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Les politiques gouvernementales



André Bernard
Université du Québec à Montréal


L'année politique au Québec 1989-1990

· Rubrique : Les politiques gouvernementales



En 1989-1990, les réorientations des politiques gouvernementales québécoises qui ont suscité les controverses les plus vives sont celles qui ont touché le domaine de l'éducation et celui des transports. Ces réorientations, en effet, vont entraîner une augmentation des frais de la scolarité universitaire, une hausse des impôts fonciers et, possiblement, une majoration des primes de l'assurance-automobile. En conséquence, elles ont été condamnées par les parlementaires du Parti québécois et par les porte-parole de plusieurs organisations, même si l'urgence de doter le domaine de l'éducation et celui des transports de nouvelles ressources n'a pas été contestée.

Dans les autres domaines, où la demande de nouvelles ressources a été tout aussi pressante que dans le domaine des transports et celui de l'éducation, le gouvernement n'a envisagé, en 1989-1990, que des aménagements limités. Les aménagements annoncés dans le domaine de la sécurité du revenu, dans celui des ressources humaines et dans celui de la santé et de l'adaptation sociale sont exemplaires à cet égard. Il en va de même des évolutions de la politique familiale, de la politique environnementale et de certaines politiques sectorielles, notamment dans le domaine des services. Dans tous les cas, les choix ont été subordonnés à la volonté de stimuler l'activité économique du Québec, de réduire le déficit et d'alléger les impôts qui peuvent influencer la croissance.

Ainsi, en 1989-1990, comme par le passé, la politique budgétaire du gouvernement a posé d'énormes contraintes aux gestionnaires responsables de la mise en oeuvre des politiques sectorielles ainsi qu'aux ministres qui travaillent à leur révision.



Le domaine de l'éducation

En 1989-1990, c'est assurément dans le domaine de l'éducation que les contraintes de la politique budgétaire ont suscité le plus de remous. Ces remous ont été particulièrement importants dans le milieu étudiant, hostile à la hausse des frais de scolarité annoncée le 19 décembre 1989. Les autorités ont justifié cette hausse par la nécessité d'accroître les ressources des universités et par celle d'opérer un partage plus équitable des coûts et des bénéfices entre les personnes qui suivent des études universitaires et les autres.

L'augmentation des frais de scolarité a été fixée à 350 dollars en 1990-1991 et à 350 dollars l'année suivante. Établis à 540 dollars en moyenne depuis 20 ans, ces frais atteindront ainsi 1240 dollars, somme néanmoins inférieure à la moyenne canadienne, qui était d'environ 1 350 dollars en 1988-1989. En dépit de cette hausse, cinq sixièmes des revenus des universités québécoises seront toujours financés par les impôts, en particulier l'impôt sur le revenu, dont une partie, au Québec, est constituée d'un transfert fiscal du gouvernement fédéral du Canada au titre de sa participation au financement des études supérieures.

Pour éviter que la hausse des frais de scolarité n'amène certaines personnes à abandonner leurs études, le gouvernement du Québec a aussi modifié son programme de prêts et bourses, dont les crédits passeront à 275 millions de dollars en 1990-1991, après avoir été de 256 millions en 1988-1989 et de 259 millions en 1989-1990. En plus d'augmenter les prestations d'un montant égal à la hausse des frais de scolarité et d'accroître le nombre des prêts et celui des bourses, les modifications à ce programme doivent renforcer les caractéristiques de l'aide gouvernementale, qui est supplétive et temporaire.

Ces modifications vont accentuer le caractère supplétif de l'aide puisque les critères d'attribution seront révisés pour tenir davantage compte des besoins, évalués d'après les ressources de chaque bénéficiaire et, dans le cas d'un ou d'une jeune célibataire, d'après celles de sa famille. Cette évaluation, révisée, continuera de déterminer le montant de l'aide, qui couvre d'abord, pour la durée des études, les intérêts sur un prêt remboursable à la fin des études, et qui comprend ensuite une bourse, les bourses étant réservées aux personnes dont les besoins sont plus importants et les ressources plus faibles. La révision des critères d'attribution sera complétée par un renforcement du caractère temporaire de l'aide.

Ce caractère temporaire sera renforcé par le truchement d'une limite au nombre d'années qu'une personne pourra consacrer aux études tout en bénéficiant du régime des prêts et bourses. De plus, pour accroître la persévérance et accélérer l'obtention des diplômes, les nouvelles mesures prévoient une remise de dette, variable selon les cas, aux bénéficiaires qui auront terminé leurs études dans les délais normaux.

Malgré ces modifications au programme des prêts et bourses, la hausse de 130 % des frais de scolarité a été qualifiée de « taxe » par le porte-parole de l'opposition, le député François Gendron, qui s'est fait l'écho du mécontentement exprimé dans le milieu étudiant.

Un important mécontentement a également été soulevé par la décision du gouvernement de charger les commissions scolaires du financement des dépenses d'équipement des écoles relevant de leur juridiction, en haussant proportionnellement l'impôt foncier scolaire, dont le taux était limité, depuis 1979, à un quart de un pour cent. Ce mécontentement a découlé, en partie, de la conviction que le gouvernement, grâce à ce transfert de responsabilité, cherchait simplement à réduire ses propres dépenses. D'ailleurs, le 28 mars 1990, devant les membres de l'Assemblée nationale, après avoir estimé à environ 300 millions de dollars par année le coût de l'entretien des équipements scolaires, le ministre Claude Ryan l'a reconnu en ces termes : « Et nous nous sommes dit que si cette dépense retournait aux commissions scolaires et qu'on leur donnât en même temps la possibilité d'aller chercher par l'impôt foncier les revenus dont elles auraient besoin pour la financer, ça donnerait au gouvernement une marge de manoeuvre dont il a absolument besoin... ».




