accueilsommairerubriques

La vie parlementaire



Réjean Pelletier
Université Laval


L'année politique au Québec 1991-1992

· Rubrique : La vie parlementaire





En cette année du Bicentenaire

Il y a deux cents ans, le 17 décembre 1792, s'ouvrait la première session du Parlement à Québec. Cette année du Bicentenaire des institutions parlementaires fut commémorée par diverses publications sur la naissance du parlementarisme au Québec, sur les institutions parlementaires, sur les grands débats ou sur les députés, sans oublier un grandiose spectacle son et laser devant l'Hôtel du Parlement et un symposium international sur la démocratie.

Et pourtant, l'année 1992 ne peut être considérée comme un grand cru parlementaire. Au contraire, qu'on en juge par les titres suivants des journaux à la clôture des travaux en juin 1992: «Le gouvernement Bourassa impose un bâillon omnibus» (Le Devoir, 23 juin 1992); «Suspension sans précédent des règles de l'Assemblée nationale: 28 lois adoptées en 24 heures» (Le Soleil, 23 juin 1992); «Et vive la démocratie!», éditorial de Martine R.-Corrivault dans Le Soleil du 26 juin; «Maigre bilan, grosse guillotine», éditorial de Cilles Lesage dans Le Devoir du 25 juin.

La guillotine qui tombe alors sur les travaux parlementaires vient mettre fin aux débats en imposant un bâillon à l'Opposition. Alors que le Parlement devrait être le lieu par excellence où se tiennent les grands débats sur des questions importantes, où se discutent en profondeur les projets de loi qui vont nous régir, où devraient être analysés en détail les centaines de règlements qui encadrent nos vies (ce qui est encore laissé à la discrétion du gouvernement et de l'administration).

Évidemment, le gouvernement peut toujours invoquer l'urgence pour suspendre les règles habituelles de procédure.

Mais, en cette année du Bicentenaire, «l'urgence» s'est présentée plus d'une fois, y compris à nouveau à la fin des travaux parlementaires en décembre. Le gouvernement libéral a alors fait adopter une autre motion omnibus permettant de couper court aux débats sur quatre projets de loi litigieux. Ce qui donnait au gouvernement le moyen de faire approuver ses projets avant Noël, mais «au prix d'une pitoyable parodie parlementaire», comme le soulignait l'éditorialiste Gilles Lesage (Le Devoir, 28 décembre 1992). Et celui-ci de conclure: «Après 200 ans d'exercice parlementaire, on a la pénible impression que le gouvernement veut diriger par décrets et règlements. De glissade en dérive, de précédent en précédent, entre parodie et vaudeville, c'est une triste fin d'anniversaire. On avance en arrière!».

Effectivement, après deux cents ans de vie parlementaire à Québec, tout se passe comme si on n'avait pas encore «apprivoisé» le parlementarisme. Ou plutôt, on l'a si bien apprivoisé qu'on l'a dénaturé en s'inspirant des règles les plus déplorables des spectacles modernes où l'apparence compte plus que la substance, où l'image a plus d'importance que le contenu, le tout ponctué de quelques coups d'éclat en imposant la clôture des travaux et le bâillon à l'Opposition. Le plus dangereux, ce n'est pas tant d'imposer la guillotine dans des situations exceptionnelles que d'en banaliser l'utilisation. On en fait ainsi une règle «normale» de fonctionnement plutôt qu'une mesure tout à fait exceptionnelle.

Peut-être est-ce là le lot des vieilles démocraties habituées à vivre avec les institutions parlementaires. Peu de pays au monde peuvent se targuer, en effet, de posséder un Parlement qui fonctionne sans interruption depuis deux cents ans. Et pourtant, deux cents ans plus tard, on assiste par deux fois à une véritable parodie du parlementarisme. Quelle triste façon de célébrer un tel anniversaire!




L'état de la santé et de la justice

L'année parlementaire s'est ouverte sur une bonne note pour le Parti québécois qui a remporté l'élection partielle tenue le 20 janvier dans la circonscription d'Anjou. Après sa victoire dans Montmorency en août 1991, le Parti québécois raflait ainsi une seconde circonscription en moins d'un an. Ces deux victoires mettaient fin à la série noire d'une trentaine de défaites en élections partielles depuis la fondation du Parti québécois. L'électorat québécois manifestait ainsi son mécontentement à la suite des hausses de taxes, de la réforme de la fiscalité municipale (réforme Ryan), de l'impasse constitutionnelle et du mauvais climat économique. Mais, dans les deux cas, tout importante qu'elle ait été, la victoire du Parti québécois n'indiquait nullement une défaite sans appel de son adversaire libéral.

