accueilsommairerubriques

Les relations internationales du Québec: la marque d'un déterminisme économique



Panayotis Soldatos
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1987-1988

· Rubrique : Les relations extérieures





I. En guise d'introduction: une paradiplomatie dans la voie d'un nouveau souffle

En 1987-19881 ] , la paradiplomatie2 ] québécoise n'a pas connu de rupture d'orientations ou d'articulations extérieures de partenaires. Évoluant dans un climat de fédéralisme de coopération, épousant de plus en plus la thèse de l'interdépendance internationale (globale et nord-américaine) complexe, attaché à l'ancrage dans la francophonie, souhaitant une certaine privatisation des rôles en relations internationales et assistant à l'éclosion progressive d'une paradiplomatie municipale, le gouvernement du québec a navigué, durant cette période, entre les États-Unis et le monde, sans ruptures par rapport au passé, ni « découplages » par rapport à la diplomatie canadienne.

Dès lors, s'il y a changement, il est quantitatif plutôt que qualitatif: c'est l'accentuation des rôles et des positions plutôt que le changement de cap qui domine.

En effet, la multiplication des missions et visites à l'étranger, la réaffirmation de l'attachement dynamique aux partnerships internationaux d'hier (francophonie, Europe occidentale, Asie-Pacifique, etc.) et au processus de rapprochement nord-américain d'aujourd'hui, la valorisation du déterminisme économique, l'engagement pour une politique de défense des droits de l'homme sont des ingrédients de base de la politique extérieure3 ] du Québec en 1987-1988. On les retrouvait déjà l'année précédente et, même, ils se situent dans la foulée des orientations de la première moitié des années 80 (avec, certes, des différences d'accent et de dosage)4 ] .

Là où il y a, toutefois, changement dont les retombées pourraient s'avérer qualitatives5 ] , c'est au niveau de la rationalisation institutionnelle de la paradiplomatie québécoise, par la création du nouveau ministère des Affaires internationales (à consacrer par l'adoption, prévue pour l'automne 1988, d'une loi sur la fusion du ministère des Relations internationales et de celui du Commerce extérieur).

Il s'agit là d'une politique de rationalisation, dans la mesure où l'on souhaite remédier à la fragmentation horizontale de la politique extérieure québécoise, celle créée par l'existence de deux ministères distincts (des Relations internationales et du.Commerce extérieur) qui revendiquent des rôles similaires - depuis la valorisation du déterminisme économique -, à savoir le développement d'une paradiplomatie québécoise prioritairement axée sur la promotion de nos relations économiques avec le reste du monde. À ce propos, nous connaissons les tiraillements fonctionnels qu'il y a eu, dans le passé, entre les appareils des deux ministères, « exportés » même à l'étranger, au sein de nos bureaux et délégations. Le nouveau ministre des Affaires internationales, Paul Gobeil, les rappelle dans sa déclaration à l'occasion de sa nomination:

« Le changement (par la loi 42) sera radical puisque, jusqu'à maintenant, le Québec avait plusieurs voix à l'étranger: une pour la culture, une pour l'immigration, trois pour le commerce avec les ministères du Commerce extérieur, de l'Industrie et du Commerce et du Tourisme. Il s'agissait de voix que les délégués du Québec à l'étranger ne pouvaient faire toujours chanter à l'unisson, faute d'avoir autorité sur les conseillers économiques, commerciaux, culturels qui émargeaient aux budgets de leurs ministères respectifs6 ] . »

Cette déclaration évoque, du reste, l'ensemble de la fragmentation horizontale, celle qui va au-delà des tiraillements entre les deux ministères avant la fusion et qui renvoie à l'existence de plusieurs ministères ayant une activité internationale. Désormais, l'institutionnalisation, par la loi, du rôle de supervision du nouveau ministère de toutes les actions québécoises à l'étranger et ceci indépendamment de leur sphère d'application (culture, immigration, technologie, etc.) ainsi que le leadership de contrôle, de coordination, d'harmonisation et d'orientation des rôles et des politiques qu'exercera le Comité interministériel des affaires internationales présidé par le ministre des Affaires internationales réduiront cette fragmentation7 ] .

Devant cette image globale de changements dans la continuité, nous proposons d'ordonner nos développements sur quatre niveaux de réflexion: l'esquisse des traits dominants du profil de la paradiplomatie québécoise en 1987-1988 (11); l'examen de l'approche dite de quatrième option de cette paradiplomatie (111); la démarche, en conclusion, de mise en relief des faiblesses de la paradiplornatie québécoise ainsi que des axes suggérés pour sa rationalisation (IV).




II. Les traits dominants du profil de la paradiplomatie québécoisee en 1987-1988: dépolitisation et privatisation partielle des rôles

En 1987-1988, le gouvernement du Québec a déployé une politique extérieure qui s'inscrit dans le sillage de l'année précédente et dont les traits dominants sont: la poursuite d'un double processus de dépolitisation (ou de désidéologisation) de l'action extérieure de la province et d'insertion progressive, encore que partielle, dans les canaux des relations transnationales (privatisation partielle des rôles).

- la dépolitisation comporte la volonté d'inscrire l'action internationale du Québec dans un schéma d'harmonie avec la diplomatie et les politiques fédérales, de dissiper tout soupçon de velléités politiques internes dans le recours à l'activité externe, de privilégier les champs de « low politics » (économie, technologie, culture, environnement, etc.) dans l'interaction internationale, et d'y donner priorité aux relations économiques internationales.

- la privatisation des rôles - même partielle -indique la volonté de favoriser une plus grande participation du secteur privé et des intervenants socio-économiques québécois dans la promotion des objectifs de politique internationale de la province ainsi que l'intensification des contacts du gouvernement du Québec avec les milieux d'affaires étrangers.

