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La vie municipale et régionale



Caroline Andrew
Université d'Ottawa


L'année politique au Québec 1989-1990

· Rubrique : La vie municipale et régionale



La période de septembre 1989 à septembre 1990 a été marquée par la question de la fiscalité et par le conflit entre les municipalités et le gouvernement du Québec sur les champs d'imposition des commissions scolaires et des municipalités. La question de fond : comment faire le réaménagement des responsabilités et des ressources financières, entre le gouvernement du Québec et les autorités locales, municipales et scolaires.

En même temps, l'année a été très active au niveau des grands centres urbains. Les politiques de consultation et de participation ont pris leur envolée à Montréal. Les grands dossiers du centre-ville et du Mont-Royal ont été l'objet des consultations et l'activité politique s'est animée en fonction des élections municipales de novembre 1990. À Québec, c'étaient les élections municipales de novembre 1989 et la victoire de Jean-Paul L'Allier qui ont dominé la scène municipale. Dans l'Outaouais québécois, c'était également une année importante avec la restructuration au centre des préoccupations municipales.

Reprenons le fil des événements.



1. Le dossier de la fiscalité

Au début de novembre, le ministre des Affaires municipales a été chargé de préparer un projet de réforme du financement municipal pour le premier avril. Cette décision n'a pas été connue par le monde municipal avant le mois de mars. Ces deux éléments du dossier - le contenu des décisions sur la fiscalité municipale et scolaire et l'absence de consultation - ont été entremêlés toute l'année. En désaccord sur le fond de la question de l'accès au champ de l'impôt foncier par les commissions scolaires et les municipalités, le conflit s'est exacerbé sur la question des procédures. Le président de l'Union des municipalités du Québec s'est indigné des décisions jugées unilatérales du gouvernement, les traitant de « la pire dégueulasserie jamais vue en 30 ans de vie politique » (La Presse, le 4 avril). Le Premier ministre Bourassa, pour sa part, a trouvé que les représentants municipaux avaient condamné le gouvernement « un peu trop vite » tout en reconnaissant la frustration des municipalités « pour ce qui est du manque de consultation dans ce dossier » (La Presse, le 30 avril).

Au début du mois de mars, le ministre de l'Éducation a annoncé l'intention du gouvernement d'accroître l'accès des commissions scolaires au champ foncier. Les associations municipales - l'Union des municipalités du Québec (UMQ) et l'Union des municipalités régionales de comté du Québec (UMRCQ) - ont protesté contre cette décision qui, à leurs yeux, représente « un changement radical au Pacte fiscal » de 1980 (Urba, juin 1990, p. 8). Le président de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec (FCSCQ) a caractérisé la réaction municipale de « surprenante ». « Comment un gouvernement local peut-il réclamer du gouvernement québécois qu'un autre gouvernement local, élu par les mêmes électeurs, ne puisse pas avoir accès à des ressources pour répondre aux besoins exprimés par la même population ? » (Le Devoir, le 8 mars). Une série de rencontres ont eu lieu entre les représentants municipaux, le Premier ministre, le ministre des Finances et le ministre des Affaires municipales. Une guerre des chiffres et des comparaisons - entre le Québec et l'Ontario, entre 1980 et 1990, entre l'impact des décisions annoncées et celui des décisions à venir.

Le 27 mars, avec le dépôt du budget des dépenses du gouvernement, une certaine clarification s'est faite. Le gouvernement a précisé la nature des coupures dans les subventions aux commissions scolaires et un accès accru au champ foncier. Des coupures dans les subventions à la voirie régionale et locale ont également été annoncées.

Au début d'avril, un document a été rendu public par le Journal de Québec qui parle des transferts majeurs de responsabilités vers les municipalités dans les domaines de la voirie et du transport en commun. Plus tard, au mois d'avril, a eu lieu le discours du budget par le ministre des Finances. Le transfert des responsabilités aux commissions scolaires est confirmé et on annonce le début des négociations avec les municipalités pour la prise en charge du budget d'opération du transport en commun.