Deux événements d'une certaine portée vont retenir l'attention des médias avant la rentrée parlementaire de mars. Le premier touche le domaine de la santé. Le 4 février débutaient en commission parlementaire, les consultations particulières sur le document gouvernemental intitulé «Un financement équitable à la mesure de nos moyens» publié en décembre 1991. Comme l'indique le titre de ce document, le ministre de la Santé, M. Marc-Yvan Côté, conviait des individus et des associations à se prononcer sur l'épineuse question du financement des soins de la santé qui grugent une part très importante du budget de la province. En appelant à la responsabilité individuelle des citoyens, aussi bien des usagers que des dispensateurs de services, le ministre souhaitait un changement d'attitudes de façon à freiner la consommation des services de santé et réduire la pression sur les finances publiques. En même temps, il en appelait à une responsabilité collective - dont celle du gouvernement fédéral qui a tendance à réduire son financement des coûts - en optant pour l'instauration d'un impôt distinct pour la santé plutôt qu'en privilégiant la tarification des services. Pour sa part, le Parti québécois s'en est tenu résolument à un financement public des soins de santé de façon à maintenir la gratuité pour tous les usagers.

Cette commission parlementaire visait avant tout à consulter «le public» sur les différentes options de financement proposées par le ministre afin de trouver les moyens nécessaires pour combler une impasse budgétaire de 200 à 400 millions de dollars selon les hypothèses retenues. C'était là le deuxième volet de l'ambitieuse réforme de la santé et des services sociaux amorcée avec la création de la Commission Rochon en 1985, qui s'est traduite par une profonde modification des structures avec l'adoption de la loi 120 en 1991 et l'adoption de la loi 15 en juin 1992.

Le troisième volet a été connu à la mi-juin 1992 lorsque le ministre a présenté un autre important document sur les enjeux, les objectifs et les stratégies. Le document ministériel propose de cibler davantage les interventions en accordant la priorité aux régions pauvres et aux groupes plus vulnérables, table sur la prévention et sur l'amélioration générale des habitudes et conditions de vie des citoyens, et fixe dix-neuf objectifs à atteindre d'ici l'année 2002, certains étant précis (comme réduire de 15% la mortalité par cancer du sein) et d'autres plus généraux (comme stabiliser la délinquance). Avec ce catalogue d'objectifs et d'enjeux (parfois peu précis), le ministre complétait sa réforme de la santé et des services sociaux. Il lui reste maintenant la dernière étape à franchir, la plus importante, non plus celle de la discussion et des options à retenir, mais celle de la mise en oeuvre de ces réformes sur le terrain même des usagers et des divers intervenants.

Le deuxième événement important a trait à la justice. Durant une semaine à la mi-février, M. Gil Rémillard, le ministre de la justice, a convié près de 200 invités issus du monde judiciaire, du droit, d'organismes sociaux et économiques, à un Sommet de la justice afin de forger un consensus sur les orientations nouvelles et sur les moyens d'action en vue d'améliorer le fonctionnement de la justice. Ces états généraux de la justice se tenaient sous une triple thématique visant à encadrer les débats: la personne et la justice, la société et la justice, les institutions et la justice.

Comme il est de mise en ces temps difficiles, le ministre a prévenu ses invités que l'État n'a plus les moyens d'acquiescer à toutes les demandes et qu'il ne peut plus assurer seul la justice. Le ministre y est tout de même allé d'un certain nombre de propositions: médiation familiale gratuite partout au Québec afin de désengorger les tribunaux et favoriser une plus grande accessibilité à la justice; élargissement de la compétence du tribunal des petites créances de façon à faire passer le seuil des réclamations de 1000 à 3000 dollars; réforme de l'aide juridique dont l'accès gratuit serait réservé aux seules personnes qui ne gagnent pas suffisamment pour payer un impôt, ce qui a suscité une levée de boucliers chez les participants.

Le Sommet s'est achevé sur la promesse de passer rapidement à des actes concrets, non sans que le ministre ait eu à repousser auparavant les critiques de certains intervenants à l'effet que le sommet ne serait que du «tape-à-l'oeil politique» où les dés seraient pipés et les participants brimés dans leur droit de parole.




On est résolument fédéraliste

À la reprise des travaux de l'Assemblée nationale le 10 mars, le Parlement québécois tenait toujours sa première session d'une législature élue en septembre 1989. Deux ans et demi plus tard, il était temps que le gouvernement libéral présente un nouveau programme législatif contenu dans un discours inaugural qui annoncerait les priorités gouvernementales et ouvrirait une seconde session. Pourtant, le 10 mars, il s'est contenté de convoquer la Chambre en offrant un menu législatif fort mince, ce que s'est empressé de dénoncer l'opposition péquiste. «C'est un gouvernement usé, qui veut parader à l'Assemblée nationale pendant quelques jours, qui n'a rien, sur le fond des choses, à faire discuter», a déclaré le leader de l'Opposition en Chambre, M. Guy Chevrette, au cours d'un vif échange avec le leader du gouvernement, M. Michel Pagé. Ce que venait confirmer le journaliste Michel Venne qui parlait d'une «reprise au rythme de l'escargot», se demandant comment le gouvernement Bourassa, avec ses coffres vides, pourra vaincre «le blues de la mi-mandat» (Le Devoir, 7 mars 1992). Ce n'est pas quelques motions, ni quelques projets de loi restés en plan à l'automne, ni les deux jours d'étude de la demande tarifaire d'Hydro-Québec en commission parlementaire, qui pouvaient occuper pleinement les députés à la reprise des travaux.

