accueilsommairerubriques

Le patronat: Une année de crainte



Jean-H. Guay
Université de Sherbrooke


L'année politique au Québec 1990-1991

· Rubrique : Le patronat



A la fin de l'année 1990, le Conseil du patronat du Québec faisait, par la bouche de son président, le constat suivant: «La situation est difficile et le sera davantage au cours des six premiers mois de 1991.»1 ] Hélas, ce pronostic n'a pas été démenti par les faits. Au terme de 1991, on ne peut que tracer un assez sombre bilan des récents événements survenus sur la scène économique. Le patronat a été rudement ébranlé par la récession, dont l'effet de douche froide n'a épargné personne. Les préoccupations constitutionnelles qui animaient la classe d'affaires en 1989-1990 sont passées, de gré ou de force, au second plan. Ce retournement de situation, qui ramène vers l'économie le regard et l'esprit des gens d'affaires québécois, se révèle malgré tout porteur de nouvelles tendances.



Un climat économique inquiétant

Plusieurs entreprises ont dû fermer leurs portes: au cours de l'année 1991, presque 70 000 emplois ont été perdus, et un nombre record de mises à pied a été enregistré. Les petites et moyennes entreprises ne sont pas les seules à avoir encaissé les effets de cette récession. La liste est longue des grandes entreprises menacées, obligées de congédier définitivement ou temporairement une partie de leur main-d'oeuvre, et le secteur manufacturier s'y révèle particulièrement atteint. D'importantes papetières, telles Cascades et Dohnohue, désormais incapables de vendre leurs produits sur le marché américain, se voient contraintes de mettre un terme à leur production. Les ateliers Angus ont pour leur part annoncé leur fermeture au premier trimestre de 92. Quant à l'empire de Raymond Malenfant, cet homme d'affaires du secteur hôtelier dont le conflit avec la CSN avait défrayé les manchettes au milieu des années 80, il s'est retrouvé sérieusement ébranlé. Dans le domaine de la vente au détail, on a vu une vieille entreprise familiale jadis florissante, les quincailleries Pascal, fermer définitivement ses portes alors que dans les domaines du transport, de la fabrication ainsi que de la finance, on a assisté à de nombreuses fusions d'entreprises et à des réductions massives de personnels. En un mot, la classe d'affaires est sous le choc. Les plus faibles, mais parfois aussi les plus audacieux s'avèrent forcés de quitter la scène, où subsistent pourtant les plus résistants ou encore les plus prudents. Cette situation entraîne une perte de confiance chez les investisseurs et l'ensemble des consommateurs, deux facteurs qui alimentent la récession. Dans un document rendu public en juin 199 1, la Chambre de commerce du Québec ne cache pas son inquiétude: «Le niveau de vie des Québécois est en régression et le panier de sécurité sociale qui devait les prémunir contre la pauvreté n'arrive plus à garantir une qualité de vie minimale.»2 ]

La faillite la plus spectaculaire est sans aucun doute celle de la firme Lavalin qui, avec ses 4 000 employés, oeuvrait dans le secteur du génie-conseil. Au cours des dernières années, ce nom avait réussi à s'imposer comme un symbole de réussite et de prospérité. Présente dans les grands projets provinciaux, soutenue par l'Etat québécois, active sur la scène internationale, elle constituait, aux yeux de plusieurs, la preuve vivante que les entrepreneurs québécois peuvent réussir. Sa faillite a profondément troublé l'assurance en ses propres capacités que manifestait jusqu'à tout récemment la classe d'affaires. Et cet échec est d'autant plus brutal et retentissant que Bernard Lamarre, dirigeant de la firme, avait acquis au fil des années une notoriété certaine auprès du grand public, contrairement au relatif anonymat dans lequel évoluent la plupart des dirigeants d'entreprises.

Les porte-parole de la classe d'affaires se sont interrogés sur les causes de ces difficultés. Ils mentionnent en premier lieu le dollar, puis l'importance des déficits gouvernementaux. «Ne serions-nous pas surgouvernementés, surtaxés et surendettés par rapport à nos partenaires commerciaux ?»; c'est ce que demande le président de la Chambre de commerce du Québec, Jean Lambert3 ] ; et il ajoute: «[ ... ] nos efforts se trouvent minés par l'effet pervers d'une récession encouragée par les déficits gouvernementaux et par un cul-de-sac constitutionnel devant lequel Québec a été placé par le reste du Canada, remettant ainsi profondément en cause l'existence même de notre pays».