Le congrès annuel de FUMQ se tient au début du mois de mai, « dans une atmosphère de mobilisation générale » (Urba, juin 1990, p. 11). Le congrès a néanmoins permis un rapprochement entre le gouvernement et le monde municipal avec la proposition du ministre des Affaires municipales, M. Yvon Picotte, de tenir « une ronde intensive des consultations » (Le Devoir, 4 mai). Le 31 mai, le gouvernement a annoncé la mise sur pied d'un comité ministériel et d'un comité sous-ministériel avec mandat « d'étudier les impacts d'une révision du partage des responsabilités entre le gouvernement et le monde municipal dans le but d'élaborer une nouvelle entente fiscale avec les représentants municipaux » (Urba, juillet-août 1990). La composition des comités indique l'étendue des domaines d'activité impliqués dans cette révision; présidés par le ministre (et le sous-ministre) des Affaires municipales, les comités regroupent les ministères des Finances, de l'Éducation, du Conseil du Trésor, de l'Environnement, des Transports et de la Sécurité publique et des Affaires culturelles. Du côté des associations municipales, il y a également un travail de préparation pour les Assises Québec-municipalités.

L'année 1989-1990 se termine donc sur le premier acte d'une ronde de révisions des pouvoirs entre le gouvernement du Québec et les autorités locales. Quelle forme de décentralisation veut-on et comment faire cette décentralisation - voilà des questions qui vont continuer à dominer la scène municipale et régionale pour les prochaines années. La volonté gouvernementale de réduire ses dépenses est claire mais la volonté des représentants municipaux de ne pas voir l'augmentation de leur fardeau fiscal l'est également.




2. Les élections municipales au Québec

Le 5 novembre 1989 des élections municipales ont eu lieu dans plus de 1000 municipalités au Québec. Parmi les municipalités les plus importantes tenant des élections se trouvaient la ville de Québec et la ville de Laval, qui fêtait en 1990 son vingt-cinquième anniversaire. À Québec, M. Jean-Paul L'Allier a gagné tandis qu'à Laval, le maire Vaillancourt a été réélu. Parmi les enjeux électoraux à Laval, la question du transport en commun a été importante. Une entente a été conclue en septembre entre le gouvernement du Québec et les sociétés de transport de Laval, de la rive sud et de Montréal sur la création d'un organisme régional de transport pour mieux planifier le transport pour l'ensemble de la région de Montréal. Un projet de loi créant l'ORT a été déposé par le gouvernement (Urba, juillet-août 1990).

Le taux de participation aux élections municipales est à la hausse depuis 1981 et le nombre des élections par acclamation à la baisse. On note également « une hausse significative » du nombre des femmes élues, quoique leur représentation reste encore très minoritaire (en 1989 7,7 % des postes à la mairie et 17,6 % des autres postes élus) (Municipalité, mars-avril 1990).




3. L'année politique à Montréal

La consultation a été le thème dominant de l'année municipale à Montréal. Dès le mois de novembre, la ville a rendu public un plan de consultation publique lié à l'adoption de son premier plan d'urbanisme. Décrit comme « la plus importante consultation publique jamais tenue à Montréal » (La Presse, le 3 novembre), le plan envisageait un ensemble de techniques d'animation populaire visant à faire discuter des enjeux majeurs au niveau de chaque arrondissement. Les consultations dans le cas du plan pour l'arrondissement Centre avaient déjà commencé en 1988 et donc étaient plus avancées.

En janvier, la ville a rendu public son plan directeur d'aménagement et de développement du centre-ville. Le plan avait trois objectifs majeurs , renforcement de la vitalité économique du centre-ville, augmentation du nombre des résidents et amélioration de la qualité de l'environnement.

La publication du plan pour le centre-ville a été suivie, au début d'avril, par un Forum de concertation sur l'arrondissement Centre. Environ 400 personnes ont débattu les différentes visions du centre-ville ainsi que les différentes stratégies pour parvenir à ces visions. La plan a été approuvé par le comité-conseil de l'arrondissement Ville-Marie en août 1990 en vue de son adoption par le conseil municipal en septembre 1990.

Une autre expérience dans les consultations montréalaises a débuté avec la publication, à la fin de février, des propositions de la Ville pour le réaménagement du Mont-Royal. Le Bureau de consultation de Montréal, un organisme municipal autonome qui a eu la responsabilité d'organiser les audiences publiques, déposera son rapport au début de l'automne 1990. Ces questions - le centre-ville, le Mont-Royal, les processus de consultation en général - ont été étudiées en profondeur dans les différents numéros de la revue Trames.