Quoique accentués en 1987-1988, ces traits existaient déjà avant et on les retrouve même dans la phase post-référendaire du gouvernement du Parti québécois. En effet, le document du ministère des Relations internationales, Le Québec dans le monde ou le défi de l'interdépendance: énoncé de politique de relations internationales, paru en 1985, illustre bien ce processus de « reciblage » de la paradiplomatie québécoise pour ce qui est du cadre de politique, des secteurs, des champs et des régions d'intervention, des instruments et des moyens de mise en oeuvre de ladite politique internationale.

Dans cette analyse de l'année 1987-1988 en matière de politique extérieure québécoise, nous examinerons ces traits en corrélation avec les facteurs de contexte qui les sous-tendent, à savoir: le nouveau contexte des relations fédérales-provinciales; celui de l'interdépendance croissante dans les relations internationales; celui des tendances quant à l'évolution des rôles, en politique extérieure, des unités fédérées au sein des sociétés industrielles avancées8 ] .


A. Le nouveau contexte des relations fédérales-provinciales

L'accord du lac Meech du 3 juin 1987 a, entre autres, renforcé le climat de « détente-entente-coopération » caractérisant les relations Ottawa-Québec. Déjà engagés dans l'approche du « fédéralisme coopératif », le gouvernement fédéral du Parti conservateur et le gouvernement québécois du Parti libéral ont vu dans cette entente la consécration d'un rapprochement qui ne pouvait qu'avoir des retombées sur la paradiplomatie québécoise aux traits qui suivent.

1. Une paradiplomatie de « low politics », sous-tendue par un déterminisme économique

S'il est vrai que le gouvernement du Parti québécois avait souvent insisté - surtout dans la période postréférendaire - sur les motivations de « low politics » de sa politique extérieure, il n'en reste pas moins que, aux yeux du gouvernement fédéral, surtout des Libéraux, une ambiguïté persistait dans la coexistence d'une action de bon gouvernement (action interne et internationale) et d'un projet politique national9 ] . Aussi toute action extérieure du gouvernement du Parti québécois comportait-elle pour le gouvernement fédéral libéral des ingrédients de politisation, soit sur le plan des objectifs « soupçonnés », soit, le plus souvent, sur le plan des effets réels d'une visibilité politique internationale dont bénéficiait la province. Ce qui compte, à ce propos, c'est la perception fédérale de la réalité de la paradiplomatie québécoise et de ses effets plutôt que la réalité elle-même10 ] .

Or, le dialogue plus harmonieux amorcé par l'arrivée à Ottawa d'un gouvernement conservateur et confirmé par l'accord du lac Meech renforçait la crédibilité de l'approche de « low politics » du gouvernement libéral du Québec en politique extérieure.

Cette approche trouve ses fondements dans le discours politique et les actions internationales du Québec en 1987-1988. Nous en relevons ci-après les principaux éléments.

a) Dans un discours en février 1988, le premier ministre Robert Bourassa réaffirmait que

« le Québec n'a pas de politique étrangère mais qu'il s'intéresse toujours aux relations internationales. C'est ce qui lui permet [ ... ] de concilier le droit constitutionnel - en tant qu'État fédéré - et la pratique »11 ] .

b) Le discours inaugural du lieutenant-gouverneur, M. Gilles Lamontagne, assignait comme grands objectifs au ministère, alors projeté, des Affaires internationales

« le développement des programmes de coopération12 ] , le renforcement de l'aide aux entreprises12, cherchant à conquérir de nouveaux marchés, ainsi que la recherche d'investissement12 à l'étranger et la consolidation et l'élargissement de nos rapports, en particulier avec la France et le monde francophone »13 ] .

c) Le Sommet de la francophonie, tenu à Québec les 2, 3 et 4 septembre 1987, permettait de constater l'emphase mise par le Québec sur la portée économique privilégiée de ce cadre de coopération. La communauté linguistique et culturelle de la francophonie devrait être un instrument et une condition favorable de coopération économique plutôt que de repli sur le socio-culturel, un

« outil efficace, selon le ministre Gil Rémillard, pour enlever le défi de la modernité dans les domaines économique, technologique, commercial et culturel14 ] ». Car, toujours selon le ministre, « le Sommet de Québec nous a démontré qu'il ne saurait y avoir de développement équilibré à long terme d'un espace francophone si celui-ci ne repose pas sur des bases économiques vivantes15 ] ».

d) La présidence par le premier ministre Robert Bourassa du deuxième volet des travaux du Sommet, celui portant sur la coopération et le développement, ainsi que les propositions du Québec sur la dette internationale et la coopération en matière énergétique comme aussi son intérêt prioritaire dans les cinq grands réseaux de coopération au sein de la francophonie (agriculture, énergie, communication et industries16 ] culturelles, information scientifique et développement technologique, industries16 ] de la langue17 ] ) soulignent cette orientation de « low politics », cette « domestication18 ] » de la politique extérieure québécoise.

e) Les prises de positions successives - relevées plus loin - favorables au libre-échange canado-américain témoignent d'une approche de déterminisme économique cherchant à protéger l'acquis économique des relations de la province avec les États-Unis et à créer un cadre intégratif pour leur dynamisation ultérieure19 ] .

f) Dans la même ligne d'accent sur le « low politics » et de déterminisme économique dans nos actions de relations internationales, nous mentionnons, ci-après, plusieurs visites et missions à l'étranger ou rencontres internationales « ciblées » sur la promotion de nos intérêts économiques.

- Visite du premier ministre Robert Bourassa aux États-Unis (Michigan), durant l'été 1987, à l'occasion d'une rencontre canado-américaine de gouverneurs américains et de premiers ministres canadiens, axée sur l'agriculture, l'énergie et les investissements dans la perspective d'un libre-échange canado-américain.

- Visite toujours du premier ministre du Québec à Washington, en septembre 1987, pour rencontrer des experts et examiner certains aspects particuliers du dossier de libre-échange.