Le domaine des transports

Le mécontentement a été renforcé quand le ministre des Finances, monsieur Gérard D. Lévesque, a révélé, en avril 1990, que le gouvernement envisageait de ne plus financer les coûts de fonctionnement de certains organismes de transport en commun relevant des municipalités. Une diminution importante des subventions du gouvernement provincial en faveur du transport en commun, qui s'élèvent déjà à plus de 400 millions de dollars par année, aurait en effet des conséquences fâcheuses pour les municipalités, qui devraient alors augmenter les tarifs ou les impôts.

Dans le domaine des transports, le gouvernement a également suscité du mécontentement en décidant de financer une partie d'un plan quinquennal d'investissements dans le réseau routier, annoncé pour 1990-1995, grâce à 625 millions de dollars provenant des surplus de la Régie de l'assurance-automobile. Cette décision, qui a fait craindre une majoration des primes, a d'ailleurs amené la transformation de la Régie de l'assurance-automobile en Société de l'assuranceautomobile. La hausse appréhendée des primes et l'abandon du statut antérieur de la Régie ont finalement suscité beaucoup d'insatisfaction.




Le domaine de la sécurité du revenu

L'opposition à la modification du statut de la Régie de l'assurance-automobile n'a cependant été qu'un pâle reflet de celle qu'a continué de soulever la réforme de l'aide sociale. Initialement présentée le 10 décembre 1987 dans un document intitulé « Pour une politique de sécurité du revenu », cette réforme a été concrétisée par un projet de loi adopté en décembre 1988 qui a commencé à prendre effet en août 1989. Elle a été condamnée, en 1989-1990, par les porte-parole de l'opposition parlementaire et par les organisations de défense des bénéficiaires, tout comme elle l'avait été en 1987-1988 et 1988-1989.

Les critiques adressées en 1989-1990 à la nouvelle politique de sécurité du revenu par les parlementaires du Parti québécois ont été formulées à de nombreuses reprises, notamment lors de l'étude d'un projet de loi (projet 76) modifiant la loi de décembre 1988. Ces parlementaires, pour l'essentiel, ont reproché au gouvernement de s'en prendre aux personnes les plus démunies de la société en raison d'une « logique budgétaire infernale », ainsi que l'a dit le chef du Parti québécois, monsieur Jacques Parizeau.

Cherchant à réfuter les arguments de l'opposition, le ministre responsable des programmes de sécurité du revenu, monsieur André Bourbeau, a répété que la nouvelle politique visait surtout à donner une meilleure chance de travailler aux personnes démunies qui sont aptes au travail. De plus, comme il l'a rappelé, une politique de ce genre avait été envisagée dès 1985 par quelques ministres du gouvernement du Parti québécois, car le nombre des prestataires de l'aide sociale aptes au travail avait augmenté considérablement de 1970 à 1985. D'ailleurs, en 1990, selon une évaluation du ministre avancée le 20 juin 1990, lors de l'étude du projet de loi 76, environ 75 % des prestataires de la sécurité du revenu étaient aptes au travail. Ce sont ces personnes aptes au travail, qui souhaitent travailler et qui n'ont pas d'obligations familiales qui les empêcheraient de le faire, que la nouvelle politique veut mettre au travail, notamment en développant ce que le ministre a appelé leur « employabilité ».

L'objectif de la nouvelle politique est aussi celui d'autres politiques auxquelles elle est liée. Ainsi, en raison de l'augmentation du salaire minimum, fixé à 4 dollars l'heure de 1981 à 1986 et passé à 5 dollars en 1989, il est devenu, selon l'expression du ministre, « plus payant de travailler que de recevoir passivement des prestations ». D'ailleurs, en 1989-1990, le gouvernement a encore accru l'écart entre les prestations, augmentées de 4,8 % le premier janvier 1991, et le salaire minimum, augmenté de 6,0 % le premier octobre 1990. La nouvelle politique, en somme, n'incite personne à préférer l'aide sociale au travail.

En pratique, d'après les porte-parole de l'opposition, en raison de la pénurie d'emplois, qui est catastrophique dans plusieurs régions, la stagnation relative de certaines prestations, prévue par cette nouvelle politique, pourrait accroître les inégalités décrites par le Conseil des affaires sociales dans deux récents documents, « Deux Québec dans un » et « Agir ensemble ». Cette conséquence indésirable, le ministre André Bourbeau a dit qu'elle serait évitée, notamment grâce au projet 76. Le gouvernement, a-t-il déclaré lors de l'étude de ce projet, ne veut aggraver la pauvreté de personne, mais il ne saurait faciliter la vie des prestataires aptes au travail, dont la disponibilité n'est pas restreinte par la charge d'enfants ou de personnes handicapées, qui refusent un emploi ou refusent de suivre une formation qui augmenterait leurs chances d'en obtenir.

Le gouvernement, par ailleurs, ne veut pas avantager injustement des prestataires qui font des déclarations erronées et, en conséquence, perçoivent une aide financière qui ne leur est pas destinée. C'est ainsi que la proportion élevée des déclarations erronées a mené le gouvernement à présenter, en mai 1989, un projet de loi (projet 144) qui, s'il avait été adopté, aurait permis de confronter les renseignements nominatifs du programme de la sécurité du revenu à ceux de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. De toute façon, selon le ministre, l'équité exige le contrôle des déclarations, contrôle dénoncé par des membres de l'opposition qui préconisent une politique de plein emploi donnant la primauté aux ressources humaines.




Le domaine des ressources humaines

Une telle politique, toutefois, serait confrontée au partage des juridictions inhérent au fédéralisme. En effet, alors que les assemblées législatives provinciales ont la possibilité de légiférer dans le domaine des ressources humaines, en vertu de leur juridiction sur les questions de nature locale ou privée, le gouvernement fédéral du Canada intervient également dans ce domaine en vertu de ses propres juridictions, qui touchent l'immigration, l'assurance-chômage et de multiples autres sujets. Or, en raison des différences dans les points de vue, aucun gouvernement n'a su, jusqu'ici, concilier les intérêts du Québec et ceux du reste du Canada dans ce domaine. En conséquence, confortant les différences de points de vue, le partage des juridictions interdit la mise en oeuvre d'une politique globale de plein emploi des ressources humaines spécifique au Québec.

