accueilsommairerubriques

Le référendum du 26 octobre 1992



Pierre Drouilly
Université du Québec à Montréal


L'année politique au Québec 1991-1992

· Rubrique : Articles divers



Pour la deuxième fois de leur histoire les citoyens du Québec ont été consultés sur leur avenir constitutionnel. À la différence de 1980 toutefois, le référendum de 1992 n'était pas exclusivement québécois: en effet se tenait simultanément, à travers le Canada, un référendum fédéral sur l'entente constitutionnelle de Charlottetown, au point qu'on ne peut pas clairement dire si le référendum du 26 octobre 1992 est un référendum québécois, ou tout simplement un référendum canadien administré au Québec par le gouvernement provincial (et bien entendu à ses propres frais). Cette situation, pour le moins ambiguë, et en contradiction avec le consensus dégagé à la Commission Bélanger-Campeau sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec à l'effet que seul le Québec a le droit de se prononcer sur son avenir constitutionnel1 ] est l'un des nombreux effets pervers du virage politique fédéraliste pris par le gouvernement Bourassa au cours de l'été 1992 et dont l'aboutissement fut l'entente de Charlottetown qui consacrait l'intégration définitive du Québec à l'ensemble canadien et qui banalisait la société, distincte en faisant du Québec une province comme les autres. Au plan électoral cela se traduisit par un référendum mi-canadien, mi-québécois, ou encore «canabéquois» pour reprendre une expression récemment utilisée.

Mais un tel référendum ne pouvait que rappeler le plébiscite de 1942, car il risquait de réveiller les vieux fantômes qui dorment dans le placard canadien. Le risque était, en effet, de faire ressortir, comme en 1942, l'opposition irréductible entre le Québec et le reste du Canada sur les choix nationaux: dès le début de la campagne référendaire, les sondages révélaient que le Canada voterait OUI et le Québec NON. Si une telle chose s'était finalement produite, cela aurait assurément révélé au grand jour l'irréductible opposition entre les deux sociétés, et renforcé le mouvement souverainiste du Québec dans l'opinion publique canadienne et internationale.

C'est sans doute pour éviter cette situation, néfaste de son point de vue, que l'ancien Premier ministre canadien, Pierre Elliott Trudeau, s'est prononcé pour le NON lors de son discours du 1er octobre à Cité libre2 ] : il préféra alors noyer le NON québécois, anticipé par les sondages, dans un NON canadien, pour éviter de reproduire le clivage des deux sociétés dans leur expression électorale. Il donna ainsi de la crédibilité au camp du NON à travers le Canada anglais, avec le résultat qu'à partir de sa prise de position on assista à un renversement de l'opinion publique canadienne en faveur du NON, qui finalement l'emporta dans l'ensemble du Canada et dans sept provinces sur dix (incluant le Québec), souvent avec des majorités très fortes. Parmi les grandes provinces, seule l'Ontario approuva l'entente, mais par une marge infime.

Si toutefois Pierre Elliott Trudeau a été écouté, et suivi, au Canada anglais, au Québec il n'eut aucune audience: en effet, ce que le résultat transcanadien cache, c'est un double phénomène remarquable. Dans le reste du Canada, les minorités francophones ont très majoritairement appuyé le OUI, tout comme au Québec la minorité anglophone. Comme en 1980, et même comme en 1942 lors du plébiscite sur la conscription, la minorité s'est dissociée en bloc de la majorité du Québec. Mais contrairement au passé, la minorité anglophone du Québec est aujourd'hui en rupture avec la majorité anglophone du Canada sont en rupture avec leurs métropoles respectives, le Canada et le Québec, qui se retrouvent ensemble dans le camp du NON, bien que pour des raisons opposées. Même si au Québec le vote s'est polarisé sur une base ethnique, on serait néanmoins passé d'un «vote de race», tel qu'on l'a connu depuis toujours au Canada, à un vote de nations distinctes, canadienne et québécoise, mais avec chacune une minorité politiquement isolée, et de sa majorité, et de sa métropole. Que le Québec et le Canada anglais aient tous deux rejeté l'entente de Charlottetown, bien que pour des raisons opposées, alors que dans chaque cas la minorité de l'autre peuple fondateur l'ait accepté, et dans ce cas aussi pour des raisons probablement opposées, sera lourd de conséquences sur la suite du débat constitutionnel.



D'un référendum à l'autre...

Pour l'instant nous nous proposons d'analyser le vote au Québec, pour en dégager les principales caractéristiques. L'examen des cartes représentant les circonscriptions ayant voté OUI ou NON (cartes 3 et 4) révèle déjà l'extrême polarisation sur une base ethnique du vote au référendum3 ] alors que l'ensemble des régions du Québec ont appuyé le NON (hormis les circonscriptions de Bonaventure, Brôme-Missisquoi, Vaudreuil et celles de l'Outaouais, qui sont toutes celles, en dehors de Montréal, qui ont une plus forte présence d'un électorat anglophone), dans la région de Montréal la tendance du vote épouse très exactement les frontières linguistiques (cartes 12, 13 et 14). Au total 33 circonscriptions ont voté OUI majoritairement (dont 25 dans la région de Montréal) et 92 ont voté NON majoritairement (dont seulement 18 dans la région de Montréal).