C'est le 19 mars que le gouvernement libéral décidait d'ouvrir la deuxième session de la 34e législature par un discours inaugural lu, en partie, par le Lieutenant-gouverneur et, en partie, par le Premier ministre lui-même. Deux points ont retenu l'attention des analystes politiques. Tout d'abord, le Premier ministre en a profité pour livrer un plaidoyer sans équivoque en faveur du fédéralisme canadien. Rappelant que le Canada est «un pays privilégié» dont la désintégration serait un «processus long, complexe et coûteux», le Premier ministre s'est prononcé en faveur d'un fédéralisme renouvelé. «Le gouvernement du Québec et la majorité de cette Assemblée souhaitent vivement la réussite des présentes discussions constitutionnelles» ajoutait le Premier ministre, tout en profitant de l'occasion pour réhabiliter le rapport Beaudoin-Dobbie pourtant désapprouvé par l'Assemblée nationale quelques jours plus tôt. «Il n'y a pas beaucoup de précédents où autant de pouvoirs ont été offerts» au Québec, soulignait-il, mais en déplorant que «les textes qui nous ont été soumis ne suivent pas les intentions exprimées». Bref, par ce message résolument fédéraliste, le gouvernement Bourassa s'enlevait tout moyen de pression sur les participants du marathon constitutionnel, ne brandissant même pas la menace de la loi 150 de tenir un référendum sur la souveraineté en octobre si les offres fédérales n'étaient pas acceptables. C'était pratiquement accepter à l'avance ce que le reste du Canada offrirait au Québec. Comment s'étonner dès lors des événements qui allaient s'enchaîner au cours des mois suivants jusqu'au référendum du 26 octobre?

Le deuxième message livré par le Premier ministre a trait à la situation financière du Québec et aux capacités de l'État-providence. «L'État-providence manque de souffle» a averti le Premier ministre Bourassa. Les pouvoirs publics doivent envisager de «nouveaux modèles de développement social». En même temps, le Premier ministre a laissé entrevoir un répit dans le domaine de la taxation en invoquant la loi des rendements décroissants, mais a promis de nouvelles réductions de dépenses qui pourraient toucher, évidemment, les salariés du secteur public.

Ce discours d'ouverture de la nouvelle session de l'Assemblée nationale a été fortement décrié par le chef du Parti québécois, M. Jacques Parizeau, qui a vu dans le message inaugural le signe évident que le gouvernement Bourassa est «en plein désarroi» tant sur le plan économique que constitutionnel. «On ne peut pas passer deux heures à critiquer le vide», ajoutait-il devant les journalistes. C'était là également l'avis de certains éditorialistes qui, tel Cilles Lesage, ont déploré «le manque de souffle» du gouvernement libéral et constaté que le menu législatif était «rempli de platitudes et généralités» (Le Devoir, 20 mars 1992). Ou comme Raymond Giroux qui écrivait: «Un attentisme mou prépare un repli honteux à l'heure du choix» (Le Soleil, 20 mars 1992). L'avenir allait confirmer ses craintes.




Que faire en pleine crise économique?

La session du printemps est toujours marquée par la présentation des prévisions de dépenses du gouvernement. Déjà, le président du Conseil du trésor, M. Daniel Johnson, avait préparé le terrain à la mi-février en demandant aux employés de l'État de renoncer aux augmentations salariales prévues pour juillet et de reporter de deux ans le début des négociations du prochain contrat de travail. Quelques jours avant la présentation des crédits en Chambre, le ton montait entre les deux groupes, employés de l'État et gouvernement, alors que le ministre Johnson brandissait la menace d'une augmentation des impôts si jamais il acquiesçait aux demandes syndicales.

La présentation des prévisions de dépenses a bien montré que le gouvernement du Québec n'arrivait pas à contenir ses dépenses en cette période de récession économique. Annonçant une augmentation des dépenses de 5,8% au moment où l'inflation était estimée à 2,3%, le gouvernement arrivait à peine à dégager quelques centaines de millions pour la poursuite des priorités gouvernementales ou, en termes clairs, pour la relance de l'économie. Ce qui faisait souhaiter à certains, dont les centrales syndicales, une enquête publique sur la fiscalité au Québec, d'autant plus que plusieurs députés libéraux se sont montrés surpris de l'augmentation des dépenses du gouvernement, s'attendant à plus de compressions budgétaires. «C'est une augmentation trop élevée», confessait même le ministre Johnson.