- Visite du premier ministre en Louisiane, en novembre 1987, pour participer au congrès de la National Association of Regulatory Utility Commissioners et effectuer des rencontres sur des sujets économiques20 ] .

- Visite du premier ministre en Californie en vue de promouvoir des liens de coopération technologique et plus généralement économique avec ce puissant État de l'Ouest américain.

-Visite du premier ministre à New York pour des discussions à caractère économique avec le gouvernement Cuomo et des représentants des milieux financiers.

- Visite à l'étranger, en 1987-1988, des ministres Daniel Johnson, Pierre MacDonald et Gil Rémillard21 ] , avec un programme de contacts pour la promotion de notre coopération économique et technologique et de notre politique de diversification économique.

- Rencontre Bourassa-Chirac au Québec, en août 1987, axée sur les moyens d'élargir nos échanges économiques bilatéraux et de promouvoir notre coopération industrielle, scientifique, technique et fiscale22 ] .

g) On manifeste aussi, dans un communiqué de presse du ministre Pierre MacDonald, du 1er mars 1988, l'intention de renforcer la représentation technologique du Québec à l'étranger et de nommer des conseillers technologiques au sein des délégations de Boston, New York, Los Angeles, Tokyo, Paris, Londres, Düsseldorf et Bruxelles.

h) On assiste également à la création, durant l'été 1988, d'un portefeuille des Affaires internationales, regroupant celui du ministère des Relations internationales et celui du ministère du Commerce extérieur. Cette opération répondait à des objectifs de rationalisation (l'interdépendance entre les politiques commerciales et les autres politiques extérieures y invitant) mais elle visait, également, à consolider le processus de renforcement du profil économique de l'action internationale du Québec. Les déclarations du nouveau ministre des Affaires internationales, Paul Gobeil, faites en juillet 1988, soulignent cette volonté d'emphase sur la politique extérieure commerciale et plus largement économique23 ] .

2. Une paradiplomatie en harmonie avec la diplomatie canadienne

La période 1987-1988 nous offre de nombreuses occasions de constater le déploiement d'une paradiplomatie québécoise évoluant en harmonie avec la diplomatie canadienne et caractérisée par un double profil: celui d'une paradiplomatie de coopération (coordonnée par le gouvernement fédéral ou conjointe avec ce gouvernement) et celui d'une paradiplomatie parallèle mais en harmonie avec la diplomatie fédérale.

Parmi les nombreux exemples de ces types de paradiplomatie québécoise que nous fournit la période 1987-1988, nous mentionnons, à titre d'illustration, les suivants:

a) Paradiplomatie de coopération

- Participation québécoise au deuxième Sommet de la francophonie des 2, 3 et 4 septembre 1987, à Québec, selon les modalités d'une entente avec Ottawa établie en novembre 1985 et précisée en février 1986.

- Participation québécoise au sein de la délégation canadienne à la Conférence générale de l'Agence de coopération culturelle et technique des 7 et 8 décembre 1987, à Paris.

- Participation québécoise au sein de la délégation canadienne à la XVIIIe session de la Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports des pays d'expression française (CONFEJES), tenue les 7, 8 et 9 mai 1988 à Québec.

- Visite du ministre Gil Rémillard en Égypte, à la mi-juillet 1987, et rencontre avec le premier ministre Atef Sedki en compagnie du chargé d'affaires de l'ambassade canadienne.

- Acceptation par le ministre Paul Gobeil, comme aussi par son prédécesseur Gil Rémillard, de l'idée d'avoir des fonctionnaires québécois en poste dans certaines ambassades canadiennes.

b) Paradiplomatie parallèle

En dehors des actions de paradiplomatie de coopération citées, qui impliquent des interventions québécoises sur le plan international effectuées conjointement avec le gouvernement fédéral ou dans un cadre que ce dernier coordonne, il y a des actions du Québec à l'étranger qui sont directes et autonomes, sans qu'elles soient nécessairement génératrices de conflit avec Ottawa.

Plusieurs visites du premier ministre Robert Bourassa et de ses ministres à l'étranger, diverses ententes signées par le Québec avec des gouvernements étrangers (voir, par exemple, les ententes en matière de sécurité sociale signées entre le Québec, d'une part, et les gouvernements de Sainte-Lucie, de Grèce, du Danemark et de la Norvège, d'autre part; celle sur la fiscalité, signée avec la France; etc.) ou avec des institutions étrangères non gouvernementales (voir, par exemple, les ententes de coopération signées par le ministre Daniel Johnson et trois banques japonaises, en octobre 1987) font partie de cette paradiplomatie parallèle mais en harmonie, quant à ses objectifs et résultats, avec le cadre fédéral. Il s'agit d'une paradiplomatie que nous appelons de substitution, par contraste avec la paradiplomatie d'appoint que représentent les actions extérieures du Québec, déployées en collaboration-coordination avec le gouvernement fédéral.

c) Paradiplomatie défragmentation

Cela dit, une paradiplomatie de fragmentation, entourée de controverses avec le gouvernement fédéral, n'est pas absente dans cette période. Deux cas méritent d'être signalés, à ce propos, en 1987-1988: celui de l'immigration, avec des tiraillements sur la question des réfugiés politiques, d'une part, sur la politique en matière d'immigrants-investisseurs, d'autre part24 ] ; celui de la livraison d'électricité aux États-Unis, où l'Office national de l'énergie a voulu, initialement25 ] , appliquer rigoureusement ce que nous appelons ici la « clause Canada » et obliger le Québec à faire la preuve que l'énergie à exporter constituait un surplus par rapport aux besoins des autres provinces (finalement, l'autorisation a été donnée en décembre 1987).


