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Les relations internationales du Québec : une paradiplomatie à géométrie variable* ]



Panayotis Soldatos
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1988-1989

· Rubrique : Les relations extérieures



Les grands traits de la paradiplomatie québécoise, esquissés dans notre contribution à l'Année politique 1987-1988 au Québec1 ] , ont continué à marquer le profil des relations extérieures de la province en 1988-1989. On y a observé, en effet, un déterminisme économique, sous-tendu par les impératifs de l'interdépendance internationale, une paradiplomatie déployée sous le signe du « fédéralisme coopératif », une volonté de concilier, voire de maximiser, en corrélation, la politique de continentalisme libre-échangiste avec l'orientation de diversification des relations extérieures, économiques et socioculturelles.

Cette continuité s'explique facilement: ni l'environnement socio-économique international (global et régional - nord-américain) ni le contexte interne (fédéral et provincial) n'ont sécrété des variables pouvant suggérer des « restructurations » profondes d'orientation internationale. Seule l'accélération des mutations au sein des pays du monde communiste a incité la paradiplomatie du gouvernement québécois à accentuer son profil d'action globale, en prêtant une plus grande attention à ces pays, à la recherche d'un visage politique renouvelé et d'une économie assainie. A ce dernier propos, on pourrait dire, en reprenant une expression du premier ministre Robert Bourassa (utilisée pour un autre cas, celui du resserrement de nos relations avec la RFA), que certaines initiatives québécoises face à l'URSS et à l'Europe de l'Est ont fait «reculer les frontières de l'action internationale du Québec2 ] ».

Ceci dit, un élément marquant dans le paysage de notre présence internationale se situe à un autre niveau de gouvernement: il s'agit du déploiement croissant de la paradiplomatie de la ville de Montréal, qui fera ici l'objet d'une réflexion particulière.

Aussi, durant cette période 1988-1989, la paradiplomatie québécoise a-t-elle voulu vivre et « gérer » le continentalisme, revitaliser la diversification vers l'Europe, se mettre à l'écoute des mutations dans le monde communiste, « rentabiliser » l'appartenance, tant recherchée et tant vantée, à la francophonie réunie lors d'un troisième Sommet, « restructurer » son appareil institutionnel (central et à l'étranger) de paradiplornatie, se familiariser avec les nouveaux contours de la paradiplomatie urbaine.



1. Vivre et gérer l'option continentaliste

L'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange canado-américain a ouvert pour le Québec, comme pour le reste du Canada, une ère nouvelle: défenseur de l'Accord, notamment durant la campagne électorale fédérale, le premier ministre québécois a eu souvent l'occasion de réitérer sa volonté de vivre pleinement ce continentalisme libre-échangiste.

De nombreuses visites ministérielles aux États-Unis se sont effectuées dans la foulée de cette intensification de dialogue: Paul Gobeil se rendait, en septembre 1989, à New York et à Boston, visiter nos deux délégations dans ces villes et signer une entente au siège des Nations Unies prévoyant l'octroi de bourses à des étudiants asiatiques3 ] . D'ailleurs, les démarches du ministère des Affaires internationales à New York ont permis la signature de deux contrats avec le Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population (FNUAP): l'un avec l'Université Laval et l'autre avec l'Université de Montréal.

D'autres ministres (du Tourisme, des Affaires culturelles et de l'Environnement) inscrivaient dans leur calendrier de déplacements, pour l'été 1988, des visites aux États-Unis.

Quant au premier ministre, son invitation à participer à la prestigieuse « Atlantic Conference 1988 », réunissant des hommes d'affaires, des hommes politiques et des universitaires, a été vue comme une occasion de réitérer son ferme appui au libre-échange canado-américain; par ailleurs, la conférence annuelle des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'est du Canada a permis de souligner des positions québécoises sur un autre dossier prioritaire, celui de la protection de l'environnement.

