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Le mouvement syndical



Jacques Rouillard
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1987-1988

· Rubrique : Le mouvement syndical



Probablement avec un brin d'ironie, le premier ministre Bourassa, à l'occasion de la fête du Premier Mai 1988, félicite les dirigeants syndicaux pour « le climat harmonieux qui prévaut dans le domaine des relations de travail ». C'est, à son avis, un des facteurs qui explique la relance économique du Québec depuis son accession au pouvoir1 ] . Il va sans dire que le climat social a considérablement changé par rapport aux années 70, à l'époque de ses deux premiers mandats comme chef du gouvernement. Traversée par un fort mouvement de contestation, la société québécoise était alors en pleine ébullition. Qu'on se rappelle la crise d'Octobre, la montée de l'idée d'indépendance, les manifestations qui tournent souvent à la violence, le premier front commun des secteurs public et parapublic, l'emprisonnement des trois présidents des centrales syndicales, la hausse importante du nombre de grèves, etc. Quand il fait un retour sur ces événements, le premier ministre Bourassa doit trouver le Québec d'aujourd'hui bien calme et les problèmes auxquels il est confronté d'une gravité toute relative.

Dans les années 70, les centrales syndicales étaient au coeur du mouvement de contestation sociale2 ] . La Révolution tranquille ayant aiguisé les attentes des travailleurs et travailleuses, le militantisme syndical s'affirmait avec une vigueur sans précédent. Particulièrement à cause de l'organisation des secteurs public et parapublic, le taux de syndicalisation passait de 30,5 à 37,5 % de 1961 à 1973, et on assistait à une augmentation spectaculaire du nombre de conflits de travail, trois fois plus nombreux dans les années 70 que dans la décennie précédente3 ] . Et surtout, les centrales radicalisaient leur critique sociale à partir de l'idée de lutte de classes et proposaient le socialisme démocratique. Grâce à la vigueur de son action, le syndicalisme influençait fortement les pouvoirs publics, si bien que ses revendications modelaient largement l'orientation sociale.



Contraction du syndicalisme

La situation change radicalement dans les années 80. Plusieurs indices permettent de relever un affaiblissement important de la capacité des syndicats de protéger les travailleurs et d'influer sur l'orientation socio-politique. Le phénomène ne se confine pas au Québec: tout le mouvement syndical occidental subit un recul sur de nombreux fronts.

Cependant, contrairement à d'autres pays occidentaux, particulièrement les États-Unis, il n'y a pas au Québec de chute marquée du taux de syndicalisation. Pendant la récession de 1981-1982, il s'est maintenu à 35 %, puis a atteint environ 38 % des employés rémunérés (1983-1985), surtout parce que la main-d'oeuvre a augmenté à un rythme très faible4 ] . Pour l'année 1987, on ne dispose pas encore de données précises, mais il y a tout lieu de croire que le niveau de présence syndicale accuse une légère diminution5 ] . A mesure que de nouveaux emplois sont créés, on verra se manifester les effets des facteurs lourds de désyndicalisation, soit la diminution du volume de main-d'oeuvre dans le secteur manufacturier traditionnellement bien syndiqué, et les difficultés d'organisation des secteurs générateurs de nouveaux emplois. Depuis le début des années 60, les emplois croissent uniquement dans le secteur tertiaire, parmi les cols blancs affectés à des tâches administratives et parmi les employés de commerce et de services divers. Ne pouvant plus compter, comme au cours des deux dernières décennies, sur le secteur public pour recruter de nouveaux adhérents, les centrales doivent se tourner vers les employés du tertiaire privé, difficiles à organiser à cause de la petite taille et de la dispersion des entreprises (commerce de détail, restauration, institutions financières). L'expansion du travail à temps partiel qui fleurit dans ce secteur complique également la tâche des organisateurs syndicaux. Si le contexte ne change pas, on peut prévoir à court terme une diminution du taux de syndicalisation.

Précisons ici que la répartition des syndiqués entre les centrales syndicales varie peu au cours des dernières années. Regroupant des sections d'unions internationales et des syndicats affiliés aux grandes fédérations pancanadiennes des secteurs public et privé (Syndicat canadien de la fonction publique, Syndicat canadien des travailleurs du papier, Alliance de la fonction publique du Canada, etc.), la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) représente l'organisation syndicale la plus importante avec 43,8 % des syndiqués québécois en 1985 (425 000 membres). La Confédération des syndicats nationaux (CSN), avec la moitié de ses membres dans le secteur public, suit avec 21,5 % des syndiqués (211017). Surtout formée d'enseignants, la Centrale de l'enseignement (CEQ) représente 10% des syndiqués (97 586), alors que la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) en compte 4,1 % (39 885)6 ] . Recrutant bon nombre de ses membres dans le secteur manufacturier, la CSD voit ses effectifs régresser en chiffre absolu au cours des dernières années.

L'affaiblissement du syndicalisme se vérifie dans la difficulté de mobiliser des syndiqués pour défendre leurs conditions de travail. Depuis 1982, le nombre d'arrêts de travail diminue, tout comme le nombre de jours-personnes perdus par 100 salariés, indice qui chute de moitié par rapport à la décennie antérieure7 ] . On note un élément tout aussi révélateur du renversement du rapport de force dans les relations de travail, soit une remontée significative de la proportion de lock-out par rapport aux grèves dans les conflits de travail; les employeurs sont responsables du quart des arrêts de travail (24,7 %)8 ] . Plusieurs entreprises tentent de revenir sur des concessions faites au cours des années antérieures. C'est le cas, par exemple, des lock-out à The Gazette et à la compagnie de transport Voyageur en 1987-1988. Même s'il n'a pas fait l'objet d'un arrêt de travail, le conflit chez Steinberg à l'été 1988 est significatif du climat qui règne dans les relations de travail: sous la menace de fermer ses magasins et de vendre ses actifs, la compagnie réussit à faire accepter à ses employés un recul substantiel en matière de conditions de travail9 ] . Le haut taux de chômage force souvent les syndicats à la défensive lors du renouvellement des conventions collectives. Craignant de perdre leur emploi, les attentes syndiquées sont modestes et la capacité de résistance des employeurs s'en trouve renforcée.

Par ailleurs, même s'il n'a plus la force d'antan, le syndicalisme est davantage pris à partie dans l'opinion publique. Un sondage Gallup montre, en février 1988, que pour le tiers des Canadiens (les Québécois ne se distinguent pas vraiment) les syndicats constituent encore une menace plus sérieuse que les grandes entreprises et un gouvernement fort10 ] . L'idée est largement répandue dans la population que les syndicats ne se soucient que des intérêts immédiats de leurs membres, au détriment des plus démunis et du bien-être général de la société. Pour leur part, les analystes prêchent la bonne entente et la collaboration entre les employeurs et les employés, tout en invitant les syndicats à changer leur mode d'intervention. L'affrontement ne serait plus de mise puisque les patrons sont davantage soucieux des besoins et des aspirations des travailleurs et travailleuses. Et surtout, il ne faudrait pas mettre en danger, par des demandes exagérées, la capacité concurrentielle des entreprises alors que le commerce s'internationalise et que la compétition se fait plus forte. Il en résulterait du chômage et un appauvrissement général de la société québécoise. Les syndiqués subissent l'influence de ce genre d'analyse diffusé par les médias d'information.

