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Les politiques gouvernementales



André Bernard
Université du Québec à Montréal


L'année politique au Québec 1991-1992

· Rubrique : Les politiques gouvernementales



Au chapitre des politiques gouvernementales, l'année 1992 a été marquée par la publication de deux documents importants, La politique culturelle du Québec et La politique de la santé et du bien-être.

D'autres énoncés de politiques, plans d'action ou plans stratégiques, qui n'ont guère été publicisés, ont également paru. Ces documents concernent des secteurs variés: l'environnement, le tourisme, l'énergie, les affaires internationales...

Enfin, certains énoncés de politique annoncés n'ont finalement pas été publiés. C'est le cas du projet de politique des communications, qui a été écarté en raison des résultats du référendum constitutionnel du 26 octobre 1992. C'est le cas également du projet de politique des affaires autochtones envisagé par le ministre délégué aux Affaires autochtones, monsieur Christos Sirros.



La politique culturelle du Québec

Le 19 avril 1992, la ministre responsable du dossier de la culture, madame Liza Frulla-Hébert, a rendu public un document très important intitulé La politique culturelle du Québec. Notre culture. Notre avenir. La publication de ce document de 150 pages a été précédée, en 1991, par celle d'un rapport intitulé Une politique de la culture et des arts (produit en juin 1991 par un «groupe-conseil» présidé par monsieur Roland Arpin). La nouvelle politique, par ailleurs, reflète de nombreux avis formulés lors d'une consultation effectuée au cours de l'automne 1991 par une commission de l'Assemblée nationale à qui 214 mémoires ont été soumis.

Dans le cadre de cette nouvelle politique culturelle, le gouvernement poursuit un triple objectif. Il veut valoriser la langue française comme moyen d'exprimer la culture et d'y accéder, tout en valorisant l'héritage culturel et en renforçant le dialogue des cultures. Il veut aussi favoriser en priorité la création artistique en améliorant les conditions de vie professionnelle des créateurs et des artistes, et en assurant la vitalité des organismes artistiques et le développement des industries culturelles. Il veut enfin (chapitre trois du document) renforcer l'éducation et la sensibilisation aux arts et à la culture du Québec, en faciliter l'accès (par les musées et les bibliothèques, notamment) et favoriser la participation du plus grand nombre à la vie artistique et culturelle.

Pour mettre en oeuvre cette politique, le gouvernement a entrepris de réviser le mode d'intervention du ministère des Affaires culturelles, devenu ministère de la Culture le premier janvier 1993. Une partie du personnel du ministère se retrouvera à l'emploi d'un Conseil des arts et des lettres du Québec, un nouvel organisme qui agira comme un levier supplémentaire dans la mise en oeuvre de la nouvelle politique.

La nouvelle politique a été applaudie. Avec l'aide des fonctionnaires de son ministère madame Liza Frulla-Hébert a réussi à écarter la menace de contestations que la consultation de l'automne 1991 avait pu laisser présager. Elle a en effet obtenu une impressionnante augmentation des crédits budgétaires attribués à son ministère, de sorte que, selon ses propos (rapportés notamment dans Le Devoir du 6 août 1992), le nombre des personnes ou organismes à qui des fonds seront accordés passera de 4 500 par année (1992) à 8 250 (1994). Par ailleurs, le nouveau Conseil clés arts et des lettres du Québec a paru un compromis acceptable. Enfin, semble-t-il, de nombreuses personnes ont été rassurées par la perspective retenue dans le document décrivant la politique.

Cependant, en dépit des applaudissements qu'elle a suscités, la nouvelle politique a paru bien incomplète. Elle a paru incomplète parce qu'elle n'a pas directement mis en cause les interventions du gouvernement du Canada dans la vie culturelle du Québec. Le rapport du «groupe-conseil» de juin 1991 avait proposé le transfert au gouvernement du Québec de la portion «québécoise» des programmes du gouvernement fédéral du Canada dans le domaine de la culture. Selon ses propres déclarations du premier semestre 1992, madame Frulla-Hébert a tenté d'obtenir le transfert souhaité mais elle n'a pas réussi. De toute façon, l'électorat a rejeté la formule retenue dans l'accord constitutionnel soumis au vote des Québécois le 26 octobre 1992 (formule laissant au gouvernement du Québec une plus grande maîtrise d'oeuvre en matière de culture).

Quoi qu'il en soit, celui des objectifs de la politique culturelle que l'on trouve décrit au début du document (pages 25-32: «Valoriser la langue française comme moyen d'exprimer la culture et d'y accéder») sera poursuivi dans un contexte bien particulier, puisque l'on a enregistré un net recul dans l'usage du français dans les activités culturelles pratiquées par les jeunes au Québec entre 1978 et 1990 (selon une enquête réalisée pour le Conseil de la langue française par monsieur Uli Locher, et publiée au début de 1993).




La politique de la santé et du bien-être

La présence du gouvernement fédéral du Canada dans le domaine de la culture au Québec n'est pas sans rappeler les interventions des fonctionnaires et parlementaires d'Ottawa dans une quantité d'autres domaines que beaucoup de personnes croient de compétence législative provinciale.

