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Les écueils du lac Meech



Gérard Boismenu
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1987-1988

· Rubrique : Les affaires constitutionnelles et les relations fédérales-provinciales



L'accord constitutionnel du 3 juin 1987 - qui suit l'entente de principe du lac Meech du 30 avril 1987 - constitue une pièce majeure de l'année politique au Québec. Une réforme constitutionnelle, comme celle de 1982 ou celle de 1987 (dans la mesure où la ratification par les provinces suit son cours), représente un moment marquant dans l'histoire d'un pays et des peuples qui l'habitent. Elle conditionne nécessairement la définition des lieux d'exercice du pouvoir politique, modèle son cadre institutionnel et favorise une certaine dynamique de relations entre les gouvernements.

Il faut se méfier de banaliser un tel événement. Paradoxalement, c'est ce à quoi on a semblé assister au Québec. Le gouvernement Bourassa, qui a insisté sur -la nécessité d'associer le Québec à l'évolution constitutionnelle du Canada, moyennant l'acceptation de certaines conditions d'adhésion au Canada Bill, a pourtant été tenté par une banalisation du processus qui tient à une double confusion.

1. Contrairement à ce que l'on a laissé supposer, il est inexact d'assimiler une négociation portant sur la modification du cadre constitutionnel à une négociation parmi tant d'autres que l'on pourrait parfaire à la petite semaine. Le nombre limité de modifications de la constitution canadienne montre qu'on est fort loin d'une procédure routinière.

2. D'une manière plus pernicieuse, le débat au Québec a été engagé par le gouvernement comme si nous devions confiner l'objet et la portée de l'accord à la seule dimension juridique. La comparution des experts à la commission parlementaire sur les institutions a laissé bien peu de place au non-juriste et aux groupes d'intérêt. Certes, cette dimension compte, mais pour l'essentiel nous avons affaire à un processus politique. La reconnaissance de droits collectifs et de droits individuels, le balisage des compétences des deux principaux niveaux de gouvernement, la définition des institutions par lesquelles s'expriment les droits démocratiques participent à la définition du cadre dans lequel s'exerce le pouvoir et se concrétise la vie politique.

L'analyse politique apporte certainement un éclairage utile à certains enjeux. On pourrait, par exemple, spéculer sur la mise en place d'une nouvelle dynamique dans les relations fédérales-provinciales. On pourrait épiloguer sur l'impact de l'alternance politique dans la conclusion du récent accord constitutionnel; d'ailleurs, si cette alternance, au niveau tant fédéral que provincial québécois, semble avoir favorisé le déroulement des négociations, elle pourrait, avec les délais de ratification de l'accord, constituer son talon d'Achille.

Mais il est une autre manière de poser le problème: n'eût été de la Loi constitutionnelle de 1982 (le Canada Bill), à laquelle le gouvernement du Québec n'a pas souscrit, les négociations qui ont amené les premiers ministres au lac Meech au printemps 1987 auraient été sans matière. Partant de là, une double question sera étudiée. L'accord constitutionnel du 3 juin 1987 permet-il au Québec de souscrire, « dans l'honneur et l'enthousiasme », à la Loi constitutionnelle de 1982? Quels sont les enjeux qui sous-tendent les résistances d'acteurs sur la scène fédérale et de gouvernements provinciaux au Canada anglais?



L'accord constitutionnel et la communauté québécoise

Avant d'en arriver à un accord définitif, le gouvernement Bourassa décidait de faire étudier l'entente de principe du 30 avril 1987 par la Commission parlementaire sur les institutions. Pour le gouvernement, la question devait surtout être traitée entre spécialistes des questions constitutionnelles, et particulièrement entre juristes. Le gouvernement dut tout de même panacher et inviter les représentants d'organismes divers groupes patronaux, syndicaux, d'étudiants, de retraités, d'artistes, et partis autorisés mais non représentés à l'Assemblée nationale).

Les propos favorables, sympathiques ou enthousiastes de certains experts (G. Beaudoin, S. Chaput-Rolland, R. Décary, N. Duplé) n'ont pu atténuer les interrogations parfois angoissantes et les critiques souvent acérées d'autres (L. Dion, F. Dumont, A. Lajoie, P.-A. Côté, J. Woehrling) cherchant à ébranler la belle assurance du ministre responsable Gil Rémillard et du premier ministre. Au total, sauf pour la clause de sauvegarde dont nous parlerons, le gouvernement se convainc de la sagesse de sa position. Les représentants de groupes ont surtout condamné l'entente de principes (CSN, CEQ, FTQ, UPA, notamment) pour des raisons diverses, qui recoupent les principaux éléments de l'analyse critique qui suit immédiatement. Là encore, l'exercice ne devait pas avoir d'effet sur la position gouvernementale. L'action du gouvernement n'est pas gênée outre mesure par les appels à la formation d'un front d'opposition (que ce soit sous l'égide du Parti québécois ou de la Société Saint-Jean-Baptiste), car ces derniers ne secouent pas la tranquille indifférence d'une opinion publique lasse du débat constitutionnel et, par ailleurs, satisfaite d'un gouvernement qui s'ingénie à diriger les affaires publiques en sourdine.

M. Bourassa se rend à Ottawa pour sceller l'entente par un accord constitutionnel dont le libellé serait aussi fidèle et généreux que possible, tout en ajoutant une clause de sauvegarde concernant les compétences provinciales. La chose étant conclue, les représentants du Québec jubilent.

Une analyse critique de l'entente permet d'être perplexe devant cette satisfaction gouvernementale. Celle que nous proposons n'est pas sans rappeler, par certains aspects, les réserves, voire l'opposition, exprimées tantôt par des experts et tantôt par des représentants de groupes. Formulée d'une manière synthétique, l'analyse se concentre essentiellement sur le contenu de l'accord constitutionnel et fournit par la suite une toile de fond indispensable pour saisir les résistances, souvent fermes, qui apparaissent du côté du Canada anglais.

Avant de procéder à un examen attentif de l'Accord constitutionnel du 3 juin 1987, il importe de rappeler les cinq conditions posées par le Québec:

« la reconnaissance explicite du Québec comme société distincte;

la garantie de pouvoirs accrus en matière d'immigration;

la limitation du pouvoir fédéral de dépenser; la reconnaissance d'un droit de veto;

la participation du Québec à la nomination des juges à la Cour suprême du Canada »1 ] .




Société distincte: de quoi parlons-nous ?

Un double refus et des espérances. La notion de société distincte constitue une expression énigmatique qui fait illusion. Pour plusieurs, il eût été judicieux d'indiquer les éléments auxquels on fait référence quand on emploie cette expression. Pour le gouvernement et certains juristes, il est préférable de n'en rien faire car lorsqu'on « énumère dans un article de droit, l'on restreint toujours2 ] ».

Au-delà de cet argument essentiellement juridique, deux considérations peuvent être avancées à ce propos. L'utilisation dans un texte constitutionnel de cette notion (société distincte) qui n'a pas de contenu juridique propre constitue dans les faits le refus de la notion de peuple. Or, pour reprendre les termes d'un groupe de constitutionnalistes québécois, « la pratique et le droit international ont nettement mieux circonscrit la notion de peuple, laquelle se définit aussi à travers la culture et les institutions3 ] ». De manière conséquente, les Libéraux provinciaux refusent aussi d'inclure dans les conditions posées toute référence à la reconnaissance au Québec du droit à l'autodétermination. Délibérément, le gouvernement Bourassa bannit de son vocabulaire les notions de peuple et d'autodétermination.

Favorisant une terminologie floue, Robert Bourassa se plaît à espérer que l'interprétation judiciaire saura donner de l'épaisseur à la notion de société distincte, en lui réservant un sens extensif et porteur d'attributions plus larges pour le gouvernement québécois.

Un sens « contextuel ». Au-delà des restrictions et des espérances qui sommeillent au creux du texte sur la société distincte, on doit considérer le contenu et la portée de ce qui est consigné dans le libellé officiel. Il est un principe en droit qui veut qu'une clause doive s'interpréter dans son contexte, c'est-à-dire en relation avec les autres clauses pertinentes.

Ainsi, le présent accord reconnaît « que le Québec forme au sein du Canada une société distincte » (art. 2(1)b). Ce deuxième paragraphe de l'article doit être lu à la lumière du premier qui définit le Québec comme lieu de concentration des Canadiens d'expression française et lieu où sont « présents » (minoritaires) les Canadiens d'expression anglaise. Tout en soulignant la prépondérance des Canadiens anglais, on définit le reste du Canada dans les mêmes termes. De la sorte, la société distincte fait référence à la dualité linguistique interne du Québec et à sa majorité francophone. Le Québec vivrait la dualité linguistique mais avec pour particularité d'avoir pour majoritaire la langue qui est partout minoritaire.

On affirme d'ailleurs que la dualité linguistique est une « caractéristique fondamentale du Canada » alors que la société distincte, qui se présente semble-t-il en termes d'inversion de la majorité linguistique, n'a pas droit à ce qualificatif.

Un nouveau principe d'interprétation. Un grand espoir est entretenu au sujet des retombées potentielles de l'introduction de ce nouveau principe d'interprétation. Du côté gouvernemental, on s'est même plu à évoquer une confirmation possible du rôle du Québec sur la scène internationale.

Cet optimisme est-il raisonnable? Quelques remarques peuvent le mettre en perspective.

D'abord, il faut noter qu'un principe d'interprétation n'est pas une règle stricte et contraignante, si bien qu'il est difficile, dans des situations particulières, d'anticiper sur l'influence réelle qu'il peut avoir sur la décision judiciaire.

Ensuite, les usages de l'interprétation dans notre système judiciaire vont dans le sens d'une interprétation restrictive et non extensive des lois.

De plus, les hommes politiques ne peuvent obliger les tribunaux à donner une importance déterminante à un principe d'interprétation dans leurs décisions.