Ayant du mal à mobiliser leurs membres, les centrales syndicales (FTQ, CSN, CEQ) ont dû modifier leur discours et leur stratégie. Même si la tendance sociale dominante prône actuellement un retour aux lois du marché, on ne trouve plus de condamnation globale du système capitaliste comme dans les années 70. De même, la réflexion sur le socialisme comme alternative sociale s'est interrompue et on ne discute plus du projet de fonder un parti des travailleurs. La tendance actuelle est plutôt de s'en tenir davantage aux préoccupations concrètes des syndiqués et de proposer des solutions pragmatiques. C'est ainsi que la FTQ met sur pied en 1984 le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, fonds qui injecte du capital de développement dans des entreprises québécoises. Ses investissements dans plus d'une cinquantaine d'entreprises ont permis, selon l'organisme, le maintien ou la création de 13 000 emplois à la fin de 198811 ] . Préoccupée par l'absence de régime de retraite chez bon nombre de syndiqués, la CSN lance, dans la même veine, en 1987, Bâtirente, un régime enregistré d'épargne-retraite géré par la SSQ, mutuelle d'assurance.

Les questions professionnelles retiennent aussi davantage l'attention, et les syndiqués sont plus sensibles qu'auparavant à l'amélioration de leurs conditions de travail. Les considérations économiques prennent largement le pas sur les revendications politiques plus globales. Ainsi, la CEQ multiplie les colloques et forums: sur les nouvelles technologies, l'apprentissage du français, l'enseignement collégial, etc. La nouvelle présidente de la centrale, Lorraine Pagé, élue par acclamation au congrès de juin 1988, place en tête de ses orientations l'insistance sur la vie professionnelle pour mieux coller aux préoccupations des syndiqués et assurer à la CEQ une plus grande crédibilité à l'extérieur de ses rangs12 ] . Ce discours nouveau tranche sur celui de la CEQ des années précédentes.

Le retour aux valeurs professionnelles touche aussi d'autres groupes de syndiqués ayant un haut niveau de scolarité. Les infirmières ouvrent la voie dans cette direction lors des négociations des secteurs public et parapublic en 1986. Soutenant que leur salaire ne correspondait pas à la valeur de leur travail, les trois fédérations d'infirmières, négociant à une table commune, obtiennent un règlement supérieur à celui consenti aux autres salariés. Quelques mois plus tard, elles fusionnent en une seule fédération, la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (39 000 membres), qui, pour obtenir d'autres correctifs du gouvernement, lance une vaste campagne de publicité axée sur le caractère professionnel de leur tâche.

Les succès de la stratégie suscitent l'envie d'autres groupes professionnels. En mai 1988, les techniciens de la santé forment la Centrale des professionnels de la santé, dont les membres déclenchent un arrêt de travail illégal de deux jours et demi en juin 1988. Faisant valoir que leur formation, leurs responsabilités et leurs compétences sont équivalentes à celles des infirmières, ils réclament le même rattrapage salarial13 ] .

À l'intérieur de la CSN, plusieurs syndicats de professionnels et d'enseignants sont tentés par l'idée de fédérations autonomes. En novembre 1987, la Fédération des professionnels salariés et cadres (3 000 membres) vient bien près de quitter la centrale parce que ses membres se sentent perdus dans ses rangs et que leurs priorités ont peu de poids lors des négociations avec les autres fédérations du secteur public. Sévèrement touchés par les coupures de salaire du gouvernement en 1982, les professionnels n'ont pas l'impression que la négociation14 ] de 1986 a vraiment amélioré leur situation Pour les mêmes raisons, une dizaine de syndicats d'enseignants de cégeps (3 000 membres) abandonnent la centrale en mai 1988 dans l'intention de fonder une fédération indépendante. Ils se plaignent que leurs priorités se perdent dans des négociations en commun et que leur présence est peu valorisée15 ] . Les professeurs de l'UQAM affiliés à la CSN sont aussi tiraillés par l'idée de retrouver leur indépendance ou de se regrouper avec d'autres associations16 de professeurs d'universités16 ] .

En filigrane, on peut sentir que ces hauts salariés ont l'impression d'avoir fait les frais depuis plusieurs années du discours égalitaire des fronts communs des secteurs public et parapublic pour réduire les écarts entre hauts et bas salariés. Et sans qu'on y fasse allusion directement, l'accent mis par la CSN dans les prochaines négociations du secteur public sur la restructuration des salaires entre les hommes et les femmes ne leur sourit probablement guère, car cette revendication les touche peu et est même susceptible de compromettre leur rattrapage salarial. En se regroupant en fédérations homogènes, ils espèrent, comme les infirmières, mettre en évidence leur compétence professionnelle, redorer leur blason aux yeux de l'opinion publique et justifier de meilleures conditions de travail.

Même entre centrales syndicales, l'appel à l'unité n'a plus le même écho que dans les années 70. Pour la première fois, en effet, la ronde de négociations des secteurs public et parapublic en 1988-1989 se fera sans les syndicats de la FTQ (45 000 syndiqués) qui acceptent, en juin dernier, l'offre du gouvernement de prolonger d'un an leur convention collective. À la CSN et à la CEQ, les syndicats rejettent la proposition en arguant qu'ils ne peuvent reporter la solution de problèmes sérieux comme l'équité salariale pour les femmes et la précarisation des emplois. A la FTQ, on juge préférable d'attendre un an de plus pour mieux étayer le dossier de l'équité salariale17 ] . Déjà, à la ronde de négociations de 1986-1987, la dissension entre les centrales avait fait avorter, pour la première fois depuis 1972, la formation d'un front commun. La CSN avait manifesté peu d'enthousiasme pour le recréer et les enseignants avaient refusé à la CEQ le mandat d'y participer18 ] . Même s'il n'y avait pas eu de table commune de négociation, on avait réussi néanmoins à se concerter sur des objectifs minimaux. Ce ne sera plus possible à la prochaine ronde de négociations puisque les syndicats FTQ font bande à part. Il est à craindre que dans l'avenir leurs conventions collectives se terminent à un moment différent du reste des syndicats, empêchant ainsi toute action commune. Le geste marque un pas de plus dans l'effritement du sens de l'unité chez les syndiqués; il reflète la montée des intérêts particuliers au détriment de l'idée de solidarité commune.




Les solutions néo-conservatrices

Les revers du mouvement syndical depuis le début des années 80 s'insèrent dans, un contexte social plus large, où les rapports de force entre groupes sociaux se modifient et où de nouvelles valeurs affectent le dynamisme syndical. Tout a changé avec la récession de 1981-1982 (le plus important recul économique depuis la crise de 1929), qui a vu le Produit intérieur brut chuter de 4,4% (en terme réel) et le taux de chômage officiel atteindre 13,8 % en 198219 ] . Résultat d'une politique monétaire adoptée par la Réserve fédérale américaine et la Banque du Canada pour juguler l'inflation, la récession a effectivement fait chuter les prix, mais sans que le taux de chômage connaisse une baisse correspondante (9,7 % en juillet 1988). Non seulement la récession a-t-elle entraîné la fermeture de plusieurs usines et la mise à pied de milliers de salariés, mais elle a aussi érodé les aspirations des travailleurs et travailleuses et affaibli les syndicats dans l'entreprise et la société. En fait, cet événement marque un tournant par rapport aux deux décennies antérieures, caractérisées par de fortes attentes des salariés et un haut niveau de militantisme.