Ainsi, parce que la Loi constitutionnelle de 1867 accorde aux assemblées provinciales le pouvoir de légiférer en ce qui concerne les hôpitaux, on pourrait croire que le gouvernement fédéral n'a pas le «droit» d'intervenir dans le domaine de la santé. Il n'en est rien: il est intervenu et continue d'intervenir, en finançant grâce aux impôts qu'il perçoit une part importante du coût du régime d'assurance-maladie géré par les administrations provinciales, en édictant des normes auxquelles elles doivent se soumettre et en menant directement des quantités d'actions dans le domaine de la santé.

Même s'il est assujetti aux contraintes que lui impose le gouvernement fédéral dans ce domaine, celui de la santé, le gouvernement du Québec a décidé de se doter d'une politique bien à lui, La politique de la santé et du bien-être, rendue publique le 15 juin 1992. Paradoxalement, le document qui décrit cette politique laisse croire que les autorités provinciales du Québec sont souveraines en ce domaine. Dans la préface qu'il a signée, en guise de présentation de sa nouvelle politique, le ministre Marc-Yvan Côté ne fait aucune allusion au gouvernement fédéral du Canada. Le document tout entier, sans jamais mentionner les fonctionnaires et parlementaires d'Ottawa, couvre pourtant l'ensemble du domaine de la santé.

Cette politique de la santé et du bien-être a été présentée par le ministre comme une quatrième étape dans un cheminement engagé le 7 décembre 1990 par la publication du document intitulé Une réforme axée sur le citoyen (voir L'année politique au Québec 1991, pages 32-35). Cette réforme, proposée en décembre 1990, était elle-même l'aboutissement d'un long processus commencé en 1985 lors de la création d'un commission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux présidée par le docteur Jean Rochon. Le rapport de cette commission, déposé en février 1988, avait été suivi, en avril 1989, par une déclaration d'intentions intitulée Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec - Orientations (document présenté par la ministre responsable du dossier à l'époque, madame Thérèse Lavoie-Roux). La déclaration d'intentions d'avril 1989 avait mené à l'élaboration d'un avant-projet de loi auquel la commission parlementaire des Affaires sociales avait consacré 26 séances entre le 23 janvier et le 11 avril 1990. Prolongement de tout cela, le livre blanc du 7 décembre 1990 pouvait paraître comme la dernière étape d'un long processus. Pourtant, il devait être la première étape d'un nouveau processus qui a abouti à la politique présentée le 15 juin 1992.

Entre le 7 décembre 1990, date de la publication du document Une réforme axée sur le citoyen, et le 15 juin 1992, plusieurs événements se sont produits. Un projet de loi concrétisant les grands éléments de la réforme a été présenté, débattu (et passionnément contesté), amendé et, finalement, adopté (projet 120, chapitre 42 des lois de 1991). Plus tard, en décembre 1991, le ministre a rendu public un document de consultation (Un financement équitable à la mesure de nos moyens) qui a fait l'objet de discussions animées lors de six séances d'une sous-commission parlementaire en février 1992. À la question du financement des soins de santé évoquée dans ce document de décembre 1991, le ministre a donné une réponse le 8 mai 1992 dans un document intitulé Les choix du Québec en matière de financement du système socio-sanitaire. Ces choix ont prévu, entre autres mesures, de «désassurer» les examens optométriques requis par les personnes de 18 à 40 ans, et les services dentaires fournis aux enfants de 10 ans et plus; ils ont prévu également une contribution de 2 dollars pour l'exécution d'une ordonnance ou de son renouvellement exigée des personnes de 65 ans et plus qui n'étaient pas bénéficiaires du supplément du revenu mensuel garanti (avec un maximum exigible de 150 dollars par personne par année). Ces choix, en somme, ont cherché à réduire les frais chargés au régime public tout en respectant ce que le ministre a présenté comme son «souci de préserver les éléments de base de notre système» (éléments de base qui, de toute façon, lui sont imposés par le gouvernement fédéral du Canada).

La politique publiée le 15 juin 1992 vise autre chose que les structures (objet principal du document du 7 décembre 1990 et du projet de loi qui l'a partiellement concrétisé) et autre chose que le financement (objet du document du 8 mai 1992). Cette nouvelle politique vise 19 objectifs spécifiques à atteindre avant l'an 2002, afin de corriger autant de situations qui posent problème. L'objectif 1, pour citer un exemple, est le suivant: «D'ici l'an 2002, diminuer les cas d'abus sexuel, de violence et de négligence à l'endroit des enfants, et atténuer les conséquences de ces problèmes». Autre exemple, l'objectif 16: «D'ici l'an 2002, réduire de 50 pour cent le nombre moyen de dents cariées, absentes ou obturées chez les enfants de 6 à 12 ans et chez les adultes de 35 à 44 ans». Les objectifs visés concernent, outre les deux résultats cités en exemples, les problèmes suivants: les troubles de comportement des jeunes, la délinquance, la violence faite aux femmes, l'itinérance, l'alcoolisme et l'usage abusif des psychotropes, les naissances prématurées ou anormales, les maladies cardio-vasculaires, le cancer, les traumatismes (blessures accidentelles), les maux de dos, l'arthrite et les rhumatismes, les maladies du système respiratoire, les maladies transmises sexuellement et le sida, les maladies infectieuses (comme la rougeole ou la coqueluche), les problèmes de santé mentale, le suicide, les obstacles à l'intégration sociale des personnes âgées et, enfin, dernier problème sélectionné, les situations de handicap chez les personnes qui ont des incapacités.