C'est ainsi que, dans le discours inaugural du 28 novembre 1989, le gouvernement n'a annoncé, sur ce sujet, que des mesures sectorielles : d'abord, un document d'orientation sur la formation permanente de la main-d'oeuvre et sur les moyens de la favoriser, ensuite une politique d'apprentissage et, finalement, un énoncé de politique sur l'immigration accompagné de mesures concrètes sur le recrutement, la sélection et l'intégration des personnes désireuses de s'établir au Québec.

La réorientation de la politique gouvernementale en matière de formation, qui avait été annoncée antérieurement et qui doit se poursuivre, a surtout mené à la création d'un crédit d'impôt remboursable offert aux entreprises aux fins de les inciter à se doter de plans de développement de leurs ressources humaines. Promis au cours du printemps de 1989 et présenté lors du discours du budget du 26 avril 1990, ce crédit d'impôt permettra de rembourser une partie de certaines dépenses de formation.

Les dépenses admissibles sont les suivantes : premièrement, le coût d'élaboration d'un plan de développement des ressources humaines de l'entreprise intéressée; deuxièmement, les frais de formation payés par l'entreprise pour des cours offerts aux membres de son personnel par un établissement accrédité ; finalement, les salaires versés aux personnes qui suivent ces cours pendant leurs heures de travail. Sont expressément exclues les activités qui ne prennent pas la forme d'un cours. Sont également exclus les cours par correspondance, les cours dont l'objectif principal est d'accroître les habiletés relatives à la vente et les cours résultant d'une obligation légale imposée à l'entreprise. Finalement, les restrictions au titre des dépenses admissibles réduiront les risques d'une utilisation du crédit d'impôt à des fins qui ne correspondent pas aux objectifs de la nouvelle politique.

D'ailleurs, en vertu de cette nouvelle politique, seuls trois types d'établissements seront autorisés à dispenser les cours donnant droit au crédit d'impôt : les établissements de formation du niveau secondaire reconnus par le ministère de l'Éducation, les établissements visés par le programme d'aide à l'enseignement supérieur et, enfin, les firmes privées qui, satisfaisant à certains critères, auront été enregistrées auprès d'une des commissions de formation professionnelle créées par le gouvernement. Ces restrictions en faveur d'établissements accrédités faciliteront la validation des formations.

Enfin, dans le but de faciliter la mise en oeuvre de cette nouvelle politique, la Société de développement industriel du Québec offrira des garanties de prêt ou même des prêts participatifs aux entreprises qui auraient des difficultés à financer les plans envisagés.

Selon le ministre des Finances, cette nouvelle politique de remboursement de certaines dépenses de formation par le truchement de crédits d'impôt, qui coûtera 67 millions de dollars en 1990-1991 et 100 millions en 1991-1992, devrait amener de nombreuses entreprises à développer des plans de formation. Le remboursement prévu atteindra en effet 40 % des frais de formation admissibles assumés par une entreprise dont l'actif est inférieur à 25 millions de dollars ou dont l'avoir net est d'au plus 10 millions. Les entreprises plus importantes, cependant, ne pourront faire rembourser que 20 % de leurs frais admissibles. Par ailleurs, 50 % des coûts d'élaboration des plans de développement des ressources humaines seront remboursés aux petites et moyennes entreprises qui en élaboreront avant 1993, les taux de remboursement à ce chapitre étant plus faibles dans le cas des grandes entreprises et plus faibles après 1993. En définitive, selon les porte-parole du gouvernement, les incitations prévues devraient permettre d'atteindre les objectifs visés, même si, comme l'ont souligné les porte-parole de l'opposition, elles s'adressent également à toutes les entreprises y compris celles qui ont déjà des activités de formation et qui, par conséquent, n'ont pas eu besoin de crédits d'impôt pour en avoir.

De toute façon, cette politique s'insère dans une stratégie d'ensemble en constante évolution. C'est d'ailleurs dans cette perspective qu'ont été annoncés, en 1988-1989 et 1989-1990, divers aménagements aux interventions des institutions d'enseignement en matière de formation des adultes, en particulier celles qui concernent l'alphabétisation. Dans cette stratégie d'ensemble, la politique de formation devrait servir les objectifs de la politique de sécurité du revenu et contribuer au développement économique.

Il en ira de même, sans doute, de la nouvelle politique de l'immigration attendue depuis plusieurs années. L'insatisfaction suscitée par la politique d'immigration en vigueur paraît en effet assez importante. Elle a été exprimée, notamment, dans une étude du journaliste Luc Chartrand, intitulée « À quoi sert le ministère de l'Immigration ? », publiée en novembre 1989 dans L'Actualité. La publication de cette étude a d'ailleurs été suivie de l'annonce, le 3 novembre 1989, par la ministre Monique Gagnon-Tremblay, d'une réorganisation administrative du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, destinée à faciliter diverses réorientations. Dans la mesure où elles seront compatibles avec les politiques du gouvernement fédéral en ces matières, ces réorientations devraient servir davantage les objectifs de développement du Québec et contribuer à valoriser, chez les personnes originaires d'autres contrées désireuses de s'installer au Québec, la connaissance de la langue française et les capacités d'adaptation à la société québécoise. Elles devraient aussi, selon madame Gagnon-Tremblay, mener à une répartition territoriale de ces personnes qui puisse favoriser l'ensemble des régions du Québec.