La récession s'accompagne aussi d'une remontée de popularité du libéralisme classique, présenté comme seul capable de ramener la prospérité économique. Défendu par le patronat, repris dans les médias et inspirant les hommes politiques, ce néo-conservatisme, comme on l'appelle, prône un retour à l'individualisme et aux forces du marché. Les difficultés économiques actuelles seraient le résultat d'un État trop interventionniste, accusé de limiter le dynamisme des individus et de freiner la libre entreprise. L'allégement des contraintes de l'État se traduira, promet-on, par le retour à la prospérité avec dans son sillage la création d'emplois et la hausse du niveau de vie. Aux prises avec le chômage et des déficits budgétaires importants, les gouvernements occidentaux, avec à leur tête les États-Unis et la Grande-Bretagne, se sont ralliés à cette opinion et ont proposé un train de mesures pour réduire le rôle de l'État dans les domaines économique et social.

Pour le mouvement syndical qui a fait traditionnellement de l'État la pierre angulaire de son projet de société, la douche s'avère particulièrement froide. Comme nous le verrons, tout un ensemble de politiques qui lui étaient chères sont abandonnées ou révisées à la baisse par les gouvernements fédéral et provincial.

La diffusion des idées néo-conservatrices affecte aussi plus insidieusement la solidarité syndicale, car elle dévalorise l'action collective en mettant l'emphase sur l'excellence individuelle. L'action syndicale, avance-t-on, nivelle vers la médiocrité et brime les potentiels individuels. L'amélioration du sort des salariés dépend avant tout de l'effort de chacun et de la qualité du travail. Les employeurs sauront reconnaître et récompenser les travailleurs compétents et consciencieux. Dans le même esprit, l'individualisation des rapports entre les salariés et leur patron que sécrètent les nouveaux modes de gestion de personnel (cercles de qualité, qualité de vie au travail, etc.) s'insère dans cette philosophie, quoiqu'elle puisse comporter aussi des éléments positifs pour les travailleurs. Toujours est-il que ce nouvel environnement marqué par l'individualisme contribue à démobiliser les syndiqués.

En outre, s'ajoute un sentiment de lassitude et d'impuissance chez de nombreux syndiqués fatigués des affrontements et des luttes antérieurs. Des entrevues menées par le CEQ auprès de 250 enseignants et enseignantes, en novembre 1987, illustrent leur désillusion. Tout en suggérant à la centrale d'abandonner son discours conflictuel, les syndiqués demandèrent des négociations avec le gouvernement davantage centrées sur l'essentiel, plus brèves et qui valoriseraient l'activité et la profession d'enseignant. Même s'ils se disent très insatisfaits de leurs conditions de travail, ils tiennent à éviter toute confrontation et préconisent des moyens de pression différents, plus « doux » que la grève20 ] . Menée auprès d'une catégorie de syndiqués ayant démontré dans le passé un haut niveau de militantisme, l'enquête est révélatrice du nouvel état d'esprit qui règne dans de nombreux syndicats.




Des reculs en milieu de travail

Ébranlé par un contexte économique et social défavorable et ayant du mal à mobiliser ses membres, le mouvement syndical n'assure plus aussi bien la protection des syndiqués. Que ce soit au chapitre de la rémunération, des conditions de travail ou de la qualité de l'emploi, les travailleurs et travailleuses, syndiqués ou non, subissent des reculs.

Malgré la reprise économique depuis 1983, les salariés accusent une perte de pouvoir d'achat. Pour les 5 dernières années, en effet, la croissance de la rémunération hebdomadaire moyenne se situe à 4 % par année pour l'ensemble des salariés et à 3,2 % pour les syndiqués (conventions collectives de 500 salariés et plus), pendant que les prix à la consommation accusent une augmentation de 4,7 %. Au cours de la même période, la croissance économique permet une hausse du Produit intérieur brut de 4,5 % par année en terme réel21 ] . Non seulement les salariés ne participent pas aux fruits de l'enrichissement collectif de la société québécoise, mais ils subissent une diminution relative de leur revenu. Les syndicats y ont une part de responsabilité ; ils ne réussissent pas à contraindre les entreprises à mieux rémunérer leurs employés.

Les salariés pourraient se consoler à la pensée que l'expansion économique se traduit par de nouveaux emplois et une réduction du chômage. Effectivement, plus de 300 000 emplois ont été créés depuis 5 ans, dont 100 000 uniquement en 1987. Ce n'est pas suffisant cependant pour réduire significativement le taux de chômage qui demeure à un niveau élevé: 10,6 % en 1987 avec une pointe de 14,9 % chez les jeunes de 15 à 24 ans. La plupart de ces emplois (72,8 %) sont créés dans le secteur des services à l'exclusion de l'administration publique (commerce, finances, services socio-culturels)22 ] . Une étude de Statistique Canada révèle que le tiers de tous les emplois créés au Canada entre 1981 et 1986 paient des salaires de 5,25 $ ou moins. Et cette tendance atteint toutes les catégories d'emploi, dans les services comme dans les industries23 ] . Pas étonnant que de plus en plus de familles aient besoin de deux revenus pour boucler leur budget.

Également bon nombre des nouveaux emplois appartiennent à la catégorie des emplois précaires (temps partiel, occasionnels, temporaires), qui sont instables, mal protégés et mal rémunérés. Pour réduire les coûts de main-d'oeuvre et s'assurer plus de flexibilité dans l'organisation de la production, les employeurs y recourent de plus en plus fréquemment. C'est ainsi que depuis 10 ans la part de l'emploi à temps partiel dans l'emploi total a doublé, passant de 7,5 % à 13,5 %24 ] . Si on y ajoute les emplois occasionnels, saisonniers et contractuels, c'est plus de la moitié des salariés qui se retrouvent sans emploi permanent25 ] . Il va sans dire que certaines catégories d'employés (femmes au foyer ou étudiants par exemple) peuvent préférer le travail à temps partiel, mais c'est loin d'être le cas de la majorité des salariés.

Pour diminuer leurs coûts de main-d'oeuvre, même les employeurs des secteurs public et parapublic font de plus en plus appel au travail précaire. Dans le réseau de la santé et des services sociaux, la majorité des employés en 1984 n'ont pas le statut d'employés permanents (54 %), et on retrouve près du cinquième des membres de la CEQ en 1985 dans cette catégorie d'emploi, une proportion grandissante au cours des dernières années26 ] . Les syndicats tentent tant bien que mal de maintenir le niveau des postes permanents et de les protéger par des clauses spécifiques dans les conventions collectives. Mais les tendances actuelles nous orientent vers deux catégories d'emploi: les uns syndiqués et permanents avec de bonnes conditions de travail, les autres temporaires, mal rémunérés et sans protection.

Et encore faut-il relativiser la situation des travailleurs syndiqués qui font face à une offensive patronale pour réviser à la baisse leurs conditions de travail. Dans le but d'améliorer leur position concurrentielle ou de faciliter l'implantation de nouvelles technologies, de nombreux employeurs tentent d'obtenir des concessions visant à assouplir la description des tâches et à réduire les coûts des clauses à incidence salariale27 ] . La flexibilité recherchée entre les emplois s'avère souvent nécessaire pour permettre l'introduction de nouveaux équipements, mais elle est l'occasion pour les employeurs de déclasser les emplois et de restreindre le pouvoir des travailleurs sur le processus de production. Cette question fut un enjeu central dans le conflit de 11 mois à Marine Industrie en 1984-1985 et lors du lock-out de 7 mois des pressiers à The Gazette en 1987-1988.

