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La campagne électorale québécoise



Denis Monière
Université de Montréal

André Blais
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1988-1989

· Rubrique : Les élections et les référendums



En raison du déclin des identifications partisanes, les campagnes électorales jouent un rôle de plus en plus déterminant dans le choix des électeurs. De plus en plus de citoyens attendent la campagne électorale pour prendre connaissance des positions des partis et faire leur choix. Aux élections fédérales de 1984, 50% des Canadiens ont dit avoir décidé pour qui ils voteraient durant la campagne électorale. (Voir Fred. Fletcher, « The Media and the 1984 Landslide », dans H. Penniman, Canada at the Polls, Duke University Press, 1987, p. 161.) Au Québec en 1985, 31 % des électeurs décidés ont dit avoir pris leur décision durant la campagne. (Voir A. Blais et al., « L'élection québécoise: un bilan des sondages »,Revue canadienne de science politique, juin 1986, p. 336.) Évidemment toutes les campagnes ne sont pas déterminantes. Quand il y a polarisation idéologique entre les partis sur les enjeux jugés les plus importants par les électeurs et que ceux-ci ont des opinions déjà bien formées sur ces questions, les jeux sont faits avant la campagne, tout au moins pour un bon nombre d'électeurs. Une campagne électorale peut également avoir des effets opposés chez différentes catégories d'électeurs, de sorte que l'impact net soit à peu près nul.

Qu'en est-il de la campagne de 1989 ? Le dernier sondage publié avant les élections, au mois de juin, donnait 53% au Parti libéral et 32% au Parti québécois (voir le texte d'Édouard Cloutier). Les trois premiers sondages publiés dans les premières semaines de la campagne (Tableau 1) donnent en moyenne 47% au Parti libéral et 38% au Parti québécois. Il semble donc s'être produit un déplacement d'environ 6 points au tout début de la campagne. Par la suite, la popularité du Parti libéral n'a pratiquement pas bougé alors que la cote du Parti québécois a gagné 2 autres points. Ces chiffres suggèrent que l'épisode des BPC, qui a monopolisé l'attention au début de la campagne, a nui considérablement au gouvernement. Quant aux grèves du secteur public, elles ont provoqué un mécontentement dans la population mais ce mécontentement ne s'est pas transposé en votes. Il est possible que les grèves aient profité au gouvernement dans certains milieux et lui aient nui dans d'autres; l'effet net semble avoir été nul. Quant aux petits gains du Parti québécois, ils ont été réalisés surtout aux dépends des tiers partis et plus particulièrement du NPD; celui-ci a vu sa cote dégringoler d'environ 10% qu'elle était au début de l'année à 5 % dans les premiers sondages, à 3 % dans les derniers et à moins de 1 % le jour du scrutin. La campagne a donc produit des déplacements qui, s'ils sont moins spectaculaires que ceux observés lors de la dernière élection fédérale, n'en sont pas moins substantiels.






Une campagne dominée par l'imprévu

Tous les scénarios prévus par les analystes et chroniqueurs politiques ont été infirmés durant cette étrange campagne. Depuis de nombreuses années, les éditorialistes annonçaient le déclin du nationalisme et prédisaient un désastre si le PQ s'obstinait à vouloir défendre son option souverainiste. Or, il s'est avéré que la souveraineté avait de plus en plus la faveur de l'opinion publique et qu'elle était même plus populaire que le PQ. Même l'indépendance a progressé dans la faveur de l'électorat puisque 29 % des Québécois selon un sondage Sorécom réalisé entre le 14 et le 19 septembre se disaient en faveur que le Québec deviennent un pays indépendant. Cette proportion n'était que de 15 % il y a quatre ans. (La Presse, 21 septembre 1989). Ces données justifiaient a posteriori la décision du Parti québécois de revenir à son option fondamentale.

De nombreux journalistes avaient aussi soutenu que cette campagne serait sans intérêt compte tenu de l'avance insurmontable des libéraux qui durant leur mandat avaient battu tous les records de satisfaction et menaient les sondages par plus de 20 points au début de l'été. On prédisait donc une campagne terne, sans histoire. Les événements ont donné tort à ces Cassandre.

