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La vie municipale et régionale



Guy Bourassa
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1987-1988

· Rubrique : La vie municipale et régionale



La dynamique de la vie municipale et régionale québécoise au cours des douze derniers mois, la nature des débats et enjeux qui l'ont animée, ses difficultés et ses réussites, toutes ces facettes ne prennent leur sens véritable que sous l'éclairage des principales lois qui, depuis une dizaine d'années, ont balisé l'activité du gouvernement local au Québec aussi bien en ce qui a trait au choix des leaders (loi 105) qu'aux problèmes financiers et fiscaux (loi 57) et à la mise en place des structures nouvelles ayant des objectifs élargis (lois 90 et 125).

On veut montrer ici les principaux éléments de cette dynamique, ce qui entraîne nécessairement une sélection quelque peu arbitraire, dans un dossier volumineux où seront successivement considérés ce qui a caractérisé le processus électoral, le contenu des enjeux privilégiés et les grands traits des débats qu'ils ont soulevés, quelques aspects des relations entre les gouvernements locaux et les autres paliers politiques.



1. Les élections municipales

À l'automne 1987, le tiers de la population du Québec avait à élire ses dirigeants municipaux. En effet, environ deux millions de citoyens répartis dans quelque 1000 municipalités devaient participer à cette opération tenue le 1er novembre 1987.

Dans l'île de Montréal, six villes étaient en élection: LaSalle, Outremont, Westmount, Kirkland, Senneville, Mont-Royal. Dans ce dernier cas seulement, le maire sortant décidait de ne pas solliciter un renouvellement de mandat - M, Réginald Dawson était en poste depuis plus de trente-cinq ans. Ailleurs au Québec, quinze villes comptant plus de 20 000 habitants devaient voter. Mentionnons entre autres Gatineau, Mirabel, Drummondville, Jonquière, Valleyfield., Sorel et Thetford Mines.

Avant d'examiner les principaux résultats de ces élections, rappelons la persistance d'un trait bien caractéristique de la vie politique municipale au Québec - l'absence de véritable contestation. Ainsi, après la clôture des mises en nomination, pas moins de 67 % des maires à élire, soit 620, l'ont été sans opposition. C'est surtout le fait de municipalités de petite taille. Dans la région de Montréal, 84 postes étaient contestés comparativement à 43 dans la région de Québec. Toutes proportions gardées, ce phénomène se répète dans l'ensemble du territoire québécois. À noter aussi que pour les postes à pourvoir la contestation n'est pas tellement vive, 720 candidats se disputant 305 postes.

Dans les cas où il y a eu affrontement, celui-ci n'a en général pas soulevé de débats très passionnés, ainsi qu'en fait foi un taux de participation qui 5c situe au mieux aux environs de 50 % avec quelques exceptions à la hausse, tels Valleyfield et Mirabel où la participation dépasse les 65 %, Ces choix électoraux montrent tout autant une préférence pour la continuité que des changements majeurs. Citons quelques cas significatifs.

Dans deux villes importantes de la région montréalaise, les équipes en place on été réélues. À Outremont, l'ancien ministre Jérôme Choquette obtenait une majorité plus forte qu'en~1 98 3 tout en perdant 3 sièges de conseillers sur 9. A LaSalle, le maire Leduc remportait une victoire serrée, sa majorité étant réduite au tiers de ce qu'elle était et l'un de ses conseillers défait.

Ne manquent pas par contre les cas où la configuration politique s'en est trouvée sérieusement modifiée. Encore dans la région montréalaise, Mont-Royal et Westmount illustrent bien cette situation.

Dans ces deux villes, deux femmes ont été pour la première fois élues à la mairie. Soulignons au passage la nette progression des femmes à ce poste: elle a plus que triplé en quatre ans et, fait notable, dans des villes de plus de 5 000 habitants. Aux deux cas tout juste cités s'ajoute celui de Drummondville. Ici comme à Westmount la candidate élue l'a été au détriment d'un maire bien en place.

