilise même pas un pour cent (des crédits de 237 millions de dollars en 1988-1989, des dépenses de 194 millions en 1986-1987). Il s'agit néanmoins d'un domaine très important du point de vue des dirigeants des deux principaux partis politiques mais, en 1987-1988, il n'a pas été l'objet d'une réorientation ou d'une révision fondamentale.

Toutefois l'élaboration d'une nouvelle politique de protection du patrimoine a été poursuivie et, dans le discours inaugural du 8 mars 1988, le porte-parole du gouvernement a pu annoncer que cette politique serait dévoilée au cours de l'année.

En 1987-1988, par ailleurs, deux mesures législatives importantes ont confirmé ou précisé des orientations antérieures dans le champ de la politique culturelle déjà en vigueur. L'une concerne le soutien à l'industrie cinématographique du Québec (projet de loi no 59, adopté le 17 décembre 1987). L'autre concerne le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes (projet no 90, adopté le 17 décembre 1987). La première de ces législations opérait une restructuration des organismes oeuvrant dans le domaine des productions cinématographiques, musicales et autres, en leur substituant une Société générale des industries culturelles. Cette législation modifiait également la composition de l'Institut québécois du cinéma et, de façon générale, visait à faciliter la gestion des soutiens accordés par l'État provincial dans le secteur des industries culturelles.

La deuxième législation accordait un certain nombre d'avantages juridiques aux artistes (créateurs et interprètes) de la scène, du disque et du cinéma qui pratiquent leur art à leur propre compte, en interdisant notamment le « boycottage » par tiers interposé et en proposant un régime de négociation collective. Cette législation, apparemment fort bien accueillie par les artistes, devrait, selon l'intention du porte-parole du gouvernement, servir de modèle à une nouvelle législation (annoncée pour 1988-1989) pour le bénéfice des écrivains, peintres, sculpteurs et autres spécialistes du vaste secteur des arts, y compris les métiers d'art.




L'aide aux loisirs

Après avoir réuni en 1987-1988 ses programmes relatifs aux loisirs et à la faune, le gouvernement a annoncé la publication d'une nouvelle politique des activités de plein air. Cette nouvelle politique, en voie d'élaboration en 1987-1988, devait susciter beaucoup d'attention car, malgré des dépenses annuelles (200 millions de dollars environ) qui ne représentent même pas un centième du budget total de la province, le domaine des loisirs concerne une très importante proportion de la population du Québec.




La protection de l'environnement

Une partie des activités financées par les crédits accordés au domaine des loisirs et de la faune sert à la mise en oeuvre de la politique environnementale du gouvernement, notamment par le truchement de projets concernant la gestion des réserves écologiques ou la protection d'espèces menacées.

Cette politique environnementale, en préparation depuis plusieurs années, a été énoncée dans un document rendu public le 22 octobre 1987 sous le titre suivant: La conservation, agent de progrès. Un nouveau cap environnemental.

Cette nouvelle politique aura sans doute un impact considérable sur l'action gouvernementale au cours des prochaines années, car les problèmes posés par la détérioration du milieu s'aggravent rapidement.

Un nouvel organisme a d'ailleurs été constitué afin d'animer la réflexion à ce chapitre. Il s'agit du Conseil de la conservation et de l'environnement, créé par un projet de loi (no 29) adopté le 14 décembre 1987. En vertu de ce texte, ce nouveau conseil de onze membres remplace le Conseil consultatif -sur les réserves écologiques et le Conseil consultatif de l'environnement, assumant leurs mandats et en obtenant d'autres, dans la perspective d'une vocation consultative générale en la matière.

Les mesures financières, administratives et réglementaires adoptées en 1987-1988 ou annoncées pour 1988-1989 concernent plusieurs domaines relevant de la « mission économique » de l'État et diverses activités entrant dans le champ de compétence des municipalités, lesquelles sont encadrées dans leur action par les interventions du gouvernement provincial. Dans le prolongement de cette politique, deux vastes programmes auront été engagés en vertu du budget 1988-1989. L'un concerne la pollution agricole, l'autre, la pollution industrielle. Les crédits prévus à ce propos pour les prochaines années devraient financer des travaux de plusieurs centaines de millions de dollars.

