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Les politiques gouvernementales



André Bernard
Université du Québec à Montréal


L'année politique au Québec 1988-1989

· Rubrique : Les politiques gouvernementales



En 1988-1989, c'est dans le domaine de la santé et de l'adaptation sociale et dans celui de la sécurité du revenu que les réorientations des politiques gouvernementales du Québec ont paru les plus significatives. Ces réorientations ont touché à la fois les politiques d'ensemble, qui encadrent les programmes mis en oeuvre dans ces domaines, et des politiques particulières, telles la politique familiale et la politique de santé mentale. Ces réorientations, en outre, ont eu des incidences sur d'autres politiques. C'est ainsi que la politique familiale, ayant une composante fiscale, a reposé en partie sur une modification de la Loi de l'impôt sur le revenu. De même, pour atteindre les objectifs de la nouvelle politique de sécurité du revenu, le gouvernement a annoncé des changements en matière de formation professionnelle de la main-d'oeuvre.

Dans un autre domaine, celui des ressources naturelles, une réorientation majeure a également été décidée avec une nouvelle politique énergétique inspirée des choix effectués précédemment dans le cadre de la politique de développement économique.

Les objectifs de la politique de développement économique ont, de plus, continué à guider la réforme commencée il y a plusieurs années dans le domaine de la réglementation des marchés. En 1988-1989, dans ce domaine, l'accent a porté sur le « décloisonnement des intermédiaires ».

Dans les autres domaines, en 1988-1989, le gouvernement a maintenu les orientations principales des politiques en vigueur; dans certains cas, en matière d'environnement par exemple, ces orientations ont même été confirmées par de nouveaux énoncés ou par de nouveaux projets de loi.

Quelques-unes des politiques en vigueur dont les orientations ont été conservées ont tout de même subi des modifications. Plusieurs de ces modifications ont d'ailleurs été fort critiquées, en particulier celles qui ont été apportées, en décembre 1988, à la politique linguistique.

De toutes les politiques en vigueur, c'est toutefois la politique budgétaire qui, en 1988-1989 comme précédemment, a pesé le plus lourdement sur les choix effectués par le gouvernement. De fait, la volonté de réduire à la fois le déficit et les impôts a influencé très fortement les réorientations engagées depuis 1985-1986, en particulier celles qui concernent les politiques du domaine de la sécurité du revenu et du domaine de la santé et de l'adaptation sociale, dont on a beaucoup parlé en 1988-1989. La volonté de freiner encore la croissance des dépenses publiques dans ces domaines, niée par les porte-parole du gouvernement, a semblé indéniable aux parlementaires de l'opposition, qui l'ont vivement critiquée.



La politique de santé et de bien-être

En dépit des critiques qui lui ont été adressées, le gouvernement, en 1988-1989, a maintenu les choix dictés précédemment par sa politique budgétaire et, dans le domaine de la santé et de l'adaptation sociale, ces choix ont non seulement été confirmés mais ils ont aussi balisé la préparation de la nouvelle politique d'ensemble dont les éléments principaux ont été révélés, en avril 1989, dans un document intitulé Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec - Orientations.

Dans ce document, présenté par la ministre de la Santé et des Services sociaux, Me Thérèse Lavoie-Roux, le gouvernement a proposé une vaste réforme des structures et des pratiques. Par cette réforme, il entend obtenir plus d'efficacité et d'efficience que jadis dans la poursuite des objectifs généraux du domaine, qui demeurent l'élévation de l'espérance de vie et l'accroissement du bien-être et de la santé tout au long de la vie.

Du point de vue des structures, cette réforme doit mener à une réorganisation axée sur la concertation et la régionalisation avec, en particulier, la création de Régies régionales puissantes pour remplacer les Conseils régionaux de santé et de services sociaux, dont l'autonomie était limitée.

Du point de vue des pratiques, la réforme proposée doit comporter une accessibilité accrue (notamment avec l'augmentation des heures d'ouverture des centres locaux de services communautaires et avec un recours croissant aux services d'information téléphonique), une prévention élargie (y compris par la dissuasion à l'encontre des comportements dangereux, par exemple la conduite en état d'ébriété) et, enfin, diverses mesures complémentaires touchant la mobilisation des ressources humaines, la répartition des ressources matérielles, les méthodes d'allocation budgétaire et d'autres sujets du même ordre.

Parmi ces sujets, celui du mode de financement a retenu davantage l'attention. Écartant les arguments avancés en faveur d'une plus grande privatisation du système de santé, le gouvernement a décidé de conserver le régime en vigueur de fiscalisation des coûts et d'universalité d'accès, sans »ticket modérateur » ni « surfacturation ». Le grand avantage du régime en vigueur, c'est d'offrir les soins disponibles à toutes les personnes qui en ont besoin, indépendamment des revenus individuels. De plus, du point de vue de la société toute entière, ce régime est plus performant qu'un régime de financement privé. Par ailleurs, suivant l'expérience des pays où elles sont appliquées, la formule du « ticket modérateur » et celle de la « surfacturation » opèrent aux dépens de la majorité moins fortunée, amenant, certes, une diminution de la consommation de soins peu coûteux, mais sans réduction appréciable des coûts globaux du système, car, ayant préféré se passer des soins peu coûteux, perçus à tort comme moins nécessaires, un grand nombre de malades aggravent leur cas et doivent finalement recourir à des soins très onéreux qui auraient pu être évités.