Enfin, plusieurs principes d'interprétation cohabitent dans la constitution et rien ne permet de prévoir comment ils devraient s'agencer4 ] . Pour une même question, il peut être possible d'opposer tour à tour la société distincte, la dualité linguistique, le patrimoine multiculturel et les libertés individuelles. À cela s'ajoute que toute mesure restreignant les libertés doit témoigner de son caractère raisonnable et justifié dans une société libre et démocratique (art. 1 de la charte constitutionnelle comprise dans le Canada Bill)5 ] .

Cela soulève plusieurs interrogations. Notamment, si la société distincte c'est la « dualité linguistique renversée » et dans la mesure où le gouvernement québécois s'engage à protéger la dualité linguistique au Canada, a-t-on pour autant des arguments de poids supplémentaires pour faire reconnaître par la Cour suprême la constitutionnalité de la Charte de la langue française du Québec? De même, on ne doit pas oublier que l'aspect majeur de l'exercice est de souscrire au Canada Bill. Or, à peu de choses près, ce dernier document n'établit que des droits individuels et son économie. générale a pour centre de gravité l'« individu ». On peut donc se demander si l'idée de « droits collectifs » rattachée à la notion de société distincte sera en mesure de neutraliser une charte constitutionnelle qui ne prescrit que des droits individuels6 ] .

La nécessaire clause de sauvegarde. D'ailleurs la chose est assez ironique -, au fur et à mesure que la commission parlementaire avançait dans ses travaux (mai 1987), le gouvernement du Québec se rendait compte que l'article sur la société distincte de l'entente du lac Meech pouvait constituer un cheval de Troie pour ses compétences en matière culturelle et linguistique.

Ces articles stipulent que l'interprétation de la constitution devrait concorder avec la dualité linguistique coast to coast et la spécificité de la société québécoise. À tout prendre, s'il y avait opposition clans les conséquences à tirer de la dualité linguistique et de la société distincte, comme critères d'interprétation juridique, la dualité s'imposerait du seul fait qu'elle constitue une caractéristique fondamentale, contrairement à la société distincte. Cela aurait pu mettre en cause les velléités politiques québécoises de favoriser la francisation du cadre de vie et des entreprises, par exemple.

Face à ce danger d'érosion des compétences du Québec dans les domaines de la langue et de la culture, Robert Bourassa a fait introduire dans l'accord final ce qu'il appelle une « clause de sauvegarde » qui consiste à préciser que l'article sur la dualité linguistique et la société distincte n'a pas pour effet de « déroger aux pouvoirs, droits -et privilèges » des assemblées parlementaires et des gouvernements au Canada. Pour le Québec, cela signifie que la clause sur la société distincte et la dualité linguistique ne doit pas diminuer ses pouvoirs. Pour une grande percée, il y a des exemples plus saisissants! Les représentants québécois crient victoire parce que les compétences québécoises ne peuvent être réduites. S'il faut se défendre de la sorte pour en arriver là, on peut bien craindre qu'il soit vain d'espérer obtenir des compétences ou des attributions supplémentaires.




Nouveau « mythe fondateur » et les vertus du judiciaire

Un ajout à l'imagerie constitutionnelle. Avec la rhétorique qui veut que l'insertion du nouveau principe d'interprétation amène la Cour suprême à accorder de nouveaux pouvoirs au Québec ou à accepter une compréhension extensive des compétences actuelles, on est en train d'assister à la naissance d'un « mythe fondateur » du fédéralisme canadien.

Que l'on sente le besoin de renouveler l'imagerie constitutionnelle ne devrait pas surprendre. Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à la destruction de plusieurs « mythes fondateurs » qui avaient une résonance au Québec (le veto politique et le veto juridique du Québec, le pacte entre deux nations, l'incapacité du fédéral d'agir unilatéralement). La «. société distincte » constituerait un nouveau « mythe fondateur » dans la mesure où il contribue à alimenter l'imagerie constitutionnelle, à prétendre rendre possible ce qui ne l'est pas, à susciter des luttes et des revendications au nom de ce nouveau « drapeau », dont le caractère inoffensif sera démontré au gré des défaites judiciaires7 ] .

Une percée symbolique. Malgré les illusions entretenues du côté gouvernemental québécois au sujet des retombées de la société distincte, une remarque s'impose.

Dans le débat constitutionnel depuis plus de 25 ans, on a toujours été amené à constater l'évidence qu'au Québec vivait une communauté particulière par sa langue, sa culture, son histoire, ses institutions et son développement socio-économique. On pouvait à l'occasion en convenir verbalement, mais tout recoupement entre le gouvernement du Québec et cette réalité, qui aurait accordé à ce dernier un rôle particulier ou des compétences singulières, était exclu. Pour Pierre Trudeau, par exemple, les francophones étant partout au Canada, bien que plus présents au Québec, et les anglophones constituant une partie de la population du Québec, il était hors de question d'attribuer un quelconque rôle spécifique au Québec8 ] .

Avec le présent accord, il y a une percée dans la façon de poser les questions constitutionnelles lorsque l'on affirme que l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec « ont le rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct du Québec ». Dans le cadre actuel, les retombées virtuelles semblent incertaines et fort limitées, et, possiblement, l'inverse de celles espérées9 ] . Mais la reconnaissance d'un rôle particulier aux institutions politiques québécoises à l'égard de la société distincte représenterait somme toute une innovation symbolique qui pourrait éventuellement conditionner le déroulement d'autres négociations; elle pourrait tout aussi bien avoir valeur de symbole durable mais sans conséquence. Il n'en reste pas moins que les adversaires de l'accord sont particulièrement sensibles à cette nouveauté qui peut évoquer ne serait-ce que l'ombre (ou le fantôme) de l'asymétrie constitutionnelle. Même à cent lieues de cette éventualité, la logique trudeauiste ne peut se permettre une telle brèche.

Le gouvernement par les juges, Soutirons un principe d'interprétation pour la Constitution, de se dire Robert Bourassa; il en découlera, par les vertus de la « logique juridique », des gains significatifs là où nous échouerions en empruntant le voie politique. Ce faisant, il abandonne la lutte sur le terrain politique, c'est-à-dire là où les élus sont maîtres ou à tout le moins responsables de leurs actes, au profit du terrain judiciaire où les résultats hypothétiques s'imposeront aux élus malgré un éventuel désaccord.

Cette façon de procéder conforte le gouvernement par les juges que le Canada Bill introduit. Ce «détournement » n'est pas une fatalité qui découlerait des exigences démocratiques10 ] . Cette fois-ci, on poursuit sur la même lancée. On introduit un critère d'interprétation, dont on voudrait qu'il soit porteur de grandes percées constitutionnelles, et on laisse aux juges le soin de lui donner une signification. Tout se passe comme si on demandait désormais aux juges d'apporter une réponse aux revendications du Québec concernant le partage des compétences, parce qu'on sait qu'elles ne sauraient être reçues favorablement si elles étaient discutées dans l'arène politique.

En ce sens, s'il y a là démission à l'égard des responsabilités qui devraient incomber aux représentants politiques élus, il y a aussi tentative de changer un échec probable, si on suivait la démarche politique, en victoire formelle dont les retombées sont hautement incertaines. Celle-ci, en effet, ne porte pas sur le fond; elle cède à d'autres la prise de décision, tout en espérant d'hypothétiques et improbables gains sur un terrain où les élus n'ont pas de prise.




Quel veto ?

Le droit de retrait avec compensation. Robert Bourassa a fait campagne au cours de la dernière année du gouvernement Lévesque sur la nécessité pour le Québec de récupérer son droit de veto en matière constitutionnelle. Là-dessus il était intraitable, en dépit du caractère utopique de ses prétentions. Il était, en effet, invraisemblable que des gouvernements provinciaux, qui se sont vu accorder avec le Canada Bill une égalité juridique dans la procédure d'amendement, consentent à un statut d'inégalité avec une formule comme celle de Victoria, qui accordait un veto à l'Ontario et au Québec11 ] .

Comme il fallait s'y attendre, il a été raisonnablement facile à Bourassa d'accepter la formule de « retrait avec compensation » pour les changements constitutionnels qui impliquent un « transfert de compétences législatives provinciales au Parlement ». Ce faisant, on supprime la limitation de la compensation aux seuls domaines de la culture ou de l'éducation comprise dans le Canada Bill et on revient à l'entente à laquelle avaient souscrit, au printemps 1981, les huit premiers ministres provinciaux qui s'opposaient à la proposition constitutionnelle et à la démarche unilatérale du gouvernement Trudeau. Bourassa reste toutefois un esprit assez étonnant. Plutôt que de plaider l'inévitable, il convertit, contre toute vraisemblance, cette formule en droit de veto12 ] . Or, là comme ailleurs, ce n'est pas en répétant des idées fausses ad nauseam qu'elles deviennent vraies.

Le droit de retrait avec compensation introduit une nouvelle dynamique entre les gouvernements et accorde aux provinces des arguments (sonnants et trébuchants) supplémentaires dans de futures négociations. Le Québec, comme toute province d'ailleurs, pourra s'opposer à une modification prévoyant la perte ou la diminution d'une de ses compétences et maintenir le statu quo dans son seul cas; la capacité de s'opposer, malgré les glissements sémantiques13 ] , n'est toutefois pas synonyme d'un veto. Cette formule, qui avait été préconisée par la commission Pépin-Robarts et retenue par le gouvernement du Parti québécois et les sept autres provinces opposées initialement au Canada Bill, est susceptible d'être davantage utilisée par le Québec, mais reste un instrument de négociation pour toute province.

Le veto de tout le monde ou l'unanimité. Il est un autre domaine cependant où on peut parler d'un veto constitutionnel. Dans le Canada Bill, on avait prévu deux procédures de modification des institutions de la fédération canadienne. Pour un nombre limité de matières (la monarchie, la représentation des provinces à la Chambre des communes, la composition de la Cour suprême), l'unanimité s'imposait. Dans les autres cas, c'était la procédure usuelle des sept provinces et de 50 % de la population qui s'appliquait.