Cette politique, axée sur la prévention et le choix des interventions les plus efficaces (celles qui atteignent le but recherché), présuppose la mobilisation de ressources considérables. Des ressources qui paraissent bien limitées à une époque de déficits récurrents et dans le contexte d'un partage fiscal fort inégal entre Ottawa et les provinces (le Parlement du Canada peut percevoir des revenus par tout mode ou système de taxation alors que l'Assemblée nationale n'a autorité que sur la partie qui reste des impôts directs)!

Plusieurs personnes ont fait remarquer que la santé est affaire de prospérité économique. À ce compte-là, une politique de la santé et du bien-être devrait être complétée par une politique de croissance et de plein emploi. Le problème prioritaire, par conséquent, serait un problème de politique économique, pour citer à ce propos le point de vue des porte-parole des syndicats, qui s'en prennent aux décisions du gouvernement fédéral du Canada (et à celles des gouvernements centraux d'autres pays) qui ont favorisé depuis une dizaine d'années la lutte contre l'inflation au détriment de la croissance et du plein emploi.




Les stratégies de développement économique

Les ministres du gouvernement du Québec chargés des dossiers économiques souhaitent manifestement stimuler la croissance et le plein emploi, mais les capacités d'intervention de l'État provincial paraissent insignifiantes par rapport à celles des organismes d'Ottawa. C'est à Ottawa que les grandes décisions sont prises et, de toute évidence, beaucoup de décisions y sont prises contre le gré des autorités provinciales québécoises.

On a fait grand cas, néanmoins, de la mise en oeuvre, en 1992, de la stratégie de développement industriel du ministre de l'Industrie, du Commerce et de le Technologie, monsieur Gérald Tremblay, dévoilée le 2 décembre 1991. Mais les résultats visés ne seront sans doute atteints Wils le sont) que dans plusieurs années, tout comme ceux du plan stratégique quinquennal pour le développement de Montréal présenté le 17 décembre 1991 par le président du Conseil du trésor, monsieur Daniel Johnson.

Douze mois après la publication de la stratégie des «grappes industrielles» de monsieur Gérald Tremblay et du plan intitulé Pour un redressement durable de monsieur Daniel Johnson, plusieurs des «actions» annoncées se faisaient encore attendre, ainsi que l'ont rappelé des parlementaires de l'Opposition, en décembre 1992. Les difficultés de mise en oeuvre des stratégies de développement économique semblent finalement aussi impressionnantes que les dispositions prises pour les faire connaître.

C'est ainsi qu'un collaborateur du quotidien Le Devoir a pu écrire que le ministre du Tourisme, monsieur André Vallerand, avait présenté sa stratégie de développement de l'industrie touristique «à grands renforts de gadgets médiatiques». Cette stratégie, rendue publique le 14 janvier 1992, est décrite dans un magnifique document illustré de plus de cent pages (24 pages de présentation, 65 pages consacrées à l'énoncé de politique, 30 pages consacrées au «plan d'action de mise en oeuvre»). Intitulé Des saisons et des gens. Le partenariat, force motrice de l'industrie touristique. Enoncé de politique et plan d'action en matière de tourisme, le document a été précédé par la publication, en novembre 1990, d'un autre document qui avait été présenté, déjà, comme un «énoncé de politique en matière de tourisme».

La nouvelle politique touristique vise quatre objectifs principaux (croissance, amélioration de la qualité de vie, rayonneme4t du Québec, développement des régions). La croissance visée mènerait, selon les voeux du ministre, à doubler les recettes de l'industrie du tourisme «d'ici l'an 2000» (compte tenu d'un taux d'inflation hypothétique de 4 pour cent par an).

Le 30 janvier 1992, quelques jours après la présentation de la nouvelle politique, le ministre du Tourisme du Québec, monsieur André Vallerand, et le ministre du Développement régional d'Ottawa, monsieur Benoît Bouchard, annonçaient la conclusion d'une entente fédérale-provinciale en vertu de laquelle le gouvernement provincial du Québec et le gouvernement fédéral d'Ottawa dépenseraient conjointement (moitié-moitié) 100 millions de dollars en cinq ans pour soutenir des projets d'expansion, des initiatives de promotion et diverses autres actions incitatives en matière de tourisme. L'importance de ce montant (10 millions par an de la part du ministère du Tourisme) est fonction du budget du ministère du Tourisme (qui était de 105 millions de dollars en 1992-1993). L'importance de ce budget est elle-même fonction des recettes touristiques annuelles au Québec, qui dépassent un milliard de dollars (mais les «touristes» du Québec, semble-t-il, dépensent encore davantage à l'extérieur du Québec). Ceci dit, les deux-tiers des gens considèrent que «le gouvernement ne fait pas suffisamment d'efforts promotionnels pour l'industrie touristique au Québec» (selon les résultats d'un sondage réalisé pour les Associations touristiques régionales associées du Québec, résultats présentés dans Le Devoir, le 6 février 1992, par monsieur Normand Cazelais).