B. L'insertion de la paradiplomatie québécoise dans le tissu d'interdépendance complexe du système international global et du sous-système nord-américain: une paradiplomatie de rationalisation et de « low politics »

La période 1987-1988 a, comme les précédentes, été marquée par le contexte permanent de l'interdépendance internationale (globale et régionale).

Ce tissu d'interdépendance peut, dans ses rapports avec le Québec, se définir par les contours suivants.

L'internationalisation du mode de production et la grande circulation des facteurs de production afférente ont créé une interdépendance socio-économique croissante (relation, par exemple, entre le développement économique interne et l'emploi, d'une part, et le commerce international, d'autre part) non seulement entre les États-nations mais aussi entre leurs régions (interdépendance territoriale, celle des plaques géographiques) et entre leurs secteurs d'activité socio-économique (interdépendance fonctionnelle, celle des plaques de réseaux). Aussi l'État canadien se trouve-t-il « perforé » (souveraineté perforée) par ces flux économiques internationaux, son cordon extérieur souverain subissant l'érosion des libéralisations économiques institutionnalisées (par exemple, abaissement des barrières tarifaires au GATT, entente de libre-échange Canado-américain, etc.) et des pénétrations transnationales (FMN).

Pareille interdépendance prend deux formes, d'une importance capitale pour des unités fédérées comme le Québec: celle de l'interdépendance-opportunité qui incite le Québec à chercher à l'étranger des « accouplements » de facteurs de production et de flux d'échanges; celle de l'interdépendance-vulnérabilité qui expose les unités territoriales (régions, villes) et les unités fonctionnelles (firmes, groupes sociaux) de la province aux flux et facteurs de production venant de l'étranger et perçant le mur de la souveraineté socio-économique canadienne (voir l'érosion de nos frontières économiques ou encore leur « ventre mou », celui des secteurs faibles, ne résistant pas à la concurrence extérieure).

Il va sans dire que cette interdépendance globale et régionale dépolitise la paradiplomatie québécoise, lui dictant des priorités de « low politics », c'est-à-dire socio-économiques (technologiques, culturelles, éducationnelles, environnementales, etc.) dans une démarche de paradiplomatie qui apparaît souvent aux yeux du Fédéral comme une paradiplomatie d'appoint et de rationalisation des rôles, la diplomatie canadienne n'étant pas en mesure de répondre seule à tous les impératifs d'une interdépendance complexe.


C. Les tendances d'évolution de la paradiplomatie des unités fédérées des sociétés industrielles avancées

Le « metooism26 ] » est, à ce propos, un facteur essentiel d'orientation du profil international d'une unité fédérée comme le Québec.

En effet, pionnier dans le développement d'une paradiplomatie fédérée, le Québec, à son tour, suit depuis quelques années - et la période 1987-1988 s'inscrit dans cette même évolution - les tendances d'évolution du rôle international d'autres unités fédérées du groupe des sociétés industrielles avancées (Autriche, Australie, États-Unis, RFA, Suisse - sans parler aussi du cas belge, fédéralisme en devenir) et, en particulier, de nos voisins du Sud. Aussi observe-t-on un renforcement de la présence internationale desdites unités et un développement des activités de « low politics ». On perçoit, en outre, un processus de rationalisation de la politique extérieure de l'ensemble du système fédéral. Il faut, également, noter des tendances à la privatisation des rôles, le secteur privé intervenant de plus en plus comme acteur de paradiplomatie.

1. Activité internationale renforcée et de « low politics »

a) Les unités fédérées déploient, de plus en plus, une activité directe de politique extérieure en coopération avec le pouvoir fédéral ou de façon parallèle à la diplomatie de celui-ci.

Pour ne prendre que l'exemple américain, 33 États ont 70 bureaux à l'étranger27 ] , leurs gouverneurs deviennent souvent des ambassadeurs itinérants et des chefs de missions commerciales, sillonnant le monde; des ententes nombreuses de coopération socio-économique et culturelle sont signées avec des acteurs étrangers28 ] ; des appels à l'investissement étranger (« reverse foreign investment ») et à des associations industrielles, scientifiques, commerciales et de services sont fréquemment lancés par ces unités à l'endroit de la communauté internationale.

b) La participation du Québec à la Conférence annuelle des premiers ministres de l'Est canadien et des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre, la présence active du premier ministre à la rencontre, déjà mentionnée, du Michigan, réunissant les premiers ministres de l'Ontario, du Québec, du Manitoba et de la Saskatchewan ainsi qu'une quinzaine de gouverneurs américains (et ceci non seulement en matière énergétique mais aussi dans les domaines de l'environnement, des transports, de l'éducation, etc.), les nombreux voyages et missions du premier ministre et de ministres du Québec, dans des États américains, permettent à la province d'être en état constant d'osmose avec les unités fédérées américaines et de bien cerner leurs motivations de « low politics » en politique extérieure.

2. Un processus de rationalisation en politique extérieure

Les objectifs, les types d'action et les motivations essentiels de l'activité internationale du Québec convergent, de plus en plus, avec ceux des unités fédérées des autres sociétés industrielles avancées, et cela à la suite de la dépolitisation de cette activité. Par ailleurs, comme aux États-Unis, cette activité se « découple » progressivement du débat constitutionnel sur la répartition des compétences entre deux niveaux de gouvernement: le fédéral fait maintenant la distinction entre ce qui est constitutionnellement permis et ce qui est économiquement souhaitable et, dès lors, souvent politiquement tolérable.