Or, avec la présente entente, on a, à toutes fins utiles, retenu la règle de l'unanimité pour toutes les institutions. La conséquence est claire: toute province détient désormais un véritable veto sur les modifications touchant le Sénat, la Cour suprême, la création d'une province ou le rattachement d'un territoire à une province. Les commentateurs ont unanimement souligné la lourdeur de cette procédure et l'accroissement des difficultés pour en arriver à quelque changement que ce soit. Là encore, c'est la dynamique générale des relations intergouvernementales qui se trouve modifiée. Mais pour ce qui concerne le Québec, son gouvernement n'a pu disposer d'un veto que dans la mesure où il a été accordé à tous. En d'autres termes, avec la règle de l'unanimité, le Québec détient un veto, mais c'est un veto que partagent toutes les provinces.

En somme, la revendication initiale d'un veto au Québec qui découlait de sa spécificité a débouché sur la confirmation de l'égalité juridique des provinces en ce domaine. Ce qui a permis à Lowell Murray14 ] d'écrire: « [ ... ] l'exigence de l'unanimité est juste et raisonnable. Elle est raisonnable parce qu'elle respecte le principe de l'égalité des provinces dans les décisions touchant nos grandes institutions nationales. Elle est juste parce qu'elle offre à chacune des provinces une protection égale quant aux questions qui touchent sa place au sein de la fédération. Il n'y aura pas deux catégories de provinces au Canada. »




Le pouvoir de standardiser

En 1964, le gouvernement du Québec avait finalement obtenu une compensation financière pour son retrait d'une série de programmes à frais partagés. Cet accord prévoyait une période de transition de 2 à 5 ans au cours de laquelle les programmes demeuraient inchangés. Cette période devait cependant s'éterniser, même 'si une plus grande autonomie, à l'intérieur des standards pancanadiens, fut acquise. Il s'est toujours agi pour le Québec d'occuper le champ de ses compétences qui, à l'encontre du partage constitutionnel, avait été investi par le gouvernement fédéral.

Feu la compétence provinciale exclusive. Le présent accord constitutionnel prévoit qu'un gouvernement provincial qui ne veut pas participer à un « programme national cofinancé [ ... ] dans un secteur de compétence exclusive provincial » doit recevoir une « juste compensation [ ... ] si la province applique un programme [ ... ] compatible avec les objectifs nationaux ». Par cela, on vient de reconnaître ce que tous les gouvernements québécois avaient auparavant condamné et rejeté, à savoir qu'il est normal que le gouvernement fédéral intervienne dans le champ des compétences exclusives aux provinces.

Cette reconnaissance est lourde de signification. D'abord, qu'un gouvernement québécois accepte la chose constitue une grande première. Mais, ensuite, l'expression compétence exclusive n'a plus de sens. Si jadis elle le fut (exclusive), elle donne droit à une compensation lorsque, en respectant des contraintes particulières, le gouvernement provincial refuse l'intervention fédérale. Au-delà de cette compensation « au premier occupant » de la juridiction, parler de compétence provinciale exclusive devient un abus de langage. Le « fédéralisme fonctionnel » que certains appelaient de tous leurs voeux vient de trouver sa consécration.

L'extension des pouvoirs exécutifs fédéraux. On peut se demander s'il s'agit d'une simple formalisation des accords mis en place particulièrement depuis l'après-guerre ou, au contraire, d'une modification des compétences.

Notons que le pouvoir fédéral de dépenser (dans le champ de compétences provinciales s'entend) « ne fait pas partie de notre droit constitutionnel15 ] », car il n'y a~ pas de jurisprudence très claire à ce sujet; cela s'explique au moins en partie par le fait que les gouvernements fédéral et provinciaux n'ont pas cherché dans le passé à judiciariser leurs différends. De plus, dans la doctrine nous trouvons deux visions opposées, l'une validant la position fédérale, l'autre se rangeant davantage du côté de la protection des pouvoirs provinciaux; chacune de ces visions est d'ailleurs soutenue par un juge siégeant actuellement à la Cour suprême (les juges Laforest et Beetz).

Il est possible d'argumenter que le pouvoir conféré au gouvernement fédéral d'intervenir dans le champ des compétences législatives des provinces est contrebalancé par le droit de retrait avec compensation. Certes, il est loisible à un gouvernement provincial de se retirer tout en obtenant une compensation, mais seulement si la province met sur pied un programme comparable à celui dont il s'est retiré. Ce dernier doit être « compatible avec les objectifs nationaux ». Cela fait en sorte qu'à l'avenir l'exercice de la compétence législative provinciale peut être subordonné aux conditions posées par l'exécutif fédéral. Ce qui fait dire à Andrée Lajoie, par exemple, qu'en « ne mentionnant expressément que la compétence législative, [l'accord constitutionnel; G.B.] ne vise pas à maintenir le partage des pouvoirs exécutifs dans son état ante quo mais, au contraire, permet l'extension des pouvoirs exécutifs fédéraux aux dépens de la compétence législative provinciale, dans une nouvelle version de transfert oblique16 ] ».

En somme, le gouvernement fédéral fait consacrer par ce procédé à la fois son pouvoir de dépenser dans des domaines de compétence provinciale et son pouvoir d'établir les standards des programmes « autonomes ». Pour les provinces, cet accord signifie que le partage des compétences restreint leurs initiatives dans un certain nombre de champs alors que le gouvernement fédéral peut intervenir de plein droit et selon son bon vouloir, y compris dans le champ des compétences provinciales.

Une judiciarisation du débat? Ajoutons que la « constitutionnalisation» du pouvoir de dépenser est susceptible de modifier la dynamique des négociations, mais certainement moins que ne le redoutent certains ; il faut se rappeler qu'antérieurement des programmes à frais partagés, comme l'assurance-maladie, ont eu peu de participants au départ et qu'il a fallu attendre quelques années pour que l'ensemble des provinces y participe.

Mais, parallèlement à une dynamique modifiée, ne risque-t-on pas de voir les gouvernements s'engager dans une lutte judiciaire qu'ils avaient évitée jusqu'à maintenant? Plusieurs questions17 ] vont se poser. À quel moment et qui peut décider qu'il s'agit d'un programme national? Est-ce que la modification d'un programme existant en fait un nouveau programme? Les conditions imposées pour une compensation financière sont-elles indûment restrictives ? La compensation financière est-elle juste ? etc.




À vaincre sans péril...

Il est de tradition, surtout depuis le milieu des années 60, que le gouvernement du Québec subordonne un accord constitutionnel aux résultats de la négociation portant sur le partage des compétences. En 1970-1971, Robert Bourassa avait pris à témoin un secteur touchant les compétences afin d'illustrer qu'il était possible de faire progresser les négociations. À ce moment, il cherchait à faire reconnaître la suprématie provinciale en matière de sécurité sociale.

La négociation dune compétence partagée. Cette fois-ci, sans brandir cette revendication comme un étendard, il s'est attaqué aux modalités de l'exercice de la compétence partagée en matière d'immigration.

On peut certainement dire que l'enjeu et la difficulté du secteur témoin se sont rétrécis comme une peau de chagrin. Si, dans le premier cas, il pouvait s'agir d'un test - à tout le moins compte tenu des positions respectives fortement divergentes -, cette fois on a préféré prendre à témoin la mise en forme constitutionnelle d'une entente administrative existante. À cela s'ajoutent l'assurance d'une part minimale de l'immigration s'établissant au Québec et l'unification des services de réception et d'intégration des étrangers. Ces acquis ne sont pas sans importance, mais il ne faut pas voir là une grande victoire arrachée de haute lutte.

L'insistance de M. Bourassa à traiter de cette question tient sûrement à l'acuité du problème de la dénatalité au Québec et aussi à une vision essentiellement culturelle de la question québécoise. Mais il y a plus. La stratégie québécoise consistait non pas à discuter de ce qui est le plus stratégique dans -la définition des compétences québécoises, mais uniquement de ce sur quoi il est possible de prévoir la conclusion d'un accord. Avec l'entente administrative Cullen-Couture en poche, le dossier de l'immigration, qui par définition est de compétence conjointe, pouvait paraître plus facile, beaucoup plus que la revendication, par exemple, de la compétence exclusive en matière linguistique, de la non-subordination des compétences québécoises en politique économique à l'impératif de l'union économique canadienne ou de la compétence principale en matière de politique de la main-d'oeuvre.

Une stratégie de la demande acceptable. De même, il y a certainement lieu d'être favorable à la « constitutionnalisation » de la présence d'au moins trois juges venant du barreau du Québec à la Cour suprême. Dans ce cas, il s'agit d'institutionnaliser une pratique qui s'imposait par la tradition. La manoeuvre n'est pas sans portée; elle ne constitue cependant pas un bouleversement par rapport à la situation présente. On retrouve là, de nouveau, l'établissement de priorités en fonction de la stratégie « de la demande acceptable ». Cela rappelle un certain Corneille qui faisait dire à l'un de ses personnages: « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. »




Ne pas oublier la couleuvre

Le maintien des verrous. À force de discuter des conditions d'acceptation posées par le Québec, on en vient à oublier l'enjeu premier qui consiste à souscrire au Canada Bill. Si l'on peut dire, c'est là la couleuvre à avaler. Et dans les conditions formulées, rien ne permet une modification sensible de l'économie générale du Canada Bill.

En l'occurrence, on sait que ce changement constitutionnel de 1982 a pour effet de poser des « verrous » qui limitent les initiatives provinciales. Rappelons brièvement certains éléments: le pouvoir de surveillance des initiatives gouvernementales par le pouvoir judiciaire, le primat du citoyen qui sert de repoussoir à la reconnaissance ou à l'exercice de droits collectifs - notamment pour le peuple québécois -, le gouvernement fédéral comme seul dépositaire des intérêts collectifs d'un peuple canadien intégrateur, la subordination des compétences provinciales au principe de l'union économique canadienne, l'obligation pour les provinces de se conformer à des paramètres précis en matière de politique linguistique.