La Ville a également continué sa politique d'organiser des journées afin de recevoir des communautés ethniques et aussi de renforcer les communications entre l'administration municipale et les groupes ethniques.

Au mois de février également, la Ville a conclu une entente avec le gouvernement du Québec pour prendre la responsabilité de gérer les programmes en matière de formation, de service d'aide et de réinsertion des bénéficiaires sur le marché du travail. « Plus qu'une simple formalité administrative, cette entente concrétise aussi les visées de l'administration Doré en matière de développement économique local. » (Le Devoir, 20 février).

Un autre moment hautement significatif de l'année municipale - le 18 janvier, le conseil a adopté une résolution interdisant les armes militaires. Tout le monde a été ébranlé par le drame de Polytechnique et tous les milieux, y compris certainement les autorités municipales, tentent d'empêcher que de tels drames ne se reproduisent.

D'autres sujets importants de l'année - le développement économique du sud-ouest de Montréal, les relations interraciales, particulièrement entre la police et la communauté noire, la gestion des déchets. Et finalement, le 1er janvier 1990, la Communauté urbaine de Montréal a fêté ses vingt ans.

Cette année prépare également les élections montréalaises de novembre 1990. Au milieu de l'été 1990, cinq partis politiques se préparaient en vue de ces élections. Les cinq partis : le Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal dirigé par le maire Jean Doré ; le Parti civique de Montréal dirigé par Nicole Gagnon-Larocque ; le Parti municipal de Montréal avec son chef Alain André; la Coalition démocratique de Montréal dirigé par Pierre-Yves Melançon ; et Montréal écologique géré par un comité de direction et non pas par un seul individu.




4. L'année politique à Québec

L'année a été dominée par les élections municipales du 5 novembre 1989. À la surprise de beaucoup d'observateurs, Jean-Paul L'Allier du Rassemblement populaire a défait Jean-François Bertrand du Progrès civique. À une semaine des élections, Le Devoir (28 octobre) publiait un article qui débutait ainsi « Le prochain maire de Québec s'appellera, nul n'en doute vraiment, Jean-François Bertrand ». Mais, au contraire, Jean-Paul L'Allier fut élu assez confortablement avec 58 % des votes.

L'enjeu principal de la campagne a été l'orientation du développement, cristallisée autour du projet de la Grande Place dans le quartier Saint-Roch. Un débat public entre les deux chefs, tenu le 24 octobre « aura montré tout l'écart qui sépare de fait les deux hommes au plan idéologique, surtout à propos du développement urbain de la Vieille Capitale » (Le Devoir, 28 octobre).




5. L'année politique dans l'Outaouais québécois

Les événements marquants de la période septembre 1989 à septembre 1990 ont touché la restructuration régionale de l'Outaouais québécois. La Communauté régionale de l'Outaouais et la Société d'aménagement de l'Outaouais, toutes deux créées en 1970 par le gouvernement du Québec, ont été l'objet de critiques, de réévaluations, de discussions depuis leurs débuts. Cette année, le dossier s'est concrétisé et le ministre des Affaires municipales a publié, en juin 1990, un rapport sur les structures régionales. Les trois grandes conclusions; la création d'une communauté urbaine de l'Outaouais (Aylmer, Hull, Gatineau, Masson, Buckingham) ; la création d'une nouvelle municipalité régionale de comté (incluant les municipalités rurales de l'actuelle CRO) ; et la tenue d'un référendum, avant le 15 mai 1991, sur les hypothèses de fusion entre Aylmer, Hull et Gatineau. Suite à ces décisions, le Ministre a permis à la ville de Hull de retarder ses élections d'une année, pour les tenir après le référendum sur la possibilité de fusion.

Les villes de Hull et de Gatineau ont été actives au niveau de la planification. Les deux ont développé des plans d'urbanisme, Hull voulant affirmer son rôle de capitale régionale et Gatineau déterminée à créer un centre-ville fort (Le Droit, 24 mars).




6. Conclusion

Au niveau des grands centres urbains, l'année en a été une de grande activité, surtout dans les domaines de planification, de consultation et de développement économique. Dans les relations entre le gouvernement du Québec et le monde municipal, l'année a été dramatique, avec des confrontations et des pourparlers au sommet. Mais pour savoir si les événements de cette année représentent des frictions de parcours ou le réaménagement profond dans les relations entre le gouvernement du Québec et les municipalités, il faut attendre la suite des événements.