Quatre autres villes illustrent aussi le changement survenu. À Valleyfield, un nouve'au venu remporte une victoire facile contre une ancienne mairesse avec un taux de participation remarquable, près de 70 %. À Mirabel, le maire sortant est défait et la participation est à peu près du même ordre. Le maire d'Iberville est vaincu après douze ans au pouvoir, situation qu'on retrouve à Gatineau où un nouveau candidat défait le maire en place. Une dernière remarque: si le passage de la scène municipale à la scène provinciale est plutôt fréquent, l'inverse est fort rare et seul un ancien ministre du PQ, Elie Fallu, passe de la politique québécoise à la vie locale en se faisant élire, facilement d'ailleurs, maire de Sainte-Thérèse.




2. Les principaux enjeux

De quoi les leaders locaux se sont-ils préoccupés au cours de la dernière année? Quels ont été les objets de leurs débats? On en aura une bonne idée plus loin,, en considérant leurs rapports avec les niveaux supérieurs de gouvernement. Mais examinons d'abord ce qui s'est passé au sein des deux grands regroupements de représentants municipaux, puis quelques enjeux dans les villes les plus importantes.

Pour l'Union des municipalités du Québec, qui réunit les élus de près de trois cents municipalités, deux moments ont été particulièrement significatifs.

En février 1988, elle présentait son mémoire annuel au gouvernement du Québec, mémoire où elle se définissait comme partenaire et où elle demandait à être consultée sur toute matière relevant de la politique locale.

Dans cette perspective, l'UMQ recommandait que la Table Québec-Municipalités (TQM) devienne la courroie de transmission officielle entre le gouvernement et le monde municipal. Cette table, qui se réunit tous les trois ou quatre mois, regroupe les représentants des deux unions municipales et des fonctionnaires du ministère des Affaires municipales pour discuter des dossiers importants en matière de politique locale.

Deux autres thèmes ressortent de ce mémoire. L'UMQ réclame, sujet souvent repris dans ce qui suit, un examen global et approfondi de l'actuel système d'évaluation foncière et de taxation. Puis elle souhaite que l'Assemblée nationale légifère en ce qui a trait, domaine délicat, à l'arbitrage des conventions collectives des forces policières.

En mai suivant avait lieu le Congrès annuel de l'UMQ. Cette assemblée de quelque 1500 délégués portait sur le thème général « Orchestrer une stratégie gagnante ». Par leurs réflexions, les élus municipaux visaient alors trois objectifs: améliorer l'inventaire des besoins du milieu, rendre la gestion plus efficace et, une fois de plus, définir leur statut (partenaire ou adversaire) vis-à-vis du gouvernement du Québec.

Durant ces assises, deux questions ont principalement alimenté les débats. D'abord, donner un contenu réel à la décentralisation et à l'autonomie locale en évitant aussi bien de soumettre les administrations locales au contrôle et à la tutelle des autorités québécoises que de les surcharger de responsabilités sans leur donner les moyens d'y faire face. Ce qui a conduit tout naturellement à débattre des ressources financières mises à leur disposition, c'est-à-dire du système fiscal municipal fondé sur l'évaluation foncière. De nombreuses améliorations s'imposent dans ce secteur plutôt chaotique (au Québec l'évaluation foncière relève des 1500 municipalités alors qu'ailleurs au Canada elle est du ressort des provinces) et mal ajusté aux besoins de la fin des années 80.

On notera dans ces discussions la formulation d'une solution plutôt nouvelle en milieu local mais déjà fort à la mode ailleurs: celle d'une tarification des services fournis aux citoyens.

Du côté de l'Union des municipalités régionales de comté, qui représente 1200 municipalités et la presque totalité des MRC, trois enjeux méritent d'être relevés qui rejoignent d'ailleurs des débats déjà évoqués.

L'année 1987 est celle où les 94 MRC ont terminé avec succès le premier mandat de leur courte histoire en menant à terme la mise au point des schémas d'aménagement du territoire que la loi 125 leur fixait comme objectif. C'est là une opération sans précédent dans l'histoire de la vie régionale au Québec.