Au cours des dernières années, les syndicats ont aussi à composer avec des formules qui comportent des pertes salariales comme la désindexation, les régimes participatifs liés aux profits ou les montants forfaitaires non intégrés à l'échelle. Dans un certain nombre de conventions, on note l'introduction d'échelles salariales différentes, moins généreuses évidemment, pour les employés après une certaine date (4 % des conventions collectives, selon la CSN28 ] ). Les ententes chez Steinberg, Provigo et Air Canada prévoient de telles clauses qui se répandent aux États-Unis. Signe des temps et révélateur du caractère défensif des positions syndicales, le bilan des relations de travail dressé par le ministère du Travail en 1986 et 1987 révèle qu'au plan normatif les questions pour lesquelles les parties ont manifesté le plus d'intérêt concernent la classification des emplois, les mouvements du personnel, la sous-traitance et la sécurité d'emploi29 ] .




Libre-échange, privatisation et déréglementation

Auprès des gouvernements, le mouvement syndical n'a plus la même crédibilité que dans les années 70, alors qu'il influençait fortement le. développement social. La vogue des solutions inspirées du discours néo-conservateur heurte de plein fouet les fondements de son orientation sociale. Les gouvernements fédéral et provincial adoptent depuis 1982 un ensemble de politiques qui s'inscrivent dans ce courant idéologique, même s'ils s'en défendent en prétendant être guidés par le seul pragmatisme. Il est vrai cependant que le virage effectué au Québec et au Canada n'a pas l'ampleur de celui opéré aux États-Unis et en Grande-Bretagne. On assiste aussi depuis peu à un ralentissement des réformes imprégnées par cette philosophie. Mais en 1988 le discours et les actions des gouvernements sont encore fortement teintés d'idées allant dans le sens d'un désengagement de l'État: privatisation et déréglementation, retour aux lois du marché. La reprise économique depuis 1983 les confirme dans la justesse de leur orientation, d'autant plus que les sondages, du moins en ce qui touche le gouvernement du Québec, montre un taux élevé de satisfaction des électeurs.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, le mouvement syndical a supporté les méthodes keynésiennes de stabilisation de l'économie car elles se mariaient bien à son projet social-démocrate. Les travailleurs faisant les frais d'une croissance chaotique de l'économie, il plaisait aux centrales que l'État en atténue les effets grâce à ses politiques fiscales et monétaires. Mais cette stratégie économique s'est avérée incapable de vaincre l'inflation galopante des pays occidentaux pendant les années 70. Dans la mouvance du courant néo-conservateur, ce sont des mesures inspirées de politiques monétaristes, mises en place d'abord aux États-Unis, qui ont assaini le développement économique. Depuis 1982, elles gouvernent les politiques économiques des pays occidentaux pendant que les idées keynésiennes de régulation de l'économie sont tombées dans le discrédit. La trop grande intervention de l'État, fait-on valoir, a un effet paralysant sur le développement économique; seul un retour à un fonctionnement plus libre des forces du marché permettra la prospérité. Ces idées vont évidemment à l'encontre du projet de société social-démocrate où l'État joue un rôle capital afin d'assurer à la fois l'équité sociale et le développement économique. Pour les centrales syndicales, il y a toute une pente à remonter afin de convaincre les gouvernements de changer d'orientation.

Après son élection en septembre 1984, le nouveau gouvernement conservateur à Ottawa se laisse gagner par des solutions néo-conservatrices pour réduire son énorme déficit. Le rapport du comité Nielsen, formé pour revoir les programmes et les services fédéraux, lui trace la voie à suivre en prônant la déréglementation, la privatisation et le recours à la sous-traitance. Ordonnant à la Corporation de développement du Canada de vendre la plupart de ses actifs au secteur privé, le gouvernement redéfinit en début de mandat le rôle de l'agence de tamisage des investissements étrangers dans un but non de contrôler mais d'attirer des capitaux étrangers30 ] . Ayant promis pendant la campagne électorale de ne pas toucher aux grands programmes sociaux canadiens, il se permet cependant de désindexer partiellement les allocations familiales (il fait volte-face dans le cas des pensions de sécurité de la vieillesse). Craignant par la suite que sa popularité ne chute encore plus bas dans les sondages, le débat sur la pertinence de l'universalité des programmes sociaux ne dépasse pas le stade des discussions, et il met sur les tablettes le rapport de la commission Forget chargé de trouver les moyens pour réduire les coûts de l'assurance-chômage. Toutefois, la réforme de la fiscalité annoncée en juin 1987 pour que notre régime soit concurrentiel avec celui des États-Unis se situe dans le courant conservateur, car elle réduit la progressivité et l'équité fiscale. Au total, la réforme de l'impôt sur le revenu sera plus avantageuse pour les contribuables à revenu élevé et la nouvelle taxe à la consommation frappera davantage les contribuables à revenu faible et moyen.

Au Québec, le nouveau gouvernement libéral élu en décembre 1985 affiche clairement ses couleurs en jouant « la carte de l'entreprise privée », « clé de voûte de notre développement économique ». L'État providence et l'État entrepreneur sont dépassés; il faut faire confiance au secteur. privé et épauler l'entrepreneurship. « C'est finalement, lit-on en introduction de son programme, dans l'initiative et la créativité individuelle que nous puiserons notre véritable force collective31 ] . » Les deux seuls nouveaux ministères créés au lendemain de l'élection, un pour la privatisation et l'autre pour la déréglementation, démontrent bien les priorités gouvernementales, tout comme d'ailleurs la formation de trois comités d'études, en janvier 1986, l'un sur la déréglementation, l'autre sur la privatisation et le troisième sur la révision des fonctions et des organisations gouvernementales. Deux d'entre eux sont présidés par des ministres (Pierre Fortier, Paul Gobeil), l'autre par un député (Reed Scowen), et ils sont surtout composés de représentants du monde des affaires.

Leurs rapports rendus publics en juillet 1986 créent tout un émoi; Le comité Fortier recommande de privatiser dix sociétés publiques alors que le comité Scowen propose d'alléger sensiblement la réglementation y inclus, comme nous le verrons, le domaine des lois du travail. Enfin, dans un rapport de 35 pages, le comité Gobeil recommande notamment la disparition d'une centaine d'organismes gouvernementaux, dont la Commission de protection de la langue française et la Régie du logement, de même que la privatisation de Radio-Québec et de certains centres hospitaliers. Embarrassé par l'ampleur des réformes proposées, surtout celles du rapport Gobeil, le premier ministre Bourassa admet qu'un gouvernement doit tenir compte d'autres dimensions que la seule « efficacité », mais reconnaît que les recommandations rejoignent le programme du parti dans le sens d'une réduction de la taille de l'État32 ] . Devant l'inquiétude suscitée par les rapports (les centrales syndicales réagissent vivement), le gouvernement se fait par la suite plus prudent dans ses réformes, surtout pour éviter d'être trop identifié au seul monde des affaires. Il n'en reste pas moins cependant que ses politiques demeurent encore gouvernées par des intentions néo-conservatrices.