Certes, les « accrochages » n'ont pas manqué durant cette première tranche de vie du libre-échange: un rejet, par la Maine Public Utilities Commission, en janvier 1989, de l'entente d'exportation d'électricité du Québec (d'une valeur de $ 4 milliards), la poursuite de l'importation en Estrie de cendres de bois provenant de centrales thermiques américaines (en dépit de l'existence d'une interdiction d'importation), la manifestation de l'appui du gouvernement québécois aux poursuites intentées par l'Ontario et le Nouveau-Brunswick contre lEnvironmental Protection Agency, par une intervention devant les tribunaux américains, sont quelques exemples d'« irritants » dans la nouvelle ère de relations canado-américaines, celle du libre-échange.




2. Revitaliser la diversification vers l'Europe occidentale? Oui, mais comment?

L'adoption par les Communautés européennes, durant la période 1988-1989, de la moitié environ des législations devant conduire à l'achèvement, d'ici la fin 1992, du marché intérieur communautaire, a suscité, chez nous comme ailleurs, un vif intérêt, et ceci dans la perspective d'une finalité multidimensionnelle: éviter une « Forteresse Europe »; profiter des opportunités d'un marché européen uni; rester à l'écoute d'une Europe qui unifie sa voix internationale; se positionner entre les deux grandes puissances économiques du monde euratlantique: les Communautés européennes et les États-Unis, pour donner un sens au discours politique persistant des dernières années « le libre-échange pour la diversification, la diversification dans le libre-échange ».

Ceci dit, force nous est de constater que nous n'avons pas assisté à des stratégies précises d'« insertion » à ce méga-marché et à ce méga-bloc économique mondial que représente la Communauté européenne des Douze, qui, de surcroÎt, est entourée d'ententes de libre-échange avec les membres de l'AELE (dont, d'ailleurs, plusieurs « louchent » déjà vers une adhésion dans les CE), reste fortement courtisée par le COMECON et est sollicitée, pour une quatrième Convention, par les pays de Lomé.

Certes, le premier ministre Robert Bourassa en a saisi les enjeux et a effectué une visite à Bruxelles, fort attendue depuis un certain temps, vu son intérêt de spécialiste de la chose communautaire et sa foi inébranlable à l'idéal intégratif européen; il a, également, visité divers pays membres de la CE4 ] et plusieurs de ses ministres en faisaient de même5 ] . Ceci dit, la stratégie européenne du gouvernement n'est pas encore suffisamment définie. Un processus de réflexion interne, de réexamen de nos politiques européennes se poursuit, tandis que le discours politique de « la thèse du tremplin », selon laquelle le libre-échange canado-américain nous donnerait l'élan requis pour une pénétration de l'espace économique communautaire, reste toujours sans identification précise de stratégies, de moyens, de secteurs et de partenaires cibles.

Et pourtant, il faudra « meubler » cette « quatrième option » de politique étrangère, fédérale et provinciale, celle de la compatibilité active entre le libre-échange canado-américain et une poursuite et un renforcement de notre politique de diversification vers l'Europe: des études sectorielles pourraient nous révéler de nouveaux axes de coopération, notamment avec l'Europe communautaire de 1993.

Mais au-delà de cette approche sectorielle, notre ouverture à l'Europe, surtout devant le quasi-mutisme fédéral, devrait prendre la forme de propositions concrètes de rapprochement qu'un premier ministre québécois, familier avec les arcanes bruxellois, pourrait relayer vers le reste du Canada et l'Europe, avec crédibilité et efficacité. Nous songeons, par exemple, au besoin d'un « renouvellement » du contenu et de la « machinerie » de l'Accord cadre Canada-Communautés européennees, à l'occasion et dans la double perspective d'une nouvelle Europe, celle de 1993, et d'un Canada qui a décidé de rentrer dans la dernière décennie du siècle par la porte du continentalisme nord-américain. L'exemple des pays de l'AELE, qui sont engagés dans un dialogue continu de rapprochement avec les Communautés européennes, harmonisant, de plus en plus, leurs législations, leurs structures socio-économiques et leurs politiques avec celles des Douze, devrait être pour le Québec et le Canada une source d'inspiration dans cette recherche de nouvelles stratégies et approches face au partenaire européen de 1993 et au-delà. À ce propos, un dialogue bilatéral (en plus de celui au sein du GATT et pour sa facilitation d'ailleurs), parallèle à celui conduit avec les États-Unis sur les barrières non tarifaires, pourrait s'amorcer avec l'Europe et le Québec devrait encourager cette démarche.