Du même coup, cette étape pose un problème de taille: à quoi serviront ces schémas s'ils ne sont pas approuvés et mis en vigueur par les autorités québécoises et, d'une manière plus large, quelles peuvent être les fonctions et tâches de ces structures régionales dans l'avenir? Ici encore reviennent les thèmes de l'autonomie et de la décentralisation. Les MRC sont-elles appelées à n'être que des organismes de contrôle et de planification ou bien doivent-elles et peuvent-elles devenir d'authentiques agents de développement régional? Ces questions ont été largement débattues au congrès annuel de l'UMRCQ tenu en septembre 1987. Elles ont de nouveau amené l'attention sur les questions financières. Le gouvernement québécois a proposé une formule de financement pour cinq ans qui assure la survie des MRC comme structures. Encore faut-il qu'elles aient les moyens d'entreprendre d'autres tâches que celles d'achever le travail entrepris il y a dix ans. À cet égard, l'adoption de la loi 88 en décembre 1987 pose des jalons prometteurs en permettant aux MRC d'élargir leurs champs de compétence, ce qui va dans le sens de l'instauration d'un nouveau palier administratif. On conçoit aisément que cette évolution entraîne de vigoureuses oppositions, notamment de la part de ITMQ qui ne souhaite sûrement pas voir ses unités dépossédées de leurs prérogatives.

Enfin, la dernière année a vu resurgir un débat important et ancien dans la vie régionale, celui du zonage agricole. Rigoureusement défini par la loi 90 (votée en 1978), celui-ci paraît devoir être soumis à une assez sérieuse révision puisque 100 000 hectares pourraient être transférés des zones réservées à la culture à celles consacrées au développement industriel. Les choix qui seront faits en matière de zonage agricole auront des conséquences capitales pour les MRC aussi bien en ce qui concerne l'étendue de leurs compétences qu'à propos du type de relations qu'elles établiront avec le gouvernement québécois.

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Les changements récents au sein du système politique de Montréal éclairent à la fois des enjeux quelque peu comparables à ceux qu'on vient d'évoquer mais aussi, bien sûr, des angles nouveaux dans le débat municipal.

La deuxième année du régime Doré aura surtout été marquée par une vaste réforme administrative et la mise en place d'une politique de consultation.

Ce n'est pas au sein des forces politiques elles-mêmes que se sont manifestées des transformations significatives pendant cette période, sinon peut-être quelques soubresauts du côté du parti fondé par Jean Drapeau. Le Parti civique a connu passablement de difficultés à jouer pleinement son rôle d'opposition au conseil municipal, déchiré qu'il était par des luttes autour du leadership et confronté à la définition d'une véritable politique de rechange.

La réforme administrative qui a suivi la prise du pouvoir par le RCM avait pour but « de faire de Montréal une véritable entreprise publique de services à la population ». Il n'y a guère de projets semblables dans l'histoire des enjeux politiques municipaux au Québec. Pour donner forme à cette réorganisation, deux axes ont été privilégiés: accessibilité et consultation, restructuration de l'appareil administratif. Cette restructuration a entraîné la suppression de plusieurs services municipaux (on est passé de 21 à 12), le réaménagement de la structure hiérarchique et la demande d'un effort plus important du côté de la planification. Autant de mutations qui ne sont pas terminées.

Le volet « consultation» comporte notamment l'établissement d'un réseau d'accès par la mise en place de bureaux spécialisés dans les quartiers. Parallèlement à ces entreprises prenait forme une démarche ambitieuse, originale et susceptible de transformer la dynamique politique. Un projet de politique-cadre en matière de consultation publique à Montréal était élaboré qui allait privilégier trois instruments: la confirmation du rôle des commissions permanentes du Conseil en matière de consultation publique, l'implantation de comités-conseil pour chacun des arrondissements de Montréal, la création du Bureau de consultation de Montréal. Des audiences publiques sur les divers éléments de ce projet ont été tenues et le tout devrait déboucher sur l'entrée en vigueur, en janvier 1989, de cette politique de consultation.

Dans une perpective toute différente, la politique montréalaise des derniers mois a été alimentée par deux types d'investissements qui touchent à des enjeux capitaux en politique urbaine. En février 1988, Ottawa, Québec et Montréal annonçaient des engagements pour la relance de l'est de Montréal. Ottawa promettait 275 millions de dollars, Québec 105 millions et Montréal 90 millions sur une période de trois à cinq ans. Ces mesures, fort discutées, témoignent à leur manière de la persistance du débat sur le dynamisme, ou la faiblesse, de l'économie montréalaise, notamment face à Toronto. Du côté de la vie culturelle, mentionnons le projet d'agrandissement du musée des Beaux-Arts, au coût de 60 millions, qui représente le premier projet culturel de grande envergure à Montréal depuis des années.