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant de constater que les employés de l'État aient craint de faire les frais de futures compressions budgétaires. En avril, ils descendaient dans les rues de Montréal et de Québec pour faire savoir au gouvernement qu'ils n'accepteraient pas un nouveau gel des salaires, lui demandant surtout de respecter l'accord signé l'année précédente. Le 11 mai, le président du Conseil du trésor en arrivait à une entente avec les 400 000 employés de l'État, le gouvernement reculant totalement au plan des augmentations salariales et les syndicats partiellement sur le montant forfaitaire de telle sorte que les deux parties trouvaient ainsi un terrain d'entente. Plusieurs députés libéraux, lors d'une réunion du caucus tenue à Rimouski, avaient clairement indiqué qu'ils pourraient ne pas appuyer le ministre Johnson s'il décidait d'imposer par décret ou par une loi spéciale les conditions de travail des employés de l'Etat. Le ministre a donc opté pour un accord négocié, ce qui faisait dire à l'éditorialiste jean Francoeur que, dans de telles circonstances, il n'y a que des gagnants (Le Devoir, 14 mai 1992).

Quelques jours plus tard, le ministre des Finances prévoyait, dans son huitième discours du budget présenté à l'Assemblée nationale, que la «politique d'austérité judicieuse» du gouvernement lui permettrait de diminuer son déficit en 1992-93 en réduisant les prévisions de dépenses déjà rendues publiques en mars. Il obtenait ce résultat même en respectant les conventions collectives signées l'an dernier avec les syndiqués du secteur public, mais en décrétant dès cette année une réduction de 4% du nombre de fonctionnaires.

Le ministre des Finances a surtout voulu annoncer des bonnes nouvelles pour les particuliers: pas de hausse d'impôt, une TVQ sur les services ramenée de 8% à 4%, laissant à d'autres ministres le soin de communiquer les mauvaises nouvelles. À l'instar de ce qu'avait fait l'année précédente le ministre Ryan concernant les transferts de responsabilités aux municipalités, c'est le ministre Marc-Yvan Côté qui a annoncé des compressions de 135 millions de dollars dans les services de santé, ainsi que des contributions nouvelles ou accrues des usagers. Le ministre des Finances s'est contenté de reprendre cette décision gouvernementale dans son discours du budget. En saupoudrant ainsi les compressions budgétaires et les augmentations déguisées de taxes, le gouvernement espère les faire accepter plus facilement par les citoyens et citoyennes. Bien plus, ces annonces faites à l'extérieur de la Chambre, y compris sous formes publicitaires, sapent de plus en plus l'autorité et la crédibilité d'une Assemblée prétendument souveraine qui n'a pas encore été saisie officiellement de ces questions. Surtout que le contrôle et l'approbation des dépenses et moyens de financement du gouvernement constituent l'une des compétences les plus fondamentales du Parlement, comme le soulignait à bon droit l'opposition péquiste qui s'indignait de cette façon de procéder de la part du gouvernement. Il est vrai cependant que la majorité gouvernementale finira toujours par adopter ce que l'exécutif et la technocratie auront déjà décidé.

Mais la réduction du déficit annoncée dans le discours du budget en mai se traduira plutôt par un déficit record de 4,3 milliards de dollars en novembre suivant. Pour combler une baisse prévue de ses revenus, le gouvernement libéral avait décidé de hausser son déficit plutôt que de réduire ses dépenses.




Sous l'empire du bâillon

Si la session du printemps a été dominée par le débat sur le discours inaugural, par l'étude des crédits budgétaires et par le débat sur le discours du budget, il n'en reste pas moins que la Chambre est appelée avant tout à analyser, puis à adopter les nombreux projets de loi qui lui sont présentés. Si bien que, au début de juin, l'Assemblée nationale entreprenait son sprint semestriel avec une quarantaine de projets de loi au feuilleton. Ce qui a amené le leader parlementaire de l'Opposition à blâmer les libéraux pour cet engorgement puisqu'ils avaient perdu deux semaines en mars en retardant la présentation du discours d'ouverture de la nouvelle session.

Au menu: divers projets de loi comme celui élargissant les pouvoirs de la Caisse de dépôt et placement (projet de loi 16), celui transférant aux commissions scolaires certains pouvoirs administratifs ainsi que le pouvoir de décider des dérogations à l'âge d'admission à l'école (projet de loi 17), celui remplaçant l'OPDQ par une nouvelle structure liée au bureau du Premier ministre pour gérer le développement régional (projet de loi 19), celui abolissant la taxe d'amusement (projet de loi 20), celui créant la Société Innovatech du Grand Montréal (projet de loi 28), celui sur la notion de travailleur autonome dans l'industrie de la construction (projet de loi 185) ou celui créant le nouvel Institut québécois de réforme du droit (projet de loi 406). Tous ces projets, et bien d'autres, ne soulevaient pas d'objections majeures de la part de l'Opposition, mais ils faisaient partie des 28 projets de loi (25 d'intérêt public et 3 d'intérêt privé) dont le gouvernement voulait forcer l'adoption avant l'ajournement du 23 juin et ce, en suspendant les règles de l'Assemblée nationale par l'imposition d'un «bâillon omnibus». Pour exprimer leur mécontentement, les membres de l'Opposition ont forcé les députés libéraux à se lever 28 fois pour voter sur chacun de ces projets.