Parades et reculades. Un certain nombre de parades ont été envisagées pour contrer cette réforme constitutionnelle qui a été imposée au Québec. D'abord, le refus de souscrire à cette réforme est largement symbolique mais il reste évocateur d'une dissidence profonde.

Ensuite, en décembre 1981, le premier ministre René Lévesque affirme qu'il ne saurait accepter une modification constitutionnelle qu'à certaines conditions: la reconnaissance de deux peuples foncièrement égaux doit être la pierre d'assise de l'exercice et le Québec ne saurait entamer sa souveraineté législative au profit d'une charte fédérale des droits18 ] . Plus tard, au printemps 1985, le gouvernement du Québec propose son projet d'accord constitutionnel19 ] dans lequel le Québec adhérerait au Canada Bill à la condition que l'on dégage, de la reconnaissance de la spécificité du peuple québécois, une asymétrie constitutionnelle. D'autres mesures étaient proposées faisant qu'au total, sur 60 articles du Canada Bill, il y en aurait eu une quinzaine qui seraient restés intacts20 ] . Ces propositions d'un gouvernement péquiste peuvent sembler radicales. Contentons-nous de dire qu'elles sont très proches de ce que pouvait mettre de l'avant Jean Lesage en 196521 ] .

Le rappel de ces propositions illustre assez bien le fossé qui les sépare des conditions posées par Robert Bourassa à l'acceptation du Canada Bill, conditions qui ont pour caractéristique d'y changer peu de choses et de ne pas s'attaquer à l'essentiel. On peut se demander maintenant si les dirigeants politiques du Québec ont apprivoisé la défaite de 1982 au point d'y souscrire nonchalamment.

Report des négociations sur les juridictions. Il y a fort à parier que l'effet conjugué, d'une part, de l'acceptation de l'intervention fédérale tous azimuts comprise dans l'article sur le pouvoir de dépenser et, d'autre part, des espérances de retombées judiciaires favorables qu'éveille chez certains l'article sur la société distincte, soit le report sine die des négociations sur le partage des compétences constitutionnelles.

Or, parions de plus que, dans les années à venir, les tenants québécois de la démarche judiciaire et du « gouvernement des juges » accuseront avec dignité et noblesse leur incapacité à tirer des avantages significatifs de la notion de société distincte et qu'ils en seront quittes, une autre fois dans l'histoire du Québec, pour soigner leurs états d'âme et concocter un autre « mythe fondateur » à usage domestique. Entre-temps, la capitulation à l'égard du Canada Bill sera consommée.




Les résistances

Cet accord constitutionnel a été reçu de manière diversifiée selon les catégories d'acteurs et leurs lieux d'implantation. La signature des premiers ministres, d'abord au communiqué de presse du 30 avril 1987, puis à l'accord constitutionnel du 3 juin 1987, ne devait certainement pas clore les discussions sur le sujet. D'autant plus, faut-il l'ajouter, que malgré l'engagement des premiers ministres à procéder avec célérité, les assemblées législatives ne sont constitutionnellement pas tenues d'adopter une résolution d'agrément avant un délai de trois ans.

Cette période peut être féconde en retournements de situation et, avec l'émergence de nouvelles conjonctures, peut connaître un renouvellement majeur du panorama politique. On peut présumer que les conditions actuelles de proclamation de l'accord constitutionnel (règle de l'unanimité, délai possible de trois ans) auraient été fatales si elles s'étaient appliquées pour l'entrée en vigueur du Canada Bill. Quoi qu'il en soit, les institutions parlementaires se sont prêtées à une discussion publique des diverses facettes de l'accord constitutionnel.

Le gouvernement Bourassa fait ratifier par l'Assemblée nationale l'entente constitutionnelle le 23 juin 1987. C'est la première assemblée législative à s'exécuter. Le lendemain, Robert Bourassa déclare: « L'accord est la plus grande victoire politique du Québec depuis deux siècles22 ] . » Même si l'opposition parlementaire et extraparlementaire n'a pu faire reculer Bourassa, il ne semble pas pour autant que la question soit réglée. À partir de ce moment, les discussions vont s'animer ailleurs au Canada. Sans reprendre les délibérations du comité mixte sur l'Entente constitutionnelle de 1987 du Parlement à Ottawa, du groupe de travail sénatorial, de la commission parlementaire à Queen's Park ou ailleurs, il est possible de dégager certains thèmes du débat public.




Les minorités dans la dualité

La dualité linguistique étant l'une des pièces importantes de l'entente du lac Meech, les « minorités linguistiques » au Canada se sentiront directement interpellées. Commençons par les représentations des anglophones du Québec, pour, par la suite, traiter de la position des francophones hors Québec.

Nous sommes partie de la spécificité. Deux lignes de force se dégagent des remarques et propositions d'Alliance Québec. Prête à faire le pari de l'inconnu avec la société distincte, l'organisation ne souhaite pas une définition de cette expression car celle-ci risquerait de heurter sa conception de la société québécoise, comprise comme « société de minorités au sein d'une minorité23 ] ». Ainsi, pour elle, le défi qui est posé à l'Assemblée nationale et au gouvernement du Québec, c'est de « maintenir cette diversité tout en favorisant le caractère français du Québec ». Dans la perspective d'une société ouverte et pluraliste, la notion de société distincte ne fait pas problème car elle permet aussi le développement de la communauté anglophone24 ] .

Mais afin de s'assurer que cette interprétation prévale, le groupe recommande de subordonner strictement les actions prises au nom de la société distincte à la Charte des droits et libertés du Canada Bill: « [ ... ] le caractère distinct de la société québécoise peut et doit être conservé sans transgresser les droits de ses citoyens ». En d'autres termes, les politiques et actions visant à promouvoir la société distincte ne devraient pas restreindre les (ou porter atteinte aux) droits individuels. La voie est étroite: la société distincte, c'est la promotion de la diversité dans un contexte de prédominance du français, tout en assurant le plein respect des droits individuels.

Promouvoir la dualité. D'autre part, pour Alliance Québec, l'article attribuant aux gouvernements et assemblées législatives le rôle de protecteurs de la dualité linguistique est insuffisant: il ne suffit pas de protéger, il faut promouvoir la dualité linguistique. Sur cet aspect, Alliance Québec rejoint une vive préoccupation des francophones hors Québec.

Pour ces derniers, la principale lacune qui mérite correction, c'est l'absence d'une obligation spécifique pour les provinces de promouvoir le fait français.. Yvon Fontaine, président de la Fédération des francophones hors Québec (FFHQ), souligne que « la fragilité des communautés francophones exige des garanties constitutionnelles fortes afin d'assurer la vitalité de la dimension francophone du Canada25 ] ». Ce point de vue est généralement partagé au sein des minorités francophones et la critique se fait parfois incisive à l'endroit de la position du Québec26 ] .

La réaction peu respectueuse à l'égard des droits linguistiques des francophones qui est démontrée par le gouvernement de la Saskatchewan après le jugement de la Cour suprême dans la cause Mercure, et que l'on imagine semblable du côté du gouvernement de l'Alberta, vient dramatiser cette question pour les francophones. Dans une lettre ouverte à Robert Bourassa, Georges Arès, soulignant que la survie des francophones est menacée car elle dépend de la promotion active de la dualité canadienne, conclut que « si les droits reconnus aux Franco-Albertains et aux Fransaskois sont abolis, diminués ou suspendus de quelque façon que ce soit, la preuve incontestable sera faite que l'Accord du lac Meech ne protège aucunement la caractéristique fondamentale du Canada et que, par conséquent, il n'a aucune place dans la Constitution de notre pays27 ] ».

Outre ces discussions sur le rôle du Québec en cette matière, la FFHQ demandera que l'on introduise des garanties additionnelles pour les minorités linguistiques: 1. que la reconnaissance de la dualité linguistique se fasse à un niveau collectif plutôt qu'individuel; 2. que les assemblées législatives et les gouvernements aient pour rôle non pas de protéger seulement mais aussi de promouvoir la dualité canadienne; 3. que l'on supprime la clause de sauvegarde que le Québec a fait introduire dans l'accord final. Dans toute cette question, se révèle de manière frappante l'asymétrie des situations légales, sociales et économiques des minorités linguistiques.




Les nations autochtones

Être des partenaires constitutionnels. La réaction des nations autochtones est rapide. Dès le 29 mai 1987, leurs représentants déclarent que cet accord a des conséquences négatives pour les autochtones. Les objections se font nombreuses.

D'abord on n'y reconnaît pas le caractère particulier de leurs nations alors que le Québec est désigné comme société distincte. Il y aurait aussi persistance de la conception du Canada fondée sur deux nations alors qu'ils avaient cru cette « légende » tombée en désuétude depuis le Canada Bill28 ] . À tout le moins, l'accord devrait reconnaître que la présence des peuples autochtones est une caractéristique fondamentale du Canada. Ensuite, alors que les premiers ministres, lors de la conférence constitutionnelle sur les droits des autochtones du 27 mars précédent, ont insisté sur la rédaction de textes clairs, car la question des gouvernements autochtones ne devait pas être résolue par les juges mais bien par les politiciens, c'est une attitude toute différente qu'ils manifestent au sujet de l'interprétation de la société distincte.

Cette reconnaissance pour le Québec ne les choque pas si, par ailleurs, elle n'affecte pas leurs droits, leur relation privilégiée avec le gouvernement fédéral et l'accès aux programmes qui leur agréent. Sur ce dernier point, la clause sur le droit de retrait de programmes à frais partagés ne prévoit pas de mécanisme permettant aux autochtones d'une province qui aurait décidé de ne pas participer de bénéficier tout de même du programme29 ] . De plus, la modification du processus de création de nouvelles provinces contrarie particulièrement les autochtones. Si, d'un côté, on voit dans l'ensemble de cette modification constitutionnelle une valorisation des provinces comme levier politique au Canada, de l'autre côté, la règle de l'unanimité rend l'accession au statut de province pour les Territoires (Yukon, Nord-Ouest) beaucoup plus, difficile. Or, il s'agit des seules entités peuplées majoritairement d'autochtones; on pourrait être tenté d'y voir du racisme. De la même manière, les populations des Territoires auraient pu espérer être représentées dans des institutions fédérales telles que la Cour suprême ou le Sénat. Dorénavant, la procédure de nomination nécessitant des propositions des provinces met un terme à toutes fins utiles à ces espérances.