Aussi pouvons-nous penser à une certaine « Canalisation » (nous utiliserons ici ce terme sans volonté de connotation péjorative) du rôle international du Québec. Celui-ci est sous-tendu de plus en plus par des motivations de « low politics » communes aux unités fédérales en général, se déployant en coopération ou en harmonie avec la diplomatie fédérale, ayant recours à des processus « dépolitisés », tels que les délégations et bureaux à l'étranger à vocation surtout économique29 ] , les missions et visites d'affaires à l'étranger, l'élimination de toute velléité politique à l'étranger pouvant entretenir des ambiguïtés quant aux buts de la politique extérieure québécoise. Comme le soulignait le ministre Gil Rémillard à l'occasion du deuxième Sommet de la francophonie à Québec,

« la tenue de cet événement à Québec, dans des conditions d'excellente collaboration [ ... 1 n'aurait pas été possible sans la détermination des gouvernements du Québec et d'Ottawa d'unir leurs efforts vers un but commun dans le respect des intérêts de chacun des partenaires, grâce à un état d'esprit renouvelé puisque débarrassé des suspicions dantan 30 ] , 31 ] ».

En fait, le Québec s'éloigne en politique internationale du caractère unique, ou au moins particulier, qu'on lui reconnaissait sous le gouvernement du Parti québécois de l'ère préréférendaire (effort de socialisation de l'opinion étrangère à l'idée de l'indépendance du Québec; recherche de « neutralités actives » ou « passives » dans le cas d'un acte d'affranchissement politique du Québec; éducation de l'opinion publique et des élites québécoises dans le domaine des relations internationales; renforcement des compétences internes (doctrine du prolongement externe des compétences internes) du Québec; effort d'élargissement des compétences constitutionnelles, par la reconnaissance d'un certain degré de capacité de politique extérieure (processus dit « du salami »).

3. La recherche d'une privatisation partielle des rôles

Comme nous l'avons déjà précisé, l'emploi ici du terme « privatisation » indique un recours croissant aux hommes d'affaires et aux institutions socio-économiques en général comme acteurs et comme destinataires privilégiés de la paradiplomatie provinciale. Plusieurs manifestations, en 1987-1988, révèlent cette tendance.

Nous notons les nombreuses rencontres déjà mentionnées - du premier ministre et de membres de son gouvernement, lors de leurs déplacements à l'étranger, avec les milieux d'affaires, et cela dans le but d'accréditer l'approche de « low politics », d'intéresser le secteur privé au développement des politiques extérieures, de rationaliser les coûts d'intervention, en se servant plus souvent des capacités d'actions internationales des milieux socio-économiques32 ] .

Nous avons aussi relevé des signatures d'ententes avec le secteur privé ou entre divers segments du secteur privé: par exemple, l'accord de coopération technologique entre le MIT et un consortium québécois de dix PME; les ententes du ministre Daniel Johnson avec trois banques japonaises en octobre 198733 ] ; etc.

Nous y incluons aussi la volonté de privilégier des canaux de coopération technologique avec divers centres d'excellence identifiés, en 1988, par le ministère du Commerce extérieur et du Développement technologique, ceux de l'État de New York (Rochester et New York), de la Californie (Los Angeles et Palo Alto), de la France (Paris et Toulouse), de la Belgique (Bruxelles), du Japon (Tokyo), de la RFA (Düsseldorf et Baden-Würtemberg), de l'Angleterre (Londres et Cambridge)34 ] .

Il y a également le développement de la formule des Journées Export-Action, qui ont permis, encore en 1988, de mettre en contact nos hommes d'affaires avec les conseillers économiques du Québec à l'étranger.

Comme appel à cette privatisation, nous mentionnons le discours du ministre Gil Rémillard devant la Chambre de Commerce et d'Industrie du Québec métropolitain, à l'occasion du Forum francophone d'affaires, le 8 septembre 1987. Il y a alors parlé « d'actions du gouvernement, en matière de création d'un espace francophone, complétées par celles de l'entreprise privée » ; de « partenariat entre entreprises pour tisser des liens (au sein de la francophonie) débouchant sur des échanges fructueux et équilibrés »; du rôle des « firmes d'ingénierie comme Lavalin et SNC, [ ... ] sur les cinq continents, pour promouvoir notre technologie »; etc.




III. Une paradiplomatie enquête d'une quatrième option


A. L'appui à l'option continentaliste

Durant la période 1987-1988, le gouvernement du Québec a poursuivi, à l'instar du gouvernement fédéral, ses efforts afin d'articuler sa politique extérieure autour d'une nouvelle option que nous avons qualifiée de quatrième option. En effet, par rapport à l'ancienne option de diversification des années 70, qui recherchait un contrepoids aux pressions d'intégration continentaliste de la relation canado-américaine, la nouvelle situation créée par le projet et, par la suite, par la conclusion d'une entente de libre-échange avec les États-Unis constituait un changement de cap: dans les années 70, on avait opté pour une politique de diversification de nos relations internationales, dans le but d'y trouver un contrepoids aux liens canado-américains fort prédominants; aussi les deux options, diversification et continentalisme, étaient-elles considérées à l'époque comme incompatibles35 ] .

En revanche, dans cette seconde moitié des années 80, le gouvernement libéral du Québec a décidé d'appuyer la nouvelle option fédérale de libre-échange canado-américain, et - la période 1987-1988 lui a donné l'occasion de confirmer son appui.

Les visites du premier ministre Robert Bourassa, entre autres, à Washington et dans les États du Michigan, de la Louisiane, de New York, de la Californie, sa participation à diverses réunions de consultation fédérale-provinciale, son intervention, lors des travaux de la Commission parlementaire de l'économie et du travail qui a tenu, dès la mi-septembre 1987, des audiences publiques sur la question du libre-échange, étaient parmi les principales occasions d'engagement du gouvernement québécois en faveur de l'option libre-échangiste.