Au cours des deux dernières années, la question du libre-échange avec les États-Unis domine les débats au sein des centrales syndicales. Devenues le principal lieu d'opposition à cette politique, la FTQ, la CSN et la CEQ forment, en octobre 1986, avec l'Union des producteurs agricoles, une coalition québécoise d'opposition au libre-échange. Influencé par l'idée sous-jacente de l'effet bénéfique d'éliminer une entrave aux forces du marché et par crainte aussi de mesures protectionnistes américaines, le premier ministre Mulroney conclut avec le président Reagan, en janvier 1988, après de longues négociations, une entente de libéralisation des échanges entre le Canada et les États-Unis. Les deux pays s'engagent à éliminer progressivement les droits de douane entre eux et à assouplir leurs règles d'investissement, d'achat préférentiel et de vente de produits énergétiques. Pour le gouvernement fédéral, appuyé par celui du Québec, l'ouverture du marché américain contribuera sensiblement à la croissance de l'économie, des revenus et de l'emploi au Canada.

En revanche, les syndicats y voient beaucoup de dangers: ils craignent que l'accord, loin de se traduire par la création d'emplois, signifie la perte d'emplois, surtout dans le secteur manufacturier, et que les gouvernements, sous les pressions patronales, harmonisent graduellement les programmes sociaux, la fiscalité et la législation du travail avec le modèle américain33 ] . En contrepartie, ils suggèrent des ententes commerciales sectorielles avec les États-Unis et des efforts du gouvernement en vue de diversifier nos exportations vers d'autres pays.

Les syndicats, qui ont davantage marqué de leur influence les sociétés canadienne et québécoise, appréhendent que l'entente ne marginalise leur poids et que l'individualisme américain remplace un sens social plus développé de ce côté-ci de la frontière. Historiquement, en effet, les gouvernements au Canada ont été plus interventionnistes qu'aux États-Unis dans le domaine économique, plus généreux dans leurs programmes sociaux et plus ouverts pour faciliter la syndicalisation. La position des syndicats serait probablement différente si l'accord était signé avec la Suède ou l'Autriche plutôt qu'avec le plus capitaliste des États industriels.

Les syndicats combattent aussi le mouvement de privatisation des sociétés d'État dans lequel se sont engagés activement les gouvernements depuis leur élection. Au nom de l'efficacité et aussi pour soulager les fonds publics, le gouvernement fédéral s'est départi des Arsenaux canadiens, de De Havilland, de Canadair, de Téléglobe Canada et Air Canada (partiellement). Le gouvernement qué écois procède lui aussi à toute une série de privatisations -le Manoir Richelieu, la Raffinerie de sucre du Québec, Québecair, SOQUEM (partielle), Donohue, Madelipêche, etc. Tout en reprenant les mêmes arguments que ceux invoqués par le fédéral, on fait valoir aussi que la création de société d'État pouvait se justifier pour des motifs nationalistes à l'époque de la Révolution tranquille, mais que le développement d'une nouvelle classe d'entrepreneurs francophones au Québec permet au secteur privé de prendre la relève34 ] .

Les centrales syndicales rétorquent que les sociétés d'État sont indispensables pour orienter le développement économique dans l'intérêt de la majorité et pour renforcer le développement de certains secteurs industriels35 ] . Il faut ajouter que plusieurs entreprises d'État comptent bon nombre de syndiqués qui appréhendent qu'une privatisation ne se traduise par des coupures de personnel et une baisse de rémunération. C'est ce qui est arrivé aux ex-employés de Québecair, en grève pour cette raison pendant six mois en 1987, et à ceux du Manoir Richelieu dont le conflit prend de vastes proportions en 1987-1988. Rappelons les faits.

En fin de mandat, le gouvernement du Parti québécois, touché lui aussi par le mouvement de privatisation, décide de vendre le Manoir Richelieu à Pointe-au-Pic, qu'il a acquis, en faillite, neuf ans auparavant, pour éviter sa fermeture complète et la perte de centaines d'emplois. Le cahier des charges, préparé par la firme Price Waterhouse pose plusieurs conditions au futur acheteur (plan de développement, interdiction de vendre les oeuvres d'art et de modifier le style architectural, etc.), y inclus, du moins dans la première version, l'obligation de respecter les conditions découlant de la présence du syndicat. Une intervention ministérielle fait disparaître cette exigence dans la seconde version, pour éviter probablement de rebuter un éventuel acheteur36 ] .

Peu avant les élections, le Conseil du Trésor recommande l'acceptation de l'offre de Raymond Malenfant, propriétaire de la chaîne Motels Universel, ce qui est entériné par le Conseil des ministres du nouveau gouvernement libéral en décembre 1985. Apprenant dans les journaux que le Manoir est sur le point d'être vendu, la présidente du syndicat, Louiselle Pilote, demande au ministre par lettre, en janvier 1986, d'inclure dans le contrat une clause obligeant le propriétaire à reconnaître le syndicat, son accréditation et sa convention collective. M. Malenfant refuse l'addition à l'offre de vente et le contrat est signé le 16 avril 1986. De même, il repousse toute rencontre avec les représentants du syndicat affilié à la CSN, qui compte alors plus de 300 membres, surtout des femmes, et se met à embaucher du personnel à des conditions inférieures à celles accordées par la convention collective.

Les ex-employés organisent alors du piquetage à l'entrée du Manoir et occupent l'établissement pendant quelques heures en octobre 1986. Des actes de vandalisme sont aussi commis au Manoir et à la propriété de M. Malenfant à Sainte-Foy. Ce dernier affirme que le Manoir fonctionne normalement et nie tout conflit, alléguant « qu'il a acheté une bâtisse, pas ses 307 employés ni son syndicat37 ] ». Les ex-employés seraient prêts à renoncer à toutes les clauses de l'ancien contrat dans la mesure où l'employeur respecterait l'ancienneté et reconnaîtrait le syndicat.

Le conflit prend l'avant-scène de l'actualité avec la mort de l'époux d'une gréviste, Gaston Harvey, malmené par la police à l'occasion d'une manifestation d'appui aux syndiqués en octobre 1986. Le président de la CSN, Gérald Larose, accuse alors la Sûreté du Québec « d'avoir tué » Gaston Harvey; l'enquête du coroner Sansfaçon établira que la cause du décès est accidentelle, liée à une prise de cou d'un des policiers de la Sûreté du Québec. Le gouvernement nomme alors un conciliateur spécial, Raymond Leboeuf, qui se bute, comme la médiation de l'ex-député Raymond Mailloux auparavant, à l'obstination du propriétaire de ne pas reconnaître le syndicat, ce à quoi le contrat signé, dit-il, ne l'oblige aucunement.

À mesure que le conflit prend de l'ampleur, la CSN s'engage plus à fond du côté des grévistes: campagne de financement pour les travailleurs et travailleuses,. manifestations d'appui, boycottage de la chaîne Motels Universel. Des médias présentent le conflit comme une lutte entre la toute puissante CSN et un dynamique entrepreneur qu'elle veut ruiner. L'opinion publique et la population de Charlevoix se rangent majoritairement du côté du propriétaire du Manoir.