Et pourtant, la vive lutte que menait l'opposition, qualifiée «d'obstruction systématique» par le leader parlementaire du gouvernement, concernait essentiellement le projet de loi 408, présenté par le ministre Bourbeau et créant la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Cette société, gérée en partenariat par le gouvernement, le patronat et les syndicats (ces deux derniers groupes souhaitant d'ailleurs que le ministre élargisse sa notion de partenariat), a pour mandat de définir et de gérer les programmes de formation professionnelle et, éventuellement, l'assurance-chômage sur le territoire québécois. Sans qu'on en ait terminé l'étude article par article, le projet était adopté par la majorité gouvernementale le 22 juin à la suite du «bâillon omnibus».

Cette suspension sans précédent des règles de fonctionnement de l'Assemblée avait elle-même été précédée de trois autres «guillotines» imposées par le gouvernement libéral depuis le début du mois de juin. Elle a d'abord frappé le projet de loi 9 portant sur la désassurance des soins dentaires pour les enfants de 10 ans et plus, des examens optométriques pour les personnes âgées de 18 à 40 ans et l'imposition de frais modérateurs de deux dollars aux personnes âgées quand elles font remplir une prescription. Cette loi fut adoptée après seulement six heures d'étude en commission. Ce fut le cas également du projet de loi 35 sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (appelé projet de loi sur la CSST) déposé en Chambre le 14 mai et adopté le 15 juin à la suite d'une motion de clôture du gouvernement. Ce projet était pourtant vivement critiqué non seulement par les centrales syndicales comme la CSN et la FTQ, mais également par l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Pour sa part, l'opposition péquiste, craignant un chaos pire que la situation actuelle à la CSST, a demandé le retrait pur et simple de ce projet. Le ministre du Travail, de son côté, disait penser d'abord aux accidentés eux-mêmes, souhaitant «humaniser, désengorger et déjudiciariser» le régime de santé et de sécurité du travail, et non pas céder aux arguments du patronat axés sur la lutte au déficit énorme de cet organisme. Tel fut le cas enfin du projet de loi 21 visant à décréter que le congé de la Fête du Canada soit observé le ler juillet et non le lundi le plus près. L'opposition péquiste, connue pour ses tendances souverainistes, n'était certes pas prête à souligner d'une façon aussi spéciale la Fête du Canada au même titre que celle du 24 juin. Ce qu'elle fit en affrontant les députés libéraux fédéralistes pendant des dizaines d'heures sur cette question.

Au total, au cours de cette session printanière, près d'une trentaine de projets de loi d'intérêt public sur un total de 46 furent adoptés sous l'empire du bâillon. C'était là une bien triste façon de «célébrer» les deux cents ans du parlementarisme au Québec. «De toute évidence, concluait l'éditorialiste Gilles Lesage en traçant le bilan de cette session printanière, l'arrogance du deuxième mandat se fait sentir». Ce qui n'a pas empêché la Chambre d'adopter le projet de loi 404 qui modifie et améliore le plan de pension des députés malgré l'Opposition, il est vrai, des députés péquistes. Ajoutant la parole aux actes, deux députés péquistes (Mme Jocelyne Caron, députée de Terrebonne et M. Pierre Bélanger, député d'Anjou) ont annoncé qu'ils se retiraient du nouveau régime de retraite, jugeant scandaleux ces avantages votés en pleine crise économique.




La saga constitutionnelle

Durant l'année 1992- du moins jusqu'au référendum du 26 octobre- l'ombre de la réforme constitutionnelle a constamment plané sur les travaux de l'Assemblée nationale. Créées par la loi 150, deux commissions parlementaires ont siégé au cours de l'automne 1991. L'une s'intéressait à toutes les questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté. Elle a mené ses travaux assez rondement en convoquant un grand nombre d'experts pour scruter les différentes facettes de ce sujet. Un invité n'est cependant pas passé inaperçu: le chef de l'Assemblée des Premières Nations, M. Ovide Mercredi, accompagné d'une pléiade de chefs québécois, de conseillers et d'Autochtones, a mis en doute l'existence du peuple québécois et, par conséquent, son droit à l'autodétermination. Ces propos incendiaires ont soulevé une tempête de protestations au Québec. Pour sa part, le chef Mercredi estimait qu'il n'avait pas d'autre choix que d'adopter la «ligne dure». À l'exemple de ce dialogue de sourds entre Québécois et Amérindiens, les travaux de la commission n'ont pas toujours baigné dans l'huile, opposant souvent libéraux fédéralistes et péquistes souverainistes, si bien que la bisbille la plus totale s'est installée entre les deux groupes et que cette commission n'a pu produire un rapport: elle a dû se contenter d'un «projet de rapport» préparé par les employés de la commission où l'on rassemblait, sous différentes têtes de chapitre, l'essentiel des interventions touchant les différentes questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté.