Le NON a fait un gain de trois-quarts de million de voix par rapport au OUI de 1980 (tableau 1), alors que le OUI n'a gagné qu'un demi-million de voix par rapport au NON de 1980. Mais en pourcentages des électeurs inscrits (tableau 2), les gains du NON de 1992 (11,9%) sont inférieurs aux pertes du OUI de 1992 (45,0%), alors que, bien entendu, par rapport aux votes valides les gains et les pertes des deux camps sont égaux (tableau 3) puisqu'il n'y a que deux options, NON et OUI.










Comment interpréter cette apparente contradiction? Le fait qu'en chiffres absolus, les gains du NON soient supérieurs aux pertes du OUI, indique que la victoire du NON ne résulte pas uniquement du transfert d'électeurs ayant voté NON en 1980 vers le camp du NON en 1992: le NON a recruté, en 1992, parmi les nouveaux électeurs, jeunes et francophones. Ceux-ci, qui correspondent aux personnes nées entre 1962 et 1974, sont au nombre d'au moins un million, ce qui a accru le corps électoral d'environ un demi-million de personnes. La différence entre les deux derniers chiffres correspond aux décès survenus entre 1980 et 1992 et dont la plupart étaient des électeurs: compte tenu que tous les sondages indiquaient en 1980 que l'électorat du NON était nettement plus âgé que celui du OUI, une part importante des pertes du NON de 1980 par rapport au OUI de 1992 sont tout simplement dues au décès des électeurs plus âgés. C'est dire que les transferts politiques d'un camp à l'autre entre 1980 et 1992 sont moins importants que les gains et pertes de chaque camp entre ces deux dates. C'est bien ce que signifie l'accroissement plus faible du NON de 1992 par rapport au OUI de 1980 (11,9%) que la diminution plus forte du OUI de 1992 par rapport au NON de 1980 (45,0%), les chiffres calculés par rapport aux électeurs inscrits étant fonction de ces trois phénomènes (naissances, décès et transferts politiques). En conclusion les gains absolus du NON en 1992 sont plus importants que les pertes absolues du OUI, mais les gains relatifs du NON sont moins importants que les pertes relatives du OUI.

Le noyau le plus dur du bloc fédéraliste, composé chez les francophones des personnes plus riches, plus âgées ou moins scolarisées4 ] ou alors anglophones et allophones, n'a pas été très sérieusement entamé au cours du référendum de 1992. Dans le cas des francophones, la mortalité naturelle érode cet électorat fédéraliste dans la mesure où les jeunes générations sont socialisées dans une culture politique plus nationaliste qui depuis maintenant vingt ans est hégémonique dans la société québécoise, tandis que chez les non-francophones le renouvellement des générations assure la reproduction du bloc fédéraliste.

Montrons par quelques exemples l'érosion très relative de ce bloc électoral fédéraliste non-francophone, en comparant le vote au NON en 1980 avec le vote au OUI en 1992 dans quelques circonscriptions typiques (les pourcentages sont calculés sur la base des circonscriptions de 1992). Il y a d'abord les circonscriptions à forte composante britannique et anglo-saxonne: Notre-Dame-de-Grâce (89,2% en 1980 pour le NON contre 80,1 % en 1992 pour le OUI), Jacques-Cartier (90,2% contre 83,5%), Westmount (87,4% contre 81,4%), Robert-Baldwin (86,0% contre 82,6%), Mont-Royal (87,3% contre 82,2%), Nelligan (78,9% contre 73,8%), Marguerite-Bourgeoys (74,7% contre 67,6%). Ensuite les circonscriptions à forte concentration néoquébécoise, soit juive comme D'Arcy McCee (96,1% contre 92,2%), grecque comme Laurier (72,6% contre 63,1%), juive et grecque comme Chomedey (73,6% contre 67,3%), italienne comme Viau (66,6% contre 60,8%), Jeanne-Mance (67,3% contre 67,6%), Viger (68,9% contre 62,1%), ou pluri-ethniques comme Saint-Laurent (78,3 contre 76,3%), Saint-Louis (72,6% contre 62,3%), Acadie (73,6% contre 70,7%), Outremont (64,0% contre 53,7%). À l'extérieur de Montréal, on note la même stabilité du vote fédéraliste dans les circonscriptions les plus anglophones (Pontiac, Brôme-Missisquoi, Vaudreuil par exemple).

Chez les non-francophones, rien n'a bougé ou presque: les circonscriptions qui ont massivement voté NON en 1980, sont les mêmes qui ont voté massivement pour le OUI en 1992. On y retrouve une forte présence anglophone ou allophone. Et moins il y a de francophones dans une circonscription, plus le OUI en 1992 ressemble au NON en 1980, même si dans presque tous les cas le NON de 1992 a progressé par rapport au OUI de 1980 puisque l'appui au NON en 1992 chez les francophones est supérieur à leur appui au OUI en 1980.

Le référendum de 1992 n'échappe pas à cette constante de la vie politique du Québec: l'électorat du Parti québécois est à peu près exclusivement francophone. Si l'on prend les résultats du référendum de 1980 comme étalon (alors que le OUI obtenait environ 55% du vote francophone à Montréal, environ 50% du vote francophone dans le Québec urbain et environ 45% du vote francophone dans le Québec rural), on en conclut qu'en 1992 le NON augmente ses appuis partout chez les francophones, avec un résultat d'environ 70-75% dans le grand Montréal, et d'environ 65-70% dans le reste du Québec (avec des pointes à 75% au Saguenay-Lac-Saint-Jean, et un creux d'environ 50% dans l'Outaouais). Le match nul de 1980 s'est transformé en un net avantage du NON en 1992 chez les francophones. En effet, si l'on suppose que le vote accordé au NON est exclusivement francophone, on arrive à un pourcentage de 69% de vote francophone pour le NON.