Dans le secteur de l'eau, par ailleurs, en 19881989, les crédits prévus s'élèvent à 390 millions, témoignant ainsi de l'importance des efforts consentis pour l'assainissement des eaux. Dans ce secteur, le budget a crû de 50 % en trois ans (les dépenses de ce secteur en 1985-1986 atteignaient déjà, pourtant, 238 millions de dollars).

La protection de l'environnement, qui requérait une part très petite du budget il y a une dizaine d'années, en mobilise dorénavant une portion significative. De 1985-1986 à 1988-1989, alors que les dépenses du gouvernement du Québec auront crû de 14 %, c'est une croissance de 50 % qui aura été enregistrée dans les crédits exigés par les programmes de gestion des déchets, de décontamination, de contrôle des pluies acides, d'assainissement des eaux, de dépollution agricole et industrielle et autres programmes de ce genre. D'une certaine façon, cette croissance rapide des crédits consacrés à la protection de l'environnement, et qui relèvent de plusieurs ministères, exprime une réelle priorité en matière de politique gouvernementale au Québec. En plus d'agir par le truchement de son budget, que limite la volonté de réduire le déficit et les impôts, le gouvernement, en matière d'environnement, recourt de plus en plus à la réglementation.

C'est sans doute sur cette réglementation que s'appuiera davantage la nouvelle politique de conservation des sols promise aux agriculteurs lors du discours inaugural du 8 mars 1988, à l'instar de la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier proposée le 12 avril 1988 par le leader du gouvernement, M. Michel Gratton, après une consultation publique auprès des organismes intéressés (consultation effectuée par la Commission parlementaire de l'aménagement et des équipements).

Cette politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier devrait préciser ou compléter les orientations gouvernementales sur un élément particulier de la politique environnementale, tout comme devrait le faire, par exemple, une « politique sur le flottage du bois dans les rivières » ou la « politique de conservation des sols », dont on a aussi parlé abondamment en 1987-1988 dans les milieux concernés.




La politique économique, la politique budgétaire et la politique fiscale

Comme les autres politiques gouvernementales, la politique environnementale est tributaire des orientations retenues lors de l'élaboration de la politique économique du gouvernement. Les orientations de la politique économique, comme chaque année, ont été dévoilées lors du discours du budget. Elles ont été, en 1987-1988, le prolongement des orientations définies au moment où le Parti libéral a pris le pouvoir en décembre 1985.

Le ministre des Finances, M. Gérard D. Lévesque, a tenu à préciser ces orientations le plus tôt possible après les élections. Il l'a fait le 18 décembre 1985, moins de deux semaines après la passation des pouvoirs. Ces orientations, déjà décrites brièvement lors du discours d'ouverture de la session, le 16 décembre, ont été confirmées dans un texte publié le 5 mars 1986 (« Les finances publiques du Québec »), puis dans le discours du budget du premier mai 1986. Elles l'ont été à nouveau en 1987 (30 avril) et en 1988 (12 mai).

Dans un exposé du 27 octobre 1987 à l'Assemblée nationale, M. Gérard D. Lévesque a présenté ces orientations en énonçant les deux principes dont elles émanent et qui expriment les convictions des membres dirigeants du Parti libéral au pouvoir. Le premier de ces principes, c'est que la croissance de l'économie repose d'abord et surtout sur les entrepreneurs et les entreprises du Québec. Selon le deuxième principe, la croissance de l'économie du Québec dépend de sa compétitivité par rapport à celle de ses partenaires commerciaux, ce qui suppose l'harmonisation continue des structures économiques et institutionnelles québécoises au contexte nord-américain. En vertu de ce deuxième principe, les lois et les réglementations appliquées au Québec doivent respecter un degré élevé de « symbiose » avec celles des partenaires économiques du Québec.

En somme, nous poursuivons un objectif de croissance supérieur... et, en même temps, nous voulons assurer une croissance équilibrée des régions... Nous voulons augmenter les possibilités d'emplois qui s'offrent aux jeunes et créer des occasions de réinsertion pour les plus démunis.

Pour y parvenir, le gouvernement met sa confiance dans les entrepreneurs et les entreprises... Deuxièmement, il s'efforce de faire de l'économie québécoise une économie compétitive et ouverte.

Voilà l'essence de la politique économique que nous poursuivons.