3. Notre paradiplomatie globale à l'adresse du monde communiste

Le phénomène Gorbatchev a bien étendu sa cote d'écoute jusqu'aux rives du Saint-Laurent. Le gouvernement québécois, qui a souvent insisté, notamment lorsque Gil Rémillard conduisait la paradiplomatie provinciale, sur notre préoccupation prioritaire avec la défense des droits de l'homme, a suivi de près l'évolution d'« ouverture » du système soviétique. Par ailleurs, il y a vu des perspectives de coopération culturelle et économique fructueuse.

Ainsi, outre les déplacements de nos ministres (visite de Paul Gobeil en URSS, en décembre 1988, à la tête d'une mission commerciale et culturelle; mission de André Vallerand en Europe de l'Est, en septembre 1988), la conclusion d'une entente de coopération entre le Québec et la RSFSR (en octobre 1988), faisant suite à un protocole antérieur de coopération (d'il y a deux ans), a pu asseoir, sur une base de quatre ans, un cadre de coopération culturelle et technologique, entre le Québec et la Russie, avec des échanges de spécialistes et des projets conjoints de recherche et d'action. Aussi le Québec prenait-il activement note de la nouvelle ouverture soviétique au monde et des nouvelles opportunités de coopération avec une superpuissance en quête de renouvellement de visage interne et international et à la recherche de nouveaux liens avec l'Ouest.




4. Notre fixation sur les Sommets de la francophonie

Quant à notre fixation sur les Sommets de la francophonie, nous n'avons qu'à répéter la conviction, déjà exprimée dans le volume de 1987-1988, selon laquelle, l'intégration progressive et irréversible de la francophonie européenne dans l'économie communautaire et l'articulation, voire l'ancrage de la francophonie africaine dans le le schéma CE/ ACP de la Convention de Lomé (bientôt la quatrième), nous marginalisent inévitablement comme partenaire économique de cette francophonie. Aussi force nous sera-t-il de constater que nous ne trouverons dans la francophonie6 ] et ses Sommets qu'une tribune d'affirmation de notre profil international, qu'un cadre de coopération culturelle, environnementale, éducationnelle, scientifique et de communications, ou encore d'aide au développement international et qu'un réservoir de renforcement linguistique. Tout cela n'est certes pas négligeable, mais ce n'est pas là la cible réaliste pour une diversification extérieure décisive de nos relations économiques; à l'admettre, nous ferons un meilleur usage de notre place aux Sommets.

D'ailleurs, le Sommet de Dakar a su se concentrer davantage sur ces créneaux pouvant ressortir de ses possibilités d'action et de celles de l'ACCT, et le Québec a joué son rôle en soulignant son intérêt et en assurant sa contribution à une coopération en matière de protection de l'environnement, de développement des ressources énergétiques, de promotion de la formation, d'intensification du dialogue culturel, d'accentuation des efforts en faveur du développement international. Il a aussi su prodiguer sa contribution sur le plan des solutions institutionnelles à l'occasion du « Rapport Roy7 ] » suggérant d'éviter des « dédoublements » institutionnels lourds et coûteux; à ce dernier propos, le Sommet de Dakar a décidé que FACCT fournira aux Sommets une armature institutionnelle8 ] , notamment, « d'animation, de consultation et de concertation du monde francophone ».... proposera, « la programmation et l'affectation budgétaire au Comité international du Suivi (CIS) et au Comité international préparatoire (CIP) », et aura à « préparer et à assurer le suivi des Conférences ministérielles9 ] ».

Quant au «  fédéralisme coopératif » il y a trouvé, encore cette fois-ci, son expression, compte tenu de la participation concertée Canada-QuébecNouveau-Brunswick.




5. La réforme des institutions

Si, sur le plan des orientations de politique extérieure, le Québec de 1988-1989 n'a pas déployé de démarches de « restructuration », au niveau des institutions, le gouvernement a, en revanche, entrepris et poursuivi un processus de rationalisation de la «  machinerie » québécoise de paradiplomatie.