Notons enfin que les électeurs des régions périphériques les plus défavorisés économiquement et en proie au chômage et aux fermetures d'usines (Gaspésie, Côte-Nord, Abitibi, Lac Saint-Jean_.), tout comme la région francophone du Centre-sud et de l'Est de Montréal, n'ont pas hésité à donner au NON ses scores les plus élevés. La conjoncture économique ne semble donc pas avoir joué de rôle significatif dans le choix des électeurs, à l'exception, bien entendu, de la région de l'Outaouais dans laquelle le OUI a obtenu probablement une faible majorité du vote francophone. La présence de la fonction publique fédérale dans cette région doit sans doute y être pour quelque chose. Déjà au référendum de 1980, la région de l'Outaouais donnait un appui relativement plus faible au OUI que dans l'ensemble du Québec, comme elle a donné un appui moindre au NON cette fois-ci.




La participation électorale

Avec un taux de participation de 82,8%, le référendum de 1992, s'il n'atteint pas le taux du référendum de 1980 (85,6%, soit le taux de participation le plus élevé survenu dans une consultation électorale au Québec depuis 1867), se compare avec les consultations électorales de la décennie soixante-dix5 ] . Le taux de participation au dernier référendum est, en tout cas, nettement plus élevé qu'aux élections de 1985 et de 1989, alors qu'il se situait à 75,7% et 75,0% respectivement. Le référendum de 1992 semble donc avoir remobilisé l'électorat québécois, alors que les consultations de 1985 et de 1989 se caractérisaient par une désaffection assez importante de l'électorat péquiste6 ] .

En ce qui concerne la répartition du taux de participation à travers les 125 circonscriptions du Québec (cartes 5 et 6), on retrouve une structure semblable à celle observée au cours de consultations antérieures7 ] . Le taux de participation au référendum de 1992 varie de 60,1% (Ungava) à 89,9% (Jacques Cartier). Les circonscriptions les plus abstentionnistes se situent comme toujours en périphérie (Abitibi-Témiscamingue, Côte-Nord, Gaspésie, Appalaches, Laurentides) ou dans les centres-ville de Montréal et de Québec (Centre-sud à Montréal, Basse-ville à Québec), alors que les circonscriptions les plus participationnistes se retrouvent en banlieue de Montréal et de Québec.







Toutefois on peut noter deux phénomènes importants concernant la participation électorale au dernier référendum. En premier lieu la participation dans les circonscriptions de Montréal et de Québec se situe en général à un niveau plus élevé que dans le reste du Québec, niveau en tout cas plus élevé que la moyenne. En second lieu, et ce phénomène est un peu la cause du premier, outre les banlieues francophones de Montréal, on constate (carte 6) que les circonscriptions à forte composante non-francophone (situées en majorité dans la partie ouest de l'Île de Montréal) se situent à des niveaux de participation assez élevés: ainsi parmi les quatorze circonscriptions ayant participé à plus de 87%, il s'en trouve six qui ont une forte composition anglophone (Vaudreuil, Laporte, Châteauguay, Robert-Baldwin, Nelligan et Jacques-Cartier). Ces remarques confirment que les non-francophones (et particulièrement les anglophones) ont probablement participé plus fortement au référendum que les francophones: d'ailleurs on constate que le taux de participation est corrélé positivement avec le pourcentage d'anglophones (corrélation significative de +0,306) et négativement avec le pourcentage de francophones (corrélation significative de -0,246), alors qu'il n'y a pas de corrélation significative entre le taux de participation et le pourcentage d'allophones. Le même phénomène s'était produit au référendum de 1980.




Le vote partisan

En comparaison avec les résultats des élections de 19898 ] , le NON fait un gain de 867 047 voix par rapport au Parti québécois, soit un gain de 16,6% des électeurs inscrits, tandis que le OUI enregistre une perte de 216 957 voix par rapport au vote du Parti libéral en 1989, soit une perte de 1,4% des électeurs inscrits: cette faible perte du OUI, qui contraste avec les gains substantiels du NON, masque cependant la récupération par le camp du OUI des quelque 150 000 voix, presqu'exclusivement non-francophones, qui avaient appuyé les Partis égalité et unité en 1989.

C'est donc dire que les pertes exclusivement francophones du Parti libéral vers le camp du NON sont de l'ordre de 375 000 voix: si l'on estime à quelque 1 500 000 le nombre d'électeurs francophones qui ont appuyé le Parti libéral en 1989 (82% du vote valide moins les votes au Parti québécois et aux tiers-partis autres que les Partis égalité et unité), c'est entre 20 et 25% des électeurs francophones ayant appuyé le Parti libéral en 1989 qui se sont exprimés contre l'entente de Charlottetown. Cette estimation concorde avec les résultats des sondages effectués durant la campagne référendaire, et qui attribuaient environ 20% du vote libéral au camp du NON. Ce sont ceux que l'on a nommé tour à tour les «allairistes», les «Iibéraux nationalistes» ou les «libéraux souverainistes». Il ne faut cependant pas oublier que parmi les électeurs qui ont appuyé le Parti libéral en 1989, se trouvait une certaine proportion d'anciens électeurs du Parti québécois détournés de ce parti aux élections de 1985 et de 1989.