Alors que pendant quatre ans le gouvernement de Robert Bourassa avait navigué en eaux calmes, dès le déclenchement des élections il dut affonter une succession de crises. Les enjeux électoraux furent relégués au second plan par la saga des BPC, la contamination au plomb à St-Jean, la série de grèves du secteur public et les allégations de favoritisme à l'endroit du Parti libéral.

Tout au long de cette longue campagne qui a duré 47 jours (du 9 août au 25 septembre), les partis ont été à la remorque de l'actualité. On discuta beaucoup plus des BPC et des grèves que de l'économie, de l'Accord du lac Meech, de la question linguistique ou même de la politique environnementale. Toute cette agitation sociale eut pour effet de faire baisser la cote de popularité du gouvernement. Alors que le taux de satisfaction à l'endroit du gouvernement Bourassa s'était maintenu au-dessus de la barre des 50% depuis son élection en 1985, il tombait à 45 % dans le dernier sondage Sorécom publié le 22 septembre.

L'attitude de l'opinion publique envers les syndicats fut un autre sujet d'étonnement. Le sondage CROP publié par La Presse, le 20 septembre indiquait que les électeurs appuyaient davantage les travailleurs en grève que le gouvernement. Ainsi, 55 % des répondants se disaient plutôt favorables aux infirmières alors que seulement 32 % appuyaient le gouvernement. De même, 46 % des électeurs étaient plutôt favorables aux autres travailleurs de la santé contre 37 % pour le gouvernement. Malheureusement, les sondages n'ont pas indiqué quelle proportion de Québécois appuyait la grève proprement dite. La campagne n'en a pas moins démontré que l'antisyndicalisme a perdu beaucoup de sa vigueur au Québec (voir l'article d'Édouard Cloutier).




Une campagne sans débat

En raison de l'obstination des chefs à ne pas s'entendre sur la date du débat télévisé dont ils avaient pourtant accepté le principe, les électeurs québécois ont encore une fois été privés de la possibilité de comparer les performances des chefs et les positions prises sur les principaux enjeux de la campagne. Rappelons à cet égard qu'il n'y a pas eu de débat télévisé au Québec depuis 1962. Dans les élections précédentes, les électeurs pouvaient au moins se rabattre sur un débat radiophonique, mais cette fois-ci, Robert Bourassa fut inflexible et refusa toutes les propositions du chef péquiste qui lui-même avait refusé une confrontation télévisée proposée par le premier ministre pour le 31 août. En exigeant un débat le plus tard possible dans la campagne, les stratèges péquistes se retrouvèrent gros Jean comme devant et perdirent toute opportunité d'en découdre avec Robert Bourassa devant le peuple réuni autour de l'autel cathodique. Jacques Parizeau expliquait sa position en disant vouloir connaître les promesses libérales avant d'en débattre. En désespoir de cause, il pensa allécher le premier ministre en lui offrant de débattre de la souveraineté dans la région et à la date de son choix. Mais le premier ministre déclina l'offre en prétextant un emploi du temps trop chargé en raison de ses responsabilités gouvernementales.

Ce jeu de cache-cache entre les chefs se reproduisit tout au long de la campagne où on évita systématiquement la confrontation sur les principales positions de chaque parti. On aurait pu s'attendre par exemple à un débat féroce sur la souveraineté, sur le lac Meech ou encore sur la question linguistique. Robert Bourassa se contenta de quelques allusions à l'instabilité qu'engendrerait la souveraineté sans insister. De même le Parti québécois, contre toute attente, ne fit pas de la question linguistique son cheval de bataille. Et l'électorat ne sait pas non plus à quoi s'attendre en cas d'échec de l'Accord du lac Meech. En fait l'électorat eut droit à deux campagnes parallèles, les deux Partis dévoilant leurs engagements sans prendre vraiment la peine de se contredire ou de discuter de leurs mérites respectifs. Ce fut un dialogue de sourds.




Le discours péquiste

Les observateurs s'entendent pour dire que la palme de la meilleure campagne revient à Jacques Parizeau qui fit montre d'une grande vigueur intellectuelle. Il étonna d'abord par un langage clair sur l'option fondamentale de son Parti. Ensuite ' il modifia son style professoral pour adopter une pédagogie plus populiste se montrant en toutes circonstances serein et confiant et émaillant ses discours de formules chocs qui fixent les idées. Enfin, cet habitué des cercles de la haute finance enfourcha le cheval de la social-démocratie pour battre le rappel de ses clientèles traditionnelles, s'excusant même de ses politiques salariales restrictives devant les employés du secteur public.