Le domaine de la santé et de l'adaptation sociale

Le souci de favoriser également l'ensemble des régions, affiché par madame Monique Gagnon-Tremblay à propos de l'immigration, a également été manifesté par d'autres ministres à l'égard de nombreux dossiers économiques, conformément à la politique de développement régional; il l'a été aussi dans le domaine de la santé et de l'adaptation sociale. À plusieurs reprises, en 1989-1990, le ministre de la Santé et des Services sociaux, monsieur Marc-Yvan Côté, a d'ailleurs rappelé que la révision des politiques de ce domaine avait été engagée dans une perspective de régionalisation.

Cette régionalisation a été préconisée dans le rapport de la commission d'enquête présidée par le docteur Jean Rochon, publié en février 1988, ainsi que dans le document publié en avril 1989 par la ministre responsable du dossier de la santé à l'époque, madame Thérèse Lavoie-Roux, « Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec - Orientations ».

Cependant, lors des 26 séances que la commission parlementaire des affaires sociales a consacrées, entre le 23 janvier et le 11 avril 1990, à l'avant-projet de loi issu du document d'orientation d'avril 1989, la régionalisation a souvent suscité moins d'intérêt que la gratuité et l'universalité des soins de santé.

En effet, les arguments qui justifient la gratuité et l'universalité des soins sont apparemment mal connus puisque, selon les résultats d'un sondage publiés par le Journal de Québec le 29 mars 1990, près de 65 % des personnes interrogées, qui avaient un avis sur la question, se seraient déclarées favorables à la formule dite du « ticket modérateur », c'est-à-dire le paiement par chaque bénéficiaire d'une partie des frais encourus pour les soins de santé qui lui auraient été prodigués. Or le document d'orientation d'avril 1989 affirme qu'une facturation partielle des soins de santé aux personnes qui les reçoivent accentue les inégalités et qu'elle ne réduit pas les coûts globaux. Cette affirmation paraît logique puisque la diminution de la consommation de soins peu coûteux, incitée par le « ticket modérateur » ou la « surfacturation », entraîne finalement la multiplication des soins très coûteux rendus nécessaires en raison de l'aggravation des maladies que les personnes moins fortunées n'ont pas eu le moyen de traiter au moment opportun. Cette conclusion des spécialistes est bien différente des perceptions populaires.

Aux différences de perceptions qui marquent le débat consacré à la politique de santé et de bien-être du gouvernement du Québec s'ajoute par ailleurs l'incertitude quant au financement des soins de santé par le gouvernement fédéral. Cette incertitude, alimentée par la crainte suscitée par la croissance de la dette publique, prend de l'importance en raison de l'impact prévisible de toute modification apportée à la politique de santé du gouvernement fédéral puisque celui-ci finance près de 40 % des dépenses du secteur public reliées à la santé au Québec, à la fois par des prestations de services, par des subventions au gouvernement du Québec et, enfin, par des transferts fiscaux équivalents aux transferts financiers accordés aux autres gouvernements provinciaux.

Néanmoins, en 1989-1990, sans attendre d'avoir une politique d'ensemble définitive, le gouvernement a poursuivi la révision de quelques politiques particulières relevant du domaine de la santé et de l'adaptation sociale. C'est ainsi que le discours inaugural du 28 novembre 1989 a annoncé la révision des lois relatives à la santé mentale pour les rendre conformes aux orientations énoncées au début de 1989 dans un document intitulé « Politique de santé mentale », prolongement des recommandations d'un rapport de monsieur Gaston Harnois publié en 1987. Dans la même perspective, le gouvernement a constitué un groupe de travail, présidé par monsieur Mario Bertrand, qui a publié, le 14 juin 1990, un rapport sur les politiques de lutte contre la toxicomanie. De même façon, plusieurs autres changements ont été apportés ou annoncés. Parmi ces changements, il en est un, celui de la carte-santé informatisée, qui est spécifiquement destiné à accroître l'efficacité des services de santé tout en réduisant leur coût. Mais, dans ce domaine, le changement qui a retenu davantage l'attention, en 1989-1990, concerne le droit de pratique des sages-femmes.

Ce droit de pratique a été accordé de façon expérimentale et limitée, en vertu d'un projet de loi adopté le 22 juin 1990. Cependant, tout en participant du domaine de la santé et de l'adaptation sociale, ce projet a intéressé tout particulièrement les responsables des dossiers de la condition féminine et de la politique familiale.




La politique familiale

Néanmoins, même si le droit de pratique des sages-femmes intéresse ces responsables, c'est le dossier des garderies qui a été au centre de leurs préoccupations, en 1989-1990 comme en 19881989. Au chapitre de la politique familiale, en effet, la décision du gouvernement fédéral, annoncée au milieu du printemps de 1989, de ne pas donner suite à son projet de financement des services provinciaux de garde à l'enfance a été très mal accueillie au Québec. Cette décision a empêché le gouvernement du Québec de réaliser pleinement sa promesse d'accroître rapidement les subventions attribuées aux garderies et de donner suite à certaines propositions de l'énoncé de politique sur les services de garde, intitulé « Pour un nouvel équilibre », rendu public le 24 novembre 1988 par la ministre responsable de ce dossier à l'époque, madame Monique Gagnon-Tremblay. Finalement, prolongeant en 1989-1990 des débats engagés en 1988-1989, les porte-parole de plusieurs groupes et les parlementaires de l'opposition ont condamné les choix du gouvernement du Québec à l'égard du développement du réseau de garderies.