1' Au Québec, le nouveau ministère des Affaires internationales consolide son rôle de leader et de moteur en relations internationales, avec, toutefois, les inévitables « perturbations d'une phase transitoire de réorganisation, de « déplacements » et de nouvelles affectations de décideurs.

2' À l'étranger, la démarche d'évaluation du réseau de nos délégations et bureaux, ayant abouti au Rapport Bergeron (avec aussi un rapport préliminaire et le rapport complémentaire « La représentation du Québec en Amérique latine et aux Antilles »10 ] , a démontré que ce réseau était bien nécessaire; de la sorte, au lieu des replis anticipés et parfois réalisés par le passé (voir par exemple, le cas de Düsseldorf et de Lafayette), dans la foulée dudit Rapport Bergeron, on a pensé l'étendre, surtout dans le contexte de l'Amérique latine. On note, en effet, la volonté de maintien de notre présence à Bogota, Mexico et Caracas (avec aussi une nouvelle attention à l'Argentine, au Brésil, à la Barbade, au Chili, etc.), celle d'un renforcement en Europe (idée d'une présence en Espagne, besoin de « rétablissement » du statut de la représentation de Düsseldorf, accent mis sur l'importance de notre présence en Italie, etc.), en Asie (idée, notamment, d'une présence à Séoul, etc.) et aux États-Unis (besoin de renforcement de notre bureau à Atlanta, notamment par le renforcement de son statut, etc.) ainsi que celle de l'accentuation du profil technologique, commercial et plus largement économique de notre présence à l'étranger (notamment, par la nomination de conseillers en technologie de pointe et d'attachés commerciaux à certains endroits).

3' Sur le plan des assises constitutionnelles de notre politique extérieure, le premier ministre Robert Bourassa a rouvert brièvement le débat canadien en cette matière, en voyant, lors de son voyage en Belgique au début de 1989, des avantages dans l'approche belge d'enchâsser dans la Constitution la capacité internationale des unités membres (communautés belges) (dans notre cas il s'agissait des provinces).




6. L'évolution vers un partage de rôles en politique extérieure québécoise: la paradiplomatie municipale


A. De nouveaux centres de paradiplomatie: les villes de Montréal et de Québec

Le Québec, comme beaucoup d'autres sociétés, industrielles ou périphériques, occidentales ou communistes, fédérales ou unitaires, assiste à un développement, encore lent mais constant, du profil international de ses villes. Montréal, surtout, est, pour des raisons évidentes de poids socio-économique, démographique et culturel, à la tête du peloton, tandis que la ville de Québec suit le mouvement, non certes sans difficultés « situationnelles » importantes.

- Si l'on applique au cas montréalais nos critères de villes internationales, nous constatons qu'ils y sont tous réunis, même si, d'un point de vue de masse critique, leur degré de développement n'atteint pas toujours et dans tout le seuil nécessaire (masse critique) d'internationalisation11 ] .

Dans une économie de société industrielle avancée, qui tend à se « découpler », progressivement, d'une industrie traditionnelle, dépendante des ressources naturelles et de leur réservoir d'arrière-pays, pour rentrer dans la sphère de la haute technologie et des services, Montréal concentre, de plus en plus, dans son périmètre métropolitain et les régions contiguës, ce type d'activités technopolitaines. En effet, son rôle d'« autoroute des télécommunications », sa place nodale de transports, son bassin scientifique et son infrastructure de services de soutien à l'activité économique (Palais des Congrès, installations d'expositions commerciales, services financiers et boursiers, mass media, etc.) lui confèrent un rôle de plaque tournante dans le développement socio-économique interne et externe de la province.

C'est ainsi d'ailleurs, que la nouvelle administration de la ville de Montréal a commencé à se pencher sur l'élaboration d'une planification stratégique de sa paradiplomatie, s'éloignant de l'approche « intuitive », « personnalisée » et « à la carte » de son prédécesseur. La recherche de nouvelles orientations et cibles de relations internationales et d'une infrastructure institutionnelle de soutien ont conduit la ville à commanditer, en 1987, un Rapport sur cette planification stratégique. Le dépôt du Rapport L'Allier, en novembre 1987 et la mise sur pied, par la suite, d'un secrétariat aux Affaires internationales ont marqué ce processus de « restructuration » de la paradiplomatie municipale.