Quant à la seconde commission créée par la loi 150, celle concernant les offres fédérales, ses travaux n'ont pas eu beaucoup plus de succès puisque, dès le 12 décembre 1991, les députés péquistes quittaient la commission, estimant que les propositions du premier document fédéral (Bâtir ensemble l'avenir du Canada) avaient déjà été analysées en profondeur et qu'il fallait désormais attendre les nouvelles propositions promises pour mars ou avril. Celles-ci prendront d'abord la forme d'un rapport émanant du comité mixte spécial sur le renouvellement du Canada (rapport Beaudoin-Dobbie). Peu d'organismes avaient déjà accepté d'aller commenter les propositions contenues dans ce rapport lorsque, le 11 mars, l'Assemblée nationale adoptait une motion, par 107 voix (libérales et péquistes) contre trois (du Parti Égalité), pour désapprouver le rapport de ce comité. Il devenait alors inutile pour la commission de se pencher sur ce document.

En réalité, les véritables propositions n'arriveront qu'à la fin du mois d'août à la suite de ce qu'on a appelé l'entente de Charlottetown. Cette entente n'avait été rendue possible que par le retour du Premier ministre Bourassa à la table de négociations, en dépit de ce qu'il avait solennellement affirmé au lendemain de l'échec du Lac Meech à l'effet qu'il ne participerait plus à des négociations à onze. Après quelques séances de travail en septembre, le président de la commission estimait que les offres du 28 août ne liaient pas formellement le gouvernement fédéral et les autres provinces et que, en conséquence, la commission ne pouvait formuler de recommandations à l'Assemblée nationale. Tout évoluait très rapidement dans le dossier constitutionnel et les échéances étaient ailleurs puisque la date fatidique du 26 octobre 1992 approchait à grands pas.

Le 18 juin, le Premier ministre Bourassa écartait totalement la tenue d'élections à l'automne pour briser l'impasse constitutionnelle, tout en confirmant son intention de convoquer l'Assemblée nationale en août pour amender la loi 150 et tenir le référendum sur les offres fédérales et non sur la souveraineté. Cette position enfin claire du Premier ministre faisait suite à des interventions répétées de l'Opposition qui, au cours des semaines précédentes, avait demandé au chef du gouvernement de préciser ses positions dans le dossier constitutionnel. À un point tel, d'ailleurs, que l'opposition péquiste a dû utiliser, au cours du mois de mai, un autre procédé pour obtenir des réponses plus claires du Premier ministre: elle a fait inscrire au feuilleton une pleine page de questions écrites qui requièrent des réponses écrites et détaillées.

A l'issue d'une réunion du conseil général de son parti en mars, le Premier ministre avait clairement indiqué qu'il ne tiendrait pas de référendum sans être sûr de le gagner. «Je ne serais pas responsable vis-à-vis l'histoire si je m'orientais vers un référendum qui affaiblirait le Québec», avait-il déclaré à cette occasion. Mais tout était mis en marche au sein du Parti libéral pour gagner le référendum. De même, le ministre Marc-Yvan Côté déposait le 14 mai un projet de loi venant modifier la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire afin de raccourcir la durée d'une campagne référendaire de 84 à 47 jours - si bien que le gouvernement pourra attendre jusqu'au 9 septembre pour déposer sa question référendaire devant l'Assemblée nationale et «d'actualiser» les limites fixées aux dépenses des partis au cours d'une campagne. Adoptée le 19 juin, cette loi pouvait donc servir à la prochaine campagne référendaire.

À la suite de l'entente constitutionnelle du 22 août, à laquelle le Premier ministre Bourassa participait, le Conseil des ministres a accueilli «avec enthousiasme et fierté» cet accord conclu par leur chef.

Le 3 septembre, l'Assemblée nationale était convoquée pour amender la loi 150 afin de permettre la tenue du référendum sur les offres plutôt que sur la souveraineté. Le Parti québécois, de son côté, promettait d'utiliser tous les moyens à sa disposition pour empêcher les libéraux de modifier la loi 150 et de se soustraire ainsi à l'obligation de tenir un référendum sur la souveraineté. À la suite d'un débat passionné et enflammé, ponctué d'injures et même de mépris, la Chambre adoptait le 8 septembre la loi 44 visant à modifier la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec.

Dès le lendemain, le Premier ministre Bourassa déposait la question référendaire qui reprenait le même libellé que celle déposée à la Chambre des communes par le Premier ministre Mulroney. En ouvrant le débat de 35 heures, étalé sur cinq jours, M. Bourassa a invité la population québécoise à dire OUI à la stabilité politique, à l'accord du Lac Meech, à des gains pour le Québec, à une réconciliation avec les Autochtones, alors que le NON signifie «le statu quo., dans le recul et l'incertitude» et qu'une telle réponse nous rapproche de «la rupture de la fédération, avec tous les risques que cela comporte». Dans sa réplique, le chef du Parti québécois, M. Parizeau, appelait la population québécoise à rejeter l'entente car elle promet de «nous embourber dans de petits marécages, avec des petits horizons, pour des petites perspectives, puis des chicanes interminables».