Tout en lui reprochant ses décisions au sujet des garderies, les porte-parole du Parti québécois ont également reproché au gouvernement de ne pas hâter davantage l'étude du projet de congé parental, présenté comme un autre élément important de la politique familiale. D'une durée prévue de 34 semaines, ce congé s'ajouterait aux dix-huit semaines du congé de maternité. Cependant, en 1989-1990, lors des séances de la commission parlementaire des affaires sociales consacrées à l'étude de l'avant-projet de loi sur les normes minimales de travail qui prévoit ce congé, il est apparu que sa définition définitive dépendra de la politique du gouvernement fédéral, qui a envisagé le paiement de 60 % de son salaire, pendant 25 semaines suivant la naissance, au parent qui choisira d'en bénéficier. De ce projet de politique du gouvernement fédéral, la députée Louise Harel, porte-parole du Parti québécois, a dit, le 13 mars 1990 à l'Assemblée nationale, qu'il était conçu pour l'Ontario, ce qui pourrait expliquer, en partie, les controverses qu'il a suscitées. De toute façon, la question du congé parental est complexe. En effet, s'il rend obligatoire l'octroi du congé prévu aux personnes qui le demanderont, le projet de loi sur les normes minimales de travail devra aussi préciser quelles conditions devront remplir ces personnes et quelles garanties devront fournir les organisations ou entreprises qui les emploient. Il devra également prévoir les recours à utiliser en cas de litige et fixer les délais des préavis de départ et de retour. De plus, il devra régler le problème des compensations financières destinées à remplacer le revenu du travail pendant la durée de ce congé. Finalement, compte tenu des difficultés inhérentes à la définition de ce congé et compte tenu des contraintes budgétaires que s'impose le gouvernement, cet élément de la politique familiale, étudié en 1989-1990, ne sera sûrement pas mis en oeuvre avant 1992. Cependant, dans l'immédiat, à l'occasion du discours du budget du 26 avril 1990, le gouvernement a porté de 240 à 360 dollars l'allocation accordée aux parents pour la perte de revenu subie au cours des deux premières semaines de congé subséquentes à une naissance.

La prudence qui a caractérisé l'étude du projet de congé parental a fait paraître bien rapide l'adoption, en juin 1989, du nouveau régime du partage du patrimoine familial imposé aux couples mariés. Ce nouveau régime a toutefois suscité de vives critiques, et il a fallu lui apporter des modifications, présentées le 2 mai 1990 à l'Assemblée nationale par madame Violette Trépanier, ministre dorénavant chargée de la politique familiale.

Cette politique familiale a été définie en septembre 1989 par la ministre qui en avait initialement la responsabilité, madame Thérèse Lavoie-Roux, dans un document intitulé « Familles en tête ». Cependant, selon un rapport du Conseil de la famille rendu public en avril 1990, le plan d'action décrit dans ce document requiert des ressources budgétaires qui font défaut. Les ressources que le gouvernement a consacrées à la politique familiale depuis 1988 sont pourtant considérables, même si, dans une large mesure, elles ont pris la forme d'allégements à l'impôt sur le revenu.

D'ailleurs, en 1989-1990, de nouvelles ressources ont été dégagées en faveur des parents. En effet, à l'occasion du discours du budget, le 26 avril 1990, le ministre des Finances a indiqué que les crédits d'impôts déjà accordés seraient haussés de 4,8 %, tout comme les prestations de la sécurité du revenu destinées aux parents. De plus, il a annoncé une augmentation de 10 % de la valeur limite admissible des résidences visées par le programme d'accès à la propriété créé en mai 1988 à l'intention de certaines familles de deux enfants et plus. Enfin, tout en conservant l'allocation de 500 dollars méritée à la naissance d'un premier enfant et celle de 1000 dollars méritée à la naissance d'un deuxième, depuis mai 1988, il a ajouté que celle que mérite la naissance de tout autre enfant passerait de 4500 à 6000 dollars.

Quel que soit leur impact sur la natalité, de telles allocations semblent bien accueillies. D'ailleurs, selon le discours inaugural du 28 novembre 1989, d'autres mesures concrètes donneront bientôt « des fondements solides à la politique en matière de population ». En définitive, compte tenu des difficultés croissantes créées par la situation démographique du Québec, dont l'importance relative au Canada diminue et dont la population en âge de travailler va bientôt décroître, la politique de la famille ou celle de la population obtiendra peut-être, un jour prochain, l'attention accordée depuis quelques années à la politique environnementale.




La politique environnementale

La politique environnementale du gouvernement du Québec est assurément l'une des politiques gouvernementales qui ont attiré davantage l'attention en 1989-1990, car elle a souvent été un sujet d'actualité en raison des catastrophes écologiques qui se sont produites, en raison aussi de conflits entourant les activités des organismes publics chargés d'intervenir en faveur de la protection du milieu et en raison, finalement, des nombreuses déclarations des ministres au sujet de l'environnement, notamment à l'occasion de l'examen des crédits du ministère de l'Environnement, consacrés davantage à l'assainissement des eaux de consommation qu'à la prévention, et à l'occasion de l'étude de projets de loi. Ces projets de loi, d'ailleurs, ont précisé la politique énoncée en octobre 1987 dans un document intitulé : « La conservation, agent de progrès. Un nouveau cap environnemental ».

Conformément aux orientations définies dans ce document, le gouvernement du Parti libéral a décidé, en 1989-1990, de faire de la réduction des déchets une nouvelle priorité. Affirmée dans une politique de gestion des déchets approuvée par le Conseil des ministres le 16 août 1989, cette priorité environnementale a été rappelée à maintes reprises par la suite, notamment lors du discours du budget, le 26 avril 1990, alors que le ministre des Finances a annoncé l'ajout de 50 millions de dollars, sur cinq ans, au Fonds de développement technologique pour la création d'un volet intitulé « Recherche et développement technologique en environnement ». Cette priorité a été confirmée également par une nouvelle législation, présentée par le ministre de l'Environnement, créant une Société québécoise de récupération et de recyclage, baptisée RECYC, qui prendra la relève du Fonds québécois de récupération. L'objectif, finalement, vise une réduction de 50 % du volume des déchets, au terme d'une action qui doit durer dix ans.