De l'avis de plusieurs observateurs externes, dont le professeur Léopold Lauzon de l'UQAM, la jeune classe d'affaires francophone porterait elle aussi une bonne partie des responsabilités. On aurait surévalué les compétences disponibles du secteur privé; on aurait procédé à des diversifications trop hâtives (par exemple Kemtec pour Lavalin) alors qu'on maîtrisait mal le savoir-faire nécessaire à la gestion de ces nouveaux secteurs. Et finalement, on aurait pris plus de risques que ne le permettait la conjoncture. L'éditorialiste du journal Les Affaires écrivait ainsi: «Fort de ses succès répétés, Bernard Lamarre a pris des risques de plus en plus importants jusqu'à ce qu'une combinaison de facteurs rende son entreprise insolvable.»4 ] En privatisant certaines sociétés d'État, on s'est trouvé du même coup à transférer des possibilités sans s'assurer que les structures du secteur privé étaient suffisamment solides pour les assumer. En somme, de l'avis de plusieurs, l'expression «Québec inc.» ne dégage plus la même force que celle qui en émanait il y a quelques années.




Une classe d'affaires en mutation

Cette récession n'est évidemment pas exclusive au Québec. Tout le continent en est durement affecté; quant à l'Ontario, la province voisine, elle enregistre des pertes plus importantes encore5 ] . La restructuration de l'économie mondiale, l'ouverture à de nouveaux marchés constituent autant de facteurs qui influent sur l'environnement économique des entreprises. Le jumelage de la récession et de cette restructuration de l'économie oblige à des transformations, des mutations. Selon la présidente de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Nycol Pageau-Goyette: «Tout ce qui touche l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises sera prioritaire...»6 ] Trois mutations significatives semblent en voie de s'accomplir et peuvent être relevées ici.

Les gens d'affaires réalisent, en premier lieu, qu'il faut faire une plus grande place aux entrepreneurs des différentes minorités. Madame Pageau-Goyette poursuivait par l'aveu suivant: «Les membres de ces communautés représentent une richesse indiscutable. Pourtant, nous ne les avons pas suffisamment accueillis chez nous jusqu'à maintenant.»7 ] On y voit même une occasion de réaliser de bonnes transactions. «Avec le libre-échange et la mondialisation des marchés, l'heure est à l'exportation. Les gens d'affaires souhaitent sans doute voir plus d'allophones faire partie de la Chambre pour être en mesure de bénéficier de leurs contacts et de leur expertise des marchés étrangers.»8 ]

En second lieu, il est indéniable que les associations patronales cherchent à se donner un rôle de maître d'oeuvre et à accroître leur influence en adoptant les modèles européens. La présidente de la Chambre de commerce de Montréal soutient ainsi que «Les gouvernements n'ont pratiquement plus les moyens d'intervenir. C'est donc à nous de trouver des solutions. On y verra.»9 ]

Mais la principale mutation est sans aucun doute le nouveau partenariat qui s'établit de plus en plus avec les syndicats.

Au cours des derniers mois, il est devenu de plus en plus manifeste que les entrepreneurs et les syndicats ont enterré la hache de guerre. Si la force syndicale l'a emporté pendant les années 70, si celle du patronat a profondément marqué les années 80, les années 90 ont commencé par l'émergence d'un nouvel état d'esprit. On parle de plus en plus de concertation. La FTQ et le Conseil du patronat se sont retrouvés à la même table pour défendre conjointement le projet Grande-Baleine. On tend à effectuer les nouvelles planifications en réunissant toutes les parties concernées, qu'il s'agisse de la construction de bateaux de croisière, de pression concernant le dollar et plus encore de la formation de la main-d'oeuvre. À ce dernier chapitre, les gens d'affaires avouent qu'ils devront mettre les bouchées doubles. Ainsi, le nouveau président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain reconnaissait ce qui suit: «[ ... ] nous n'avons pas particulièrement fait preuve de vision jusqu'à maintenant, dans l'important domaine de la formation»10 ] .

Ce nouveau partenariat s'est illustré de manière très concrète dans certaines entreprises. Chez Sidbec-Dosco, on a signé une convention sur les relations de travail dont les termes s'avèrent avantageux pour les deux parties. Chez Marine Industrie et Atlas Steel, les syndicats et les entrepreneurs ont établi l'entente suivante: la paix syndicale en échange d'investissements dans la recherche, le développement et la formation. Selon un conseiller économique, «ce sont là des signes d'un environnement de relations de travail saines et favorables à l'accroissement de la compétitivité du secteur privé québécois»11 ] . Le ministre Gérard Tremblay n'hésitait pas à ajouter: «On a mis fin aux discours pour travailler dans le concret. Les relations de travail ne seront jamais plus les mêmes. Les coeurs se sont parlé.»12 ]

Aux yeux de plusieurs, une mutation de cet ordre est des plus bénéfiques. Il s'agit peut-être là d'une des conditions essentielles à la survie de la classe d'affaires québécoise. Serge Saucier pense ainsi que malgré les récents échecs, «Québec inc.» n'est pas mort. Il s'appuie pour cela sur le «partenariat, la collaboration entre syndicats et patronat, entre PME et grandes entreprises, entre secteur privé et institutions publiques»13 ] .