- Quant à la ville de Québec, elle a commencé à s'insérer dans cette dynamique d'internationalisation, en valorisant son patrimoine historique, ses attraits touristiques, son environnement gouvernemental (provincial), le rayonnement international de ses institutions universitaires. Elle a obtenu l'établissement de l'Institut international de l'énergie des pays francophones et du Centre national et international d'Arbitrage commercial ainsi que l'ouverture prochaine d'un bureau de l'UNESCO, pas décisifs dans le processus d'internationalisation de la capitale provinciale.


B. Paradiplomatie provinciale et paradiplomatie municipale

Il Placé devant cette phénoménalité en mutation et en progression, celle d'une paradiplomatie municipale, le gouvernement du Québec est appelé à rechercher à la fois les moyens de stimulation du processus et les schémas de son encadrement, pour éviter des fragmentations dans la politique internationale de la province. Favorable, en principe, à ce rôle international, qui lui semble d'appoint à celui de la province, le gouvernement québécois a encouragé, par des politiques d'appoint, la paradiplomatie municipale et la promotion du déploiement international de ses villes.

Témoin, à Québec et surtout à Montréal, d'une volonté des élites urbaines (publiques et privées) de promouvoir le profil international de ces villes, le gouvernement québécois a décidé d'adopter des politiques d'encouragement de ce processus d'internationalisation. On note, entre autres: la définition par décret gouvernemental (1779-88)12 ] d'un cadre de « critères de reconnaissance et de domaines d'activités des organisations internationales non gouvernementales aux fins d'octroi d'exemptions fiscales et d'avantages»; l'adoption consécutive, en Conseil de ministres, en juin 1989, d'une liste d'exemptions fiscales et autres avantages offerts auxdites OING; la négociation, ad hoc, et la signature d'accords avec HATA et avec la SITA, sur un ensemble de conditions favorables d'accueil, conditions, d'ailleurs, qui ont servi de modèle aux politiques d'accueil des OING, déjà mentionnées; la mise en place d'un régime fiscal concurrentiel pour les organisations gouvernementales dont FOACI et d'une réglementation d'ensemble permettant au gouvernement provincial le remboursement des municipalités pour les pertes de revenus dues à l'accueil, sur leur territoire, de représentations étrangères et d'organisations internationales; l'engagement à faire pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il assume son rôle en matière d'accueil d'organisations internationales, par des actions relevant de son domaine de compétences; la modification de la charte de la ville de Montréal pour permettre à celle-ci, entre autres, de conclure des ententes, dans les champs de sa compétence, avec des « organismes représentant ou administrant des collectivités locales ou régionales étrangères » et aussi de participer à des réseaux internationaux avec ces organismes; la participation provinciale au processus de réalisation du projet de création, à Montréal, d'un Centre international de conférences; l'appui financier, accordé à Québec, dans le cadre de ses efforts d'obtention de l'ouverture d'un bureau de l'UNESCO ainsi qu'à l'occasion de l'accueil du siège de l'Institut international de l'énergie des pays francophones et du Centre national et international d'arbitrage.

En somme, considérant les impératifs d'internationalisation de ses métropoles, dans la foulée des Rapports L'Allier et Picard, et s'inscrivant aussi dans la dynamique des tendances internationales en cette matière, le gouvernement du Québec a pu formuler un premier embryon de législations et des politiques favorables à la promotion du profil international de ses villes.

2' Ceci dit, il aura à aller plus loin dans cette évolution, en tenant compte des impératifs de la réalité québécoise, des tendances modernes d'évolution des relations internationales des villes et d'exemples étrangers pertinents d'intervention de gouvernements fédérés venant en aide à leurs métropoles internationales.