Le ministre de l'Environnement, monsieur Pierre Paradis, a également parrainé une modification de la Loi sur la qualité de l'environnement aux fins d'imposer aux entreprises qui polluent l'obligation de dépolluer, conformément au principe dit du « pollueur-payeur », qui avait été retenu lors du congrès du Parti libéral du Québec tenu en février 1988. Cependant, ce projet n'a pas plu aux propriétaires de sites à décontaminer, qui n'acceptent pas spontanément la responsabilité d'une contamination originant d'ailleurs.

En matière de pollution, de toute façon, il est difficile de s'entendre à l'amiable, comme l'ont illustré plusieurs des dossiers discutés en 19891990, en particulier celui du flottage du bois, qui est exemplaire à cet égard. En effet, l'économie réalisée par le flottage du bois est peut-être supérieure aux coûts financiers de la pollution qu'il entraîne. De plus, ces coûts sont peut-être capitalisés depuis longtemps dans la valeur des terrains. Finalement, le gouvernement hésite à hausser les impôts de l'ensemble des contribuables du Québec aux fins de couvrir les coûts supplémentaires impliqués par le transport terrestre du bois, que ne veulent assumer ni les entreprises forestières ni les populations riveraines des cours d'eau utilisés pour le flottage, la rivière Saint-Maurice en particulier. Ainsi, le flottage du bois paraît poser un dilemme difficile à résoudre.

Des dilemmes analogues étant posés par de nombreux dossiers du ministère de l'Environnement, plusieurs écologistes affirment que le gouvernement reste dominé par les intérêts d'entreprises qui polluent et qu'il ne consacre pas à la protection de l'environnement les ressources que réclameraient les générations futures si elles pouvaient s'exprimer. Des reproches similaires sont adressés par d'autres écologistes au gouvernement fédéral du Canada, qui emploie pourtant près de dix mille personnes dans le ministère appelé Environnement Canada et qui fait face aux mêmes dilemmes, notamment au titre de la pollution atmosphérique.




Le domaine du loisir et de la faune

Des dilemmes du même ordre se posent dans le domaine du loisir et de la faune, dont certaines politiques, comme celles du ministère de l'Environnement, visent la protection du milieu naturel. Néanmoins, dans le discours inaugural du 28 novembre 1989, il a été dit que « pour valoriser le potentiel économique de la faune, le gouvernement présentera un document d'orientation afin de préciser les modalités de la mise en oeuvre de la politique sur les espèces menacées ou vulnérables ». De plus, ce discours inaugural a annoncé une politique de gestion intégrée des ressources dans les réserves afin d'assurer la pérennité du patrimoine faunique. Il est toutefois difficile de concilier les politiques environnementales du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui concernent l'avenir, et certains types de loisirs, qui intéressent une partie de la population d'aujourd'hui.




Le domaine de la culture

Dans l'ensemble, les politiques environnementales font d'ailleurs penser à celles du ministère des Affaires culturelles. En général, elles ont en effet une finalité commune : celle de sauvegarder l'héritage afin de le transmettre, enrichi ou assaini, aux générations futures. Autrement dit, le principal bénéficiaire de leur mise en oeuvre, l'électorat de demain, ne participe pas aux scrutins d'aujourd'hui, contrairement aux populations bénéficiaires de la plupart des autres politiques gouvernementales.

C'est dans ce contexte que des membres de plusieurs organismes engagés dans la mise en oeuvre des politiques culturelles ont fait état en 1989-1990, de l'indigence des moyens mis à leur disposition. Et c'est dans ce contexte que de nouvelles politiques ont été promises dans le domaine de la culture.




Le domaine des services

De nouvelles politiques ont également été promises dans le domaine des services, qui couvre le secteur du tourisme, celui du marché financier et celui des communications.

En mai 1990, le ministre du Tourisme, monsieur André Vallerand, a annoncé la préparation d'une nouvelle politique dont l'objectif serait d'accroître le marché de l'industrie du tourisme québécois. Toutefois, dans ce secteur, le Québec ne peut pas être comparé à l'Ontario, qui sollicite une clientèle américaine plus importante que celle qui s'intéresse au Québec. La situation du Québec n'est pas comparable, non plus, à celle d'une petite province dont les activités économiques sont moins diversifiées. En définitive, le défi qui confronte l'élaboration de la nouvelle politique n'en est que plus grand.

Une nouvelle politique est également en préparation dans un autre secteur du domaine des services, celui du marché financier. Relative au courtage immobilier, cette politique sera formulée au terme d'une consultation consacrée à un document que madame Louise Robic, ministre déléguée aux Finances, a présenté à l'Assemblée nationale le 21 juin 1990. Ce document,« Le courtage immobilier », reflète déjà des avis formulés par les porte-parole des organismes impliqués dans les transactions immobilières et il s'inspire des politiques adoptées au cours des années précédentes dans le secteur du marché financier.

Par ailleurs, le troisième secteur du domaine des services, celui des communications, a souvent attiré l'attention en 1989-1990. Le gouvernement s'est en effet engagé dans une révision de la Loi d'accès à l'information, adoptée en 1982, qui suscite des avis contradictoires. De plus, il s'est opposé au gouvernement fédéral au sujet de certaines politiques de télécommunications, dont il estime qu'elles devraient relever de sa compétence. Paradoxalement, les deux organismes québécois du secteur des communications sont de petite taille : la Régie des télécommunications, ancienne Régie des services publics, dont le rôle consiste à « protéger l'intérêt public », emploie moins de cinquante personnes et commande un budget inférieur à deux millions de dollars ; la Commission d'accès à l'information, dont le rôle est de faciliter l'accès aux documents des organismes publics québécois tout en assurant la protection des renseignements personnels détenus par ces organismes, emploie, elle aussi, moins de cinquante personnes et son budget annuel dépasse tout juste deux millions de dollars. En définitive, l'importance de ces organismes ne se mesure pas à celle de leurs budgets.