B. L'effort de concilier l'option continentaliste avec celle de la diversification

1. Il ne faudrait pas penser que l'acceptation du libre-échange, que l'on a fondée sur la réalité de nos flux d'échanges (environ 3/4 de nos exportations vont vers les États-Unis), sur l'interdépendance économique nord-américaine et sur la volonté d'un écoulement plus facile de notre énergie hydroélectrique vers les États-Unis (voir les obstacles dans le cadre des politiques de l'Office national de l'énergie), était libre d'appréhensions: la participation des provinces à la mise en oeuvre de l'accord et des questions d'élaboration de programmes devant faciliter l'adaptation de nos entreprises et de notre main-d'oeuvre aux nouvelles conditions de marché intégré en faisaient partie.

2. Cela dit, pour le gouvernement du Québec comme pour le gouvernement fédéral, l'option libre-échangiste ne devrait pas bouleverser les orientations de nos échanges avec le reste du monde, ni nous empêcher de les élargir. On savait, par exemple, qu5en 1987 les exportations québécoises avaient connu (pendant les neuf premiers mois de l'année) une augmentation en direction des Communautés européennes (de 10 %) et du Japon (de 4,9 %) plus forte que celle de nos exportations vers les États-Unis (de 1,6 %), et que les perspectives d'accroissement de notre part dans les marchés européens et japonais étaient bonnes36 ] .

Par ailleurs, on souhaitait éviter que, par un repli commercial et économique sur le sous-continent, on glisse vers des formes plus avancées d'intégration économique, mais aussi culturelle et, ultérieurement, politique (crainte de « spill-over »).

C'est ainsi que le besoin d'une sorte de quatrième option, celle du « continentalisme et de la diversification », ou mieux « du continentalisme pour la diversification » (thèse de la compatibilité de la deuxième et de la troisième option), a été ressenti.

Aussi, à l'appui d'une sorte de quatrième option, le gouvernement du Québec a-t-il défendu l'idée que le libre-échange canado-américain serait un excellent tremplin transatlantique de diversification de nos relations économiques internationales: il favoriserait - grâce à la restructuration de notre économie (modernisation, spécialisation, économies d'échelle) par la compétition nord-américaine «imposée » dans le vaste marché unique - la compétitivité de nos produits et de nos firmes dans le reste du monde; il offrirait, par ailleurs, aux économies des pays tiers (investisseurs, entreprises, etc.) l'attrait d'un grand marché sans barrières commerciales, pouvant conduire à une intensification de nos relations économiques avec ces pays.

3. Fidèle à une telle orientation, le gouvernement québécois a intensifié, en 1987-1988, ses efforts de diversification économique internationale. Nous mentionnons les principaux.

- Resserrement de nos liens au sein de la francophonie (voir nos références antérieures au deuxième Sommet de la francophonie).

- Visites de ministres québécois en Europe (Pierre MacDonald s'est rendu, vers la fin de janvier 1988, aux Pays-Bas, en Belgique et en Suisse; Daniel Johnson se rendait, en mars 1988, en Norvège, en RFA, en Suisse, en Belgique, en Espagne, en France et en Angleterre; Gil Rémillard se rendait, en décembre 1987, en France, dans le cadre d'activités de la francophonie37 ] ), en Asie-Pacifique (Daniel Johnson effectuait une mission en Asie en octobre 1987, visitant le Japon, Hong Kong et la Corée du Sud; Monique Gagnon-Tremblay se rendait, en février, en Australie)38 ] ou en Afrique (Gil Rémillard visitait, en juillet 1987, l'Égypte et le Burkina Faso; André Bourbeau se rendait au Maroc en octobre 1987).

- Amorce, en 1987, au ministère des Relations internationales et avec la collaboration d'autres ministères, d'une réflexion sur le resserrement de nos liens avec l'Europe, avec un premier rapport qui, sans être stratégique, insiste sur le besoin du maintien de la diversification vers l'Europe et de l'accentuation des efforts afférents.

- Établissement, en août 1988, par le nouveau ministre des Affaires internationales Paul Gobeil, d'un ordre de priorité de cibles de diversification régionale: on y trouve, dans l'ordre, la France, l'Europe, l'Asie et ensuite un groupe composé des pays du Moyen-Orient, de l'Amérique latine et des Caraïbes39 ] .


C. Les limites du cadre de la francophonie

1. Pour ce qui est de la francophonie, qui constitue un des axes de maintien d'une politique québécoise de diversification, nous pensons que les attentes à son égard sont excessives. La francophonie est, sur le plan économique, et pour l'essentiel, articulée dans et autour des Communautés européennes. Qu'il s'agisse de la France, de la Belgique et du Luxembourg, membres des CE, ou de la Suisse, de plus en plus articulée, par un libre-échange bilatéral et un alignement accru des pays de l'AELE sur les objectifs communautaires de 1992, sur les CE, ou de la francophonie africaine couverte par la Convention de Lomé ou (pour ce qui est du Maghreb) par des accords de coopération avec la CEE, leur disponibilité pour une réelle coopération économique au sein de la francophonie des sommets nous semble fort limitée. Dès lors, l'intérêt du Québec pour la francophonie, en tant que cadre de coopération économique, est appelé à connaître progressivement les limites objectives qu'impose l'attraction du puissant (pour ces pays) processus d'intégration européenne. Aussi des désenchantements ne sont-ils pas à exclure, la francophonie restant davantage un cadre de dialogue traditionnel, culturel ou de politique générale.

2. Évidemment, on ne doit pas penser que, pour le gouvernement du Québec, cette conception « moderne » de la francophonie, vue comme espace opérationnel de coopération économique, en élimine une autre, celle plus traditionnelle d'une communauté linguistique et culturelle. En effet, le facteur géopolitique, qui place le Québec dans un contexte nord-américain dominé par le réseau culturel et linguistique américain, incitera toujours le gouvernement québécois à développer une paradiplomatie macro-régionale (vers la latinité de l'Amérique du Sud), voire intercontinentale, cherchant en France et au sein de la francophonie, en général, l'oxygène culturel et linguistique dont le Québec a besoin40 ] .