Rappelant que la question des gouvernements autonomes pour leurs nations n'est pas réglée, ils estiment qu'ils devraient être partie prenante à toute discussion constitutionnelle. Dans l'ensemble, ils se montrent assez sympathiques à la vision de Trudeau d'un gouvernement central fort, car ils estiment avoir toujours eu moins de difficultés avec le fédéral qu'avec les provinces30 ] .

L'accession au statut de province. Aussi n'est-ce pas surprenant que dans les jours qui suivirent, les gouvernements du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest aient présenté des requêtes devant leurs cours suprêmes pour les amener à stipuler que « le gouvernement fédéral a abusé des droits démocratiques des résidents territoriaux et de nos droits selon la Charte des droits et libertés31 ] ». Le chef du gouvernement du Yukon, Tony Penikette, fait porter ses principaux griefs à l'égard de l'accord sur le fait qu'il élimine pratiquement la possibilité pour les deux territoires d'accéder au statut de province. De même, les territoires sont exclus de la procédure de nomination des juges à la Cour suprême et des sénateurs.

Cet accord est vicié car on a oublié ou feint d'oublier que le « Canada est composé non seulement de provinces mais aussi de sociétés distinctes comme celles [des] territoires nordiques32 ] ». Ayant été déboutés par les tribunaux inférieurs, les gouvernements du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest ont entrepris un recours en appel devant la Cour suprême du Canada afin qu'elle déclare que ces gouvernements territoriaux auraient dû être consultés au cours des négociations et que, faute de cette consultation, l'accord constitutionnel est invalide.

Des sénateurs à l'écoute. Sur le plan politique, le groupe de travail sur l'accord constitutionnel formé par le Sénat dominé par les libéraux a repris pour l'essentiel les doléances des autochtones: reconnaissance du caractère distinct des peuples autochtones, accession au statut de province à la suite de négociations avec le seul gouvernement fédéral, participation à la nomination des sénateurs et des juges de la Cour suprême et participation des gouvernements territoriaux aux conférences constitutionnelles et sur l'économie33 ] . Ces propositions sénatoriales de -modifications ne seront pas appuyées par les sénateurs conservateurs.




Les libéraux fédéraux: déchirements et relents trudeauistes

Cette attitude bienveillante à l'égard des doléances des autochtones et le refus du Sénat en avril 1988 d'entériner l'entente constitutionnelle ne font que révéler les déchirements au sein des troupes libérales. Face à un Turner qui, malgré des réserves, appuie l'entente constitutionnelle, les tenants de la rhétorique trudeauiste manifestent leur opposition. Tour à tour on évoque l'affaiblissement du gouvernement central, la cause des autochtones ou la conception d'un Canada à deux, peu respectueuse des minorités ethniques. Donald Johnston croit utile de démissionner (8 mai 1987) du cabinet fantôme de John Turner afin de pouvoir dénoncer l'accord plus librement.

Encouragé par la lettre vitriolique de Pierre Elliott Trudeau qui paraît dans les journaux (le 27 mai 1987), Johnston affirme que cet accord est « un pas vers la séparation du Québec »; l'attaque se veut globale mais cible plus particulièrement la reconnaissance du Québec comme société distincte et les articles se rapportant au pouvoir de dépenser, dont l'effet serait d'accentuer le caractère décentralisé du Canada. Un an plus tard, il synthétisera son analyse dans des termes on ne peut plus négatifs :

« Pour amener le Québec à adhérer sous toutes réserves à la Constitution, ils ont cédé du pouvoir et de l'autorité à toutes les provinces, et en particulier au Québec; ils ont mis la formule de modification de la Constitution dans un carcan, ce qui risque d'empêcher toute réforme du Sénat; ils ont infligé un coup mortel à la vision d'un Canada bilingue en divisant le pays en un Québec français et un Canada anglais; ils ont porté atteinte à l'autorité de la Cour suprême; ils ont compromis les droits à l'égalité entre les sexes, et ont placé le Canada sur la pente de la décentralisation en adoptant des dispositions concernant le droit de retrait et en prévoyant des encans semestriels lors des conférences fédéralesprovinciales34 ] ».

Ces propos sont voisins de ceux que formulera Trudeau au comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat le 27 août 1987 et au Sénat le 30 mars 1988.

À cette dernière occasion, il dit trembler en pensant au tort possible que la notion de société distincte pourrait faire subir aux libertés. « Nous avons, dit-il, des exemples dans l'histoire où un gouvernement devient totalitaire parce qu'il agit en fonction d'une race et envoie les autres dans les camps de concentration35 ] . » Minimalement, il faudrait deux amendements qui neutraliseraient toute retombée virtuelle de la notion de société distincte et qui consisteraient à s'assurer que la notion de société distincte n'a pas d'impact sur la Charte des droits et sur les pouvoirs du gouvernement fédéral. La dissidence au sein du Parti libéral fédéral se confirme malgré les débats animés et parfois acrimonieux, si bien que onze députés libéraux défient l'autorité de John Turner (26 octobre 1987) en votant contre le projet de loi . d'acceptation de l'accord constitutionnel présenté aux Communes. Adopté, le projet de loi est transmis au Sénat qui ne possède qu'un droit de veto suspensif. Celui-ci refusera d'entériner ce projet de loi, imposant de la sorte un nouveau débat aux Communes en mai 1988. Au Sénat, Pierre Elliott Trudeau avait salué le courage de Frank McKenna, nouveau chef du gouvernement du Nouveau-Brunswick, et de Sharon Carstairs, dirigeante libérale du Manitoba et bientôt chef de l'opposition à l'Assemblée législative, qui osent se faire entendre et poser des questions pertinentes sur l'accord constitutionnel.




Le libéralisme provincial

La tentative libérale de faire échec à l'entente constitutionnelle ne se confine pas aux manoeuvres au sein de la députation à la Chambre des communes ou aux pratiques dilatoires du Sénat. Au niveau provincial, deux dirigeants libéraux non signataires de l'accord insistent sur l'introduction d'amendements avant l'adoption par leur assemblée législative. Cette attitude négative ne fait pourtant pas l'unanimité au sein des partis libéraux provinciaux. Par exemple, David Peterson, d'abord réticent, a maintenu son appui à l'accord jusqu'à son adoption par l'Assemblée législative de l'Ontario le 29 juin 1988 ; pour sa part, Robert Bourassa, qui est à l'origine des négociations, s'est fait, depuis juin 1987, le champion de l'adoption rapide de l'accord par les divers corps législatifs.

À la mémoire de Trudeau et Chrétien. Sharon Carstairs, dont la formation délaisse une position marginale pour devenir représentante de l'opposition officielle au parlement manitobain, occupe une place potentiellement stratégique dans le processus de ratification de l'entente constitutionnelle. Il faut dire que, sur l'échiquier politique de cette province, l'accord n'a pas la faveur.

Déjà Howard Pawley, signataire de l'accord, avait éprouvé des difficultés à faire avaliser son geste par ses propres partisans. Juste avant le congrès annuel du NPD du Manitoba, il avait réussi à diluer dans une seule résolution vague à souhait une quinzaine de résolutions qui se prononçaient spécifiquement contre l'accord36 ] . Ces dernières avaient pour dénominateur commun de demander à la législature du Manitoba de bloquer le processus de ratification tant que l'on n'aura pas levé l'hypothèque qui pèserait désormais sur la création de nouveaux programmes de santé et de services sociaux. Outre l'opposition aux limites posées au pouvoir de dépenser, la rigidité de la formule d'amendement pour les institutions fédérales et la création de nouvelles provinces semblait inacceptable. L'intervention appuyée de Pawley et de Broadbent lors du congrès amène les militants à se rallier en votant une résolution peu vigoureuse. L'accord semble, par ailleurs, attiser le sentiment anti-français ou anti-québécois dans le milieu rural37 ] manitobain. Au même moment, les groupes de femmes, les autochtones, les Franco-Manitobains et Alliance Québec (qui est très active, disent les observateurs) tentent d'amener le NPD à adopter un amendement qui subordonnerait de façon stricte la notion de société distincte à la Charte des droits et libertés du Canada Bill.

Sharon Carstairs fera de cette proposition l'un des points forts de son argumentation. Incidemment, elle tire habilement son épingle du jeu aux élections anticipées (26 avril 1988), qui ont été provoquées par la mise en minorité du gouvernement NPD à la Chambre. L'élection du Parti conservateur à la direction d'un gouvernement fortement minoritaire (conservateurs: 25 sièges, libéraux: 20, néo-démocrates : 12) donne une autorité certaine à la position constitutionnelle libérale. L'incertitude qui prévaut dans ces circonstances est en effet accentuée par la conjugaison de l'opposition farouche de Sharon Carstairs et des fortes réticences du nouveau chef social-démocrate, Gary Doer, sur cette question.

Pour la libérale Carstairs, qui s'inspire explicitement de Jean Chrétien et de Pierre Elliott Trudeau, l'entente constitutionnelle « change fondamentalement la direction de ce pays, et ça ne nous plaît pas. Il ne nous a pas été possible de convaincre John Turner de notre profonde insatisfaction. Alors il est de mon devoir de m'y opposer, avec les moyens dont je dispose en tant que politicienne provinciale38 ] . » Ses griefs sont nombreux, mais sur les droits des femmes, des autochtones, des minorités, sur la nomination des juges, elle se dit disposée à des concessions. La discussion n'est cependant pas possible lorsqu'il s'agit de la nécessaire prééminence de la Charte des droits et libertés à l'égard de la notion de société distincte du Québec. Dans ces circonstances, et voyant la chose surtout sous l'angle de la fatalité, le chef de gouvernement conservateur, Gary Filmon, est peu empressé d'ouvrir le débat sur la ratification de l'accord constitutionnel.