Dans le domaine économique, à coté du secteur du tourisme, un autre secteur qui éprouve de grandes difficultés est celui de l'industrie forestière. En conséquence, en matière de développement économique, la stratégie la plus attendue est sans doute celle qui concerne cette industrie. Depuis 1990, cette industrie, qui regroupe dans le seul secteur des pâtes et papiers environ 60 établissements au Québec et emploie 30 000 personnes, enregistre «en moyenne» des coûts de production de quelque 20 pour cent plus élevés que ceux des usines du sud des Etats-Unis. Les difficultés de plusieurs usines, dans ce secteur industriel, ont mené le ministre des Forêts, monsieur Albert Côté, a faire un bilan de la situation.

Ce bilan a été rendu public le 21 octobre 1992. Intitulé L'industrie québécoise des pâtes et papiers. Situation et perspectives d'avenir (179 pages), ce bilan complète et précise un rapport produit en février 1992 par un groupe de travail créé l'année précédente (groupe d'action sur l'avenir de l'industrie des produits forestiers). Le document d'octobre 1992 rappelle que les usines québécoises de pâtes et papiers appartiennent à 25 entreprises dont 15 ont leur siège social à l'extérieur du Québec. La moitié des usines québécoises sont équipées de machines qui ont beaucoup vieilli et plusieurs d'entre elles connaissent de «graves problèmes». Par ailleurs, elles ne peuvent pas toujours respecter les nouvelles normes de protection de l'environnement, en particulier celles des États américains qui exigent que le papier consommé sur leur territoire comporte une certaine proportion de fibres «recyclées». Les défis posés à l'industrie québécoise des pâtes et papiers sont formidables et les solutions nécessiteraient des investissements colossaux. Reste à voir ce que pourra faire le gouvernement du Québec, dont les moyens paraissent bien modestes comparativement à ceux du gouvernement d'Ottawa, que les usines de l'Ontario et de la Colombie Britannique préoccupent beaucoup.

Il n'y a pas que dans le secteur des forêts et du tourisme que le Québec fait face à des difficultés considérables. En vérité, le gouvernement du Québec est confronté par des défis quasi insurmontables dans la plupart des secteurs du domaine économique. Or, dans aucun de ces secteurs il n'a la maîtrise de tous les moyens d'intervention, car, dans tous les cas, le gouvernement fédéral d'Ottawa contrôle les instruments les plus significatifs (monnaie, impôts, réglementations, interventions directes, et ainsi de suite) et, c'est absolument incontestable, il les utilise en fonction des intérêts de la majorité linguistique du Canada dès lors que ceux-ci sont différents de ceux de la minorité.

Les stratégies de développement économique du gouvernement du Québec, en conséquence, sont caractérisées par la faiblesse des moyens qu'elles peuvent mobiliser. Cette faiblesse relative des moyens disponibles fait ressortir davantage la bonne volonté des ministres et des fonctionnaires du Québec.

Un exemple qui illustre cette bonne volonté a été fourni, le 14 avril 1992, par un document que la ministre de l'Énergie et des Ressources, madame Lise Bacon, a déposé à l'Assemblée nationale: La stratégie québécoise d'efficacité énergétique.

Dans sa version définitive, produite après des discussions en commission parlementaire les 25 et 26 mai 1992 et présentée le 10 décembre 1992, La stratégie québécoise d'efficacité énergétique. Orientations et plan d'action (55 pages) propose un objectif relativement modeste, après avoir rappelé, entre autres choses, que la consommation d'énergie au Québec, entre 1971 et 1991, «n'a augmenté que de 8 pour cent alors que le produit intérieur brut s'est accru de plus de 70 pour cent en dollars constants» (page 9). L'objectif est le suivant: accroître la consommation d'énergie d'un taux très inférieur au taux de croissance du produit intérieur brut (par exemple, dans l'hypothèse où la croissance du produit intérieur brut, en dollars constants, entre 1992 et 2001, serait de 2,6 pour cent par an, la croissance de la consommation d'énergie devrait être de 1,2 pour cent par an). Pour atteindre cet objectif, diverses mesures sont préconisées. La plupart de ces mesures concernent l'électricité, qui couvre moins de la moitié des besoins énergétiques du Québec (le pétrole et le gaz, énergies sur lesquelles le gouvernement du Québec a moins à dire, sont mentionnées, pages 31-33). Même si leur impact n'était pas considérable, ces mesures seraient assurément louables et, en conséquence, elles ont été favorablement accueillies.