Pour le reste, l'essentiel des gains du NON par rapport au vote péquiste provient sans aucun doute du bassin des abstentionnistes de 1985 et de 1989, et des nouveaux électeurs: ce gain, de l'ordre de 400 000 votes est certainement supérieur aux gains sur l'électorat libéral, et confirme que dans un enjeu référendaire, le camp souverainiste dispose plus facilement des appuis de son électorat traditionnel que n'a pu le faire le Parti québécois au cours des élections de 1985 et de 1989.

Autrement, le vote au NON en 1992 est clairement déterminé par la force du Parti québécois: dans les circonscriptions où le PQ avait obtenu ses meilleurs résultats en 1989, le NON obtient un résultat à peine supérieur, et même, dans un cas, inférieur: Lévis (+0,8%), Abitibi-Ouest (+1,0%), Shefford (+2,6%), Laviolette (-1,5%), par exemple.

Inversement, les progressions les plus fortes du NON en 1992 se sont faites dans les circonscriptions dans lesquelles le Parti québécois obtenait ses résultats les plus faibles en 1989: Portneuf 434,4%), Beauce-Sud (+32,9%), Frontenac (+32,0%), Richmond (+31,2%), par exemple, ainsi que les circonscriptions de la région de Québec. Cette progression du NON dans les comtés où le PQ avait de mauvais résultats en 1989, n'est pas sans rappeler la progression du OUI de 1980 dans les circonscriptions rurales par rapport au vote du PQ en 1976: comme cette progression annonçait la victoire du Parti québécois en 1981, alors qu'il obtenait 49,3% du vote populaire, on peut se demander si la progression actuelle du NON dans les circonscriptions dans lesquelles le PQ accuse un retard n'est pas le signe d'un revirement de l'opinion en faveur du PQ dans les régions les plus rurales du Québec. C'est, en tout cas, ce que les sondages les plus récents semblent montrer, qui placent le Parti québécois à tout près de 50% des intentions de vote populaire.

Ce n'est pas seulement là où le Parti québécois avait fait le plein de ses voix en 1989, que le NON progresse très peu par rapport au vote péquiste. Dans les circonscriptions à forte composante anglophone ou allophone, le NON ne progresse que très peu par rapport au vote péquiste de 1989: parmi les 32 circonscriptions dans lesquelles cette progression est inférieure à 10%, on trouve 19 circonscriptions à forte composante non-francophone, et dans les 17 circonscriptions ayant moins de 60% de francophones (16 sur l'Île de Montréal et une seule, Pontiac, à l'extérieur) la progression du NON est inférieure à 10%. C'est parce que, dans la région métropolitaine notamment, le Parti Québécois avait déjà de solides appuis parmi les francophones, mais que cela était masqué par la présence d'un important électorat non-francophone.
















Le vote linguistique

Partout au Québec la présence d'un électorat non-francophone fait baisser proportionnellement le vote obtenu par le NON9 ] . En fait, à cinq exceptions près (Bonaventure et les quatre circonscriptions de l'Outaouais soit Chapleau, Gatineau, Hull et Papineau) le NON a gagné dans toutes les autres circonscriptions ayant plus de 75% de francophones (87 circonscriptions au NON et 5 au OUI), tandis qu'à cinq exceptions près (Dorion, Crémazie, Mercier, Châteauguay et Ungava) le NON a perdu toutes les circonscriptions ayant moins de 75% de francophones (28 circonscriptions au OUI et 5 au NON), les cas de Châteauguay et Ungava étant douteux quant à leur pourcentage de votants francophones, à cause de la présence d'Amérindiens qui participent peu (ou pas dans le cas de Mohawks de Kahnawake), mais qui sont comptabilisés dans les chiffres de la population.

La limite de 75% de francophones dans une circonscription est extrêmement névralgique, car avec un vote d'environ les deux-tiers du vote francophone (qui est approximativement le résultat obtenu par le NON au référendum, comme nous le verrons plus loin), c'est la limite au-delà de laquelle la majorité du vote est acquise (il y a 92 circonscriptions sur 125 dans cette situation).

La relation extrêmement forte qui existe entre les résultats du référendum et la composition linguistique des circonscriptions est très bien illustrée par les coefficients de corrélation entre vote et groupes linguistiques (tableau 4): le vote pour le NON a une corrélation de 0,894 avec le pourcentage de francophones, de -0,825 avec le pourcentage d'anglophones et de -0,674 avec le pourcentage d'allophones. Ces coefficients sont du même ordre que ceux calculés au référendum de 1980 pour le vote au OUI, soit 0,808 pour les francophones, -0,834 pour les anglophones et -0,469 pour les allophones. En fait depuis les élections de 1970 on retrouve toujours la même structure de vote: le vote souverainiste est toujours corrélé positivement avec le pourcentage de francophones et négativement avec le pourcentage d'anglophones et d'allophones.