À la défense des femmes et des francophones hors Québec. L'élection de Frank McKenna à la tête d'un gouvernement libéral le 13 octobre 1987 vient modifier aussi le panorama politique. Déjà avant le jour du scrutin, il déclarait vouloir faire amender l'accord constitutionnel39 ] . À titre de premier ministre, il manifeste l'intention de renégocier certains aspects et de demander des précisions avant que son gouvernement et l'assemblée législative l'endossent40 ] . On insiste principalement sur trois griefs: l'accord diminue les droits des femmes, amoindrit les droits des francophones hors Québec et est préjudiciable pour le partage des compétences en matière de pêche. À cela s'ajoutent, selon les occasions, la réforme du Sénat, la modification du statut des Territoires du Nord-Ouest et l'affaiblissement des pouvoirs du gouvernement fédéral.

Sur la question des femmes, M. McKenna reprend une argumentation véhiculée par des groupes essentiellement canadiens-anglais et selon laquelle le droit à l'égalité des femmes du Québec est potentiellement menacé par l'article sur le caractère distinct, si celui-ci n'est pas subordonné strictement à la Charte des droits et libertés. Plusieurs dépositions devant le comité mixte des Communes et du Sénat avaient pris la défense des Québécoises qui manifestement ne démontrent pas d'inquiétude à ce sujet. La conférence des premiers ministres provinciaux, qui se tient à la fin août 1987, estime que cette crainte est non fondée. Mais M. McKenna, chef de l'opposition, puis premier ministre, fait fi de la très grande majorité des avis juridiques et reste fidèle à sa position qu'il réaffirmera à plusieurs reprises, notamment lors du discours du Trône du 22 mars 1988.

Reprenant les revendications de la Fédération des francophones hors Québec, Frank McKenna voudrait que la dualité linguistique soit aussi bien protégée que la société distincte dans l'accord constitutionnel et, en conséquence, que l'on confie aux gouvernements le rôle de « promouvoir » et non seulement de « défendre » les minorités linguistiques41 ] . À ce propos, la Société des Acadiens, qui s'était permis quelques hésitations sur la politique à suivre, semble désormais appuyer résolument la démarche de Fredericton jusqu'à emprunter la terminologie du discours gouvernemental; Michel Doucet, président de la Société, déclare: « On n'a pas l'intention de saboter l'accord » mais « il est important d'avoir des garanties assez fortes des gouvernements », avant même que ne s'enclenche un deuxième round de négociations 42 ] .

Mais, peut-on se demander, que diable les poissons viennent-ils faire dans ce lac Meech ? À l'article 50 [1] de l'accord, il est prévu qu'une conférence constitutionnelle se tiendra annuellement et qu'à l'ordre du jour (art. 50 [2]) devront apparaître nécessairement la réforme du Sénat et les responsabilités en matière de pêche. Frank McKenna voit là un risque d'érosion progressive des compétences des trois provinces maritimes au profit de Terre-Neuve, car cette dernière province, toujours vorace dans le domaine, aura l'occasion d'exercer chaque année des pressions afin d'élargir son rôle et ses responsabilités en la matière43 ] . Cette pratique a tout lieu, selon lui, de modifier l'équilibre des « relations historiques » entre les provinces côtières44 ] .

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick fait état de ses réserves et gagne du temps. D'abord soupçonné d'être l'initiateur d'une coalition de provinces opposées à l'accord, il doit de plus en plus se contenter de jouer seul la partie et d'abattre ses cartes. Voulant utiliser le délai maximum de trois ans pour la ratification, le gouvernement, qui s'était engagé à tenir des « audiences sérieuses, pas seulement pour la forme ou à toute vapeur », enclenchera le processus à l'automne 1988. Les élections prévues, notamment au niveau fédéral, pourraient entre temps recomposer le tableau des forces en présence. Cet attentisme intéressé semble, par ailleurs, attiser l'impatience de Québec qui mobilise beaucoup d'énergie à maintenir l'accord intact tout en ménageant un compromis honorable pour Frank McKenna. Les pourparlers dont on fait état en août 1988 entre hauts responsables peuvent laisser croire que des négociations sont entreprises. Déjà en mars45 ] , on évoquait la possibilité de conclure un accord politique sur l'ordre du jour d'un deuxième round de négociations qui inclurait les sujets faisant l'objet d'« imperfections » : droits des francophones, égalité juridique des femmes, pêcheries, processus de création de nouvelles provinces.




Conclusion


Ne pas compromettre l'avenir

Inutile de reprendre l'argumentation qui a été présentée pour rappeler que le présent accord constitutionnel ne s'attaque pas aux objections formulées à l'égard du Canada Bill et ne se situe pas dans la logique de la position constitutionnelle du Québec depuis le milieu des années 60. L'article sur la société distincte fait certainement beaucoup parler, surtout à cause de son ambiguïté. Pour les uns, il ouvre des possibilités appréciables; pourtant, en réfléchissant sur l'économie générale de l'accord et de l'ensemble des textes constitutionnels, on constate que les retombées risquent fort d'être limitées, essentiellement virtuelles ou contraires à celles escomptées.

Pour la plupart des intervenants qui sont critiques à l'égard de cet accord, s'il est impossible de résoudre le problème de l'adhésion du Québec à la Loi constitutionnelle de 1982, il vaut mieux ne pas compromettre l'avenir en bâclant une affaire qui est, dès à présent, très mal engagée. Mais, étant donné que le gouvernement Bourassa a décidé de régler vaille que vaille cette question qui l'embête et que, pour donner l'exemple, il a amené l'Assemblée nationale à souscrire à l'accord du 3 juin 1987, le Québec ne peut qu'être redevable à l'un ou l'autre gouvernement du Canada anglais d'éviter de commettre cet impair constitutionnel. Le temps qui passe permet à ce scénario de prendre corps. Dans certains milieux on s'y applique.


Une nouvelle dynamique

Même si on a peu insisté sur cette dimension au Québec, l'accord constitutionnel semble permettre la mise en route d'une dynamique de relations intergouvernementales accordant collectivement plus de poids aux gouvernements provinciaux. Le Québec ne saurait regretter cette évolution, même si elle est loin de rendre compte d'intérêts qui lui seraient propres, étant donné qu'elle se fait sous le signe de l'égalité juridique des provinces.

La mouvance social-démocrate est certainement réfractaire à cette évolution, mais elle est à la recherche de porte-parole politiques depuis que le NPD Canada et le NPD du Manitoba ont officiellement adopté une attitude d'acceptation critique de l'accord. De même, les Libéraux qui s'alimentent encore de la rhétorique trudeauiste voient d'un mauvais oeil cet « affaiblissement » du pouvoir fédéral. Là encore, le PLC consentant à appuyer l'accord, la capacité de véhiculer cette pensée est limitée au Sénat, à une aile fédérale dissidente et à certaines organisations provinciales qui, sauf au Nouveau-Brunswick, sont dans l'opposition.

La réaction des autochtones vise, par certains aspects, cette nouvelle dynamique mais déborde sur une dimension relativement peu retenue dans le débat. La reconnaissance effective des droits des autochtones et de leur droit à l'autodétermination n'étant pas acquise, ceux-ci cherchent à être considérés comme des partenaires constitutionnels. Or, la non-participation aux négociations, l'absence de mention de leur existence dans l'accord - même s'ils sont désignés spécifiquement dans le Canada Bill (art. 35) -, la règle de l'unanimité pour la création de provinces (dans lesquelles ils seraient majoritaires), la participation exclusive des provinces et du fédéral à certaines nominations jugées importantes, tous ces éléments tendent vers une marginalisation et ressemblent à un refus caractérisé d'accepter leur émancipation politique.

Pour les autochtones, les conditions du Québec posent indirectement problème. Ils acceptent l'idée de la société distincte, car ils sont amenés à se définir eux-mêmes de cette manière. L'hypothèque sur leur avenir politique tient à la difficulté d'accession au statut de province et à leur éviction d'ici là du processus de nomination des juges à la Cour suprême et des sénateurs. Les demandes du Québec (droit de veto dans la modification des institutions fédérales et participation à la nomination des juges de la Cour suprême) ont provoqué une dynamique de négociation qui, compte tenu du principe de l'égalité juridique des provinces que l'on a voulu consacrer dans l'accord constitutionnel, a conduit aux conclusions que l'on connaît. Soulignons cependant que ces dernières sont supportées par plusieurs provinces qui y retrouvent leurs intérêts institutionnels et politiques.

Au total, même si la question de la dynamique des relations fédérales-provinciales et, subsidiairement, de son impact sur les revendications des autochtones est discutée sur la place publique, le noeud du débat est autre: c'est la conjonction des notions de dualité linguistique et de société distincte.


L'asymétrie fondamentale des minorités

La convergence évidente des réactions des minorités linguistiques sur la question de la dualité camoufle une asymétrie fondamentale des minorités.

Contrairement à la minorité anglophone du Québec qui a historiquement occupé une place dominante dans l'ordre des rapports sociaux, qui s'est fait reconnaître et confirmer des droits et des privilèges et qui contrôle un complexe institutionnel sur les plans de la culture, de la politique, de l'éducation, des services de santé, etc., et qui a pour point d'appui l'immense bassin anglophone de l'Amérique du Nord, les minorités francophones, souvent peu nombreuses, en sont encore à lutter pour la reconnaissance des droits minimaux dans le domaine des institutions politiques, des services publics et de l'éducation. La lutte contre l'assimilation est journalière et fréquemment vaine.