La stratégie péquiste consista à attaquer les libéraux sur leur propre terrain: la bonne gestion et la bonne performance de l'économie québécoise. Selon les péquistes, les libéraux ne pouvaient prétendre être responsables de la bonne tenue de l'économie car ils n'avaient rien fait et s'étaient laissés porter par une vague de prospérité. Ils critiquèrent le leadership du gouvernement et du Premier ministre les accusant de se traîner les pieds dans tous les dossiers et d'être responsables du taux élevé de chômage, des problèmes environnementaux, de la dégradation des services sociaux et de l'accroissement de la pauvreté. Certes le taux de croissance de l'économie québécoise a été supérieur à la moyenne canadienne mais il s'accompagnait d'un taux de chômage de 10%. Ils reprochèrent à Robert Bourassa de n'avoir pas tenu sa promesse de créer 80 000 emplois par année et de ne pas avoir réduit l'écart entre le taux de chômage du Québec et celui de l'Ontario où il est de 50% inférieur à celui du Québec. Ils dénoncèrent également les promesses non réalisées comme l'établissement d'un régime de retraite pour les femmes au foyer, l'augmentation substantielle du nombre de places en garderie, l'amélioration des services de santé.

La campagne du Parti québécois a été axée sur l'effet psychologique du chiffre de 1 %. Ce pourcentage était plus susceptible d'être crédible et d'être retenu que le chiffre absolu correspondant. En plus de sa facilité de rétention, ce pourcentage avait aussi l'avantage de paraître minime dans un contexte où l'augmentation des dépenses publiques n'est pas perçue positivement. Ainsi, les porte-parole de ce Parti ont promis de consacrer 1 % du budget à la culture, 1 % à l'action communautaire. Ils se sont engagés à financer la formation professionnelle en imposant une taxe de 1 % sur la masse salariale des entreprises qui n'ont pas de programme de formation. De même, le Parti québécois prévoyait imposer une autre taxe de 1 % pour financer la recherche.

Les principaux thèmes de campagnes développés par le Parti québécois furent le plein emploi, la protection de l'environnement, la politique familiale, la formation professionnelle et le développement de la recherche. Le discours péquiste a été remarquablement précis durant cette campagne. Le Parti québécois dans la plupart des domaines de l'activité gouvernementale a pris des engagements spécifiques, chiffrés et dotés d'un échéancier.

Au chapitre de la politique familiale, le P.Q. proposa un référendum pour rapatrier les pouvoirs et les points d'impôts contrôlés par le gouvernement fédéral. Avec ces nouvelles ressources, le P.Q. s'engageait à financer un régime de congé de maternité de 6 mois avec 90 % du salaire, à bonifier le système des allocations familiales en offrant 100 $ par mois pour le premier enfant, 200 $ pour le deuxième enfant et ainsi de suite. La naissance de chaque enfant serait compensée par un montant de 1000 $. Le P.Q. promettait également de créer 60 000 nouvelles places en garderie d'ici cinq ans, le coût de cette politique étant estimé à 67 millions $. En outre, on proposa un programme d'accès à la propriété qui limiterait à 10% le taux d'intérêt hypothécaire pour les trois premières années et la construction de 1000 unités de HLM par année, ces engagements coûtant 39 millions $.

Dans le domaine de la santé, la politique du Parti québécois mit l'accent sur le maintien à domicile des personnes âgées. Pour ce faire, on proposait d'augmenter le budget de 245 millions $ pour améliorer les services de soutien. Le P.Q. avait aussi l'intention de financer l'établissement de 1000 nouveaux lits par année dans les centres d'accueil et de consacrer 40 millions $ de plus en deux ans pour améliorer les soins aux personnes en perte d'autonomie.

Dans le domaine de l'éducation, le P.Q. proposait de maintenir le gel des frais de scolarité, de hausser de 150 millions $ en deux ans les subventions aux universités et d'injecter 125 millions $ de plus en bourses. Les promesses dans le domaine de l'éducation totalisaient 848 millions $.