La décision du gouvernement de maintenir le financement public des services de santé et des services sociaux a été fort bien accueillie par la plupart des porte-parole des associations actives dans le domaine, tout comme l'a été celle de réformer les structures et les pratiques.

Plusieurs ont toutefois critiqué le choix du gouvernement de ne pas accroître davantage les budgets et de ne pas élargir la gamme des soins présentement facturés au régime public d'assurance-maladie grâce à la petite « carte-soleil » (laquelle, conformément à la nouvelle politique, comportera bientôt un implant informatique qui enregistrera le dossier médical de la personne qui la détient).

Les critiques suscitées par les choix budgétaires associés à la politique d'ensemble ont également été formulées à l'encontre des budgets destinés à la mise en oeuvre des deux autres politiques nouvelles du vaste domaine de la santé et de l'adaptation sociale, la politique des services de garde à l'enfance, qui se rattache à la politique familiale, et la politique de santé mentale.




La politique familiale

Estimant son budget insuffisant et sa portée réelle trop limitée, les parlementaires du Parti québécois ont vivement critiqué la politique familiale du gouvernement.

Néanmoins, en 1988-1989, cette politique familiale a franchi de nouvelles étapes dans le processus de son élaboration. En effet, le Conseil de la famille, dont la création avait été promise à plusieurs reprises, a été formé en octobre 1988. De plus, le régime d'aide à la famille, constitué en partie d'allégements à l'impôt sur le revenu (qui existaient déjà et qui ont simplement été haussés), a été mis en place conformément aux promesses formulées par le ministre des Finances dans son discours du budget du 12 mai 1988.

Ce régime d'aide a d'ailleurs été enrichi le 16 mai 1989 à l'occasion du discours du budget décrivant les changements apportés en 1989-1990 en matière de politique budgétaire et de fiscalité. Dans la partie de ce discours consacrée aux modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu et aux mesures connexes, le ministre des Finances, M. Gérard D. Lévesque, a annoncé une indexation de 4,9 pour cent, applicable en janvier 1990, aux allocations familiales de base, aux crédits d'impôts pour enfants à charge et pour famille monoparentale et au montant maximum des déductions fiscales pour frais de garde. Il a également offert un montant de 500 $ à l'occasion du premier anniversaire d'un deuxième enfant né après mai 1988, portant ainsi à 1000 $ l'allocation attribuée depuis 1988 à la naissance d'un deuxième enfant. Il a aussi haussé l'aide accordée depuis 1988 pour un troisième enfant et chacun des suivants (le montant prévu passant de 3 000 $ à 4 500 $). Il a en outre signalé que 4 500 familles avaient déjà bénéficié du programme d'accès à la propriété créé en 1988, programme dorénavant ouvert aux familles d'un seul enfant et aux résidences de 100 000 $. Le ministre, enfin, a annoncé une hausse de 4,9 pour cent, en 1990, du barème des prestations des programmes de sécurité du revenu dont bénéficient de nombreuses familles.

Même s'ils représentaient, pour les familles, des déboursés additionnels de 65 000 000 $ en 1989-1990 et une réduction de 182 000 000 $ des recettes fiscales de 1990 (par rapport à ce qu'elles auraient été sans l'indexation de 4,9 pour cent), ces ajustements ont été qualifiés d'insuffisants par les parlementaires du Parti québécois, qui ont également reproché au gouvernement de ne pas avoir haussé davantage les crédits de l'Office des services de garde à l'enfance.

Ces crédits des services de garde auraient d'ailleurs dû être utilisés de façon différente, aux dires des personnes qui ont dénoncé la réforme proposée dans l'énoncé de politique sur les services de garde (intitulé Pour un nouvel équilibre) présenté le 24 novembre 1988 par la ministre déléguée à la Condition féminine, Me Monique Gagnon-Tremblay. Au lieu du mode de calcul des subventions aux garderies préconisé par le gouvernement, les porte-parole de certaines garderies ont, en effet, demandé de porter de 4,50 $ à 9,00 $ l'allocation quotidienne par enfant offerte jusqu'alors. Ces personnes ont également reproché au gouvernement de vouloir subventionner les garderies à but lucratif, alors qu'il ne l'avait pas fait précédemment. De leur côté, tout en remerciant le gouvernement de leur offrir enfin une aide, les mandataires de ces garderies à but lucratif ont estimé que le financement prévu était injuste puisque plus faible que celui des autres garderies; ces personnes ont réclamé un traitement égal pour tous les services de garde, sans distinction. D'autres personnes, enfin, ont exigé une aide accrue en faveur des parents ou, au contraire, plaidé pour l'intégration des garderies au réseau de l'enseignement public ou encore, selon des points de vue différents, sollicité des aides additionnelles pour les garderies plus petites ou plus éloignées.