Parmi les autres documents produits par des ministres titulaires de portefeuilles «économiques», une place à part a été faite au Plan d'action Québec-Mexique, produit par le ministère des Affaires internationales que dirige monsieur John Ciaccia. Ce plan d'action entend promouvoir le Québec au Mexique, aider les entreprises québécoises qui exportent ou désirent exporter au Mexique et établir des contacts privilégiés avec les institutions mexicaines (exemple: entente fiscale dans le but d'éviter la double imposition et de prévenir l'évasion fiscale).




La politique québécoise de développement régional

À titre de ministre responsable du Développement régional, monsieur Yvon Picotte avait rendu publique, le 19 décembre 1991, une nouvelle «politique de développement régional» (voir page 45, L'année politique au Québec 1991), une autre politique fondée sur l'appel à la concertation, au partenariat, à la bonne volonté. La mise en oeuvre de cette nouvelle politique a impliqué, en 1992, l'organisation d'un Conseil régional dans chacune des régions administratives en dehors de Montréal et le recrutement des «secrétaires adjoints aux Affaires régionales» qui les animeront; elle a impliqué également le démantèlement partiel de l'Office de planification et de développement du Québec (O.P.D.Q.), qui sera remplacé le premier avril 1993 par une structure plus «légère» (on parle de 140 personnes au lieu de 220), appelée Secrétariat aux Affaires régionales.

Il faudra sans doute patienter longtemps pour cueillir les fruits attendus de cette nouvelle structure. C'est ce qu'a laissé croire l'attitude des fonctionnaires du ministère des Transports qui ont attendu le début de 1993 (après une manifestation spectaculaire le 8 janvier à Amos) pour soumettre leur plan de réorganisation au Conseil régional de l'Abitibi-Témiscamingue, qui existe depuis le 30 septembre 1992.

Ce plan de réorganisation du ministère des Transports (qui s'applique à l'ensemble du Québec) résulte de la décision du gouvernement du Québec (annoncée le 14 décembre 1990) de «céder» aux municipalités la responsabilité de la voirie locale. Le premier avril 1993, en raison de cette décision, les municipalités auront la responsabilité d'entretenir plus de 30 000 kilomètres de routes qui étaient entretenues, jusqu'alors, par le ministère des Transports.




Le gouvernement et les municipalités

La décision de charger les municipalités de l'entretien de la voirie locale fait partie d'un ensemble de décisions présentées par le ministre de la Sécurité publique et des Affaires municipales, monsieur Claude Ryan, le 14 décembre 1990, dans une communication intitulée «Le partage des responsabilités entre le gouvernement et les municipalités: des ajustements nécessaires» (décisions précisées dans un autre document, intitulé celui-là Vers un nouvel équilibre). L'ensemble des décisions présentées le 14 décembre 1990 a suscité d'importants débats en 1991 (voir pages 21-22 et 35-40 dans L'année politique au Québec 1991), débats qui ont continué en 1992.

La mise en oeuvre de la stratégie du gouvernement à l'égard des municipalités a nécessité des quantités d'ajustements aux «ajustements» dont le ministre avait fait état en décembre 1990. D'ailleurs la question de la voirie locale en témoigne. Initialement, le ministre avait évalué à 43 millions de dollars par année (en dollars de 1990) la charge financière additionnelle que l'entretien des routes locales imposerait aux municipalités. Les maires, incrédules, avaient rappelé que le coût d'entretien d'un kilomètre de route varie selon des facteurs multiples, que le nombre de kilomètres à entretenir dans une municipalité dépend de la superficie du territoire et de plusieurs autres considérations et que, par conséquent, la charge financière additionnelle imposée aux contribuables peut varier du simple au double, en raison des différences entre les municipalités. Pour tenter d'apaiser les objections, le gouvernement a offert des compensations. Ces apaisements ont paru insuffisants. Finalement, le 3 décembre 1992, le ministre, monsieur Claude Ryan, a annoncé que le montant des compensations versées aux municipalités s'élèverait à 95 millions de dollars en 1993-1994 (c'est-à-dire 3 800 dollars par kilomètre de route). Malgré ces compensations, les municipalités devront, en moyenne, consacrer près du quart de l'impôt foncier à l'entretien des routes dont elles ont dorénavant la responsabilité. Les révisions des données relatives à la voirie locale et les «ajustements» qui ont été consentis à ce propos peuvent laisser croire que la «réforme de monsieur Ryan» n'était pas encore au point quand elle a été rendue publique en décembre 1990.

La question de la voirie locale s'ajoute aux autres questions soulevées par la «réforme de monsieur Ryan» (transports en commun, financement des services de police, réaménagement de la fiscalité municipale, notamment). Ce dossier (qui s'est encore chargé de nouveaux griefs en 1992, notamment suite à l'abolition de la taxe d'amusement) a suscité l'irritation de plusieurs membres des exécutifs locaux, victimes de la hargne des contribuables.

C'est là un dossier dont on ne sait pas encore s'il permettra au gouvernement du Québec de réduire ses dépenses d'un montant supérieur aux charges additionnelles imposées aux municipalités. Au bout du compte, la facture doit être assumée par les contribuables du Québec, qui doivent sûrement s'inquiéter des décisions qui coûtent plus qu'elles ne rapportent, du point de vue de l'ensemble de la société.