Pour les francophones hors Québec, l'attribution aux gouvernements d'un rôle à l'égard de la promotion des minorités linguistiques semble indispensable - encore que c'est fonder beaucoup d'espoir sur les vertus d'un principe juridique, voir du débat judiciaire, car l'histoire récente au Canada montre que l'impérativité des décisions judiciaires vacille face aux résistances politiques manifestes de la classe politique du Canada anglais, particulièrement à l'ouest de l'Ontario46 ] .

Cela fait en sorte que, même si le français est la seule langue menacée au Canada et en dépit du fait que les gouvernements du Québec depuis le début des années 70 ont pris, avec des accents différents il est vrai, des mesures afin d'assurer la protection du français - ne serait-ce qu'en faisant du français la langue officielle du Québec -, les francophones hors Québec revendiquent une responsabilité de promotion de la minorité linguistique qui est un facteur d'érosion d'une politique linguistique québécoise, déjà malmenée par les effets du Canada Bill. Que les gouvernements aient l'obligation de promouvoir les minorités linguistiques et non simplement de les protéger apparaît sans doute comme un rempart de la dernière chance pour certaines collectivités francophones, mais prend une consonance tout autre au Québec47 ] .

Dans son cas, l'accord constitutionnel stipulerait que le gouvernement et l'Assemblée nationale ont le rôle de protéger et de promouvoir concurremment la dualité linguistique et le caractère distinct de sa société. La promotion de la minorité anglophone au Québec constitue un cheval de Troie pour la politique linguistique, que ce soit dans les domaines de l'éducation, du travail et du cadre de vie. La Charte de la langue française qui a souffert de décisions judiciaires, à la suite du Canada Bill notamment, serait définitivement contrecarrée. De plus, selon une logique qui se comprend aisément, les francophones hors Québec jugeant avec sévérité l'attitude de plusieurs gouvernements provinciaux sont amenés à proposer la suppression de la clause de sauvegarde disant que les pouvoirs provinciaux ne sauraient être réduits en matière de langue. L'acceptation de cette proposition réduirait davantage la souveraineté québécoise sur sa politique linguistique, souveraineté déjà entamée par le Canada Bill et plus récemment par la politique fédérale sur les langues officielles.

Cela dit, les résistances les plus grandes face aux francophones hors Québec viennent de gouvernements provinciaux du Canada anglais. Les discussions entre MM. McKenna et Pawley auraient en effet montré l'incapacité de s'entendre sur l'idée de la promotion de la dualité linguistique.

Ces demandes, si elles arrivaient à se concrétiser, provoqueraient des effets opposés à ceux que prétend rechercher le gouvernement du Québec. Les anglophones du Québec ne s'y trompent pas lorsqu'ils formulent la même exigence en soulignant les misères des minorités francophones. Un gouvernement du Québec qui doit promouvoir la minorité anglophone pourrait difficilement maintenir des mesures, sur le plan linguistique particulièrement, qui à ce jour les hérissent.


L'individu contre les collectivités

Les minorités francophones et anglophones empruntent cependant des voies différentes au sujet de l'unité de référence des règles d'interprétation. Pour les francophones, les règles d'interprétation de la dualité linguistique devraient s'appliquer à des communautés ou à des collectivités plutôt qu'à des personnes, car on connaît trop bien la faiblesse de droits jugés uniquement sur une base individuelle. Bien qu'insistant sur la nécessité de reconnaître la « présence historique » au Québec du Canada anglophone, la minorité anglophone du Québec développe une argumentation centrée sur les droits individuels.

Si l'idée de la promotion de la dualité linguistique permet de contrer les retombées virtuelles de la notion de société distincte, celle de la primauté de la Charte des droits et libertés colmate toute brèche éventuelle. Proposer que rien de ce qui découlerait de la notion de société distincte ne « puisse déroger à aucun droit ou liberté accordé en vertu de la Constitution du Canada48 ] » signifie que toute réflexion ou interprétation juridique qui pourrait se faire en termes collectifs devrait être assujettie ou subordonnée à son antithèse, à savoir aux droits individuels. La promotion de la dualité associée à la primauté absolue des droits individuels constitue une stérilisation assurée des potentialités, toutes hypothétiques et incertaines, de l'ajout du critère d'interprétation faisant référence à la société distincte du Québec.


L'insoutenable société distincte

Les Libéraux fidèles à la vision trudeauiste et le maître à penser lui-même ne s'y trompent pas. Des critiques assenées à l'économie générale de l'accord constitutionnel, il ressort en dernière instance qu'il est une question sur laquelle il ne saurait y avoir de concessions, c'est celle de l'introduction de la notion de société distincte. Devant le Sénat, Pierre Trudeau en vient à dire que s'il faut parer à l'essentiel, deux amendements devraient s'attaquer à cette notion. Sharon Carstairs, Donald Johnston, Jean Chrétien, notamment, ont une aversion pour toute forme de reconnaissance d'une spécifité québécoise qui ne soit pas complètement délayée dans un discours sur des droits individuels ou subordonnée à eux. Il est particulièrement intéressant de noter que ces personnes s'intéressent beaucoup moins à l'enjeu défini comme prioritaire par les francophones hors Québec: la promotion de la dualité.

La Charte des droits ' est un antidote plus efficace contre une logique constitutionnelle qui pourrait se poser partiellement en référence à l'existence de communautés correspondant à un levier politique régional. C'est cette hérésie, fûtelle sans conséquences immédiates, qui est inadmissible car elle introduit une faille dans la construction intellectuelle véhiculée par les Libéraux fédéraux dans le débat constitutionnel contemporain qui était fondée sur une vision atomiste de la société (le citoyen).

Même si la forme est moins dogmatique, la position de Frank McKenna rejoint la précédente pour l'essentiel. On retrouve chez lui la « double ceinture » qui est proposée par Alliance Québec: promotion de la dualité et subordination de la société distincte à la Charte des droits. Si ce dernier point est moins explicite dans son discours, c'est qu'il prend la forme de la protection du droit à l'égalité des femmes. Cette protection - si tant est que ce droit soit menacé ! - devrait passer soit par la subordination de la société distincte à la Charte des droits et libertés du Canada Bill, soit par un article déclarant la primauté du droit à l'égalité des sexes; mais dans ce dernier cas de figure, il n'y a aucune raison que l'on n'y ajoute pas la primauté de l'égalité des races, des religions, des handicapés, etc. - c'est-à-dire ce qui est prévu sous la rubrique « droits à l'égalité » - et, plus encore, de l'ensemble des autres droits et libertés consignés dans la Charte. En ce sens, sous le couvert du droit à l'égalité des sexes (des femmes), ce sont fondamentalement les virtualités de la notion de société distincte qui sont attaquées. Réagissant à cette argumentation basée sur la défense du droit des femmes qui était déjà avancée à l'été 1987, Lysiane Gagnon écrit: « [ ... ] c'est le plus souvent à la reconnaissance du "caractère distinct" du Québec qu'on s'attaque... et au nom de quoi, je vous le demande? Au nom des malheureuses Québécoises, menacées de perdre leurs droits dans la mesure où la clause du "caractère distinct" aurait préséance sur la Charte des droits Qu'y a-t-9 au fond de cette sollicitude non sollicitée ? Serait-ce par hasard une façon détournée et, pour tout dire, aimablement hypocrite de s'attaquer à la clause du caractère distinct du Québec tout simplement parce qu'on est contre cette reconnaissance-là, qu'on veut un pays homogène mais qu'on n'ose pas le dire carrément49 ] ? » La deuxième ceinture, on en a assez parlé précédemment, provient de l'idée de la promotion des minorités.


Faut-il y être favorable parce que plusieurs rejettent l'accord?

De l'ensemble de ces résistances qui pointent du doigt la notion de société distincte comme critère d'interprétation, on pourrait être amené à croire, au Québec, que le gouvernement Bourassa a bien tiré son épingle du jeu et que, pour une fois, le Québec sort grand gagnant de cet exercice de révision constitutionnelle. Sous les attaques, on pourrait être tenté de défendre cet accord. Pourtant, si l'analyse que nous avons présentée au début de ce chapitre est juste - et plusieurs études et témoignages vont dans ce sens -, il faudrait grandement forcer les textes pour se permettre une telle conclusion. Le présent accord n'est pas une réponse au Canada Bill, il lui reste périphérique, et il transmet le contentieux constitutionnel à l'institution judiciaire en espérant qu'un principe d'interprétation - d'ailleurs circonscrit par son insertion contextuelle - saura bouleverser l'édifice constitutionnel et les tendances lourdes de la jurisprudence.

Ce qui pourra apparaître, avec le temps, comme un marché de dupes émeut certains milieux dans la mouvance du libéralisme dominant sous l'ère Trudeau. Le refus des conditions du Québec, et particulièrement de la société distincte, tantôt prend des voies détournées, tantôt se fait frontale. Les dés ne sont pas jetés et à cette heure on ne peut que se tourner vers le Manitoba et le Nouveau-Brunswick. Il ne reste pas moins que, de l'accroc probable à la règle de l'unanimité, qui ferait échouer l'ensemble de la démarche, deux conclusions se dégagent: d'abord, le Québec sera redevable à un gouvernement du Canada anglais d'esquiver in extremis un engagement constitutionnel à rabais dont il aurait peu de choses à tirer; ensuite, le refus drapé dans de nobles principes d'un ou de gouvernement(s) du Canada anglais signifierait une fin de non-recevoir à des demandes du Québec qui n'auront jamais été si minimales.




Note(s)

1.  Gil Rémillard, Allocution prononcée le 9 mai 1986, citée dans Le Québec et le lac Meech, Montréal, Guérin, 1987, p. 56-57.

2.  Gérald-A. Baudoin, déposition, Commission sur les institutions, citée dans Le Québec et le lac Meech, op. cit., p. 80.