Les crédits de transfert de l'Office des services de garde à l'enfance ont été calculés, de toute façon, en tenant compte des intentions et des décisions du gouvernement fédéral en matière d'aide au financement des garderies. Jusqu'en avril 1989, le gouvernement du Québec s'attendait à recevoir, pour 1989-1990, une aide de 48 000 000 $ du gouvernement fédéral mais ce dernier a finalement décidé de ne pas accorder l'aide prévue. Le gouvernement du Québec, dans une déclaration ministérielle du 15 mai 1989, a fait savoir qu'il avait néanmoins choisi de ne pas réduire d'une telle somme les crédits de 1989-1990 initialement réservés aux services de garde: la réduction n'a été que de quelque 11000000$, ces crédits passant de 143 000 000 $ à 132 000 000 $ environ, de sorte que l'augmentation par rapport à 1988-1989, qui aurait été de 40 pour cent, a été voisine de 30 pour cent.

La réduction des crédits de transfert de l'Office des services de garde à l'enfance pour 1989-1990 par rapport à ceux qui avaient été prévus, suite à l'abandon du projet d'aide financière du gouvernement fédéral, a ramené de 8 700 à 5 200 environ le nombre de nouvelles places subventionnées en 1989-1990. Cette réduction, en outre, a mené le gouvernement à fixer à 50 pour cent du coût du projet la subvention accordée pour l'implantation d'une nouvelle garderie, jusqu'à un maximum de 130 000 $ dans le cas où les locaux appartiennent à la garderie, alors que l'énoncé de politique du 24 novembre 1988 prévoyait une subvention équivalent à 75 pour cent du coût d'implantation. De plus, le gouvernement a retardé d'un an l'augmentation, prévue pour 1989, de l'aide financière aux parents, le budget de transfert de l'Office étant partagé, moitié-moitié, entre le montant réservé à l'aide financière aux parents et le montant réservé aux subventions accordées aux garderies.

Ces subventions aux garderies, le gouvernement a finalement décidé de les calculer d'une façon différente à la fois de celle du passé (4,50 $ par jour par enfant) et de celle qui avait été proposée en novembre 1988 (45 pour cent des revenus de garde de l'établissement). Selon cette nouvelle formule avantageuse pour toutes les garderies, le gouvernement a offert à chaque garderie subventionnée, en plus d'un forfait de 30 000 $ par an, un montant équivalent à 30 pour cent de ses revenus de garde.

Par ailleurs, en dépit de la réduction des prévisions budgétaires de l'Office pour 1989-1990, le gouvernement a réservé 4 000 000 $ (somme prévue déjà en novembre 1988) au financement des garderies à but lucratif satisfaisant à certaines conditions.

À l'annonce de ces décisions, confirmées par le projet de loi 150, les parlementaires du Parti québécois ont réitéré les critiques formulées à l'encontre de l'énoncé de politique du 24 novembre 1988. Tout en déplorant la réduction des crédits prévus au compte de l'Office des services de garde à l'enfance pour 1989-1990 et l'insuffisance des ressources financières affectées aux divers autres éléments déjà en place de la politique familiale, ces parlementaires de l'opposition ont dénoncé l'absence de mesures complémentaires en faveur des parents de très jeunes enfants.

L'une de ces mesures complémentaires, le « congé parental », a toutefois été proposée par le gouvernement le 21 juin 1989 sous forme d'un congé sans solde de 34 semaines s'ajoutant au congé de maternité de dix-huit semaines. Prévue dans un avant-projet de loi sur les conditions minimales de travail, présenté par le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. André Bourbeau, cette mesure a été décrite comme une formule à étudier lors de la prochaine session parlementaire.

La promesse d'étudier cette mesure a ajouté un nouvel élément à la construction de la politique familiale du gouvernement.




La politique de santé mentale

C'est au moment où étaient exprimées le plus bruyamment les critiques suscitées par cette politique familiale, en février 1989 (lors de l'étude de l'énoncé de politique sur les services de garde), qu'a été publiée la nouvelle politique de santé mentale.

Inspirée d'un rapport de Gaston Harnois diffusé, au cours de l'automne 1987, cette Politique de santé mentale, présentée par la ministre de la Santé et des Services sociaux, Me Thérèse Lavoie-Roux, a proposé l'implantation de plans de services individualisés, une stratégie d'information de la population, l'instauration d'un « partenariat » impliquant de façon concertée à la fois la personne dont la santé mentale est perturbée ou menacée, ses proches et les spécialistes, et, enfin, diverses autres mesures destinées à faciliter le recouvrement rapide de la santé et le respect des droits de la personne.

L'option de cette nouvelle politique en faveur de la révision des pratiques a reçu un excellent accueil alors que la modicité des moyens budgétaires consentis au traitement de la santé mentale a été dénoncée vigoureusement par les porte-parole des personnes qui en dépendent.