A ce propos, la récente déclaration du ministre Paul Gobeil (août 1988), plaçant la France, par ordre d'importance de partenaires, juste après les États-Unis (donc en deuxième position) et avant l'Europe et l'Asie-Pacifique, reflète cette motivation « géopolitique ».




IV. Considérations finales: une période de « restructurations » de paradiplomatie dans une continuité d'objectifs

1. La période 1987-1988 s'inscrit dans une continuité d'objectifs de politique internationale québécoise, soit: appui au libre-échange canado-américain; maintien d'une volonté de diversification de nos relations économiques internationales; ancrage persistant dans le camp de la francophonie; priorité à l'option commerciale et plus généralement économique de notre politique extérieure; développement d'une paradiplomatie québécoise dans un cadre de coopération fédérale-provinciale; insistance sur les liens d'interdépendance internationale complexe; recherche d'une privatisation partielle des rôles en politique internationale.

Ces orientations tiennent compte du contexte politique, canadien et québécois, d'entente entre les deux niveaux de gouvernement, de l'environnement international global et nord-américain régional d'interdépendance, du besoin de rationaliser les rôles et les ressources déployés en politique extérieure.

2. Cependant, certaines faiblesses ou imperfections sont aussi à signaler et des démarches à suggérer.

- La thèse d'une compatibilité entre la politique antérieure de diversification et l'approche de continentalisme libre-échangiste n'est pas encore fondée sur des études systématiques, susceptibles de répondre à la question de son à-propos et à celle de son opérationnalisation (thèse de la quatrième option)41 ] .

- Sur le plan des relations avec l'Europe, et en particulier avec les Communautés européennes, il est nécessaire de cultiver davantage nos liens (surtout à la lumière de l'image d'un glissement vers les États-Unis qui prévaut à Bruxelles et dans bien des capitales européennes) par une visite officielle du premier ministre à la Commission de Bruxelles, ainsi que par l'élaboration d'une stratégie de relance de nos relations avec les Communautés européennes et l'AELE.

- L'accent mis sur la francophonie, cadre privilégié de notre action internationale, devrait être ramené à la proportion des réalités, l'articulation de la francophonie européenne et africaine sur le processus d'intégration européenne (Communautés européennes, AELE, Convention de Lomé42 ] ) nous indiquant, croyons-nous, les limites certaines d'un processus de revitalisation économique du cadre de la francophonie.

- L'utilisation de nos délégations, non pas seulement comme agents auprès d'une économienationale étrangère, mais aussi comme véhicules de pénétration économique locale (régions et villes), nous semble nécessaire. Pareille optique modifierait sensiblement la hiérarchie de nos délégations: par exemple, notre bureau d'Atlanta, qui pourrait paraître périphérique par rapport à notre délégation générale de New York ou à la délégation de Boston, est central par rapport à l'économie technopolitaine d'Atlanta et au pôle de croissance rapide du Sud-Est américain.

- Une planification stratégique face à la paradiplomatie des villes et, en particulier, de Montréal est requise sans plus tarder.

- Le rôle croissant des économies métropolitaines-technopolitaines et la souveraineté-fonctionnelle des villes internationales devraient conduire le Québec à ne pas se limiter à des relations d'État (fédéré) à État (étranger: fédéral, fédéré ou unitaire), mais à développer une stratégie de pénétration locale (villes) ciblée. Il faudra des stratégies d'alliances économiques de villes et de réseaux (secteurs économiques de villes) plutôt qu'une globalisation des interactions.

- Un « ciblage » prioritaire et stratégique de partenaires, tant géographique (par ordre de priorité: États-Unis, Europe occidentale, Asie-Pacifique, pays de la francophonie, suivis d'un groupe composé des pays de l'Amérique latine et des Caraïbes, de l'Afrique arabe, de l'Afrique du Commonwealth, de l'Europe de l'Est) que fonctionnel (grandes villes internationales avec leurs firmes et secteurs technopolitains de haute technologie et de services) nous semble s'imposer.

3. Pareilles démarches permettront au Québec d'élaborer une stratégie cohérente de plaques géographiques et de plaques de réseaux, qui lui demandera de bien naviguer, par ses paradiplomaties provinciales et municipales, entre le monde et les États-Unis.




Note(s)

1.  Comme dans le cas des autres articles de cet ouvrage, notre tranche événementielle couvre la période allant du mois de septembre 1987 au mois d'août 1988, encore que certains renvois à des événements de l'été 1987 y soient compris. Les chroniques des relations extérieures du Canada et du Québec, parues dans Études internationales, no 4, 1987, et no, 1 et 2, 1988 (auteur: H. Galarneau), nous ont fourni l'essentiel de cette tranche événementielle.

2.  Initialement, la littérature spécialisée nous propose le concept de microdiplomatie (« microdiplomacy») pour désigner les relations extérieures des unités fédérées et d'autres acteurs sous-nationaux (« subnational ») (voir par exemple I.D. Duchacek, « The International Dimension of Subnational Self-Government », Publius, Fall 1984, p. 5-31). Nous lui avons substitué, toutefois, celui de paradiplornatie, considérant qu'il s'agit d'une diplomatie parallèle (substitutive ou d'appoint).

3.  Nous utilisons le concept de politique extérieure qui, selon nous, n'est pas l'attribut exclusif d'une activité internationale des seuls Etats souverains. Voir, à ce propos, notre thèse conceptuelle dans P. Soldatos, « La théorie de la politique étrangère et sa pertinence pour l'étude des relations extérieures des Communautés européennes », Études internationales, no 1, 1978, surtout p. 7-14.

4.  Voir, pour une synthèse des orientations antérieures de la politique extérieure québécoise, le document Le Québec dans le monde ou le défi de l'interdépendance: énoncé de politique de relations internationales, Québec, 1985, (ministère des Relations internationales).