Le vote linguistique à Montréal

C'est à Montréal que la relation entre le vote référendaire et la composition linguistique des circonscriptions est la plus évidente: la relation extrêmement forte qui existe entre la composition linguistique des circonscriptions et les résultats du référendum est parfaitement illustrée par le graphique (p. 129) représentant le résultat obtenu par le NON en fonction du pourcentage de francophones dans les 45 circonscriptions de la région du grand Montréal. On voit dans ce graphique que les appuis au NON sont proportionnels au pourcentage de francophones (plus il y a de francophones, plus le NON obtient un score élevé), et que cette relation ne connaît pas d'exceptions (aucune circonscription ne s'écarte considérablement du nuage de points du graphique). Le tableau 5, qui fournit les coefficients de corrélation entre le vote référendaire et la composition linguistique des circonscriptions confirme les relations observées au niveau de l'ensemble du Québec: la corrélation entre le vote au NON et le pourcentage de francophones est même nettement plus élevée, puisqu'elle atteint la valeur 0,965.



Figure 1





Ce type de relation entre la composition linguistique et le comportement électoral, se vérifie depuis toujours aux élections québécoises. Nous avons effectué une analyse spectrale10 ] du vote aux référendums de 1980 et de 1992 dans la région du grand Montréal, qui couvre l'Île de Montréal, l'Île jésus et la Rive-sud de Montréal (45 circonscriptions). Le tableau 6 fournit les résultats de cette analyse: on y trouve les valeurs estimées du vote de chaque groupe linguistique, avec les marges de confiance qui leur sont associées.




La méthode utilisée ne permet pas de déceler un vote significatif des électeurs anglophones ou allophones pour le OUI en 1980, tout comme pour le NON en 1992: s'il existe, ce vote ne dépasse pas les 5-10% dans tous les cas. Mais alors qu'en 1980 le vote francophone pour le OUI ne dépassait guère les 55% dans la région de Montréal (et qu'il n'était que de 50% dans le Québec urbain et 45% dans le Québec rural), en 1992 le vote francophone pour le NON atteint les 73% dans la région de Montréal, et environ 66% dans le reste du Québec (l'Outaouais exclus). Malgré cette majorité très forte, le NON n'a gagné que dans 18 circonscriptions parmi les 45 de la région de Montréal. L'extrême polarisation du vote anglophone et allophone a masqué la très considérable majorité francophone en faveur du NON.

Ce fait n'est pas nouveau: depuis 1970 le Parti québécois dispose de la majorité du vote francophone dans la région de Montréal (majorité relative en 1970, et majorité absolue depuis 1973), mais il n'a fait élire, le plus souvent, qu'une minorité de députés ou une courte majorité: 6 sur 29 en 1970, 4 sur 37 en 1973, 22 sur 37 en 1976, 20 sur 43 en 1981, 7 sur 44 en 1985, 7 sur 45 en 1992, alors qu'au référendum de 1980 le OUI n'a remporté que 4 circonscriptions sur 37. C'est seulement lorsqu'il dépasse les 60% du vote francophone que le Parti québécois réussit à faire élire un nombre important de ses candidats dans Montréal (comme en 1981), ou lorsque le vote anglophone et allophone est divisé (comme en 1976): sinon, le nombre d'élus péquistes dans la métropole est sans rapport avec ses appuis chez les francophones (comme en 1970, 1973, 1985 et 1989).

Un vote francophone de 73,3% pour le NON dans le grand Montréal tel que le révèle l'analyse par régression, représente une moyenne. L'examen, circonscription par circonscription, du vote francophone (obtenu en divisant le vote du NON par le pourcentage de francophones), révèle des variations importantes: ce vote se situe à 51,9% dans D'Arcy McGee, varie autour de 60-66% dans les circonscriptions de l'Ouest de Montréal, pour atteindre des niveaux supérieurs à 75% dans les circonscriptions les plus péquistes (Est de Montréal, banlieues francophones de Laval et de la Rive-Sud). On retrouve en gros la même répartition, mais à un niveau plus élevé, du vote francophone qu'au référendum de 1980 alors que le vote francophone pour le OUI se situait à 32% dans D'Arcy McGee, entre 40 et 50% dans l'Ouest de Montréal et au-dessus de 60% dans les circonscriptions de l'Est de Montréal et dans les banlieues francophones.







Le vote des minorités anglophone et allophone

Depuis la tenue du référendum du 26 octobre dernier, beaucoup de choses se sont dites ou ont été écrites sur l'existence d'un vote anglophone ou allophone en faveur de l'option du NON: les analystes du Parti québécois ont avancé le chiffre de 8% de vote non-francophone pour le NON, mais cette estimation est basée sur la composition linguistique des circonscriptions selon le Recensement de 1986. Notre propre analyse, quant à elle, se base sur les données récemment disponibles, et que nous avons adaptées à la carte électorale du Québec, du Recensement de 1991. L'analyse statistique globale que nous avons effectuée ne permet pas de déceler un vote non-francophone significativement différent de zéro pour le NON. Mais comme cette analyse produit un résultat qui exprime une moyenne de la région, elle n'exclut pas la possibilité d'un vote non-francophone pour le NON dans certaines circonscriptions.

Pour estimer le vote non-francophone pour le NON, nous avons dans un premier temps calculé le vote francophone pour le NON en divisant le pourcentage obtenu par le NON par le pourcentage de francophones dans chaque circonscription: il apparaît alors que, dans certaines circonscriptions, ce vote francophone calculé atteint des valeurs de plus en plus élevées, qui dans deux cas au moins (Laurier et Mercier) atteindraient pratiquement les 100%, ce qui est bien entendu invraisemblable. En fait cela indique l'existence d'un vote non-francophone pour le NON, et cela se manifeste d'autant plus clairement que les circonscriptions ont une plus forte composition allophone.