A ce propos, et de façon synthétique, nous pensons pouvoir tracer les contours d'une telle intervention du gouvernement. Elle devrait, croyons-nous, répondre aux principes suivants: valorisation au sein des villes québécoises de Montréal, en tant que moteur de l'économie québécoise et vecteur de son déploiement national et international; diversification des politiques d'appoint du déploiement international de Montréal (outre les politique fiscales, nous évoquons, à titre d'exemple, le besoin de politiques d'incitatifs financiers directs, pour l'attraction à Montréal de sièges de firmes internationales de taille, et de politiques commerciales - création de zones de libre-commerce, etc.); orientation nouvelle du dispositif des délégations et bureaux du Québec à l'étranger dans le but de mieux l'articuler sur les besoins de la paradiplomatie urbaine; établissement de mécanismes innovants de délégation et d'harmonisation de rôles internationaux entre les deux niveaux de gouvernement; «vision intégrée» des politiques provinciales, à formuler et à déployer en harmonie avec les impératifs de la paradiplomatie des villes, et en particulier de Montréal et de Québec (par exemple, de la politique des transports, en corrélation avec les besoins de Montréal international); insertion de Montréal et de Québec dans les desseins de la politique de continentalisme et de diversification du Québec (en effet, vu les orientations de diversification et de libre-échange canado-américain, poursuivies par le gouvernement du Québec en politique extérieure, on devrait chercher la meilleure approche d'articulation des villes (par des alliances bilatérales et de réseaux de villes au niveau international, nord-américain, européen, asiatique, etc.) sur la réalisation des objectifs de politique extérieure québécoise; le succès de la diversification et du continentalisme en dépendrait grandement).




7. En guise de conclusion : le modèle de géométrie variable de la paradiplomatie québécoise en 1988-1989

1' Le profil de l'action internationale du Québec de la période 1988-1989 répond au modèle d'une paradiplomatie à géométrie variable et ceci à plus d'un titre.

- Des synergies sur deux axes se sont déployées dans le cours de cette action internationale: l'axe horizontal, le gouvernement québécois, poursuivant une stratégie d'implication du secteur non gouvernemental à nos relations internationales (voir, par exemple, la facilitation des ententes entre les Universités Laval et de Montréal avec la FNUAP, l'interaction avec l'OING, etc.); l'axe vertical, impliquant les trois niveaux de gouvernement (fédéral-provincial-municipal) dans un certain nombre d'activités internationales.

- Des dosages différenciés entre la politique de diversification et celle de continentalisme libreéchangiste ont été effectués, dans un essai d'utiliser l'une comme tremplin de l'autre.

- Des cercles concentriques de diversification hors du sous-continent nord-américain ont été esquissés, le gouvernement ayant retenu comme cibles, la France, les Communautés européennes en général, l'Asie et l'Océanie, la francophonie, le Commonwealth, le Moyen-Orient, l'Amérique latine et les Caraïbes, le monde communiste.

- Des instruments institutionnels variés ont été déployés, le gouvernement ayant recours tantôt à ses délégations et bureaux à l'étranger, tantôt à des agents intégrés au sein de nos ambassades (voir par exemple, le cas de l'immigration), tantôt à des visites et missions à l'étranger.

- Des combinaisons d'approche paradiplomatique multilatérale (GATT, UN, ACCT, Sommets, etc.) et bilatérale ont accru la visibilité internationale du Québec.

2' Reste, toutefois, à développer, dans cette optique de stratégie internationale à géométrie variable, un schéma cohérent d'« alliage » innovant, par de nouvelles propositions de politiques, de notre appartenance, croyons-nous irréversible, au cadre continentaliste nord-américain et de notre ambition de rapprochement renouvelé avec l'Europe de 1992 et avec les autres régions du monde, dont en priorité celle de l'Asie-Pacifique. A ce propos, il est impératif, voire urgent de « meubler » le discours politique de quatrième option (« le continentalisme et la diversification13 ] ») par une planification stratégique de pénétration de ces divers cadres régionaux internationaux en mutation et en structuration croissante. D'ailleurs, cette planification stratégique devrait mobiliser, dans une transnationalisation croissante des relations internationales, des synergies « public-privé » et « provincial-municipal » (surtout au niveau de Montréal) qui permettraient au Québec de façonner sa place dans le planisphère de l'an 2000 et au-delà, composé à la fois de blocs régionaux en interdépendance et de réseaux fonctionnels de firmes et d'autres institutions technopolitaines.