Les dossiers politiques

Les représentations des organismes d'affaires auprès des divers paliers de gouvernement se sont succédées à un rythme soutenu. De mai 1990 à mai 1991, le Conseil du patronat a pris position quatre-vingt quatorze fois sur une multitude de questions: priorités budgétaires, politique d'immigration, réforme du code civil, régimes de retraite, équité salariale, développement durable, etc. On compte trente-deux mémoires et représentations écrites déposées auprès du fédéral et du provincial. Les autres associations patronales ont également été très actives.

À travers ce foisonnement de propositions, le discours de base demeure profondément marqué par le credo néo-libéral qui met l'accent sur la réduction du déficit, le dégraîssement de l'appareil d'État, la déréglementation massive. Ainsi, un dirigeant patronal n'hésitait pas à dire: «À moins d'un sérieux coup de barre, nous nous dirigeons dans le rang des États en déclin... Il est impensable de réussir cet objectif sans insister sur la réduction des interventions de l'État-providence qui veut tout réglementer.»14 ] L'État n'est pourtant pas ignoré dans le reste de ce discours. Il est identifié comme un joueur essentiel à la partie en cours mais qui devrait abattre différemment les cartes de son jeu.

Par rapport à 1990, l'évaluation portée par les gens d'affaires sur le contexte politique est certes plus critique. Ils sont nettement plus méfiants et moins optimistes, comme le démontrent les sondages effectués par le Conseil du patronat du Québec. C'est toutefois à l'endroit d'Ottawa que la méfiance se révèle la plus forte. En janvier 1991, uniquement 2% des répondants qualifiaient de «bonne» l'atmosphère du contexte politique canadien15 ] . Selon Ghislain Dufour, la cause en est fort simple et réside dans le fait que le gouvernement fédéral manifeste «[ ... 1 son impossibilité presque chronique de piloter de bons dossiers». Le contexte politique québécois semble vu d'un meilleur oeil. On croit ainsi que le palier provincial fait «mieux et à meilleur coût»16 ] . Le boycott par la Chambre de commerce du Québec du plan fédéral en matière de main-d'oeuvre transformant les chambres de commerce en «groupes de coordination» est un symptôme de plus de cette méfiance ressentie envers le gouvernement central17 ] .

C'est dans ce contexte que se poursuit, pour la classe d'affaires, le débat constitutionnel. Malgré un désabusement certain, ce dossier n'a pas pour autant cessé de préoccuper le patronat. Après l'échec de l'Accord du lac Meech, dans la conclusion duquel la classe d'affaires avait beaucoup investi, cette dernière a exprimé beaucoup d'amertume. Jacques Drouin, du groupe La Laurentienne, s'est dit fatigué du débat constitutionnel et de l'incompréhension d'Ottawa: «Ça fait trois ans que, dans le cadre de mes fonctions, je rencontre des officiels d'Ottawa. Eh bien, on se raconte des banalités.»18 ] Pour bien signifier que leur intérêt envers le dossier constitutionnel n'est pas mort avec Meech, toutes les grandes organisations ont présenté des mémoires à la Commission Bélanger-Campeau mise sur pied par le gouvernement québécois.

Monsieur Joly résume bien le double souci de ses congénères: «Un homme d'affaires est préoccupé par l'orientation constitutionnelle du Canada, d'une part, mais, d'autre part, il veut s'assurer qu'il y a une stabilité.»19 ] Cela étant dit, toutes les associations patronales émettent le constat que le statu quo serait inacceptable. Chacune envisage et suggère des modifications substantielles à la situation constitutionnelle présente.

La Chambre de commerce du Québec a tenu à ce propos un discours assez ferme. Par la voix de son président, Jean Lambert, elle a exigé un nouveau partage des compétences. Sans opter pour l'indépendance, son président disait: «Il faut que le Québec remette en cause son association avec le reste du Canada.»20 ] Monsieur Lambert, qui a milité pour le «non» lors du référendum de mai 1980, posait clairement le problème : le temps est maintenant venu de voir jusqu'où le milieu des affaires veut aller.» Il propose que les domaines de l'éducation, de la culture, des communications, de la main-d'oeuvre, du développement régional et des institutions financières relèvent uniquement de Québec. Il a soutenu, sans l'affirmer comme son premier choix, qu'une monnaie québécoise serait cependant «viable». L'ensemble de son propos invite à agir clairement et rapidement: «Nous sommes capables de faire vite d'autant plus que le climat est actuellement propice à des consensus.»21 ] À la Chambre de commerce du Québec, on croit de même que la question doit être «tranchée avec célérité et de façon décisive».