Nous avons donc estimé le vote non-francophone dans chaque circonscription en calculant dans un premier temps la part du vote pour le NON que l'on peut attribuer aux francophones (en supposant un vole francophone pour le NON égal à 73,3%), puis en rapportant la part restante au pourcentage de non-francophones; enfin nous n'avons retenu que les estimés correspondant aux circonscriptions qui ont une forte présence non-francophone (supérieure à 20%) et pour lesquelles le vote francophone calculé en supposant que seuls des francophones ont voté NON s'écarte de manière importante de la valeur moyenne de 73,3, c'est-à-dire s'en écarte de plus de deux écarts-type. Il ne nous est resté alors que six circonscriptions dans lesquelles on peut estimer un vote non-francophone pour le NON: Notre-Dame-de-Grâce (4,5%), Saint-Louis (6,4%), Laurier (15,3%), Outremont (16,2%), Dorion (17,5%) et Mercier (42,0%). Du point de vue de l'analyse globale, seuls les estimés pour Laurier et Mercier sont fiables, car seules ces deux circonscriptions s'écartent significativement de la régression effectuée11 ] .

Toutefois ces estimations, et celle concernant Mercier en particulier, doivent être considérées avec beaucoup de prudence: elles sont toutes basées en effet sur l'hypothèse que le vote francophone pour le NON dans ces circonscriptions est égal au vote francophone moyen obtenu par le NON dans la région de Montréal. Si tel n'était pas le cas, en effet, on arriverait à une toute autre valeur estimée pour le vote non-francophone au NON12 ] . M. Michel Lepage, responsable des sondages au Parti québécois, a effectué une analyse du vote référendaire de 1992 en se basant sur les résultats au niveau des sections de vote, dont la composition ethnique a été établie à partir d'un dépouillement des listes électorales: il arrive à la conclusion que 80% des francophones dans Mercier ont voté NON (soit plus que la moyenne montréalaise de 73,3%), ce qui réduit à 13% le vote non-francophone au NON dans cette circonscription. Dans tous les autres cas, son étude arrive sensiblement aux mêmes conclusions que nous: ainsi dans Notre-Dame-de-Grâce il estime à 7% le vote non-francophone pour le NON (135 sections de vote), tandis que dans les 489 sections de vote du nord-est de Montréal (circonscriptions de Viau, Jeanne-Mance, Sauvé et Lafontaine), le vote des Italiens pour le NON est estimé à moins de 1% et celui des Haïtiens à moins de 3%; dans Mercier (128 sections de vote) l'étude de Michel Lepage arrive à une estimation de 18% pour le NON chez les Latino-américains, de 12% chez les Vietnamiens, de 10% chez les Portugais, de 0% chez les Grecs et de 9% chez les autres communautés13 ] .

En conclusion, on ne peut déceler de vote non-francophone appréciable que dans une demi-douzaine de circonscriptions, et dans tous les cas ce vote ne dépasse guère les 10-15%. Ces circonscriptions englobent environ 20% des communautés ethniques du Québec: si l'on attribue une estimation globale de 10% du vote non-francophone pour le NON dans ces circonscriptions, cela ne représente qu'environ 2% du vote de l'ensemble des communautés ethniques pour le NON.

Quant au vote anglophone pour le NON, il est pratiquement inexistant. En effet, seule la circonscription de Notre-Dame-de-Grâce, parmi celles dans lesquelles on peut déceler l'existence d'un vote non-francophone pour le NON, comprend une forte proportion d'anglophones. Dans toutes les autres circonscriptions de l'Ouest de Montréal, le pourcentage obtenu par le NON reste strictement proportionnel au pourcentage de francophones, avec un vote francophone pour le NON de l'ordre de 60-66% (exception faite de la circonscription de D'Arcy McGee). Le comportement de la minorité anglophone face aux options nationalistes n'est pas nouveau, et en somme relativement facile à comprendre: depuis 20 ans les électeurs anglophones ont toujours voté contre le Parti québécois ou contre les options souverainistes.

Ce qui surprend tout de même cette fois-ci, c'est que Pierre Trudeau lui-même a appelé les Canadiens à rejeter l'entente, pour des raisons évidemment tout-à-fait différentes que celles du mouvement nationaliste. Autant son message a-t-il porté dans le reste du Canada, autant les résultats au Québec confirment qu'il ne fut pas écouté. Même ses anciens électeurs de la circonscription fédérale de Mont-Royal, qui englobe au niveau provincial les circonscriptions de D'Arcy McGee et de Mont-Royal, électeurs qui l'ont élu et réélu en 1968, 1972, 1974, 1979 et 1980 avec des majorités colossales, ont approuvé dans des proportions de 82,2% dans Mont-Royal et de 92,2% dans D'Arcy McGee (le plus fort pourcentage pour le OUI dans tout le Québec), l'entente que lui-même désapprouvait de façon véhémente.