5.  C'est-à-dire impliquant des changements d'orientation.

6.  Propos rapportés dans un communiqué du ministère des Affaires internationales du 4 juillet 1988, relatif aux déclarations du ministre Paul Gobeil et à une interview qu'il a accordée au journal Le Devoir.

7.  Sur cette nouvelle « structuration », voir « Le Québec va privilégier ses relations avec les États-Unis », Le Devoir, 3 août 1988.

8.  D'ailleurs, l'implication croissante d'unités non souveraines en politique internationale est un phénomène que l'on retrouve aussi dans des sociétés du monde communiste et, également, du Tiers-Monde (par exemple, en URSS, en Yougoslavie, en Chine populaire, etc.).

9.  Cette ambiguïté apparaît à la lecture de l'ouvrage de Claude Morin, L'Art de l'impossible: la diplomatie québécoise depuis 1960, Montréal, 1987 (voir aussi notre recension de cet ouvrage dans la Revue canadienne de science politique, no 1, 1988, p. 150-153).

10  Il y a toujours cette différence entre le monde réel et le monde perçu; et c'est le monde perçu par les acteurs qui compte du point de vue décisionnel et non pas des éléments d'un monde réel qui n'a pas pesé sur leurs décisions.

11.  Affirmation rapportée par H. Galarneau, « Chronique des relations extérieures du Canada et du Québec », Études internationales, no 2, 1988, p. 327-328. H. Galarneau se réfère à une conférence du premier ministre prononcée à Montréal, le 8 février 1988.

12.  C'est nous qui soulignons.

13.  Rapporté par H. Galarneau, loc. cit., no 2, 1988, p. 327.

14.  Conférence de presse sur le Sommet de Québec, 3 novembre 1986.

15.  Discours devant la Chambre de Commerce et d'Industrie du Québec métropolitain, le 8 décembre 1987.

16.  C'est nous qui soulignons.

16.  C'est nous qui soulignons.

17.  Voir le discours du ministre Gil Rémillard du 8 septembre 1987, cité plus haut, note 15.

18.  Le terme anglais « domestication » indique la concentration, dans les actions de politique étrangère, sur des questions de politique interne (croissance économique, emploi, éducation, culture, etc.).

19.  L'approche libre-échangiste a, dès lors, des buts à la fois défensifs et offensifs.

20.  Cela dit, le premier ministre « acceptait de changer son programme pour rencontrer des représentants de la communauté francophone louisianaise ». (H. Galarneau, loc. cit., no 1, 1988, p. 128).

21.  Il s'agissait d'une recherche de coopération scientifique, de coopération industrielle et technologique (secteurs, surtout, de la chimie spécialisée, de l'énergie, de la production d'aluminium, de la pharmaceutique, de l'aérospatiale, etc.), d'investissement à attirer au Québec, de développement des échanges commerciaux, etc.

22.  Sur cette visite, voir H. Galarneau, loc. cit., no 4, 1987.

23.  Voir note 6.

24.  Sur le dossier de l'immigration, notamment après l'accord du lac Meech, voir les Chroniques de H. Galarneau, loc. cit., surtout no 1, p. 126-127, 1988 et no 2, o. 329-330. 1988.

25.  Sur ce dossier et sa conclusion ainsi que sur les ventes d'électricité aux États-Unis, voir surtout les Chroniques de H. Galarneau, loc. cil., no 1, 1988, p. 126 et 128 et no 2, 1988, p. 331-332.

26.  Concept emprunté à I.D. Duchacck, loc. cit.

27.  Données de la NASDA (National Association of State Development Agencies), Washington, D.C. (données de 1986).

28.  Sur ces ententes, voir, par exemple: R.A. Swanson, State-Canadian Interaction: A Study of Relations between US States and Canadian Provinces, US Department of State, Washington, DC, 1974.

29.  Le ministre Paul Gobeil a manifesté l'intention d'accentuer cette orientation économique de nos délégations et bureaux à l'étranger (voir note 6).

30.  C'est nous qui soulignons.

31.  G. Rémillard, Conférence de presse, 3 novembre 1986.

32.  ONG, associations professionnelles, chambres de commerce, entreprises, etc.

33.  Il s'agit de la Banque de Tokyo, de l'Industrial Bank of Japan, et de la Fuji Bank. Les ententes visaient un échange de services pouvant faciliter les relations de coopération entre les firmes québécoises et celles du Japon.

34.  Voir H. Galarneau, loc. cit., no 2, 1988, p. 329.

35.  Sur cette thèse de l'incompatibilité, voir P. Soldatos, « Le continentalisme dans les relations canado-américaines: sa vision libre-échangiste », dans J. Quinn, Le milieu juridique international, Ottawa-Toronto, 1986, p. 135-220 (vol. 52, la Commission royale sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada).

36.  Données fournies par le ministre Pierre MacDonald, à l'occasion des Journées Export-Action de 1988.

37.  Réunion de l'ACCT.

38.  Sur ces visites et le contenu des contacts, voir les Chroniques citées de H. Galar neau, Études internationales, nos 1 et 2, 1988.

39.  Cibles citées dans Le Devoir du 3 août 1988.

40.  Sur ce facteur de géopolitique, voir Le Québec dans le monde, op. cit., p. 21-23.

41.  Sur ces faiblesses et la quatrième option en général, voir notre étude « Canada's Foreign Policy in Search of a Fourth Option: Continuity and Change in Orientation towards the United States »; dans A.R. Riggs et T. Velk, (ed.), Canadian-American Free Trade: Historical, Political andEconomic Dimensions, Halifax, 1987, surtout p. 46-49.

42.  Sur cette convention et l'impact sur le Canada de cette articulation de l'Afrique sur les Communautés européennes, voir R. Boardman, T. Shaw et P. Soldatos, Europe, Africa and Lomé III, Washington, DC, 1985.