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain épouse des opinions semblables. Elle affirme ainsi: «Le changement, souhaitable hier, est devenu aujourd'hui une condition de survie de nos institutions d'un océan à l'autre. Des changements majeurs, fondamentaux même, dans la répartition des pouvoirs s'imposent. Seuls les nostalgiques d'une époque révolue refusent encore d'admettre cette évidence.»22 ]

Le Conseil du patronat, quant à lui, a aussi souligné les déficiences d'un éventuel statu quo. Ghislain Dufour, du CPQ, témoignait ainsi de l'évolution de la classe d'affaires depuis près de dix ans: en 1980, «nous étions embarqués dans un mouvement trudeauiste alors qu'aujourd'hui nous remettons en cause le statu quo»23 ] . Il propose un réaménagement du fédéralisme canadien dans le sens d'une décentralisation importante, puisque selon lui la «centralisation excessive entraîne un coût énorme»24 ] . Lors de sa déposition à la Commission Bélanger Campeau, le Conseil avançait ce qui suit:

«Des amendements constitutionnels importants s'imposent au Canada... Dans un pays aussi diversifié que le nôtre, les provinces doivent bénéficier d'une autonomie beaucoup plus considérable que ce n'est le cas actuellement...»25 ]

Trois secteurs devraient ainsi faire particulièrement l'objet d'une décentralisation: l'immigration, la main-d'oeuvre et la politique familiale. On envisage la rédaction d'une constitution québécoise, mais il faut préciser qu'on la conçoit comme pouvant se réaliser dans le cadre du régime fédéral. Selon une étude commandée par le Conseil, la souveraineté «appauvrirait les Québécois»26 ] . Pour le Conseil du patronat, ce dossier ne doit pas tout monopoliser. Répétant son avertissement, Ghislain Dufour lançait ainsi: «Sans ignorer le dossier constitutionnel, souhaitons que les élus du peuple n'y consacrent pas toutes leurs énergies.»27 ]

Lors de la présentation de son mémoire à la Commission BélangerCampeau, le Montréal Board of Trade a également suggéré un transfert de pouvoirs aux provinces28 ] . Il croit qu'on peut concrétiser ce projet sans quitter le régime fédéral, qui devrait toutefois se montrer capable de mieux s'adapter à la réalité. L'organisme anglophone se montre lui aussi fidèle à la devise fort répandue: le changement dans la continuité.

Parallèlement aux mémoires déposés à la Commission, plusieurs chefs d'entreprises ont pris la parole dans le débat constitutionnel. Serge Saucier, président d'une firme d'experts en comptabilité et en administration, lors d'une causerie intitulée «Le Québec d'abord», affirmait: «Et contrairement au passé, où le reste du Canada cherchait à décider pour le Québec, c'est désormais au Québec de décider de ce qu'il veut mettre en commun.»29 ]

En juin 1991, dans la revue Expressions30 ] , l'une des rares personnes interrogées à défendre l'option canadienne appartenait à la classe d'affaires. Bertin Nadeau, président et directeur général d'Unigesco, y affirmait: «Les Canadiens ont tout intérêt à s'unir pour relever les défis qui nous attendent. Un échec à cet égard serait catastrophique.» Il ne faut pas, selon lui, que le Québec établisse son avenir en fonction des «sentiments» et des «blessures» découlant de l'échec de l'Accord du lac Meech.

Dans la seconde moitié de 1991, la classe d'affaires n'est pas revenue sur ses déclarations très nationalistes de 1990; elles n'ont été ni reprises ni contredites formellement. L'accentuation de la crise économique semble toutefois avoir refroidi ses représentants les plus nationalistes, surtout à compter de la deuxième moitié de 1991. Un fait significatif est l'élection en septembre 1991, à tête de la Chambre de commerce du Québec, d'un «fédéraliste convaincu», Denis Mercier, qui prend la relève de Jean Lambert, prodique en déclarations nationalistes. Signe des temps, ce nouveau président affirme d'emblée sa foi: «J'ai toujours cru que le Québec pouvait trouver sa voie à l'intérieur du Canada et qu'ainsi nous formerions un meilleur pays.»31 ] Alex Harper, président du Board of Trade de Montréal, voit en lui un collègue plus conciliant: «Il affronte les problèmes avec plus de calme que M. Lambert. Il s'agit d'une question de style et, dans le contexte actuel, le style de M. Mercier semble plus productif.» Parmi les représentants de la classe d'affaires québécoise, on peut dire qu'au cours de 1991, seul Jean Campeau s'est affiché très nettement en faveur de la souveraineté du Québec. Toutes les autres figures connues ont semblé mettre au rancart certaines déclarations qui avaient pu sortir de leur bouche en 1990.