Une situation coloniale

Le refus, par les électeurs non-francophones, de suivre la consigne de l'ancien leader canadien qui a incarné pendant vingt ans la lutte contre le mouvement national, leader lui-même issu de la nation qu'il combattait, n'est pas étonnante. Leur adhésion passée au discours de Pierre Trudeau n'était pas l'effet de ce discours: au contraire, c'est parce que le discours de Pierre Trudeau adhérait aux choix politiques de la minorité non-francophone, que celle-ci semblait le suivre. Quand pour des raisons de haute stratégie politique, Pierre Trudeau en est arrivé à la conclusion qu'il fallait rejeter l'entente (tout comme il avait provoqué le rejet de l'entente du Lac Meech), la minorité non-francophone du Québec l'a abandonné et a gardé son choix politique, qui est toujours le même depuis deux siècles, soit de s'opposer à l'existence et au renforcement d'une société française en Amérique.

L'analyse électorale nous révèle une situation proprement coloniale: depuis vingt ans que le Parti québécois existe sur la scène électorale, jamais nous n'avons vu une fissure dans le comportement des électeurs non-francophones: comme un bloc de béton, l'électorat non-francophone, toutes distinctions sociologiques confondues (distinctions de sexe, d'âge, de classe sociale, d'origine ethnique, de religion, etc.), a voté au cours des huit dernières consultations contre le Parti québécois et son option nationaliste, que celle-ci soit indépendantiste, souverainiste ou qu'elle soit même associationniste.

Ce comportement électoral est tout-à-fait exceptionnel, et on peut se demander ce qui réunit dans un bloc monolithique une masse d'électeurs par ailleurs si divers quant à leurs intérêts. Dans toutes les démocraties occidentales, les électeurs se répartissent dans le spectre politique selon leur position dans la structure sociale. Qu'est-ce qui amène au Québec un assisté social anglophone, catholique et d'origine irlandaise vivant à Pointe-Saint-Charles, à voter comme un cadre supérieur angloprotestant d'une grande banque canadienne vivant à Westmount; un immigrant italien ouvrier de Ville-Saint-Michel à voter comme un ingénieur d'origine scandinave demeurant à Senneville; un chômeur jamaïcain de Côte-des-Neiges comme un prospère avocat juif de Hampstead; un réfugié politique venant de n'importe quel pays d'Amérique latine ou dAsie, comme un homme d'affaires venant du Moyen-Orient; un immigrant arrivé d'Europe de l'Est sans autre bagage que ses espérances, comme un millionnaire fuyant Hong-Kong avant que celle-ci ne redevienne chinoise; etc., etc.? Qu'est-ce qui unit dans leur comportement électoral des personnes aux origines, aux situations et aux intérêts par ailleurs si divers, sinon leur commune opposition à la majorité française du Québec et à son désir d'émancipation?

Passe pour les personnes qui ont une position sociale dominante et qui voient dans l'accession du Québec à l'indépendance une menace pour leurs intérêts économiques. Jusqu'à une époque récente ces personnes étaient très majoritairement d'origine anglo-saxonne et constituaient la minorité anglaise issue de la Conquête. Mais comment expliquer que toutes les autres couches sociales, qui ne sont pas toutes dans une position sociale dominante, peu s'en faut, votent toujours et en bloc dans le même sens, pour la seule raison qu'elles ne font pas partie de la majorité française, et ce quelque soient les enjeux d'une consultation particulière, comment l'expliquer sinon par le refus de voter avec la majorité francophone?

Au plan individuel, c'est le droit le plus strict et le fondement de la démocratie, à chacun de voter comme il l'entend. Mais au plan sociologique, il y a quelque chose de choquant de voir un tel unanimisme politique, et il faut tenter de l'expliquer. Le scandale ce n'est pas que les anglophones et les allophones aient appuyé majoritairement l'entente de Charlottetown, le scandale c'est qu'ils l'aient appuyé presque unanimement. Cette entente mal négociée, mal ficelée, pleine d'ambiguïtés, porteuse de plus de problèmes que de solutions, il fallait la rejeter même d'un point de vue fédéraliste, ce que Pierre Elliot Trudeau a très bien vu, et avec lui la majorité des Canadiens, et la majorité des Québécois, qui ne sont pas tous souverainistes, pour ne citer que Jean Allaire en exemple. Mais au Québec la minorité a unanimement, et comme un seul électeur, voté OUI, se séparant et de sa majorité française du Québec et de sa majorité anglaise du Canada. Ce comportement politique est, toutes proportions gardées, le même que celui de toutes les minorités coloniales qui finissent par se distancer et de leur majorité métropolitaine et de leur majorité indigène. C'est un comportement que l'on pourrait qualifier de «pied-noir».

En analysant les élections québécoises depuis vingt ans, et le référendum de 1992 plus particulièrement, et en constatant que le bloc électoral non-francophone est demeuré toujours aussi inébranlablement et unanimement opposé à la majorité francophone, nous devons conclure que pour la minorité il est encore impensable et impossible de voter avec la majorité québécoise14 ] .

Le Parti québécois semble avoir posé le même diagnostic, si l'on se fie aux déclarations que son chef Jacques Parizeau a faites en janvier 1993: une majorité peut être dégagée en faveur de la souveraineté, mais cette majorité sera à peu près exclusivement francophone. Si l'indépendance du Québec doit se faire, elle ne se fera peut-être pas contre les anglophones et les allophones, mais certainement sans eux.




Note(s)

1.  Le Premier ministre Robert Bourassa et son ministre des Affaires intergouvernementales Cil Rémillard déclaraient eux-mêmes, dans un addendum au rapport de la Commission Bélanger-Campeau: «Le 23 juin dernier, la non-ratification de l'Accord du Lac Meech constituait un message clair pour la population du Québec: il lui revenait, et à elle seule, dorénavant, de prendre les décisions et de faire les choix qui s'imposent concernant son avenir politique et constitutionnel», Rapport, page 95, Québec, mars 1991.