Pour soutenir l'objectif d'un « Québec vert et prospère », le P.Q. promettait d'ajouter 97 millions $ au budget du ministère de l'Environnement, d'implanter un centre de recherche sur la dépollution industrielle dans l'est de Montréal et de faire adopter une Charte de l'environnement qui imposerait des sanctions d'emprisonnement aux pollueurs. Par ailleurs, Jacques Parizeau a opté pour la technologie des incinérateurs mobiles afin de régler le problème des BPC. Le P.Q. a aussi promis de planter 300 millions de nouveaux arbres par année et d'ajouter 82 millions$ dans ce secteur. Dans le secteur agricole, le P.Q. offrait de bonifier de 36 millions $ le programme d'amélioration des fermes.

La politique linguistique du Parti québécois consistait à abolir la Loi 178 et à renforcer la Loi 101 en rétablissant la clause Québec, en obligeant les entreprises de 10 à 49 employés à se franciser et en liant l'obtention des subventions gouvernementales à la détention de certificat de francisation.

Parmi les autres engagements pris par le Parti québécois retenons les suivants: hausser le salaire minimum à 45 % du salaire industriel moyen, relancer les actions accréditives dans le secteur minier, injecter 600 millions $ pour la construction d'autoroutes, augmenter le nombre de points alloués à la connaissance du français dans la grille de sélection des immigrants, allouer plus de ressources (7 millions $) pour la francisation des nouveaux venus.

À la fin de la campagne, Jacques Parizeau a chiffré le coût de ses promesses électorales à 3,3 milliards$ sur quatre ans. Il s'est engagé à ne pas augmenter les impôts expliquant que le financement de ses politiques se ferait à même les crédits budgétaires non employés et par l'augmentation des revenus budgétaires générés par la croissance économique, favorisant de cette façon une redistribution de la prospérité.




Le discours libéral

Dès le départ, la campagne libérale eut des ratées: le choix du candidat de Westmount, M. Cosgrove, qui habitait depuis 16 ans aux États-Unis, le parachutage douloureux du candidat Gautrin dans Verdun, l'atterrissage raté du recteur Corbo dans l'Acadie et finalement le refus des débardeurs britanniques de décharger les BPC de St-Basile. Les stratèges libéraux avait planifié une campagne classique axée sur le bilan des réalisations gouvernementales et sur l'annonce d'engagements pour le prochain mandat. Mais ils se retrouvèrent à la merci des événements et durent modifier leur plan initial. Ils eurent aussi maille à partir avec l'électorat anglophone qui leur était traditionnellement acquis et qui cette fois-ci exprima vivement son mécontentement à l'endroit de la Loi 178. Cette conjoncture fit en sorte qu'il y eut deux campagnes électorales au Québec: l'une opposant le PLQ et le PQ dans l'électorat francophone et l'autre mettant aux prises le PLQ et l'Equality Party chez les anglophones. Le PLQ devait manoeuvrer sur deux fronts.

À la différence d'un parti d'opposition qui doit beaucoup promettre pour s'attirer de nouveaux électeurs, un parti gouvernemental et surtout un parti gouvernemental jouissant d'une forte avance dans les sondages a tendance à être moins prodigue dans la formulation de ses engagements électoraux car il peut compter sur ses réalisations pour convaincre les électeurs de lui renouveler leur confiance. Les offres de politiques furent donc plus vagues que celles du Parti québécois et les engagements furent moins nombreux et plus modestes quant à leur portée. La force de l'expérience aidant, Robert Bourassa a appris qu'il pouvait être risqué de faire trop de promesses. Il y a quatre ans les libéraux avaient semé des engagements dans chaque secteur de l'activité gouvernementale et ne purent tenir toutes leurs promesses provoquant le ressentiment de certaines couches de leur électorat entre autres celui des anglophones. En 1989, ils se montrèrent plus parcimonieux, choisissant avec soin quelques secteurs d'intervention prêtant le moins possible à la controverse comme la démographie et l'environnement. La plupart des promesses se résumaient à poursuivre ce qui avait été entrepris.