En 1987, pour forcer Raymond Malenfant à la négociation, la CSN accentue ses moyens de pression qui vont malheureusement se tourner contre elle en ternissant son image. En février, la campagne de publicité prévue en Ontario et aux États-Unis pour discréditer le Manoir Richelieu et la chaîne Motels Universel est aussitôt perçue comme une campagne pour nuire à l'industrie touristique de Charlevoix et même à celle de tout le Québec. Les avocats de l'hôtelier Malenfant obtiennent une injonction de la cour supérieure, maintenue par la cour d'appel du Québec, pour interdire le projet. La centrale doit rebrousser chemin.

En mai, une bombe éclate au motel Universel de Chicoutimi, causant des dommages mais sans faire de blessés. Informée par un délateur à la solde des Services canadiens de renseignements de sécurité, la police arrête cinq permanents de la CSN impliqués dans le conflit du Manoir Richelieu. Les actes d'accusation font aussi état de la planification d'autres attentats à la bombe contre les établissements de Raymond Malenfant. Reconnaissant leur culpabilité, ils plaident avoir agi dans un geste désespéré parce que les moyens de pression pacifiques ont échoué38 ] . La crédibilité de la centrale subit d'autres durs coups quand le nom du président de la CSN est évoqué pour avoir conspiré avec les accusés et surtout quand plusieurs policiers de la Sûreté du Québec, sous l'oeil des caméras des médias, fouillent ses bureaux à Montréal et à Québec.

Depuis ce temps, la centrale se fait plus discrète dans ses interventions: elle met son espoir dans un jugement à venir de la Cour suprême qui établira si le nouvel employeur doit respecter l'accréditation syndicale comme le prévoit la loi, et ce même si l'ancien employeur n'est pas le gouvernement mais un sous-traitant. La décision doit être rendue incessamment. Lors des privatisations ultérieures, le gouvernement tiendra mieux compte des droits des employés. Il n'a pas su cependant corriger l'injustice commise envers les ex-travailleurs du Manoir en 1985-1986.

À l'origine de plusieurs nouvelles lois, le mouvement de déréglementation représente une autre tendance que les syndicats ont combattue au cours des deux dernières années. Sous l'influence des milieux d'affaires, les gouvernements s'appliquent à alléger la réglementation économique et sociale qui, disent-ils, décourage l'initiative, affaiblit la concurrence et impose des coûts supplémentaires aux entreprises. Dans un contexte d'internationalisation de l'économie, il s'impose, croit-on, de restreindre l'intervention étatique pour accroître la compétitivité des entreprises québécoises. Dans le domaine du travail, le rapport Scowen propose l'assouplissement de la loi de la santé et de la sécurité au travail, l'établissement du salaire minimum à un niveau comparable à celui des principales provinces canadiennes, des restrictions importantes aux mesures anti-briseurs de grève, la levée des obstacles à la sous-traitance, l'abolition des décrets d'extension juridique des conventions collectives, des modifications au règlement de placement dans la construction et l'exclusion du secteur résidentiel39 du décret de la construction39 ] .

Au grand dam des syndicats, certaines de ces mesures sont retenues par le gouvernement libéral. Pour pallier les rigidités notées dans l'industrie de la construction, le gouvernement adopte, en décembre 1986, une première loi (l 19) ouvrant ce secteur à tous les travailleurs compétents sans égard à l'ancienneté, et une autre (31), en juin 1988, soustrayant la rénovation domiciliaire du décret de la construction. Dans le même esprit, le ministre du Travail, Pierre Paradis, refuse toujours à l'été 1988 de renouveler les décrets régissant les conditions de travail de 150 000 travailleurs et travailleuses, largement des non-syndiqués. Événement inusité, une manifestation de protestation organisée par la FTQ, le 7 juin 1988, réunit aussi plusieurs patrons qui craignent que l'absence de décrets n'engendre la concurrence entre eux pour faire baisser les salaires40 ] . Le gouvernement se rend finalement à leurs doléances et renouvelle les décrets à l'automne.

Au chapitre des dispositions anti-briseurs de grève, qui irritent au plus haut point le patronat, le premier ministre déclare en 1987 qu'il n'y touchera pas par crainte de compromettre la paix sociale. Il n'est pas question non plus de légiférer pour faciliter la syndicalisation comme le propose le rapport Beaudry, rendu public en janvier 1986 (Commission consultative sur le travail et sur la révision du Code du travail, formée en 1985). Le monde syndical accueille le rapport avec sympathie, tandis que le ministre du Travail le remise aussitôt sur les tablettes car il ne correspond pas à la philosophie du Parti libéral.

Il est une mesure cependant qu'il retient car elle est conforme au programme du Parti, soit celle d'instituer une Commission des relations du travail pour déjudiciariser les relations de travail et réduire les délais. Le projet de loi, qui ne change rien de fondamental dans l'équilibre des parties, se heurte toutefois à l'opposition du patronat et des syndicats. Modifié, il reçoit finalement l'aval de la FTQ et est adopté en décembre 1987 (loi 30)41 ] .




Autres sujets de friction

L'analyse des rapports entre les syndicats et les pouvoirs publics au cours des deux dernières années mériterait qu'on s'attarde à plusieurs autres sujets. Pour éviter d'être trop long, nous n'en retenons que trois: l'adoption de lois spéciales de retour au travail, la réforme de l'aide sociale et l'accord du lac Meech.

Depuis l'accession au pouvoir des libéraux à Québec et des conservateurs à Ottawa, les syndicats des secteurs public et parapublic sont soumis à des lois spéciales de retour au travail beaucoup plus fréquemment qu'antérieurement. S'appuyant sur une opinion publique largement défavorable à l'exercice du droit de grève dans les services publics, le gouvernement du Québec met fin au débrayage des cols bleus de la ville de Montréal en mars 1986 et à celui des ouvriers de la construction, après seulement une journée de grève, le mois suivant. En mai 1987, il suspend le droit de grève des employés d'entretien de la STCUM avant qu'ils ne l'exercent (ils refusent d'assurer les services essentiels) et vient bien près de voter une sévère loi spéciale pour forcer le retour au travail des chauffeurs d'autobus qui assurent pourtant les services essentiels42 ] . Le même mois, il met fin à la grève des chargés de cours de l'UQAM car elle risque de compromettre la session des étudiants. Au palier fédéral, le gouvernement est tout aussi empressé d'en finir avec les arrêts de travail: les employés du rail sont contraints de rentrer au travail après cinq jours de débrayage en août 1987, et les postiers après une semaine de grèves tournantes en octobre de la même année. Plusieurs de ces groupes de syndiqués, reconnus dans le passé comme très militants, n'osent pas transgresser la loi.

La négociation des secteurs public et parapublic au Québec en 1986 fait aussi l'objet d'une loi spéciale (160) d'une sévérité sans précédent: fortes amendes, perte d'ancienneté, suspension de la retenue syndicale à la source et réduction du traitement des contrevenants. Adoptée pour faire respecter la loi 37 touchant les services essentiels dans le réseau de la santé et des services sociaux, elle survient après une journée de débrayage des employés de la FTQ et à la veille du déclenchement de journées de grève par les syndicats de la Fédération des affaires sociales (CSN). À la mi-décembre, le gouvernement bonifie ses offres qui sont finalement acceptées par tous les groupes de syndiqués.