Dénoncés à propos de la politique de santé mentale comme à propos de la politique familiale et de la politique d'ensemble du domaine de la santé et de l'adaptation sociale, les choix budgétaires du gouvernement l'ont été avec plus de vigueur encore au moment où a été étudié le projet de loi 37 exprimant la nouvelle politique de sécurité du revenu, qui avait été présentée à l'Assemblée nationale en décembre 1987.




La politique de sécurité du revenu

En matière de sécurité du revenu, les protestataires ont en effet condamné les choix budgétaires du gouvernement, leurs demandes visant, pour l'essentiel, un élargissement des conditions permettant de bénéficier des soutiens offerts et une augmentation du montant de ces soutiens.

Devant la persistance et la force de ces demandes, le gouvernement a finalement proposé une hausse des prestations et un élargissement des conditions énoncées dans le projet de loi 37 qui, lui-même, en mai 1988, avait été présenté comme un compromis entre les propositions initiales de la nouvelle politique et les revendications qu'elles avaient suscitées. En plus de cette hausse des prestations et de cet élargissement des conditions permettant de bénéficier d'allocations plus élevées, les propositions gouvernementales modifiant lé projet de loi 37, présentées entre le 22 novembre et le 13 décembre 1988, ont allégé les exigences imposées aux partenaires les plus jeunes et offert une aide financière additionnelle au logement. Le gouvernement a en outre annoncé qu'aucune réduction des soutiens financiers en vigueur ne s'appliquerait avant 1990 et, enfin, il a accepté d'apporter quelques assouplissements dans les procédures envisagées, par exemple en prolongeant les périodes autorisées pour effectuer certaines démarches et en obligeant le ministère à écrire aux bénéficiaires pour les aviser de toute diminution future de leurs prestations.

À l'occasion d'une motion proposant l'adoption de ce projet de loi 37, le 13 décembre 1988, le ministre, M. André Bourbeau, a conclu que « même si on doublait le budget de l'aide sociale, il s'en trouverait encore pour dire que nous manquons de compassion et de générosité ». Rappelant les objectifs énoncés dans le document intitulé Pour une politique de sécurité du revenu, publié une année auparavant, le ministre a dit que les montants des soutiens accordés (compte tenu des mesures fiscales en faveur des personnes à faible revenu) étaient calculés de façon à financer les besoins essentiels d'une personne ou d'une famille et de façon à éviter que les personnes en emploi ne les jugent plus intéressants que les revenus de leur travail. En somme, du point de vue du gouvernement, la politique de sécurité du revenu doit permettre aux personnes sans emploi de se vêtir, de se loger et de se nourrir correctement, et, simultanément, elle doit inciter les personnes aptes au travail à rester ou à revenir sur le marché du travail.

L'incitation au travail, le régime de sécurité du revenu l'a conçue de trois façons principales, que la nouvelle politique a cherché à renforcer. La première consiste à proposer aux prestataires aptes au travail des compléments de formation destinés à accroître leur « employabilité ». La deuxième repose sur l'octroi d'une aide financière accrue aux prestataires qui acceptent ces compléments de formation ou à certaines personnes qui ont un emploi (objet, notamment, du programme d'aide aux parents pour leurs revenus de travail, APPORT, et des allocations de garde d'enfants). Cette deuxième forme d'incitation a été accompagnée depuis fort longtemps de mesures fiscales visant à accroître l'écart entre les revenus nets des prestataires des régimes de sécurité du revenu et ceux des personnes en emploi, même à petit salaire. Parmi ces mesures fiscales, certaines sont destinées aux familles (déduction pour frais de garde d'enfants, crédits d'impôts pour personnes à charge, etc.) alors que d'autres ont une portée générale, par exemple les crédits d'impôt de base.

La troisième façon d'inciter les prestataires à participer au marché du travail consiste à réduire les allocations des prestataires qui refusent, sans raison valable, un complément de formation ou un emploi. En vertu des nouvelles dispositions (objet, en partie, du programme d'action positive pour le travail et l'emploi, APTE), ces prestataires subiront pendant un an une réduction de 100 $ par mois du montant de leurs allocations et, en cas de récidive au cours de cette période d'un an, une réduction de 200 $ par mois. Des réductions du même ordre seront imposées aux personnes qui, ayant déjà bénéficié des programmes de sécurité du revenu, y ont à nouveau recours après avoir abandonné un emploi sans raison valable.

Ces pénalités étaient imposées auparavant mais leur montant était de moitié moindre. Selon des porte-parole de l'opposition parlementaire, la hausse si importante de ces pénalités et la volonté du gouvernement de ne pas améliorer le sort des personnes sans emploi aptes au travail procéderaient à la fois de choix budgétaires condamnables et d'une vision sociale punitive, faisant des pauvres des coupables.

Cette vision sociale punitive, faisant des pauvres des coupables, a semblé confirmée, aux yeux des parlementaires du Parti québécois, lors de la présentation, en mai 1989, du projet de loi 144 modifiant à nouveau la Loi des régimes de sécurité du revenu.