Au « Maîtriser l'avenir » utilisé comme leitmotiv de l'élection de 1985, la campagne libérale de 1989, centrée sur la continuité, proposait d'« Assurer l'avenir et la prospérité du Québec ». Dans leurs discours, les porte-parole libéraux s'attribuaient les mérites de la relance économique en faisant valoir le taux de croissance réelle de 4.4 % en 1988, la création de 233 000 nouveaux emplois, la croissance des investissements manufacturiers, la réduction du déficit et la baisse des impôts qui permettait au Québec de rivaliser avec l'Ontario. Le discours économique du Parti libéral répétait la logique du « cercle vertueux »: réduire les impôts suscite des investissements qui créent des emplois qui à1leur tour permettent de réduire les dépenses de l'État, le déficit et les impôts. En conséquence, le ministre des Finances a promis dans son discours d'investiture de ne pas augmenter les impôts des Québécois. Robert Bourassa n'a pris qu'un seul engagement économique précis: celui de créer des REA pour les « projets moteurs » et d'y consacrer 50 millions $ chaque année.

Au chapitre de la création d'emplois, Robert Bourassa a promis de réduire le chômage de 2%, en particulier par le biais de la formation professionnelle. À la différence du Parti québécois qui se montra directif à l'endroit des entreprises, en proposant de taxer celles qui n'offrent pas de formation, la politique libérale s'en remettait aux incitatifs fiscaux pour soutenir la formation de la main d'oeuvre de même que pour développer les activités de recherche.

Les libéraux proposèrent de défendre le fait français en améliorant la performance démographique du Québec. Afin de combler le déficit démographique du Québec, les libéraux se sont engagés à accepter 40 000 nouveaux immigrants par année, à renforcer les programmes de francisation et à réserver aux communautés culturelles 12 % des nouveaux postes de la fonction publique. Au chapitre de la politique familiale, afin d'accroître le taux de natalité, les libéraux proposèrent d'allonger le congé parental jusqu'à un an pour le troisième enfant, de créer 60 000 places en garderie en sept ans, d'accorder des subventions supplémentaires aux garderies pour qu'elles puissent offrir un service de garde 24 heures par jour sept jours par semaine et d'augmenter les allocations de maternité de 240 $ à 360 $ pour les deux premières semaines précédant le versement de l'assurance-chômage.

Dans le domaine de la santé et des affaires sociales, les libéraux se sont engagés à accroître les budgets de la santé de 2% de plus que l'inflation. Ils ont aussi recyclé une promesse faite en 1985 aux personnes âgées, soit de créer un Conseil des aînés. On disait aussi vouloir favoriser le maintien à domicile des personnes âgées et on projette de créer 500 nouvelles places par année dans les centres d'accueil.

Au chapitre de l'éducation, Robert Bourassa a ouvert la porte au dégel des frais de scolarité de façon à améliorer la situation financière des universités.

Même si le problème des BPC a été au centre de l'actualité, le discours sur l'environnement a été plutôt sobre. Le Parti libéral s'est engagé à faire de l'environnement la priorité du prochain gouvernement, à accroître le budget de 50 millions $, à investir 10 millions$ dans la création d'un fonds de développement des technologies environnementales et à mettre en valeur les forêts en plantant 250 millions d'arbres chaque année.

Les libéraux ont promis d'investir 600 millions $ dans le développement du métro de Montréal afin de le prolonger jusqu'à Ville de Laval. Ils ont proposé de créer un régime privé de retraite pour les agriculteurs dans lequel le gouvernement verserait 20 millions $. Ils ont enfin renouvelé leur promesse non tenue depuis 1985 d'accorder 1 % du budget à la culture.

Les promesses du Parti libéral ont été évaluées à 1,5 milliard $ ce qui représente 300 à 400 millions $ de plus au budget du Québec chaque année. Selon Robert Bourassa, cet effort supplémentaire pourra être financé par les revenus générés par un taux de croissance de 2,5 à 3 %.

Cette brève rétrospective montre que les électeurs québécois ont eu à se prononcer à la fois sur des enjeux conflictuels et sur des enjeux consensuels. Ainsi, les programmes des deux Partis se distinguaient nettement quant à leur option constitutionnelle, à leur politique linguistique respective et à leur conception du rôle de l'État. À cet égard, le Parti québécois préconisait des interventions stratégiques pour stimuler la croissance économique, le Parti libéral préférant laisser agir les forces du marché et réduire les pressions fiscales qui pourraient limiter les capacités concurrentielles des entreprises québécoises.