Le plan d'action 1992-1994 en matière de politique familiale

Dans le secteur public, selon une conception de la démocratie qui plaît beaucoup, les décisions devraient toujours apporter plus de satisfactions que d'insatisfactions, comporter davantage de bénéfices que de coûts, du point de vue de l'ensemble de la société et de chacune de ses composantes. Parmi les décisions qui rapportent davantage à l'ensemble de la société qu'elles ne lui en coûtent, plusieurs personnes aiment ranger celles qui opèrent des transferts de fonds (transferts sociaux) en faveur des personnes qui se situent loin «sous la moyenne» (transferts financés grâce aux contributions obtenues de celles qui se situent loin «au-dessus de la moyenne»). L'accroissement de bien-être chez les bénéficiaires, croit-on, dépasse largement la réduction du bien-être potentiel subie par les contribuables qui croient financer les transferts sociaux, réduction compensée, de toute façon, par les privilèges dont jouissent ces contribuables.

Parmi les transferts sociaux, ceux qui semblent plaire le plus sont ceux qui sont destinés aux parents de jeunes enfants. Ces transferts constituent un élément important de ce qu'on appelle «la politique familiale».

En conséquence, le «public» a accueilli favorablement les décisions prises par le gouvernement du Québec de modifier, en 1987, ses programmes d'aide aux personnes à faible revenu de façon à accorder des soutiens particuliers en faveur des femmes enceintes et des familles comportant de jeunes enfants. L'accueil favorable qui a salué ces mesures a sans doute encouragé l'adoption de mesures supplémentaires. Le 3 décembre 1987 était adoptée «La politique familiale» et, par la suite, de nombreuses mesures l'ont mise en oeuvre. Ainsi, en 1988, l'exemption pour enfant à charge, qui existait depuis 1952, a été remplacée par un crédit d'impôt dont l'importance relative varie selon le nombre d'enfants et dont l'impact a été modulé en faveur des petits revenus. En 1988, par ailleurs, le gouvernement a renoncé à la «récupération» des allocations familiales versées par le Québec. En 1988, en outre, le gouvernement a offert une allocation à la naissance (500 dollars pour une première naissance, 500 pour une deuxième, 3 000 pour une troisième et pour chacune des suivantes). Cette année-là, enfin, le gouvernement a consenti un effort particulier en faveur des services de garde des jeunes enfants (cependant, au chapitre des services de gardes, les ambitions du gouvernement du Québec ont été révisées à la baisse à la suite de la décision du gouvernement d'Ottawa de revenir sur ses engagements, engagements qui avaient nourri les ambitions provinciales). Ces diverses mesures, de 1987 et de 1988, ont été «améliorées» par la suite: les montants des exemptions et crédits d'impôt et ceux des allocations ont augmenté (lors de son discours du budget du 26 avril 1990, le ministre des Finances a même augmenté à 1 000 dollars l'allocation accordée pour une deuxième naissance et à 6 000 celle qui salue une troisième naissance et chacune des naissances suivantes). Ces allocations ont encore été augmentée en 1991 puis en 1992 (8 000 dollars pour une troisième naissance selon les dispositions du discours du budget du 14 mai 1992).

Un premier plan d'action triennal (1989-1991) en matière de politique familiale étant arrivé à terme, madame Violette Trépanier, ministre déléguée à la Condition féminine et responsable de la Famille, a rendu public, le 13 avril 1992, un «deuxième plan d'action en matière de politique familiale», (document intitulé Familles en tête, 49 pages).

Ce deuxième plan d'action comporte 92 mesures ou engagements, à réaliser en 1992, 1993 et 1994. Dans ce secteur, comme dans les autres, cependant, les interventions du gouvernement d'Ottawa ont un caractère dominant (un exemple: la révision effectuée en 1992 par le gouvernement d'Ottawa de sa propre politique familiale).




La réforme en matière de formation de la main-d'oeuvre

En 1992, les attitudes des ministres d'Ottawa ont contrecarré les options de plusieurs ministres du Québec, en particulier celles de monsieur André Bourbeau, ministre de la Main-d'oeuvre, de la sécurité du revenu et de la formation professionnelle, qui attendait, fin 1991, une solution aux problèmes posés, au Québec, par la multiplicité des intervenants en matière de formation de la main-d'oeuvre. Or, suite au verdict de l'électorat lors du référendum constitutionnel du 26 octobre 1992, les autorités d'Ottawa ont adopté une attitude intransigeante qui rend bien improbable la solution envisagée par les autorités provinciales du Québec.