Ce projet de loi 144 visait en effet à resserrer les contrôles imposés aux prestataires. Il précisait, en premier lieu, que les prestataires qui refusaient un emploi ne pourraient, pour éviter une réduction de leur allocation, invoquer leur disponibilité pour une mesure de développement de leur « employabilité ». En deuxième lieu, le projet rétablissait les procédures de recouvrement rapide des sommes versées en trop aux bénéficiaires ayant rempli des déclarations incomplètes ou erronées ou ayant négligé de faire état d'un changement de situation (au 31 mars 1989, il y avait ainsi 258 500 000 $ à recouvrer, le montant des sommes à recouvrer augmentant de 30 000 000 $ annuellement). En troisième lieu, le projet autorisait l'examen des fichiers de la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour identifier les prestataires de la sécurité du revenu bénéficiant d'indemnités (présumément non déclarées) pour un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Selon l'opposition parlementaire, au lieu de présenter ce projet de loi 144, qui n'a pu être adopté avant l'ajournement, le gouvernement aurait dû consacrer davantage d'efforts à la mise en oeuvre de politiques de création d'emplois et en particulier à la politique de formation professionnelle.




La politique de formation professionnelle de la main-d'oeuvre

De nombreuses difficultés freinent l'élaboration d'une nouvelle politique de formation professionnelle de la main-d'oeuvre. Une telle politique doit en effet s'appuyer sur le réseau des institutions d'enseignement, alors que la gestion des crédits de transfert en matière de formation professionnelle de la main-d'oeuvre et de développement de l'emploi est la responsabilité, en bonne logique, du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui s'occupe des adultes ayant des difficultés d'insertion sur le marché du travail. Une telle politique de formation professionnelle, en outre, doit être compatible avec les politiques du gouvernement fédéral, qui possède la juridiction législative sur l'assurance-chômage, qui aide financièrement les gouvernements provinciaux en matière de formation et qui a exprimé, depuis longtemps, des orientations qui, aux dires des parlementaires québécois, ne tiennent pas suffisamment compte des particularités du Québec.

Ces difficultés déjà anciennes ont été illustrées, depuis 1985-1986, par les écarts importants entre les crédits budgétaires et les dépenses réelles dans les programmes de formation professionnelles de la main-d'oeuvre et de développement de l'emploi (en 1987-1988, par exemple, 185 000 000 $ont été dépensés alors que les crédits s'élevaient à 268 000 000 $).

En 1988-1989, dans ce secteur, le gouvernement du Québec a annoncé deux principaux développements. Le premier concerne les programmes de formation en cours d'emploi et le deuxième, la formation professionnelle des adultes dans les commissions scolaires. Les porte-parole du gouvernement ont annoncé que les programmes de formation en emploi seront bientôt gérés par des commissions d'adaptation de la main-d'oeuvre et leur réforme, prévue, sera appuyée par un nouveau programme de subventions salariales aux employeurs (publics, privés ou communautaires) pour une période allant de six à dix-huit mois, afin de favoriser l'embauche des prestataires des programmes de sécurité du revenu. Quant à la formation professionnelle dans les commissions scolaires, elle fait partie des priorités identifiées au livre des crédits budgétaires de 1989-1990, car ce type de formation a connu une expansion importante depuis quelques années. Le nombre de personnes adultes inscrites à des cours conduisant au diplôme d'études secondaires ou à des cours d'éducation populaire offerts par les commissions scolaires a en effet augmenté rapidement et, de moins de 100 000 qu'il était vers 1980, il devrait atteindre 500 000 en 1990. Pour le gouvernement, le défi est d'augmenter l'utilité des multiples formations offertes, de sorte qu'elles contribuent davantage aux objectifs de la nouvelle politique de sécurité du revenu et à ceux de la politique de développement économique.




La politique de développement économique

La politique de développement économique du gouvernement, énoncée dès 1985-1986, vise principalement à accroître la compétitivité des entreprises québécoises sur le marché international. Dès 1986, diverses mesures ont été adoptées, notamment dans le champ fiscal, pour inciter la direction des entreprises à investir davantage dans la recherche et la modernisation. Les programmes conçus pour faciliter l'accès à de nouveaux marchés, à l'extérieur du Québec, ont été revus et, dans l'ensemble, les actions gouvernementales axées sur la croissance ont été privilégiées.

C'est à la mise en oeuvre de ces mesures, programmes et actions et à l'impact de la politique de réduction du déficit et des impôts que le ministre des Finances, dans son discours du budget du 16 mai 1989, a pu attribuer les bons résultats obtenus par le Québec, au cours des années précédentes, du point de vue de la croissance de la production et de la création d'emplois (en 1988, comme il l'a précisé, le nombre des personnes en emploi a augmenté de 83 000 au Québec).

Dans ce discours du budget, en plus d'insister sur l'importance de développer le capital humain grâce à la formation professionnelle de la main-d'oeuvre et à l'université, le ministre des Finances a annoncé des mesures additionnelles en faveur des entreprises innovatrices. Il a, par exemple, augmenté les déductions fiscales accordées pour les activités de recherche et de développement et étendu l'application de l'amortissement accéléré pour l'achat de brevets et licences. Toutefois, la mesure à laquelle le ministre a semblé donner le plus d'importance, du point de vue de la politique de développement économique, c'est la création d'un Fonds de développement technologique.