On a aussi observé que les deux partis faisaient la même évaluation des priorités de l'action gouvernementale: l'environnement, la formation de la main-d'oeuvre, la recherche et le développement et la politique familiale. Sur ces enjeux, les deux Partis offraient des positions voisines se différenciant le plus souvent par l'ampleur des moyens préconisés. Dans certains cas, comme ceux de la santé, des garderies, du reboisement, de l'immigration, du soutien à la culture, les différences entre les offres de politique étaient minimes. Par ailleurs, il y eut aussi des différences significatives au chapitre de l'éducation, du salaire minimum, du mode de financement de la formation de la main-d'oeuvre et de la recherche. En somme, les électeurs avaient le choix entre deux conceptions de l'avenir: celle du Parti libéral liée à la continuité du régime fédéral et celle du Parti québécois orientée vers la souveraineté.

Quant aux politiques sociales et économiques les différences sont moins accentuées mais on note une plus grande volonté d'intervention de l'État de la part du P.Q. et une plus grande confiance aux mécanismes du marché chez les libéraux.




Les résultats

Le Parti libéral a été reporté au pouvoir avec 50 % des votes et 92 sièges, le Parti québécois a fait élire 29 de ses candidats avec 40% des suffrages exprimés. Les tiers partis ont obtenu 10 % du vote, le Parti égalité remportant 4 sièges (et 4% des votes). Pour le Parti québécois, les résultats ne sont guère différents de ceux de 1985; un petit progrès de 1,5 point. La campagne lui a cependant permis de faire une remontée et d'éviter ce qui aurait pu être une débandade: des résultats décevants mais une satisfaction d'avoir évité le pire. Le Parti libéral enregistre lui un recul de 6 points. Il a cependant réussi à plus ou moins maintenir sa position chez les francophones. Une victoire convainquante, étant donné les difficultés rencontrées au cours de la campagne. La réaction de M. Bourassa, qui dès le soir de l'élection et de façon encore plus insistante le lendemain a souligné que l'attachement des Québécois au fédéralisme n'était pas inconditionnel, laisse même croire que les libéraux ne tenaient pas à écraser le Parti québécois lors de cette élection.

Les changements les plus importants se sont produits au niveau des tiers partis. Leur part des votes a doublé, passant de 5 à 10%. La forte performance du Parti égalité, qui a obtenu le tiers du vote dans les 13 circonscriptions de l'ouest de Montréal où il présentait des candidats et près de 4 % du vote total, est manifestement le fait marquant de l'élection. Mais la complète déconfiture du NPD, qui avait obtenu 2,4% du vote en 1985, récoltait environ 10 % des intentions de vote avant le déclenchement des élections et dut se contenter de moins de 1 %, est toute aussi significative, puisqu'elle ne peut manquer d'avoir des répercussions importantes sur la scène politique fédérale. Il convient enfin de signaler la belle performance du Parti vert, qui est passé de 0,1 % du vote en 1985 à près de 2% en 1989; cette évolution traduit la nouvelle sensibilité des Québécois pour l'environnement, sensibilité aiguisée par les événements de la campagne.

L'élection de 1989 est marquée d'abord par la continuité. Le rapport de forces entre les deux principaux Partis n'a pas vraiment bougé. Les tiers partis ont fait des gains mais ces gains sont en partie attribuables au fait que les résultats de l'élection ne faisaient pas de doute; si l'élection avait été plus serrée plusieurs électeurs auraient davantage hésité à les appuyer. Cette continuité se manifeste également au niveau du personnel politique. Seulement 7 des députés qui se représentaient ont été battus. Aucun ministre libéral n'a connu la défaite. Cette continuité a comme conséquence que la proportion de femmes élues à l'Assemblée nationale n'a que peu progressé entre 1985 (14,6 %) et 1989 (16.8 %). L'évolution à cet égard n'en est pas moins significative; dans les 29 circonscriptions où il n'y avait pas de député sortant le Parti québécois a présenté 8 femmes et le Parti libéral 5. Dans ces circonscriptions, le taux de succès des femmes a été de 54 % et celui des hommes de 44 %, ce qui confirme que les candidates féminines ne sont pas désavantagées par rapport à leurs confrères masculins.