Après 35 heures de débat, la question était adoptée par la majorité libérale en Chambre, sans que les deux commissions parlementaires créées par la loi 150 aient pu produire, l'une un rapport sur les offres, l'autre un rapport sur l'accession à la souveraineté. Tout était maintenant en place pour l'échéance finale du référendum le 26 octobre. Le Québec, en compagnie de cinq autres provinces, a rejeté à 56,6% les offres contenues dans l'entente de Charlottetown. Ce qui mettait fin à la saga constitutionnelle qui a nettement dominé le paysage politique du Québec durant les dix premiers mois de l'année.




L'économie au menu

Convoquée le 24 novembre seulement, l'Assemblée nationale a repris ses travaux sous le signe de l'économie. Déjà, au moment où se réunissait en retraite fermée le Conseil des ministres, le chef de l'Opposition réclamait un programme de relance économique. Au terme de cette réunion, le ministre des

Finances annonçait plutôt une hausse de son déficit. Ce qui faisait dire à l'éditorialiste Cilles Lesage: «Il ne faut rien attendre d'extraordinaire de l'Assemblée nationale qui reprend ses travaux sessionnels, aujourd'hui. Dès vendredi dernier, comme pour couper court à des espoirs démesurés, notamment ceux de l'opposition parlementaire, le gouvernement Bourassa a démontré avec une triste éloquence que sa marge de manoeuvre est on ne peut plus mince, pour ne pas dire inexistante.» (Le Devoir, 24 novembre 1992).

La rentrée parlementaire allait surtout confirmer que le gouvernement n'avait pas de véritable plan de relance économique et que l'équipe ministérielle apparaissait de plus en plus fatiguée et affaiblie. Devant cette situation, le chef du Parti québécois a réclamé des élections générales afin que les Québécois puissent se donner une nouvelle administration, jugeant que le gouvernement libéral avait été incapable de faire face à la situation économique. Effectivement, le programme de relance était plutôt anémique. Outre la publication d'une série de mesures, souvent annoncées antérieurement, destinées à accélérer les investissements publics de plus de 430 millions de dollars, dont 295 millions dans les réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux et 100 millions pour le prolongement d'autoroutes, le programme de relance a été largement axé sur deux «nouvelles» politiques dont on parlait depuis fort longtemps: l'ouverture des commerces le dimanche et l'ouverture de deux casinos. Le projet de loi 59 libéralisant le commerce le dimanche a été présenté par le ministre Gérald Tremblay, mais les députés péquistes s'y sont vivement opposés et ont refusé de donner leur consentement à l'adoption de ce projet avant l'ajournement des Fêtes. Il fut tout de même approuvé à la majorité le 18 décembre.

Bref, les mesures présentées ne permettaient pas au Québec de sortir de la profonde récession économique. La relance de l'économie, se demandait le journaliste Cilles Lesage, c'est plutôt «celle d'un gouvernement aux abois qui cherche la bonne recette, les meilleurs trucs pour s'incruster au pouvoir» (Le Devoir, 12 décembre 1992).




Une trilogie culturelle

Les travaux parlementaires de l'automne, d'une durée d'à peine quatre semaines, n'ont pas été consacrés qu'à l'économie. D'autres secteurs d'activité ont retenu l'attention du public, dont celui de l'éducation. Déjà, en mai et juin 92, le ministre Pagé avait annoncé différentes dispositions touchant le secteur scolaire: des crédits supplémentaires pour renflouer les écoles privées primaires et secondaires, une plus grande responsabilité fiscale aux commissions scolaires, la francisation des enfants des immigrants tout en favorisant un accès plus large des immigrants à l'école anglaise, et surtout un plan d'action sur la réussite scolaire visant à hausser le nombre de diplômés du secondaire, plan qui fut généralement bien accueilli dans les milieux de l'éducation.

À l'automne, la commission parlementaire de l'éducation était conviée à une réflexion en profondeur sur le rôle, la structure et le fonctionnement des cégeps après vingt-cinq ans d'existence. Ce débat public sur l'enseignement collégial avait été annoncé en mars 1992 par la ministre Lucienne Robillard qui reçut pas moins de 200 mémoires émanant de différents groupes et individus intéressés par cette question. D'entrée de jeu, la ministre indiquait qu'elle n'excluait aucune solution pour régler les problèmes du réseau d'enseignement collégial, indiquant même que des changements de cap majeurs seraient amorcés au terme de la commission parlementaire. Diverses solutions ont été proposées par les différents intervenants: de la remise en cause de certains cours au contrôle des cours et des diplômes par les cégeps, d'une contribution financière modulée pour les étudiants qui prolongent anormalement leur séjour d'études au désengagement radical de l'État, de l'évaluation externe des cégeps à leur abolition pure et simple, telles sont certaines avenues de solution explorées par les participants. Au terme de ces travaux, la ministre a conclu à l'urgence d'un renouveau, à une réforme des cégeps sans les abolir.