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Quelques brèves données puisées du côté des deux autres villes les plus populeuses du Québec témoignent aussi de la convergence du souci de développement économique et technologique.

À Québec, on lance en mars 1988 un parc technologique, création à la fois des gouvernements, du monde des affaires et de l'Université Laval et qui se donne comme objectif d'attirer en dix ans une cinquantaine d'entreprises pour arriver à se classer parmi la trentaine de parcs oeuvrant dans le domaine de la haute technologie en Amérique du Nord.

À Laval, on met notamment en évidence une nette progression (40 % par rapport à l'année précédente) des investissements en 1987: 600 millions de dollars qui ont créé 1400 emplois. Là aussi, l'accent est mis sur le développement industriel et surtout sur la haute technologie.

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Un autre débat a relancé au cours des derniers mois un enjeu constant dans la politique urbaine au Québec: la question du logement.

Depuis plus de dix ans, 1975 plus précisément, un moratoire interdisait au Québec la conversion d'immeubles locatifs en copropriétés divises (condominiums). Le ministre des Affaires municipales avait annoncé au début de l'été 1987 son intention de lever ce moratoire et une commission parlementaire en débattait au mois d'août suivant. Le tout devait déboucher en novembre suivant sur le dépôt du projet de la loi 87, la Loi modifiant la loi sur la Régie du logement et le Code civil, qui prévoit deux situations. La conversion d'immeubles sera interdite, sauf exception, dans les municipalités de la Communauté urbaine de Montréal mais elle sera permise ailleurs au Québec. De plus, la Régie du logement, au lieu d'être abolie comme certains le souhaitaient, se voit accorder de nouveaux pouvoirs.

De vigoureuses critiques ont suivi. Bien sûr, locataires et propriétaires portèrent des jugements diamétralement opposés. On reprocha à cette mesure législative de maintenir les Québécois urbains dans leur statut de locataires. Le Barreau du Québec et la Chambre des notaires y virent même un danger d'inconstitutionnalité: en distinguant deux catégories de citoyens selon la situation géographique, le projet de loi introduit une discrimination qui pourrait aller à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés.

Quoi qu'il en soit, l'Assemblée nationale adoptait le 16 décembre 1987 cette loi qui, tout en protégeant les droits et intérêts de la majorité de la population urbaine au Québec, ne peut pourtant pas être considérée comme l'énoncé d'une politique d'ensemble en matière de logement.

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Cette revue de quelques enjeux significatifs ne peut laisser de côté l'expression chez certains dirigeants municipaux d'une préoccupation plutôt inusitée: la politique des villes dans le domaine des arts.

En septembre 1987, se tenait à Montréal une rencontre des représentants de 26 villes canadiennes intéressées à participer à un projet intitulé « Les arts et la ville ». Ces villes regroupent une population de 14 millions de citoyens dans l'ensemble du Canada et, au Québec, plusieurs villes majeures s'y associèrent, notamment Montréal, Québec, Laval, Trois-Rivières et Sherbrooke.

Élaboré pour pallier la rareté et la faiblesse des politiques culturelles proposées par les villes et l'absence d'une analyse économique des industries culturelles, le projet vise à mettre sur pied une banque de données sur la vie artistique en milieu urbain (statistiques sur les sommes consacrées aux activités artistiques et culturelles, tendances en cette matière, projection quant à l'impact des industries culturelles sur l'emploi et l'économie) et à créer un forum dans un domaine encore peu abordé par les villes.




3. Ottawa, Québec et le pouvoir local

Les relations entre ces divers paliers politiques constituent en elles-mêmes un aspect essentiel des transformations du système municipal et régional québécois. Trois événements dans l'actualité récente mettent en évidence des traits intéressants.


a) La signature dune entente fédérale-provinciale sur le développement régional

Le gouvernement fédéral avait annoncé, fin 1987, son intention de mettre sur pied des programmes de développement des régions périphériques. Le 9 juin suivant, à quelques jours d'élections complémentaires particulièrement contestées, une entente de près d'un milliard de dollars était signée par les premiers ministres Mulroney et Bourassa.

Les objectifs de cet accord s'orientent vers quelques pôles clés : développement des ressources humaines, recherche et développement technologique, renforcement des infrastructures économiques, mise en valeur des ressources naturelles et renforcement de la politique concurrentielle des entreprises par des mesures facilitant leur adaptation à l'évolution de l'économie internationale.