2.  Pierre Elliott Trudeau, Ce gâchis mérite un gros NON!, Montréal, L'Étincelle éditeur, 1992, 77 pages.

3.  Les cartes ici présentées ont été tracées sur un ordinateur Macintosh avec le logiciel MODÈLE, développé par Gontrand Dumont au Service de l'informatique de l'UQAM. Les calculs statistiques ont été effectués avec les logiciels EXCEL et SPSS pour Macintosh.

4.  Mais aussi plus pratiquantes du point de vue religieux, davantage liées au secteur privé qu'au secteur public, moins syndiquées, etc. comme nous le révèlent régulièrement les sondages.

5.  On trouvera les résultats des élections au Québec depuis 1867 dans notre ouvrage Statistiques électorales du Québec 1867-1989, 3e édition, Bibliothèque de l'Assemblée nationale du Québec, Québec, 1990, 692 pages.

6.  Cf. Pierre Drouilly, «L'élection du 25 septembre 1989: une analyse des résultats», pages 103-122 dans Denis Monière (dir.), L'année politique au Québec 1989-1990, Montréal, Québec/Amérique, 1990; voir aussi Pierre Drouilly, «Une analyse des résultats de 1985», pages 105-110 dans Roch Denis (dir.), Québec: dix ans de crise constitutionnelle, Montréal, VLB Éditeur, 1990.

7.  On trouvera les cartes des abstentions aux élections depuis 1867 dans notre ouvrage Atlas des élections au Québec 1867-1985, Bibliothèque de l'Assemblée nationale du Québec, Québec, 1989, 560 pages. Cet ouvrage contient en outre les cartes du vote accordé aux partis et les cartes des députés élus depuis 1867, ainsi que les cartes de la composition linguistique des circonscriptions depuis 1867.

8.  On trouvera les résultats des élections au Québec depuis 1867 dans notre ouvrage Statistiques électorales du Québec 1867-1989, 3e édition, Bibliothèque de l'Assemblée nationale du Québec, Québec, 1990, 692 pages.

9.  La composition linguistique des circonscriptions du Québec a été calculée à partir des données du Recensement de 1991 concernant la langue maternelle, disponibles depuis peu. Nous nous sommes servi des données disponibles sur disquette au niveau des municipalités du Québec et des secteurs de recensement dans les Régions métropolitaines de recensement: ces unités géographiques ont été codées selon la carte électorale du Québec, et agrégées à ce niveau. Nous avons traité les réponses multiples à la question portant sur la langue maternelle en répartissant les réponses «anglais et français» au prorata des réponses uniques «anglais» et «français» dans chaque municipalité et dans chaque secteur de recensement; les réponses «anglais et autres» et «français et autres» sont comptées comme «autres», ce qui surestime légèrement le groupe des «autres». Avec cette méthode de calcul nous estimons à 82,3% le pourcentage de francophones au Québec en 1991, à 8,9% celui des anglophones et à 8,8% celui des allophones.

10  Cette analyse a été conduite par une régression multiple passant par l'origine sous l'hypothèse de relations linéaires entre le pourcentage de vote accordé aux options référendaires et la composition linguistique des circonscription. De façon générale, les variations expliquées sont supérieures à 99%, alors que les valeurs résiduelles se situent dans les marges de confiance à 95% dans tous les cas sauf la circonscription de Mercier en 1980, et les circonscriptions de Mercier et de Laurier en 1992.

11.  Le même calcul effectué pour le référendum de 1980 isole quatre circonscriptions dans l'analyse du vote pour le OUI. Le vote non-francophone pour le OUI était alors de 6,4% dans Laurier, de 6,7% dans Saint-Louis, de 12,7% dans Outremont et de 27,3% dans Mercier, seule cette dernière circonscription s'écartant significativement de la régression effectuée.

12.  Ainsi, par exemple, une analyse au niveau des secteurs de recensement de la circonscription de Mercier (cf. Pierre Drouilly, Statistiques électorales du Québec par municipalités et secteurs de recensement 1970-1989, 2e édition, Bibliothèque de l'Assemblée nationale du Québec, Québec, 1990, 2 vol., 1422 pages) permet de conclure qu'en 1980 le OUI a obtenu 57,3% du vote francophone (2,2% de plus que la moyenne de 55,1% pour la région), ce qui conduit à une estimation du vote non-francophone pour le OUI de 11,5% (au lieu de 27,3%). Nous ne disposons pas, au moment d'écrire ces lignes, des données nécessaires pour faire cette analyse avec le vote de 1992.

13.  Nous voudrions ici remercier Michel Lepage de nous avoir aimablement communiqué une copie de son étude.

14.  L'opposition de la minorité anglo-québécoise à la majorité française du Québec n'est pas une règle universelle, mais bien une règle des minorités coloniales. Ainsi, par exemple, les minorités russes de Lituanie, de Lettonie et d'Estonie ont divisé leur vote dans les référendums sur l'indépendance de ces trois États- sans voter majoritairement pour l'indépendance, elles les ont quand même appuyées substantiellement. Quant à la minorité russe d'Ukraine, surtout celle de Crimée, elle a très majoritairement, semble-t-il, appuyé l'indépendance de ce Pays.