3.  Onze experts, ibid., p. 169.

4.  Pierre-André Côté, déposition, Commission sur les institutions, ibid, p. 145-146.

5.  José Wochrling, ibid., p. 160-161.

6.  En ce sens, il faudra démontrer que la promotion et la protection du caractère distinct du Québec imposent une limitation des droits individuels; pour prendre l'exemple de la langue d'affichage, on pourra se demander si la protection et la promotion de la société distincte « briment » la liberté d'expression des individus. Les paris sont ouverts, mais il serait étonnant que la société distincte, comme principe d'interprétation, soit en mesure de renverser, par les seules vertus du raisonnement juridique, l'économie générale de la Charte des droits et libertés du Canada Bill.

7.  Un exemple illustre les illusions qui émaillent la rhétorique sur la société distincte. Dans un long article, Jean-Pierre Proulx soutient que même si on ne définit pas ce qu'il faut entendre par société distincte, le peuple québécois sait ce qu'il faut en comprendre. On peut sans doute dire aujourd'hui que les Québécois « se sont au moins entendus sur le sens profond de cette expression » (ibid., p. 131-135), comme on pouvait dire hier que les Québécois s'entendaient sur le sens de pacte entre deux nations. Nous sommes dans le domaine des «mythes fondateurs » et du discours qui enrobe une démarche politique. Ce qui est davantage pertinent, c'est « le jour où les juges de la Cour suprême devront décider ce que signifie la "société" »; alors, il leur faudra trancher. Et à ce moment, c'est moins un éditorial ou le propos d'une commission d'enquête, dont le rapport est aujourd'hui un document d'archives, qui in5pircra les juges, mais le texte même de la constitution où on reconnaît un gouvernement fédéral « national » face à un peuple composé de citoyens jouissant de droits individuels avec lesquels devrait pouvoir s'accorder une interprétation tenant compte de la caractéristique fondamentale du Canada qu'est la dualité linguistique, de l'existence d'une société distincte et du patrimoine multiculturel.

8.  G. Boismenu et F. Rocher, « Une réforme constitutionnelle qui s'impose... », L'ère des libéraux, D. Brunelle et Y. Bélanger, PUQ.

9.  Lowell Murray, sénateur et ministre conservateur des relations fédérales-provinciales, déclare, à propos de l'accord de principe de mai 1987, que « la proposition veut dire que la constitution devra être interprétée de façon consistante avec le caractère distinct du Québec, mais cette reconnaissance, selon moi, s'applique à la dualité linguistique seulement ». Le Devoir, 8 mai 1987.

10.  Comme le mentionne le juriste Guy Tremblay, « [Il a vaste majorité des pays occidentaux [ ... ] ne soumettent pas les politiques des élus du peuple aux avatars des contestations judiciaires de toutes sortes ». Déposition, Commission sur les institutions, citée dans Le Québec et le lac Meech, op. cit., p. 109-110.

11.  En dépit de son discours intransigeant, il se ménageait une position de repli. En effet, dans les documents du Parti libéral du Québec (en 1985), on pouvait lire qu'il « ne sera pas facile de regagner le terrain perdu » et on laissait entendre que la formule de « retrait avec compensation » serait un moindre mal. À ce sujet, je concluais dans un écrit antérieur que Bourassa pourrait toujours dire qu'il lui était impossible de récupérer le droit de veto qu'un gouvernement péquiste insouciant avait perdu.

12.  Le 6 mai 1987, Robert Bourassa déclare à l'Assemblée nationale que le droit de retrait avec pleine compensation donne les mêmes garanties que le droit de veto. Le Devoir, 7 mai 1987.

13.  Comme on les retrouve notamment chez Robert Décary, dans Le Québec et le lac Meech, op. cit., p. 71.

14.  « L'accord d'Ottawa ne change pas la nature du Canada: il en reconnaît la réalité. » ibid., p. 386.

15.  Andrée Lajoie, « L'impact des accords du lac Meech sur le pouvoir de dépenser », dans L'adhésion du Québec à l'Accord du Lac Meech, Montréal, Éditions Thémis, 1988, p. 164.

16.  Ibid., p. 176.

17.  Andrée Lajoie, op. cit., p. 179; Peter Leslie, dans Le Québec et le lac Meech, p. 117.

18.  S'appuyant sur le droit du peuple québécois à disposer de lui-même et sur son nécessaire accord pour qu'il y ait changement à la constitution, le gouvernement du Québec d'alors dit qu'il faut reconnaître « les deux peuples » comme « foncièrement égaux » et que le Québec forme au sein de l'ensemble fédéral canadien « une société distincte par la langue, la culture, les institutions et qui possède tous les attributs d'une communauté nationale distincte ». Pour la formule d'amendement, on demande ou un droit de veto ou le droit de retrait avec compensation. Concernant la Charte des droits et libertés, le Québec accepterait une charte qui inclurait, d'une part et sans restriction, les droits démocratiques, l'usage du français et de l'anglais dans les institutions fédérales et, d'autre part, le droit à l'égalité, les libertés fondamentales et les garanties à la langue d'enseignement pour la minorité, dans la mesure où le Québec peut faire « prévaloir ses lois dans les domaines de sa compétence ». Assemblée nationale du Québec, Journal des débats, 3e session, 32e Législature, vol. 26, nO 12, 1er décembre 198 1, p. 605.

19.  Québec, Gouvernement du Québec, Propositions d'accord constitutionnel, mai 1985, 35 p.

20.  Au lieu de tenter de composer avec la Charte des droits et libertés du Canada Bill, on préfère revendiquer la primauté de la Charte québécoise des droits et libertés. De cela découle notamment la primauté des lois québécoises dans le domaine de la langue d'enseignement et de la circulation des personnes et des biens. Pour les amendements constitutionnels aux institutions fédérales, on demande un droit de veto, pour les amendements touchant les compétences, on demande le droit de veto ou le droit de retrait avec compensation.

21.  Gérard Boismenu, « La pensée constitutionnelle de Jean Lesage », dans Jean Lesage, PUQ, 1989.

22.  La Presse, le 25 juin 1987.

23.  Pour Alliance Québec, la société québécoise est animée par une interaction dynamique « entre le caractère français prédominant du Québec, sa composante historique d'expression anglaise et sa diversité culturelle et linguistique croissante ». Le Devoir, 21 mai 1987; Le Devoir, 22 mai 1987.

24.  En effet, Alliance Québec insiste: « Chacun d'entre nous, et notamment la communauté d'expression anglaise, contribue à rendre le Québec distinct. » Ibid.

25.  Le Devoir, 27 mai 1987. Tandis que selon Georges Arès, si les provinces ne se voient pas attribuer le rôle de faire la promotion de leur minorité linguistique officielle, « les francophones albertains sont condamnés à une mort lente ». La Presse, 19 septembre 1987.

26.  C'est ainsi que Michel Bastarache, agissant comme représentant des Acadiens à une table ronde organisée par la FFHQ, déplore le « manque de volonté du gouvernement du Québec de prendre sa place comme partenaire véritable pour le développement d'un Canada où la dualité tiendra une place prépondérante ». Le Québec, poursuit-il, n'est pas intéressé à promouvoir la dualité canadienne car il y voit une menace à son poids politique et qu'il n'est pas disposé à prendre des engagements à l'égard de sa minorité anglophone. Le Devoir, 29 juin 1987. Plus tard, des représentants de l'Association canadienne-française de l'Ontario disent voir dans cet accord constitutionnel l'exclusion des Canadiens de langue française s'ils ne sont pas québécois. Le Devoir, 17 février 1988.

27.  Le Devoir, 9 avril 1988.

28.  Yves Assiniwi, du Conseil national des autochtones du Canada, déclare: « L'accord du lac Meech ne reconnaît que deux peuples fondateurs, qu'un Canada bi-linguistique, ce qui est une fausseté historique. On était là avant, on est encore là. On a participé à l'élaboration du pays, à son histoire, à ses guerres. » Le Devoir, 29 mai 1987.

29.  La Presse, 29 mai 1987.

30.  Le Devoir, 29 mai 1987.

31.  Tony Penikett, « Le Yukon rejette l'entente du lac Meech », Le Devoir, 3 juin 1987.

32.  Ibid. Aussi: La Presse, 2 décembre 1987.

33.  Le Devoir, 2 mars 1988.

34.  La Presse, 16 mai 1988.

35.  La Presse, 31 mars 1988.

36.  La Presse, 6 mars 1988; La Presse, 3 mars 1988.

37.  Le Devoir, 4 mars 1988.

38.  La Presse, 10 mai 1988.

39.  La Presse, 9 octobre 1987.

40.  Le Devoir, 27 novembre 1987; La Presse, 30 janvier 1988.

41.  La Presse, 18 mars 1988.

42.  La Presse, 17 mars 1988.

43.  La Presse, 17 mars 1988.

44.  La Presse, 18 mars 1988.

45.  Le Devoir, 23 mars 1988.

46.  À titre d'exemple: Guy Jourdain, « Nul ne peut évoquer sa propre turpitude », Le Devoir, 11 juillet 1987.

47.  Si, plutôt que d'insister sur le principe général de la promotion des minorités, les francophones hors-Québec centraient leurs revendications sur un statut égal (quant aux droits et privilèges) de l'anglais et du français au gouvernement, à l'assemblée législative, dans la rédaction des lois et des archives, devant les tribunaux et dans les communications entre les citoyens et l'administration provinciale dans toutes les provinces, ils obtiendraient des garanties explicites certainement utiles et auraient vraisemblablement l'appui spontané du gouvernement du Québec car cela ne ferait que restituer une « égalité juridique des provinces » alors que, dans le domaine, l'asymétrie constitutionnelle et le statut particulier n'a jamais vraiment gêné la classe politique canadienne-anglaise. Mais plusieurs gouvernements provinciaux autres que le Québec manifesteraient leur opposition ferme à l'égard de cette hypothèse qui aurait pour objet de rétablir, en les calquant sur la situation québécoise, les droits de la minorité linguistique.

48.  Le Devoir, 22 mai 1987.

49.  La Presse, 18 août 1987.