Cette ronde de négociations donne lieu à des affrontements moins marqués qu'au cours des rondes précédentes. La sévérité de la loi 160 y est pour beaucoup, tout comme la difficulté de mobiliser les syndiqués. Ainsi, les syndiqués de la FAS participent peu aux votes de grève et la CEQ n'obtient même pas des enseignants et enseignantes des commissions scolaires un mandat de grève limité43 ] . Dans les circonstances, les offres gouvernementales révisées apparaissent « raisonnables » malgré les coupures de 1982 et les faibles augmentations de salaires consenties par la suite. L'Institut de recherche et d'information sur la rémunération dévoile pendant la négociation que les employés du secteur public touchent en 1985 des salaires inférieurs de 10 à 14 % à ceux du secteur privé pour des emplois comparables44 ] . C'est un renversement des tendances par rapport à la fin des années 70, où les études gouvernementales montraient des écarts de rémunération globale favorables aux syndiqués du secteur public45 ] .

La réforme de l'aide sociale représente un autre sujet de préoccupations des syndicats, même si elle ne concerne pas directement leurs membres. Dès son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement libéral s'emploie à revoir les programmes d'aide sociale car ils sont coûteux et, à son avis, ils incitent peu à la réinsertion sur le marché du travail. Le programme du parti prévoit aussi la parité d'aide sociale pour les jeunes de moins de 30 ans qui doivent se contenter de prestations bien inférieures à celles de leurs aînés.

Devant le document d'orientation sur l'aide sociale présenté à l'Assemblée nationale en décembre 1987, le gouvernement et le patronat, d'un côté, les centrales syndicales et les groupes d'assistés sociaux de l'autre, font entendre deux sons de cloche différents, fondés sur des philosophies sociales opposées. Affirmant que le chômage chez les personnes aptes au travail est principalement le résultat de carences individuelles, les premiers déduisent qu'il faut les inciter à retourner au travail en réduisant les barèmes actuels d'aide sociale. Pour bénéficier des prestations plus élevées, ces personnes devront améliorer leur employabilité en participant à des programmes de réinsertion au travail (stages en milieu de travail, travaux communautaires, retour aux études)46 ] . Selon les centrales CSN et FTQ, les assistés sociaux, victimes d'un manque chronique d'emplois, ne sont pas responsables de leur sort. C'est aux gouvernements de se donner une politique vigoureuse de plein emploi pour réduire le chômage. On craint aussi que la faiblesse des salaires prévus selon les programmes de retour au travail ne crée une réserve de main-d'oeuvre à bon marché et n'exerce une pression à la baisse sur l'ensemble des conditions de salaire et de travail au Québec47 ] . Les syndicats n'ayant pas réussi à faire broncher le gouvernement en commission parlementaire au printemps 1988, le projet de loi est adopté à la session d'automne en reflétant la philosophie gouvernementale.

L'accord du lac Meech constitue une autre source de frustration pour les centrales syndicales. En juin 1987, le premier ministre Mulroney et les dix premiers ministres des provinces ratifient un accord où le Québec, en échange de sa signature à l'entente constitutionnelle de 1981, obtient notamment un statut de société distincte, l'obligation pour le fédéral de choisir trois des neuf juges de la Cour suprême au Québec et une compensation financière quand le gouvernement fédéral mettra en place un programme national dans un champ de compétence provinciale.

De l'avis des centrales syndicales (FTQ, CSN, CEQ), qui revendiquent depuis le début des années 60 une très large autonomie du Québec et qui ont appuyé le camp du.« oui » au référendum de 1980 (sauf la CEQ qui est restée neutre), l'entente ne représente pas un minimum suffisant pour que le Québec puisse se développer selon ses aspirations, Tout en reprochant au gouvernement du Québec son empressement à signer l'accord sans que le sujet fasse l'objet d'un débat populaire, on fait valoir que les conditions posées sont en deçà des revendications traditionnelles du Québec, que le pouvoir fédéral de dépenser n'est pas assez balisé, que la notion de « société distincte » demeure très floue et que la protection de la langue française se trouve affaiblie par l'engagement pris de protéger le caractère bilingue du Canada48 ] . Faisant front commun avec les groupes nationalistes, les trois centrales ne réussissent cependant pas à susciter un mouvement populaire d'opposition à l'accord. Depuis la récession économique de 1981, la mobilisation demeure tout aussi difficile sur le plan national que social.

*    *    *

Comme nous l'avons démontré, le syndicalisme québécois est entré dans une phase de contraction depuis le début des années 80. Dans l'entreprise, il a du mal à assurer la protection de ses membres, et son influence sociale s'est érodée aussi bien auprès des gouvernements que de l'opinion publique. Ce recul survient après deux décennies de progrès spectaculaires où les objectifs de la Révolution tranquille recoupaient largement les attentes des centrales syndicales. La récession de 1981-1982 et la persistance d'un haut niveau de chômage sapent les aspirations des syndiqués tout en rendant leur mobilisation beaucoup plus ardue. Le sens de la solidarité chez les travailleurs et les travailleuses s'émousse sous l'effet d'un mélange d'individualisme et de sentiment d'impuissance.

Ce n'est pas la première fois que le syndicalisme québécois est forcé à la défensive; les années 20, 30 et 50 ont aussi été caractérisées par des reculs encore plus significatifs. Comme l'histoire de tout mouvement social, celle du syndicalisme est faite d'alternance de périodes d'expansion et de contraction. Il n'est pas exclu que la tendance sociale actuelle change de direction d'ici peu. Certains signes peuvent le laisser penser: les demandes d'augmentations de salaires commencent à dépasser le taux d'inflation, les solutions néo-conservatrices n'ont plus l'audience d'antan auprès des pouvoirs publics et la diminution des déficits gouvernementaux, du moins en pourcentage du P.I.B., permet de porter davantage attention aux questions sociales (aide à la famille, services de garde d'enfants). Quoi qu'il en soit, le syndicalisme québécois en 1987-1988 reste encore sous les effets de la récession survenue au début de la décennie: les attentes des syndiqués sont faibles et l'orientation de la société demeure marquée par des solutions conservatrices. Le climat social et celui des relations de travail s'en trouvent plus calmes, comme le notait le premier ministre Bourassa à l'occasion de la fête du Premier Mai 1988. Cette conjoncture a peut-être contribué à la croissance économique du Québec, mais elle n'a pas permis aux syndiqués et aux travailleurs salariés en général de profiter des fruits de cette prospérité.




Note(s)

1.  Le Devoir, 2 mai 1988.

2.  Voir à ce sujet notre volume Histoire du syndicalisme québécois. Des origines à nos jours, Montréal, Boréal, 1989, p. 287-465.

3.  J.K. Eaton, Croissance du syndicalisme dans les années soixante, Travail Canada, 1976, p. 19; BFS, Loi sur les déclarations des corporations et des syndicats ouvriers, (CALURA), 1973 (71-202) -, BFS, Estimations du nombre de salariés par province et par industrie, 1961-1976 (72-008). Concernant les grèves: Travail Canada, Grèves et lock-out au Canada, 1961-1981.

4  BFS, Loi sur les déclarations des corporations et des syndicats ouvriers (CALURA), 1983-1985 (71-202). Concernant les travailleurs salariés: BFS, Moyennes annuelles de la population active, 1983-1985 (17-529).

5.  Le ministère québécois du Travail établit à 40,7 % le taux de présence syndicale en 1987 (Les relations de travail en 1987, p. 20, supplément de Le marché du travail, janvier 1988). Les données québécoises, basées sur des sources différentes de celles du fédéral (salariés visés par une convention collective), ont tendance à surévaluer les effectifs syndicaux car elles incluent tous les salariés visés par une convention collective, qu'ils soient ou non membres d'un syndicat (voir Le marché du travail, décembre 1985, p. 78-89).