Monsieur André Bourbeau a choisi de ne pas désespérer d'autant plus que la mise en oeuvre de la réforme qu'il a proposée a été amorcée. (cette réforme a été présentée le 11 décembre 1991, Partenaires pour un Québec compétent et compétitif)




La politique d'immigration

La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, madame Monique Gagnon-Tremblay, a tenté, en 1992, de formuler des mesures concrètes qui permettraient d'atteindre les objectifs de la politique de l'immigration qu'elle a rendue publique le 4 décembre 1990 (politique décrite dans un document intitulé Au Québec, pour bâtir ensemble). Il n'est pas facile en effet d'intégrer l'immigration à la majorité francophone du Québec et d'attirer au Québec une immigration francophone, tant que le Québec reste une province dans un pays dont 75 pour cent des «contribuables» sont anglophones. Compte tenu du statut subalterne du gouvernement du Québec, la ministre ne peut sans doute pas mettre en oeuvre les mesures qui auraient un réel impact sur la situation. Les contraintes qui lui sont imposées l'ont menée à privilégier une stratégie de régionalisation de l'immigration. Cette stratégie, retenue dans le document Au Québec, pour bâtir ensemble, a suscité une analyse de situation que la ministre a rendue publique en septembre 1992 (Une richesse à partager. Orientations pour une répartition régionale plus équilibrée de l'immigration, 35 pages). Plus tard, en octobre 1992, les fonctionnaires du ministère de madame Monique Gagnon-Tremblay ont produit un document de travail destiné aux partenaires du ministère afin de mobiliser leurs réflexions au chapitre des «mesures favorisant la régionalisation de l'immigration». Les propos recueillis ont finalement laissé comprendre que de nouvelles mesures seraient prises en 1993, en matière d'immigration.




Les politiques de protection de la faune et de la flore

Le 11 décembre 1992, monsieur Gaston Blackburn, ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, a rendu publique, conjointement avec monsieur Pierre Paradis, ministre de l'Environnement, une nouvelle politique, adoptée par le Conseil des ministres en juillet 1992: la politique de protection des espèces menacées ou vulnérables. La loi sur les espèces menacées ou vulnérables, adoptée en juin 1989, donnait mandat aux deux ministres d'élaborer cette politique, qui tient compte des politiques adoptées par d'autres autorités gouvernementales ailleurs en Amérique du Nord (car les frontières juridiques des territoires n'arrêtent pas les espèces vivantes, qu'elles soient «menacées» ou non). Le document que les ministres ont rendu public précise le sens des notions d'espèces «menacées» ou «vulnérables», de manière à guider les membres des comités aviseurs chargés de désigner les espèces à protéger et les zones de protection. En raison du nombre d'espèces vivantes connues au Québec (185 espèces de poissons, 326 espèces d'oiseaux, 25 400 espèces d'insectes ... ), les fonctionnaires du principal ministère concerné par cette politique ont encore beaucoup de travail en perspective! Cependant, le travail n'est pas près d'être terminé, car les moyens sont modestes (les crédits budgétaires du ministère de monsieur Gaston Blackburn étaient de 218 millions de dollars en 1992-1993, en diminution par rapport à 1991-1992).

Par ailleurs, toujours pour protéger l'environnement, le ministère de monsieur Gaston Blackburn a élaboré un plan d'action sur les parcs, selon lequel de nouveaux parcs seront créés, grâce à un budget de 85 millions de dollars à dépenser entre 1993 et 1998. Ce plan d'action quinquennal a été rendu public en août 1992.

Une autre mesure adoptée par le ministère de monsieur Gaston Blackburn, qui a eu un certain retentissement dans les milieux intéressés, concerne l'orignal. Le ministère a adopté un plan de gestion qui vise à optimaliser cette ressource faunique exceptionnelle.




Les politiques du secteur de l'éducation

Dans le secteur de l'éducation, les modifications aux politiques en vigueur ont souvent un impact important même si, par rapport à l'ensemble, elles peuvent paraître limitées. Cela tient à l'importance considérable du secteur de l'éducation, auquel étaient consacrés plus de 10 milliards de dollars en .19921993 (à comparer aux 350 millions réservés à la culture, et aux 120 millions consacrés à l'immigration). Le secteur de l'éducation mobilise plus du quart des ressources budgétaires du gouvernement du Québec.

En 1992, parmi les «retouches» apportées aux politiques de l'éducation, il en est deux qui ont eu un retentissement particulier, même si les ressources qui leur ont été consacrées (quelques dizaines de millions de dollars) ne représentent même pas un centième du budget de l'éducation au Québec.

Un premier document (Chacun ses devoirs, rendu public le 8 juin 1992 par monsieur Michel Pagé, ministre de l'Éducation à l'époque) s'est attaqué à l'abandon des études à l'école secondaire. Cette question a suscité depuis quelques années des réflexions nombreuses. Ainsi, pour citer un exemple, un rapport du ministère, sur la «rentabilité du diplôme», a laissé comprendre que l'abandon des études avant l'obtention du premier diplôme était désastreux pour les personnes qui abandonnent leurs études, car le taux d'emploi et la rémunération varient en fonction des diplômes ou, autrement dit, en fonction du nombre d'années d'études réussies. L'abandon scolaire est également désastreux du point de vue de la société, en raison, notamment, des prestations d'assurance-chômage et de soutien du revenu consenties aux personnes sans diplôme, la moitié des bénéficiaires de l'aide sociale n'ayant pas atteint une neuvième année.