Les modalités de gestion de ce Fonds de développement technologique ont été précisées le 5 juin 1989 par le ministre délégué à la Technologie, M. Guy Rivard. La création de ce fonds, annoncée en octobre 1988, a d'ailleurs été présentée comme une pièce maîtresse de la stratégie du gouvernement élaborée en 1985-1986 pour accroître les capacités innovatrices des entreprises québécoises. Doté de 300 000 000 $ (dont, vraisemblablement, quelques millions seulement seront versés en 1989-1990), ce fonds fournira un soutien financier à des groupes d'entreprises qui investiront dans des projets de développement technologique d'envergure devant contribuer à augmenter la capacité concurrentielle de l'économie québécoise sur les marchés mondiaux. L'aide gouvernementale comprendra un crédit d'impôt et une subvention, de manière à atteindre 68 pour cent des sommes investies.

Il est à prévoir que les entreprises productrices et consommatrices d'énergie électrique seront parmi les premières à recourir à ce fonds de développement technologique en raison des avantages comparatifs dont jouit le Québec dans le domaine de l'énergie hydroélectrique.




La politique énergétique

La prééminence de la production d'énergie hydroélectrique a d'ailleurs été consacrée avec la publication, le 13 septembre 1988, par le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. John Ciaccia, de la nouvelle politique énergétique, attendue depuis longtemps.

Dans le document qui décrit cette politique (L'Énergie, force motrice du développement économique - Politique énergétique pour les années 1990), tout en réitérant sa volonté de protéger et consolider l'industrie pétrochimique et les approvisionnements en gaz et en pétrole à des prix compétitifs, le gouvernement a annoncé sa décision de développer au maximum la production d'énergie hydroélectrique. Très pauvre en combustible fossile (houille, lignite, pétrole, gaz naturel), le territoire du Québec peut en revanche produire beaucoup d'énergie hydroélectrique. Les capacités exploitées fournissent déjà 26 000 mégawatts; il est possible d'aménager des capacités additionnelles pour accroître la production de 18 000 mégawatts supplémentaires à un coût toujours inférieur à celui des autres types de production d'électricité (le potentiel exploitable techniquement est voisin de 60 000 mégawatts).

Le gouvernement a estimé réaliste d'accroître au maximum la production d'énergie hydroélectrique sans créer de capacité excédentaire, car il mise sur la réalisation de trois objectifs complémentaires : l'accroissement de la part de l'électricité dans la consommation d'énergie domestique, aux dépens du gaz et du pétrole; l'implantation d'industries attirées au Québec par le prix très bas de l'électricité; l'accroissement, en dernier lieu, des ventes d'électricité dans les territoires voisins (en particulier en Nouvelle-Angleterre).

Naturellement, dans le document décrivant cette nouvelle politique énergétique, le gouvernement a exprimé sa volonté d'atteindre d'autres objectifs et de mettre en oeuvre les moyens requis. Il s'est engagé à encourager la compétition entre diverses formes et sources d'énergie de façon à favoriser des prix plus bas et à stimuler la recherche d'efficience accrue ; il a dit vouloir élargir la diversité des sources d'énergie, en particulier en développant les sources non conventionnelles; il a aussi affirmé sa détermination de protéger l'environnement et d'améliorer la qualité de la vie (ce dernier objectif, incidemment, contribuant à la décision de ne pas construire de nouvelles centrales nucléaires).

Selon ce document, la nouvelle politique énergétique aura très bientôt des impacts bénéfiques. Les investissements dans la production d'électricité supplémentaire stimuleront en effet l'activité économique et consolideront le secteur industriel québécois associé à l'aménagement hydroélectrique, secteur dont la compétitivité sur le marché mondial sera ainsi accrue. De plus, le développement régional sera accéléré grâce à l'implantation de nouvelles usines attirées au Québec par le prix de l'électricité. Par ailleurs, l'exportation d'électricité permettra de financer une part croissante des importations de gaz et de pétrole. Le bas prix de l'électricité aura en outre un effet stabilisateur sur le marché de l'énergie; il aidera la croissance du secteur manufacturier et contribuera à la hausse du niveau de vie. En somme, grâce à cette nouvelle politique, l'énergie deviendra la force motrice du développement économique, ainsi que l'affirme le titre du document qui la décrit.

La mise en oeuvre de cette nouvelle politique sera, pour l'essentiel, assurée par les investissements et les emprunts de sociétés telles que Hydro-Québec, SOQUIP (Société québécoise d'initiatives pétrolières) ou Pétromont, et par diverses modifications au cadre législatif en vigueur dans le secteur de l'énergie.