Ces budgets constituent en effet une petite partie des crédits du ministère des Communications, dont relève également Radio-Québec qui, du point de vue de la classification budgétaire, appartient au domaine de l'éducation. Le ministère regroupe aussi divers services centraux de soutien qui, au cours des dernières années, ont presque tous été transformés en fonds spéciaux.




Le domaine de la gestion administrative centrale

La multiplication des fonds spéciaux est l'expression d'une politique délibérée du gouvernement dans le domaine de la gestion administrative centrale comme dans les programmes de soutien qui relèvent d'autres domaines. Ainsi, en 1989-1990, la ministre des Communications, madame Liza Frulla-Hébert, a présenté à l'Assemblée nationale un projet de loi visant à intégrer à un fonds spécial qui existait déjà (appelé « placement média ») les services de l'audiovisuel, de la traduction, de la photographie et des expositions, gérés par son ministère. Appelé dorénavant Fonds des moyens de communications, ce fonds spécial s'ajoute aux autres fonds spéciaux du ministère des Communications qui appartiennent au domaine de la gestion administrative centrale, celui de l'édition, celui des télécommunications et, enfin, celui de l'informatique.

Cette multiplication des fonds spéciaux est approuvée par les porte-parole de l'opposition officielle, car elle est censée produire des économies qui, bien que modestes, sont indéniablement souhaitables. Ainsi, en septembre 1989, il y avait déjà dix-sept fonds spéciaux, la plupart ayant été créés depuis 1985. De plus, à ces fonds spéciaux, qui sont distincts du Fonds consolidé du revenu, s'ajoutaient cinq fonds renouvelables, qui restent des composantes du Fonds consolidé. L'un de ces cinq fonds renouvelables, celui du Service aérien gouvernemental, a d'ailleurs fait l'objet d'un projet de loi étudié au cours du printemps 1990 qui le transformait en fonds spécial. Différents d'autres organismes autonomes, tels les offices, agences, conseils, commissions, régies ou sociétés et même différents d'autres entités appelées simplement fonds (par exemple, le fonds d'aide aux recours collectifs), les fonds spéciaux, finalement, se distinguent des autres services en raison de la règle de l'auto-financement qui leur est imposée et qui est très contraignante. Contraignante, cette règle de l'autofinancement l'est à plus d'un titre. En effet, devenu fonds spécial, le même service facture dorénavant les productions qu'il fournit aux autres organismes constitutifs du secteur public, qui les payent comme si elles leur étaient fournies par une entreprise privée. De plus, devenu fonds spécial auto-financé, ce service central a intérêt à pratiquer des prix et des délais de livraison inférieurs à ceux qu'offrent les entreprises privées, sinon les organismes qui doivent s'y approvisionner vont réclamer sa disparition et exiger la liberté de s'adresser directement aux entreprises privées ou le privilège de se doter de services qui leur soient propres, comme cela se faisait autrefois, avant la création des services centraux. En définitive, les services centraux de soutien, transformés en fonds spéciaux, subissent une contrainte apparentée à celle qui s'impose aux entreprises privées.

Cette contrainte devrait non seulement contribuer à accroître l'efficience et l'efficacité des services centraux transformés en fonds spéciaux, mais elle devrait également entraîner davantage de frugalité. En effet, obligés de payer les productions fournies par le service central devenu fonds spécial, les organismes publics qui doivent s'y approvisionner devraient sûrement réduire leur consommation. Comme l'a dit madame Liza Frulla-Hébert lors de la présentation du projet relatif au Fonds des moyens de communications, l'objectif du gouvernement est de mettre fin à la pratique du « bar ouvert » qui s'est développée petit à petit à l'égard des services centraux dits de soutien.

Cependant, distinct du Fonds consolidé du revenu et alimenté par des recettes propres servant à régler les dépenses correspondantes, chaque fonds spécial constitue une exception au principe de l'unité budgétaire grâce auquel des contrôles centralisés ont été instaurés jadis aux fins de corriger les abus facilités par la décentralisation antérieure. En conséquence, pour éviter le renouvellement des abus de jadis, les transactions effectuées sur chaque fonds spécial sont assujetties aux contrôles du vérificateur général, pour le compte de l'Assemblée nationale. Ainsi, suite à l'examen d'un échantillon de ces transactions, le vérificateur général peut ou pourra dire si la gestion des fonds spéciaux répond aux critères d'efficacité, d'efficience et d'économie, que les parlementaires veulent imposer pour éliminer complètement les risques de gaspillage.

En 1989-1990, dans cette perspective, un nouveau moyen de réduire les frais a d'ailleurs été trouvé : ce moyen consiste à centraliser les opérations d'emprunt des organismes autonomes du secteur public. Cette nouvelle mesure devrait épargner des dizaines de millions de dollars par année en raison des économies prévues au titre des taux d'intérêt et des frais de courtage, qui diminuent légèrement quand le montant de l'emprunt augmente. Une autre mesure d'économie, proposée dans le domaine de la gestion administrative centrale, mènera à facturer les frais d'évaluation des dossiers individuels des régimes de retraite du secteur public.

Ces économies, réalisées dans le domaine de la gestion administrative centrale grâce aux mesures présentées en 1989-1990, aideront sans doute à financer la politique d'équité salariale qui, en 1989 dans le secteur public, a consisté à hausser un peu plus rapidement que les autres les salaires de catégories d'emploi regroupant surtout des femmes. D'ailleurs, compte tenu du coût annuel des ajustements consentis, estimé à 400 millions de dollars, les revendications en faveur de l'égalité salariale sont apparemment, de toutes les revendications adressées au gouvernement, celles qui ont eu le plus de succès face aux contraintes budgétaires.