Ces principes, ainsi décrits par le ministre des Finances, ont apparemment été respectés puisque les mesures budgétaires et fiscales adoptées en 1986, 1987 et 1988 s'y conforment. La tâche d'imposer le respect de ces principes dans les divers secteurs de l'activité gouvernementale a été confiée à un comité de neuf ministres chargés de porte feuilles « économiques » (Industrie et Commerce, Commerce extérieur, Finances et Privatisation, Petites et Moyennes Entreprises, Énergie et Ressources, Agriculture, Pêcheries et Alimentation, Loisir, Chasse et Pêche, Tourisme ... ).

En 1987-1988, précisément, pour favoriser l'entrepreneurship, le gouvernement a eu recours non seulement aux allégements fiscaux (réduction des taux d'imposition, notamment) et à un élargissement du champ d'application du régime d'épargne-action (avec l'abolition, particulièrement, de la limite de 5 000 $ fixée aux privilèges associés à ce régime), mais aussi à une révision du programme de stabilisation dans le secteur de l'agriculture (loi sur le financement agricole), à une nouvelle loi sur les mines et une augmentation importante des crédits budgétaires consacrés aux programmes du gouvernement dans le secteur minier (dépenses de 68 millions de dollars en 1986-1987, crédits de 114 millions en 1988-1989, une augmentation de près de 100 % en trois ans), à une refonte du régime d'exploitation forestière et à une modification du régime de subventions aux entreprises géré par la Société de développement industriel. Le gouvernement, en 1987, a également élaboré un plan d'action en matière d'institutions financières.

Pour rendre l'économie du Québec plus compétitive, le gouvernement a harmonisé la fiscalité québécoise avec celle du gouvernement du Canada et il a utilisé divers allégements fiscaux particuliers (par exemple, exonération fiscale en faveur des nouvelles entreprises, crédits d'impôt pour la recherche, congé fiscal pour les chercheurs étrangers). Le gouvernement a également augmenté les ventes d'électricité à l'extérieur du Québec. Il a aussi choisi de renforcer son aide aux entreprises en quête de nouveaux marchés extérieurs et d'intensifier la recherche d'investissements étrangers, et il a en outre cherché à maintenir un climat paisible dans le secteur des relations de travail (par exemple avec le projet de loi no 30 de 1987).




Conclusion

En 1987-1988, les politiques gouvernementales au Québec, qu'elles aient été l'objet de réorientations ou non, ont presque toutes été affectées par le choix de politique économique et de politique budgétaire des dirigeants du Parti libéral au pouvoir. Dans la plupart des secteurs d'intervention gouvernementale, toutefois, le rationnement budgétaire de 1987-1988 et la priorité accordée à l'entreprise privée ainsi qu'à l'harmonisation des politiques du gouvernement du Québec avec celles de ses partenaires n'ont pas nécessité de révision des politiques gouvernementales en vigueur. Il n'en demeure pas moins que les ajustements opérés en 1987-1988 ont été importants dans plusieurs secteurs, en particulier dans le secteur des relations intergouvernementales (avec la réorganisation opérée en 1988), dans le secteur des institutions judiciaires (avec le projet de loi sur les tribunaux judiciaires présenté le 10 mai 1988) et dans celui de la gestion juridique (avec les lois de 1987 sur la procédure civile et sur la procédure pénale, notamment).

C'est finalement dans de rares cas que les réorientations se sont traduites soit par l'énoncé de nouvelles politiques (sécurité du revenu, protection de l'environnement), soit par l'annonce de nouvelles politiques (politique de la famille, politique de la santé mentale, politique de l'habitation, politique de formation professionnelle, politique de protection du patrimoine, politique des activités en plein air ... ). Tout importantes soient-elles, les deux nouvelles politiques publiées en 1987-1988 s'apparentent davantage à des consolidations de mesures déjà en vigueur qu'à des révisions en profondeur; elles n'en expriment pas moins les orientations du nouveau gouvernement.

Comme les gouvernements des territoires voisins, celui du Québec, en 1987-1988, s'est consacré davantage à la consolidation et à l'élagage des activités engagées au cours des années précédentes, marquant une pause après une longue phase d'expansion du secteur public. Cette longue phase d'expansion des années antérieures rendait sans doute inéluctable le retour d'une phase de consolidation, que le ralentissement de l'activité économique au début des années 80 a finalement enclenchée.