Plus précisément, cet investissement d'un milliard comporte deux volets. Ainsi 150 millions doivent servir à financer des ententes existantes mais pour lesquelles on n'a plus de ressources, alors que la plus grande partie des sommes envisagées, soit 820 millions (venant à peu près également des deux gouvernements), sera répartie entre les diverses régions du Québec et, dimension nouvelle, chacune aura son budget propre lié à sa propre définition des priorités.

Il va sans dire que ce nouvel épisode de l'alliance Mulroney-Bourassa a été largement critiqué par les partis d'opposition à Ottawa qui voient dans cette entente un recul par rapport aux politiques passées. Quoi qu'il en soit, n'est-ce pas là une façon de souligner encore une fois l'étroite imbrication de la politique municipale et régionale québécoise dans un débat nécessairement plus vaste ?


b) Le débat sur la fiscalité et la loi 82

Voilà sans doute une des dimensions les plus névralgiques de la dynamique locale au Québec. L'année écoulée a justement été marquée par la poursuite du débat sur la révision de la fiscalité et par quelques aménagements pour en alléger le fardeau.

Afin de bien saisir la portée des récents développements, il faut remonter d'abord au mois de mars 1987. Le ministre des Affaires municipales rappelait alors aux villes qu'elles ne devaient pas s'attendre à des transferts accrus de la part du gouvernement, non plus qu'à un élargissement de leur assiette fiscale dans un avenir rapproché; en conséquence la seule façon d'alléger le fardeau des contribuables était, disait-il, de réduire les dépenses. Ensuite il faut se reporter aux assises de la Table Québec-Municipalités (qui, rappelons-le, regroupe les principaux intervenants dans le domaine municipal) d'août 1987, où des mesures plus détaillées furent évoquées: plafonnement de l'augmentation de l'évaluation foncière et possibilité d'étaler le paiement de ces taxes.

Le tout devait culminer dans le dépôt du projet de loi no 82 en novembre 1987, projet qui fut adopté et sanctionné à la mi-décembre. Dès lors deux mesures étaient permises -. la hausse de la taxe foncière pourra être plafonnée dans environ 300 municipalités et le contribuable pourra reporter jusqu'à concurrence de trois ans le paiement d'une partie de ses taxes foncières.

Outre ces mesures précises, et plus important peut-être, il faut ajouter l'annonce, lors du dépôt du projet de loi, de la mise sur pied d'un comité technique conjoint ayant le mandat de revoir d'ici deux ans toute la fiscalité municipale et la réforme des finances locales mise en oeuvre au tout début des années 80.

À la loi 82 elle-même, les réactions furent plutôt variées. Si le maire de Montréal se dit satisfait d'un arrangement à court terme en attendant mieux, de nombreux citoyens de la région montréalaise forment le groupe Taxe Action et réclament des changements immédiats dans la politique fiscale en vigueur, notamment en matière d'évaluation.

À l'Union des municipalités du Québec, autre porte-parole des parties intéressées, on ne remet pas en cause l'évaluation foncière comme principe de base du système fiscal municipal, mais on évoque à nouveau la tarification des services et, surtout, on place ses espoirs dans le comité dont l'objectif est de réexaminer l'ensemble du dossier fiscal tout en formulant quelques amendements qui, dès l'automne 1988, pourraient améliorer quelque peu la situation.

Somme toute, un dossier qui a pris une acuité encore plus grande au cours des derniers mois et dont l'évolution est à suivre de près.


c) La tenue d'un référendum au Nouveau-Québec

Dans le cadre général de la législation électorale québécoise se déroulait à l'automne 1987 une expérience unique dans l'histoire régionale du Québec et peut-être du Canada. Pour la première fois, en effet, un peuple autochtone était appelé à effectuer une démarche d'autodétermination par la voie d'une initiative populaire.

Rappelons d'abord quelques dates. En 1975, la Convention de la Baie James et du Nord québécois reconnaissait aux autochtones une autorité et un pouvoir administratifs dans les matières qui les concernent directement. Un premier régime municipal inuit fut implanté en 1978 et, cinq ans plus tard, à l'occasion d'une commission parlementaire tenue à Québec, un consensus s'est dégagé chez les autochtones pour réclamer une plus grande autonomie dans la direction de leurs affaires. Les membres de la commission invitaient alors les Inuit du Nouveau-Québec à élaborer la forme d'administration publique qui leur permettrait de mieux gérer leur propre destinée.