L'année 1992 fut aussi celle d'une politique culturelle présentée par la ministre Liza Frulla-Hébert et déposée à l'Assemblée nationale le 19 juin. Transformation du ministère des Affaires culturelles, budget triennal supplémentaire pour soutenir la nouvelle politique, création d'un Conseil des arts et des lettres, place prépondérante accordée aux créateurs, aux artistes, aux organismes artistiques et aux industries de la culture, modification de plusieurs lois comme celles sur la Société générale des industries culturelles, sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre, ce sont là les principaux points d'une politique attendue depuis longtemps et qui vise à mettre à contribution de nombreux partenaires et plusieurs ministères à vocation économique ou sociale. Dans un éditorial fort louangeur, la directrice du Devoir, Madame Lise Bissonnette, estimait que cette politique globale de la ministre devrait «en finir avec la marginalité de la mission culturelle de l'État» (Le Devoir, 20 juin 1992). Le 25 novembre, la ministre déposait deux projets de loi pour concrétiser cette politique. Le premier (le projet de loi 52) visait à restructurer de fond en comble le ministère des Affaires culturelles en créant un véritable ministère de la Culture; le second (le projet de loi 53) instituait un tout nouveau Conseil des arts et des lettres, considéré comme le pendant québécois du Conseil des arts du Canada. Organisme autonome, mais placé sous l'étroite surveillance de l'État, ce Conseil aura son siège social dans la capitale, comme il se doit, en dépit des prétentions de Montréal qui recevra tout de même un bureau régional pour assurer des services aux clientèles de l'Ouest de la province. Les deux projets furent adoptés le 21 décembre.

Avec l'éducation et la culture, la langue vient compléter cette trilogie culturelle qui a fait souvent les manchettes durant l'année 1992. Déjà, au cours de l'hiver et du printemps, le gouvernement avait fait entendre différents sons de cloche à l'effet qu'il pourrait assouplir la réglementation de la loi 101, de même que la loi 178 sur l'affichage public pour laquelle l'utilisation de la clause dérogatoire viendra à échéance en décembre 1993. Autres sons de cloche: l'ouverture du débat sur l'opportunité de faciliter l'accès à l'école anglaise ainsi que le retrait du statut bilingue d'une municipalité, comme dans le cas de Rosemère. Ces différents coups de sonde, présentés comme des sujets à analyser plus profondément dans l'avenir, visaient à mesurer les premières réactions de l'électorat sur ces questions épineuses et trahissaient en même temps les divisions du gouvernement Bourassa, les états d'âme du ministre Claude Ryan, responsable du dossier linguistique, et surtout la volonté de ce dernier de procéder à certains changements. Le rapport Chambers avait d'ailleurs ouvert le débat sur certaines de ces questions, dont celle de l'accès à l'école anglaise, que l'on croyait résolues depuis l'adoption de la loi 101 et de la loi constitutionnelle de 1982.

Le 2 décembre, le ministre Ryan annonçait à l'Assemblée nationale qu'il y aurait un débat public sur la question linguistique en 1993, indiquant qu'il annoncerait dans les prochains jours les modalités de ce débat et souhaitant que cette question soit abordée «de façon responsable» par tous les participants. Dans une lettre adressée le Il décembre au président du Conseil de la langue française, il demandait à cet organisme de lui fournir d'ici la fin du mois de mars 1993 un avis sur cinq questions importantes touchant la loi 101: modifications ou non des articles qui traitent de l'affichage public, de la publicité commerciale et de l'affichage des raisons sociales; modifications ou non des articles qui règlent l'admission à l'enseignement en langue anglaise aux niveaux primaire et secondaire; modifications ou non des conditions qui président au retrait du statut de villes ou d'organismes bilingues; assouplissement de la loi afin qu'elle puisse prévoir certaines exceptions à la signalisation routière dans des situations où l'usage d'une langue autre que le français peut être requis pour des motifs de sécurité publique ou de santé; et enfin, modifications ou non à la loi de façon à promouvoir le français dans les entreprises qui ne sont pas astreintes à l'obligation de détenir un certificat de francisation.

«Éloignez de nous ce calice», écrivait l'éditorialiste Jean-Jacques Samson, se demandant ce que recherchait le gouvernement Bourassa en rallumant le brasier linguistique (Le Soleil, 14 décembre 1992). Le gouvernement du Québec ne peut déléguer ses obligations, estimait pour sa part Madame Lise Bissonnette, ajoutant que le «statut de la langue française, au Québec, découle de l'idée même que le gouvernement se fait du Québec» et que c'est là un travail difficile et perpétuel qu'on ne saurait confier à des sous-traitants (Le Devoir, 16 décembre 1992). Pour sa part, le chef de l'Opposition, M. Jacques Parizeau, jugeait que le gouvernement libéral lui avait fait «un cadeau» en décidant de rouvrir le débat linguistique dès maintenant et qu'il n'en demandait pas tant au Premier ministre Bourassa en ce temps des Fêtes.

C'est certainement là un débat à suivre et qui va marquer profondément la vie politique au Québec au cours de l'année 1993.