Une première modification à ce cadre législatif, proposée par le projet de loi 71 modifiant Loi sur le régime des eaux, présenté le 15 novembre 1988, a cependant suscité des inquiétudes, car on y a vu une ouverture vers la privatisation de la production hydroélectrique au Québec. Conformément à l'objectif de la nouvelle politique énergétique de stimuler la concurrence dans le secteur de l'énergie, ce projet permettra en effet à des entreprises privées d'aménager ou d'exploiter des installations hydroélectriques d'une puissance installée pouvant atteindre 25 mégawatts. Du point de vue du gouvernement, il s'agit d'introduire dans le marché de l'électricité un nouveau stimulant favorisant la recherche d'efficacité et d'efficience accrues.




La politique de réglementation du marché financier

Autre élément de la stratégie de développement économique du gouvernement, la politique de réglementation du marché financier a franchi une dernière étape du processus de son élaboration avec la parution, en janvier 1989, d'un nouvel énoncé de politique intitulé Décloisonnement des intermédiaires. Cet énoncé donnait suite à un document de consultation du même titre paru en avril 1988 et il s'inspirait d'un document consacré au décloisonnement des institutions financières publié en octobre 1987.

L'objectif de ce nouvel énoncé de politique, présenté par le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation, M. Pierre Fortier, est d'abord de protéger le public consommateur et de sauvegarder l'indépendance des intermédiaires tout en élargissant leurs champs de pratique. Ce nouvel énoncé de politique a proposé d'accroître la surveillance des activités du marché financier, de modifier ou préciser les règles qui encadrent ces activités et d'améliorer la formation des personnes qui travaillent à titre d'intermédiaires financiers. Il a également proposé d'accroître la responsabilité exigée des cabinets d'intermédiaires, qui pourront dorénavant être multidisciplinaires, en mettant l'accent sur la transparence, la planification et l'autorégulation.

Malgré les protestations des porte-parole de quelques institutions financières défavorables à certains des changements proposés, le gouvernement a fait adopter, le 21 juin 1989, le projet de loi 134 qui a donné un cadre législatif à cet énoncé de politique, important surtout pour les intermédiaires du secteur des assurances. C'est ainsi qu'une nouvelle réglementation s'imposera dorénavant et que le Québec sera doté de deux nouveaux organismes de protection du public consommateur. Ces deux organismes, un Conseil des assurances de personnes et un Conseil des assurances de dommages, complèteront l'action de l'Inspecteur général des institutions financières dont le poste a été créé en 1983.

Selon les ministres, ce complément à la réforme de la réglementation des institutions financières favorisera la libéralisation de la mise en marché des produits financiers et stimulera la croissance du secteur des services financiers, contribuant ainsi à la réalisation des objectifs de la stratégie de développement économique et à celle des objectifs, plus globaux, de la politique économique.




La politique économique, la politique budgétaire et les autres politiques

La politique économique, dont l'objectif principal est la croissance de la production au rythme le plus rapide possible, tout en assurant la stabilité des prix, le gouvernement formé en décembre 1985 a décidé de l'axer sur la stimulation du dynamisme des entreprises. Énoncée dès 1985-1986, cette décision a été maintenue depuis.

Cette décision de faire davantage confiance au dynamisme des entreprises a été accompagnée d'une première série de choix, exprimés surtout dans la stratégie de développement économique. Ces choix ont mené à accroître les interventions destinées à stimuler, dans le milieu des entreprises, l'innovation, la modernisation, la recherche de nouveaux marchés, et à favoriser, de diverses autres façons, la croissance de la productivité. Chaque année depuis 1985-1986 de nouvelles mesures sont venues confirmer ces choix. En 1988-1989, ils ont inspiré de nouvelles modifications aux lois fiscales, la création du Fonds de développement technologique, la nouvelle politique énergétique et les législations modifiant la réglementation du marché financier.

La décision de mettre davantage l'accent sur le dynamisme des entreprises a aussi déterminé une deuxième série de choix, des choix visant à réduire la part du secteur public provincial dans l'économie. Ces choix, exprimés notamment dans les discours du ministre des Finances et dans les textes de présentation des prévisions de dépenses annuelles, ont pris la forme d'une politique budgétaire axée sur la réduction simultanée du déficit annuel et des impôts. Engagée dès 1985-1986, cette politique a déjà donné ses fruits. En termes réels, selon les conclusions publiées par le Conseil du trésor et le ministère des Finances, les budgets ont effectivement été stabilisés, le nombre des personnes employées dans le secteur public provincial au Québec a diminué, la croissance des dépenses de transfert a été freinée et le fardeau fiscal a été allégé.

Même si elle a déjà donné des résultats, la croissance du produit intérieur but du Québec ayant été, de 1985-1986 à 1988-1989, significativement plus rapide que la croissance des dépenses du gouvernement du Québec, la politique budgétaire adoptée en 1985-1986 a été maintenue en 19881989. Les modifications qui lui ont été apportées concernent, pour l'essentiel, les taux de variation des crédits annuels qui sont différents selon les domaines, secteurs et programmes. Précisément, parmi les 198 programmes du gouvernement (nombre qui décroît), 143 connaîtront en 19891990 soit une diminution soit une stabilisation des effectifs, de sorte que le nombre total des emplois autorisés baissera de 51925 en 1988-1989 à 51270 en 1989-1990.