Quatre autres années se sont écoulées et en février 1987 les représentants de toutes les organisations régionales et locales de ce territoire convenaient que la meilleure façon d'accéder à cette autonomie était de passer par la création d'un gouvernement régional. Il fut décidé qu'un groupe de travail serait créé pour élaborer la constitution qui fonderait ce gouvernement. C'est sur la composition de ce groupe de travail qu'un débat important s'est engagé: ses membres devaient-ils être nommés et financés par les organismes existant au Nouveau-Québec, ou bien était-il préférable qu'ils soient élus par l'ensemble de la population de la région concernée et financés par une taxe spéciale ? Pour trancher cette question, on décida de recourir à la procédure du référendum et en juin 1987 l'Assemblée nationale demandait au Directeur général des élections du Québec d'assurer la préparation et la tenue d'une telle consultation.

On conçoit aisément que la mise en place des mécanismes nécessaires sur un territoire aussi vaste avec une population très dispersée posait des problèmes tout à fait particuliers. La campagne référendaire, la diffusion de l'information, la formulation de la question référendaire, la création de « comités parapluies » pour chacune des deux options, ces diverses opérations prévues par la législation québécoise s'échelonnèrent au cours de l'été 1987. En fin de compte, le référendum avait lieu le 1er octobre 1987.

La liste des inscrits comprenait environ 3 500 électeurs répartis en quinze bureaux de vote et le taux de participation fut de 61 %. La lutte fut particulièrement serrée puisque l'option qui l'emporta, celle qui défendait le principe selon lequel l'ensemble des citoyens devait élire et financer le groupe qui avait à élaborer la constitution et la structure du gouvernement régional, ne l'emporta que par une majorité de 127 voix sur les 2 091 exprimées, soit un appui de 53 % pour l'ensemble des votants.

Bien sûr, il s'agit d'une population restreinte et d'un cas bien particulier, mais il n'est pas exagéré de voir dans cette opération à la fois une réussite authentique dans la mise en place de mécanismes démocratiques au niveau régional et, peut-être pour l'avenir, une expérience qui pourrait servir de modèle à d'autres consultations sur les enjeux locaux.




Conclusion

Somme toute, la dernière année dans le monde municipal n'aura pas été exceptionnelle, marquée de coups d'éclat. Elle aura plutôt été une période de transition qui confirme certains traits tout en soulignant des axes où les transformations sont en voie de devenir urgentes.

Quelques acquis d'envergure méritent d'être rappelés. Vient d'abord la consolidation du processus électoral malgré des lacunes évidentes, notamment en ce qui concerne le choix des dirigeants scolaires. Ce processus régit plusieurs centaines d'entités municipales et amène quelques centaines de milliers de citoyens à aller voter. Puis il faut prendre acte de l'ampleur et de la profondeur du débat municipal et régional: les thèmes sont multiples et se renouvellent en même temps que s'élargit le nombre de ceux qui y prennent part dans des structures variées. Enfin, les échanges sur la nature même et les fonctions d'un gouvernement régional ont pris une dimension nouvelle avec l'achèvement des schémas d'aménagement par les MRC.

C'est pourtant du côté de ce qui est en voie de prendre forme qu'il faut attirer l'attention avant de conclure, comme nous y invite d'ailleurs le débat autour des MRC. Quel est l'avenir des structures municipales et régionales, quelles tâches et quels moyens leur confiera-t-on? La question se pose tout autant en milieu rural que dans les zones fortement urbanisées, pour les municipalités régionales de comté et pour les communautés urbaines. À ce propos, la réflexion en cours sur la fiscalité est à surveiller de près. Au-delà des aménagements et correctifs, arrivera-t-on à formuler une véritable politique municipale et régionale au Québec? Voilà, à part les aspects strictement financiers, comment se pose le problème crucial de la place du local dans le système politique du Québec.

Ce qui précède montre à l'évidence que ce sont là des enjeux continuellement présents au cours de la dernière année et qui continueront d'être débattus dans celle qui vient.