6.  BFS, Loi sur les déclarations des corporations et des syndicats ouvriers (CALURA), 1985, (71-202). Pour la FTQ, la donnée nous a été fournie par la centrale.

7.  Nombre de jours-personnes perdus annuellement par 100 salariés: 1971-1980: 134,7; 1981-1987; 65,4 (compilation personnelle à partir de: Travail Canada Grèves et lock-out au Canada, 1971-1985; Le marché du travail, mai 1988, p. 73; BFS, Estimations du nombre de salariés par province et par industrie, 1961-1982 (72-008); BFS, La population active, 1982-1985 (71-001); Les relations de travail en 1987, p. 22, supplément de Le marché du travail, janvier 1988, p. 22).

8.  Le marché du travail, avril 1983, p. 49; mai 1984, p. 69; mai 1985, p. 70; mai 1986, p. 84; mai 1987, p. 80; mai 1988, p. 80.

9.  La Presse, 19 mai 1988; 30 mai 1988; 21 juin 1988; 28 juin 1988.

10.  Grandes entreprises: 17%; gouvernement fort: 38% (La Presse, 15 février 1988).

11.  Solidarité, Bulletin d'information du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, décembre 1988, p. 3.

12.  La Presse, 27 juin 1988.

13.  La Presse, 21 mars 1987.

14.  Le Devoir, 24 novembre 1987 -,26 novembre 1987; Nouvelles CSN, 11 décembre 1987.

15.  Le Devoir, 19 mai 1988; La Presse, 21 mai 1988.

16.  Le Devoir, 12 juillet 1988.

17.  Nouvelles CEQ, 24 mai 1988; Le Devoir, 3 juin 1988.

18.  CEQ, Bilan de la ronde de négociations, 1985-1987, juin 1987.

19.  Québec, Budget 1987-1988, Discours sur le budget et renseignements supplémentaires, 1987, Annexe E, p. 18.

20.  CEQ, Faire l'école aujourd'hui. Synthèse d'entrevues de groupes d'enseignants et d'enseignantes, 1988, p. 39 et 43.

21.  Les relations de travail en 1987, p. 53, supplément de Le marché du travail, janvier 1988.

22.  Le marché du travail, avril 1988, p. 10.

23.  Le Devoir, 17 novembre 1988.

24.  Le marché du travail, avril 1988, p. 69.

25.  La commission Beaudry établissait en 1981 cette catégorie d'emploi à 49,4% des salariés. La proportion est sûrement plus élevée de nos jours, après la récession de 1981 et la hausse du chômage (Le Travail. Une responsabilité collective, Rapport final de la Commission consultative sur le travail et la révision du code du travail, Québec, Direction générale des publications gouvernementales, 1985, p. 49). Voir le dossier sur la flexibilité du travail et de l'emploi dans Interventions économiques, 19 (printemps 1988), p. 35-184, et G. Breton et C. Payeur, « La face cachée des cent mille emplois », La Presse, 28 juin 1988.

26.  FTQ, Pour une société à notre mesure, Document de travail, XXe congrès de la FTQ, 30 novembre-4 décembre 1981, p. 12; CEQ, La précarisation de l'emploi: identification du phénomène, note de recherches, décembre 1987, p. 19.

27.  FTQ, Pour une société à notre mesure, op. cit.,p.20; CSN, Pour un avenir à notre façon, Rapport du comité exécutif, 54e congrès de la CSN~ 6-12 juin 1988, p. 41. Voir aussi G. Ferland et G. Bellemare, « Nouvelles stratégies patronales de gestion et leurs impacts possibles sur les conditions de travail », dans Pour aller plus loin. Les Actes de colloque CSN sur les relations de travail, CSN, 1988, p. 45-92.

28.  CSN, Pour un avenir à notre façon, op. cit., p. 39.

29.  Le marché du travail, janvier 1988, p. 49.

30.  R.B. Byers (ed.), Canadian Annual Review of Politics and Public affairs, 1984, Toronto, University of Toronto Press, 1987, p. 33.

31.  Parti libéral du Québec, Maîtriser l'avenir. Programme politique, février 1985, P. 1.

32.  Le Devoir, 9 juillet 1986; La Presse, 21 juin 1986.

33.  La coalition québécoise d'opposition au libre-échange, Danger libre-échange, 1987,57 p.; L'entente Mulroney-Reagan. On y perdrait au change, Document de formation, mai 1988, 86 p. ; Le Devoir, 31 mars 1987.

34.  De la Révolution tranquille... à Pan deux mille, Rapport du Comité sur la privatisation des sociétés d'État, juin 1986, p. 103-104.

35.  FTQ, Privatisation, déréglementation, sous-traitance. Nous ne sommes pas dupes, Colloque de la FTQ, 20-21 septembre 1986, p. 24-27; CSN, Pour un avenir à notre façon, op. cit., p. 62.

36.  Le Devoir, 25 février 1987. Notre historique est largement tiré de Michelle Dufresne, « Le conflit au Manoir Richelieu », Bulletin du Regroupement des chercheurs en histoire des travailleurs québécois, hiver 1989 (à venir).

37.  La Presse, 31 mai 1987.

38.  Le Devoir, 31 décembre 1987.

39.  Rapport final du groupe de travail sur la déréglementation, Réglementer moins et mieux, juin 1986, 292 p.

40.  Le Monde Ouvrier, mai 1988.

41.  Le Devoir, 10 décembre 1987; 17 décembre 1987.

42.  Le Devoir, 7 mai 1987; 11 mai 1987.

43.  Le Devoir, 17 octobre 1986.

44.  Institut de recherche et d'information sur la rémunération, État et évolution des salaires, avantages sociaux et conditions de travail des salariés des secteurs public et parapublic par rapport à ceux des autres salariés québécois, novembre 1986, p. XI et XII.

45.  Lucien Bouchard, « Le régime québécois de négociation des secteurs public et parapublic. À quand la maturité? », Relations industrielles, 37, 2, 1982, p. 415.

46.  Le Devoir, 1er mars 1988.

47.  Le Monde Ouvrier, février 1988; Nouvelles CSN, 29 février 1988: Le Devoir, 24 février 1988; FTQ, Mémoire de laFTQ présenté devant la Commission des affaires sociales chargée d'étudier le document intitulé: «Pour une politique de sécurité du revenu », 18 *mars 1988, 56 p.; CSN, Mémoire de la CSN à la commission parlementaire sur le document d'orientation: « Pour une politique de sécurité du revenu », janvier 1988, 70 p.

48.  Le Devoir, 21 mai 1987; 28 mai 1987; CSN, Pour un avenir à notre façon, Rapport des activités sous la responsabilité des membres de l'exécutif, Congrès de juin 1988, p. 205-206; CEQ, Mémoire à la Commission de l'Assemblée nationale sur l'entente du lac Meech, 20 mai 1987, 22 p.; FTQ, L'accord du lac Meech. Positions de la FTQ devant la Commission parlementaire des Institutions, 20 mai 1987, 12 p.; CSN, Mémoire de la CSN à la Commission parlementaire des Institutions, mai 1987, 19 p.