Même si l'éducation est une juridiction des provinces, le gouvernement fédéral du Canada a lancé en 1990 un programme intitulé «L'école avant tout» afin de financer la lutte contre l'abandon des études.

Le premier mai 1991, les autorités provinciales du Québec ont signé une entente en vertu de laquelle les commissions scolaires, qui auraient obtenu un avis favorable du ministère de l'Éducation à ce sujet, pourraient bénéficier des subventions fédérales dans le cadre de son programme de lutte contre le décrochage.

La décision d'accepter ce financement a fait sourciller plusieurs personnes, mais les objections des autonomistes du Québec n'ont pas beaucoup de poids puisque l'opinion publique, dans plusieurs provinces, soutient la politique d'intervention du gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation (le gouvernement fédéral a dépensé au moins 10 milliards de dollars dans le secteur de l'éducation en 1992-1993).

Dans ce contexte, on aurait pu se réjouir de la parution du document Chacun ses devoirs rendu public par le ministre de l'Éducation en juin 1992. La bonne volonté du ministre a cependant heurté un obstacle: le manque de ressources financières. Quelque 42 millions de dollars seulement ont pu être mobilisés pour lutter, au Québec, contre le décrochage scolaire, en 1992-1993.

Le deuxième document qui a eu un retentissement particulier, c'est l'énoncé de politique sur l'enseignement du français, paru en octobre 1992. Cette politique semble répondre à de nombreuses attentes, car plusieurs indices tendent à montrer que la capacité des jeunes d'écrire correctement dans la langue de la majorité, au Québec, diminue petit à petit. Près de la moitié des personnes qui l'ont subi ont échoué le test de français exigé à l'entrée à l'université en 1992-1993. Les mesures préconisées par la ministre, madame Lucienne Robillard, ont été bien accueillies.




Conclusion

En plus d'énumérer les énoncés de politique et les plans d'action qui ont été rendus publics en 1992 et qui ont eu un certain retentissement, un catalogue des révisions aux politiques gouvernementales du Québec devrait comporter d'innombrables mentions concernant des milliers de décisions, car les politiques gouvernementales sont sans cesse modifiées.

À chacune de ses réunions, le mercredi de chaque semaine, sauf dérogation, le Conseil des ministres modifie l'une ou l'autre des politiques qu'il a adoptées précédemment. On va, par exemple, accepter de signer un accord entre provinces qui libéralise l'accès aux marchés publics et, en conséquence, on modifiera la «politique d'achat du gouvernement du Québec» (cela a été le cas en 1992). Plus tard, on va décider de prendre en compte des critères de protection de l'environnement dans les procédures d'acquisition des biens meubles et immeubles et, en conséquence, on insérera de nouvelles clauses dans, la «politique d'achat» (cela a été fait en 1992). On va réduire à 4 pour cent le taux de la taxe de vente québécoise sur les services alors qu'on avait décidé de le fixer à 8 pour cent: cette décision modifie la «politique fiscale». L'adoption des propositions de crédits à soumettre à l'Assemblée signifie nécessairement une modification de la «politique des dépenses»; la décision de ne pas dépenser ce qui avait été prévu (le gel des crédits) modifie également cette «politique des dépenses». La décision d'autoriser l'ouverture de casinos est une autre modification aux politiques en vigueur (cela a également été fait en 1992). En bref, de nombreuses politiques gouvernementales peuvent connaître, chaque année, de multiples modifications.

Certaines de ces modifications aux politiques gouvernementales ne peuvent être concrétisées sans le consentement de l'Assemblée nationale. Habituellement, un projet de loi vise à assurer la légalité de décisions du Conseil des ministres. Les projets présentés le 25 novembre 1992 en sont l'illustration incontestable (loi sur le Conseil des aînés, loi sur le ministère de la Culture, loi sur le Conseil des arts et des lettres du Québec, loi modifiant la loi sur la fiscalité municipale ... ). Il en va de même des projets présentés le 26 novembre (parmi ces projets, il y avait celui qui visait à modifier la loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux).

Somme toute, quand on traite des politiques gouvernementales, on aborde un univers très vaste et fort complexe. La vue qu'on peut avoir de cet univers est nécessairement partielle. Les documents publiés ne révèlent pas tout; parfois, ils peuvent laisser comprendre une chose alors que les ministres ont, en fait, décidé autre chose. Enfin, les énoncés de politiques produits par le gouvernement du Québec minimisent toujours (et taisent parfois) l'importance des interventions du gouvernement fédéral du Canada dans les domaines concernés, domaines sur lesquels les autorités provinciales ont juridiction en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867. Le gouvernement du Québec, en un mot, élabore des politiques sans avoir les moyens d'atteindre les objectifs qu'elles énoncent. Les moyens les plus efficaces sont ceux que détient le gouvernement d'Ottawa et les objectifs du gouvernement d'Ottawa ne sont sûrement pas ceux du gouvernement du Québec puisque ce dernier prend la peine d'élaborer ses propres politiques. Étrange situation!