Note(s)

*  Parmi nos nombreuses sources documentaires, une documentation du ministère des Affaires internationales et du SRD de l'Université de Montréal ainsi que la « Chronique des relations extérieures du Canada et du Québec » paraissant dans la revue Études internationales, nous ont fourni une précieuse information.

1.  . In D. MONIÈRE, éd., Le Devoir - Québec-Amérique, Montréal, 1989, pp. 109-112.

2.  Propos prononcés lors de son voyage en RFA, en janvier 1989, et rapportés dans Le Devoir, 16 janvier 1989 (cités par M. ALBERT et H. GALARNEAU, Chronique des relations extérieures du Canada et du Québec, in Études internationales, 1989, no 2, p. 411).

3.  Voir H. GALARNEAU, Chronique des relations extérieures du Canada..., in Études internationales, 1988, no 4, p. 727.

4.  Nous nous référons ici, en particulier, à ses visites, en janvier 1989, en France, en RFA (visite lui ayant permis, entre autres, de signer une entente de coopération avec la Bavière) en Grande-Bretagne, en Belgique et en Suisse.

5.  Nous nous référons ici, notamment, aux voyages de Paul Gobeil (en septembre 1988) en Grande-Bretagne, en RFA, en Belgique et en France, à celui de Clifford Lincoln en France (en septembre 1988), à ceux de Gil Rémillard, de Lise Bacon et de André Vallerand en France (en décembre 1988).

6.  Sous l'appellation « francophonie », nous incluons, entre autres, au niveau des activités de 1988-1989, les diverses réunions de l'ACCT, les réunions préparatoires du Sommet de Dakar et le Sommet lui-même, les Jeux de la francophonie (tenus au Maroc en juillet 1989). À ce dernier propos, nous avons relevé une «  guerre des drapeaux » qui a abouti à l'intégration du Québec dans la délégation canadienne.

7.  Rapport de notre délégué général à Paris.

8.  Sur ce Sommet, voir, entre autres, la vaste documentation réunie dans Sommet de Dakar: documents de Conférence, Sénégal, 1987; Bulletin du suivi, juillet 1989.

9.  Résolution de Dakar sur l'avenir des institutions francophones. Cette articulation de l'ACCT sur les Sommets n'affecte pas les rôles du Comité international du suivi (CIS) et du Comité international préparatoire (CIP).

10.  Un comité d'examen du rôle et de l'avenir de nos délégations et bureaux à l'étranger a été placé sous la présidence du sous-ministre Marcel Bergeron, ayant présenté, à l'automne 1988, un rapport préliminaire et un rapport final.

11.  Nous pensons notamment aux critères suivants :position géographique d'ouverture au monde: hôte d'institutions internationales et étrangères; exportation de facteurs de production et d'institutions ; importation de facteurs de production ; communications sociales importantes avec l'étranger ; liaison directe (transports et communications) avec l'étranger; services tournés vers l'international rayonnement international des mass media; accueil régulier d'activités internationales (congrès, expositions, etc.); institutions spécialisées dans le domaine international ; paradiplomatie municipale ou privée; ententes avec des acteurs étrangers (alliances économiques, sociales, culturelles, etc.); population de composition ethnique diversifiée (voir P. SOLDATOS, Atlanta and Boston in the New International Cities Era, in E.H. FRY, L.H. RADEBAUGH et P. SOLDATOS, éds., The New International Cities Era, Provo, Univ. Press, 1989.

12.  À propos de ce décret, nous partageons le point de vue de A. Patry, selon lequel l'adoption d'une loi en cette matière serait préférable, assurant la plus grande permanence et notoriété de ce régime réservé auxdites organisations internationales.

13.  Sur cette option, voir notre étude, Canada's Foreign Policy in Search of a Fourth Option, in A.R. RIGGS & T. VELK, éds., Canadian-American Free Trade, Halifax, 1987, pp. 45-64.