Une occasion

En somme, les effets conjugués de la récession, de la compétition entre grands ensembles économiques et du débat constitutionnel semblent avoir un double effet. Premièrement, la classe d'affaires affiche une forme beaucoup plus adoucie de nationalisme, dans la mesure où les craintes traditionnellement associées à ce dossier semblent remonter à la surface. Ce recul est-il passager ? Il est trop tôt pour le dire. Deuxièmement, l'obligation de se redéfinir constitutionnellement offre, aux yeux de plusieurs, la possibilité de repenser le Québec. En fait, la classe d'affaires y voit une occasion de structurer de nouvelles solidarités. Les Québécois doivent se mobiliser, se concerter, unir leurs efforts, tel est le leitmotiv à l'ordre du jour. Selon Jacques Drouin, du groupe La Laurentienne: «Il faudrait qu'à l'instar par exemple des Allemands, des Japonais et des Coréens, nous identifiions nos forces et nos faiblesses. Puis que l'on fixe les créneaux prometteurs et que l'on se mobilise.»32 ] Ces quelques mots paraissent vouloir, à eux seuls, contenir tout un nouveau projet de société.

En ce sens, l'enjeu dont on parle ici dépasse la question nationale; il renvoie au rôle de l'État, à celui des entrepreneurs. Il implique une redéfinition de tous les grands choix sociaux auxquels nous sommes confrontés de plus en plus sérieusement. Selon Denis Mercier, président de la Chambre de commerce du Québec: «1992 sera une année charnière pour le Québec; une année où tous les intervenants économiques et sociaux auront à faire des choix. Non, je ne parle pas tant de choix constitutionnels - bien qu'ils soient importants - mais de choix encore plus fondamentaux pour notre avenir.» Madame Nycol Pageau-Goyette fut on ne peut plus explicite sur la question lors de son témoignage à la Commission Bélanger-Campeau: «Un débat sur les structures constitutionnelles du pays mène naturellement à une réflexion sur les structures internes du Québec.»33 ] S'il est une chose dont on peut être sûr, c'est que les représentants patronaux ne resteront pas muets lorsque viendra le temps de participer à une telle réflexion collective.




Note(s)

1.  La Presse, 2 novembre 1990.

2.  2 La Presse, 13 juin 1991.

3.  La Presse, 13 juin 1991.

4.  Les Affaires, 10 août 1991.

5.  Les Affaires, 12 octobre 1991.

6.  La Presse, 13 septembre 1990.

7.  La Presse, 13 septembre 1990.

8.  Le Devoir, 6 septembre 1990.

9.  Le Devoir, 13 septembre 1990.

10.  La Presse, 13 septembre 90.

11.  Les Affaires, 12 octobre 1991.

12.  La Presse, 20 septembre 1991.

13.  Les Affaires, 16 novembre 1991.

14.  Le Devoir. 30 décembre 91.

15.  Le Devoir, 15 janvier 1991

16.  Les Affaires, 16 novembre 1991.

17.  Le Devoir, 5 novembre 1991.

18.  Le Devoir, 20 octobre 1990.

19.  Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, 7 novembre 1990, p. 65.

20.  La Presse, 26 septembre 1990.

21.  La Presse, 26 septembre 1990.

22.  Commission, op. cit., 15 novembre 1990, p. 396.

23.  Le Devoir, 19 octobre 1990.

24.  La Presse, 23 août 1990.

25.  Conseil du patronat du Québec, «Le Canada de demain, pour une constitution moderne», Mémoire soumis à la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, novembre 1990.

26.  Le Devoir, 19 octobre 1990.

27.  La Presse, 2 novembre 1990.

28.  Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, 14 novembre 1990, p. 283.

29.  La Presse, 20 septembre 1990. 30 Expressions, numéro spécial, juin 1991.

30.  Expressions, numéro spécial, juin 1991.

31.  La Presse, 26 septembre 1991.

32.  Le Devoir, 20 octobre 1990.

33.  Commission sur l'avenir politique et constitutionnelle du Québec, 15 novembre 1990, p. 395.