Les choix de politique budgétaire ont ainsi marqué les politiques gouvernementales. Dans la mesure où la politique qui doit être mise en oeuvre n'est pas modifiée, les restrictions budgétaires imposent en effet une dégradation des services fournis, une prolongation des délais, un allongement des périodicités et toutes sortes de tensions qui, parfois, contribuent à accroître l'efficience et l'efficacité et qui, parfois, ont l'effet contraire.

Ces choix budgétaires ont aussi marqué les réorientations décidées dans quelques secteurs ou domaines dans la mesure où le dénominateur commun de ces réorientations a été la recherche de résultats supérieurs avec des ressources limitées.

Ces réorientations, d'ailleurs, ont entraîné des changements très divers de sorte que l'importance de chacune de ces réorientations a été perçue de façon très différente selon les points de vue. La nouvelle politique de protection de l'environnement, par exemple, a été présentée par les membres du gouvernement comme une réorientation majeure (exprimée dans le titre du document d'octobre 1987 qui la décrivait: Un nouveau cap environnemental), mais les parlementaires du Parti québécois ont affirmé qu'elle n'était que la synthèse d'engagements antérieurs et l'énoncé de bonnes intentions. En 1988-1989, ces parlementaires de l'opposition ont estimé que leur point de vue était confirmé par le caractère généralement incitatif des nouvelles mesures adoptées en matière de protection de l'environnement (protection des espèces menacées, assainissement des terrains industriels, gestion des déchets solides, des lisiers, etc.), alors que les porte-parole du gouvernement, naturellement, ont prétendu le contraire, disant que ces mesures précisaient la politique en vigueur.

Inversement, la révision de la politique linguistique, en décembre 1988, a été présentée par les porte-parole du gouvernement comme un simple ajustement imposé par la Cour suprême, un ajustement qui ne modifiait pas l'orientation en faveur de l'affirmation du caractère français du Québec. Cette révision, pourtant, a été condamnée par les parlementaires du Parti québécois et par des milliers de protestataires qui y ont vu une réorientation majeure indésirable, alors qu'elle était dénoncée par quelques ministres qui estimaient au contraire qu'elle ne changeait rien à une politique qu'ils voulaient réorienter (trois de ces ministres ont même démissionné du Conseil des ministres pour marquer leur désapprobation).

Dans un bilan présenté le 24 mai 1989 à l'Assemblée nationale, le ministre responsable de la politique linguistique, M. Claude Ryan, a répété que le gouvernement n'avait en rien changé l'orientation de la Charte de la langue française, contrairement à l'opinion des porte-parole de l'opposition parlementaire. Il a même répété que les ajustements effectués en décembre 1988, avec l'adoption du projet de loi 178, étaient vraiment limités. Ces ajustements en effet ne concernaient que l'affichage intérieur et confirmaient, à ce sujet, la prééminence obligatoire du français; ils ne touchaient finalement que quelques milliers d'établissements, c'est-à-dire les commerces ne faisant pas partie d'une chaîne et employant entre cinq et 50 personnes, ceux de quatre personnes et moins ayant déjà auparavant la possibilité d'afficher en français et dans une autre langue, à l'intérieur des murs.




Conclusion

Les perceptions divergentes quant à l'importance des changements apportés aux politiques gouvernementales, illustrées notamment par les débats qui ont entouré l'adoption du projet de loi 178, reflètent les antagonismes qui divisent l'électorat québécois, antagonismes dont les bases sont exceptionnellement variées.

Ces antagonismes, en 1988-1989, se sont exprimés non seulement à l'occasion de projets de réorientation des politiques en vigueur, comme celui sur la sécurité du revenu, mais aussi à propos de projets qui n'impliquaient pas de réorientation. De fait, en 1988-1989, des divergences importantes ont marqué l'étude de plusieurs projets touchant, en plus de nouvelles politiques, des sujets aussi divers que la protection du territoire agricole, la politique d'obligation contractuelle en faveur des femmes, des autochtones et des minorités visibles, la législation sur le partage du patrimoine familial, le droit de pratique réclamé par les sages-femmes, la création d'un tribunal des droits de la personne, les règles de déontologie appliquées aux services de police. le bénévolat des jeunes du secteur des loisirs, la réorganisation des services ambulanciers...

Pourtant, même si, très souvent, les protestations soulevées par ces projets et par les propositions de réorientations des politiques gouvernementales ont visé les choix budgétaires du gouvernement, perçus comme trop limitatifs, la réduction du déficit et la réduction des impôts ont été considérées à peu près partout, y compris chez les parlementaires du Parti québécois, comme des objectifs louables.

En somme, le mécontentement à l'égard des choix budgétaires spécifiques semble avoir été atténué par la satisfaction suscitée par la politique budgétaire qui les a imposés. Ce paradoxe explique sans doute partiellement la popularité d'un gouvernement dont tant de projets, en 1988-1989, ont soulevé d'importantes protestations.