Ces contraintes budgétaires ont été imposées partout, même dans les deux domaines les plus directement liés à la politique de développement économique que semble privilégier le gouvernement, le domaine des ressources naturelles et des industries primaires et celui des industries secondaires. Ainsi, comme l'a d'ailleurs précisé le discours inaugural du 28 novembre 1989, pour mettre en oeuvre l'une de ses politiques économiques, la nouvelle politique de développement régional le gouvernement a annoncé qu'il allait surtout s'appuyer sur une réallocation des ressources et renforcer la modulation régionale de ses initiatives. Assorties de conférences socio-économiques et de contrats de relance avec les municipalités régionales de comté, ces mesures peu coûteuses ont paru bien timides aux yeux des parlementaires du Parti québécois.

Ces mesures ont cependant été moins critiquées que ne l'ont été la politique forestière, les politiques d'aide aux entreprises industrielles et la politique de développement technologique. En effet, la politique forestière a été tenue responsable du gaspillage des millions de tonnes de copeaux qui, en 1989-1990, pourrissaient dans les cours des scieries. De même, les politiques d'aide aux entreprises industrielles ont été dénoncées en raison des fermetures d'usines ou des licenciements qui, en 1989-1990, ont assombri l'horizon économique du Québec. Par ailleurs, le Fonds de développement technologique a été ridiculisé en raison du temps écoulé entre l'annonce de sa création imminente, faite en octobre 1988, et l'énoncé de ses modalités de fonctionnement, le 5 juin 1989, puis entre cette date et la parution, le 5 juin 1990, des communiqués relatifs aux premières subventions accordées.

En revanche, l'opposition parlementaire n'a pu reprocher au gouvernement son inaction dans le secteur de l'énergie. Au contraire ! En effet, en 1989-1990, malgré les difficultés soulevées par la conjoncture économique, par des organisations écologistes et par les politiques du gouvernement fédéral, la ministre de l'Énergie et des Ressources, madame Lise Bacon, a poursuivi sans tergiverser la mise en oeuvre accélérée de la politique énergétique rendue publique le 13 septembre 1988 dans le document intitulé « L'Énergie, force motrice du développement économique Politique énergétique pour les années 1990 ».

Par ailleurs, dans deux autres secteurs du vaste domaine des ressources naturelles et des industries primaires, celui des pêches maritimes et celui de l'agriculture, le gouvernement a engagé, en 1989-1990, des révisions de politiques dont les résultats sont attendus avec intérêt par les porte-parole des milieux concernés. Le gouvernement a en effet annoncé un plan quinquennal de restructuration de l'industrie des pêches et le ministre de l'Agriculture, monsieur Michel Pagé, a révélé qu'une politique de remise en exploitation et de remembrement des terres en friche était en préparation. Dans le secteur de l'agriculture, de plus, quelques aménagements ont été apportés aux politiques en vigueur, notamment au titre de la protection du territoire et à celui du programme d'aide à l'établissement sur les exploitations.

Dans un domaine voisin de celui des ressources naturelles et des industries primaires, le domaine des industries secondaires, le ministre des Finances, à l'occasion du discours du budget du 26 avril 1990, a ajouté un nouveau volet au programme d'aide au financement des entreprises et créé un nouveau programme de prêts participatifs pour favoriser le regroupement d'entreprises. Par ailleurs, le ministre de l'Industrie et du Commerce, monsieur Gérald Tremblay, fort occupé à réviser la réglementation des heures d'ouverture des établissements commerciaux, a mis l'accent sur les mesures destinées à soutenir l'innovation et il a incité les entreprises à envisager leur développement en fonction de ce qu'il a appelé « le moyen terme ».




Les autres domaines

Aux fins d'étendre les marchés internationaux des industries québécoises, le gouvernement a également engagé une révision de sa politique des affaires internationales. Selon le ministre des Affaires internationales, monsieur John Ciaccia, cette nouvelle politique devrait être rendue publique au cours de l'année 1990-1991.

Enfin, dans le domaine des institutions politiques, dans celui de l'habitation et dans celui de la protection de la personne et de la propriété, les aménagements mineurs apportés aux politiques ont été d'importance variable; de toute façon, aucun de ces aménagements n'a suscité de réactions remarquées. L'attention a néanmoins été attirée par les activités du ministère de la Justice : après avoir complété, en 1989-1990, d'importantes révisions au code de procédure pénale, le ministre de la Justice, monsieur Gil Rémillard, s'est en effet engagé dans un projet de réforme de la justice administrative et il a annoncé la discussion prochaine, en 1990-1991, de nouvelles propositions relatives à la protection de la vie privée. Par ailleurs, des déclarations de ministres ont laissé entendre qu'une nouvelle décentralisation en faveur des municipalités était envisagée...

Même s'ils ne reçoivent qu'une toute petite part des crédits annuels du gouvernement du Québec, ces trois domaines et le domaine des affaires internationales subissent les mêmes contraintes budgétaires que les domaines qui commandent des budgets très importants. C'est pourquoi l'idée d'accorder aux municipalités de nouvelles responsabilités, financées par une augmentation des impôts fonciers, peut venir à l'esprit.

Par ailleurs, des considérations inspirées par la politique économique s'imposent dans ces domaines comme dans les domaines dont les budgets sont plus considérables. C'est ainsi que l'idée de modifier profondément la politique des affaires internationales semble avoir été envisagée.

Cette réorientation de la politique des affaires internationales et les nombreuses autres réorientations annoncées compléteront vraisemblablement en 1990-1991 celles qui ont été effectuées depuis 1985-1986. D'ailleurs, prolongeant ceux des années précédentes, les changements introduits en 1989-1990 augurent probablement ceux de 1990-1991. En définitive, depuis 1985-1986, les changements aux politiques gouvernementales ont exprimé la continuité des objectifs prioritaires du gouvernement, qui visent l'accroissement des capacités de production des entreprises du Québec et l'élargissement de leurs marchés, la réduction du déficit budgétaire et l'allégement des charges fiscales qui nuisent à la croissance. Il est en conséquence logique de penser que cette continuité doit durer, tout en sachant que son prolongement la rapproche quand même de sa fin.